Université Victor Segalen Bordeaux 2
Faculté des Sciences de l'Homme
L'universitarisation de la profession infirmière
Une approche historique et pratique de l'étude
de l'évolution de la profession infirmière
Mémoire de Licence
Mention Sciences de l'Éducation
Présenté par
Gaïta LE HELLOCO-MOY
Sous la direction de
M. le Pr. Alain MARCHIVES
L'universitarisation de la profession infirmière
Une approche historique et pratique de l'étude
de l'évolution de la profession infirmière
À Arnaud, Chloé, Alexia et Nicolas,
avec qui chaque nouvelle journée est toujours plus belle
qu'hier...
Je remercie tout particulièrement Yann Le Helloco mon
relecteur le plus exigeant.
Sommaire
Introduction
7
1-Historique
8
1-1-Les racines de la profession
infirmière
8
1-1-1-Avant 1878 :
8
1-1-2-De 1878 à 1918 :
8
1-1-3-Après 1945 :
9
1-2-Histoire d'un diplôme
9
2-La réforme
11
2-1-Les revendications des étudiants
infirmiers
11
2-2-Les revendications des professionnels
14
2-3-Réalité du soin infirmier
d'aujourd'hui
14
2-4-Prérequis à l'évolution de
la formation
16
2-5-Réforme et attractivité
16
2-6-Réforme et VAE
17
2-7-Une voie pour l'avenir : la recherche en Soins
Infirmiers
17
2-8-Le rapport du gouvernement
19
3-Analyse
19
3-1-Questions de départ
19
3-2-Méthodologie
20
3-3-Terrain
22
3-4-Synthèse des entretiens
23
3-5-De l'évolution des pratiques à
celle de la formation ou inversement ?
25
3-6-Imaginer l'avenir
26
Conclusion
29
BIBLIOGRAPHIE et SITES INTERNET
30
1.Ouvrages et articles
30
2.Sites internet
31
Annexe n°1
32
Rapport de l'IGAS et l'IGAERN du 8-12-08
32
Aspects positifs :
32
Aspects négatifs :
33
Annexe n°2
34
Guide d'entretien
34
Annexe n°3
35
Présentation des entretiens auprès
d'infirmier(e)s DE
35
Entretien avec Juan Martin le 7-11-08,
17mns :
35
Entretien avec Marie-Hélène le
15-01-09, 14mns :
35
Entretien avec Marion le 15-01-09, 12mns :
36
Entretien avec Delphine le 30-01-09,
13mns :
36
Entretien avec Armelle le 2-02-09, 16mns :
36
Entretien avec Etienne le 6-03-09, 13mns :
37
Entretien avec Isabelle le 6-03-09, 9mns :
37
Annexes n°4
38
Réforme 2009 IFSI
38
(Instituts de Formations en Soins Infirmiers)
38
En pratique :
38
Introduction
Au départ de cette recherche, il y avait un postulat
incontournable : pour pouvoir effectuer une recherche il faut s'abstraire
de ce que l'on croyait savoir. « Le fait scientifique est
conquis, construit, constaté », telle qu'affirmée
par BACHELARD et reprise par d'autres sociologues par la suite1(*), est une réalité
difficile à mettre en oeuvre. Il m'aura fallu de long mois pour essayer
de comprendre l'enjeu de cette démarche et d'enfin en apprécier
la résultante. Alors qu'au premier abord je pensais conforter ce que je
croyais être, voir ce qui se devait d'être, je me suis
retrouvée bousculée dans mes croyances et cette interpellation
m'a permis enfin de démarrer cette recherche non plus comme un exercice
théorique imposé mais comme un travail de recherche autour d'un
sujet a la fois fondamental et énigmatique : ce que souhaite la
profession infirmière pour elle-même.
Pour parler de la profession infirmière, je me suis
basée sur deux axes, l'un diachronique en me replongeant dans le
passé de l'avènement de l'infirmier d'aujourd'hui, qui a
découvert le masculin d'une profession, et l'autre synchronique en
partant d'abord d'une revue de la question des écrits professionnels
pour ensuite aller confronter mes hypothèses au terrain, directement
auprès de ces infirmiers dont les propos résonnent encore
à mes oreilles. Ainsi, après avoir exploré l'historique de
l'évolution de la profession infirmière nous verrons
l'évolution actuelle de la formation de cette profession pour ensuite
explorer l'adéquation entre cette réforme et l'évolution
des pratiques.
Bien que ce travail m'ait énormément
apporté de réponses, il a aussi apporté d'autres
questionnements permettant d'entrevoir l'étendue du travail à
fournir dans ce domaine.
La santé est un domaine déjà
exploré mais le soin infirmier reste encore peu regardé au sein
de la communauté scientifique et ceci va peut-être changer.
1-Historique
1-1-Les racines de la
profession infirmière
1-1-1-Avant 1878 :
L'hôpital est d'abord un lieu de charité et ne
deviendra lieu de soins qu'au vingtième siècle aux alentours des
années soixante c'est-à-dire tout récemment. C'est la
misère et les grandes épidémies qui créent les
premiers hôpitaux. Ils sont alors des oeuvres de charité
créés par des congrégations religieuses où les
soins n'ont rien à voir avec leur équivalent d'aujourd'hui. Dans
ces hôpitaux, il existe deux catégories de personnes :
· D'une part les religieuses qui dirigent et
organisent
· D'autre part le personnel domestique constitué,
en grande majorité, de prostituées dont la moralité
douteuse leur donnent obligation de servir les miséreux.
1-1-2-De 1878 à 1918
:
Dans un premier temps, on rencontre une volonté de
remplacer les religieuses par des laïcs permettant, en parallèle,
le développement des dispensaires.
A la fin du dix neuvième siècle, les
découvertes de Pasteur remettent en cause l'organisation complète
de l'hôpital avec la mise en place d'une politique de l'hygiène.
Conjointement, l'état intervient de plus en plus. Une nouvelle
infirmière apparait alors dont la mission est très proche de
celle de la religieuse, devoir et assistance, mais qui est démise de sa
fonction religieuse. Les qualités requises sont alors
« vocation, idéal, enthousiasme, bonté,
dévouement, oubli de soi, courage, énergie, sang-froid,
méthode, obéissance, discipline, respect de la hiérarchie,
politesse, tact, bonne humeur, propreté, ordre, économie et
initiative »2(*).
A partir de 1878, les premiers cours infirmiers sont
créés dans les principaux hôpitaux de Paris ; la
formation dure 8 mois et est accessible à l'ensemble du personnel de
l'assistance publique. Ces cours ayant lieu le soir après la
journée de travail et s'adressant à des femmes logées sur
place dans des dortoirs, peu de soignantes sont formées et les
religieuses demeurent donc encore longtemps au chevet des malades.
A cette époque, Florence Nightingale ouvre la voie
à la profession d'infirmière en Grande-Bretagne.
A la fin du dix neuvième siècle, il existe
plusieurs types d'infirmières:
· L'infirmière de l'assistance publique
· L'infirmière visiteuse dont le champ d'action
sociale s'élargit
· Les religieuses
· Les infirmières de La Croix-Rouge
· Les infirmières des écoles privées
comme celle de Bagatelle à Bordeaux
Des rivalités apparaissent entre elles, fondées
d'une part sur l'origine sociale et d'autre part sur la formation suivie, que
chacune se targue d'avoir meilleure que l'autre.
Au début du vingtième siècle les
infirmières sont souhaitées par le corps médical comme des
femmes toujours prêtes à rendre service au médecin sans
faire preuve de réflexion aucune envers la prescription. Pourtant, la
profession d'infirmière entre dans une nouvelle période qui fera
de la servante bonne, brave et soumise, une professionnelle à la
formation spécifique, sanctionnée par un diplôme. Ceci ne
se fera pas sans mal car l'origine de la profession lui associe une forte
dimension philanthropique et a tendance à l'y cantonner.
1-1-3-Après 1945 :
Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que
l'infirmière va, progressivement, mettre en oeuvre des
compétences et des savoirs qui lui sont propres et lui donner cette
place spécifique dans le système de santé global. A cette
même époque, on assiste à une dispersion des soignantes
dans des lieux d'exercice multiples. Pour ce qui est de la formation, la
diversité des écoles et donc des programmes entraîne un
apprentissage réel, fortement axé sur la pratique du
métier.
1-2-Histoire d'un
diplôme
Léonie Chaptal, médecin, est à l'origine
de la fondation de la profession infirmière suite à un rapport
rédigé en 1921 sur la profession et la nécessité
d'une formation technique, d'une législation et d'un diplôme
d'Etat.
Un décret, le 27 juin 1922, institue trois brevets de
capacité en créant conjointement un conseil de perfectionnement
qui met au point les programmes des études, organise les examens et pose
les conditions de recrutement. L'Etat crée un diplôme mais permet
parallèlement l'embauche d'infirmières non
diplômées. Elles sont moins payées et donc
préférées à l'embauche, ce qui va avoir pour
conséquence le chômage d'un certain nombre d'infirmières DE
(Diplômées d'Etat) lors de la crise de 1929.
Le 18 février 1938, un décret dissocie la part
sociale de la part technique des soins en divisant alors la profession selon
deux axes : assistante sociale et infirmière DE.
C'est la loi du 15 juillet 1943, sous le régime de
Vichy, qui propose la première définition de la profession
infirmière. Cette même loi impose aux établissements
publics hospitaliers l'obligation de recruter des infirmières
diplômées d'Etat.
Après la seconde guerre mondiale, le
« baby-boom » engendre une forte demande en
infirmières alors que parallèlement les compétences
à acquérir et la liste des technicités requises ne cessent
d'augmenter.
Dans les années cinquante, la pénurie l'emporte
sur la compétence à tel point qu'environ 70% des soignantes ne
sont pas diplômées.
L'arrêté du 5 septembre 1972 écrit une
page historique de la profession en y inscrivant des caractéristiques
comme:
· L'infirmière est au service des personnes en
matière de santé
· L'infirmière est éducatrice de
santé
· L'infirmière est recrutée sur son
aptitude à penser et à agir
· L'infirmière doit collaborer avec les autres
travailleurs sanitaires et sociaux
La conception de cette nouvelle formation n'est alors plus
centrée sur la maladie mais sur la santé et la personne humaine.
Dès cet arrêté, la durée de formation passe à
28 mois pour atteindre 33 mois en 1979.
En 1966, l'Organisation mondiale de la santé
définit le rôle de l'infirmière en déclarant que
c'est à elle « qu'incombe le diagnostic infirmier,
l'initiative, la réactualisation des soins et le
contrôle ». La profession se voit alors responsable de son
évolution et la fonction infirmière se précise alors peu
à peu pour arriver, vingt cinq ans après, à la
réunion de la profession en un diplôme commun aux
infirmières de soins généraux et à celles
spécialisées en santé mentale.
Le décret de 1992 porte les études à 36
mois et 7 semaines. Le nouvel infirmier « tronc
commun » a montré depuis que la richesse de la profession
réside bien dans sa capacité à prendre en charge tout
malade quelle que soit la pathologie dont il souffre. Cette capacité
d'adaptation ne peut être qu'un plus à une époque où
la santé publique doit évoluer.
Aujourd'hui, dans la construction de l'espace européen
de l'enseignement supérieur et de la recherche, initiée lors
d'une conférence à la Sorbonne en 1998 par quatre pays
(Allemagne, Grande Bretagne, Italie et France), l'harmonisation des
études passe à l'échelle européenne. Les accords de
Bologne en 1999 qui ont été actualisés à Prague en
2001 puis à Berlin en 2003 sont l`avenir des études
supérieures et donc de la profession infirmière. Cette politique
concerne désormais 36 états de la « Grande Europe ».
Cet accord de Bologne présente les points essentiels
suivants :
· Etablir un système lisible de diplôme
· Adopter une architecture comparable des études
supérieures fondée sur trois niveaux (licence, Master, Doctorat
ou encore LMD)
· Développer des formations modulaires selon le
système européen de crédits dits ECTS (European Credits
Transfer System)
· Faire du continent européen un vaste espace
permettant facilement la mobilité des étudiants par la mise en
place de bourses de mobilité
· Faciliter la mobilité des enseignants et des
chercheurs et donner aux formations une dimension européenne
· Rendre cet espace lisible et attractif à
l'échelle du monde entier
· Intégrer les besoins de formation
professionnelle aux divers niveaux et répondre aux aspirations à
la formation tout au long de la vie
2-La réforme
2-1-Les revendications des
étudiants infirmiers
La FNESI (Fédération Nationale des Etudiants en
Soins Infirmiers) est une association loi 1901 qui agit indépendamment
de tout parti politique, de toute confession et de tout syndicat. La
fédération a su se faire reconnaître par le
Ministère de la Santé comme la seule structure
représentant les étudiants en soins infirmiers (ESI). Dans une
lettre d'information à tous les étudiants, Livia Lainé, sa
présidente, exprime les revendications principales des étudiants
infirmiers aujourd'hui :
« Aujourd'hui, aux vues de l'actualité de
notre formation et en tant que présidente de la FNESI, je me dois de
vous interpeller : Quelle réforme de nos études souhaitons-nous,
nous étudiants infirmiers, étudiants de l'enseignement
supérieur et étudiants européens ?
Actuellement, nous avons choisi une formation en
santé qui se veut stimulante et enrichissante, permettant une ouverture
d'horizon formidable. Cependant, nous pouvons remarquer qu'elle n'est pas
forcément à la hauteur de ce qu'elle pourrait être.
Nous sommes étudiants
infirmiers
Notre future profession est une profession en
perpétuel mouvement ; notre formation se doit d'évoluer avec elle
! Comment ne pas regretter des décalages entre les apports
théoriques et la réalité du terrain lorsqu'on sait que le
contenu du programme de la formation n'a pas été modifié
depuis 1992 !
Il nous faut donc une réforme de nos études
répondant aux questions spécifiques à notre filière
impliquant l'incorporation de nouvelles thématiques (évolution
des soins, pratique de l'anglais et d'informatique, sciences humaines) et une
approche différente des stages et de certains cours.
Il faut donner la possibilité à ceux qui le
souhaitent de poursuivre leurs études et d'approfondir certains domaines
et ce, de manière reconnue. L'accès à la recherche nous
permettrait aussi de développer une expertise infirmière,
d'être nous-mêmes acteurs des évolutions en santé et
ainsi de réactualiser régulièrement la formation initiale
par la réinjection de ces nouvelles connaissances.
Nous sommes étudiants français de
l'Enseignement Supérieur (car post BAC)
Ce statut, acquis depuis 1992, devait améliorer nos
conditions de vie et d'études, mais nous constatons bien que nous
n'ayons pas accès, dans les faits, aux même services que nos
copains de l'université, parce que le Ministère de la
Santé n'est pas à même de nous garantir ce qu'assure le
Ministère de l'Enseignement Supérieur :
· le respect de la démocratie
étudiante grâce à la participation aux décisions,
à la création des maquettes de formation, du projet
pédagogique et la représentation des étudiants dans les
conseils, du local au national, avec par exemple l'élection du
représentant de l'établissement de formation (chez nous le
directeur)
· L'amélioration des conditions sociales
des étudiants infirmiers avec : la revalorisation annuelle du montant
des bourses d'études ainsi que l'accès à l'ensemble des
services sociaux du CROUS (accès au logement étudiant, à
la restauration universitaire, à des assistantes sociales, à des
allocations d'urgence, au sport, etc.)
· Les passerelles entre formations de
santé et la conservation des acquis lors de réorientation ou
d'échec de la formation
Pour stopper cet écart croissant entre
étudiants en santé non universitaires et étudiants
universitaires, il nous faut donc une réforme de nos études qui
réponde aux questions relatives à notre statut d'étudiant
de l'enseignement supérieur.
Nous vivons en Europe
Et en 2008, il est impossible d'envisager une
réforme sans prendre en compte la dimension européenne. Car
l'Europe, c'est la libre circulation des biens et des personnes, donc des
étudiants ! Pour cela, il faut des repères communs (durée
d'études, système de comptabilisation des acquis, d'objectifs de
stage ...) permettant une harmonisation et une lisibilité de nos
diplômes dans les différents pays. Ces repères existent et
sont définis par le processus de Bologne. Deux repères
primordiaux :
- le système LMD
- les Unités d'Enseignements (UE) associant les
crédits ECTS pour valider les années d'études.
Il nous faut donc une réforme de nos études
qui réponde aux exigences européennes et ne pas se mettre
à l'écart du monde ! A la lumière de tous ces
éléments, il est impossible d'envisager autre chose qu'une
réforme profonde de la formation pour répondre à
l'ensemble des problématiques citées pour l'ensemble des 80 000
ESI de France.
Les clés de cette réforme sont belles et
bien :
- l'intégration au système universitaire,
pour appliquer ensuite le processus de Bologne
- l'utilisation du système ECTS
- la mutation du statut des IFSI en Instituts
Universitaires
- la transformation du statut des formateurs
- l'accès aux Master et Doctorat
- un diplôme unique : diplôme universitaire
d'exercice
Tout ceci ne peut se faire sans une cogestion à
part égale de la formation par le Ministère de la Santé et
le Ministère de l'Enseignement Supérieur. Seule solution pour
reconnaître à leurs justes valeurs, et de manière
intelligente et cohérente, nos trois années d'études, mais
aussi l'envie d'avancer, l'évolution de carrière, le statut
d'étudiant, l'engagement associatif et contribuer à
l'attractivité de la formation.
Ce rêve est si réalisable ! Tous les
outils existent déjà et toutes les questions ont une
réponse concrète et adaptée.
La FNESI est Votre fédération. Elle est la
seule fédération représentative des étudiants en
soins infirmiers (ESI), reconnue comme telle par le Ministère de la
Santé. Elle travaille au quotidien, avec sérieux et rigueur, sur
les problématiques des ESI, dans le domaine social, celui de la
réforme des études, des conditions d'études et de la
défense des étudiants, sans oublier celui de la vie
associative.
Dans ce sens, nous avons toujours été
attentifs à ce que les propositions des étudiants soient prises
en compte et nous restons vigilants quant au risque d'une réforme allant
à l'encontre de cette évolution naturelle et
cohérente.
Associativement vôtre,
Livia LAINÉ, présidente de la
FNESI »
Cette lettre ne demande pas plus de recherche, les
étudiants considèrent donc la réforme LMD comme une
« suite logique de notre formation »3(*)et exige que cette réforme
« ouvre la voie de la création d'une filière
infirmière universitaire »2(*).
2-2-Les revendications des
professionnels
Au départ de cette recherche, un écueil m'est
apparu immédiatement : les infirmiers DE sont aujourd'hui en France plus
de 470 0004(*) mais aucun
organisme n'est encore capable de se revendiquer comme le porte-parole de cette
profession. L'ordre infirmier, en cours de réalisation, pourra
peut-être permettre de préciser certaines exigences de la
profession mais, pour l'instant, il faut se contenter de synthétiser
l'ensemble des points de vue exprimés.
2-3-Réalité du
soin infirmier d'aujourd'hui
Même si l'histoire de cette profession, marquée
par le dévouement, a laissé des traces représentées
par des valeurs fortes souvent à l'origine du choix de ce métier,
à ce jour, les infirmiers sont surtout mobilisés par la
reconnaissance de leurs compétences et de leur
professionnalisme.5(*)
Profession au carrefour des professions médicales et des autres
professions paramédicales elle joue un rôle essentiel dans notre
système actuel de santé.
L'infirmier a un rôle d'interface entre la technique, le
social, l'éducatif et le relationnel. Il a une vocation de
médiation et de coopération basée sur une approche
bio-psycho-sociale de la personne soignée.
Ses fonctions de liens sont :
· Fonction d'organisation et de coordination afin
d'effectuer les liaisons entre les différents professionnels de
santé
· Fonction de relation de l'homme avec lui-même et
son milieu
Son champ de compétences s'élargit toujours et
il est maintenant un professionnel de l'éducation à la
santé utilisant des approches des champs bio-psycho-sociaux, spirituels
et éducatifs par un professionnalisme de la communication verbale et non
verbale ainsi que des systèmes d'expertise et de polyvalence à la
fois.6(*)
Le savoir clinique infirmier prend sa source dans plusieurs
champs : la physiologie, la psychologie, la sociologie, l'anthropologie et la
psychosomatique. Il associe de nombreuses compétences à ces
savoirs :
· Maîtrises techniques
· Compétences relationnelles
· Connaissances du milieu professionnel
· Pratiques entre innovation et codification
· Développement de soi
· Et un rôle de conseil et de supervision de sa
propre profession à développer par l'exploration de nouveaux
champs comme l'expertise.7(*)
Ainsi, « l'évolution actuelle des pratiques
fait évoluer les métiers et notamment celui
d'infirmier.»8(*)
2-4-Prérequis à
l'évolution de la formation
Un organisme, le CEFIEC (Comité d'Entente des
Formations Infirmières et Cadres), a entamé le travail
indispensable à l'évolution de la formation infirmière :
le référentiel des compétences et des domaines
d'activités.
Ce travail a permis à cet organisme d'imaginer des
enseignements communs possibles aux professions paramédicales sur :
· La législation
· L'économie de la santé
· L'éthique
· La psychologie
De par cette formation commune on peut alors aussi entrevoir
les passerelles possibles en cours de formation. Ces passerelles sont reprises
et développées par l'UIPARM (Union Interprofessionnelle des
Associations de Rééducateurs et Médico-techniques) lors
des concertations pour une inscription des professions paramédicales
dans le système LMD (Licence-Master-Doctorat). Ce futur n'est pas encore
construit mais l'on peut croire qu'un impact commun à l'ensemble des
filière devrait voir le jour et que dans un avenir
indéterminé ce type de recherche devrait pouvoir être
élargi à l'ensemble du champ de la santé.
2-5-Réforme et
attractivité
Depuis plusieurs années, le système de
santé doit faire face à une pénurie d'infirmiers. Un taux
de non-remplissage des écoles sans cesse croissant entraîne avec
l'abandon en cours de formation un déficit supérieur à 30%
depuis les années 2000 par rapport aux quotas
prévisionnels.9(*)
La logique comptable ne suffit pas à faire face à la
pénurie et les exemples des infirmières recrutées dans la
CEE comme du rappel des « jeunes » retraités le
montrent bien car ils n'ont pas résolu le problème.
Parce que les infirmiers sont indispensables au système
de santé, il faut rendre ce métier plus attractif et, sur ce
point, professionnels, syndicats et pouvoirs publics sont en accord. On peut
alors imaginer que le passage de la formation IDE ( Infirmier
Diplômé d'Etat) au système LMD puisse être un des
leviers de cette attractivité par la reconnaissance de cette profession
à un niveau universitaire européen en adéquation avec les
accords de Bologne.
2-6-Réforme et VAE
Je ne pouvais pas discuter de cette universitarisation sans
aborder l'antithèse de la formation initiale : la VAE (Validation des
Acquis de l'Expérience). Les domaines de la santé étant
les plus porteurs de certifications10(*), il me semble que la question de la VAE comme frein
ou moteur de la réforme doit être posée.
Si l'on reste dans le modèle français où
le diplôme a valeur immédiate sur le marché du travail,
c'est donc la qualification basée sur la formation et le diplôme
qui a cette valeur11(*) et
la VAE serait alors un frein puisque l'exercice ne pourrait se faire sans le
diplôme.
Si l'on privilégie les compétences et la
reconnaissance des aptitudes et des expériences individuelles, la VAE
semblerait alors être plutôt moteur de cette réforme en
utilisant chacun des professionnels en place pour réorganiser la
formation en adéquation avec la réalité du terrain. Etant
donné « le glissement sémantique actuel de la
qualification aux compétences »12(*)il faut penser que la VAE
devrait aider l'évolution perpétuelle de la formation et devrait
donc pouvoir s'inscrire également dans le processus de passage au
système LMD.
2-7-Une voie pour l'avenir : la
recherche en Soins Infirmiers
« Sommes-nous prêt à accepter la
suprématie de l'esprit, de la pensée, du savoir, dans un secteur
où jusqu'ici la position, le grade, confèrent
l'autorité? »
Marie Odile Galant, Directeur des Soins,
Coordinateur des IFSI, CHU de Nantes
L'universitarisation est un mot complexe pour une notion floue
qui a permis de fédérer la profession infirmière dans les
espoirs d'une filière universitaire motion Soins Infirmiers.
En 2004, lors de la conférence des présidents
d'université, le ministre de l'éducation nationale
réaffirme sa volonté « d'ouvrir le chantier de
l'application de la démarche LMD aux formations du secteur
santé ». Il insiste sur le fait qu'il lui semble parfaitement
possible « de conjuguer formation professionnalisée et
initiation à la recherche ».
La recherche en soins infirmiers pourrait permettre
« d'enrichir le grand chantier de la santé publique d'un
apport infirmier » 13(*)et il faut donc voir l'universitarisation comme
« une ambition et un moyen »14(*) et non pas comme une fin en
soi. Le passage à cette universitarisation peut avoir des
conséquences non seulement pour la profession mais aussi pour la
société car elle changera les représentations des
pratiques de soins, par là-même engendrant la transformation de
leur place dans notre société par un regard renouvelé sur
la santé. Pourtant, la question se pose aujourd'hui en termes de
« divergence entre des diplômes de pratique et des
diplômes académiques »15(*) alors que la profession doit s'engager dans un
travail personnel surtout dans les champs de l'enseignement et de la recherche
et, plus largement, des sciences sociales intéressées par le
développement des soins infirmiers.
Si certains pensent que ce passage peut « aider
à forger les aptitudes au changement, stimuler ce qu'on appelle la
réflexivité, le questionnement sur l'ordre
établi », c'est un grand chantier qui s'ouvre et qui est
à investir par la profession infirmière tout d'abord comme
« celui de la formation des enseignants et chercheurs dont elle a
besoin pour établir cette fameuse discipline ».13(*) « Ce chantier oblige
à affronter la tension qui ne peut que surgir entre les
infirmières qui dispensent les soins et celles qui
pensent ».16(*)
Alors pourquoi produire des savoirs infirmiers ? Pour faire
entendre une voix méconnue mais spécifique, voix qui n'est pas
entendue aujourd'hui dans les reconfigurations en cours des politiques de
santé par difficulté de se faire entendre. Parce qu'
« un jour est venu où la vérité s'est
déplacée de l'acte (...) d'énonciation, vers
l'énoncé lui-même »17(*), l'émergence d'une
discipline universitaire nouvelle devrait permettre une meilleure
compréhension des soins offrant « une réelle
opportunité pour les usagers dans la mesure où la qualité
des soins ne pourrait qu'être optimisée ».18(*)Cette discipline pourrait
s'appuyer sur « trois principes, l'universitarisation, la
professionnalisation et avec la VAE la personnalisation ».16(*)
2-8-Le rapport du
gouvernement
Suite à une longue attente de plus d'un an,
l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et
l'Inspection Générale de l'Administration, de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche (IGAENR) ont remis leur rapport le 8
octobre 2008 sur l'évaluation de l'impact du dispositif LMD sur les
formations et le statut des professions paramédicales19(*).
Après lecture de celui-ci, je me suis glissée
dans la peau de tous ceux qui s'étaient exprimés avant pour en
faire une approche critique relative aux attentes de tous les auteurs
professionnels actuels de ce sujet.
J'ai ainsi repris les aspects positifs comme les
négatifs en récapitulant et synthétisant les points qui me
paraissaient importants. Vous retrouverez ces aspects en annexe n°1.
3-Analyse
3-1-Questions de
départ
Ma question de départ se portait plutôt sur la
volonté ou non d'une réforme de la part des infirmières.
Après l'étude des écrits de la profession, il
s'avère que cette question n'a plus lieu d'être puisque que la
réforme est en marche. En exergue à cette question, une autre
s'est révélée sur l'évolution de la profession.
Je n'aborderais pas le point de vue médical ici car la
compréhension entre le médical et le paramédical me semble
trop difficile à aborder sans avoir les moyens de l'approfondir
suffisamment étant donné le niveau de recherche où je me
situe.
Cependant, il existe sûrement une variable que je ne
peux prendre en compte en ne m'attachant que sur les écrits
professionnels : ceux qui s'y expriment ne sont pas ceux qui vivent la pratique
au quotidien. Pour conceptualiser le soin, il faut se donner les moyens de
prendre du recul et donc de se positionner dans une approche différente
de ceux qui exercent sans forcément réfléchir au pourquoi
et au comment, de pouvoir se dégager du temps et in fine
d'entrer dans la skholè.
A mi-chemin entre l'infirmière de terrain de celle qui
cherche à conceptualiser les pratiques de par mon projet professionnel
d'enseignement qui explique ce travail aujourd'hui, je ne suis pas neutre dans
cette recherche mais mes acquis me permettent un engagement prégnant
pour entrer dans le cadre de référence des problématiques
concernées.
Parce que je veux aller plus loin dans la théorie,
essayer de comprendre et affiner les comportements, je souhaite confronter le
terrain et l'explication compréhensive du monde social.
Quel avenir se dessine aujourd'hui pour les infirmiers par le
biais de la réforme de leurs études ?
La recherche est-elle l'instrument prépondérant
désiré par les infirmiers pour leur permettre d'être
acteurs de l'évolution de leur profession ?
3-2-Méthodologie
Etant donné la richesse pressentie du matériel
des réponses, j'ai préféré utiliser une
méthode qualitative par un recueil de données effectué par
entretiens. Pour cela, j'ai choisi l'entretien compréhensif20(*) pour me permettre de faire une
analyse critique de ce que me diront les praticiens en leur permettant, par une
écoute attentive et une prise de distance, de s'engager dans leurs
réponses afin d'explorer plus avant les concepts de départ.
Utilisant en grande partie les techniques de l'entretien semi-directif21(*) ces entretiens ont pour but
une vérification de l'évolution de la profession
infirmière telle qu'annoncée vers la recherche et un
approfondissement de la répercussion de l'universitarisation de cette
profession sur son avenir.
Le guide d'entretien que j'ai utilisé n'a
été qu'un guide et les entretiens se sont déroulés
au gré du récit de la personne interrogée certains
demandant de l'aide pour mieux s'exprimer d'autres parlant sans
difficulté ni besoin d'aiguillage autre que le thème
abordé (cf. annexe n°2, guide d'entretien).
Afin de ne pas être reçue comme un poids
supplémentaire à la charge de travail et en accord avec les
hiérarchies des personnes interrogées, j'ai
préféré me présenter directement sur les lieux de
travail pour y effectuer les entretiens.
Le choix des différents lieux s'est fait au mieux des
locaux présents avec le souci d'une recherche de calme et de distance du
travail en lui-même.
Deux entretiens ont été réalisés
hors du lieu de travail car les professionnels étaient dans un exercice
à domicile.
Dans la mesure du possible j'ai essayé
d `éviter les faces à faces par un positionnement de biais
afin de ne pas être dans la confrontation mais plutôt dans
l'écoute de l'autre. De la même manière, la distance d'avec
mon interlocuteur était de préférence en-dessous du
mètre, pour ne pas empêcher le mode de la confidence qui me
paraissait parfois à même de m`apporter des réponses plus
riches.
Ma présentation personnelle a été celle
d'abord d'une infirmière seule capable de donner confiance aux autres
infirmières selon l'ensemble de mes collègues directes
interrogées : les 14 infirmières interrogées ont
répondu qu'elles faisaient confiance à une infirmière ce
qui n'aurait pas été systématiquement le cas si
j'étais étudiante car peu crédible
Le partenariat avec l'université me permettait de
présenter mon sujet sans avoir à l'expliciter car il s'inscrivait
directement et naturellement dans cette association
infirmière-université. J'ai décidé de parler d'une
recherche auprès des praticiens pour faire entendre leur voix qui n'est
la plupart du temps pas prise en compte car plutôt citée à
titre d'exemple et/ou d'illustration. Cette présentation étant
ambitieuse, je me suis située comme une professionnelle soucieuse de
redonner la parole à notre profession en utilisant le biais de ma
formation actuelle pour soutenir ma légitimité et capacité
à mener cette étude à bien.
J'ai arrêté le nombre d'entretiens à 7
réalisant que la diversité des professionnels ne venait
absolument pas des lieux d'exercice mais des professionnels en eux-même,
tous à la fois uniques, complémentaires et possédant une
identité professionnelle commune.
Pour ne pas rendre la lecture de la synthèse trop
lourde et fastidieuse, je l'ai rédigée comme un récit
retranscrivant uniquement ce qui pouvait étayer, dans le corps du texte,
sans forcément citer le professionnel ayant exprimé tel ou tel
phrase quand la pensée était commune à tous. Les citations
des professionnels sont entre guillemets et en italique pour mieux les
distinguer. Je n'ai pas retranscrit les entretiens dans leur ensemble mais j'ai
réalisé une image des professionnels rencontrés en
essayant de les représenter le plus fidèlement possible à
travers ce qu'ils m'avaient eux-même renvoyé lors de leur
entretien ( cf. annexe n°3). Cette image, plus parlante qu'un monologue ou
qu'un dialogue, permet de mieux appréhender la synthèse.
Choisissant de garder le récit comme fil conducteur de
la synthèse j'ai volontairement omis les présentations sous forme
de tableaux y préférant le texte, plus explicite sur ce sujet
à mon sens. Etant effectivement passée par le tableau pour
regrouper les réponses par items, je me suis rapidement
détournée de celui-ci pour plutôt tenter de
déchiffrer le sens réel de ce qui m'était livré
avec autant de sincérité et de clairvoyance que possible. J'ai
donc procédé à des écoutes
répétées jusqu'à presque connaître par coeur
les entretiens pour pouvoir redonner ce qui m'a semblé être le
plus proche possible de ce que les professionnels ont voulu exprimer.
3-3-Terrain
L'échantillon s'est établi assez naturellement
en fonction des disponibilités de chacun des professionnels qui ont bien
voulu me répondre et je les en remercie encore une fois ici.
Pour parvenir à un balayage de l'ensemble des
professionnels, j'ai choisi de les interroger selon leur lieu d'exercice :
· Un service de médecine au CHU
· Un service de réanimation chirurgical au CHU
· Des exercices à domicile
· Un service d'urgences d'un hôpital des
armées
Au sein de ces lieux, le choix de la (des) personne(s)
interrogée(s) s'est fait au hasard de la présence sur les lieux
et de la disponibilité pour me répondre. Je n'ai donc le
récit que des infirmiers volontaires pour ces entretiens.
Un premier écueil est apparu lorsqu'il a fallu
commencer les entretiens : la hiérarchie infirmière demande
beaucoup de justification pour pouvoir atteindre l'IDE en elle-même.
Cette découverte, alors que je suis moi-même infirmière,
peut sûrement être une première réponse à la
question suivante : pourquoi les infirmiers s'expriment-ils aussi peu sur
leur profession ?
Ensuite, j'ai aussi découvert une profession à
bout de souffle dans une taylorisation de son travail, lui donnant l'impression
d'être aux limites possibles de ses capacités avec le sentiment de
faire de la productivité dans un domaine où elle aimerait prendre
son temps. De nombreux services n'ont pas pu détacher la vingtaine de
minutes que durait mon entretien par défaut de personnel que cela soit
dû à des arrêts maladie non remplacés comme à
un manque perpétuel dû à une impossibilité
d'embauche de par l'absence même d'IDE sur le marché du travail.
Dans cette ambiance où une profession souffre du
manque, l'attractivité revendiquée dans cette réforme
semble effectivement être vitale pour que les soins puissent continuer
d'être assurés avec le niveau de qualité requis.
Cet état de fait peut également être une
explication au peu de recul qu'ont les professionnels sur leur pratique et le
peu de conceptualisation fait au sein même des différentes
structures puisque je n'ai retrouvé aucun temps institutionnel pour
échanger sur les pratiques et la profession en elle-même.
3-4-Synthèse des
entretiens
Alors que le premier entretien réalisé me
donnait l'enthousiasme du fondement de ma question de recherche, au travers de
réponses extrêmement similaires à celles que j'aurais pu
moi-même donner, les autres m'ont beaucoup plus bousculée,
remettant en question l'ensemble des hypothèses construites durant la
revue de la question.
Pour comprendre ce qu'ils ont voulu me dire sans pour autant
remettre en question la véracité de leurs propos j'ai
écouté et réécouté ce que tous ces
professionnels m'ont dit.
Une fois imprégnée de leurs propos, j'en ai
dégagé des similitudes ainsi que des divergences pour ensuite
pouvoir analyser ces réponses.
Une première réalité s'est imposée
dès le départ, c'est la connaissance mesurée de la
réforme en cours des études menant à leur profession.
Quelle que soit l'année d'obtention du diplôme et même pour
ceux qui viennent juste de terminer leurs études, la réforme
actuelle est vague, floue et ne comporte que des questionnements face à
l'avenir sans aucune certitude. Ce manque d'information constaté ne
semble pas déranger les professionnels qui me posent peu de questions
à ce sujet alors que je me présente comme
« experte » en ce domaine. Pourquoi ce déficit de
demande sur le sujet ?
Ensuite, il s'avère que les craintes d'une
réforme sont palpables puisque les professionnels interrogés
mettent leurs attentes sous le même versant que les craintes ;
ainsi, lors de l'entretien de Marion, elle me dit : « il y a
quand même un petit avantage c'est que les étudiants arriveront et
logiquement ils auront déjà eu toute la théorie donc quel
que soit le service où ils vont aller ils sont censés être
au clair [...]je ne suis pas convaincue du tout. Je pense que je serais
beaucoup plus exigeante. » En réalité seuls deux
professionnels sur les huit interrogés y voient de réels
avantages uniquement sur le plan de la valorisation du diplôme et aucun
d'entre eux ne pense que le changement de lieu et de forme ne peut apporter
quoi que ce soit à une formation qu'ils jugent déjà
exigeante et surtout professionnelle.
Derrière les réponses à mes questions
centrées sur la formation ils ont en effet tous été
unanimes sur le professionnalisme exigé par eux comme par l'ensemble de
la profession : « on risque d'être plus
exigeant », on émet des « craintes sur la
valeur professionnelle » ou encore plus « qu'ils
(les futurs professionnels) se fassent leur pratique au détriment des
patients qu'ils vont avoir sous leur responsabilité ».
Les infirmiers ne veulent rien perdre sur leur profession
actuelle, bien au contraire, ils ont des attentes multiples et
variées : « conserver leur rôle
propre » et même « développer notre
rôle propre »,
« reconnaissance »,
« possibilité de transmettre »,
« polyvalence » et à la fois
« spécialisation », « savoir
se remettre en question », « être
réceptif », « meilleure maîtrise des
gestes », « collaboration avec les
médecins », « notre métier
évolue »...derrière ces attentes on retrouve un
métier en pleine évolution avec différents profils
professionnels, des gens différents et se retrouvant pourtant dans
l'approche de leur métier qu'ils veulent tous à la mesure de la
demande du patient : Dans l'excellence.
Là où ils disent la différence j'ai
perçu la ressemblance quand Isabelle me dit « pourquoi
pas » à la filière commune
puisqu' « on travaille ensemble alors pourquoi pas une base
commune », elle dit aussi : « Il faut tout de
même les bases » et « il faut se recentrer
sur lui (le patient) car il est avant tout un être
humain ». Les autres revendiquent tous une
spécificité qui ne peut qu'y perdre dans la mise en commun des
études et, par la même, la perte de la filière
infirmière qui « existe déjà alors
pourquoi enlever une filière. »
Ainsi le professionnalisme est présent dans tous les
entretiens dans une volonté commune et très forte d'excellence de
l'exercice. Tandis que Marie-Hélène met l'accent sur «
la maturité relationnelle et professionnelle pour pouvoir
gérer un service ou des étudiants par la connaissance du
terrain », Delphine affirme que « la profession a
beaucoup évolué, de bénévole volontaire et
consacré, on arrive à un métier à part
entière que l'on écoute plus avec une meilleure reconnaissance de
l'IDE même si ce n'est que bac +2 », Etienne
note que « L'infirmier fait plus qu'accompagner le
médecin, il est à côté de lui » et
Juan Martin n'imagine l'avenir de l'infirmier qu' « à
travers la recherche en Soins Infirmiers. »
Ils se rejoignent également tous sur l'importance de la
spécialisation de certains infirmiers dans le contexte actuel de
l'évolution de la santé pour être en adéquation avec
elle : alors que penser de la méconnaissance absolue de la
recherche en soins infirmiers à l'exception notable de Juan Martin
interrogé dans le cadre de mon entretien test ?
3-5-De l'évolution
des pratiques à celle de la formation ou inversement ?
Difficile de parler de l'infirmière d'aujourd'hui sans
un petit détour par l'évolution de l'éducation en France.
En effet, le terme laïc a été introduit par Ferdinand
Buisson dans ses premiers discours sur l'instruction au début du
20e siècle. Aussi il me paraît essentiel de faire ici
un petit détour pour pouvoir mieux comprendre ce que peut être
l'infirmière laïque dont je parle depuis le début de ce
travail. Ce sont sûrement des valeurs communes avec l'éducation
qui ont fondé cette infirmière qui
« élève et unit les hommes à l'exclusion de ce
qui les divise.»22(*)
Ainsi, le parallèle aux réformes actuelles de la
filière de l'enseignement ne peut pas être ignoré de par la
similitude de métiers axés sur les hommes et leur devenir.
Peut-on imaginer un enseignant n'ayant jamais approché
un enfant avant de devenir enseignant dans une école ? Peut-on
imaginer une infirmière n'ayant jamais effectué une piqûre
avant de se retrouver face au malade à perfuser ?
Le problème de l'enseignement étant plus
facilement compréhensible par le public car concernant tout le monde ce
détour me permet de mieux vous expliquer le questionnement
supplémentaire apparu devant l'expression de professionnels de la
santé interrogés : ces professions peuvent-elles se passer
de la pratique ?
La réponse semble évidente si la question est
formulée ainsi mais pourtant la réalité est bien plus
complexe.
Le professionnalisme requis a été
prédominant tout au long des entretiens que j'ai effectués et
l'indubitabilité de la pratique ne peut être reniée
à aucun instant de la parole des infirmiers. Pourtant, la
méconnaissance de la recherche en Soins Infirmiers, alors que
l'expertise infirmière est pressentie comme une évolution
actuelle de la profession, me semble une des clés à
décrocher pour tirer le meilleur parti d'une réforme
déjà en marche. Conserver la pratique et la
« base » pour développer un rôle propre et
permettre des évolutions dans le cadre de la VAE est ce que l'on
pourrait appeler construire de bonnes fondations mais, pour que la profession
continue d'évoluer, il faut plus. Devenir une profession reconnue
à part entière, différente et non pas juste
complémentaire des professions médicales, c'est le pari qui
s'engage aujourd'hui à travers cette nouvelle réforme. Il est
temps pour les infirmiers de s'investir plus loin dans la recherche seulement
au stade des prémices en France, j'entends par-là non reconnue en
dehors de la profession en elle-même.
La réforme sur le système
Licence-Master-Doctorat peut ainsi permettre à certains d'entre nous de
s'interroger sur leurs pratiques afin de permettre à l'ensemble
d'évoluer par une identification à ceux qui
réfléchissent et sont issus de la profession. Bien sûr,
l'inquiétude actuelle touchant les métiers de l'enseignement ne
peut que mettre en garde notre profession contre une trop grande
« théorisation » du métier qui reste un
métier dont l'intelligence des pratiques est essentielle pour le
quotidien des patients qui doivent avant tout se retrouver face à des
professionnels de la relation et du soin. C'est dans ce positionnement,
qu'à mon sens et à travers de ce qu'ont exprimé les
infirmiers interrogés, il faut que cette réforme soit
abordée : en luttant pour conserver ce qui fait l'universalité de
la profession infirmière tout en permettant à celle-ci de
progresser et de continuer son évolution au sein même du champ de
la santé.
La recherche en Soins Infirmiers, méconnue des
professionnels, est donc un instrument non négligeable pour la
profession en elle-même mais elle doit être menée en
accompagnant et en améliorant la pratique du métier.
3-6-Imaginer l'avenir
Difficile de prédire ici ce que sera demain alors que
rien n'est encore vraiment organisé, alors que les IFSI sont tout juste
en train de refondre leurs enseignements sans vraiment savoir ce que sera
réellement la formation future. La nouvelle refonte de la formation est
désormais en route et les IFSI viennent de rendre compte des
nouveautés auprès de l'ensemble des professionnels. (cf. Annexe
n°4)
Pour se mettre en accord avec la réforme LMD, la
formation infirmière se calquera désormais sur l'année
universitaire en suivant son calendrier et en concentrant les stages sur 10
semaines par semestre.
Comme à l'université, les étudiants vont
désormais valider des Unités d'Enseignement (UE) donnant lieu
à des ECTS (European Credits Transfer System) afin d'arriver à 6
semestres validant une licence.
Une UE de Sciences Infirmières apparaît pour la
première fois.
Cette nouvelle formation est donc dans le principe d'une
pédagogie par alternance mais sans prendre en compte les besoins en
formateurs découlant de cette alternance où la durée des
stages augmente alors que leur nombre diminue significativement et sans se
demander si les étudiants arriveront à prendre en charge
suffisamment leur formation.
La crainte des professionnels est palpable au quotidien dans
un contexte de pénurie et de pénibilité du travail pour
conserver voir augmenter la qualité de cette formation alors qu'à
ce jour le déficit d'IDE grandit et que l'échec des
étudiants de première année ne fait qu'augmenter.
Comment conserver la qualité quand l'encadrement ne
semble pas suffisant pour effectuer une pédagogie individualisée
et progressive adaptée à chaque futur étudiant ?
Ce mémoire étant réalisé au moment
d'une actualité brûlante de réformes dans toutes les
tranches de l'éducation et de la formation en santé comme en
sciences sociales, il est difficile ici d'avoir le recul nécessaire
à ce qui pourrait me permettre de me dédouaner de la situation
dans laquelle je suis directement impliquée. Pourtant, je ne peux
arrêter l'analyse de cette réforme sans un crochet vers les
étudiants eux-mêmes.
Je pense donc à tous ceux qui peuvent accéder
à des enseignements supérieurs grâce à la
proximité des IFSI dans de nombreuses villes et ne pourront faire de
même si ces IFSI disparaissent, ainsi que grâce à la
rémunération actuelle des stages de 2e et
3e année qui permet à de nombreux étudiants
d'arriver au terme de la formation sans trop souffrir financièrement.
Devons nous permettre un tel critère d'accès
supplémentaire ?
Certains étudiants apprécient grandement le lien
fort qui existe entre la théorie et la pratique au sein de la formation
actuelle aussi la question suivante se pose-t-elle ici : doit-on calquer
complètement la formation infirmière sur le mode
universitaire ?
Si l'on en croit Bertrand SCHWARTZ23(*), la formation
infirmière serait actuellement le type de formation permettant la
réussite par une pédagogie en alternance qui a fait ses preuves
quand on voit le professionnalisme affirmé durant le questionnement de
ceux qui sont actuellement sur le terrain. Cette formation, loin du
schéma classique des études universitaires doit-elle être
bouleversée pour l'ensemble de la profession ou ne faut-il pas permettre
à ceux qui le souhaitent de continuer leurs études dans une voie
universitaire mais seulement à ceux qui le souhaitent ?
La possibilité de devenir doctorant doit-elle
être accessible dès le cursus ou ne vaut-il pas mieux que celle-ci
soit limitée à des professionnels aguerris qui partent du terrain
pour réfléchir sur leurs pratiques ?
Autant de questionnements auxquels la refonte de la formation
nous permettra d'ébaucher des réponses, mais sera-t-il trop tard
pour orienter cette future formation sur un axe différent ?
Théorie versus pratique, il est difficile d'imaginer
qu'une bataille puisse s'engager entre ces deux concepts dans une profession
où l'un ne peut exister sans l'autre.
Pourtant des professions arrivent déjà à
rester en lien avec les évolutions constantes des pratiques et des
techniques et si l'on se réfère aux écoles
d'ingénieurs actuelles on peut imaginer que les professions de
santé puissent trouver une voie possible à la conciliation entre
l'évolution des pratiques et une formation théoriques de
qualité.
Le lien pédagogique entre les lieux de formation
théorique et ceux de formation pratique doit alors se renforcer et l'on
peut imaginer que les professionnels actuels vont mettre en place des outils
pour permettre un suivi et un encadrement de qualité répondant
à l'exigence de l'ensemble de la profession.
Pour épiloguer sans vraiment pouvoir arrêter un
positionnement étant donner la fluctuation palpable de la situation
actuelle ; je pense que la profession infirmière doit s'inscrire
dans cette nouvelle réforme en développant la partie
spécifique des Soins Infirmiers tout en gardant à l'esprit que la
formation a réellement besoin de cette réforme. Les pratiques
changent et il faut donc rester acteurs de ces changements, ne pas les subir
mais plutôt les investir. Sans perdre de vue la volonté
prégnante de l'excellence en terme de professionnalisme, il faut laisser
le champ théorique se développer tout en permettant aux valeurs
primitives de rester les fondements de la profession. L'étendue des
possibilités est offerte aujourd'hui alors que la réforme
démarre juste. C'est en faisant vivre cette réforme que les
solutions permettant l'indispensable adéquation théorie-pratique
apparaîtront comme indubitables comme elles le sont actuellement dans les
domaines en constante évolution que sont ceux des
télécommunications ou de l'informatique. Cette recherche demande
donc un peu de temps pour prendre le recul nécessaire à
l'existant pour ensuite utiliser plus les parallèles avec d'autres
métiers pouvant servir de béquille à une
réalisation optimale de ce grand bouleversement dans le champ de la
santé qu'est le réforme de la formation infirmière et des
autres filières paramédicales.
Conclusion
Durant ce travail, j'ai exploré un nouveau statut,
celui d'étudiant-chercheur. Ce statut est parfaitement nommé dans
mon cas car j'ai vraiment l'impression d'avoir découvert un monde
chargé de questions à explorer. Plutôt que de faire de ma
fonction et de mon état d'étudiante salariée un handicap,
j'ai choisi, au contraire, de tenter de m'impliquer un peu plus encore au sein
de ma profession tout en utilisant les compétences et les nouvelles
connaissances acquises. La recherche qui en a découlé m'a
accompagnée tout au long de cette mutation d'infirmière à
« infirmière-étudiante-chercheur ».
Grâce à ce parcours, j'ai pu redonner la parole à une
profession muselée par son histoire et un quotidien prenant. Maintenant
que je comprend mieux les valeurs communes et le professionnalisme qui
caractérisent le métier d'infirmier, il est plus facile pour moi
de décrypter les enjeux et les risques d'une telle réforme.
C'est dans le quotidien que l'on a trouvé les
réponses et c'est donc bien dans ce même quotidien que l'on
perçoit l'infirmier de demain, autonome, responsable, exigeant et
compétent. Cet infirmier doit prendre à son compte
l'évolution de son métier, connaître l'histoire de son
métier pour ensuite pouvoir aborder l'avenir. La voie universitaire peut
être un moyen d'évoluer, mais il n'est sûrement pas le seul.
L'infirmier ne doit effectivement pas oublier ce qui est la trame de son
métier et, pour cela, il doit demeurer plus que jamais fort du
savoir-faire et du savoir-être qui sont indispensables à cette
profession.
La réforme tant attendue est en train de se profiler et
je me vois impatiente de découvrir ce que la profession va en retirer,
ne doutant aucunement qu'elle en retirera des bénéfices
même s'ils risquent d'être assortis de certains travers. Nous avons
ici déjà pu aborder un certain nombre de perspectives futures
possible mais l'avenir devrait sûrement permettre d'en dégager
d'autres ne serait-ce que par l'évolution future des autres professions
de santé actuellement aussi au stade d'avenir plutôt que de
présent. Dans cet abord, et de par mon appartenance désormais
commune à la profession comme à l'université, je souhaite
ardemment continuer la réflexion sur le terrain de la formation
infirmière qu'elle soit initiale ou continue. Il me semble que la
profession ne peut que gagner à continuer de se questionner.
Qui formera l'infirmier de demain ? La formation
restera-t-elle l'apanage des cadres issus de leur fonction
professionnelle ?
J'espère que nous pourrons un jour répondre
à toutes ces questions et que nous le ferons sans avoir à rougir
des réponses données.
BIBLIOGRAPHIE et SITES
INTERNET
1.Ouvrages et articles
· ACKER Françoise, Formation universitaire et
recherche infirmière : un chantier pour la profession, la santé
et la société?, Revue Recherche en soins infirmiers, juin
2008, n°93, p122-124.
· BACHELARD Gaston, le nouvel esprit
scientifique, Paris, PUF, 1934.
· BOUDON Raymond, les méthodes en
sociologie, Paris, PUF, 1969.
· BOURDIEU Pierre, raisons pratiques, sur la
théorie de l'action, Paris, Le seuil, 1994.
· BOURDIEU & CHAMBOREDON & PASSERON & KRAIS,
le métier de sociologue : préalables
épistémologiques, Paris, Mouton Gruyter, 5e
édition 2005.
· CHARLES Geneviève, Les infirmières
en France : d'hier à aujourd'hui, Paris, Le centurion, 1979.
· COUDRAY Marie-Ange, CHABOISSIER Mercedes,
DUBOYS-FRESNEY Catherine, Profession Infirmière, quel avenir?,
Revue Soins Cadres, août 2004, n°51, p29-31.
· Entretien avec Guy JOBERT, Revue Sciences
Humaines, mars-avril-mai 2003, hors-série n°40, .
· FOUCAULT Michel, Histoire de la folie à
l'âge classique, Paris, collection tel, Gallimard, 1972.
· FOUCAULT Michel, L'Ordre du discours. Leçon
inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre
1970,Paris, Gallimard, 1971.
· GALANT Marie-Odile, L'universitarisation de la
formation en soins infirmiers en France : une opportunité pour les
professionnels, les usagers et le développement de la santé
publique, Revue Recherche en soins infirmiers, juin 2008, n°93,
p125-126.
· GHIGLIONE Rodolphe & MATALON Benjamin, les
enquêtes sociologiques, théories et pratique, Paris, Armand
Colin, 1998.
· JAUNAY Yves, De l'évolution des pratiques
à l'évolution des métiers, Revue Soins Cadres,
août 2004, n°51, p19.
· KAUFMANN Jean-Claude, l'entretien
compréhensif, 2e édition refondue, Paris, Armand
Colin, 2007.
· KNIEBIEHLER Yvonne, Cornettes et blouses
blanches, Paris, éditions Hachette, 1984.
· LECOURT Anne-Juliette, Me HAUT Philippe, La VAE
entre poursuite et inflexion du modèle français du
diplôme, Revue de l'IRES, mars 2007, n°55, p32-37.
· MOUNIER Pierre, Pierre Bourdieu, une
introduction, ParisPocket, La découverte, 2001.
· OUROUH Fatima, Système LMD, quelle
reconnaissance pour les infirmiers? , revue Soins, mai 2007, n°175,
p16.
· SCHWARTZ B., moderniser sans exclure, Paris,
La Découverte, 1994, 1997
· SCHWEYER François-Xavier,
L'universitarisation de la formation en soins infirmiers : les promesses et
leurs ombres, Revue Recherche en soins infirmiers, juin 2008, n°93,
p120-121.
· ST ETIENNE Mireille, Pour une expertise clinique
reconnue en Soins Infirmiers, Revue Soins Cadres, août 2004,
n°51, p35.
2.Sites internet
http://conseil-ordre-infirmier-ain.kazeo.com/
www.cadredesante.com
www.cefiec.com
www.icn.ch/french.htm
www.infirmiers.com
www.insee.fr
www.ires-fr.org
www.languedoc-roussillon.sante.gouv.fr
www.paca.sante.gouv.fr
www.sante.gouv.fr
www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/IMG//pdf/rapport_evaluation_impact_dispositif_LMD.pdf
www.travail.gouv.fr
ANNEXES
Annexe n°1
Rapport de l'IGAS et l'IGAERN du 8-12-08
Aspects positifs :
Il s'agit bien d'une reconnaissance d'un niveau de
qualification d'exercice des métiers paramédicaux
Il s'inscrit dans les accords de Bologne
La valorisation financière est jugée
légitime
La recherche d'attractivité est avancée par le
biais de passerelles entre les différentes formations, la
mobilité européenne engendrée
La préservation d'un contenu et d'une finalité
professionnelle
La conservation des IFSI reconnus comme organismes
compétents
L'évitement du phénomène de
massification des étudiants par le respect habituel des quotas
La mise en route rapide dès 2009 si le rapport est
appliqué
Aspects
négatifs :
La supposition d'une demande d'amélioration de
l'enseignement prodigué actuellement dans les IFSI
La supposition d'une tendance des niveaux pour les
infirmières évoquant l'apparition de nouveaux métiers
sans pour autant les évoquer
La supposition que les professionnels n'ont pas de langage
ni de culture communs à l'heure actuelle
La volonté de décloisonner les filières
médicales des paramédicales alors que les professionnels
revendiquent leurs spécificités
La supposition que les professionnels actuels ne font ni
recherche documentaire ni analyse de publications (sans évocation aucune
des publications autonomes existantes)
L'évocation de la recherche clinique sans parler de
la recherche en soins infirmiers
L'impossibilité pour les infirmiers de faire un
master recherche car issus d'une licence professionnelle et ne pouvant
accéder au doctorat que sur dérogation
L'affirmation erronée du recrutement des
étudiants infirmiers alors que la majorité viennent des bacs
généraux et de plus en plus des études
supérieures24(*)
Le fait que l'admission en master ne puisse concerner
« qu'un nombre limité de personnes » et que le grade
de docteur serait « d'accès très
restreint ».
La perte de la qualification de poste pénible pour la
retraite
L'absence de reconnaissance de la pénurie actuelle
des infirmiers
Annexe n°2
Guide d'entretien
Après présentation comme infirmière
faisant une recherche en qualité d'étudiante à
l'université sur la réforme des études infirmières
:
Questions d'introduction :
· Année d'obtention du diplôme
· Lieux d'exercice du métier
· Projet professionnel à court et long terme
La réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) ou
universitarisation de la profession infirmière, pour vous, qu'est-ce que
cela signifie ?
ð S'assurer par les relances que les personnes expriment
:
· Leurs craintes
· Leurs attentes personnelles
· Leurs attentes sur un plan professionnel.
Le rapport demandé par l'Etat ne préconise pas
la séparation des études infirmières des autres
filières paramédicales, quels sont les avantages et les
inconvénients de cet état de fait ?
ð Expliciter le rapport s'il n'est pas connu.
Dans l'ensemble des revues professionnelles, on retrouve la
volonté de création d'une filière spécifique
infirmière, que pourrait-elle apporter de plus à la profession
selon vous ?
Comment voyez-vous la profession infirmière de demain
et quels moyens pensez-vous être nécessaires pour y arriver ?
ð Y introduire les notions d'expertise et de niveaux
différents si pas encore évoquées.
Annexe n°3
Présentation des
entretiens auprès d'infirmier(e)s DE
Entretien avec Juan Martin le
7-11-08, 17mns :
J'ai reçu Juan Martin chez moi, un après midi
à 16h sur un de ses jours de congés. Cet entretien était
celui qui devait valider ou invalider mon guide aussi cet infirmier qui
travaille dans un service d'hospitalisation à domicile est-il un
professionnel déjà connu sur un plan personnel. Il est jeune
diplômé d'avril 2008 et son premier poste est celui-ci depuis
juste quelques mois.
Sur un plan professionnel il a, pour l'instant, surtout des
projets à court et moyen termes et, même si l'avenir professionnel
lui semble plein d'opportunités, il ne sait pas encore avec
précision vers lesquelles il se tournera réellement.
Il se présente comme un garçon plein d'espoir
pour la profession et avec une volonté réelle de s'inscrire
lui-même dans l'évolution de cette profession.
Entretien avec
Marie-Hélène le 15-01-09, 14mns :
Profitant d'une accalmie relative d'un service de
réanimation chirurgicale du CHU de Bordeaux, j'ai rencontré
Marie-Hélène, pilier du service dans lequel elle exerce depuis 8
ans, alors qu'elle prenait un peu des temps libre engendré par des
départs de patients non encore remplacés. Elle occupait ce temps
libre à la lecture de texte en lien avec son projet actuel de faire
l'école des cadres afin de devenir Cadre de Santé dans un
service. C'est donc au départ de sa prise de fonction à 15h que
j'ai pu entendre ses opinions sur le temps qu'elle a bien voulu m'accorder.
Venant d'une expérience riche et variée tant sur
un plan géographique que disciplinaire, elle m'a fait part de son
inquiétude sur l'avenir de la profession à travers les
changements existants au sein de la société et engendrant
eux-mêmes une évolution des pratiques des jeunes
diplômés, « plus exigeants » selon ses
dires.
Entretien avec Marion le
15-01-09, 12mns :
Rencontrée à la suite de
Marie-Hélène elle en paraît l'opposé par sa
timidité, sa jeunesse et ses incertitudes. Jeune diplômée
de 2005, elle a un projet unique de devenir IADE pour rester dans le domaine
qu'elle connaît à l'heure actuelle et où elle exerce
depuis son diplôme : la réanimation.
Malgré cet abord d'une fragilité apparente, elle
affirmera sa volonté tout au long de l'entretien de garder le niveau
d'excellence actuel de notre profession notamment par l'exigence de
réussite et de connaissances pratiques comme théoriques des
étudiants qu'elle rencontrera durant sa carrière et ce quel que
soit le mode de formation à venir.
Entretien avec Delphine le
30-01-09, 13mns :
Sa journée de travail était finie quand Delphine
a gentiment accepté de me répondre et une fois l'entretien fini
elle m'a affirmé l'intérêt qu'elle trouvait à ce que
les infirmières puissent avoir un temps de recul
institutionnalisé afin de pouvoir réfléchir sur leurs
pratiques car cet entretien lui avait permis de se poser des questions sur des
thèmes qu'elle n'aurait peut-être pas envisagés
autrement.
Cette infirmière toute jeune mais affirmée n'a
pas de projet professionnel autre que d'apprécier son statut actuel dans
le service de médecine vasculaire où elle exerce pour l'instant
depuis les quelques mois qui la séparent de l'acquisition de son
diplôme en décembre 2008.
Avec son accent du sud-ouest c'est avec toute la conviction de
son tout récent statut d'infirmière qu'elle me racontera les
bienfaits de la spécialisation de notre filière infirmière
permettant l'amélioration des pratiques au quotidien.
Entretien avec Armelle le
2-02-09, 16mns :
Diplômée en 2001 à Lille, Armelle a
d'abord travaillé en médecine cancérologie pendant 4 ans
avant de vouloir travailler avec les enfants après deux séjours
à l'Envol, association pour les vacances des enfants atteints de
maladies chroniques. Elle a donc intégré un séjour de
cancérologie pour les enfants à Bordeaux pendant 10 mois et s'est
ensuite tournée vers le travail à domicile devant la
difficulté de ce service depuis 3ans ½ . Elle pense aujourd'hui
revenir vers les enfants via le travail à domicile.
Pleine de doutes mais aussi remplie de convictions profondes
cette infirmière est persuadée que la remise en question au
quotidien est la condition sine qua non à l'évolution de chacun
pour que tous ensemble nous puissions permettre à notre profession de
grandir et progresser.
Entretien avec Etienne le
6-03-09, 13mns :
Depuis son diplôme en 1999, Etienne s'est
spécialisé dans la réanimation et les urgences où
je l'ai retrouvé sur son lieu de travail qu'il a conservé depuis
la fin de ses études. Des urgences un peu à part puisque au sein
de l'armée et donc de la médecine militaire. Infirmier
techniciste et investi, il souhaite pouvoir acquérir une plus grande
autonomie dans le cadre de son exercice via la spécialisation. Conscient
de l'importance des enjeux d'une réforme comme celle qui se profile, il
souhaite ardemment que la profession dans son ensemble en tire le meilleur
profit.
Entretien avec Isabelle le
6-03-09, 9mns :
Se présentant comme une infirmière
« banale », diplômée depuis 1992 sans un
parcours extraordinaire, avec plusieurs services spécialisés de
chirurgie puis des urgences et une ancienneté d'1 an ½ dans son
service actuel, Isabelle n'impressionne pas. Pourtant, en toute
simplicité, avec douceur et tact, elle m'engage dans son histoire
professionnelle où l'importance de la relation prend toute son ampleur.
Inscrite dans l'importance du rôle propre elle exprime ce qui est
l'essence de notre métier : le soin. Empreinte de ce concept elle
renvoie la formation infirmière à une pratique indispensable que
cela soit sur le plan relationnel comme sur celui des actes de soin. Pourtant,
forte de tout cela, un engagement de l'ensemble de la filière
paramédicale au sein de l'université ne lui semble pas être
un obstacle à la réalisation de ce professionnalisme.
Annexes n°4
Réforme 2009 IFSI
(Instituts de Formations en
Soins Infirmiers)
Ou « réingenerie » de la formation en
Soins Ifirmiers
Depuis la loi du 17 janvier 2002, la certification avec la VAE a
ouvert une nouvelle voie d'accès aux diplômes et les accords de
Bologne en 1998 ratifiés à Bergen en 2005 ont confirmé la
volonté d'entrée dans une politique européenne de
mobilité des professionnels de santé à l'instar des autres
professions issues de l'université à travers les ECTS (European
Credits Transfer System).
L'enjeu de la réforme 2009 est le maintien de la formation
infirmière dans un cadre législatif avec des garantis de
connaissances et de savoir-faire tout en respectant la réforme LMD
universitaire.
Les principes d'exercice professionnel soumis à un
diplôme d'Etat sont respectés à travers un diplôme
attestant des compétences tout en offrant des possibilités de
passerelles entre les différentes formations paramédicales et les
différents pays de la communauté européenne.
Le référentiel de formation sera donc fonction du
référentiel d'activités et de celui de compétences
à acquérir.
Les compétences seront uniquement validées par des
activités donc l'analyse pratique sera indispensable à
l'acquisition de ces compétences obligeant les étudiants à
réfléchir sur leur pratique.
On peut considérer que par ce biais la clinique
infirmière pourra être valorisée.
En pratique :
La formation sera calquée sur l'organisation universitaire
de septembre à juin avec les congés universitaire (noël,
février, printemps et été) avec 2 semestres par an pour un
total de 6 semestres pour la formation.
L'étudiant doit être acteur de sa formation.
L'accent est mis sur les compétences dans une
pédagogie en évolution sans pour autant mettre de
côté les savoir-faire.
Quelques UE à retenir ou à oublier pour en retenir
surtout le contenu :
o Sciences contributives = Sciences humaines, sociales et droit (
psychologie, anthropologie, sociologie, législation, éthique...)
avec les Sciences biologiques et médicales.
o Sciences constitutives que sont les Sciences
Infirmières.
o Unités d'intégration pour les avoirs et postures
infirmiers où s'intègrent les stages professionnels.
o Unités de méthodologie et savoirs transversaux
avec l'apparition des TIC (techniques d'information et de communication) ainsi
que de l'anglais professionnel.
Les stages auront lieu à raison de 1 stage par
semestre.
Leurs durées seront de 5 semaines pour le 1er
semestre puis de 10 semaines pour les semestres suivant pour atteindre enfin 15
semaines non consécutives pour le dernier semestre.
Ces stages seront avant tout des lieux de professionnalisation
sur une base de 35h par semaine.
Pour la réussite de ces stages, une charte d'encadrement
est en cours d'élaboration entre les établissements de soins et
les IFSI.
L'organisation de ces stages se fera à travers des
professionnels désignés comme tels et prenant la charge de :
o Maître de stage responsable avant tout de l'organisation
et de la coordination avec le centre de formation
o Tuteur de stage avec la responsabilité
pédagogique des étudiants sur les lieux de stage exercée
par le biais d'entretien
o Professionnel de proximité pour la pédagogie du
quotidien
Les questions posées à la suite de la
présentation de cette réforme ont été non seulement
pragmatiques permettant de rassurer l'ensemble de l'assistance sur la
qualité de la formation future mais aussi plus générales
montrant de réelles craintes des professionnels présents.
Le problème de la pénurie actuelle ainsi que de la
pénibilité du travail ont été abordés posant
directement la question de la qualité de l'encadrement de ces futurs
étudiants alors que la difficulté existe déjà pour
des stages ayant une durée et un engagement moindre pour les
professionnels.
La validation des acquisitions des compétences n'est pas
très claires actuellement sur la synthèse de ces
différentes compétences et l'ensemble des professionnels
présents souhaite rester vigilant sur ce point qui semble essentiel pour
le futur de la profession. Des compétences pourraient ainsi être
validées dans un stage mais non dans un autre, quid de la validation de
ces acquisitions à terme ?
La question de l'attractivité a également
été abordée à la fois du côté de la
peur de perdre certains étudiants moins scolaires mais possédant
les valeurs requises de la profession comme du côté
économique de par la rémunération actuelle des stages ou
la non-valorisation des salaires actuelle.
Index
CHU (Centre Hospitalier Universitaire) p22
DE (Diplôme d'Etat) p10, 14, 16, 22, 23, 24 et 27
ECTS (European Credits Transfer System) p11, 13 et 27
IFSI (Institut de Formation enSoins Infirmiers) p13 et
26
LMD (Licence-Master-Doctorat) p11, 13, 14, 16, 18 et 26
UE (Unités d'Enseignement) p13 et 27
VAE (Validation des Acquis par l'Expérience) p17, 19 et
26
* 1 Bourdieu P, Chamboredon JC, Passeron
JC, Krais B, Le métier de sociologue : préalables
épistémologiques, Paris, Mouton de Gruyter, 5e
édition 2005, p24.
* 2 Kniebiehler Yvonne,
Cornettes et blouses blanches, éditions Hachette, Paris, 1984.
* 3 Ourouh Fatima, vice
présidente représentation FNESI, revue Soins n°175, mai
2007, p16
* 2
* 4 Source INSEE juillet 2008
* 5 cf. Coudray, Chaboissier,
Duboys-Fresney, Profession Infirmière, quel avenir?, Revue Soins Cadres
n°51, août 2004, p29-31.
* 6 cf. Coudray, Chaboissier,
Duboys-Fresney, Profession Infirmière, quel avenir?, Revue Soins Cadres
n°51, août 2004, p29-31.
* 7 cf. St Etienne M., Pour une
expertise clinique reconnue en Soins Infirmiers, Revue Soins Cadres n°51,
août 2004, p35
* 8 Jaunay Y., De
l'évolution des pratiques à l'évolution des
métiers, Revue Soins Cadres n°51, août 2004, p19
* 9 DREES - Enquête
auprès des centres de formation aux professions de santé 2004,
ADELI et INSEE - Estimations localisées de population.
* 10 DARES-2008-34.1 -les
candidats à la VAE : majoritairement des femmes recherchant une
certification dans le secteur sanitaire et social.
* 11 Lecourt A.J., Me Haut P.,
La VAE entre poursuite et inflexion du modèle français du
diplôme, Revue de l'IRES, n°55, mars 2007.
* 12 Entretien avec G. Jobert,
Revue Sciences Humaines, hors-série n°40, mars-avril-mai 2003.
* 13 Schweyer F.X., Revue
Recherche en soins infirmiers n°93, juin 2008, p120
* 14 Schweyer F.X., Revue
Recherche en soins infirmiers n°93, juin 2008, p121
* 15 Acker F., Revue Recherche
en soins infirmiers n°93, juin2008, p123
* 13
* 16 Acker F., Revue Recherche
en soins infirmiers n°93, juin2008, p124
* 17 Foucault Michel,
L'Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971, p. 15-18.
* 18 Galant M.O., Revue
Recherche en soins infirmiers n°93, juin 2008, p126
* 16
* 19
http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG//pdf/rapport_evaluation_impact_dispositif_LMD.pdf
* 20 Kaufmann J.C., l'entretien
compréhensif, 2e édition refondue, Armand Colin,
Paris, 2007.
* 21 Ghiglione R. & Matalon
B., les enquêtes sociologiques, théories et pratique, A. Colin,
Paris, 1998.
* 22 BUISSON F., la foi
laïque, Paris, Hachette, 1912.
* 23 SCHWARTZ B.,
moderniser sans exclure, Paris, La Découverte, 1994, 1997.
* 24 DRASS PACA, info-stat
n°3, novembre 2006 et DRASS info Languedoc-Roussillon n°43, juin
2007.
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