INTRODUCTION GENERALE
I- PRESENTATION ET INTERET
DU SUJET
A- PRESENTATION DU
SUJET
Produit stratégique par excellence, base de
carburants indispensables à la vie quotidienne, le pétrole est au
coeur des préoccupations de ce début du 21e
siècle (Favennec JP ; 2002 :537). En effet, selon des
estimations récentes, le pétrole représente à lui
seul 40% de la production mondiale d'énergie et un chiffre d'affaire
d'environ 2000 milliards d'euros (Mvomo Ela W. ; 2005 :7). Cette
forte dépendance à l'égard de l'or noir ne semble pas
devoir diminuer à moyen terme. Au regard des tendances actuelles en
effet, les importations d'énergie devraient s'élever à 70%
des besoins, et à 90% pour le pétrole (Mvomo Ela W. ;
2005 :7). Par son importance dans la sécurité
économique et militaire, le pétrole est un vecteur d'enjeux
à la fois économique, financier et géostratégique.
Il demeure la meilleure source d'énergie et fournit de nombreux produits
finis : gaz liquéfiés (propane et butane), essences,
carburants, solvants, gazoles, fiouls, lubrifiants, bitumes, etc. Le
pétrole fournit également des matières premières
variées à l'industrie clinique [notamment la pétrochimie
dont sont issus 90% des produits qui nous entourent (médicaments,
électroménager, plastic)]. Le pétrole est devenu
indispensable dans les domaines comme les transports (routier, aérien et
maritime) pour lesquels certes des substituts sont plus aisés à
fabriquer, mais ces derniers quand ils existent, sont plus coûteux et ne
sont rentables que dans la mesure où le prix du baril reste
élevé sur une longue période (Chomtang Fonkou :
2007 : 63). Par ailleurs, sa principale qualité est d'être
liquide, donc facile à produire, à transporter, à stocker
et à utiliser.
A l'horizon 2020, les hydrocarbures, c'est-à-dire le
pétrole et le gaz, resteront les énergies dominantes et devraient
encore couvrir 60% des besoins en énergie commerciale (Favennec
JP ; 2002 :537). Sa consommation continuera à augmenter dans
les prochaines années, car les besoins de transport augmentent, et il
semble peu probable que des carburants alternatifs puissent massivement
remplacer l'essence et le gazole (Favennec JP ; 2002 :537).
Les énergies fossiles, et parmi elles le
pétrole, semblent destinées à se maintenir en position de
force dans le paysage énergétique mondial. Les perspectives
d'augmentation de la demande d'énergie au cours des vingt prochaines
années (2007-2027) laissent penser que les prix des hydrocarbures
devraient demeurer élevés (Paillard Christophe Alexandre ;
2007 :68).
La Chine, deuxième pays consommateur de pétrole,
faisant preuve d'un dynamisme impressionnant, a mis en oeuvre une
stratégie globale pour trouver de nouvelles frontières à
ses populations et à son économie. Son dynamisme
économique a provoqué une augmentation sensible de sa
consommation de pétrole, aujourd'hui responsable en partie de la hausse
constante du prix des hydrocarbures. Depuis 1986, le prix du pétrole
semble fondamentalement dépendre de la loi de l'offre et de la demande.
En effet, les structures de production n'ont pas été
développées au même rythme que la consommation mondiale.
Par ailleurs, une des raisons majeures de la flambée des prix du baril
de pétrole est l'instabilité politique qui règne dans
certaines grandes zones de production. Cette instabilité est souvent due
aux injustices économiques et l'arbitraire politique des
gouvernements1(*). Les
variations sont importantes : à peine 10 dollars le baril en 1998,
plus de 30 dollars le baril à l'été 2000 (Favennec
JP ; 2002 :538-539). La limite symbolique des 75 dollars le baril a
été atteint au premier semestre 2006 (Paillard Christophe
Alexandre ; 2007 :68). Aujourd'hui (24 février 2009), le prix
du baril de pétrole s'élève à 40.71 dollars2(*).
La Chine a pour principal soucis de trouver de nouveaux
fournisseurs pour s'assurer un approvisionnement régulier et
réduire sa dépendance à l'égard du Moyen-Orient. En
effet, le phénomène de reconcentration de la ressource
pétrolière vers le Moyen-Orient et la Russie introduit de fortes
incertitudes géopolitiques, du fait de l'instabilité de ces
régions. Aussi, la montée des tensions dans le golfe
arabo-persique a-t-elle mise en lumière une fois de plus l'extrême
dépendance, directe ou indirecte, des principaux pays consommateurs
d'énergie par rapport à cette région. C'est ce qui
explique en partie la croissance du secteur pétrolier en Afrique.
Même si l'Afrique dans son ensemble n'est pas encore un grand producteur
mondial, ses réserves font d'elle le troisième site
stratégique pétrolier mondial de l'heure et des années
à venir (Kounou Michel ; 2006 :32).
L'Afrique, notamment sa partie subsaharienne a acquis au cours
des quinze dernières années une position centrale dans la
géopolitique pétrolière mondiale. Ce repositionnement est
lié à la révolution de l'offshore profond qui a permis une
série de découvertes importantes dans le golfe de
guinée : Angola, Nigeria, guinée Equatoriale (Charnoz
Olivier ; 2003 :21). En effet, la région du golfe de
guinée est l'une de celles dont la production et les réserves ont
le plus augmenté depuis une dizaine d'années (Kounou
Michel ; 2006 :33). Elle occupe donc une place centrale dans les
stratégies de croissance des compagnies pétrolières et
dans la politique énergétique mondiale de la Chine.
Avec une production de plus de 4 millions de baril/jour dont
l'essentiel provient du golfe de guinée, l'Afrique sub-saharienne
affiche une capacité de production égale à celle de
l'Iran, du Mexique et du Venezuela réunis, soit 6% des extractions
mondiales (P. Bernard ;2004 :4)3(*). Sans compter qu'en dix ans cette production aura
augmenté de 36 %, contre 16 % seulement pour les autres continents
(Mvomo Ela W. ; 2005 :7). En plus de ce potentiel important, comme
celui de l'Afrique noire en général, le pétrole du golfe
de guinée, présente des avantages qui le soumettent aux
convoitises et aux rivalités des principales puissances consommatrices.
D'abord sa faible teneur en souffre, gage de qualité, en fait un produit
très demandé par les firmes occidentales en général
et américaines en particulier. Ensuite, d'origine maritime pour
l'essentiel ce pétrole offshore se trouve à l'abri des troubles
sociaux et politiques. Enfin, l'accessibilité directe et facile, des
conditions fiscales et contractuelles favorables, font du golfe de
guinée une " zone privilégiée" dans la
pétro stratégie mondiale actuelle.
Par ailleurs, nous constaterons l'absence d'une gestion
démocratique de la ressource pétrolière par l'élite
politique africaine, uniquement soucieuse de leurs intérêts
égoïstes et surtout de la garantie de leur maintien au pouvoir.
Aussi, du fait de la collusion d'intérêts qui existe entre les
responsables politiques africains et les firmes multinationales
pétrolières à visée stratégique (chinoises
en l'occurrence), ces dernières peuvent-t-elles intervenir dans la
gestion locale de la question pétrolière. C'est dire que
contrairement aux autres régions pétrolières mondiales, le
pétrole du golfe de guinée présente en plus la
particularité d'être politiquement à la portée des
multinationales à visée stratégique. D'où l'assaut
quasi systématique dont elle est l'objet de la part des principaux pays
consommateurs, notamment de la Chine. Pour toutes ces raisons, la région
du golfe de guinée est ainsi entrain de devenir l'une des régions
pivots du jeu géopolitique pétrolier de ce début de
21e siècle.
De ce fait, la Chine, tout comme les autres puissances
industrielles, a fait d'elle un cadre privilégié pour la
satisfaction de ses besoins sans cesse croissants en énergie. Ainsi,
l'intérêt géostratégique de l'Afrique croît de
façon exponentielle dans la politique énergétique
chinoise. En effet, réalisant que l'Afrique produit 10 % de la
consommation mondiale de pétrole, et surtout qu'elle est incapable de
protéger efficacement cette ressource rare en raison de sa
cécité stratégique et de son faible niveau de
développement industrielle, Pékin a jeté sur elle son
dévolu (Fogue Tedom A. ; 2008 :157). Avec un taux de
croissance de 10.2 % au premier trimestre 2005, pour pourvoir à ses
énormes besoins énergétiques, la Chine doit diversifier
ses fournisseurs de pétrole tout en limitant sa dépendance
vis-à-vis du Moyen-Orient. Dans ce contexte, l'Afrique apparaît
comme une " terre providentielle " (Pinel F. ; 2006 : 1).
Dépendante pour plus de 60 % de sa consommation des réserves du
Moyen-Orient, la Chine ne pourra trouver le surplus qu'en Afrique, son
deuxième fournisseur de brut, avec environ 30 %4(*) .
B- INTERET DU
SUJET
S'interroger sur les enjeux et jeux pétroliers en
Afrique, notamment sur l'offensive chinoise dans le golfe de guinée est
intéressant à plus d'un titre :
1- sur le plan
scientifique
L'intérêt scientifique de ce travail
repose sur le fait qu'il se veut une contribution à la
problématique portant sur la place des ressources naturelles dans
l'orientation de la politique extérieure des Etats (pétro
diplomatie). La présente étude entend se focaliser davantage sur
le déploiement stratégique de la Chine autour des ressources
africaines en général, et autour du pétrole du golfe de
guinée en particulier.
2- sur le plan politique
Sur le plan politique, l'intérêt de cette
étude réside dans l'analyse qu'elle se propose de conduire sur la
stratégie pétrolière chinoise dans le golfe de
guinée. L'analyse aura bien sûr pour point focal, l'étude
de la stratégie chinoise d'accès au pétrole du golfe de
guinée. Cependant, l'impact politique de cette offensive sur la
démocratie et la paix en Afrique en général retiendra
également notre attention. Car, à l'observation, cette
dernière semble constituer un obstacle majeur à
l'évolution politique des pays africains en général vers
la démocratie, mais entrave également les efforts du continent et
de la communauté internationale en général, visant
à sortir l'Afrique de son instabilité quasi endémique.
II- CLARIFICATION
CONCEPTUELLE ET SITUATION GEOGRAPHIQUE DU GOLFE DE GUINEE
A- CLARIFICATION
CONCEPTUELLE
Pour une meilleure compréhension de cette étude,
il est méthodologiquement important de clarifier trois concepts :
jeux, enjeux et offensive.
1- Jeux
Expression polysémique, le jeu est conçu ici
comme une manière particulière d'agir. On peut distinguer trois
classes de jeu, selon le rôle qu'y jouent la coopération et la
lutte. En effet, selon ces deux critères, nous pouvons distinguer les
jeux de coopération à l'état pur, les jeux de lutte
à l'état pur, et les jeux de lutte et de coopération.
Dans les jeux de coopération à l'état
pur, tous les joueurs ont des intérêts concordants, de sorte
qu'ils forment une coalition se comportant comme un joueur unique. Par contre,
dans les jeux de lutte à l'état pur, aucune possibilité de
coopération n'existe entre les joueurs. Il en résulte que ces
jeux sont des duels, c'est-à-dire des jeux à deux joueurs dont
les intérêts sont strictement opposés. Enfin, dans les jeux
de lutte et de coopération se rencontrent simultanément des
intérêts concordants et divergents.
Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons en
particulier aux jeux de coopération à l'état pur,
où les joueurs mettent en commun leurs moyens d'action au service d'une
finalité collective. Dans cette optique, nous démonterons qu'en
réalité, dans la gestion de la question pétrolière
en Afrique, les responsables politiques africains et les multinationales
pétrolières (chinoises en l'occurrence) ne forment plus qu'un.
Car, une fois que ces derniers lui garantissent un accès
préférentiel aux ressources naturelles, pétrole notamment,
Pékin établit avec eux des " relations
spéciales "5(*).
2- Enjeux
L'enjeu peut s'entendre comme la chose pour la possession ou
le contrôle duquel une entreprise est engagée6(*). C'est ce que l'on gagne ou perd
dans un jeu. Dans le cadre du présent travail, il s'agira dans un
premier temps d'analyser les motivations réelles et profondes de
l'offensive pétrolière chinoise sur le continent. Eu égard
à ces motivations, il sera davantage question d'étudier les
différentes manoeuvres ourdies par la Chine pour accéder au
pétrole africain en général, et à celui du golfe de
guinée en particulier.
3- Offensive
Expression très souvent utilisée dans le jargon
militaire, l'offensive est une action d'envergure menée par une force
armée et destinée à imposer à l'ennemi sa
volonté. Seulement, cette conception de l'offensive s'applique beaucoup
plus dans un contexte de guerre. La géostratégie ne servant pas
uniquement à faire la guerre, il devient important de la relativiser,
pour plutôt la percevoir comme une action d'envergure visant à
remettre en cause ou à modifier un ordre existant.
Cette autre conception de l'offensive nous permettra de
démontrer que par sa prise d'initiative, la Chine veut mettre fin au
statu quo, au " patronage exclusif " des pays occidentaux dans
le golfe de guinée, notamment en ce qui concerne l'accès aux
ressources naturelles (pétrole en l'occurrence).
B- SITUATION GEOGRAPHIQUE
DU GOLFE DE GUINEE
Si sa définition ne fait pas toujours
l'unanimité, le golfe de guinée reste un espace dont les contours
réels et définitifs sont difficiles à délimiter. Il
apparait ainsi comme un espace " aux frontières incertaines mais
désireux d'exprimer une identité collective singulière
à des fins de différenciation identitaire, de pesée
politique, de rationalisation économique, voire de légitimation
politique interne. C'est un espace flou qui, par tâtonnement, tente(...)
de dégager un " nous ", construit autour de significations
régionales communes " (Zaiki Laidi ; 1998 :9).
D'un point de vue géographique, le golfe de
Guinée est situé dans la zone que la FAO (Food And Agriculture
Organisation) désigne l'Atlantique sud-est (Awoumou Côme
Damien ; 2005 :15). C'est-à-dire, la bordure occidentale du
continent africain, du détroit de Gibraltar au cap de Bonne
espérance.
D'un point de vue institutionnel, le Golfe de Guinée
peut être circonscrit au domaine maritime des huit Etats
adhérents (membres et observateurs) à la commission du Golfe de
Guinée (CGG) que sont : l'Angola, le Cameroun, le Gabon, la
Guinée Equatoriale, le Nigeria, la RDC, et Sao Tome et Principe.
Dans le cadre de ce travail, nous nous approprierons la
délimitation géographique faite par Vincent NTUDA EBODE, celle-ci
considère que le Golfe de Guinée va de la Cote d'Ivoire à
l'Angola (Ntuda Ebode J.V. ; 2004 :44). Cf. carte en annexe 1.
III- DELIMITATION DU
SUJET
Au plan temporel, la présente étude se propose
d'étudier la dynamique chinoise dans le golfe de guinée autour du
pétrole depuis 19937(*) . En effet, l'important redéploiement de la
Chine dans la sous région depuis cette date est la preuve de son
intérêt stratégique croissant pour la diplomatie chinoise.
La zone du golfe de guinée étant assez vaste
pour être entièrement couverte dans le cadre d'un travail de DEA.
Il sera davantage question d'une vue générale de la sous
région. Cependant, un accent particulier sera mis sur trois pays :
le Nigeria, l'Angola et la Guinée Equatoriale. Ce choix tient à
la place qu'occupent ces pays dans la géopolitique et la
géostratégie du pétrole du golfe de guinée d'une
part, et à l'intérêt à eux porté par
Pékin pour la diversification de ses sources d'approvisionnement et la
satisfaction de ses besoins énergétiques d'autre part.
IV- REVUE DE LA
LITTERATURE
La question de la dynamique chinoise autour du pétrole
dans le golfe de guinée, est plutôt récente et très
peu développée. Aussi la recherche bibliographique se
résume-t-elle à quelques ouvrages, articles, revues et travaux de
recherche.
Cédric De LESTRANGE ; Paillard C.A ; ZELENKO
P. (2005) insistent entre autre sur l'importance du pétrole pour la
satisfaction des besoins énergétiques des grandes puissances. Ils
présentent des grandes zones pétrolifères mondiales, et
l'assaut qu'elles subissent de la part des grands pays consommateurs. Cet
ouvrage pose également la question du conflit d'intérêt et
celle du redéploiement stratégique des principales puissances
industrielles autour de l'enjeu pétrolier.
L'article de Michael T. KLARE (2008), quant à lui s'est
consacré à l'enjeu pétrolier dans le monde. L'accent y est
mis sur la relation entre matières premières et
redéploiement stratégique des grandes puissances. De façon
spécifique, il est question de la percée de la Chine sur de
nombreux théâtres. L'auteur aboutit à la conclusion selon
la quelle, l'approvisionnement en pétrole et en matières
premières en voie de raréfaction est devenu l'enjeu
géostratégique majeur déterminant de la politique des
grandes puissances.
Ainsi, dans son rapport annuel intitulé :
" Puissance militaire de la République Populaire de Chine ",
le ministère de la défense chinois suggère que la Chine
renforce ses capacités de "projection de puissance " dans les
régions qui fournissent à Pékin les ressources dont
l'importance est critique, en particulier les combustibles fossiles.
COPINSCHI P. ; NOEL P. (2005) dressent un brillant
tableau de la place du golfe de guinée dans la géopolitique
pétrolière mondiale. Le golfe de guinée y est
présenté comme l' " autre golfe " un nouveau
Moyen-Orient. S'il n'est certes pas comparable au golfe arabo-persique, il
concentre tout de même l'essentiel des réserves
pétrolières d'Afrique subsaharienne. Les atouts de la
région et de son pétrole y sont vantés. Le pétrole
africain est présenté comme étant au coeur de la politique
de diversification des sources d'approvisionnement du marché mondial.
NTUDA EBODE(2004) a également mené une
étude approfondie de la géopolitique pétrolière
dans la sous région. Pour lui, l'Afrique en général et le
golfe de guinée en particulier constituent depuis quelques années
une zone pivot du jeu géopolitique mondial du pétrole. En effet,
l'érection du golfe de guinée en zone d'intérêt
stratégique majeur confère à cette sous région, un
certain nombre d'enjeux, notamment sécuritaire, développemental,
économique et géostratégique.
Wullson MVOMO ELA (2005) quant à lui
s'intéresse à la place centrale qu'occupe le pétrole dans
la sécurité énergétique mondiale (40 % de la
production mondiale d'énergie). Le golfe de guinée y est
présenté comme un "espace - enjeu " de la
géopolitique du pétrole en ce début de 21e
siècle. Le recul de la France sur ce théâtre est
observé, en même temps que la montée en puissance de
nouveaux acteurs étatiques (Etats-Unis, Chine, Inde...). L'auteur
propose enfin une logique de gouvernance collective de cette région par
les différents pays qui la composent.
S'intéressant également à cette question,
Marie JOANNIDIS (2002) met un accent particulier sur l'importance du
pétrole africain en perpétuelle croissance ainsi que sur
l'offensive des grandes puissances, pour la diversification de leurs sources
d'approvisionnement et la garantie d'une sécurité
énergétique. De ce fait, le pétrole africain constitue une
priorité stratégique et relève désormais d'une
question d'intérêt national pour ces dernières. L'auteur
interpelle les responsables politiques africains des pays producteurs de
pétrole à une meilleure négociation des contrats
d'exploitation avec les firmes pétrolières internationales. De
même, l'auteur insiste sur la gestion peu orthodoxe de la question
pétrolière dans son ensemble, mais aussi sur l'impact
négatif de l'exploitation pétrolière sur l'environnement,
l'économie et l'évolution politique des pays africains. Autant
d'obstacles qui empêchent de faire de la manne pétrolière,
un véritable outil de développement.
Côme Damien AWOUMOU(2005) procède à une
délimitation précise de la région du golfe de
guinée, autant sur le plan géographique, culturel et
institutionnel. Il étudie la problématique des convoitises et sa
nécessaire régulation. Quant aux questions de savoir : qui
convoite le golfe de guinée ? Pourquoi ? Comment se manifeste
cette convoitise ? Avec quelle résistance ? Les
réponses de l'auteur sont précises et édifiantes.
A la question de savoir : Qui convoite ? La
réponse de l'auteur est précise et détaillée. Sous
l'instigation des Etats-Unis, le golfe de guinée est convoité par
les occidentaux (France ; Grande Bretagne ; Belgique ; Espagne),
les orientaux (Chine ; Japon ; Inde ; Israël), les pays du
Sud (Brésil), et d'Afrique (Afrique du Sud ; Nigeria ;
Libye ; Maroc), et par les acteurs privés de toutes natures :
multinationales, institutions internationales, etc.
Le golfe de guinée et notamment sa composante Afrique
centrale, bénéficie d'une position géostratégique
qui le met en contact avec les toutes autres régions. La ruée
vers le golfe de guinée peut donc être perçue comme une
quête de puissance par le biais du contrôle d'une zone jusque
là négligée, l'expression d'un besoin de diversification
des sources d'approvisionnement en matières premières, notamment
le pétrole.
La convoitise se manifeste quant à elle sous forme
d'investissements politique, militaire et économique.
Les résistances sont nombreuses et diverses. Mais
celles qui retiennent davantage l'attention ici sont celles qui émanent
des populations riveraines des zones d'exploitation. Ceci du fait d'un
éventuel accroissement des conflits de localisation, de type
expropriatif et de nature affective.
Pour tirer le meilleur avantage de ces convoitises, l'auteur
propose l'érection d'un leadership collégial. Un axe Abuja
Yaoundé Luanda lui semble à cet effet approprié.
Alain FOGUE TEDOM (2008) quant à lui présente
tout d'abord l'Afrique comme une terre de convoitise de tout temps. Les
ressources du golfe de guinée (hydrocarbures en l'occurrence) y sont
ensuite présentées comme importantes, de bonne qualité et
à l'abri des tensions sociales, mais aussi compte tenu de sa
facilité d'évacuation. La ruée chinoise observée
depuis quelques années autour de ce pétrole s'explique à
la fois par les atouts sus évoqués de ce pétrole, mais
surtout par l'incapacité des autorités politiques à
protéger cette ressource rare en raison de leur cécité
stratégique et du faible niveau de développement industriel des
pays de la région.
S'agissant de l'offensive chinoise sur les pays de la
région, CHOMTANG (2007) affirme que eu égard à la place
qu'elle occupe désormais dans l'économie mondiale, la Chine
nourrit les ambitions de grande puissance. Sa dépendance progressive
vis-à-vis des ressources énergétiques l'amène
à redéfinir sa politique à l'égard de l'Afrique. Le
golfe de guinée, espace qui jouit d'une position
géostratégique indéniable et d'un potentiel
énergétique important, ne peut que susciter les appétits
d'une telle puissance. Par une offensive diplomatique et commerciale,
pékin entend investir le golfe de guinée afin de s'assurer le
contrôle et l'exploitation des matières premières.
Pierre Antoine BRAUD(2005) étudie la stratégie
pétrolière chinoise dans les relations qu'elle entretient avec
l'Afrique. La Chine est devenue un partenaire de première importance au
sud du Sahara, tandis que le continent africain présente des
opportunités certaines pour trois aspects de la politique
extérieure chinoise :
i. l'entretien d'un réservoir de voix au Nations
Unies ;
ii. l'approvisionnement en ressources naturelles et la
création de nouveaux débouchés à son
économie ;
iii. l'isolement de Taiwan.
L'offensive chinoise sur le continent africain constitue
également le principal centre d'intérêt de Philippe HUGON.
Il présente l'offensive économico- diplomatique lancée par
pékin sur l'Afrique en ce début du 21e siècle.
Les pays tels que le Nigeria, l'Angola et la Guinée Equatoriale sont au
centre de cette offensive. Second consommateur mondial de pétrole,
l'Afrique lui fournit jusqu'à 30%8(*) de ses approvisionnements, même si dans
l'ensemble les relations commerciales entre la Chine et l'Afrique demeurent
à l'exception de l'Afrique du sud- sur un model postcolonial. L'Afrique
exporte des matières premières, alors que la Chine exporte des
produits manufacturés.
S'agissant enfin du couple pétrole et
développement des pays de la région, notre attention sera
principalement portée sur l'ouvrage de Michel KOUNOU (2006). Dans cet
ouvrage l'auteur procède à une analyse minutieuse de
l'exploitation pétrolière dans le golfe de guinée depuis
1956. Contrairement à ce qui est observé dans les autres
continents, le pétrole n'est pas une ressource assurant le
progrès économique et social en Afrique, mais plutôt une
ressource productrice d'insécurité pour les peuples d'Afrique.
L'intérêt de cette étude réside
entre autre aspect sur une exigence de démarcation par rapport aux
travaux sus-évoqués. Sans vouloir remettre en cause leur
pertinence, il convient tout de même de préciser que nous
essayerons d'analyser, outre les raisons de l'offensive Chinoise, sa
stratégie d'accès aux ressources africaines en
général, et au pétrole du golfe de guinée en
particulier. Par ailleurs, un accent sera mis sur l'impact de cette offensive
sur la démocratie et la paix en Afrique.
V-PROBLEMATIQUE
Notre sujet de mémoire qui s'intitule :
" Enjeux et jeux pétroliers en Afrique : étude de
l'offensive chinoise dans le golfe de guinée ", pose en toile
de fond la question de la place du golfe de guinée dans le
redéploiement de la nouvelle puissance chinoise en Afrique.
Une étude approfondie de la dynamique chinoise dans le
golfe de guinée en ce début de 21e siècle nous
permet de constater que la quête de pétrole structure l'offensive
chinoise dans la sous région. En effet, devenu le deuxième plus
gros consommateur de pétrole dans le monde après les Etats-Unis,
la Chine a amorcé une fulgurante percée économique et ne
peut plus se limiter uniquement à des approvisionnements en provenance
des pays voisins. C'est ce qui explique la politique énergétique
internationale globale qu'elle mène hors de ses frontières. Le
golfe de guinée, réputée pour la qualité de son
pétrole, sa relative stabilité, ne pouvait que susciter les
convoitises d'une telle puissance. La question centrale de cette étude
est celle de savoir : En quoi est-ce que le Golfe de Guinée
constitue à la fois un enjeu et un terrain du jeu pétrolier
chinois en Afrique ? Autrement dit, quelles sont les raisons de
l'offensive pétrolière chinoise et les stratégies mises en
oeuvre par pékin pour accéder aux ressources africaines en
général et au pétrole du golfe de Guinée en
particulier? Davantage, hormis la non reconnaissance de Taiwan, Pékin
ne s'encombrant pas de conditions politiques à l'établissement
des relations diplomatiques avec ses partenaires africains, quel peut
être l'impact d'une telle attitude sur l'évolution de la
démocratie et de la paix en Afrique ? Au total, doit-on se
réjouir ou redouter la dynamique chinoise autour du pétrole
africain ?
La réponse à ces questions passe par
l'énonciation d'une hypothèse de travail.
VI-HYPOTHESES
Les hypothèses sont des tentatives de réponse
à une ou plusieurs questions théoriques ou observations
empiriques. Ce sont en fait des explications provisoires d'une
réalité. Elles doivent alors être confirmées ou
infirmées à la fin par les résultats de l'étude. Ce
sont aussi des outils de sélection pour le chercheur, car elles aident
ce dernier à choisir les faits, à les interpréter et
à suggérer les procédures de recherche (Bokalli E.
S.2006 :10).
La " macro-hypothèse " (Sindjoun
L.2002 :20) autour de laquelle s'ordonne notre recherche est la
suivante : Du fait de la place qu'elle occupe désormais dans
l'économie mondiale, la Chine nourrit des ambitions de grande puissance.
Sa dépendance énergétique l'amène à
reconsidérer sa politique vis-à-vis de l'Afrique. Le Golfe de
Guinée, espace qui jouit d'un potentiel énergétique
important et d'une position géostratégique indéniable, ne
pouvait que susciter ses appétits. Par une offensive politique,
économique, diplomatique et militaire, pékin entend investir le
Golfe de Guinée afin de s'assurer entre autre, le contrôle et
l'exploitation des matières premières en présence,
pétrole en l'occurrence. Seulement, engagé dans cette entreprise
stratégique, pékin se souci peu du respect des valeurs
démocratiques et des droits de l'Homme. En effet, le soutien politique
qu'il apporte aux régimes africains s'avère être une
sorte de caution à leur gestion, les conforte dans leur immobilisme
politique, constituant ainsi un péril pour la démocratie et la
paix.
De cette hypothèse originelle, dérive les
« micro-hypothèses » (Sindjoun L.2002 :20)
suivantes :
-l'offensive pétrolière chinoise en Afrique,
notamment dans la sous région du Golfe de Guinée s'explique en
partie par son déficit énergétique. Lui-même
lié à la croissance de la demande énergétique
nationale par les différents secteurs d'activité et à
l'épuisement progressif des réserves nationales.
- l'important potentiel énergétique, les
nombreux atouts du pétrole et de la région du golfe de
guinée, mais aussi et surtout l'incapacité politique et
technologique des dirigeants à contrôler et à exploiter les
ressources expliquent également la ruée de la Chine dans la sous
région.
- L'âpreté de la compétition entre
puissances pour un accès privilégié et à un moindre
coût aux ressources africaines, et notamment au pétrole du golfe
de guinée a conduit la Chine à ne négliger aucune
démarche pouvant concourir à la réalisation de son projet
géostratégique. De ce fait, elle va s'approprier les recettes qui
depuis les indépendances africaines permettent aux pays occidentaux de
transformer l'espace africain au mieux de leurs intérêts.
Celles-ci sont diplomatiques, politiques, économiques et militaires.
L'extraversion dont souffrent les Etats de la sous région et le subtil
stratagème9(*)
utilisé par pékin constituent un véritable catalyseur
à la mise en oeuvre de cette offensive.
-La détermination de la Chine à accéder
par tous les moyens au pétrole africain en général et
à celui du Golfe de guinée en particulier, l'a conduit à
soutenir politiquement les régimes africains en indélicatesse
avec la communauté internationale pour des raisons de non respect de la
démocratie et des droits de l'Homme. Ce soutien pourrait
s'avérer être un obstacle majeur à l'évolution
politique des pays africains vers la démocratie et constituer une
véritable menace pour la paix en Afrique.
VII-METHODOLOGIE
Le propre de la méthode selon Robert Kaplan est
d'aider à comprendre au sens le plus large, non les résultats de
la recherche scientifique, mais le processus même de la recherche
(Grawitz M. ; 1990 : 19). Ce travail répondra à une
double exigence méthodologique et théorique suivant des approches
et des grilles de lectures précises.
A- Cadre
théorique
La nécessité d'intégrer cette
étude dans le champ des relations internationales, mais aussi le souci
de véritablement rendre compte dans son entièreté de la
dynamique chinoise autour du pétrole du golfe de guinée, nous
invite à faire usage des théories réaliste et
transnationaliste.
1. Le
réalisme
Le réalisme tel que définit par Thucydide,
Machiavel, Hobbes et par la suite Morgenthau, Kennan, Thompson, Kissinger,
Raymond Aron, est une théorie qui privilégie la dimension
conflictuelle des relations internationales (Braillard p. ; Reza-Djalili
M ; 2002 : 10). Elle s'appuie sur le postulat selon lequel l'anarchie
manifeste du système international est liée à l'absence
d'une autorité capable d'imposer à ses membres un ordre
contraignant. Dès lors, les Etats qui sont les principaux acteurs du
système agissent avant tout pour le maintien et l'accroissement de leur
puissance et ce, au détriment des autres : " la politique
internationale peut être définit (...) comme un effort continu
pour maintenir et accroître la puissance de sa propre nation et pour
restreindre ou réduire la puissance des autres nations "
(Morgenthau H. ; 1948 ; 211).
Raymond Aron pour sa part, à travers sa
théorie " diplomatico-stratégique " fait du
diplomate et du soldat les principaux acteurs chargés de mettre en
application la politique internationale des Etats. Car, " la survie des
unités politiques dépend, en dernière analyse, de
l'équilibre des forces et les hommes d'Etat ont le devoir d'être
soucieux d'abord de la nation dont le destin leur est confié "
(Aron Raymond ; 1968 : 71).
Dès lors, pour les réalistes, c'est le rapport
de force, la lutte pour la consolidation et la préservation des
intérêts nationaux qui dictent la conduite des Etats sur la
scène internationale. Aussi, le précepte réaliste selon
lequel les Etats n'ont pas d'amis, mais seulement des intérêts,
reste-t-il d'une profonde actualité.
Dans le cadre de cette étude, la théorie
réaliste, à travers le paradigme de l'intérêt nous
permettra de montrer qu'au-delà des " bonnes intentions "
affichées par pékin, à l'analyse il ressort que seule la
quête des intérêts explique l'important redéploiement
de la Chine dans le golfe de guinée.
2. Le
transnationalisme
Le transnationalisme rend compte de la présence
d'acteurs infra étatiques sur la scène internationale et
s'accompagne d'un processus de déterritorialisation des relations
internationales conforté par le phénomène de la
mondialisation. En effet, l'Etat a perdu son statut d'acteur principal de la
vie internationale du fait de l'intensification des échanges
économiques et culturels et de l'émancipation des acteurs non
étatiques. Dès lors, " ce n'est pas aux seules nations que
les relations internationales se rapportent. C'est à des types de
groupes très divers-nations, Etats, gouvernements, peuples,
organisations internationales, et même organisations industrielles,
culturelles, religieuses qu'il faut s'intéresser dans l'étude des
relations internationales si l'on veut que cette étude soit
réaliste " (Quincy Wright ; 1995 : 6)10(*).
Marcel MERLE parle de " forces transnationales "
(Marcel Merle ; 1982 : 359) au titre desquelles les firmes
multinationales, qui sont une illustration de l'économie capitaliste et
de la place de la géoéconomie dans les relations internationales
post-guerre froide.
Dans cette étude, le transnationalisme nous aide
à comprendre l'intrusion des acteurs transnationaux dans les relations
internationales. Il sera précisément question d'étudier
à travers cette théorie, le rôle de plus en plus croissant
que jouent les firmes multinationales pétrolières chinoises
implantées dans le golfe de guinée pour la réalisation des
objectifs géopolitiques de leur pays.
La frontière est donc désormais poreuse entre la
politique de puissance menée par Pékin dans le golfe de
guinée et la politique de gestion des multinationales
pétrolières chinoises dans la région, d'autant plus que
l'Etat chinois en est le principal actionnaire. En effet, à
l'observation, ces firmes sont de véritables instruments de politique
étrangère.
L'application de ces différentes approches
nécessite l'utilisation des techniques de recherches appropriées.
B. Technique de collecte des
données
Les faits sociaux étant au coeur des relations
internationales, ils sont justiciables des méthodes d'investigation qui
ont été mises au point et qui sont effectivement
appliquées dans le champ des sciences sociales (Grawitz M. ;
1990 : 93). L'interdisciplinarité est privilégiée
dans cette étude. Elle associe la science politique, l'histoire, la
sociologie et le droit. Deux techniques de collecte de données ont
été retenues dans cette recherche. Il s'agit de la recherche
documentaire et de la recherche empirique.
La recherche documentaire a consisté en une fouille
bibliographique non seulement pour mieux s'imprégner des travaux ayant
plus ou moins abordés notre thème, mais aussi pour
déterminer quelle orientation donner à la recherche. A cet
égard, ouvrages généraux et spécialisés,
revues, articles, dossiers de presse ont été consultés
dans les bibliothèques, dans les archives du ministère des
relations extérieures et sur les sites Internet.
La recherche empirique quant à elle a consisté
en observation des faits sociaux. Il s'est agi plus précisément
d'observer la dynamique chinoise dans le golfe de guinée autour de
l'enjeu pétrolier. Aussi, la Petro diplomatie de Pékin se
traduisant par une offensive diplomatique, politique, économique et
militaire, a-t-elle singulièrement retenu notre attention. En ce qui
concerne les pays du golfe de guinée (Nigeria, Angola, Guinée
Equatoriale, etc.), à défaut de s'y rendre, l'observation s'est
faite par le canal des media audio visuels et des entretiens avec quelques
responsables de l'ambassade de ces pays au Cameroun. Il convient de souligner
que rencontrer ces autorités diplomatiques n'a pas été
facile.
Nous avons en effet été confrontés aux
défis de la recherche que sont les difficultés financières
et aux problèmes d'accès aux informations fiables recueillies sur
le terrain. Eu égard à ces difficultés, nous n'avons pas
par exemple pu nous rendre en Chine et dans les pays sus évoqués.
De même, la diplomatie étant un domaine
généralement frappé du sceau de la confidentialité,
les entreprises auprès des responsables d'ambassades des pays
concernés dans le cadre de ce travail, se sont
révélées infructueuses. Toutefois, des efforts ont
été faits pour surmonter ces défis majeurs, notamment par
une lecture approfondie des publications récentes, ainsi que par la
recherche sur les sites Internet. Une fois ces données recueillies, il
convenait alors de les analyser.
C. Analyse des
données
Notre thème de recherche : " Enjeux et
jeux pétroliers en Afrique : étude de l'offensive chinoise
dans le golfe de guinée" est abordé suivant deux approche.
Il s'agit des approches géopolitique et stratégique.
L'approche géopolitique est une méthode qui nous
apprend à déchiffrer l'actualité et à rechercher
les motivations profondes des acteurs internationaux (François
Thual ; 1996 : 4). Car, pour comprendre les relations
internationales, il faut recourir à des connaissances et à une
méthode. Elle servira donc à présenter la Chine comme un
acteur prépondérant du jeu pétrolier dans le golfe de
guinée, à décrire ses ambitions, à analyser sa
démarche, à repérer les alliances en gestation, ou au
contraire les alliances en voie de déconstruction.
François THUAL pense en effet que chaque fois qu'il y a
tension, conflit, guerre, négociation, crise, il faut se poser les
questions suivantes : qui veut quoi ? Avec qui ? Comment ?
Et pour quoi ? S'il est désormais démontré que la
quête du pétrole du golfe de guinée structure les relations
entre la Chine et les pays de cette sous région, dans le cadre de ce
travail, nous nous attèlerons à exposer comment la Chine
procède pour parvenir à cet objectif. C'est dire qu'il sera
spécifiquement question d'analyser le modus operendi de cette
offensive pétrolière chinoise.
En effet, le but de la méthode géopolitique est
d'apprendre à échapper à l'événementiel
fourni par les media, pour accéder à l'explicatif. Ainsi en
s'acharnant à aller au-delà du voile des
événements, l'esprit géopolitique reconstitue le squelette
des enjeux où se déploient ces événements. Il lui
appartient de transcender, de démystifier les apparences, les discours
officiels pour accéder à la réalité ;
identifier les démarches, les intentions réelles, même si
celles-ci sont ensevelies au plus profond des attitudes des Etats.
L'approche stratégique quant à elle est une
méthode organisée autour d'actions finalisées,
calculées. Elle a pour but de permettre aux acteurs engagés dans
une entreprise quelconque de minimiser les pertes tout en maximisant les
profits. Il s'agira de voir comment la Chine, dans le souci d'accéder au
pétrole africain en général et celui du golfe de
guinée en particulier, mobilise des stratégies pouvant lui
permettre d'atteindre ses objectifs.
VIII-Plan du travail
Sur la base de notre cadre théorique, des techniques de
collecte et d'analyse des données préconisées, nous avons
choisi de procéder à la vérification de
l'hypothèse de travail à partir d'un plan à deux parties,
subdivisées chacune en deux chapitres.
La première partie porte sur les motivations profondes
de l'offensive pétrolière chinoise dans le Golfe de
Guinée. En fait, il est question de présenter l'offensive
pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée comme
étant une conséquence directe de sa dépendance
énergétique (Chapitre 1). Davantage, les atouts du pétrole
et de la région du Golfe de Guinée, la cécité
stratégique des autorités politiques locales, sont autant de
raisons qui expliquent également cette offensive chinoise dans la sous
région (Chapitre 2).
La deuxième partie quant à elle, traite du
déploiement stratégique de la Chine autour du pétrole dans
le Golfe de Guinée. Il s'agit de présenter les diverses
stratégies mises en oeuvre par Pékin pour accéder au
pétrole (Chapitre 3). Cette offensive chinoise, souvent synonyme de
soutien inconditionnel, et de vente incontrôlée d'armes aux
régimes africains en froid avec la communauté internationale, ne
va pas sans affecter l'évolution de la démocratie et la
montée de conflits sur l'ensemble du continent (Chapitre 4).
PREMIERE PARTIE :
LES ENJEUX DE L'OFFENSIVE
PETROLIERE CHINOISE DANS LE GOLFE DE GUINEE
Depuis le milieu de la décennie 1990, la
coopération sino-africaine semble avoir pris une nouvelle tournure. Pour
Pékin, le pragmatisme a pris le pas sur la rhétorique. Du fait de
la forte industrialisation que connaît le pays depuis quelques
décennies, la Chine se livre à une quête
effrénée de matières premières, en l'occurrence le
pétrole à tous les points stratégiques de la
planète. Animé par un esprit réaliste, Pékin s'est
rendu compte de l'impérieuse nécessité d'une
réorientation de sa politique vis-à-vis de l'Afrique. En effet,
comme l'écrit Eric Patrick MOUPAYA (2008 :1) " la croissance
et même la survie économique de la chine dépendent, et pour
une part croissante, de l'Afrique ". La Chine absorbe désormais 25%
de tout le cuivre consommé à travers le monde, 40% du charbon,
35% de l'acier, 10% du pétrole et sa demande ne cesse de croître,
et 90% de tout l'aluminium (Moupaya E. ; 2008 : 1). Une
économie dévoreuse d'énergie, boulimique en
matières premières, qui s'est tout naturellement tournée
vers la région du monde la mieux pourvue.
Aussi, selon toute vraisemblance, l'offensive
pétrolière de la chine dans cette sous région aujourd'hui,
pourrait-elle s'expliquer à la fois par une demande
énergétique interne en perpétuelle croissance (chapitre1),
et par le potentiel énergétique important de la sous
région, couplé aux nombreux avantages de son pétrole. Mais
aussi et surtout par l'incapacité politique et technologique des
dirigeants à contrôler et à exploiter les ressources
(chapitre2).
CHAPITRE I :
La dépendance
énergétique de la Chine
Jusqu'à présent, le débat autour de la
dépendance pétrolière de la Chine reste ouvert. Si pour
certains, la dépendance chinoise en termes d'énergie
pétrolière est une illusion, obéit tout comme les autres
puissances industrielles, à une volonté politique de ce pays de
préserver ses réserves pétrolières pour l'avenir.
Pour les autorités chinoises par contre, la dépendance
pétrolière du pays est une réalité, un défi
à surmonter pour rester compétitif sur le marché
international. S'il est vrai que la plupart de pays industrialisés
aujourd'hui évoquent cette dépendance énergétique
pour justifier l'expansion de leurs firmes pétrolières à
travers le monde, il n'en demeure pas moins vrai que ces mêmes pays
optent pour la préservation de leurs réserves, visant ainsi
à constituer des réserves stratégiques,
représentant de dizaines d'années de consommation. Donc,
dépendance supposée ou réelle, notre objectif n'est pas de
prendre position. Il est simplement question d'analyser les données
recueillies tout au long de nos recherches.
Par dépendance, nous entendons un assujettissement,
une absence d'autonomie. La dépendance énergétique quant
à elle peut être perçue comme le fait que le pays ne
puisse plus subvenir à ses besoins par la production nationale et doit
par conséquent importer la différence. La Chine a en effet
longtemps cru qu'elle pourrait rester autonome énergétiquement,
mais face à la croissance de sa consommation, elle va devoir se
résigner à importer de plus en plus de pétrole. Se
retrouver tributaire du marché mondial n'est certes pas une sensation
très rassurante pour Pékin, mais c'est le lot de la plupart de
pays industrialisés, pays dont la Chine aspire à faire partie au
cours de ce siècle.
Dans le cadre de ce travail, la dépendance
pétrolière de la chine sera analysée à travers son
déficit énergétique interne (section1), mais aussi
à travers l'absolue nécessité de ses importations
(section2).
SECTION I : Le
déficit énergétique de la Chine
De nos jours, la Chine se dessine comme la seule puissance
capable de contenir ou de contester l'hégémonie des Etats-Unis
d'Amérique, elle est même devenue l' « adversaire
reflet »11(*) de
ces derniers. En effet, seul l'Empire du milieu peut réellement
constituer une véritable menace pour les intérêts
américains. Pourtant, la Chine se heurte à un véritable
obstacle, celui de sa dépendance énergétique.
Deuxième consommateur d'énergie dans le monde, la chine doit
désormais nourrir une machine industrielle dont l'appétit semble
insatiable. Or, ses ressources énergétiques tarissent à un
rythme inquiétant et le pays est redevenu depuis 1993, un importateur de
pétrole.
La mise en valeur de nouveaux gisements, notamment dans le
bassin de Tarim dans le Xinjiang, reste très lente et ne permet pas de
répondre à la hausse régulière de la consommation
de pétrole, multipliée par deux depuis 1995. Cette situation
s'explique essentiellement par la hausse de la production industrielle,
l'augmentation régulière du parc automobile et la constitution
depuis 2003 d'une réserve stratégique (représentant un
trimestre de consommation), comme dans les grands pays
industrialisés12(*).
C'est à travers l'insuffisance des réserves et
de la production (paragraphe1), mais également par la croissance de la
demande intérieure par les différents secteurs de
l'économie nationale chinoise (paragraphe2), que nous étudierons
le déficit énergétique de la Chine.
Paragraphe 1 :
Insuffisance des réserves et de la production
Compte tenu de la forte croissance économique que
connaît la Chine depuis quelques décennies et de la forte
industrialisation qui s'en est suivie, la demande énergétique
chinoise ne cesse de croître .C'est ce que semble d'ailleurs indiquer la
baisse de l'offre énergétique. En effet, le taux de couverture de
la Chine en pétrole ne cesse de chuter et s'établissait en 2002
à 69% (Chomtang Fonkou : 2007 : 9).
Aussi, la baisse, voir la chute du taux de couverture de la
Chine en pétrole sera-t-elle analysée ici à travers
l'insuffisance des réserves (A) et de la production (B).
A- Des réserves
limitées
Les réserves de pétrole de la Chine font l'objet
d'estimations contradictoires. L'agence de l'énergie des Etats-Unis
estime les réserves prouvées en pétrole de la Chine
à 2,5 milliards de tonnes, tandis que la British Petroleum (BP) avance
le chiffre de 3,2 milliards de tonnes, et l'OCDE pense que ce chiffre atteint
près de 4 milliards de tonnes et représenterait 2,3% des
réserves mondiale13(*).
Le pétrole en Chine, particulièrement au Nord du
pays est un pétrole lourd et visqueux, riche en paraffine, ce qui le
rend onéreux à raffiner. Les gisements de pétrole se
situent principalement dans quatre zones.
Il y a tout d'abord la province du Heilongjiang qui constitue
le centre principal de production du pétrole de la Chine avec
34%14(*) de la production
nationale. Vient ensuite le champ de Daqing, l'un des plus vastes au monde qui
représente à lui seul près du tiers de l'exploitation
pétrolière nationale. Mais, mise en valeur depuis un peu plus
d'un demi-siècle, sa production ne devrait guère pouvoir
augmenter dans les années à venir. La région du Xinjiang
quant à elle représente aujourd'hui 20% de la production de
pétrole en Chine. Les principaux gisements du Xinjiang sont le bassin de
Tarim Occidental, le champ de Karamay dans le bassin de Junggar et le bassin de
Turpan-Hami. La province du Shandong représente quant à elle
16,6% de la production nationale. Enfin, nous avons les gisements off shore en
mer de Chine et dans la mer de Bohai qui représentent moins de 10% de la
production nationale15(*).
Les prospections restent par ailleurs gênées par les
différends frontaliers avec le Vietnam. Les estimations des
réserves (possibles et prouvées) contenues dans la mer de Chine
sont très contradictoires. Dans l'hypothèse la plus favorable,
ces réserves peuvent permettre d'envisager une production annuelle
oscillant entre 19 mille et 50 mille tonnes par jour, soit l'équivalent
de 10% de la production nationale.
Seulement ces grands gisements sont de nos jours
confrontés à un certain épuisement, ceux du nord en
particulier. En effet, les principaux champs pétroliers chinois comme
Daqing, Sengli et Liaohe qui assurent 80% de la fourniture nationale de
pétrole, ont atteint leur pic de production dans les années 1980
et leur exploitation devient de plus en plus coûteuse.
L'insuffisance et la vulnérabilité des
infrastructures de transport entre les ressources de l'Ouest et le reste du
pays sont une autre explication au déséquilibre de la balance
pétrolière chinoise. Sur ce déficit d'infrastructures
vient se greffer le problème de la minorité Ouïgour (la plus
importante des minorités de Chine). Les visées panturques du
mouvement autonome Ouïgour inquiètent de plus en plus le
gouvernement chinois qui craint que la sécurité de ses
approvisionnements, notamment en provenance du Kazakhstan et du Tadjikistan, ne
soit à terme menacée par les actes terroristes.
B- Une production
insuffisante
La Chine a été l'une des premières
nations à exploiter le pétrole avec son puits situé
à Taiwan en 1878. Historiquement, la Chine a été le
premier pays à utiliser le pétrole quand la République fut
fondé en 1949, la production annuelle n'atteignait que 120 milles tonnes
(ou 2,400 baril par jour) (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 28) et elle
faisait partie des pays sous développés en consommation
d'énergie, à cause entre autre des guerres. La production
chinoise a progressivement augmentée jusque dans les années 1980,
faisant alors de la Chine en 1985 un exportateur de pétrole avec 6,21
millions de tonnes exportées (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 28).
En 1996, la production pétrolière chinoise a
dépassé 156 millions de tonnes, contre 147 millions en 1995 et
144 millions en 1994, un chiffre inégalé à ce jour (De
Lestrange Cédric ; Paillard Christophe Alexandre ;
Zélenko Pierre ; 2005 : 173).
En 2003, la Chine a produit en moyenne 2,3 millions de barils
par jour, la grande majorité (90% de ce pétrole) est extraite
d'exploitation terrestres (on shore) et un tiers de cela provient du gisement
de Daqing, principal champ pétrolier situé dans le nord Est et
produisant 1 million de barils par jour, même si 50% de ces
réserves ont d'ores et déjà été
exploitées (De Lestrange Cédric ; Paillard Christophe
Alexandre ; Zélenko Pierre ; 2005 : 173).
Concernant l'exploitation off shore, la plus grande d'entre
elles se trouve dans la baie de Bohai, dans la mer jaune et a été
découverte au début des années 1960. L'ouverture de cette
réserve off shore aux compagnies étrangères à la
fin des années 1970 a permis d'augmenter la production de manière
significative. En effet, en 2003, ces sites off shore contribuaient pour 90%
à l'augmentation annuelle de la production chinoise.
La dépendance pétrolière de la Chine
s'accroît rapidement, car ses réserves et la croissance de sa
production nationale sont insuffisantes. En effet, le taux de couverture en
pétrole ne cesse de chuter, ceci sous le poids d'une forte croissance de
la demande interne. On peut même aujourd'hui raisonnablement faire
l'hypothèse que la croissance de la production pétrolière
chinoise ne sera pas en mesure de compenser celle de la demande.
Paragraphe 2 : Une
demande intérieure en pleine explosion
L'extraordinaire développement que connaît la
Chine est assortie d'une demande croissante en matières premières
et en ressources énergétiques : du gaz naturel, mais
surtout du pétrole. Selon de récentes prévisions,
l'économie chinoise va croître de 9% par an et ce pour les 20
prochaines années16(*). La Chine est devenue en 2004 le deuxième plus
gros consommateur mondial de pétrole, avec l'utilisation de 7 millions
de barils par jour17(*).
De l'avis de nombreux experts, la consommation chinoise de pétrole
devrait doubler d'ici 2010. A ce rythme, il est logique de s'attendre à
ce que la Chine devienne à moyen terme aussi gourmande que les
Etats-Unis. La croissance de la demande énergétique chinoise sera
étudiée à travers la demande des principaux secteurs de
l'économie nationale, à savoir la production
d'électricité et le transport (A), ensuite l'industrie, le
chauffage et le consommateur domestique (B).
A- La production
d'électricité et le transport
La croissance économique de la Chine semble
incontrôlable et sa demande d'énergie insatiable. Cette croissance
galopante de la demande énergétique chinoise sera
étudiée ici à travers la demande énergétique
pour la production d'électricité (1) et de transport (2).
1- La production
d'électricité
En 1980, la production d'électricité
représentait environ 12% de la consommation en pétrole de la
Chine. Depuis, la part de l'électricité dans les besoins en
pétrole n'a cessé de baisser. Car, le pétrole est
facilement substituable dans ce secteur. Il est désormais question pour
la Chine de mettre en place des politiques lui permettant d'éviter
l'emploi du pétrole dans la production d'électricité.
Ainsi, les alternatives au pétrole sont nombreuses (gaz, charbon,
nucléaire, hydraulique, solaire, éolien). La croissance de la
production électrique chinoise a surtout été possible par
un recours massif au charbon. Seulement, le charbon et surtout le charbon
chinois, majoritairement de mauvaise qualité est responsable d'une
importante pollution de l'air (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 11). La
combustion du charbon a pour conséquences les pluies acides, la
création des particules fines (comme les sulfates), sans oublier bien
sûr les émissions de CO2. Seulement, en raison de son faible
coût, on observe un recours au charbon, recours qui pourrait devenir un
recours au pétrole. En effet, dans certaines zones
côtières, le pétrole qui débarque dans les ports est
moins cher que le charbon acheminé de loin par voie ferroviaire. Dans
ces conditions, on avance un quadruplement de la consommation
pétrolière dans le secteur électrique d'ici à
2020(Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 13).
2- Les transports
Les transports ont connu ces dernières années un
développement extraordinaire, parallèlement au
développement économique de la Chine. En effet, des routes ont
été construites, de nouvelles lignes de chemin, des
aéroports. Toutefois, on remarque d'importantes différences dans
le niveau d'équipement en infrastructures selon les régions. Plus
les régions sont riches (côte Est et Sud, grandes villes), plus
elles en sont dotées.
L'ouverture de la Chine au commerce extérieur a
entrainé le développement des transports. Le flux des populations
est devenu plus important et la richesse augmentant, ont aussi
contribué à ce développement. Par exemple, de
1980 à 2002, le transport de fret a quadruplé et le transport des
passagers a été multiplié par six. C'est surtout le
transport par route et par avion qui a connu la plus forte augmentation.
De l'avis de THALMAN, " La part de la consommation
totale d'énergie de la Chine dédiée au transport est
passée de 5 à 9% entre 1991 et 1999. L'énergie
utilisée pour le transport en Chine est surtout le pétrole (88%
du total)" (2006 : 17). En Effet, tous les modes de transport font appel
au pétrole comme quasi seule source d'énergie. Même les
trains consomment du pétrole, puisqu'une grande partie des lignes de
chemins de fer n'est pas électrifiée.
Le cas du transport routier par exemple semble très
préoccupant, puisque sa consommation d'énergie a augmenté
d'un tiers en 10 ans. La Chine connaît donc un accroissement rapide du
trafic routier. Il faut donc de plus en plus d'énergie, et dans ce cas
de pétrole, pour transporter ou acheminer des quantités de plus
en plus importantes de fret et de personnes. La population rurale consomme deux
fois plus d'énergie dans les transports personnels que la population
urbaine. Ceci est dû au pouvoir d'achat grandissant des chinois qui
remplacent peu à peu leurs vélos par des motos. En effet,
Près d'un quart des chinois possèdent une moto, et le nombre de
deux roues motorisées devrait atteindre 500 millions en 2010 (Thalman P.
(Dir.) ; 2006 : 19). On peut aussi y ajouter l'augmentation
fulgurante du nombre de voitures privées. A cet égard, un
scientifique du ministère français de la défense
affirme : " Dans dix ans, la Chine sera le plus gros
consommateur mondial de pétrole, avec un parc automobile
équivalent à celui du reste de la planète " (Pinel
F. ; 2006 : 1).
3- L'industrie, le
chauffage et la consommation domestique
La croissance de la demande énergétique chinoise
sera étudiée ici à travers la demande industrielle (1), du
chauffage et de la consommation domestique (2).
a) L'industrie
Il est important de préciser que dans le cadre de ce
travail, nous ne comptons pas les raffineries de pétrole dans notre
analyse des industries chinoises utilisant le pétrole. Les industries
chinoises prennent de l'importance et deviennent de taille multinationale et
elles sont ainsi plus que jamais boulimiques en énergie. Les industries
qui consomment le pétrole peuvent être divisées en deux
grandes catégories :
- l'industrie pétrochimique qui transforme le
pétrole en des sous produits ;
- l'industrie qui utilise le pétrole comme source
d'énergie
L'industrie pétrochimique est le secteur industriel qui
utilise le plus de produits pétroliers, soit 56,9% de la consommation
industrielle chinoise en 2003 (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 7).
Viennent ensuite les minerais non métalliques, c'est-à-dire
l'industrie du ciment, avec 11,5%, la sidérurgie avec 5,6% et la
construction avec 4,8%. Outre ces secteurs, viennent également les
machines et les métaux ferreux.
b) Le chauffage et la
consommation domestique
Le mode de vie du milliard et demie d'habitants que compte la
Chine est un autre élément qui permet de déterminer sa
future consommation d'énergie. Une étude récente a
essayé de quantifier l'impact sur la consommation d'énergie du
mode de vie des populations chinoises. Deux types d'impacts ont
été pris en compte, l'impact direct, qui découle
d'activités consommatrices d'énergie (le chauffage, l'utilisation
d'appareils électriques et l'éclairage), et l'impact indirect,
qui provient de l'énergie utilisée pour produire des biens de
consommations achetés par la population.
Les différences de mode de vie entre populations
urbaines et rurales sont flagrantes en ce qui concerne les formes
d'énergie utilisées dans l'impact direct. Le charbon compte pour
plus de deux tiers de l'énergie utilisée directement par les
habitants des campagnes, contre un quart pour les habitants des villes. Ceci
s'explique par le fait que la cuisson des aliments ainsi que le chauffage se
fait en campagne majoritairement par le charbon. Le pétrole quant
à lui, représente un quart de la consommation d'énergie de
la population urbaine, contre à peine 10% pour celle rurale. Ainsi, la
hausse de la demande en pétrole est liée étroitement
à l'expansion des mégapoles chinoises de Pékin et de
Shanghai de ces dernières décennies.
Bien que la population rurale semble responsable d'une
consommation irréfléchie et inefficiente d'énergie, pour
ce qui est de la consommation de pétrole, c'est bel et bien les
habitants des villes qui en consomment le plus, ceci malgré le fait que
la majorité de la population soit rurale. La contribution indirecte des
résidents ruraux, n'est que d'un tiers de l'impact total (Thalman P.
(Dir.) ; 2006 : 26). Ceci s'explique par l'énergie mise en
place pour construire et faire fonctionner les habitations, les écoles
et toutes les infrastructures que comptent les villes. En 2002, 40% de la
population chinoise habitaient les villes. Face au développement de ces
dernières, l'exode rural devient de plus en plus massif, et si ces
nouveaux habitants des villes imitent leurs homologues, la demande en
énergie et en pétrole croîtra d'autant plus.
Tableau n° 1 : Consommations
énergétiques chinoises et évolutions
|
Pétrole
|
Gaz
|
Charbon
|
2002
|
25.4%
|
2.8%
|
65.7%
|
2003 (estimations)
|
26%
|
2.8%
|
65%
|
2015 (prévisions)
|
28.9%
|
9.4%
|
53.2%
|
2020(prévisions)
|
31.3%
|
12%
|
47.8%
|
Source :
Géopolitique du pétrole Op. Cit. page.174.
Comme nous pouvons le constater dans ce tableau, la
consommation chinoise de charbon connait une relative baisse depuis 2002,
tandis que celle du pétrole et du gaz naturel connait une hausse
significative.
L'accroissement des besoins énergétiques et
pétrolier va entraîner la réorientation de la politique
étrangère de la Chine, en faveur des intérêts
pétroliers (Chomtang Fonkou : 2007 : 93).
SECTION II : Les
importations d'hydrocarbures : une absolue nécessité
La très forte croissance de l'économie chinoise
génère une demande en hydrocarbures que la production nationale
n'est pas à même de fournir, et les importations nettes qui
étaient de 61,91 millions de tonnes en 2002 devraient atteindre au
minimum 200 millions de tonnes en 2020 (Miginiac Jean Philippe ;
2006 : 12). En 2010, la moitié des besoins pétroliers de la
Chine dépendra ainsi de ses importations, lesquelles importations
constitueront en 2020, jusqu'à 80% de ses besoins pétroliers
(Miginiac Jean Philippe ; 2006 : 12).
Aussi, pour faire face à ce nouveau défi, la
Chine a-t-elle lancé un véritable
« quadrillage » diplomatique des principales zones
pétrolières mondiales. Cette offensive politique
pétrolière chinoise, dénote le caractère
structurant du pétrole dans la formulation de la politique
étrangère chinoise (paragraphe1). Elle nous permet
également de comprendre l'important redéploiement de Pékin
dans les zones pétrolifères mondiales (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : le
pétrole : un enjeu majeur de la politique étrangère
chinoise
Le pétrole est considéré ici comme un
enjeu majeur de la politique étrangère de la Chine eu
égard à la subtile diplomatie menée par pékin pour
le conquérir (A), mais aussi compte tenu de l'instrumentalisation ou de
l'utilisation de ses compagnies pétrolières comme de
véritables outils de politique étrangère (B).
A- La diplomatie
pétrolière chinoise
La diplomatie pétrolière chinoise est un concept
qui, en réalité n'est qu'un néologisme nous permettant de
traduire l'idée d'une diplomatie au service des intérêts
pétroliers. Pour la Chine en effet, la diplomatie constitue le cheval de
Troie de son offensive pétrolière. Les autorités chinoises
ont compris que pareillement aux Etats-Unis, le pétrole est d'un
intérêt vital pour leur économie. Il semble donc
évident à l'analyse que les offensives diplomatiques chinoises
sur la scène internationale sont le juste reflet de cette ambition.
Pékin entend en effet par le dynamisme de sa diplomatie tisser des liens
de coopération étroits avec les pays producteurs de
pétrole. C'est ce qui explique le quadrillage des principales zones
pétrolifères mondiales par l'ensemble de son corps diplomatique.
L'attention médiatique de ces dernières
années portée sur l'ouverture de la Chine et sa conquête du
monde, démontre la crainte que l'Occident éprouve pour ce pays,
jusqu'alors isolé et à l'histoire émaillée par la
dictature et l'autoritarisme. La Chine utilise toutes les astuces pour se faire
les amis parmi les pays producteurs de pétrole. Pour pékin en
effet, la diversification et la garantie de ses approvisionnements
extérieures contribueraient à limiter sa dépendance
vis-à-vis du marché international et le mettrait à l'abri
des chantages des pays ou groupes de pays tels que l'OPEP.
B- Les compagnies
pétrolières chinoises : de véritables instruments de
politiques étrangères.
Les compagnies pétrolières chinoises,
instruments de la quête chinoise d'hydrocarbures, sont les
suivantes : China National Petroleum Corp. (CNPC), Petro china, China
National Off Shore Oil Corp. (CNOOC), China National Oil Development Corp.
(CNODC), China National Star Petroleum (STAR), China National Petrochemical
Corporation (SINOPEC), China National Chemicals Import and Export Corporation
(SINOCHEM), China United Petroleum Corporation (CHINA OIL) et China United
Petrochemical Corporation (UNIPEC) (De Lestrange Cédric; Paillard
Christophe Alexandre ; ZELENKO Pierre; 2005: 175).
Pour mener à bien cette nouvelle stratégie de
présence dans les zones productrices, la Chine privilégie le
déploiement de son réseau d'entreprises pétrolières
avec une multiplication des projets d'exploration et de production dans des
pays peu occupés par les compagnies internationales et où la
concurrence provient le plus souvent des compagnies Russes. La CNPC a ainsi
acquis des concessions au Kazakhstan, au Venezuela, au Soudan, en Iraq (avant
2003), en Iran et au Pérou, sans autres véritables justifications
que d'occuper les secteurs pétroliers encore vacants :
" Dans ce cadre, la stratégie chinoise d'alliance
tout azimut dans le monde pétrolier a de nombreuses cibles, comme
l'Egypte, l'Algérie ou le Gabon. Ceci s'est traduit dans ces derniers
cas en 2004 par des accords de prospections et d'exploitations, puis des
contrats de commercialisation entre les compagnies opérant dans les pays
producteurs et le groupe chinois SINOPEC" (De Lestrange Cédric; Paillard
Christophe Alexandre; Zélenko Pierre; 2005: 175).
Accédant aux ressources des pays producteurs par le
biais de ces compagnies pétrolières dont il est l'actionnaire
principal, l'Etat chinois peut ainsi " sécuriser " une
partie de son approvisionnement. Les nombreux accords de partage de la
production signés par les compagnies pétrolières chinoises
dans les pays producteurs témoignent de la réussite de ces
stratégies.
Tableau n° 2 :
Principaux fournisseurs en pétrole de la Chine en 2003
(En % des importations chinoises)
Arabie saoudite
|
15.6 %
|
Iran
|
15 %
|
Oman
|
11.3 %
|
Angola
|
9 %
|
Soudan
|
7.7 %
|
Yémen
|
5.2 %
|
Russie
|
4.5 %
|
Indonésie
|
4 %
|
Malaisie
|
2.3 %
|
Guinée équatoriale
|
2.2 %
|
Congo
|
1.5 %
|
Gabon
|
1.2 %
|
Cameroun
|
1.1 %
|
Algérie
|
0.75 %
|
Nigeria
|
0.6 %
|
Egypte
|
0.3 %
|
Autres
|
17.75 %
|
Source : François LAFARGUE, op.cit page
50.
Tel que nous pouvons le constater dans ce tableau,
après les pays du Golfe arabo-persique, les pays du Golfe de
Guinée occupent une place importante parmi les principaux fournisseurs
en pétrole de la Chine. Les pays tels que l'Angola, le Nigeria, la
Guinée Equatoriale, le Congo, le Gabon et le Cameroun fournissait en
2003 jusqu'à 15,6% des importations chinoises de pétrole.
La Chine a intérêt aujourd'hui à
diversifier ses sources d'approvisionnement, et nous pouvons dès lors
nous interroger sur les nouvelles régions où elle souhaite
désormais étendre son influence.
Paragraphe 2 : Les
offensives chinoises sur la scène internationale : une
stratégie de diversification
Depuis 1995, le gouvernement chinois mène une politique
énergétique internationale globale afin de minimiser sa
dépendance excessive vis-à-vis du pétrole du Moyen Orient.
En effet, depuis cette date, les importations chinoises ont sans cesse
progressé pour atteindre 42,9% (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 9).
La Chine ne néglige aucune zone susceptible de lui assurer un
approvisionnement pétrolier. D'où le véritable quadrillage
de la scène pétrolière internationale par cette
dernière. Il sera donc question de montrer le souci de Pékin de
diversifier au maximum ses sources d'approvisionnement en pétrole.
Aussi, commencerons-nous tout naturellement par le Moyen Orient, centre
névralgique de la scène pétrolière mondiale (A),
ensuite l'Afrique et les autres régions du monde (B).
A- Le Moyen Orient18(*)
L'examen minutieux des sources d'approvisionnement
pétrolier de la Chine nous permet de constater que le Moyen-Orient
représente 45% des importations chinoises (Thalman P. (Dir.) ;
2006 : 9). Les principaux fournisseurs de pékin sont :
L'Arabie Saoudite (14%), l'Iran (11%), Oman (13%), et d'autres pays
7%(Yémen, Iraq,...). La part du Moyen-Orient devrait même passer
à 80% en 2010 (De Lestrange Cédric; Paillard Christophe
Alexandre; Zélenko Pierre; 2005: 176).
Seulement, à l'analyse, on a la nette impression que la
Chine n'est cliente de cette zone que pour des raisons de proximité. En
effet, la Chine reconnaît elle-même la faiblesse de son influence
dans la région, sa position étant précaire que la
situation du moyen est instable et donc contraignante. Le pouvoir de
contrôle de l'Etat chinois sur son ravitaillement en pétrole en
provenance de cette zone demeure faible.
Au delà des facteurs d'ordre politique, ressortent
également des contraintes techniques. En effet, une partie du
pétrole en provenance du Moyen Orient est lourdement chargée en
sulfure, ce qui exige certaines installations de raffinage dont la Chine ne
peut indéfiniment augmenter la capacité, à moins
d'investir massivement dans le renouvellement de ses raffineries. La Chine doit
donc tenter de diversifier au maximum ses sources d'importations en même
temps qu'elle doit continuer à rechercher les sources stables.
B- L'Afrique et les autres
régions du monde
Comme les puissances occidentales plusieurs décennies
avant, la Chine découvre au milieu des années 1990, l'importance
du pétrole africain pour son essor industriel et économique. En
effet, la Chine considère l'Afrique comme une véritable terre
promise (Fogue Tedom A.; 2008 :157). La part de l'Afrique dans les
importations chinoise représente environ 30%19(*)de la totalité des
importations de pétrole de la Chine et ce taux ne cesse de
croître. Ce qui importe le plus pour la Chine, ce sont les
opportunités d'investissements directs. Celles-ci peuvent être
considérées sous deux angles : il s'agit soit de
réaliser des projets de prospection par le biais de joint venture, soit
d'acquérir des gisements pour diminuer la dépendance vis-
à -vis du marché.
Les principaux fournisseurs africains de la Chine sont :
l'Angola (4e rang des pays fournisseurs de la Chine, et le premier
africain), l'Egypte, le Nigeria, la Guinée Equatoriale, le Congo
Brazzaville, Gabon et le Cameroun.
En ce qui concerne les autres zones pétrolières
mondiales, la diplomatie pétrolière chinoise y est
présente et comparable à une véritable " toile
d'araignée ".
En Amérique latine, zone d'influence des Etats-Unis, la
Chine est tout aussi active. Durant sa visite dans plusieurs pays sud
américains en novembre 2004, le président chinois HU JIN TAO a
annoncé que la Chine investirait 100milliards de dollars en
Amérique Latine au cours des 10 années à venir (Miginiac
Jean Philippe ; 2006 : 13); (le président Jiang Zemin avait
déjà effectué un tour d'Amérique Latine en 2001).
Parmi les projets, un contrat énergétique de 10milliards de
dollars au Brésil et plusieurs projets énergétiques au
Venezuela, au Cuba, en Equateur, en Bolivie, au Pérou, en Colombie et en
Argentine.
L'Asie centrale, qui concentre 6% (De Lestrange Cédric;
Paillard Christophe Alexandre; Zélenko Pierre; 2005: 177) des
réserves pétrolières mondiales, connaît
également la présence de la Chine. En effet, la Chine y est
active depuis 1997, quand la CNPC prit une participation de 60% dans la
compagnie Casaque, Aktioubinsk oil. La Chine cherche tout
particulièrement à renforcer sa présence au Kazakhstan,
dans les champs pétroliers d'Aktioubinsk et d'Ouzen. Par ailleurs,
Pékin et Moscou travaillent de concert à la cohésion des
Etats du "Shanghai cooperation organization " (Chine, Russie,
Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan) pour leur permettre
de mieux résister à l'enracinement des Etats-Unis dans la
région depuis les attentats du 11septembre (Miginiac Jean
Philippe ; 2006 : 13).
La diplomatie Chinoise du pétrole a même permis
l'accès de Pékin aux ressources Canadiennes, directement
dans " le jardin des Etats-Unis " (les ressources canadiennes
sont actuellement considérées comme les deuxièmes
réserves mondiales, derrière celles de l'Arabie Saoudite)
(Miginiac Jean Philippe ; 2006 : 13). En 2004, à la suite de
la visite en Chine du premier ministre canadien Paul Martin, les deux pays ont
conclu une série d'accords énergétiques (canada-china
statement on energy cooperation in the 21st Century) pour une implication de la
Chine dans le développement des secteurs pétrolier, gazier et
nucléaire canadiens. En avril 2005, PETROCHINA (filiale de la CNPC) et
la canadienne ENBRIDGE signaient un mémorandum of understanding pour
investir 2 milliards de dollars dans la construction d'un pipeline qui devrait
transporter le pétrole canadien vers sa cote ouest, afin d'y être
acheminé par tankers vers l'Asie. De nouveaux contrats sont par ailleurs
en cours de signature entre les compagnies chinoises et canadiennes.
Ailleurs dans le monde, la Chine poursuit une politique
identique de développement de ses participations. C'est ainsi qu'on
retrouve la diplomatie pétrolière chinoise aux confins de la
planète. Notamment en Australie, en Papouasie Nouvelle Guinée, en
Indonésie, à Burma. Par ailleurs, proche de ses
frontières, la diplomatie chinoise est engagée dans nombre de
disputes territoriales avec ses plus proches voisins [Malaisie, Philippines,
Taiwan, Vietnam, Bornéo (Iles Spratley et Paracel), Japon, etc.].
Derrière chacune de ces disputes, s'accumulent des réserves
potentielles de pétrole ou de gaz.
La dépendance énergétique
(pétrolière en l'occurrence) de la Chine peut en partie expliquer
son offensive dans les différentes zones pétrolières
mondiales, notamment dans la sous région du golfe de guinée.
Seulement, à l'analyse, elle ne peut à elle seule suffire
à comprendre ou à véritablement cerner les
différents contours de cette offensive. Aussi, sommes-nous
amenés à aller chercher ailleurs, notamment en Afrique
même, les véritables raisons de cette ruée. Le golfe de
guinée étant de loin un géant pétrolier, comment
comprendre cette offensive quasi systématique des principales puissances
industrielles, notamment de la Chine dans cette sous région ?
Qu'est-ce qui dans le golfe de guinée peut aider à comprendre les
réelles motivations de cet assaut pétrolier chinois ?
CHAITRE II :
LE GOLFE DE GUINEE :
UNE ZONE PRIVILEGIEE DE LA SCENE PETROLIERE MONDIALE.
Comme l'écrit Alain Fogue Tedom (2008 :
133), "Au regard des attentes actuelles et surtout à venir des
puissances industrielles par rapport aux ressources naturelles africaines en
général et en particulier par rapport au pétrole du golfe
de guinée, on est en droit de s'interroger sur la validité de
l'analyse qui, au début des années 1990, soutenait l'idée
qu'avec la fin de la guerre froide l'Afrique noire avait perdu tout
intérêt stratégique pour les grandes puissances ".
Même si économiquement l'Afrique noire n'a qu'un poids marginal
dans le commerce mondial, son sous- sol demeure l'un des plus riches du monde
en matières premières. Le continent africain regorge en effet de
nombreux gisements de pétrole dont l'industrie occidentale reste
très demandeuse. Par ailleurs, à cause de son déficit
d'autonomie stratégique et politique, elle offre aux compagnies
étrangères la possibilité d'acquérir des
concessions et de s'offrir des marchés captifs qu'elles ne peuvent
trouver nulle part ailleurs (Fogue Tedom ; 2008 : 133). Cependant,
malgré la richesse de son sous-sol en ces matières
premières, l'Afrique noire, traversée par la corruption
politique, est incapable de rationaliser leur gestion afin d'en tirer le
meilleur profit.
Du fait de la place qu'il occupe désormais dans la
géopolitique pétrolière mondiale, notamment dans la
politique de diversification des sources d'approvisionnement
énergétique des grandes puissances industrielles, le golfe de
guinée est désormais un point névralgique de la
scène pétrolière internationale. Sa position
géostratégique, son important potentiel énergétique
et les multiples atouts de son pétrole (section1), couplés
à l'incapacité politique et technologique des autorités
politiques locales à contrôler et à exploiter ses
ressources (section 2), font de cette sous région une zone
privilégiée de la scène pétrolière mondiale
et une réponse éventuelle à la dépendance
énergétique de la Chine.
SECTION I : Potentiel
énergétique et atouts du brut du golfe de guinée
Troisième région mondiale productrice de
pétrole, l'Afrique détient 10% (Kounou Michel ; 2006 :
16) des réserves mondiales et connaît depuis quelques temps une
véritable ruée de la part des grands pays industrialisés.
En effet, longtemps située dans un « angle mort » de
la politique extérieure des principaux pays consommateurs (Etats-Unis,
Chine, Japon), elle est aujourd'hui l'objet d'un véritable assaut. Jadis
écartée des enjeux géostratégiques et des jeux des
grandes puissances, l'Afrique en général et le golfe de
guinée en particulier est devenu l'objet de convoitises des puissances
consommatrices de pétrole.
Avant de procéder à une étude des
différents atouts du brut du golfe de guinée (paragraphe 2), il
serait judicieux au préalable de présenter le potentiel
énergétique de cette sous région (paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Le
potentiel énergétique du golfe de guinée
Doté d'un potentiel énergétique important
et de sources d'énergies diverses et variées (pétrole,
gaz, biomasse, etc.), le golfe de guinée, jadis réputé
pour la qualité de ses produits agricoles, est devenu depuis quelques
années un véritable eldorado pétrolier (Ntuda Ebode ;
2004 : 44). Dans un contexte international marqué entre autre par
la dépendance énergétique des pays industrialisés
(Etats-Unis, Chine, Japon, Union Européenne), le golfe de guinée
regorge d'un pétrole non seulement réputé pour sa
qualité, mais aussi et surtout des réserves en pleine croissance
(A). Par ailleurs, le volume de la production y est particulièrement
élevé (B).
A- Des réserves de
plus en plus importantes
La région du golfe de guinée, où se
concentre l'essentiel des réserves d'Afrique subsaharienne, est devenue
depuis quelques années l'une des zones-phares de la scène
pétrolière mondiale. Certes, elle n'est pas un " nouveau
Moyen-Orient ", mais les réserves prouvées dans l'ensemble
des pays de la région sont sans cesse revues à la hausse. Elles
s'élèvent aujourd'hui à 55milliards de barils, soit 4.8%
des réserves mondiales (Copinschi P. ; Noel Pierre. ;
2005 : 29).
L'Afrique subsaharienne, le golfe de guinée en
particulier, compte des Etats détenteurs de pétrole ou en devenir
dont les fonds terrestres et marins regorgent d'importantes réserves de
pétrole brut. C'est par exemple le cas du Nigeria, de l'Angola et de la
guinée Equatoriale.
Le Nigeria est de loin le pays détenteur de
pétrole le plus important d'Afrique subsaharienne. Ses réserves
prouvées sont passées de 31,5 milliards de tonnes en
décembre 2002 à 35,2 milliards en avril 2005 (Kounou
Michel ; 2006 : 33). Elles sont si importantes qu'elles
représentent plus du double des réserves des autres Etats
africains détenteurs (Kounou Michel ; 2006 : 33). En fin 2006,
les réserves du Nigeria s'élevaient à environ 36,2
milliards de barils (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ; 2008 :
20).
L'Angola quant à lui est un autre géant
pétrolier africain, ses réserves s'élevaient en 2006
à 9 milliards de barils (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ;
2008 : 20). Aux dernières évaluations, les réserves
angolaises s'élevaient à 12 milliards de barils20(*).
Pour ce qui est de la guinée Equatoriale, ses
réserves étaient estimées, en fin 2006, à 1,8
milliards de barils (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ; 2008 :
20).
Tableau n° 3 : Productions
et réserves d'hydrocarbures en Afrique (fin 2006)
Pétrole
|
Gaz
|
Pays
|
Réserve milliards de barils
|
% mondial
|
Réserves en années de prod.
|
Prod. Milliers de barils/j
|
% mondial
|
Réserves (billions de m3)
|
% mondial
|
Réserves en années
|
Prod. Milliards M3
|
% mondial
|
Algérie
|
12.3
|
1.00 %
|
16.8
|
2005
|
2.20 %
|
4.5
|
2.50 %
|
53.2
|
84.5
|
2.90 %
|
Angola
|
9
|
0.70 %
|
17.6
|
1409
|
1.80 %
|
|
|
|
|
|
Autre
|
0.6
|
0.10 %
|
24.6
|
68
|
0.10 %
|
1.21
|
0.70 %
|
100+
|
8.2
|
0.30 %
|
Cameroun
|
|
|
|
63
|
0.10 %
|
|
|
|
|
|
Egypte
|
3.7
|
0.30 %
|
15
|
678
|
0.80 %
|
1.94
|
1.10 %
|
43.3
|
44.8
|
1.60 %
|
Gabon
|
2.1
|
0.20 %
|
25.3
|
232
|
0.30 %
|
|
|
|
|
|
Guinée Equatoriale
|
1.8
|
0.10 %
|
13.8
|
358
|
0.50 %
|
|
|
|
|
|
Libye
|
41.5
|
3.40 %
|
61.9
|
1835
|
2.20 %
|
1.32
|
0.70 %
|
88.9
|
14.8
|
0.50 %
|
Nigeria
|
36.2
|
3.00 %
|
40.3
|
2460
|
3.00 %
|
5.21
|
2.90 %
|
100+
|
28.2
|
1.00 %
|
Rep. Du Congo (Brazzaville)
|
1.9
|
0.20 %
|
19.9
|
262
|
0.30 %
|
|
|
|
|
|
Soudan
|
6.4
|
0.50 %
|
44.2
|
397
|
0.50 %
|
|
|
|
|
|
Tchad
|
0.9
|
0.10 %
|
16.1
|
153
|
0.20 %
|
|
|
|
|
|
Tunisie
|
0.7
|
0.10 %
|
27.5
|
69
|
0.10 %
|
|
|
|
|
|
Total Afrique
|
117.2
|
9.70 %
|
32.1
|
9990
|
12.10%
|
14.18
|
7.80 %
|
78.6
|
180.5
|
6.3 %
|
Source : Enjeux n° 36
Juillet 2008, page 20.
Dans ce tableau, nous notons que dans la plupart de pays
africains, les réserves et la production d'hydrocarbures (pétrole
et gaz naturel) sont loin d'être négligeables. En effet, 2006,
l'Afrique produisait un peu plus de 12% du pétrole mondiale et 6.3% de
gaz. Les réserves de pétrolé s'élevaient quant
à elles à 117.2 milliards de barils, soit 9.70 % des
réserves mondiales. Pour ce qui est du gaz, en cette date, les
réserves africaines s'élevaient à 14.18 millions de m3,
soit 7.80 % des réserves mondiales.
B- Une production
massive
Le développement rapide de la production
pétrolière en Afrique (plus 40% entre 1990 et 2004) permet au
continent africain d'assurer aujourd'hui 12% de la production
pétrolière mondiale (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ;
2008 : 20) en augmentation constante depuis quelques années. La
production africaine est en effet un élément clé de
l'approvisionnement du marché mondial. Non pas que sa part dans la
production totale soit très importante, mais
l'homogénéité des produits pétroliers est telle que
l'équilibre du marché, et donc le prix, sont
déterminés par les « barils marginaux »
(Charnoz Olivier ; 2003 :21).
Le secteur pétrolier africain, en pleine croissance,
acquiert donc un poids stratégique supérieur au simple volume de
sa production. A travers son pétrole, l'Afrique acquiert une nouvelle
stature internationale, et suscite un regain d'intérêt
stratégique. En effet, avec une production de 4 millions de barils par
jour, dont l'essentiel provient du golfe de guinée, l'Afrique
subsaharienne affiche une capacité de production s'élevant
à 6 % des extractions mondiales. Davantage, dans 10 ans cette
production aura augmenté de 30 % contre 16 % seulement pour les autres
continents (P. Bernard ; 2004 :4)21(*).
Dans le cadre de ce travail, nous présenterons la
production du golfe de guinée à travers l'exemple des
producteurs majeurs de la sous région, que sont : le Nigeria (1),
l'Angola (2) et la Guinée Equatoriale (3).
1- Le NIGERIA
Récemment déclassé par l'Angola, le
Nigeria est aujourd'hui le deuxième producteur africain de
pétrole. La production pétrolière nigériane est
restée jusque là concentrée dans les marécages du
Delta du Niger au Sud, mais également en off shore, en 2006, elle
s'élevait à 2460 millions de barils par jour (Poissonnier
H. ; Huissoud J. M ; 2008 : 20), et pourrait avoisiner 4.4
millions de barils par jour en 2020 (Kounou Michel ; 2006 : 40).
Seulement ces dernières années, eu égard aux attaques
à répétition que subissent les installations
pétrolières, la production connaît une certaine
baisse22(*). En effet,
loin d'être sécurisée, la production nationale,
après avoir fortement progressée entre 2002 et 2004,
régresse à nouveau. Elle a chutée de 5 à 7 % selon
les sources en 2006 et d'environ 4 % sur les huit premiers mois de 2007 (Maury
Fréderic ; 2008 : 134).
Toutefois, pour certains analystes, avec la mise en service de
nouveaux puits, la production connaîtra à nouveau une croissance
régulière.
2- L'ANGOLA
Eternel deuxième producteur de brut d'Afrique
subsaharienne, en juin 2008, l'Angola a raflé la première place
du palmarès au Nigeria (Meunier Marianne ; 2008 : 72). Une
victoire symbolique, conséquence de la montée en flèche de
sa production : multipliée par deux entre 2003 et 2007, elle a
atteint 1,9 millions de barils par jour au premier semestre 2008 (Meunier
Marianne ; 2008 : 72). L'avenir pétrolier de l'Angola parait
radieux, le pays a rejoint l'organisation des pays exportateurs de
pétrole (OPEP) en janvier 2007 (Maury Fréderic ; 2008 :
138).
Entre 2004 et 2006, l'extraction pétrolière
angolaise avait déjà progressé de 44% (Maury
Fréderic ; 2008 : 138). Cette performance s'explique en
partie, par la mise en production de nombreux champs en eaux profondes dont les
perspectives ne cessent d'être révisées à la hausse.
Selon les analystes, la production angolaise pourrait atteindre un pic à
plus de 2.5 millions de barils par jour entre 2010 et 2012, avant de retomber
à son niveau actuel en 2020 (Maury Fréderic ; 2008 :
136).
A partir de 2002, la stabilisation politique explique le
« boom pétrolier » angolais. EXXON MOBIL, TOTAL,
CHEVRON : les trois majors constituent le trio de têtes des
opérateurs dans le pays. Derrière elles, le chinois SINOPEC
exploite lui aussi sa part du brut, pour le plus grand bonheur de Pékin,
premier acheteur du pétrole angolais. La société nationale
d'hydrocarbures (SONANGOL, concessionnaire) dispose également d'une
filiale active dans la production.
3- LA GUINEE
EQUATORIALE
La Guinée Equatoriale a été pendant
longtemps considérée comme un « désert en
hydrocarbures » (Ewangue Lucien ; 2006 : 20). Cependant,
avec la découverte dans les eaux territoriales
équato-guinéennes d'importantes réserves de
pétrole, cette perception a radicalement évolué. C'est
avec la découverte du gisement de ZAFIRO par MOBIL en 1995, que le pays
arbore véritablement la stature de pays producteur de pétrole,
alors qu'il importait encore la totalité de son pétrole une
décennie auparavant. Plusieurs champs importants sont exploités
en permanence : ceux situés dans l'île de BIOKO (ALBA,
ZAFIRO, et JADE) et ceux situés sur le continent (CIBA, etc.). En 1996,
la production de brut s'élevait à 40.600 barils par jour (Kounou
Michel ; 2006 : 4). Elle a augmenté lors des deux derniers
exercices de l'ordre de 40%. C'est avec l'exploitation du gisement de Mbini,
à 40km au sud de Bata que la capacité de production s'est vue
renforcée.
Ce gisement serait actuellement le plus important du golfe de
guinée, selon les premières estimations. Avec une augmentation de
20 %, la production de pétrole, favorisée par la
découverte de nouvelles réserves, a presque triplé,
passant d'environ 125 milles barils par jour en 2002 à 350 milles barils
par jour en 2005. Le petit ruisseau pétrolier
équato-guinéen s'est transformé en véritable
torrent et on pourrait dépasser les 500 milles barils par jour à
l'horizon 2010 (Kounou Michel ; 2006 : 44). MALABO se positionne
aujourd'hui comme le troisième producteur au sud du Sahara et est devenu
le premier producteur pétrolier de la zone CEMAC. Selon toutes les
projections, les eaux profondes équato-guinéennes feraient de cet
Etat, un des plus grands producteurs de pétrole de l'heure et des
années à venir.
Au-delà de son potentiel énergétique
important, le brut du golfe de guinée présente de nombreux atouts
qui attisent les convoitises des principaux pays industrialisés,
notamment la Chine dont la demande énergétique semble
insatiable.
Paragraphe 2 : les
atouts du brut du golfe de guinée
Plusieurs facteurs expliquent le regain d'intérêt
actuel pour le brut du golfe de guinée. Ce pétrole, comme celui
de l'Afrique noire en général présente des avantages qui
le soumettent aux convoitises et aux rivalités des principales
puissances consommatrices : sa qualité, sa situation offshore (A),
ses atouts d'ordre économique (B), enfin le caractère incitatifs
des régimes contractuels et fiscaux(C) dans les pays de la
région.
A- Un pétrole de
qualité et à l'abri des tensions sociales
1. La qualité du brut
du golfe de guinée
Traditionnellement, deux critères déterminent la
qualité du pétrole : sa viscosité (léger,
moyen, lourd) et sa teneur en souffre (doux ou sulfuré) (Kounou ;
2006 : 29). En effet, plus il est léger et doux, meilleur est sa
qualité. C'est par exemple le cas du "Bonny light" qui
fournit de rendements élevés en essence. Le pétrole du
golfe de guinée est réputé de bonne qualité, tant
il est léger et doux. La qualité de ce pétrole en fait un
produit très demandé par les puissances industrielles de l'heure,
en l'occurrence la Chine.
2. un pétrole à
l'abri des tensions sociales
D'origine maritime pour l'essentiel, le pétrole du
golfe de guinée est offshore, et par conséquent à
l'abri des troubles sociaux et politiques. En effet, comme le souligne
robert MURPHY, conseillé pour l'Afrique au département d'Etat
Américain, situés pour la plupart en mer, les gisements du golfe
de guinée sont relativement à l'abri des troubles sociaux et
politiques qui pourraient subvenir dans la région. La production
offshore présente en effet l'avantage de limiter les interactions
potentiellement explosives entre les compagnies et les populations locales. Le
risque politique, du point de vue des compagnies en est réduit d'autant.
Si l'instabilité politique est dans certains pays comme le Nigeria l'un
des problèmes majeurs entravant la croissance de la production23(*), en Angola et au Congo
Brazzaville, la quasi-totalité de la production est offshore, c'est ce
qui en partie explique le fait qu'elle n'ait jamais été
interrompue malgré les conflits qui s'y sont déroulés
(Copinschi P. ; Noel P ; 2005 : 31).
B- Les avantages d'ordre
économique
Les avantages d'ordre économique tiennent aux
spécificités de la région elle-même, ces
spécificités sont liées à la nature
géologique des zones prospectées. En effet, pour NTUDA
EBODE (2004 : 47) :
" Celles-ci permettent de réduire les délais
entre la mise à jour des découvertes et leur exploitation. Les
investisseurs pouvant ainsi rapidement récupérer leurs capitaux.
Comparée à la mer du Nord, la région
bénéficie en outre d'un climat plus clément, ce qui
facilite les opérations au large des cotes. Par ailleurs, son taux de
réussite de forage des puits d'exploitation est d'environ 50%, alors
qu'il n'est que de 10% dans le reste du monde. Davantage, 50 à 60% des
puits d'exploration qui y sont forés permettent de découvrir un
gisement d'une capacité supérieure à 100 millions de
barils ".
Bien plus, les Etats pétroliers de la région
sont largement ouverts aux investisseurs étrangers et aucun n'a jamais
véritablement nationalisé les activités
pétrolières, pas même le Nigeria et l'Angola pourtant
membres de l'OPEP. Il est par conséquent plus facile d'agir sur le prix
de leur production pétrolière. Contrairement au Moyen-Orient, au
Mexique, au Venezuela, à la Russie ou encore à l'Afrique du Nord,
l'Afrique subsaharienne fait pleinement partie du segment concurrentiel de
l'industrie pétrolière internationale.
De plus, la facilité d'évacuation est un atout
supplémentaire face à d'autres régions comme l'Asie
centrale dont l'enclavement constitue l'un des principaux obstacles à la
croissance de la production. Enfin, le coût d'exploitation est
relativement bas, car les bassins étant proches des côtes, il est
facile de faire passer sans frais de transport supplémentaires, le
pétrole des puits de forage vers les tankers24(*).
C- Des régimes
contractuels et fiscaux incitatifs
Les conditions contractuelles et fiscales y sont
particulièrement incitatives. Il s'avère que les producteurs
pétroliers africains traitent avec désinvolture les relations
contractuelles avec les grandes ou moyennes compagnies exploiteuses du
pétrole africain (Kounou Michel ; 2008 : 10). En effet, les
gouvernements africains, du fait des difficultés financières
auxquelles ils sont confrontés, ont tendance à assouplir les
législations et les régimes fiscaux applicables aux compagnies
pétrolières étrangères. Ainsi, il est en effet
assez curieux de constater que les associations (joint-ventures), jadis
prisées depuis les années 1970 par les gouvernements africains,
sont presque systématiquement remplacées par des contrats de
partage de la production(CPP), rédigés en des termes
généralement plus avantageux pour les compagnies
étrangères (Kounou Michel ; 2008 : 10). La
Guinée Equatoriale constitue dans ce sens un véritable cas
d'école. En effet, la répartition des bénéfices du
pétrole n'y est pas favorable à l'Etat, qui ne recueille que 25%
du chiffre d'affaire, abdiquant 75% aux compagnies
étrangères25(*). Pour attirer les investissements étrangers,
les autorités ont cru devoir à ce point brader le pétrole,
même si aujourd'hui Malabo proclame qu'avec les nouveaux contrats, cette
part ténue des dividendes pétroliers s'élèvera
à 40%.
En Angola, plusieurs compagnies se distribuent les puits et
intérêts pétroliers, au détriment de la compagnie
nationale Angolaise (SONANGOL).Cette dernière procède
généralement par joint-venture pour des gisements offshore du
Cabinda, et se trouve en minorité depuis des années -SONANGOL
(41%), Cabinda Gulf Oil Chevron (39.2%), Agip (9.8%) et Elf (10%) (Kounou
Michel ; 2008 : 11).
Au Nigeria, deux principales associations lient la
société nationale aux compagnies étrangères. La
première regroupe la NNPC (55%) et Shell (45%) ; tandis que la
deuxième est constituée de la NNPC (60%) et EXXON MOBIL, Chevron
Texaco, ENI/Agip et TotalFinaElf (40%) (Favennec JP ; Copinschi P. ;
2003 : 137). Dans les négociations des contrats pétroliers,
contrairement aux autres pays producteurs africains, le Nigeria s'en sort
relativement mieux. En effet, dans les deux contrats signés avec les
compagnies étrangères, la part de la compagnie nationale NNPC est
nettement supérieure, au regard des chiffres publiés.
Au total, on s'aperçoit de manière
générale que quelle que soit la modalité contractuelle
retenue, les compagnies pétrolières étrangères
engrangent d'énormes profits. Elles s'accaparent en effet d'une part
importante de la production pétrolière africaine pour en tirer un
plus grand bénéfice sur les marchés internationaux. D'un
point de vue purement réaliste, l'attitude de ces compagnies
s'avère être assez compréhensive. Mais, ce qui est tout de
même curieux, c'est le fait que se soit avec la complicité des
africains qu'elles parviennent ainsi à spolier le continent de ses
richesses.
Donc, dans le souci de mieux cerner les différents
contours de cette offensive chinoise dans la sous région, il est
nécessaire d'intégrer à notre analyse la volonté de
la classe dirigeante africaine à servir cette initiative ou du moins
à faciliter sa mise en oeuvre.
SECTION II :
L'incapacité politique et technologique des dirigeants à
contrôler et à exploiter les ressources.
Parmi la panoplie de raisons qui pourraient être
évoquées pour expliquer l'offensive pétrolière de
la Chine dans le golfe de guinée, le caractère
prépondérant de l'incapacité politique et technologique
des dirigeants à contrôler et à exploiter les ressources
s'impose à l'analyste. Ainsi, le déficit d'autonomie politique et
stratégique, compris comme étant l'absence ou l'insuffisance
d'autonomie dans la définition des objectifs politiques et la gestion
des affaires publiques, nous permettra de démontrer qu'en
réalité, l'extraversion étatique, caractéristique
de l'Etat postcolonial africain est une cause prépondérante de la
ruée de pékin dans la sous région depuis quelques
années. En effet, à travers ces pans de souveraineté que
les pays africains en général, et ceux du golfe de guinée
en particulier concèdent à leurs partenaires extérieurs
dans la définition, voire l'orientation de leur gestion quotidienne, la
possibilité pour ces derniers de transformer ces espaces au mieux de
leurs intérêts demeure élevée. C'est donc cette
possibilité de pouvoir influer sur l'orientation des politiques locales
qui structurent majoritairement l'offensive de pékin, comme celle des
autres puissances industrielles dans la sous région.
Aussi, l'étude minutieuse de cette extraversion
étatique nous permettra-t-elle de mieux cerner les différents
contours de cette incapacité politique des dirigeants à
contrôler et à exploiter les ressources (paragraphe 1). Par
ailleurs, à travers la faible demande énergétique des pays
de la sous région liée à une sous industrialisation, nous
étudierons cette incapacité technologique (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 :
L'incapacité politique
Il sera question ici de démontrer que le déficit
d'autonomie politique et stratégique dont souffrent les Etats du golfe
de guinée peut être invoqué pour expliquer
l'incapacité des autorités politiques locales à
contrôler et à exploiter les ressources. C'est dire que
l'offensive de la Chine dans le golfe de guinée pourrait en partie
s'expliquer par la possibilité qu'a Pékin de pouvoir influer sur
la gestion de la question pétrolière de ces Etats. Le
déficit d'autonomie politique et stratégique entretenu à
la fois par l'élite politique africaine et par les puissances
étrangères constitue une passerelle que pékin pourrait
utiliser pour mettre en oeuvre ses objectifs.
Cette incapacité politique sera analysée ici
à travers l'extraversion des Etats de la sous région (A). Il sera
ensuite question de montrer que le pétrole du golfe de guinée est
politiquement à la portée des multinationales à
visée stratégique, chinoise en l'occurrence (B).
A- L'extraversion des Etats
du golfe de guinée : un élément structurant de leur
incapacité politique à contrôler et à exploiter
leurs ressources
L'incapacité politique de la classe dirigeante
africaine à contrôler et à exploiter les ressources, peut
à plusieurs égards se présenter comme la
conséquence de leur extraversion étatique. En effet, le concept
d'extraversion étatique en Afrique noire renvoie à la question
centrale du déficit d'autonomie stratégique et politique dont
souffrent de nombreux pays. Il met en lumière les espaces de
souveraineté que les pays africains laissent à leurs partenaires
étrangers pour l'élaboration de leurs politiques. Nombre de pays
africains en effet, au mépris de la maxime chère à Georges
Washington (1732-1799) selon laquelle, aucune nation ne doit être crue
au-delà de son intérêt, associent leurs partenaires
étrangers, (la Chine en l'occurrence) à la définition des
sujets vitaux pour leur indépendance et leur survie26(*). Cette situation les prive
ainsi de toute autonomie stratégique. De ce fait, ces derniers
deviennent incapables de maîtriser ou de contrôler, même de
façon relative, leur destin politique, stratégique et
économique. Du fait de cette extraversion, leurs partenaires
étrangers ont la possibilité d'influer sur la gestion de la
question pétrolière, comme sur celle d'autres questions
importantes. C'est justement cette capacité à pouvoir influer sur
la définition, voire l'orientation de la question
pétrolière dans ces Etats qui explique en majeur partie
l'offensive de pékin, comme celle des autres puissances industrielles
dans la sous région du golfe de guinée.
En effet, le golfe de guinée étant de loin un
géant pétrolier, l'offensive dont il est aujourd'hui l'objet de
la part des grandes puissances industrielles s'explique davantage par cette
possibilité pour ces dernières de pouvoir interférer dans
la gestion de leur politique pétrolière. Avec plus de
pétrole que le golfe de guinée, la Russie par exemple, en raison
de sa maturité stratégique n'est pas l'objet des mêmes
convoitises.
Toutefois, il est important de préciser que cette
extraversion est la résultante de la rencontre des intérêts
des partenaires étrangers qui, en l'organisant se sont
ménagés des monopoles économiques et des marchés
captifs à travers le continent d'une part, et d'autre part, celui d'une
classe dirigeante africaine désireuse de prendre appui sur des
alliés extérieures pour se maintenir au pouvoir contre la
volonté de leurs peuples.
B- Un pétrole
politiquement à la portée des multinationales
Intentionnellement, les régimes africains ont
préféré faire dépendre leur pouvoir des soutiens
extérieurs, dans le but d'imposer plus facilement leur autorité
à leurs populations. C'est ce qui explique la perte de monopole
politique des dirigeants sur la gestion de la question
pétrolière, comme d'ailleurs dans plusieurs autres secteurs
clés de la vie nationale. Cette perte de monopole entraîne une
dépendance voire une vulnérabilité de l'élite
politique africaine en même temps qu'elle permet à ses partenaires
étrangers de transformer l'espace africain au mieux de leurs
intérêts. C'est dire que eu égard à la collusion
d'intérêts entre l'élite politique africaine en
général et celle du golfe de guinée en particulier, et les
multinationales à visée stratégique, les ressources
africaines sont désormais politiquement à la portée de ces
dernières. C'est ce qui explique majoritairement cette ruée quasi
systématique des grands pays industrialisés, notamment de la
Chine dans la sous région du golfe de guinée.
L'opacité créée et entretenue autour du
volume réel de la production de pétrole illustre assez cette
réalité. En effet, la ruée des multinationales
pétrolières en Afrique s'explique en partie par la
difficulté, voulue et entretenue, des autorités politiques
locales à instituer un contrôle hermétique sur le volume
réel de la production quotidiennement extrait des entrailles du
continent (Kounou Michel ; 2006 : 116). C'est ce qui explique
d'ailleurs l'intensité avec laquelle cette ressource stratégique
est pompée.
Les méthodes utilisées pour entretenir le flou
autour du volume réel de la production sont multiples et variées.
La première méthode (la plus utilisée), consiste à
sous estimer la quantité de brut vendu ou la quantité
livrée, en contre partie des substantielles commissions versées
par les acheteurs (Airault Pascal ; 2008 : 33). C'est donc dire que
c'est volontairement et surtout complaisamment que les autorités
politiques locales se fient aux chiffres fournis par les compagnies
étrangères. Davantage, le phénomène de
« tankers fantômes », dont la cargaison
s'évapore sans laisser de traces, est une autre méthode
couramment utilisée. Ces fameuses " cargaisons fantômes"
(Airault Pascal ; 2008 : 33), ces tankers non déclarés
dont le contenu s'évapore mystérieusement, constituent
malheureusement un phénomène à la mode dans le golfe de
guinée.
Ainsi, à travers ces différentes
méthodes, les compagnies pétrolières réussissent
à entretenir le flou autour du volume réel de la production
extraite quotidiennement, ceci avec la complicité bienveillante des
autorités politiques locales. Cette complaisance relève
elle-même d'un fait : l'incapacité technologique.
Paragraphe 2 :
Incapacité technologique
L'incapacité technologique des Etats du golfe de
guinée à exploiter les ressources est étroitement
liée à leur déficit d'autonomie politique et
stratégique. En effet, l'extraversion dont souffrent ces Etats, se
caractérisant par une absence de vision stratégique et de
volonté politique, peut être évoquée ici pour
expliquer cette incapacité technologique des Etats à exploiter
et à transformer eux-mêmes leurs ressources. La faiblesse de la
consommation énergétique locale (A), liée à
l'absence voire à l'insuffisance de structures de raffinage (B) nous
permettra donc d'étudier cette incapacité technologique.
A- La faiblesse de la demande
énergétique locale
Si le golfe de guinée est aujourd'hui
désigné comme la réserve mondiale d'hydrocarbures, c'est
moins parce qu'il détient les plus importantes réserves que parce
qu'il regorge d'un pétrole facile d'accès pour les puissances
industrielles en raison de la faible demande des pays de la sous région
comparée à leur capacité de production (Fogue Tedom ;
2008 : 163). Le regain actuel pour le golfe de guinée s'explique
donc aussi par l'incapacité des Etats à exploiter eux-mêmes
leurs ressources, mais également par leur faible besoin en
énergie lié à une sous industrialisation27(*). Comme l'affirme Géraud
Magrin (2008) " La consommation énergétique en Afrique
sub-saharienne est en effet très faible et estimée à
0,5 tonne équivalent pétrole (tep)/an/habitant, contre 4 en
Europe et 8 aux Etats-Unis". La faible consommation d'énergie est
à la fois un symptôme de pauvreté et un obstacle à
l'amélioration économique et sociale : l'insuffisance et le
coût de l'énergie pénalisent l'industrie, le transport et
toutes les activités modernes. De plus, l'accès aux
énergies modernes (électricité, gaz, produits
pétroliers) est très limité. Les énergies dites
traditionnelles, issues des matières premières renouvelables
(bois et charbon de bois) et de sous-produits agricoles (résidus de
culture, déjections animales), occupent une place
prépondérante.
Si le continent dispose d'importantes ressources,
(énergie renouvelable ou d'énergie fossile), celles-ci sont
très nettement sous-exploitées. La consommation
énergétique est de ce fait très faible en Afrique, ne
représentant que 5,5 % de la consommation mondiale pour une
démographie équivalente à 13 % de la population de la
planète (Leroux Florence ; 2004). Elle s'oriente essentiellement
vers la biomasse, composée notamment du bois de chauffe et de ses
dérivés
Quand la rareté, l'inaccessibilité et la
pauvreté se conjuguent pour limiter l'usage de ces sources modernes ou
traditionnelles, le recours à l'énergie animale (dromadaires,
bovins, équins) ou humaine s'impose. Dans les pays les plus riches en
ressources mais pauvres en énergie disponible, la dépendance
énergétique et pétrolière illustre la sous
valorisation des potentialités naturelles.
B- L'insuffisance de
structures de raffinage
L'insuffisance des structures de raffinage est une parfaite
illustration de cette incapacité technologique des Etats à
exploiter et à transformer eux-mêmes les ressources. En Afrique
subsaharienne, et dans le golfe de guinée en l'occurrence, les
activités d'exploration, de production, de raffinage et de
commercialisation pétrolière ; de même que les
technologies utilisées, autant que les capitaux investis, sont et
demeurent étrangers. Les pays de la sous région concèdent
leur souveraineté en matière pétrolière à
des multinationales à visée stratégique. C'est ce qui
explique en partie leur incapacité à pouvoir mettre en oeuvre une
politique pétrolière logique et cohérente. Ainsi, ils ne
sont toujours pas en mesure de structurer une stratégie lucide de
gestion de toute la problématique pétrolière. De ce fait,
seules quelques petites raffineries ont été construites pour des
besoins immédiats des entreprises étrangères basées
localement, et ces petites raffineries n'opèrent que dans des conditions
minimales, c'est-à-dire en dessous de leurs capacités (Favennec
JP ; Copinschi Philippe ; 2003 : 142).
Les quantités de pétrole raffinées
localement sont en effet extrêmement faibles, pour ne pas dire
insignifiantes. Davantage, les opérations de raffinage et la
détermination des coûts des produits raffinés chez eux leur
échappent et leur échapperont encore, tant et aussi longtemps que
demeurent les lois commerciales roublardes et iniques actuelles (Kounou
Michel ; 2008 : 10). L'insuffisance criarde de structures de
raffinage sur l'ensemble du continent peut en partie s'expliquer par une
volonté occidentale de maintenir une sorte de " tutelle
technologique " dans ses relations avec l'Afrique. En effet, dans les
relations qu'elle entretient avec l'Afrique, l'Occident, tout comme les autres
partenaires entendent perpétuer la dépendance technologique de
l'Afrique.
Le Nigeria par exemple, un géant pétrolier
africain ne dispose que de quatre raffineries à port Harcourt Rivers
state I (150.000 barils/jours), à Warri (118.000), à Kaduna
(110.000), à port Harcourt-Alésa Eleme II (60.000) (Kounou
Michel ; 2006 : 59). Ses capacités de raffinage sont largement
suffisantes, mais ne couvrent pas les besoins internes ; c'est dire que le
Nigeria se trouve dans une situation ambivalente d'un pays ayant les moyens de
fournir suffisamment de pétrole raffiné à sa population
,mais paradoxalement, le pays continue à subir les contrecoups de
pénuries à la pompe. Voilà pourquoi le gouvernement a pris
des mesures visant à emmener les compagnies pétrolières
à raffiner au moins 50% du pétrole au pays à partir de
2006 (Kounou Michel ; 2006 : 61). Cependant, les raffineries
nigérianes sont en proie à des problèmes multiples, qui
incluent des actes de sabotage, des incendies spontanés, une
négligence chronique de la maintenance et la corruption. Tous ces maux
ont contribué à la baisse de la production du pays. L'Angola,
premier producteur de brut africain depuis juin 2008 (Meunier Marianne ;
2008 : 72), ne dispose paradoxalement que d'une raffinerie digne de ce
nom, la Fina petroleos De Angola. Située à Luanda, elle a une
capacité de traitement journalier de (39.000 barils/jours). Quant
à la Guinée Equatorial, jusqu'en fin 2006, elle ne disposait
toujours pas de structures de raffinage.
Tableau n° 4 : Dotation en
raffineries et activités de raffinage des Etats pétroliers
africains en janvier 2005
|
Nombre de raffineries 1er/1 2005
|
Localisation et capacité des raffineries en baril/j au
1er janvier 2005
|
Terminaux importants d'évacuation rapide au 1er janvier
2005
|
Nigeria
|
4
|
Port Harcourt-Rivers State (150 000 barils/j), warri
(118 750), Kaduna (110 000), Port Harcourt-Alesa Eleme
(60 000).
|
Bonny Island, Bass River, Escravos, Forcados, Odudu,
Pennington, Kwa Iboe
|
Angola
|
1
|
Fina Petroleos De Angola, Luanda (39 000).
|
Luanda, malango (Cabinda), Palanca,
Quinfuquenn
|
Congo Brazzaville
|
1
|
Congolaise de raffinage (CORAF), pointe noire (21 000)
|
Pointe Noire
|
Guinée
Equatoriale
|
0
|
|
Proposition pour Bioko en 2007
|
Gabon
|
1
|
Sogara, Port Gentil (17 300)
|
Cap Lopez, Oguendjo, Gamba.
|
Soudan
|
4
|
El Gily (50 000), Khartoum (50 000), Port Soudan
(21 700), El Obeid (10 000)
|
Port Gentil Offshore, Lucina. M'bya
Port- Soudan
|
Cameroun
|
1
|
SONARA
|
Limbé, Kribi
|
Afrique du Sud
|
4
|
Shell/BP-Durban (172 000), Caltex-Cape Town
(110 000), Engen-Durban (150 000), National petroleum- Sasolburg
8 747)
|
Durban; Cape Town, Sasolburg.
|
RD Congo
|
1
|
|
-
|
Côte-d'Ivoire
|
1
|
Abidjan, (65 200).
|
Abidjan
|
Tchad
|
0
|
-
|
-
|
Ghana
|
1
|
Tema (45 000)
|
Accra
|
Bénin
|
0
|
-
|
-
|
Mauritanie
|
0
|
-
|
-
|
Sao Tome & Principe
|
0
|
Freetown (10 000)
|
Freetown
|
Source : Michel KOUNOU, Op.cit.,
page 60
De ce tableau, il ressort clairement que malgré la
place de plus en plus importante qu'ils occupent dans le paysage
pétrolier mondial aujourd'hui, les pays africains demeurent très
faiblement dotés en raffineries. Cette absence ou cette insuffisance de
structures de raffinage explique en partie les fréquentes
pénuries de pétrole à la pompe, malgré le fait que
ces pays soient d'importants détenteurs et producteurs de
pétrole.
Si l'offensive pétrolière chinoise en Afrique en
général, et dans le golfe de guinée en particulier,
s'explique à la fois, par un important besoin énergétique
interne liée à une croissance de la demande nationale, les atouts
du pétrole et de la région du golfe de guinée,
couplés au déficit d'autonomie politique et stratégique
dont souffrent les Etats de la sous région constituent à
l'analyse le modus vivendi de cette offensive chinoise. De ce fait,
dans la nouvelle ceinture pétro stratégique qu'est aujourd'hui le
golfe de guinée (Owona Nguini E.M. ; 2008 : 6), le
redéploiement stratégique des grandes puissances industrielles
étatiques (Chine en l'occurrence) constitue le principal centre
d'intérêt de notre étude. C'est dire qu'après avoir
procédé à l'analyse des motivations de l'offensive
pétrolière chinoise dans le golfe de guinée, il est
désormais question de s'intéresser aux stratégies mises en
oeuvre par pékin pour accéder au pétrole. Aussi, est-il
important pour nous de mener une étude de la démarche suivie par
la Chine pour accéder au pétrole du golfe de guinée d'une
part, et de l'impact politique de cette offensive chinoise sur
l'évolution de la démocratie et de la paix en Afrique en
général, et dans le Golfe de Guinée en particulier,
d'autre part.
DEUXIEME PARTIE :
DE LA STRATEGIE PETROLIERE
CHINOISE ET DE SON IMPACT POLITIQUE EN AFRIQUE
Eu égard à la compétition
économico- diplomatique que se livrent les pays industrialisés
pour le contrôle des ressources pétrolières africaines en
général et le pétrole du golfe de guinée en
particulier, il devient particulièrement intéressant d'analyser
les différentes démarches utilisées par ces derniers. En
effet, dans un contexte africain marqué par une concurrence accrue des
différentes firmes multinationales pour un accès
préférentiel au pétrole, leur capacité à
mettre en oeuvre de nouvelles stratégies, à se démarquer
de leurs concurrents, garantira le succès de leurs différentes
initiatives. La Chine, nouvel acteur étatique majeur de la scène
pétrolière africaine, déploie elle aussi des
stratégies lui permettant non seulement de se distancer des autre
puissances industrielles présentes sur le continent, mais de s'octroyer
cette ressource stratégique tant convoitée (chap.3).
Par ailleurs, la Chine ne plaçant aucune condition
politique autre que la non-reconnaissance de Taiwan à
l'établissement des relations diplomatiques avec ses partenaires
africains, son soutien aux régimes africains pourrait constituer une
sorte de caution politique à leur gestion archaïque de la
société et provoquer un immobilisme politique, réveillant
ainsi en eux l'habitus autoritaire. Aussi, le processus de
démocratisation laborieusement entamé en Afrique dans les
années 1990, risque-t-il d'être sérieusement
entravé, ceci du fait du soutien de la Chine aux régimes
africains. C'est dire que dans sa détermination à soutenir ses
partenaires africains qui lui fournissent du pétrole et bien d'autres
matières premières, la Chine pourra constituer un sérieux
frein à la démocratie et à la paix en Afrique (chap.4).
CHAPITRE III :
DE LA STRATEGIE PETROLIERE
CHINOISE DANS LE GOLFE DE GUINEE
Dans son étymologie grecque, la stratégie
signifie : « conduire la guerre ». C'est le
général prussien Friedrich Wulheim Bülow qui vulgarise ce
concept en 179428(*).
Au-delà des définitions courantes élaborées par les
grands stratégistes classiques, de Karl Von Clausewitz à Basil h.
Liddel Hart et à Raymond Aron, qui considèrent la
stratégie comme étant l'art d'employer les forces militaires pour
atteindre les résultats fixés par la politique. Dans le cadre de
ce travail, nous concevons la stratégie comme étant l'art de
cordonner des actions, de manoeuvrer habilement pour atteindre un but. Il sera
donc question d'étudier les différentes manoeuvres ou
démarches utilisées par la Chine pour s'octroyer du
pétrole dans le golfe de Guinée.
Dans sa quête et sa conquête du pétrole
africain en général, et celui du golfe de guinée en
particulier, la Chine a mis en oeuvre une stratégie
énergétique globale, se déployant aussi bien dans les
domaines politiques et économiques (section 1), que diplomatiques et
militaires (section 2).
SECTION I : Les piliers
politique et économique de la stratégie pétrolière
chinoise
Dans son déploiement stratégique autour du
pétrole du Golfe de Guinée, la politique et l'économie
constituent deux socles importants sur lesquels repose l'offensive chinoise. En
effet, dans la course qui l'oppose aux autres puissances industrielles en
Afrique pour la quête et le contrôle des ressources, la Chine a
choisi de faire reposer sa stratégie sur deux importants piliers :
la politique et l'économie. De ce fait, son soutien aux régimes
africains, sous le couvert des principes de neutralité et de
non-ingérence (paragraphe 1) constitue le pilier politique de cette
stratégie. Par ailleurs, s'étant rendu compte de l'important
déficit infrastructurel dont souffrent ses partenaires africains,
Pékin a logiquement choisit de faire reposer son offensive
économique sur une dotation en infrastructures (paragraphe 2).
Paragraphe 1 :
L'instrumentalisation des principes de neutralité et de
non-ingérence
Alors que la problématique qui structure la
scène politique africaine au lendemain de la guerre froide porte sur la
démocratisation, la Chine se présente comme un soutien
inconditionnel aux régimes africains (Fogue Tedom ; 2008 :
158). Ce soutien se matérialise par une démarche assez subtile de
la Chine consistant à se réfugier derrière certains
principes consacrés du droit international : à savoir les
principes de neutralité et de non-ingérence. Il est en effet
assez curieux de constater que pendant que les chancelleries occidentales et
l'ensemble de la communauté internationale décrient
régulièrement la gestion archaïque du pouvoir en Afrique, la
Chine quant à elle se complait à une non prise de position,
invoquant de façon quasi permanente les principes de neutralité
et de non-ingérence. D'où la nécessité pour nous de
nous interroger sur le sérieux de cette attitude. Aussi, serait-il
judicieux dans un premier temps de présenter de façon assez
sommaire le contenu de ces principes consacrés de droit international
(A), pour ensuite montrer l'instrumentalisation que pékin fait de
l'utilisation de ceux-ci (B).
A- La neutralité et la
non-ingérence : deux principes consacrés de droit
international
La non-ingérence ou la non-intervention est un
principe de droit international renvoyant à une interdiction faite
à un Etat d'interférer dans le domaine de compétence d'un
autre Etat, en vertu des principes d'égalité et de
souveraineté des Etats29(*).
La neutralité quant à elle est un acte
unilatéral par lequel un Etat renonce ponctuellement ou de façon
permanente à intervenir dans un conflit armé international, ou le
cas échéant à prendre position vis-à-vis de la
gestion interne d'un autre Etat.
C'est dire que sur un plan purement normatif, la non prise de
position de la Chine par rapport à la gestion interne de ses partenaires
africains est tout à fait compréhensible. La Chine, tout comme
les autres Etats de la scène internationale dans leur collaboration avec
les pays africains devraient respecter la souveraineté de ces derniers,
en évitant toute forme d'ingérence. Cette conformité, du
moins formelle, de la Chine au droit international devrait à priori
être saluée. Seulement, il serait assez naïf de croire que la
Chine engagée qu'elle est dans la course aux hydrocarbures en Afrique
puisse autant se soucier du respect du droit international. Croire ainsi
à la bonne foi de la Chine dans de pareilles circonstances serait faire
preuve d'un angélisme coupable. S'inscrivant dans une perspective
essentiellement réaliste, la Chine instrumentalise à merveille le
droit international à des fins politiques.
B- La logique
d'instrumentalisation
Dans les relations que la Chine entretient avec ses
partenaires africains, la neutralité et la non ingérence ne sont
en réalité que des instruments au service de sa quête de
pétrole. La Chine ne respecte pas uniquement ces principes en tant que
textes consacrés, mais s'en sert pour atteindre son objectif
(accéder au pétrole de la sous région). En effet, pour les
dirigeants africains, la non prise de position de la Chine vis-à-vis de
leur gestion interne constitue une sorte de caution politique à leur
action, surtout dans un contexte où ils sont au quotidien
critiqués pour leur gestion quelque peu rudimentaire du pouvoir. En
adoptant cette attitude, Pékin espère se rapprocher davantage des
dirigeants africains et obtenir un accès préférentiel
à leurs ressources, le pétrole en l'occurrence.
En se réfugiant derrière le principe de
neutralité, la Chine refuse de juger l'action des dirigeants africains
et ne pose pas de condition politique autre que la non reconnaissance de Taiwan
à l'établissement des relations diplomatiques avec ses
partenaires africains. Ceci, contrairement aux occidentaux qui, sous la
pression de leurs électeurs, exigent (du moins officiellement), le
respect de la démocratie, des droits de l'Homme et des libertés
individuelles comme pré-condition à l'établissement des
relations de coopération. C'est dire que dans le but de mieux rassurer
ses partenaires, la Chine entend fonder ses relations sur la
non-ingérence et la neutralité. Cette disposition du partenariat
stratégique sino-africain s'inscrit dans la panoplie des actes de
rupture avec le modèle de développement et de coopération
promu par les anciennes puissances coloniales. Elle constitue une
perpétuation de la logique de bloc qui veut que la Chine et l'Afrique,
même après la fin de la guerre froide, s'identifient au même
camp. En effet, pour la Chine, la variable démocratique ne doit
aucunement influencer ses relations avec les dirigeants africains. Ce soutien
de la Chine aux régimes africains en indélicatesse avec la
communauté internationale s'illustre parfaitement au Nigeria.
Dirigé d'une main de fer par le général Sani ABATCHA
arrivé au pouvoir après un coup d'état en 1993, le Nigeria
est officiellement mis au banc de la communauté internationale. Pour
apporter son soutien au pays et le sortir de son isolement international, le
premier ministre chinois y effectue en 1997 une visite officielle. Cette visite
est perçue par le gouvernement sanguinaire nigérian comme un
soutien politique majeur. D'ailleurs, quelques mois plus tard, elle aboutit
à la signature de deux protocoles de coopération portant sur la
prospection chinoise dans le Bassin du Tchad et dans le delta du Niger (Fogue
Tedom; 2008 : 159).
En ce qui concerne le principe de non- ingérence, la
démarche chinoise est la même et vise le même objectif. En
invoquant cet autre principe, pékin peut alors soutenir les
régimes africains peu soucieux de la notion de gouvernance. La Chine se
présente donc comme une alternative aux régimes occidentaux
jugés trop pressants sur les pratiques démocratiques. Mais, ce
qui compte pour la chine, c'est l'accès au pétrole, peu importe
les moyens.
Comme nous avons pu le constater, sur le plan politique, la
stratégie chinoise d'accès aux ressources de la sous
région repose sur une habile instrumentalisation des principes de
neutralité et de non-ingérence. Cette stratégie lui permet
de se rapprocher davantage des dirigeants africains, favorisant ainsi une
étroite collaboration dans le domaine énergétique. Par
ailleurs, l'important investissement infrastructurel chinois en Afrique en
général et dans le golfe de guinée en particulier suscite
des interrogations. En effet, pékin semble vouloir s'appuyer sur cette
dotation infrastructurelle pour accéder au pétrole.
Paragraphe 2 :
Pétrole contre infrastructures
L'absence criarde d'infrastructures en Afrique a très
vite été constatée par la Chine et semble selon toute
vraisemblance être le socle sur lequel repose sa stratégie
économique d'accès aux ressources. Pour obtenir de nouvelles
concessions pétrolières ou des contrats pétroliers
à long terme, la Chine propose en échange de construire des
infrastructures routières, ferroviaires ou hydrauliques chez ses
fournisseurs en hydrocarbures30(*). Tout se passe, comme si les dirigeants africains
avaient sous-traité aux Chinois leurs responsabilités
étatiques: construire des routes et des chemins de fer, des logements,
des réseaux d'eau et d'électricité. Dans une posture
essentiellement clientéliste, pékin propose à ses
partenaires africains la réalisation des projets d'infrastructures, en
contre partie d'exportations de pétrole vers la Chine. S'il est vrai que
cette pratique est observable sur l'ensemble du continent, dans le cadre de ce
travail, l'accent sera mis sur les pays du golfe de Guinée. Notamment,
le Nigeria (A), l'Angola (B) et la Guinée Equatoriale (C).
A- Le Nigeria
Pour obtenir des exportations de pétrole vers la Chine,
pékin a conclut avec les autorités fédérales
nigérianes plusieurs accords de partenariat dans le domaine des
infrastructures. Le besoin urgent du Nigeria en infrastructures rencontre une
industrie chinoise de la construction très compétitive au niveau
international. Aussi, Le président Nigérian, Umaru Yar'Adua,
a-t-il préconisé la mise en place d'un partenariat
stratégique mutuellement bénéfique entre les deux parties,
pour le développement rapide du secteur de l'énergie et des
infrastructures de transport du Nigeria sous la houlette de la Chine. En effet,
lors d'une visite officielle en Chine en février 2008, Umaru Yar'Adua a
déclaré au chef de l'Etat chinois que son administration mettait
déjà en place un cadre réglementaire pour l'implication
des investisseurs privés étrangers dans le développement
des infrastructures publiques au Nigeria."Le Nigeria est au point de
départ de son voyage vers l'année 2020, où nous
espérons nous joindre au groupe des vingt pays les plus
industrialisés du monde"31(*), a déclaré M. Yar'Adua. "Nous
avons besoin de ce partenariat stratégique avec la Chine qui, nous en
sommes convaincus, sera mutuellement bénéfique pour les deux
pays. Nous nous penchons sur le rôle que la Chine peut jouer dans des
secteurs essentiels comme ceux de l'électricité, de
l'énergie et du transport. Je suis également sûr que vous
vous intéressez au rôle que peut jouer le Nigeria pour la garantie
de la sécurité énergétique en République
populaire de Chine"32(*),
a poursuivi le chef de l'Etat nigérian. Il a insisté sur le fait
que son pays a besoin des investissements étrangers directs de la Chine
pour développer ses infrastructures de transport,
particulièrement les voies ferrées et les voies navigables et
pour développer son réseau d'approvisionnement en gaz domestique,
ainsi que sa production et sa distribution d'électricité. De ces
différentes prises de positions du président Nigérian il
ressort clairement la disposition de son gouvernement à troquer son
pétrole contre les infrastructures chinoises.
De ce fait, pékin s'est engagé au Nigeria dans
divers projets locaux, notamment, la réhabilitation des chemins de fer
(Chung Lian Jiang ; 2004 : 5). Par ailleurs, le gouvernement
fédéral a signé un protocole d'accord avec le
conglomérat du gouvernement chinois GUANDOND XINGUAND INTERNATIONAL
GROUP pour la construction d'un lien ferroviaire rapide de Lagos à
Abuja, ainsi qu'un lien ferroviaire entre l'aéroport international
Nnamdi AZIKEWE et le centre ville d'Abuja33(*).
La Chine a également remporté un important contrat
routier au Nigeria. La compagnie chinoise CHEC (China Harbour Engineering) a
signé un accord prévoyant la construction d'une rocade autour de
la ville pétrolière de Port Harcourt au Nigeria, pour un montant
d'un milliard de dollars34(*)
Des représentants de la CHEC ont
signé un protocole d'accord, pour la construction d'un
périphérique à six voies d'une longueur de 125 km. En
effet, Le gouvernement fédéral a fait du développement des
infrastructures dans la région de Port Harcourt l'une des pièces
maîtresses de ses efforts pour y ramener le calme.
Davantage, la Chine a même lancé en orbite un
satellite de télécommunication pour le compte du Nigeria35(*). Ce satellite
géostationnaire couvrira l'Afrique, une partie du proche Orient et le
sud de l'Europe. Il apportera de grands changements pour les services de
télécommunication, de diffusion et de l'Internet en Afrique.
B- L'Angola
En Angola, en échange de contrats pétroliers
à long terme, la Chine propose de construire des infrastructures
routière, ferroviaire ou hydraulique à des tarifs
préférentiels. Elle va notamment construire plusieurs milliers de
logements à Luanda. Les relations entre l'Angola et la Chine se sont en
effet considérablement resserrées depuis le début de
l'année 2005, avec l'octroi par la China Eximbank d'un prêt de
deux milliards de dollars pour la remise en état des routes et des voies
ferrées, notamment à Benguela, province stratégique pour
les exportations de minéraux. Par ailleurs, la Chine devient un
important débouché pour les exportations de pétrole, les
entreprises chinoises récupérant les anciens permis de la
compagnie pétrolière Total dont la réputation pâtit
de ses démêlés avec la justice française. Les
entreprises chinoises se positionnent rapidement dans les secteurs angolais du
BTP, des télécommunications, de l'énergie et des mines.
Ces investissements dans les infrastructures font partie des
conditions préalables à la consolidation de la paix et de la
résolution de graves problèmes sociaux, engendrés par 27
ans de guerres civile et de gabegie économique. Le projet financé
par des prêts chinois concerne non seulement la réhabilitation des
trois grandes voies ferrées du pays- les 1336km de la ligne de
bengela reliant Lobito à la frontière orientale avec la
Zambie et la République démocratique du Congo ; les 479km de
la ligne de caminho de Ferro de Luanda reliant la capitale à
Malanje ; et les 907 km de la ligne intérieure
moçamedes, depuis la ville côtière de namibe- mais
aussi la construction de plusieurs tronçons transversaux entre les trois
lignes existantes Est-ouest36(*). Par ailleurs, ayant déjà
réhabilité l'aéroport du 17 septembre, la Chine se verra
également confier la construction d'un nouvel aéroport dans la
province centrale de Benguela37(*).
C- La Guinée
Equatoriale
La stratégie pétrolière chinoise
consistant à troquer des infrastructures contre des exportations de
pétrole vers la Chine est également observable en Guinée
Equatoriale. En effet, à travers la construction des logements et autres
infrastructures routières, les entreprises chinoises du BTP y gagnent de
plus en plus du terrain. Le président équato-guinéen
Teodoro Obiang Nguema avait indiqué en octobre 2005, à son retour
d'un voyage à Pékin, que la Chine serait désormais "le
principal partenaire du développement de la Guinée
équatoriale"38(*).
Il avait également implicitement ouvert aux Chinois les portes de
l'exploitation pétrolière en Guinée équatoriale,
jusqu'ici quasi-exclusivement aux mains d'entreprises américaines,
affirmant avoir offert au gouvernement chinois la possibilité de pouvoir
exploiter certaines de leurs ressources naturelles. Dans le cadre de cette
coopération entre la Guinée équatoriale et Pékin,
une quinzaine d'entreprises chinoises vont construire quelques 10.000 logements
sociaux et 2.000 km de route dans le pays39(*). Par ailleurs, deux compagnies chinoises construisent
déjà des routes sur la partie continentale, la plus vaste et plus
peuplée du pays, tandis qu'une autre réalise à Malabo, sur
l'île de Bioko, le futur siège de la Radiotélévision
nationale (RTVGE)40(*). Li
Zhaoxing, le ministre chinois des affaires étrangères a
posé la première pierre d'un ensemble de 400 logements qu'une
entreprise chinoise doit construire à Malabo. De son côté,
la Guinée Équatoriale a choisi une compagnie chinoise pour
rénover le réseau électrique très vétuste de
la capitale (Katendi François ; 2007).
Comme nous avons pu le constater, la politique et
l'économie sont deux socles essentiels sur lesquels repose la
stratégie chinoise d'accès au pétrole du Golfe de
Guinée. Seulement, l'offensive pétrolière chinoise dans la
sous région repose également sur d'autres éléments,
qu'il est désormais question de présenter. En d'autres termes, il
s'agit d'étudier l'usage fait par la Chine de ses dispositifs
diplomatiques et militaires à la mise en oeuvre de son offensive
pétrolière dans le Golfe de Guinée.
SECTION II : Dispositifs
diplomatiques et militaires
Les dispositifs diplomatiques et militaires sont de
véritables indicateurs des ambitions géopolitiques des grandes
puissances dans une région donnée, autour d'un enjeu
déterminé. En effet, comme l'affirme François Thual
(1996 : 26) " que ce soit en temps de paix ou de guerre, la
structuration des moyens militaires est un des indices les plus parlants des
ambitions géopolitiques d'un pays, (...) analyser les dispositifs
militaires c'est s'attaquer à l'aspect le plus significatif des moyens
dont dispose un Etat pour asseoir ses prétentions". Par ailleurs, afin
de garantir le succès de ses objectifs géopolitiques, tout pays
met en place un dispositif diplomatique, un dispositif de gestion de ses
relations extérieures.
La Chine, puissance émergente de ce début de
21ieme siècle entend justement prendre appui sur ces instruments pour
accéder au pétrole du golfe de Guinée. Aussi, est-il
question pour nous d'étudier les différentes manoeuvres
diplomatiques (paragraphe 1) et militaires (paragraphe 2) entreprises par la
Chine autour du pétrole du Golfe de Guinée.
Paragraphe 1 : la
diplomatie : le coeur de la stratégie pétrolière
chinoise
La diplomatie chinoise, à pied d'oeuvre dans le golfe
de guinée depuis un peu plus d'une décennie, est à coup
sûr l'élément le plus visible de son redéploiement
stratégique dans la sous région. La diplomatie
énergétique de la Chine se présente le plus souvent sous
la forme d'une offre multidimensionnelle pour les pays d'accueil. Ces derniers
ont souvent en commun les caractéristiques suivantes :
implantés dans des zones de crise désertées par les
majors pétroliers occidentaux (cas de l'Angola et du Soudan),
ils sont souvent engagés dans un bras de fer avec la communauté
internationale pour des raisons de politique intérieure; ils disposent,
par ailleurs, de réserves pétrolières peu
convoitées ou n'offrant aucune rentabilité immédiate. La
stratégie d'implantation des compagnies pétrolières
chinoises s'adapte au cas de chaque pays (Mbaye Cisse ; 2007 : 9).
C'est donc à une véritable diplomatie pétrolière,
articulée en fonction des circonstances que se livre pékin en
Afrique. De ce fait, il sera précisément question ici d'analyser
les différentes recettes utilisées par la diplomatie chinoise
pour s'octroyer le pétrole. A cet effet, les exemples Nigérian(A)
et Angolais(B) sont illustratifs à plus d'un titre.
A- Le Nigeria :
pétrole contre promesse diplomatique
Au Nigeria, la diplomatie chinoise fait preuve d'une parfaite
adresse adaptée aux circonstances. Pour pénétrer ce
marché, pékin fait preuve d'une habileté diplomatique
déconcertante. Si les prédécesseurs du
président Hu Jin tao avaient accordé leur soutien politique au
dictateur nigérian Sani Abacha, l'actuelle diplomatie chinoise valse sur
le soutien potentiel qu'elle pourrait apporter au Nigeria engagé dans la
course à un siège permanent africain au Conseil de
Sécurité de l'ONU (Mbaye Cisse ; 2007 : 10). En effet,
la Chine soutient l'élargissement du conseil de sécurité
et proclame la nécessité d'accorder des sièges aux pays
africains41(*), une
volonté clairement affichée par l'ex-président
Nigérian Olesegun Obasanjo. C'est dire que contre des garanties
d'accès au pétrole, la Chine se propose de soutenir la
candidature du Nigeria. Lors de la visite à Abuja du ministre
chinois Tang Jiaxuan en 2000, le président Nigérian Olesegun
Obasanjo a exprimé sans réserve sa forte insatisfaction en ce qui
concerne la non-représentation des pays africains au sein du
siège permanent du conseil de sécurité des nations-unies.
Obasanjo a fait comprendre qu'il souhaitait une aide de la part de la Chine
pour obtenir deux sièges permanents en faveur des pays africains,
sous-entendu le Nigeria (Chung Lian Jiang ; 2004 :
5).
L'engagement chinois a été
confirmé par un communiqué conjoint sino-nigérian, dans
son article 9, signé lors de la visite de Jiang Zemin à Abuja du
14 au 16 avril 2002. L'article 2 de ce communiqué se termine par une
valorisation de la coopération dans le secteur
énergétique, la Chine étant encouragée et soutenue
dans sa participation à l'exploitation des hydrocarbures au Nigeria
(Chung Lian Jiang ; 2004 : 5). Grace à sa souplesse
diplomatique, la Chine a réussi à s'insérer sur le
marché pétrolier du Nigeria.
B- L'Angola :
pétrole contre soutien économique
La pratique de la diplomatie énergétique
chinoise se révèle également efficace en Angola, pays
meurtri par plusieurs décennies de guerre et devenu aujourd'hui le
premier fournisseur de pétrole de la Chine en Afrique subsaharienne.
Tirant profit de son long compagnonnage avec le gouvernement de Luanda,
notamment la vente régulière d'armes pendant la guerre de
libération angolaise des années 1970, et de l'affaiblissement des
intérêts français consécutif à l'Affaire
Falcone, la China Petroleum & Chemical Corporation (CPCC) réussit en
novembre 2004, à arracher, devant la compagnie française Total,
l'exploitation du bloc 3/80 au nord du pays (Mbaye Cisse ; 2007 : 9).
Cette belle percée coïncide avec les tentatives du Fonds
Monétaire International et de la Banque mondiale d'amener Luanda,
à plus de transparence sur les fonds pétroliers : "l'Angola,
alors 3éme sur 102 pays les plus corrompus selon Transparency
International, avait vu, en 2001, un tiers des revenus de l'Etat
s'évaporer, alors qu'un quart de la population souffrait de famine et
attendait une aide alimentaire extérieure. Pékin mit alors
à la disposition de Luanda un prêt de 2 milliards de dollars
à 1,5% d'intérêts sur 17 ans, en échange de 10.000
barils de pétrole par jour" (Mbaye Cisse ; 2007 : 9). Les
autorités angolaises pouvaient désormais s'opposer au FMI et
à la BM. Le pragmatisme chinois portait une fois de plus ses fruits, car
en 2005, le géant asiatique supplante les Etats-Unis et devient le
premier importateur du pétrole Angolais. Davantage, en 2006, l'Angola
devenait le premier fournisseur africain de la Chine.
Paragraphe 2 : La
coopération militaire sino-africaine : un instrument au service des
intérêts pétroliers chinois
Même si la diplomatie pétrolière demeure
au coeur des préoccupations chinoises, il n'en reste pas moins que
Pékin use d'autres instruments pour asseoir sa position en Afrique et
accéder au pétrole. La gamme d'initiatives bilatérales et
multilatérales s'étend à la coopération militaire.
Aujourd'hui, la coopération militaire a revêtu les mêmes
allures que la coopération économique, sous couvert du sacro
saint principe de la non-ingérence. Pékin n'apporte plus son
soutien aux mouvements de libération africains, comme il le fit dans les
années 1970 à l'union nationale pour l'indépendance totale
de l'Angola (UNITA) ou au front de libération du Mozambique (FRELIMO)
(Niquet Valérie ; 2006). Il est beaucoup plus question aujourd'hui
d'un partenariat stratégique visant à un rapprochement dans le
domaine énergétique. Ce partenariat stratégique concerne
la fourniture d'armes (A) et la formation du personnel militaire (B).
A- Pétrole contre
matériel militaire
Les contrats de vente d'armes passés par la Chine avec
ses partenaires africains prennent souvent la forme d'un échange
d'articles d'armement contre des matières premières. En effet,
pour assurer des livraisons régulières de pétrole en
provenance de l'Afrique, consolider ses liens bilatéraux et payer ses
factures de pétrole, la Chine adopte des démarches diverses,
parmi lesquelles la livraison d'armes et de matériel militaire. C'est ce
que semblent confirmer (De Lestrange Cédric ; Paillard Christophe
Alexandre ; Zélenko Pierre ; 2005 : 175) lorsqu'ils
affirment : "Les livraisons d'armes permettent aux chinois de
négocier l'obtention des concessions auprès des pays producteurs.
(...) l'Angola et le Nigeria acceptèrent cet échange".
Cette stratégie chinoise d'accès au
pétrole africain est observable sur l'ensemble du continent. En effet,
Le marché africain, comme dans le domaine des BTP, est l'occasion de
tester un matériel souvent rustique et peu prisé sur les
marchés occidentaux. C'est en Afrique que la Chine trouve un
débouché pour ses avions d'entraînement K8,
fournis à la Namibie, au Soudan et au Zimbabwe. La Chine pourvoit des
hélicoptères au Mali, à l'Angola et au Ghana, de
l'artillerie légère et des véhicules blindés
à la quasi-totalité des pays de la région australe, ainsi
que des camions militaires, des uniformes, du matériel de
communication(Niquet Valérie ; 2006). La
coopération est particulièrement étroite avec le Zimbabwe
depuis le début des années 1980 et s'est renforcée en
2004. Pékin lui fournit des chars, de l'artillerie, des blindés
ainsi que des camions, des vedettes rapides et des batteries de défense
antiaérienne (Mbaye Cisse ; 2007 : 12).
Par ailleurs, l'empire du Milieu va même jusqu'à
recourir à la vente de technologies de pointe et d'équipements
nucléaires en échange d'importations pétrolières.
La Chine maintient souvent des relations militaires avec ses fournisseurs de
pétrole. De ce point de vue, les cas de l'Angola, du Soudan et du
Nigeria sont révélateurs. La Chine n'a pas hésité
à vendre au Soudan des avions de surveillance F-7 et des avions de
transport Y-8 en pleine guerre civile, pendant la période où ses
compagnies pétrolières étaient engagées dans
l'exploitation des gisements pétroliers de Muglad (Mbaye Cisse ;
2007 : 13). Ces ventes sont réalisées le plus souvent par la
North Industry Corporation (NORINCO) et Polytech Industries, la plus importante
firme de vente d'armes de l'armée chinoise.
En 1995, lorsque le Nigeria a été isolé
et sanctionné par la Communauté internationale pour
l'exécution de neuf dissidents politiques ogonis, Pékin a
continué à vendre des armes à ce pays, en dépit de
la forte pression occidentale (Chung Lian Jiang ; 2004 : 4). En
Angola, pékin a soutenu militairement toutes les parties ennemies :
le mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) ; le
Front National de Libération de l'Angola(FNLA) et l'union nationale pour
la libération totale de l'Angola(UNITA) (Fogue Tedom ; 2008 :
162).
Les pays africains sont devenus les premiers acheteurs d'armes
et d'équipements militaires chinois. Dans un continent aussi instable,
regorgeant déjà de matériel de guerre, l'arrivée
d'armes supplémentaires n'est pas vraiment souhaitable. Mais, comme l'a
dit le ministre des Affaires étrangères chinois, Zhou Wenzhong,
" les affaires sont les affaires et la Chine ne mélange pas les
affaires et la politique" (Mbaye Sanou ; 2006).
B- La formation du personnel
militaire
Dans le domaine de la formation, on assiste depuis quelques
années à une augmentation significative du nombre de stages de
formation militaire dans tous les domaines, à un moment où les
portes des académies militaires européennes sont de plus en plus
fermées aux élites africaines. Nombreux sont les cadres
militaires africains qui depuis quelques années se sont formés en
Chine. La Chine s'est même engagée à former dans les trois
prochaines années, environ 15000 africains, dont une bonne partie de
militaires (Mbaye Cisse ; 2007 : 13).
La Chine offre également à de nombreux pays
africains d'importants programmes de formation du personnel en Chine pour des
officiers qui y effectuent des stages de plusieurs mois, ou sur place avec des
instructeurs chinois. C'est le cas de l'Angola, où des instructeurs
chinois ont formé des militaires. Seulement, et comme il fallait s'y
attendre, la Chine attend en contre partie des conditions
préférentielles à la coopération dans le domaine
pétrolier.
Ainsi, comme nous avons pu le constater, la stratégie
chinoise visant à accéder au pétrole du Golfe de
Guinée repose sur une offensive aussi bien politique et
économique, que diplomatique et militaire. Cependant, la mise en oeuvre
de cette stratégie a d'importantes conséquences politiques en
Afrique. En effet, le déploiement stratégique de la Chine autour
du pétrole africain en général, et celui du Golfe de
Guinée en particulier, se traduit quelque fois par un soutien
inconditionnel et une vente incontrôlée d'armes aux régimes
autoritaires. Ce qui entrave sérieusement l'enracinement d'un embryon de
démocratie en Afrique, et transforme en véritable mythe de
Sisyphe les efforts de restauration d'une paix durable.
CHAPITRE IV :
DE L'OFFENSIVE CHINOISE,
DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE ET DE LA PAIX EN AFRIQUE
Il est important de préciser que si
nous avons choisi d'aborder dans le cadre de ce chapitre uniquement l'impact de
l'offensive Chinoise sur la démocratie et la paix, cela ne signifie
aucunement que cette offensive n'a pas d'effets sur d'autres secteurs tels
l'économie, le social, ou encore l'environnement.
Jusqu'ici, notre étude a
spécifiquement porté sur l'offensive pétrolière
chinoise dans le Golfe de Guinée. Néanmoins, signalons que ce cas
peut être perçu comme un reflet, illustrant de manière
générale l'offensive chinoise et même des autres puissances
industrielles en Afrique. Aussi dans ce chapitre, parlerons-nous non seulement
de la Chine, mais également des puissances occidentales. Plus encore,
nous ne restreindrons plus notre analyse au cas spécifique du Golfe de
Guinée, mais nous élargirons notre champ d'étude à
l'Afrique en général.
Faire une étude portant sur la
démocratie exige que l'on s'entende sur le sens à accorder au
mot. Les auteurs tels que Joseph Schumpeter et Robert Dahl ont retenu de la
démocratie une définition simpliste et minimaliste. Dans leur
acception de la démocratie, ils mettent en relief les mécanismes
participatifs réduits au vote (Mbatchom: 2007). Samuel P. Huntington
semble y souscrire lorsqu'il dit : " Si l'élément
fondateur de la démocratie réside dans l'élection des
dirigeants par le peuple, alors le moment décisif du processus de
démocratisation est celui où un gouvernement choisit selon des
critères autres que démocratiques se trouve remplacé par
un nouveau gouvernement adopté au cours d'élections libres,
ouvertes et honnêtes" (Huntington, 1991 : 7). Selon Mbatchom (
2007) :
" L'on ne saurait cependant s'arrêter à cette
définition qui fait de la démocratie une " electoral
democracy " pour reprendre Hans-Jurgen PUHLE. En effet, ce dernier
stigmatise l' "electoral democracy". Cette dernière d'après
lui a le mérite d'intégrer en plus du vote, les principes tels
que le "Checks and balances ", l'Etat de droit, la garantie des
libertés civiles et politiques. L'on aboutit à ce qu'il
appelle "democratic rechsstaat" (Etat de droit démocratique)
(PUHLE, 2005 : 7)42(*) ".
C'est dire que contrairement aux partisans de la conception
minimaliste qui réduisent la démocratie au vote, dans le cadre de
ce travail, c'est à cet "Etat de droit démocratique" que
nous nous intéresserons. Surtout dans un contexte où, la Chine,
régulièrement critiquée par l'ensemble de la
communauté internationale pour l'absence de démocratie et le non
respect des droits de l'Homme, jette son dévolu sur l'Afrique.
En effet, l'ampleur de l'offensive chinoise sur le continent
africain ne laisse pas indifférent, tant les enjeux qu'elle suscite
sont multiples. Le retour remarqué de la Chine intervient dans un
contexte géopolitique mondial caractérisé par la
redéfinition d'un nouvel ordre politique dans lequel l'Afrique peine
à trouver ses repères. Cette situation survient
également à un moment critique où le continent, bien que
traversé par de multiples conflits, amorce un mouvement de
démocratisation sous l'oeil vigilant des anciennes puissances
coloniales, mais également sous la poussée significative des
populations, dont les aspirations à un peu plus de citoyenneté ne
cessent de se faire valoir (Mbaye Cisse ; 2007 : 14). En effet,
la chute du mur de Berlin en novembre 1989, n'a pas seulement marqué la
fin des totalitarismes en Europe de l'Est. Elle a répandu les vents de
la démocratie à travers les continents en appelant à une
plus grande participation des peuples aux choix de leurs destins respectifs
(Mbaye Cisse ; 2007 : 14). En Afrique, les années 90
inaugurent l'ère des conférences nationales et de la
démocratisation de la vie politique. A partir de cette date, on a
assisté à la mise en place progressive de l'aide,
désormais jaugée à l'aune des efforts de
démocratisation des régimes africains.
Grosso modo, le retour de la Chine survient à un moment
où la recherche d'un environnement politique stable, commandé par
des règles de dévolution du pouvoir transparentes, est en marche.
Qu'en sera-t-il avec l'arrivée de la Chine ?
L'analyse de l'impact politique de
l'offensive chinoise sur la démocratie en Afrique ne peut se faire
indépendamment de la posture des démocraties occidentales par
rapport au même processus. Les multiples dénonciations
occidentales faites à l'encontre de l'offensive chinoise ne seraient en
réalité qu'une sorte de lutte de positionnement, visant à
jeter le discrédit sur cette dernière, avec des buts
inavoués de disqualification de la Chine. En effet, s'il est vrai que
les démocraties occidentales ont, de par les multiples pressions
exercées sur les gouvernements, contribué à l'enracinement
d'un embryon de démocratie en Afrique, il n'en demeure pas moins vrai
que face à la sauvegarde de leurs intérêts, la promotion
des valeurs démocratiques a très souvent été
reléguée au second rang (section 2). En plaçant ses
relations avec les pays africains sur le socle immuable et sacro-saint de la
neutralité et de la non-ingérence, la chine semble constituer un
frein à l'évolution de la démocratie et un péril
pour la paix et la stabilité en Afrique (section 1).
SECTION I : L'offensive
chinoise : une menace pour la démocratie et la paix ?
L'un des principaux avantages de la coopération
sino-africaine, aux yeux des dirigeants africains, réside dans le fait
qu'elle n'est pas soumise aux contraintes d'un cadre juridique, institutionnel
et moral rigide dans lequel l'occident entre en interaction avec l'Afrique
(Nkoa Colin François ; 2007 : 39). Le fait que la Chine soit
une dictature qui supplante les démocraties occidentales en Afrique
Noire peut se traduire par le durcissement du non respect des droits de
l'Homme, le renforcement des régimes autoritaires et des conflits
(Amougou ; 2008 : 3). En effet, Contrairement aux pays occidentaux,
la coopération chinoise ne fait pas du respect des droits de l'homme,
des principes démocratiques et de bonne gouvernance, une
conditionnalité pour bénéficier de son aide
financière. Faisant la déclaration
suivante : " business is business and we import from every
source we can get oil from", les officiels du ministère chinois du
commerce entérinent ainsi l'idée selon laquelle seul
l'intérêt compte (Taylor : 2004). Si à première
vue cette politique semble être pour les Etats africains un moyen de
mener une politique de développement autonome en sortant du diktat des
conditionnalités de financements accordés par les institutions
financières internationales et les pays occidentaux, elle comporte aussi
un danger. C'est de servir de couverture aux dictateurs africains. Le principe
de non ingérence qu'instrumentalise ainsi la Chine pour ne pas froisser
ses fournisseurs de matières premières et ses clients africains
comporte donc ce danger potentiel de renforcer les dictatures qui trouvent en
elle un allié de poids (Amougou ; 2008 : 13-14). Ce soutien de
la Chine aux régimes africains constitue pour ces derniers une
alternative politique et diplomatique face aux conditionnalités
imposées par l'ensemble de la communauté internationale, et
représente un véritable péril pour la démocratie(A)
et la paix (B) en Afrique.
Paragraphe 1 : une
menace pour la démocratie
La présence de plus en plus remarquable de la Chine en
Afrique témoigne, sans doute, de l'étroitesse des liens qui
existent désormais entre cette puissance émergente et ses
partenaires africains. Ces derniers voient en l'arrivée de la Chine un
moyen de réaliser leur développement et une alternative face aux
mesures draconiennes imposées jusque là par les partenaires
occidentaux (Chomtang Fonkou ; 2007 : 102). En effet, contrairement
aux institutions financières internationales et aux pays occidentaux qui
ne se privent pas d'imposer le respect des critères de bonne gouvernance
et des droits de l'Homme comme préalables à leur aide, outre la
non-reconnaissance de Taiwan, pékin ne pose pas de conditions politiques
à l'aide économique ou à l'établissement des
relations diplomatiques. Cette situation affaiblit les conditionnalités
de démocratisation et de respect de droit de l'homme en Afrique dans la
mesure où les Etats courtisés face à cette alternative que
leur offre la Chine, ont très souvent tendance à retrouver leur
habitus autoritaire. En effet, en Afrique, les efforts de
démocratisation soutenus par l'ensemble de la communauté
internationale se voient minés par l'alternative offerte par
Pékin à des régimes politiques peu enclins à se
soumettre aux règles de démocratisation et de bonne gouvernance.
Le soutien de la chine aux régimes Zambien (A) et zimbabwéen (B)
illustre assez bien cette réalité.
A- L'ingérence
chinoise dans la vie politique zambienne
De prime à bord, il est important de préciser
que dans le cas de la Zambie, l'intérêt de la Chine pour ce pays
est davantage tourné vers l'exploitation minière et non
pétrolière. Mais, l'attitude de pékin reste et demeure la
même chaque fois qu'il s'agit de la quête de matières
premières en général.
L'intervention de la Chine dans la vie politique zambienne
lors de récente élection présidentielle a suscité
beaucoup d'interrogations. Contrairement au principe de non ingérence
tant utilisé par pékin pour justifier sa non prise de position
vis-à-vis de la gestion des affaires publiques de ses partenaires
africains, le soutien officiel de la Chine au régime sortant a surpris
plusieurs. C'est donc dire que Lorsque la situation le commande, la Chine peut
violer ce principe de non ingérence et s'immiscer dans les affaires
internes de ses partenaires. En effet, la Chine, tout comme les puissances
occidentales avant elle soutient les régimes africains et
s'ingère dans la gestion locale des affaires publiques à mesure
que la sauvegarde de ses intérêts l'exige. Cette attitude
constitue un sérieux frein à l'évolution politique de ces
pays, notamment à l'avancée de la démocratie pourtant si
indispensable au développement du continent. Malgré son discours
de non ingérence, les intérêts de la Chine en Afrique
l'amènent très souvent à se prononcer vis-à-vis de
la gestion interne de certains pays.
En 2006, lors des présidentielles Zambiennes,
l'ambassadeur chinois a mis en garde l'opinion publique que l'élection
du candidat antichinois Michael Sata, allait sérieusement
compromettre l'engagement chinois dans le pays43(*). Celui-ci surfait sur la vague de
mécontentement liée à la réputation des entreprises
chinoises d'exploiter les travailleurs locaux dans des conditions de
sécurité et d'hygiène déplorables. La victoire du
sortant, Mwanawasa, a mis fin à la mini-crise diplomatique. Selon
Thompson j-p (2007) : "En Zambie, la désapprobation des actions
chinoises s'est fait ressentir jusque dans les urnes. En 2006, le candidat
à l'élection présidentielle Michael Sata, a fait campagne
sur des thèmes anti-Chine. Plusieurs Zambiens ont été
très affectés par l'exploitation des mines de cuivre par les
compagnies chinoises et par l'arrivée massive de produits chinois dans
les marchés du pays. (...) À cette occasion, en rupture flagrante
avec sa politique de non-ingérence, la Chine avait menacé de
couper les liens économiques avec la Zambie si le candidat Sata
remportait les élections".
Tous les pays africains devraient méditer sur cet
exemple qui montre que la Chine n'hésitera pas à s'engager sur le
terrain de la politique intérieure si ses intérêts
économiques sont menacés.
B- La Chine : une
heureuse alternative pour le régime zimbabwéen
Malgré les multiples pressions exercées par
l'ensemble de la communauté internationale sur le régime
zimbabwéen, le président Robert MUGABE demeure impassible et
continue à mener une politique répressive, et à museler
l'opposition. Avec la dégradation continue du niveau de vie des masses
populaires, le gouffre économique et social, la politique de
prébendes, de copinage, de castes d'anciens résistants, le
gouvernement Zimbabwéen gravit chaque jour des sommets de despotisme.
Ceci grâce au soutien du gouvernement chinois. Les déclarations du
président Zimbabwéen Robert MUGABE illustre assez bien cette
réalité. En effet, lors du 25eme anniversaire de l'accession de
son pays à l'indépendance, il affirmait : "il nous faut
nous tourner vers l'Est, là où le soleil se lève, car la
Chine apporte une aide et établit un partenariat qui vise à
promouvoir une coopération réciproque sans poser de conditions
préalables" (Amougou; 2008). C'est dire que pour les dictateurs
africains qui peuplent le continent, pékin constitue une réelle
alternative aux conditionnalités imposées par l'occident. Les
relations étroites que la Chine entretient avec le Zimbabwe montrent
bien l'indifférence de Pékin vis-à-vis des critiques de
l'ensemble de la communauté internationale. Ce soutien de la Chine au
régime du président MUGABE constitue pour ce dernier une
importante caution politique et le conforte dans son immobilisme politique.
Seulement, cette attitude de la Chine représente une véritable
menace voire un réel péril pour la démocratie dans ce
pays. Malgré la création, le 13 février 2009, d'un
gouvernement d'union national, plusieurs observateurs avertis de la
scène politique zimbabwéenne demeurent sceptiques quant à
l'évolution du pays vers une démocratie consensuelle et
l'amélioration de la situation des droits de l'Homme dans le pays.
Davantage, la vente régulière d'armes chinoises
au régime Zimbabwéen permet à ce dernier d'exercer une
pression permanente sur l'opposition. Selon le journal Britannique the
Guardian, les dockers sud-africains ont refusé, le 29 mars 2008, de
débarquer sur leur sol la cargaison d'un navire chinois, le
An yue Jiang, porteur de 77 tonnes d'armes envoyées par le
régime communiste chinois pour soutenir Robert MUGABE (Girard,
Aurélien : 2008). Cette cargaison comprenait : 3.5
millions de munitions ; des fusils d'assaut AK47 ; 1500 roquettes de
40mm ; des lance roquettes, des obus de mortier. Ces armes sont parties de
pékin le 1er Avril, soit trois jours après les
élections générales, au moment où très
probablement les résultats réels des élections ont
été connus par le pouvoir zimbabwéen (Girard,
Aurélien : 2008).
Mais pour certains analystes, les gouvernements occidentaux
n'ont pas le droit de pointer du doigt la politique de la Chine, car ils
investissent eux-mêmes dans des pays producteurs de pétrole comme
la Guinée équatoriale où, selon les groupes de
défense des droits de l'Homme, le régime en place est tout aussi
répressif. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, les régimes
occidentaux ont une conception à géométrie variable des
«Droits de l'Homme», jugent la politique des autres États
"non démocratiques" à l'aune de leurs intérêts.
Aussi, aboutit-on aisément à la conclusion selon laquelle, la
Chine ne pourra pas imposer la démocratie en Afrique pas plus que la
France, les Etats-Unis n'ont pu le faire.
Cette situation représente une menace pour
l'édification de l'Etat de droit en Afrique. En premier lieu, le soutien
de la Chine constitue une bouée de sauvetage à des régimes
politiques souvent décriés. Elle perpétue ensuite la mal
gouvernance politique du continent sous prétexte de respect de la
souveraineté des Etats (Mbaye Cisse ; 2007 : 15). Le
partenariat stratégique sino-africain n'offre guère de
perspectives politiques viables tant la Chine elle-même continue
d'être régulièrement mise au ban des accusés sur les
questions des droits de l'homme.
Paragraphe 2 : un
péril pour la paix ?
Loin d'assurer le développement de l'Afrique, le
partenariat stratégique sino-africain soulève également
des interrogations légitimes sur l'avenir de la paix et de la
sécurité. Le soutien militaire inconditionnel de
Pékin à des régimes politiques décriés, la
vente incontrôlée d'armes par les firmes chinoises et les
tentatives d'une implication militaire directe de Pékin dans la
sécurisation de ses investissements pétroliers sont autant de
sujets préoccupants (Mbaye Cisse ; 2007 : 25). La
détermination de la Chine à accéder par tous les moyens
aux ressources pétrolières africaines la conduit souvent à
opter pour des choix en contradiction totale avec les idéaux de paix
pourtant prônés par sa politique africaine. En effet, sur un plan
purement formel, la Chine prétend vouloir "appuyer les efforts
actifs de l'UA et des autres organisations régionales africaines ainsi
que des pays concernés pour régler les conflits locaux et leur
fournir une assistance dans la mesure du possible. Pousser
énergétiquement le conseil de sécurité des
Nations-Unies à suivre de près les conflits régionaux
africains et apporter son assistance au règlement de ces conflits.
Continuer à soutenir l'action de l'ONU pour le maintien de la paix en
Afrique et à y prendre part" (Chomtang Fonkou ; 2007 :
132-133). Seulement, au-delà de ces initiatives louables, dans la
quête de ses intérêts pétroliers en Afrique, la Chine
ne se soucie guère de son influence sur la paix et la stabilité.
L'importance des investissements consentis par la Chine à travers
plusieurs pays africains, notamment dans le secteur pétrolier, pourrait
se traduire concrètement sur le plan de la sécurité par un
engagement plus marqué de Pékin (Mbaye Cisse ; 2007 :
20). L'attitude de Pékin au Tchad (A), en Angola(B), et au Soudan(C) est
assez illustrative de cette réalité.
A- Pékin et
l'instrumentalisation de la rébellion tchadienne
Au Tchad, nouveau pays pétrolier convoité par
Pékin malgré ses relations diplomatiques avec Taiwan, la crise
institutionnelle progressive a connu son paroxysme en 2006 avec la crise au
Darfour et les offensives répétées des mouvements
rebelles. La montée des mouvements d'opposition armée s'est
traduite par de nombreuses attaques visant à renverser le pouvoir du
Président Idriss Deby. En janvier 2006, l'un des chefs de file de
l'opposition a été reçu à Pékin, alimentant
les soupçons d'une aide chinoise à son combat (Mbaye Cisse ;
2007 : 21). Ndjamena n'hésite plus à dénoncer l'aide
militaire chinoise accordée au Rassemblement pour la Démocratie
et la Liberté de Mahamat Nour, depuis les dernières attaques de
novembre et décembre 2006. La Chine est accusée d'être de
connivence avec le Soudan pour accélérer la chute du
Président Idriss Deby et procéder à une nouvelle
redistribution des cartes pétrolières (Mbaye Cisse ;
2007 : 21).
Très intéressée par les
potentialités pétrolières Tchadiennes, la Chine est
prête à déstabiliser le régime du président
Deby ou du moins à le faire chanter, espérant elle aussi
participer à l'exploitation du pétrole du pays. En effet, un
tronçon d'oléoduc Tchad-Soudan permettrait de rediriger les flux
tchadiens vers la Mer rouge (à destination de la Chine via Port-Soudan)
et non plus vers l'Atlantique (via Kribi au Cameroun)44(*). Aussi, en jouant la carte du
soutien à la rébellion, la Chine espère-t-elle
suffisamment inquiéter le gouvernement tchadien et l'amener à
lui concéder une part dans l'exploitation de son pétrole. La
crainte qu'inspire la Chine au gouvernement tchadien s'est d'ailleurs
confirmée par le renouement des relations diplomatiques entre les deux
pays, le 6 aout 2006, ceci après 9 années de rupture
(Bergevin : 2006). Pour se faire une place sur le marché
pétrolier tchadien, Pékin utilise le spectre de
l'instabilité politique.
B- Le soutien de la Chine
au régime de Luanda : une menace pour la paix ?
Après un peu plus de deux décennies de guerre
civile, les "blessures" à peine pansées, l'Angola risque
de retomber dans un cycle infernal de violence. En effet, le soutien de la
Chine au régime de Luanda, considéré par l'opposition
comme une sorte de bouclier, sur lequel s'appuie le gouvernement pour commettre
plusieurs exactions, risque de précipiter à nouveau le pays dans
une instabilité endémique. Mbaye Cisse (2007 : 21)
affirme à cet effet : "En Angola, pays à peine sorti d'une
longue guerre civile en 1997, la Chine s'est engagée dans une
vaste opération de charme qui inquiète les observateurs. (...)
Elle est accusée par l'opposition politique de financer la campagne
électorale du parti au pouvoir, le MPLA. Sans préjuger de
l'avenir des prochaines élections, initialement prévues à
l'autonome 2006 mais encore repoussées en 2008- 2009, il n'est pas exclu
que ce pays en reconstruction ne retombe dans les démons de la violence
du fait de la capacité de la classe dirigeante à se soustraire
aux critiques et à l'arbitrage de la communauté internationale
grâce à la manne chinoise".
C'est dire que le soutien de la Chine au régime
angolais pourrait amener les dirigeants à davantage fermer le jeu
démocratique, hypothéquant ainsi toute chance d'alternance au
pouvoir. De ce fait, l'opposition pourrait aboutir à la conclusion selon
laquelle, la prise des armes reste et demeure le seul moyen d'accéder au
pouvoir. Aussi, risque-t-elle de se transformer en rébellion
armée, plongeant à nouveau le pays dans un cycle de violence
infernale. Selon Fogue Tedom (2008 ; 144) : "Dans la
problématique des conflits politiques africains (...), le mauvais
fonctionnement de l'Etat et des institutions politiques en Afrique Noire est en
cause. C'est l'incapacité de l'Etat à assurer la cohésion
nationale et à créer les conditions d'un débat politique
contradictoire, susceptible d'éviter que la violence ne demeure le seul
moyen d'expression qui fasse réagir les autorités politiques, qui
génère l'insécurité politique".
Le soutien de la Chine aux régimes africains (angolais
en l'occurrence) conforte les dirigeants dans leur immobilisme politique, les
amène, du fait de leur déficit de légitimité
politique, à recourir à l'intimidation et à la
répression politique pour étouffer toute velléité
contestataire et soumettre leurs adversaires. Seulement, l'inconvénient
de cette dérive autoritaire est que, paradoxalement, la terreur et la
peur qu'elle répand, loin de susciter l'adhésion, renforcent
plutôt la défiance et persuadent les adversaires politiques du
pouvoir en place que, seul le recours aux armes peut conduire à
l'alternance (FOGUE TEDOM ; 2008 : 144). Ainsi, aussi longtemps que
les dictateurs africains exerceront une oppression sur l'opposition politique
ou syndicale, ceci avec la bénédiction de leurs partenaires
extérieures, la crainte et la soumission recherchée risqueraient
bien de se transformer en défiance.
C- Le véto chinois
et la perpétuation des exactions du régime soudanais au
Darfour
Le soudan constitue aujourd'hui un véritable sujet de
discorde entre pékin et la communauté internationale. En 2004,
face au conseil de sécurité qui menace Khartoum de sanctions sur
sa production pétrolière, la Chine brandit une menace de
véto et s'abstient, en septembre, de voter l'embargo sur les armes.
Malgré les accusations portées par le gouvernement
américain en l'encontre du régime soudanais sur le
déplacement de milliers de civils des zones pétrolières,
la Chine opte pour la protection d'un pays, fournisseur de 7% de ses
importations de brut (Pinel, Fabienne ; 2006 : 1). En avril 2005,
elle s'est abstenue au cours de la saisie de la Cour Pénale
Internationale (CPI) visant à traduire en justice les responsables
soudanais supposés impliqués dans des crimes de guerre au
Darfour. Aujourd'hui, le Soudan s'oppose toujours au déploiement de
troupes onusiennes sur son sol, avec le soutien discret de Pékin (Mbaye
Cisse ; 2007 : 15). Cette attitude pour le moins irresponsable de la
Chine, au regard du rôle de grande puissance qu'elle entend jouer au
cours de ce 21e siècle, conforte le gouvernement soudanais et
constitue pour ce dernier une sorte de " parapluie " face aux
différentes critiques de la communauté internationale en
général et aux sanctions du conseil de sécurité de
l'ONU en particulier.
Depuis le début de la crise du Darfour, la junte
soudanaise est passée maîtresse dans l'art d'éviter les
sanctions, ce qui lui a permis de continuer de procéder aux exactions en
toute impunité, avec le soutien, d'un allié de poids, la Chine.
Le président Omar el-Béchir s'est opposé au
déploiement des troupes onusiennes (17 000 militaires et 3 000
policiers) en remplacement des soldats de l'Union africaine. La Chine, qui n'a
pas voté la résolution s'est aussi opposée à
l'adoption de toute sanction contre le régime soudanais. Au
détriment d'une action commune internationale dans le cadre du
règlement d'un conflit, Pékin a plutôt
privilégié ses intérêts avec Khartoum (Samson
Didier ; 2006). Quand bien même le président chinois Hu Jin
tao demande à son homologue soudanais de trouver "une solution correcte
au Darfour et de continuer à améliorer la situation humanitaire",
on comprend que ce n'est qu'une clause de style, visant uniquement à
apaiser le courroux de la communauté internationale.
Pire encore, par une fourniture régulière
d'armes à l'armée soudanaise et à sa milice armée,
les jenjawids, pékin contribue à entretenir cette violence
infernale sur les populations civiles du Darfour. En effet, la Chine est le
principal fournisseur d'armes du soudan. "Selon certaines sources, parmi les
avions de chasse chinois vendus au Soudan depuis les années 90 figurent
plus de 40 Shenyang J-6 et J-7, et plus récemment des chasseurs
supersoniques F-7, version améliorée du MiG-21 Fishbed russe. La
Chine aurait fourni 50 hélicoptères Z-6 au Soudan en 1996. En
2001, la société chinoise Harbin Dongan Engine aurait
signé un contrat de réparation d'hélicoptères Mi-8
pour le Soudan .L'Iran aurait financé en partie l'achat par le Soudan de
21 avions de chasse J-6 et de deux avions-cargo Y-8 D, une version de l'Antonov
An-12 fabriquée sous licence en Chine,..." (Bergevin ; 2006 ;
7).
Seulement, ce soutien sans faille de la Chine au
régime soudanais contribue à perpétrer les massacres au
Darfour. Aujourd'hui, la Chine participe indirectement à la continuation
de ce que la communauté internationale qualifie désormais de
génocide. En fournissant du matériel militaire, une aide
économique considérable, surtout en empêchant à
l'ONU de déployer ses forces de maintien de la paix au Darfour,
pékin contribue à la perpétuation des massacres
constatés au Darfour. Tout en espérant que la Chine n'utilisera
pas cette fois encore son droit de véto pour empêcher
l'exécution du mandat d'arrêt international délivré
le 04 mars 2009 par la cours pénale internationale contre le
président Béchir et deux de ses acolytes pour crime de guerre et
crime contre l'humanité45(*).
S'il est vrai que cette attitude pour le moins
irresponsable de la Chine en Afrique lui vaut de nombreuses critiques de la
part de l'ensemble de la communauté internationale, nous ne devons
aucunement oublier le fait qu'en réalité la Chine n'innove pas.
Les puissances occidentales avant elle ont, et continuent d'ailleurs à
faire pareil chaque fois que leurs intérêts stratégiques
l'exigent.
SECTION II : la posture
occidentale vis-à-vis de la démocratie en Afrique
En Afrique, la posture des démocraties occidentales
vis-à-vis de la promotion des valeurs démocratiques semble
prêter à confusion. En effet, en fonction des circonstances, ces
dernières mènent une politique de deux poids deux mesures. De
tradition libérale, on se serait attendu à ce que ces puissances
mènent une politique essentiellement tournée vers la promotion de
la démocratie. Seulement, inscrites dans une démarche
réaliste, elles font très souvent passer la promotion de leurs
intérêts stratégiques avant celle de l'idéologie
libérale. C'est ce qui amène Fogue Tedom (2008 : 51)
à constater que : " Dans les pays africains riches en
matières premières stratégiques, les réformes
démocratiques butent encore sur des considérations
géostratégiques. Dans ces pays, en fonction de leurs
intérêts et non sur la base des critères
démocratiques, les puissances occidentales ont par leurs soutiens
multiformes-directs/indirects-aux parties engagées dans la course au
pouvoir, contribué à retarder l'évolution du processus
démocratique ". C'est donc dire qu'en dépit de leurs prises
de position apparentes en faveur de la démocratie, la promotion et la
sauvegarde de leurs intérêts restent et demeurent l'objectif
primordial de leur engagement sur le continent. Raison pour laquelle il serait
impératif de présenter au préalable le rôle
joué par l'occident en faveur de la démocratie
(paragraphe1) ; avant de circonscrire les facteurs qui constituent un
frein au processus de démocratisation en Afrique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le
rôle de l'occident en faveur de la démocratie en Afrique
Les partenaires traditionnels de
l'Afrique46(*)ont, de part
les multiples pressions exercées sur les régimes africains,
contribué directement ou indirectement à la promotion de la
démocratie sur le continent. En effet, ces derniers soumettent
généralement les africains à un double ajustement
politique (démocratisation, respect des droits de l'Homme) et
économique (bonne gouvernance, réformes structurelles) pour
bénéficier de leur aide (Nkoa François Colin ;
2007 : 39). L'accord de Cotonou signé en juin 2000 et qui
régit la coopération entre les pays de l'UE et 77 pays ACP, pour
une durée de 20ans est un exemple de ce type de coopération
conditionnée. La coopération UE-ACP telle que définie par
l'accord de Cotonou dépasse le cadre étroit de la
coopération économique et commerciale pour intégrer
d'autres éléments considérés comme essentiels au
développement et qui constituent autant de conditions pour
bénéficier de l'aide communautaire. Il s'agit de la consolidation
de la paix, la prévention et la résolution des conflits, le
respect des droits de l'Homme, les principes démocratiques et l'Etat de
droit, la bonne gestion des affaires publiques (Nkoa François
Colin ; 2007 : 39). Dans le cadre de ce travail, c'est à
travers les exemples de la France (A) et des Etats-Unis (B) que nous
étudierons la contribution de l'occident à la promotion de la
démocratie en Afrique.
A- La France et la
démocratie en Afrique
Il est question d'étudier la
contribution de la France à la promotion voire à l'enracinement
d'une culture démocratique en Afrique. En effet, dans les années
1990, la France opère un changement de cap vis-à-vis de sa
politique africaine47(*),
même si elle redoute la démocratisation du continent, synonyme de
l'éveil de l'opinion publique africaine et de possible remise en
question de ses intérêts, elle participe tout de même dans
la mesure de la préservation de ses intérêts, à la
vulgarisation de la démocratie sur le continent. La XVIème
conférence des chefs d'Etat de France et d'Afrique de juin 1990 à
la Baule en France, offre au président Français François
MITTERAND l'occasion de tenter d'apaiser le courroux de l'opinion publique
africaine. Lors d'une conférence de presse, il adopte une posture
progressiste en totale rupture avec l'archaïsme traditionnel de la
politique africaine de la France, en déclarant à propos de l'aide
à l'Afrique, " C'est évident que cette aide
traditionnelle, déjà ancienne, sera plus tiède en face des
régimes qui se comporteraient de façon autoritaire, et qu'elle
sera enthousiaste pour ceux qui franchiront ce pas avec courage et autant qu'il
leur sera possible " (Fogue Tedom ; 2008 : 107)48(*). Cette approche a
été plus ou moins maintenue par son successeur Jacques Chirac
pour qui, "être donneur d'aide aujourd'hui, c'est en
règle générale appartenir à la grande famille des
nations industrialisées et démocratiques. Une famille qui a sa
culture, ses solidarités et ses réflexes, notamment la bonne
gouvernance, la transparence, le dialogue, la rigueur, l'efficacité.
C'est pourquoi les donneurs tendent à se détourner des pays
aidés qui ne respectent pas ces mêmes critères que, par
ailleurs, ils s'imposent à eux-mêmes" (Mbaye Cisse ;
2007 : 14)49(*).
Toutefois, il faut bien le noter, ces apparentes prises de position en faveur
de la démocratie ne constituent aucunement l'objectif visé par
Paris. Subrepticement, le président MITTERAND laisse
l'opportunité à l'archaïsme structurant la politique
africaine de son pays de réapparaitre une fois la tempête
démocratique maitrisée. L'un des enjeux d'un tel discours est
d'exorciser définitivement tout attachement à l'idéologie
communiste et au non alignement, et surtout de disqualifier le communisme qui
venait d'échouer. Ce discours entendait également briser les
liens avec le communisme qui constituait un grand frein à la
préservation des pré- carrés et des chasse-gardées
occidentales.
Selon Fogue Tedom (2008 : 107) " l'absence de
maturité politique et stratégique de l'opinion publique africaine
aidant, celle-ci ne réalise pas la ruse voire la supercherie politique
du président français. Elle s'enthousiasme devant ce qu'elle
interprète naïvement comme une subite adhésion de la France
à leur soif de liberté. Ce qu'elle retient de la Baule c'est une
prise de position claire du président MITTERAND sur
l'universalité de la démocratie et surtout sur la
nécessité pour les régimes autoritaires africains de s'en
accommoder ".
S'il est vrai comme nous venons de le voir que la France
contribué à lancer l'idée de la promotion de la
démocratie en Afrique, qu'elle sera la position des Etats-Unis par
rapport à la diffusion de cette même démocratie sur le
continent, si tant est vrai que depuis la fin de la guerre froide, ils ne
cachent plus leur détermination à s'attaquer aux monopoles
économiques et politiques de leurs anciens alliés
Européens ? Autrement dit, dans cette offensive américaine ou
dans cette nouvelle vision de leur politique africaine, qu'elle sera la place
accordée à la démocratie ?
B- Les Etats-Unis et la
promotion de la démocratie en Afrique
Parler de
promotion de la démocratie exige un instant que l'on précise
qu'il s'agit en réalité d'assistance à la consolidation
démocratique. En effet, la démocratie n'est pas une apparition
spontanée mais bien plus, le résultat d'un processus
appelé démocratisation ; cette dernière commence avec
l'ouverture du régime autoritaire qui laisse apparaître quelques
fissures (Mbatchom : 2007). De ce fait, il sera davantage question
d'étudier la contribution des Etats-Unis à la consolidation ou
à l'enracinement de la démocratie en Afrique. Dès le
début de la décennie 1990, les discours des officiels
américains avaient comme leitmotiv la démocratie et le
développement de l'Afrique. Ainsi, Le 25 avril 1990 M. Herman COHEN
alors secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines
déclarait : "Reformes politiques et économiques sont
étroitement liées à la croissance et au
développement en Afrique " (Afrique
Etats-Unis N°9 du 15 juin 1990). Le 27 octobre 1991, Nancy
KASSEBAUM ; sénatrice à Washington considérait que
l'Administration américaine devrait coopérer avec les Africains
pour créer les conditions propices à l'épanouissement de
la démocratie. Le 10 octobre 1996, le Secrétaire d'Etat M. WARREN
CHRISTOPHER prononçait à ADDIS-ABEBA un discours lors du sommet
de l'O.U.A. Il disait en substance que la démocratie est la seule
condition pour le développement durable en Afrique (Mbatchom :
2007).
Par ailleurs, dans le cadre de la coopération entre les
Etats-Unis et l'Afrique matérialisée par l'existence de la loi
sur la croissance et les opportunités en Afrique, plus connu sous le
sigle AGOA (African growth and Opportunity Act), un certain nombre de
conditions politiques sont imposées aux gouvernements africains. L'AGOA
est une loi visant à promouvoir le commerce entre l'Afrique et les
Etats-Unis sous la bannière de la promotion de critères
politiques très sélectifs allant de la démocratisation,
à la libéralisation, en passant par la bonne gouvernance et le
respect des droits de l'homme. En effet, selon (Nkoa Colin François
(2007 : 39) :
" Les avantages offerts par l'AGOA (...) font l'objet
d'une évaluation et d'un contrôle par le congrès
américain qui peut ainsi décider de retirer de manière
unilatérale ces préférences. Ce contrôle est
exercé en s'appuyant sur des éléments tels que le respect
des droits de l'homme, les principes démocratiques, la bonne
gouvernance. En cas de violation de ces principes, les avantages
octroyés par les Etats-Unis dans le cadre de cette initiative sont
retirés. La Cote d'Ivoire, la Mauritanie et l'Erythrée ont
déjà ainsi été sanctionnés ".
Donc, par une politique de conditionnalité et de
multiples pressions exercées sur les gouvernements africains, les
Etats-Unis ont contribué à la promotion de la démocratie
en Afrique. Toutefois, s'il est vrai comme nous venons de le constater que les
Etats-Unis et la France ont joué, volontairement ou non, un important
rôle en faveur de la démocratie en Afrique, comment comprendre
leur propension à soutenir ou à promouvoir une
indigénisation de la démocratie sur le continent ? Autrement
dit, les prises de position américaines et françaises en faveur
de la démocratie en Afrique ne sont-elles pas en réalité
une simple manière de contenter l'opinion publique africaine en mal de
changement ?
Paragraphe 2 :
L'occident et la tropicalisation de la démocratie en Afrique
Il est peut être contradictoire de parler d'occident et
de la tropicalisation de la démocratie. Car, la seule évocation
de l'occident nous fait penser à priori à la diffusion de
l'idéologie libérale. Seulement, dans leurs relations avec
l'Afrique, les démocraties occidentales, considérées
à tort ou à raison comme les défenseurs de la
démocratie, ont très souvent fait passer leurs
intérêts stratégiques avant la promotion des valeurs
démocratiques. En effet, selon Fogue Tedom (2008 : 139) :
" Le débat autour de l'intérêt et de la
nécessité de démocratiser le continent africain a
souffert des enjeux géostratégiques des principales puissances
occidentales engagées en Afrique. Dans ce débat, la
résistance française ou encore le revirement américain
lors de la tournée africaine de BILL CLINTON à Entebbe en Ouganda
en mars 1998 ne peuvent se comprendre qu'à l'aune de ces enjeux. La
démocratisation de l'Afrique implique une émancipation politique
des africains et le développement de leur esprit de discernement.
Dès lors, elle peut apparaitre dangereuse pour la réalisation de
certains des objectifs géostratégiques de ces puissances ".
C'est donc dire que c'est dans le souci de défendre ou
de promouvoir leurs intérêts stratégiques en Afrique que
les démocraties occidentales (France et Etats-Unis en l'occurrence) ont
soutenu l'idée d'une indigénisation de la démocratie en
Afrique. Aussi, verrons-nous que le discours progressiste du président
français François MITTERAND en 1990 à la Baule en France
n'était en rien un coup fatal porté à l'autoritarisme en
Afrique comme ont bien voulu nous le faire croire certains (A). Davantage, au
regard de l'attitude américaine visant elle aussi à faire passer
avant toute chose la défense de ses intérêts, les espoirs
de l'opinion publique africaine vis-à-vis de l'offensive
américaine50(*)ne
risquent-ils pas d'être bafoués (B) ?
A. La Baule : une
démocratisation en trompe oeil
Convaincue que la démocratisation, synonyme de prise
de conscience de l'opinion africaine constitue une menace pour ses
intérêts en Afrique, sous la pression des populations africaines
et de l'ensemble de la communauté internationale, la France feint lors
de la conférence de la Baule de juin 1990 d'opter pour la
démocratisation du continent. En effet, la Baule est un soutien en
trompe oeil à la lutte pour la démocratie que les populations
africaines semblent déterminées à mener.
Prisonnière des considérations géostratégiques, la
France ne veut pas prendre le risque de soutenir la démocratisation du
continent, démocratisation susceptible de remettre en cause ses
intérêts sur le continent. Mais pour contenter l'opinion
africaine, elle adopte une posture progressiste. Pour Fogue Tedom (2008 :
109) :
" Le discours de la Baule, abusivement et surtout
idéologiquement considéré comme " le
détonateur du processus de démocratisation en Afrique "
(Michel ROUSSIN, Afrique majeure, paris, Ed. France-Empire, 1997, pp
14-15)51(*), n'est rien
d'autre qu'un exercice géostratégique de transformation des
contestations politiques africaines du début des années 1990 au
mieux des intérêts de la France. En effet, redoutant les
conséquences de la montée incontrôlée de ces
contestations pour les pouvoirs qui lui garantissent un " patronage
exclusif " dans ses anciennes colonies et donc pour elle-même, la
France était stratégiquement dans l'obligation de donner
l'impression à la rue africaine qu'elle était à ses
côtés. Dans le même temps pour des raisons
géostratégiques, elle ne pouvait courir le risque de voir les
populations africaines devenir maitresse de leur destin politique et par
conséquent, les Etats de son pré-carré s'émanciper
de sa tutelle politique, stratégique et économique au moment
même où, après avoir déclaré le nouvel ordre
mondial, les Etats-Unis venaient de proclamer la libre concurrence politique et
économique entre les anciens de la guerre froide ".
Lors de cette même conférence, le
président MITTERAND appelle à l'indigénisation ou à
la tropicalisation de la démocratie en affirmant, " Si la
démocratie est un principe universel, il ne faut pas oublier les
différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs.
Impossible de présenter un système tout fait...La France n'a pas
à décider je ne sais quelle loi constitutionnelle qui
s'imposerait de facto à l'ensemble des peuples qui ont leur propre
conscience et leur propre histoire "52(*).
Soulignant cette duplicité française, Jean
Pierre COT, ancien ministre français de la coopération
affirmait : "c'est très caractéristique de la politique
française (en Afrique) - et notamment celle de François MITTERAND
- que de tenir, d'un côté, un discours généreux,
d'entretenir des espoirs, et d'autre part, de pérenniser une pratique
qui vise exactement le contraire "53(*). En clair, malgré ses prises de position en
faveur de la démocratisation du continent, la France devait garantir la
survie de ses " amis fidèles ", même au prix du maintien
des Etats africains dans l'immobilisme et l'archaïsme politique. De la
survie politique des régimes africains dépendait la survie des
intérêts français en Afrique.
C'est ce que confirme d'ailleurs l'étude des relations
qu'elle entretien avec ses partenaires africains depuis la décennie
1990. En effet, l'analyse des relations franco-africaine depuis cette
période laisse paraitre un soutien multiforme et quasi permanent de la
France aux régimes africains. Cela se vérifie par exemple
à travers l'élection présidentielle de 1992 au Cameroun. A
l'issue de cette première élection présidentielle
pluraliste, qui mettait aux prises Paul BIYA soutenu par la France et John FRU
NDI soutenu par la diplomatie américaine, élection favorable au
candidat Paul Biya. Le Floch Prigent, président d'ELF de l'époque
fait des déclarations selon lesquelles c'est avec l'appui de sa
compagnie que le président BIYA a pu s'imposer (Le Floch Prigent,
l'express du 12/12/1996, p.66)54(*).
Pareillement, au Congo, après la décision du
nouveau président élu, Pascal LISSOUBA, de vendre la part de
l'Etat congolais dans l'exploitation du principal gisement du pays à la
compagnie américaine OXY, Jusqu'à lors tenue à
l'écart de l'exploitation congolaise par l'ancien pouvoir au profit
exclusif de la compagnie française ELF, la France réussit
après de nombreuses tractations diplomatiques et économiques
à obtenir le rachat de la dette d'OXY. Mais, désormais, il est
clair que le nouveau président représente une menace pour la
sauvegarde des intérêts français au Congo. De ce fait, la
France s'arrangera à le faire partir. C'est ainsi qu'après une
première guerre civile en 1992, une seconde en 1998 aboutira au
renversement de LISSOUBA. Le rôle actif de la France dans ce renversement
semble se confirmer par les déclarations de Le Floch Prigent, lorsqu'il
affirmait que parmi ses missions diplomatiques en Afrique figurait
le "maintien du Congo dans ses liens avec la France (...) " (Cf.
l'express 12/12/1996, pp 68-69).
Au regard de cette politique de deux poids deux mesures
menée par la France en Afrique, qui consistait à soutenir d'une
part, l'idée de la nécessité de la démocratisation
du continent, mais continuant paradoxalement à soutenir les
régimes africains d'autre part, on comprend très vite que Paris
est inscrit dans la dialectique des intelligences. En effet, la France n'est
pas prête à sacrifier ses intérêts
stratégiques en Afrique sur l'autel de la Démocratie. D'ailleurs,
sa maturité stratégique ne lui interdit-elle pas de faire passer
la promotion des valeurs démocratiques avant la recherche et la
sauvegarde de ses intérêts ? Qu'en est-il de l'offensive
américaine aux allures progressistes ?
B. Les Etats-Unis et
l'indigénisation de la démocratie en Afrique
Au-delà des apparences, et contrairement aux espoirs
que l'opinion publique africaine lui voue, l'offensive américaine sur
le continent est réfléchie et s'inscrit en droite ligne dans la
dialectique des intelligences, visant le renversement du " patronage
exclusif " des anciennes puissances coloniales et l'ouverture du
marché africain aux investisseurs américains. En effet, les
Etats-Unis n'entendent pas continuer à assister impassibles au partage
du " gâteau africain " par les différentes chancelleries
européennes. Pour s'attirer un certain capital de sympathie au sein de
la population africaine, la diplomatie américaine dans son ensemble
feint d'adhérer à l'idée de la nécessité de
démocratiser le continent. Seulement, les prises de position de l'ancien
président américain Bill CLINTON en faveur de la tropicalisation
de la démocratie, à ENTEBBE en OUGANDA en 1998, apparait comme un
coup fatal au processus démocratique laborieusement engagé sur le
continent.
C'est en effet pendant son voyage en Ouganda que Bill CLINTON
à l'occasion avait réuni autour de lui plusieurs chefs d'Etat
africains : l'ougandais Yoweri MUSEVENI, le congolais Laurent
Désiré KABILA, le Rwandais Pasteur BIZIMUNGU, le Kényan
Arap MOI et le Tanzanien Benjamin MKAPA déclarait qu' " il
n'ya pas de modèle établi pour les institutions ou la
transformation démocratique " (Fogue Tedom ; 2008 : 60).
Le président américain venait d'annoncer aux progressistes
africains que son pays ne pouvait sacrifier ses intérêts
économiques sur l'autel de la défense des libertés
politiques en Afrique. En effet, " en soutenant qu'il n'ya pas de
model de démocratie, dans un réalisme qui ne peut que renforcer
la lecture essentiellement géostratégique de l'action de tous les
partenaires étatiques étrangers de l'Afrique, Bill CLINTON,
après les puissances européennes responsables
du " pouvoir de la minorité " que la nouvelle
politique africaine des Etats-Unis entendait combattre, venait de souscrire lui
aussi à une indigénisation de la démocratie en
Afrique " (Fogue Tedom ; 2008 : 60).
C'est par exemple le cas au Cameroun où, après
la longue période de défiance qui a précédé
l'élection présidentielle de 1992, afin de mieux servir leurs
intérêts dans le pays, les Etats-Unis décident de changer
d'attitude et de cohabiter harmonieusement avec le pouvoir de Yaoundé.
Le soutien américain au régime du président Paul BIYA
s'illustre à la veille de l'élection présidentielle de
1997. Redoutant les trucages électoraux, l'opposition refuse de se
présenter devant les électeurs, tant que les garanties de
transparence ne seront pas données par le pouvoir. Dans l'espoir que les
Etats-Unis fassent pression sur le président BIYA pour garantir la
transparence du scrutin, un des leaders de l'opposition, Samuel EBOA rencontre
le successeur de Frances COOK (ancienne ambassadrice des Etats-Unis au
Cameroun) qui lui répond que, " c'est la stabilité politique
du Cameroun qui intéresse les Etats-Unis et non le soutien à tel
ou tel candidat ou formation politique " (Ela Pierre ; 2002 :
100)55(*). Selon Fogue
Tedom (2008 : 84) :
" La réponse du diplomate américain, en fait un
revirement au regard de 1992, (...) et annonçait par le fait même
le renoncement de son pays par rapport à sa volonté initiale et
officielle de ramener aux africains en même temps que le
libéralisme économique, la démocratie. Elle
dévoilait la réconciliation intervenue entre le gouvernement
camerounais et les intérêts américains. C'est donc sans
surprise qu'après la création en 1999 de la multinationale
américaine EXXONMOBIL, fruit de la fusion d'ESSO et de MOBIL,
jusqu'ici limité en Afrique Noire dans le raffinage et la distribution,
on apprendra qu'elle a obtenu des autorités camerounaises le permis de
prospecter du pétrole sur deux gisements off-shore : Ebodjé
et Ebomé Marine ".
Au regard de ce qui précède, il ressort que
malgré leur contribution à la promotion voire à
l'enracinement d'un embryon de démocratie en Afrique, le principal souci
de la France était de sauvegarder ses intérêts, tandis que
pour les Etats-Unis, il était avant tout question de remettre en cause
la main mise européenne sur l'exploitation des richesses africaines. La
France et les Etats-Unis s'intéressent aux richesses africaines,
à la seule différence que la France veut garder la main mise sur
leur exploitation, alors que les Etats-Unis veulent avoir droit au chapitre.
Aussi les Etats-Unis cristallisent-ils leur critique autour de la politique
africaine de la France. Fondent leur offensive sur un discours sur la
démocratie, les droits de l'Homme et la bonne gouvernance. Se sentant
menacée par cette offensive américaine, la France feint elle
aussi de s'inscrire dans cette logique progressiste. En effet, le contexte de
démocratisation dans lequel intervient la mise en oeuvre de leur
nouvelle politique africaine les oblige à s'inscrire dans la dialectique
des intelligences. Feignant d'opter pour l'idée de la
nécessité de la démocratisation du continent, ils
continuent en fonction des circonstances et surtout chaque fois que leurs
intérêts l'exigent à soutenir les régimes africains
même autoritaires. Les donneurs de leçons se
révèlent être les meilleurs amis des régimes
dictatoriaux. Leurs différentes prises de position en faveur de la
démocratie ne constituent en réalité qu'une manière
subtile d'accroître leur capital de sympathie auprès des
populations africaines.
De ce fait, au vue de la percée chinoise sur le
continent, un conflit entre intérêts occidentaux et chinois sur le
continent est à prévoir. En effet, Il est évident que les
puissances occidentales qui profitaient du " consensus de
Berlin "56(*), et qui
s'appropriaient les richesses du continent africain ne la voient pas d'un bon
oeil, et ils ont dressé un certain nombre d'obstacles devant la Chine
pour l'empêcher de menacer leur position monopolistique. Obstacles
consistant pour l'essentiel à obscurcir au maximum l'offensive chinoise
en Afrique. En réalité, la pénétration chinoise en
Afrique dérange au plus haut point.
Au-delà de leur différence de posture
vis-à-vis de la démocratie en Afrique-contrairement aux
démocraties occidentales qui par un ensemble de conditionnalités
imposées aux pays africains prétendent soutenir l'idée de
la démocratisation de l'Afrique, la Chine, outre la non reconnaissance
de Taiwan, ne pose pas de conditions politiques à l'établissement
des relations diplomatiques avec ses partenaires africains- la Chine, tout
comme les puissances occidentales visent avant tout la défense de leurs
intérêts. En effet, selon Fogue Tedom(2008 :
158) : " A ce sujet, il faut souligner que si les
démocraties occidentales affirment soutenir sans réserve
l'opinion africaine qui aspire à la liberté, exige les
réformes démocratiques effectives et soulève la question
de la légitimité politique des gouvernants, dans les faits,
tétanisés par leurs intérêts
géostratégiques elles constituent au contraire un obstacle
à l'émancipation politique des africains (voir l'attitude de la
France dans la gestion de la succession du président togolais en 2005 ou
encore la complaisance des Etats-Unis face aux dérives autoritaires du
président MUSEVENI en OUGANDA). A partir de cette lecture, si le soutien
politique des autorités chinoises aux régimes africains
réfractaires aux réformes démocratiques est tout à
fait logique au regard de la nature autoritaire du gouvernement de
pékin, il est nécessaire de souligner que ce positionnement
chinois n'est différent qu'en apparence de celui de ses rivaux que sont
les démocraties occidentales ". C'est dire que même quand les
valeurs sont présentées comme les motivations dans la politique
internationale, il faut être prudent, ne pas prendre pour explication ce
qui mérite explication.
Dans leur quête effrénée de
matières premières, ces puissances ont transformé
l'Afrique en un simple champ de manoeuvre où se déploient au
quotidien leurs conflits d'intérêts autour de la quête et du
contrôle des matières premières stratégiques
(pétrole en l'occurrence). Seulement, leurs luttes de positionnement
n'est pas sans effets sur la démocratie et la paix en Afrique.
CONCLUSION GENERALE
Parvenus au terme de ce mémoire portant sur les
: " enjeux et jeux pétroliers chinois en Afrique :
étude de l'offensive chinoise dans le Golfe de
Guinée ", il convient de dresser un bilan et de fixer quelques
perspectives.
La problématique de ce travail, faut-il le rappeler,
relevait de la place du Golfe de Guinée dans le redéploiement de
la nouvelle puissance chinoise en Afrique. En fait, il s'est agi, grâce
aux instruments des méthodes géopolitique et stratégique,
d'étudier outre les motivations profondes de l'offensive
pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée, le
déploiement stratégique de la Chine autour du pétrole. Il
s'est agi également de mesurer l'impact politique de cette offensive
sur l'avenir de la démocratie et de la paix en Afrique.
La question centrale du sujet fut donc la suivante : En
quoi est-ce que le Golfe de Guinée constitue à la fois un enjeu
et un terrain du jeu pétrolier chinois en Afrique ? Autrement dit,
quelles sont les raisons de l'offensive pétrolière chinoise et
les stratégies mises en oeuvre par pékin pour accéder aux
ressources africaines en général et au pétrole du golfe de
Guinée en particulier? Davantage, hormis la non reconnaissance de
Taiwan, Pékin ne s'encombrant pas de conditions politiques à
l'établissement des relations diplomatiques avec ses partenaires
africains, quel peut être l'impact d'une telle attitude sur
l'évolution de la démocratie et de la paix en Afrique ? Au
total, doit-on se réjouir ou redouter la dynamique chinoise autour du
pétrole africain ?
A cette question centrale, nous avons émis une
hypothèse principale qui postulait que, du fait de la place qu'elle
occupe désormais dans l'économie mondiale, la Chine nourrit des
ambitions de grande puissance. Sa dépendance énergétique
l'amène à reconsidérer sa politique vis-à-vis de
l'Afrique. Le Golfe de Guinée, espace qui jouit d'un potentiel
énergétique important et d'une position
géostratégique indéniable, ne pouvait que susciter ses
appétits. Par une offensive politique, économique, diplomatique
et militaire, pékin entend investir le Golfe de Guinée afin de
s'assurer entre autre, le contrôle et l'exploitation des matières
premières en présence, le pétrole en l'occurrence.
Seulement, engagé dans cette entreprise stratégique, pékin
se soucie peu du respect des valeurs démocratiques et des droits de
l'Homme. Pékin n'a en effet pas la réputation d'être un
grand défenseur de la démocratie et des droits de l'Homme. Le
soutien politique qu'il apporte aux régimes africains peut
s'avérer être une sorte de caution à leur gestion, les
conforter dans leur immobilisme politique, constituant ainsi une menace pour la
démocratie et la paix.
Au terme d'un tel processus, après enquête et
analyse visant à vérifier notre hypothèse initiale, les
informations collectées, traitées et organisées dans ce
mémoire nous conduisent aux conclusions suivantes, dont le
caractère partiel et précaire est évidemment de mise.
1) La Chine, manufacture du monde, dont la consommation de
pétrole, de gaz naturel et de charbon est bien supérieure
à la production de ses combustibles, se heurte à un
déficit énergétique croissant57(*). Pour faire face à sa
dépendance croissante vis-à-vis du pétrole, pékin
relance, depuis les années 2000, sa longue marche commerciale et
stratégique pour diversifier ses sources d'approvisionnement à
travers le monde. Quasiment absente de l'Afrique, il ya à peine 25 ans,
la Chine est aujourd'hui le troisième partenaire commercial de
l'Afrique et un acteur important sur le continent dans le domaine
énergétique. Comme le souligne Valérie Niquet, directrice
du centre Asie de l'Institut Français des Relations Internationales
(IFRI), la Chine dont la croissance demeure particulièrement
gourmande en énergie et en matières premières trouve en
l'Afrique un nouveau grenier où s'approvisionner en pétrole. La
présence chinoise actuelle en Afrique est une affaire
d'intérêts. En effet, "la quête de ses intérêts
l'oblige à passer par l'Afrique". Plus de 30 % des importations
chinoises de pétrole proviennent actuellement de l'Afrique, dont la
majorité du Golfe de Guinée. C'est donc cette boulimie
énergétique de la Chine qui l'a conduit à lancer cette
offensive pétrolière en Afrique en général et dans
le Golfe de Guinée en particulier.
2) Dans la nouvelle ceinture pétro stratégique
qu'est le Golfe de Guinée, les atouts du pétrole et de la
région, couplés au déficit d'autonomie politique et
stratégique dont souffrent les Etats de la sous région
constituent à l'analyse le modus vivendi de cette offensive chinoise. En
effet, le Golfe de Guinée semble désormais être, du fait de
la place qu'il occupe dans la géopolitique pétrolière
mondiale, notamment dans la politique de diversification des sources
d'approvisionnement énergétique des grandes puissances
industrielles un point névralgique de la scène
pétrolière internationale. Aussi, la Chine, puissance
émergente, boulimique en matières premières
espère-t-elle y satisfaire ses importants besoins
énergétiques, surtout quand on sait qu'en raison de leur
extraversion étatique, la plupart des dirigeants des pays de la sous
région sont prompt à servir les intérêts
étrangers une fois qu'ils obtiennent en retour de leurs partenaires
extérieures la garantie d'une " assurance vie politique ".
3) Pour s'octroyer le pétrole du Golfe de
Guinée, pékin fait preuve d'un réalisme et d'un
pragmatisme à nul autre pareil, use des moyens aussi bien politique et
économique, que diplomatique et militaire.
Au niveau politique, l'Empire du milieu use d'une
neutralité bienveillante et met en avant l'un des principes
sacrés de la coexistence pacifique, celui de la non-ingérence
dans les affaires intérieures des Etats avec lesquels elle
coopère (Chomtang Fonkou ; 2007 : 123).
Au niveau économique, la Chine la Chine fait preuve
d'une habileté déconcertante, en faisant reposer son offensive
pétrolière sur une politique de dotation infrastructurelle. En
échange des importations de pétrole, la Chine, offre à ses
partenaires africains des infrastructures, si importantes pour leur
développement (routes, voies ferrées, hôpitaux,
écoles,...). Même si la qualité de ces infrastructures est
très souvent remise en question, cette politique clientélaire a
permis à la Chine de remettre en cause le leadership des puissances
occidentales sur le contrôle et l'exploitation des matières
premières stratégiques et de se hisser parmi les principaux pays
importateurs du pétrole africain.
Sur le plan diplomatique, la Chine a su faire preuve d'une
subtile diplomatie adaptée aux circonstances. En effet, en fonction des
besoins conjoncturels des pays concernés, Pékin a subtilement mis
en oeuvre une réponse diplomatique adéquate. Ce qui au finish lui
a permis de resserrer les liens avec ces pays et à accéder aux
ressources naturelles (le pétrole en l'occurrence), dont son industrie
est si demandeuse.
Sur le plan militaire enfin, l'offensive chinoise a reposer
sur une politique consistant à la fois à tronquer du
matériel militaire contre des importations de pétrole, et
à la formation du personnel militaire africain.
4) L'offensive pétrolière chinoise dans le Golfe
de Guinée, eu égard au soutien accordé par Pékin
aux régimes africains en indélicatesse avec la communauté
internationale pour des raisons de non respect des droits de l'Homme, ne sera
pas sans effets sur l'avenir de la démocratie et de la paix. En effet,
dans un contexte où les régimes africains sont au quotidien
fustigés par l'ensemble de la communauté internationale pour leur
gestion rudimentaire du pouvoir, le soutien de la Chine semble constituer pour
ces derniers une sorte de " bouée de sauvetage ". Confortant
ainsi ces dirigeants dans leur logique de pouvoir perpétuel. Par ce
comportement, la Chine est restée fidèle à une logique qui
lui est propre, son idéologie et le réalisme dans les relations
internationales. En s'inscrivant dans cette logique, la Chine n'innovait
aucunement, les puissances occidentales avant elle, avaient et continuent
d'ailleurs à faire passer avant toute chose la promotion de leurs
intérêts. En effet, nul besoin de se le cacher, sur la
scène internationale, la promotion des intérêts surpasse
celle des valeurs.
En somme, l'examen de l'offensive pétrolière
chinoise dans le Golfe de Guinée soulève quelques
inquiétudes. En effet, dans sa détermination à
accéder par tous les moyens au pétrole de la sous région,
la Chine risque de se comporter comme un éléphant dans un
magasin de porcelaine et annihiler les efforts de démocratisation
laborieusement entamés sur le continent depuis les années 1990.
Par ailleurs, la vente incontrôlée d'armes à des
régimes africains décriés risque de raviver plusieurs
foyers de tension et plonger à nouveau le continent dans une
instabilité endémique. Au demeurant, la Chine semble avoir la
même carte de l'Afrique que les puissances Européenne et
américaine : celle du pétrole et des mines. Leur
déploiement dans le Golfe de Guinée à l'aube du
21e siècle n'a donc rien d'anodin, et l'on craint à la
longue une nouvelle forme de pillage des ressources du continent par le
géant asiatique (Chomtang Fonkou ; 2007 : 124), ceci avec la
complicité bienveillante des autorités politiques locales. Face
à cette offensive chinoise aux allures "messianiques", les africains
devraient restés très lucides, éviter de se laisser une
fois de plus embobiner. Eviter que leurs partenaires extérieurs en
général ne transforment le continent en simple réservoir
de matières premières et en déversoir de produits
manufacturés. Le modèle chinois et ses effets présents et
potentiels en Afrique noire peuvent être comparés à une
symphonie politique et économique déjà jouée par
les anciennes puissances occidentales.
Avec l'arrivée ou l'entrée en scène du
géant asiatique, nous assistons à une intensification du pillage
des ressources pétrolières africaines. Les questions que nous
devons dès lors nous poser sont les suivantes :
- comment préserver l'Afrique de ce pillage ?
-comment tirer profit au maximum de la manne
pétrolière ?
-comment rendre ce partenariat avec la Chine
véritablement gagnant-gagnant ?
ANNEXES
Annexe 1 : Démarcation du golfe
de guinée

Source : Microsoft@Encarta 2008,
adapté par nous.
Annexe 2 : Le président Hu Jintao
effectue une visite au Nigeria le 26 Avril 2006, visite au cours de laquelle il
rencontre son homologue nigérian Obasanjo.

Source : http://www.CHINAFRIQUE.COM
Annexe 3 : la chine et l'Angola s'engagent
à promouvoir une coopération pragmatique

Source :
http://www.french.xinhuanet.com
Annexe 4 : rencontre entre les
présidents Obasanjo et Hu Jintao à Beijing le 04 Novembre 2006,
en marge du sommet Chine-Afrique.

Source : http//www.kongotimes.info
Annexe 5 : LA POLITIQUE DE LA CHINE A
L'EGARD DE L'AFRIQUE
Annexe 6 : Discours de M. HU JINTAO,
président de la République Populaire de Chine, à la
cérémonie d'ouverture du sommet de Beijing du forum sur la
coopération sino-africaine
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Ø BONIFACE, Pascal (Dir.), L'année
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Ø Jeune Afrique Economie, Eté 2008,
n°373.
Ø Jeune Afrique Economie hors-série
n°12.
Ø Jeune Afrique Economie n°2392, novembre 2006.
TABLE DES MATIERES
NB : pagination à vérifier
posément
INTRODUCTION GENERALE
1
I- PRESENTATION ET INTERET DU SUJET
2
A- PRESENTATION DU SUJET
2
B- INTERET DU SUJET
5
1- sur le plan scientifique
5
2- sur le plan politique
5
II- CLARIFICATION CONCEPTUELLE ET SITUATION
GEOGRAPHIQUE DU GOLFE DE GUINEE
6
A- CLARIFICATION CONCEPTUELLE
6
1- Jeux
6
2- Enjeux
7
3- Offensive
7
B- SITUATION GEOGRAPHIQUE DU GOLFE DE GUINEE
7
III- DELIMITATION DU SUJET
8
IV- REVUE DE LA LITTERATURE
8
V-PROBLEMATIQUE
12
VI-HYPOTHESES
13
VII-METHODOLOGIE 15
A- Cadre théorique
15
1. Le réalisme
15
2. Le transnationalisme
16
B. Technique de collecte des données
17
C. Analyse des données
18
VIII-Plan du travail
19
PREMIERE PARTIE : LES ENJEUX DE L'OFFENSIVE
PETROLIERE CHINOISE DANS LE GOLFE DE GUINEE
20
CHAPITRE I : La dépendance
énergétique de la Chine
22
SECTION I : Le déficit
énergétique de la Chine
24
Paragraphe 1 : Insuffisance des réserves et
de la production
24
A- Des réserves limitées
25
B- Une production insuffisante
26
Paragraphe 2 : Une demande intérieure en
pleine explosion
27
A- La production d'électricité et le
transport
27
1- La production d'électricité
27
2- Les transports
28
3- L'industrie, le chauffage et la consommation
domestique
29
a) L'industrie
29
b) Le chauffage et la consommation domestique
29
SECTION II : Les importations d'hydrocarbures :
une absolue nécessité
31
Paragraphe 1 : le pétrole : un enjeu
majeur de la politique étrangère chinoise
31
A- La diplomatie pétrolière chinoise
31
B- Les compagnies pétrolières
chinoises : de véritables instruments de politiques
étrangères.
32
Paragraphe 2 : Les offensives chinoises sur la
scène internationale : une stratégie de diversification
34
A- Le Moyen Orient
34
B- L'Afrique et les autres régions du monde
35
CHAPITRE II : LE GOLFE DE GUINEE : UNE
ZONE PRIVILEGIEE DE LA SCENE PETROLIERE MONDIALE.
38
SECTION I : Potentiel énergétique et
atouts du brut du golfe de guinée
40
Paragraphe 1 : Le potentiel
énergétique du golfe de guinée
40
A- Des réserves de plus en plus importantes
40
B- Une production massive
42
1- Le NIGERIA
43
2- L'ANGOLA
44
3- LA GUINEE EQUATORIALE
44
Paragraphe 2 : les atouts du brut du golfe de
guinée
45
A- Un pétrole de qualité et à l'abri
des tensions sociales
46
1. La qualité du brut du golfe de guinée
46
2. un pétrole à l'abri des tensions
sociales
46
B- Les avantages d'ordre économique
46
C- Des régimes contractuels et fiscaux incitatifs
47
SECTION II : L'incapacité politique et
technologique des dirigeants à contrôler et à exploiter les
ressources.
49
Paragraphe 1 : L'incapacité politique
49
A- L'extraversion des Etats du golfe de
guinée : un élément structurant de leur
incapacité politique à contrôler et à exploiter
leurs ressources
50
B- Un pétrole politiquement à la
portée des multinationales
51
Paragraphe 2 : Incapacité technologique
52
A- La faiblesse de la demande énergétique
locale
52
B- L'insuffisance de structures de raffinage
53
DEUXIEME PARTIE : DE LA STRATEGIE PETROLIERE
CHINOISE ET DE SON IMPACT POLITIQUE EN AFRIQUE
57
CHAPITRE III : DE LA STRATEGIE PETROLIERE
CHINOISE DANS LE GOLFE DE GUINEE 59
SECTION I : Les piliers politique et économique de
la stratégie pétrolière chinoise
61
Paragraphe 1 : L'instrumentalisation des principes
de neutralité et de non-ingérence
61
A- La neutralité et la non-ingérence :
deux principes consacrés de droit international
61
B- La logique d'instrumentalisation
62
Paragraphe 2 : Pétrole contre infrastructures
63
A- Le Nigeria
64
B- L'Angola
65
C- La Guinée Equatoriale
66
SECTION II : Dispositifs diplomatiques et militaires
67
Paragraphe 1 : la diplomatie : le coeur de la
stratégie pétrolière chinoise
68
A- Le Nigeria : pétrole contre promesse
diplomatique
68
B- L'Angola : pétrole contre soutien
économique
69
Paragraphe 2 : La coopération militaire
sino-africaine : un instrument au service des intérêts
pétroliers chinois
70
A- Pétrole contre matériel militaire
70
B- La formation du personnel militaire
71
CHAPITRE IV : DE L'OFFENSIVE CHINOISE, DU
PROCESSUS DEMOCRATIQUE ET DE LA PAIX EN AFRIQUE 72
SECTION I : L'offensive chinoise : une menace
pour la démocratie et la paix ?
75
Paragraphe 1 : une menace pour la démocratie
76
A- L'ingérence chinoise dans la vie politique
zambienne
77
B- La Chine : une heureuse alternative pour le
régime zimbabwéen
78
Paragraphe 2 : un péril pour la paix ?
79
A- Pékin et l'instrumentalisation de la
rébellion tchadienne
80
B- Le soutien de la Chine au régime de
Luanda : une menace pour la paix ?
81
C- Le véto chinois et la perpétuation des
exactions du régime soudanais au Darfour
82
SECTION II : la posture occidentale vis-à-vis
de la démocratie en Afrique
84
Paragraphe 1 : Le rôle de l'occident en faveur
de la démocratie en Afrique
84
A- La France et la démocratie en Afrique
85
B- Les Etats-Unis et la promotion de la démocratie
en Afrique
86
Paragraphe 2 : L'occident et la tropicalisation de
la démocratie en Afrique
88
A.La Baule : une démocratisation en trompe
oeil
88
B.Les Etats-Unis et l'indigénisation de la
démocratie en Afrique
91
CONCLUSION GENERALE 94
ANNEXES
99
BIBLIOGRAPHIE 118
TABLE DES MATIERES 125
* 1Cf. Jeune Afrique Economie,
été 2008, n°373, page 3.
* 2 Cf. Www. Euronews.net.
* 3 Cité par Wullson
MVOMO ELA, " pétro stratégie et appels d'Empire dans le
Golfe de Guinée " in Enjeux N°22 janvier-mars 2005, p.7.
* 4 Cf. Questions
Internationales n° 20, juillet- août 2006, page 108.
* 5 Il faut entendre par
« relations spéciales », la disposition de la Chine
à accorder un soutien multiforme et permanent aux pays détenteurs
de pétrole avec qui elle entretient des relations, quitte à
violer toutes les chartes et conventions internationales. Toutefois il est
important de noter que ces relations spéciales ne profitent pas
uniquement à la Chine. Les régimes africains en sont
également bénéficiaires. Car, en contre partie de la
garantie d'une sécurité énergétique, ces derniers
obtiennent de Pékin la promesse d'une « assurance vie
politique ».
* 6 Cf. Dictionnaire
encyclopédique, paris, Quillet, 1985.
* 7 Depuis cette année,
la Chine est redevenue un importateur de pétrole. Dans sa politique
africaine, la quête de l'or noir occupe une place cardinale. On observe
de ce fait, un redéploiement tous azimuts de la Chine dans la sous
région du golfe de guinée.
* 8 Cf. Questions
Internationales n° 20, juillet- août 2006, page 7.
* 9 La chine instrumentalise la
rancoeur africaine vis-à-vis de la coopération Nord-Sud presque
essentiellement désavantageuse que l'Afrique a jusqu'ici entretenu avec
l'occident. Elle fait croire aux africains (toujours englués dans leur
cécité stratégique) qu'elle les aidera à remettre
en cause cette coopération verticale au profit d'une coopération
horizontale plus avantageuse. En réalité, cette offensive
chinoise n'est en rien différente de celle menée par les
puissances occidentales avant elle.
* 10Cité par CHOMTANG
FONKOU, Marie Noëlle, "Les enjeux géopolitiques et
géoéconomiques de la nouvelle politique africaine de la
Chine : le cas du golfe de guinée", mémoire de DESS en
relations internationales, option diplomatie, 2006-2007, p.27.
* 11 Eu égard
à la fréquence des conflits d'intérêt entre ces deux
puissances sur plusieurs théâtres de la scène
pétrolière internationale, la chine peut en effet être
considérée comme l'adversaire reflet des Etats-Unis.
* 12 Cf. Questions
Internationales n°20, juillet - août 2006, page 106.
* 13Cf. Réseau
Garibaldi, p. 2
* 14 Cf. Réseau
Garibaldi, p.2
* 15 Cf. Réseau
Garibaldi, p2.
* 16 Cf. Questions
Internationales n° 20, juillet- août 2006, page 106.
* 17 Cf. Questions
Internationales n° 20, juillet- août 2006, page 106.
.
* 18 Avec plus de 60% des
réserves mondiales prouvées, le moyen orient est sans
contestations possibles, le coeur pétrolier du monde. En son sein,
l'Arabie Saoudite arrive largement en tête avec quelques 264 milliards de
barils de réserves prouvées sur un total mondial de 1200
milliards (chiffres AIE 2005). Elle est suivie par quatre autres Etats
riverains du golfe arabo-persique : l'Iran (137 milliards de barils),
l'Iraq (115), le Koweït (101) et les Emirats Arabes Unis (98).
Côté production, ces Etats occupent encore le premier rang avec
plus de 25 millions de barils par jour extraits en 2005. cf. LAFARGUE,
François, " Chine et Inde : des stratégies
offensives " in Questions Internationales, N°24,
mars-avril2007.Page39.
* 19 Cf. Questions
Internationales n° 20, juillet- août 2006, page 106.
* 20
www.france 24.com (20 novembre
2008).
* 21 Cité par MVOMO ELA
W. " Pétro stratégie et appels d'Empire dans le Golfe de
Guinée " in Enjeux N°22, janvier-mars 2005, p.7.
* 22 Les rebelles du MEND
(Mouvement pour l'Emancipation du Delta du Niger) accusent les compagnies
pétrolières de collusion avec l'Etat fédéral, ceci
au détriment des populations riveraines des zones d'exploitation, qui
subissent les méfaits de l'exploitation pétrolière. Ces
populations vivent dans une paupérisation accrue. Par ailleurs, la
prospection et l'exploitation du pétrole ont rendu incultivable les
régions entières du Delta du Niger, sous l'effet des gaz
brûlés et en raison de fréquents déversements et de
fuites de pétrole. Le ressentiment à l'égard des
compagnies pétrolières est de plus en plus marqué au sein
de la population et s'est quelques fois traduit par des actes de violence. La
situation est d'autant plus alarmante qu'il est facile de se procurer une arme
légère dans la région. Ces dernières années
ont en effet été marquées par une escalade de la
violence.
* 23 Cf. jeune Afrique
Economie, été 2008, n°373, p.3.
* 24 Cf. Jeune Afrique Economie
du 4 au 17 janvier 1999, p.17.
* 25 Cf. " Guinée
Equatoriale : accélérer le développement ", in
Jeune Afrique l'Intelligent, hors série n°08, paris, septembre
2005.
* 26CF. FOGUE TEDOM, Alain,
séminaire de DEA de science politique " Les Questions
Stratégiques ", UY2, 2007-2008, page 6.
* 27 Pour soutenir cette
affirmation, on notera à titre d'exemple qu'en 2002, sur un total de
159,9 millions de tonnes de pétrole exportés par les pays du
golfe de guinée, seulement 2,7 millions de tonnes sont allés vers
des pays africains. Cf. "Trafic Pétrolier en 2002", in
géopolitique de l'énergie, P. 261.
* 28 Cf. http:// le
blog.alexandredelvalle.com
* 29 Cf. Dictionnaire du
vocabulaire juridique, Paris, Editions du jury-classeur, 2002, page 262.
* 30 Cf. Questions
Internationales, Op.cit. Page 109.
* 31 Cf. www. Afrik .com. 29
février 2008.
* 32 Cf. www. Afrik .com. 29
février 2008.
* 33 Cf. www. OTAFRICALINE.
Mars 2006.
* 34 Cf.
www.vbulletin-fr.org
13/07/2008.
* 35 CF.
http://www.cyberpresse.ca,
14/05/2007.
* 36http://www.oecd.org
* 37 http://www.oecd.org
* 38 Cf. newsletters,
11/09/2006.
* 39 Cf. newsletters,
11/09/2006.
* 40 Cf. newsletters,
11/09/2006.
* 41 Ce rôle de
défenseur du continent est revendiqué par toutes les puissances,
à mesure que la quête de leurs intérêts les oblige
à passer par l'Afrique. La Chine n'est finalement que la
dernière en date à vouloir l'assumer.
* 42 Cité par
MBATCHOM P. E. La politique américaine de promotion de la
démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001, UYII,
2005/2006.
* 43 Cf.
www.canalblog.com, 04 mai
2008.
* 44 Avec les tentatives de
séduction chinoises en cours à l'encontre du régime
camerounais, une telle réalisation
pourrait même créer un axe Kribi-Port-Soudan et
relier les réserves pétrolières du Golfe de Guinée
à la Mer rouge
au profit de la Chine et au détriment des Occidentaux.
* 45
www.Euronews.net, 04/03/2009.
* 46 Nous entendons par
partenaires traditionnels ici les pays de l'Union Européenne, notamment
les ex-puissances colonisatrices.
* 47 Jusqu'à la veille
des années 1990, la politique africaine de la France consiste en un
soutien inconditionnel aux régimes en place, très souvent
autoritaires, ceci dans le but de sauvegarder ses intérêts.
* 48 Extrait tiré de
Afrique majeure, (Michel ROUSSIN), paris, Ed.France-Empire, 1997, p.122.
* 49 Extrait du discours
prononcé par Jacques Chirac, à la XIXe Conférence des
chefs d'État de France et d'Afrique, Ouagadougou, Paris,
Productions 108, 5 décembre 1996, pp.10-11.
* 50 Pour l'opinion publique
africaine toujours engluée dans sa cécité
stratégique, l'offensive américaine est synonyme de
défense des libertés, de la démocratie et de promotion de
l'Etat de droit. C'est exactement ce que les américains veulent que les
africains retiennent de leur offensive.
* 51 Cité par FOGUE
TEDOM (2008 : 109).
* 52 Cf. Le Monde du 22 juin
1990. Cité par Michel ROUSSIN (1997 : 123).
* 53 Cf. "Les erreurs de la
France en Afrique ", in l'Autre Afrique N°77 du 27 janvier au 2
février1999, p.9. Cité par FOGUE TEDOM (2008 : 109).
* 54 Cité par FOGUE
TEDOM (2008 : 82).
* 55 Cité par FOGUE
TEDOM (2008 : 84).
* 56 Le consensus de Berlin
renvoie ici à un accord tacite passé entre les puissances
occidentales, visant à ne pas gêner les intérêts de
l'une d'entre elles, dans le cadre des dossiers africains.
* 57 La Chine consomme 314
millions de tonnes de pétrole par an, alors qu'elle n'en produit que
180. Elle est le deuxième consommateur mondial de pétrole. Sa
dépendance s'élève aujourd'hui à 40% et pourrait
même atteindre 60% en 2020.