WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

LA Cour de Strasbourg et la Cour du Luxembourg dans la protection juridictionnelle des droits de l'Homme:duo ou duel ?

( Télécharger le fichier original )
par Eric NGANGO. Y
Université Libre de Bruxelles - Master en Droit 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B- L'AUTONOMISATION DE LA CJCE, PAR RAPPORT

AU SYSTEME DE LA CONVENTION157(*)

La réception de la Convention européenne des droits de l'homme dans le cadre de la CE/UE, se fait avec de nombreuses adaptations tenant compte de la nature du système, Johan Callewaert parle de « the unionisation of the convention ...»158(*) :

« ...An important test is whether the ECJ also relies on the Strasbourg interpretation of the convention provisions referred159(*) to, as their adaptation to a union law on context could mean that the convention is being unionised. » .L'autonomisation de la CJCE par rapport au système de la Convention, peut, certes, s'expliquer par plusieurs raisons notamment la nécessité d'adapter le respect des droits de l'homme à la structure et aux objectifs de l'Union, mais on peut aussi y voir l'expression d'un duel comme souligné plus haut . Comme l'a si bien souligné le doyen Louis Favoreu, l'idée qui sous-tend l'adoption de la Charte est d' «avoir son propre censeur à Luxembourg pour les quinze Etats-membres [vingt sept aujourd'hui ] afin surtout de ne pas aller à Strasbourg »160(*) .

Il convient toutefois de nuancer sérieusement cette affirmation et de distinguer comme le fait d'ailleurs la doctrine la mieux autorisée en la matière, cette autonomisation à un double niveau : autonomisation d'abord par rapport à l'interprétation donnée par la Cour EDH à la CEDH ( A ), ensuite autonomisation dans l'application de ces droits ( B) .Ce sont ces deux idées qui nous occuperons ici, elles dénotent si bien une certaine apparence ou un duel véritable entre les deux Cours.

1-Autonomisation par rapport à l'interprétation donnée de la CEDH

par la Cour EDH.

Certains auteurs refusent de voir dans les divergences d'interprétation entre les deux Cours le signe d'un duel. Olivier De Schutter, par exemple, souligne que ces prétendues divergences traduisent une certaine division du travail et n'ont jamais débouché ni sur une véritable confrontation, ni sur la prétention d'une des deux de manifester sur l'autre une quelconque prééminence 161(*)(l'auteur démontre en fait la signification particulière de la CEDH et de la jurisprudence de Strasbourg devant la CJCE). Mais s'il en est ainsi, cela est dû, comme l'a démontré Laurent Scheek, à l'impressionnante « diplomatie judiciaire » qui parvient à forcer la main aux acteurs intergouvernementaux162(*) . Quoiqu'il en soit, les divergences existent malgré tout et sont bien connues. Nous convenons en effet avec Raiz Anico que le résultat de l'interprétation dépend ainsi souvent de la finalité poursuivie par l'autorité réalisant l'interprétation. Selon lui , cette explication fournit une clé de compréhension essentielle aux interprétations divergentes des juges de Luxembourg et de Strasbourg qui appartiennent à des systèmes ayant des finalités premières divergentes (supra) .De cette différence de finalités, découle l'autonomisation de l'interprétation donnée par la CJCE à la Convention .Sur ce point le mouvement a été dynamique ,évoluant progressivement vers une baisse du degré d'autonomisation. Cela a été si bien résumé par Simon Denys163(*) .Dans un premier temps la CJCE évitait toute référence formelle à l'interprétation des droits fondamentaux dégagée par la Commission ou la Cour EDH, des dispositions de la Convention .Soit elle estimait que l'interprétation conventionnelle des dispositions pertinentes de la Convention était inadéquate dans le contexte communautaire164(*) . Soit elle estimait qu'il n'existait pas de jurisprudence véritablement pertinente165(*) , soit elle souhaitait manifestement protéger l'autonomie du système communautaire166(*) .Cette situation a conduit d'ailleurs à des pures divergences167(*) . Il faut noter toutefois que cette autonomisation par rapport à l'interprétation donnée par la Cour EDH est allée décroissante. La CJCE s'abstenant quelquefois à statuer en attendant l'interprétation donnée par Strasbourg ou s'en référant purement et simplement à la jurisprudence de cette dernière .Si ce premier aspect de l'autonomisation est discutable, le deuxième l'est moins.

2-Une autonomisation plus accrue quant à l'application

des droits fondamentaux

En ce qui concerne l'application des droits fondamentaux tels que garantis par la CEDH et l'interprétation qui en est faite par la Cour EDH, l'autonomie de la CJCE a été plus loin . Ainsi elle a affirmé tout au long de sa jurisprudence que «  les droits fondamentaux reconnus par la Cour n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues ,mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société ;par conséquent , des restrictions peuvent être apportées à l'exercice de ces droits (...)à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas , compte tenu du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même de ces droits »168(*). C'est sur la base de ce critère de proportionnalité que le juge communautaire apprécie les droits de l'homme.

Quelques observations méritent d'être relevées à ce sujet : d'un côté on pourrait douter autant de la pertinence que de l'avenir d'une telle limitation justifiée par la structure et les objectifs de la Communauté et de l'Union, vu que depuis l'Acte unique européen (préambule), les droits fondamentaux font partie des objectifs de la Communauté ;le préambule de la Charte des droits fondamentaux a converti ces objectifs en valeurs, et l'art 2 du traité UE ,tel qu'il sera modifié par le traité de Lisbonne dressera une brève liste des valeurs européennes fondamentales ,parmi lesquelles figure en bonne place le respect des droits de l'homme169(*).Il s'ensuit que, sauf à établir une hiérarchisation parmi ces objectifs ,la restriction tirée des `objectifs de l'Union' ne semble plus justifiée, elle le semble d'autant moins que la Charte des droits fondamentaux prévoyant à la clause de correspondance de l'art 52§3, que le sens et la portée des droits de la CEDH repris par la Charte sont ceux déterminés dans la Convention semble avoir renoncé à se prévaloir des restrictions tirées du droit communautaire . Cette opinion est en tout cas discutable .Paradoxalement, l'arrêt Bosphorus (c'est la deuxième observation), laisse quand même songeur : en reconnaissant la particularité du droit communautaire et en élevant l'intégration européenne au rang « d'intérêt général » communautaire, tout donne à penser que la CJCE tirera le meilleur partie de cette jurisprudence et s'autonomisera davantage. La première équation résultant du commun `caractère européen' des Cours européennes étant posée, il ne nous reste plus qu'à énoncer la deuxième.

Par II LA DEUXIEME EQUATION PERSONNELLE : LA

QUESTION DU DOUBLE EMPLOI DES COURS

EUROPEENNES RESULTANT DE L'INTERFERENCE

PERSONNELLE DES DEUX SYSTEMES-APPRECIATION

Une deuxième difficulté résultant de l'interférence personnelle entre les deux systèmes est la question du double emploi .A priori, certains justiciables européens peuvent être à la fois sous la juridiction de la Cour EDH et sous celle de la CJCE .Comme le souligne Giles Lebreton dans son commentaire sur la Charte des droits fondamentaux, les Etats-membres de l'UE qui sont également tous membres du Conseil de l'Europe ressembleraient alors à des schizophrènes , victimes d'un douloureux dédoublement de personnalité , écartelés entre les interprétations contradictoires et néanmoins contraignantes de la CEDH et de la CJCE170(*) . C'est la sécurité juridique qui est ici en cause (B).

Le problème est posé ci-dessus sous un angle négatif. On pourrait aussi songer à l'éventualité d'une plus-value pour le justiciable résultant de cette dualité juridictionnelle européenne, en se posant la question de l'existence d'un forum shopping (A).

* 157 Il convient de noter que certains auteurs ne partagent pas cet avis , voir par exemple la contribution de F Tulkens et Johan Callewaert , à l'ouvrage collectif susmentionné ; Ces auteurs après avoir démontrés que la CEDH est devenue le droit commun des droits fondamentaux en Europe, soulignent que cette globalisation de l'instrument met les acteurs concernés dans une interdépendance ,qui n'est pas sans effet sur le contrôle de la CEDH , d'où il en découle une absence d'autonomisation de l'interprétation ; P 178et S .

* 158 Johan Callewaert; `Unionisation' and `Conventionalisation' of fundamental rights: The interplay between Union and Convention and its impact on the domestic legal systems of the members states...

* 159 «Une interrogation cruciale serait de savoir si la CJCE se réfère également à l'interprétation des dispositions de la Convention donnée par Strasbourg, leur adaptation au contexte du droit de l'Union pourrait signifier que la Convention est « unionisée »''.

* 160 L Favoreu ; « Une démarche constituante », Regards sur l'actualité, numéro spécial « vers une charte des droits fondamentaux de l'Union européenne » ; Août 2000, n°264, P 25.

* 161 Olivier de Schutter ; L'influence de la Cour EDH sur la CJCE ...Op...Cit ; P 1.

* 162 L Scheeck; Solving Europe's Binary Human Rights puzzle; the interaction between supranational Courts as a parameter of European Governance. Laurent Scheeck; PhD candidate Sciences-po Paris/CERI.

* 163 Simon Denys ; Des Influences réciproques entre ...Op...Cit.

* 164 CJCE ; Déc. 1978 ,Hauer,44/79 , Rec. ;P 3727(à propos du droit de propriété.) ; 9oct 1980 ,Van Landewyck 209 à215 et 218/78 , Rec. ; P 3125(à propos de l'application de la jurisprudence relative à l'art 6 aux procédures devant la Commission) ; 7mars 1983 ,SA musique diffusion française,100à103/80 ,Rec. ;P 1825 .

* 165 CJCE 18oct 1989, Orkem, 374/87, Rec. ; P 3283 ; Solvay, 27 / 88, Rec. ; P 3555(à propos de la reconnaissance du droit de ne pas témoigner contre soi-même.)

* 166 CJCE, 18oct 1990, Dzodzi, C-297 /88 et C-197 /89, Rec. ; I, P  3763.

* 167 CJCE , 21 sept 1989 , Hoechst,46 /87 et 227/88 , Rec. ;P2859 ;17oct 1989 ; Dow Benelux,85 /87 , Rec. ;P 3137 .

* 168 Voir entre autre CJCE, 13juillet 1989, Aff. Wachauf ,5/88, Rec. ; P2609, (Pt 18).

* 169 M Dony ; Droit de l'Union Européenne ...Op...Cit.

* 170 Giles Lebreton ; « Critique de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne », D 2003 ; Chr P 2319 .

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo