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Production cotonnière et développement rural au Burkina Faso: controverses et réalité. Cas du département de Diabo dans la province du Gourma

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par Paul Marie MOYENGA
Université de Ouagadougou - Memoire de Maà®trise de Sociologie 0000
  

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INTRODUCTION

L'élan politique mondial manifeste ces dernières décennies autour de la lutte contre la pauvreté montre l'acuité avec laquelle se pose la problématique du développement pour le monde entier. Des sommets mondiaux sur le développement se succèdent depuis des décennies sans que la situation de certaines catégories sociales de certaines parties du globe ne connaisse une quelconque amélioration. L'Afrique semble à ce niveau se démarquer du reste du monde. S'inscrivant dans cette dimension de développement, les pays qui le peuplent sont caractérisés par tous les noms selon l'orientation politico-idéologique des auteurs : pays du Tiers monde, pays sous développés, pays en voie de développement (ou émergents)..., et tout dernièrement pays pauvres très endettés pour certains d'entre eux. Pourtant, l'Afrique s'est toujours débattue pour se tirer de ce mauvais pas ; elle a toujours composé avec le reste du monde dans l'optique de trouver les voies susceptibles de la délivrer des mailles du filet du sous-développement. Le continent reste un véritable laboratoire où se sont expérimentées d'innombrables options de développement. Des programmes et projets de développement pendant les premières heures des indépendances (décennies 60 et 70) en passant par les PAS de la décennie 80, le souffle du vent de l'Est de la décennie 90 et la politique de décentralisation à l'entame des années 2000, l'Afrique croupit toujours dans la misère et semble encore chercher sa voie. La problématique du développement, qui est en même temps celle de la lutte contre la pauvreté, reste un défi pour l'humanité. C'est dans le souci d'une action concertée que le sommet du millénaire a été organisé en septembre 2000 par les Nations Unies et a défini un certain nombre de projets connus sous le nom d'Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Ces mesures nouvelles qui définissent des objectifs à atteindre et des échéances pour leurs réalisations sont l'aboutissement de multiples dispositions antérieures dont nous retiendrons seulement l'initiative 20/201. Ces objectifs s'imposent à tous

'Mesure de lutte contre la pauvreté proposée dans le rapport sur le développement durable de 1992 et adoptée lors du sommet mondial sur le développement tenu à Copenhague en Mars 1995 qui consiste en un engagement mutuel des pays en développement et des donateurs à consacrer

les pays qui doivent mettre des moyens en oeuvre pour les réaliser. Mais bien que la pauvreté soit un phénomène universel, ses manifestations sont variables d'une région à l'autre. Chaque pays en fonction de sa situation interne définit sa politique de lutte, ses axes d'intervention. C'est dans cette optique que le Burkina Faso, à la suite de ses pairs africains et sous l'impulsion de certains organismes internationaux, a entrepris un certain nombre de réformes socio-économiques. Le couronnement de cette volonté se révèle être l'élaboration du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté devenue impérative pour l'accès aux prestations des organismes d'aide au développement. Il faut donc initier des politiques sectorielles en ciblant certains secteurs piliers dont le développement entraînerait celui du plus grand nombre.

Au regard du poids de l'agriculture dans l'économie nationale, « les pronostics de tous bords et les proclamations tous azimuts (allant des préoccupations gouvernementales aux sentences des grands "maîtres d'aides") désignent l'agriculture comme le pont-levis du développement économique présent et futur du pays » (R. C. SAWADOGO, 1974, p.41). C'est ainsi que l'Etat burkinabè s'est lancé dans la promotion des cultures de rente (coton essentiellement), celles qui, capables de générer des devises pour le producteur, permettent surtout d'amoindrir le caractère déficitaire de la balance commerciale. Dès lors, tous les espoirs restent portés sur le coton qui, pourtant est loin de constituer une initiative nouvelle quand on interroge l'histoire. L'arrière-plan historique de la production cotonnière au Burkina Faso est fortement entaché de larmes et de servitude. En effet, le coton était cultivé avant l'époque coloniale pour son utilité socioculturelle, nous renseigne A. SCHWARTZ (1993 a). La satisfaction des besoins vestimentaires, la satisfaction de besoins rituels à travers la confection de linceuls mortuaires et funéraires, la satisfaction de besoins économiques tels que la fabrication des bandes tissées utilisées dans l'échange contre le sel gemme en provenance des salines du Sahara ou la kola en provenance de la forêt tropicale, voici la triade de fonctions à laquelle était assignée la production cotonnière dont l'égrenage, le filage et le tissage étaient faits sur place. C'était une culture secondaire. Pendant la colonisation, à la faveur du programme de mise en valeur des colonies initié par le ministre français A.

respectivement au moins 20% du budget national et 20% de l'aide financière à la réalisation de services sociaux de base. (PNUD, 1998, p.192).

SARRAUT en 1921, le Lieutenant Gouverneur Frédéric-Charles HESLING (alors gouverneur de la colonie de Haute Volta) décida en 1924 de développer la culture cotonnière et rendit sa production obligatoire au niveau villageois puis au niveau individuel (4 ha pour 100 habitants à partir de la campagne agricole 1926/1927). Aussi, en interdit-il la consommation sur place à la faveur de l'exportation. Cette mesure coercitive fut la cause majeure de la forte migration des bras valides burkinabè vers les pays voisins (la Côte-d'Ivoire et le Ghana surtout) dont la résultante fut la non viabilité économique de la colonie avec pour conséquence directe son démantèlement et son rattachement à ses voisines du Niger, de la Côte- d'Ivoire et du Soudan en 1932. Voici comment l'histoire du Burkina Faso se trouve liée à un moment clé de son tournant à celle de la culture du coton. Mais aux lendemains des indépendances, le nouvel Etat se retrouvait face à un nouveau défi : créer des sources de revenus nécessaires à son propre maintien et à l'essor de son économie. Au bout de quatre (04) longues années de réflexion, une seule issue fut trouvée au regard des caractéristiques écologiques du pays: promouvoir encore la culture du coton, sous la direction de la Compagnie Française de Développement des fibres Textiles (CFDT) créée en 1949 pour la promotion de la production du coton outre-mer. Nonobstant un début marqué par quelques balbutiements, le coton a conquis sa place aujourd'hui dans les champs burkinabè. Bénéficiant de l'effet conjugué d'un tel contexte politique et d'une adhésion soutenue des acteurs actifs, la production du coton gagne du terrain, s'imposant aujourd'hui comme la première source de devise à l'exportation (60%) devant toutes les ressources minières.

Et c'est en zones rurales, milieu où le coton est exclusivement produit, que l'incidence de la pauvreté est la plus grande, soit 52,3% contre 19,9% en milieu urbain (INSD, 2003 d). Pendant que les producteurs s'investissent de plus en plus dans la culture cotonnière, la pauvreté maintient déployé son voile sur eux, leur inaccessibilité aux activités génératrices de revenus par rapport aux zones urbaines les rendant plus vulnérables.

A travers notre thème : « Le développement rural au Burkina Faso. Analyse de l'influence de la production cotonnière sur la condition paysanne en milieu rural burkinabè : cas du département de Diabo dans la province du Gourma», nous projetons appréhender les effets d'entraînement de la culture du coton sur les

paysans et leur environnement social dans leur lutte perpétuelle pour se dégager des affres de la misère. Notre ambition est de mesurer les implications du fait même de produire du coton sur la faculté de la famille paysanne comme celle diabolaise à satisfaire ses besoins fondamentaux sociaux de base.

Le choix de ce thème obéit à une logique pratique. La lutte contre la pauvreté s'impose comme la préoccupation prioritaire du moment au sein de la communauté internationale. L'enjeu est comment enrayer cet « apartheid international »2, autrement dit, trouver des voies et moyens efficaces pour construire une société humaine plus juste et plus équitable. C'est également en ces termes que se pose la problématique du développement durable. La lutte contre la pauvreté et le développement durable sont donc indissociables. Pour de nombreux pays subsahariens confrontés à une nature défavorable (en terme de ressources minières, minéralières et énergétiques) et au regard des besoins mondiaux du moment, le coton se présente comme la panacée à tous leurs besoins plus spécifiquement en matière de lutte contre la pauvreté. Le Burkina Faso en est le prototype. La promptitude avec laquelle l'Etat a affronté et résorbé la crise qui a secoué la filière coton lors de la campagne 1993/1994, résultante de l'effondrement des cours mondiaux du coton en 1992/1993 qui s'est traduit par une chute de la production témoigne de la place que le pays confère à cette culture. L'institution de la production cotonnière dans de nouvelles zones jugées aptes et le renforcement orchestré dans les zones traditionnelles de production aux lendemains de cette crise montre largement que du point de vue de nos dirigeants, le coton constitue un appoint considérable en matière de mobilisation de ressources ou de richesses, condition indispensable dans la lutte contre la pauvreté.

En recherchant le fondement de cette considération, on a de tout temps rencontré des arguments de la forme : « il est évident ...», « méme en l'absence d'enquête... ». Notre choix de ce thème est guidé par la volonté de dépasser ces arguments spécieux pour, à travers une démarche rigoureuse d'un point de vue scientifique, saisir l'influence réelle de la culture cotonnière dans cette lutte pour le bien-être individuel et social du monde paysan, acteurs premiers de cette production.

2 Propos de M. Nitin DESAI, Secrétaire Général du sommet mondial sur le développement durable.

Car d'aucuns considèrent cette option comme un "trompe-l'oeil", donc un dérivatif à d'autres fins qui sont par exemple le renflouement des caisses de l'Etat.

Le milieu rural zaoga, plus spécifiquement le département de Diabo est notre zone d'étude. Le choix de ce lieu est dicté par le fait que Diabo est l'un des plus grands centres producteurs de la région cotonnière dont il relève (Fada) faisant de cette dernière l'une des plus productrices du coton de toute la zone cotonnière de l'Est (zone SOCOMA). Pourtant, nonobstant cette forte production soutenue par une recrudescence du nombre de producteurs chaque saison, la misère des paysans semble croissante et leur vulnérabilité plus grande. En sus de cela, le choix de ce lieu est guidé par des raisons linguistiques ou communicationnelles. Le fait que nous parlons la langue en usage dans cet espace social nous permet de saisir avec le moins de biais possible la teneur du discours des enquêtés.

Le présent travail s'articulera comme suit : après un premier chapitre consacré à la problématique et un deuxième à la méthodologie, le troisième chapitre présentera le milieu d'étude. Ensuite le chapitre IV traitera des mécanismes de production cotonnière et céréalière du département et le chapitre V abordera la place du coton dans le milieu rural diabolais. Enfin, suivent le chapitre VI qui s'intéressera au revenu du coton ainsi que de sa gestion et le chapitre VII qui traitera de coton et développement durable.

CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE

I.1. Problème général et question générale de recherche

Le Burkina Faso est sans conteste l'un des pays les plus pauvres au monde. La place qu'occupe le pays dans le classement du PNUD de 20073 témoigne de l'ampleur du sous-développement dans lequel le pays est plongé, donc de la situation de dénuement de la population qui le peuple, du moins de la grande majorité. Car selon l'INSD, « au Burkina Faso, les 20% les plus riches disposent de près de 60% du revenu national » (INSD 2005, p.28). L'enquete burkinabè sur les conditions de vie des ménages (EBCVM) réalisée par l'INSD en 2003 faisait état d'une incidence de pauvreté atteignant 46,4% (INSD, 2003 d). Alors qu' « une société humaine fondée sur la pauvreté pour le plus grand nombre et la prospérité pour quelques-uns, caractérisée par des îlots de richesse entourés par un océan de pauvreté, n'est pas durable »4. L'édification d'une société durable passe donc par la réduction de la pauvreté et c'est s'inscrivant dans cette logique que le PNUD a lancé le défi de réduire la pauvreté de moitié à l'horizon 2015. A défaut donc de redistribuer équitablement les richesses du pays, il faut néanmoins fournir aux uns et aux autres des conditions minima qui leur permettent de sortir de leur condition de pauvreté. Avec une population à près de 87% paysanne (La Dépêche n°46, 2006), le développement du pays semble nécessairement passer par celui de l'agriculture. Aussi, cette enquête (EBCVM) montre-t-elle que c'est au sein de ces zones rurales, donc agricoles que la pauvreté s'exprime avec plus de visibilité avec une contribution à hauteur de 92,2% au seuil national.

Etant donné l'appréhension de la pauvreté sous sa variante monétaire, son éradication passe par la création de revenu dans ces zones très touchées ou par l'élévation de la productivité des sources de revenu existantes. C'est donc dans cette optique globale de croissance du revenu national et plus spécifique du revenu en

3 176eme sur 177 pays.

4 Déclaration du président Sud-africain Thabo MBEKI lors de la cérémonie d'ouverture du sommet mondial sur le développement durable tenu à Johannesburg du 26 Août au 4 septembre 2002.

milieu rural que la production du coton a trouvé une promotion jamais égalée dans l'histoire de l'agriculture burkinabè. Ainsi, le coton concentre à lui seul une part majoritaire de la recherche, de l'encadrement, de la vulgarisation et du ravitaillement en intrants, de la commercialisation et du crédit agricole. De l'aveu du Ministre burkinabè de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques (Salif DIALLO), « la majorité des prêts accordés par les banques dans le secteur agricole sont destinés à financer les équipements et les intrants agricoles au bénéfice des groupements de producteurs de coton (GPC) ou à l'achat de coton graine par la SOFITEX ; ces préts à court terme s'élèvent à plus de 100 milliards de FCFA par an » ( www.abcburkina.net, article : pauvreté rurale et commerce international : le cas du coton, p.2). La promotion des cultures de rente, notamment le coton, constituant l'axe primordial de la politique agricole du Burkina Faso, est aussi une préoccupation des organismes internationaux (la Banque Mondiale par exemple). Et depuis l'année 1995, la production cotonnière gagne du terrain dans les champs burkinabé et cette croissance spectaculaire permit au pays de déclasser ses pairs africains pour se hisser au sommet des producteurs africains et à la cinquième (5e) place au niveau mondial en 2005. Concomitamment, l'INSD fait état d'une paupérisation des conditions de vie de la population burkinabè depuis 1998.

Ce constat contrasté amène à se demander les vraies raisons qui motivent tant de soins autour du coton nonobstant ces résultats plus que mitigés. On est donc tenté de s'interroger sur l'efficacité du coton à entraîner le développement rural. Serait-ce parce qu'il est un réel moyen de lutte contre la pauvreté dans ces zones rurales au regard de leur position dans le contexte socio-économique national, ou parce qu'il génère de devises qui permettent de payer les dettes de ces pays défavorisés par la nature ? La grande mobilisation des gouvernements de l'Afrique subsaharienne face aux subventions accordées par les pays du Nord à leurs cotonculteurs provoquant la distorsion des cours mondiaux du coton ne fait que légitimer cette interrogation. S'inscrivant toujours dans cette logique de lutte contre la pauvreté, on pourrait aussi se demander sous quel angle la culture du coton en milieu rural se présente-t-elle à l'aune des exigences du développement humain durable ?

I.2. Revue de littérature

Entrant dans le cadre de notre préoccupation, la communauté scientifique offre une abondante production à même de nous guider sur les sentiers de notre recherche. Ces différentes productions se recoupent en quelques grands axes thématiques tels que nous le proposons aux lignes qui suivent.

I.2.1- Le développement rural en question : un regard croisé sur les stratégies

Le développement rural est un secteur qui a fait l'objet d'une grande investigation de la communauté scientifique. Une littérature abondante justifie ce point de vue. Au nombre de ces études sur le développement rural, certaines oeuvres nous éclairent par rapport à notre préoccupation.

. Le technicisme rampant contre les logiques paysannes

M. LEVY (2002) constate que depuis quelques temps, le développement rural est devenu une priorité sinon un défi pour les différents pouvoirs centraux en Afrique. Mais les politiques de développement initiés à cet effet n'ont presque jamais abouti aux résultats escomptés. La raison vient du fait que « le développeur public ou privé » arrive au village en ayant circonscrit un champ restreint auquel il applique « une pensée relativement homogène et unique guidée par une logique technicienne et une idéologie du progrès qui se traduit par une stratégie linéaire planifiée qui gomme les dimensions conflictuelles de la réalité locale » (p.143). Le fait donc que ces plans ne s'inscrivent pas dans la réalité sociale des bénéficiaires déclenche des mécanismes de résistance. La logique techniquement rationnelle de l'action sur un champ restreint se retrouve en déphasage avec les modes d'actions du monde rural car, comme le note BARBEDETTE rapporté par l'auteur, « cet acteur rencontre des acteurs paysans qui opèrent en revanche sur plusieurs scènes et dans plusieurs champs simultanément. Ils développent de ce fait une pensée multiple et assument des logiques contradictoires qui déterminent chez eux des stratégies du multiple jeu leur permettant de naviguer dans des situations toujours potentiellement conflictuelles » (p.143).

En milieu rural, les acteurs sociaux évoluent dans des espaces multiples qui servent chacun de système de références, ce qui justifie la variation de leurs

stratégies et de leurs objectifs selon l'espace dans lequel on les considère. Ainsi, un même paysan pense l'avenir « en terme de survie sur l'espace familial, en terme de développement d'activités autonomisantes sur les espaces communautaires créés par les organisations paysannes, en terme d'équipement sur l'espace villageois » (p.142). Ce nomadisme mental, comme le qualifie l'auteur, impose au paysan un sens d'adaptation très poussé et aiguise ses capacités tactiques. C'est sous cet angle qu'il faut interpréter ou comprendre les comportements des membres des organisations paysannes.

Ces groupements paysans sont généralement perçus comme les pôles de développement du milieu rural, comme des portes d'entrée de la modernité. De nouveaux rapports sociaux y naissent et de nouvelles références normatives s'y créent. Sur ces espaces, les logiques ne s'accordent pas toujours avec celles en vigueur dans la société prise dans sa globalité. Ainsi, l'auteur voit en l'organisation paysanne « un laboratoire social où un "dépendant" peut devenir président, où la femme s'autorise à parler publiquement, où une règle coutumière ou moderne peut être détournée » (p.148). Ces « meurtres symboliques » traduisent la prise de conscience que dans le procès du développement l'autorité doit etre fondée sur l'efficacité et la compétence et non sur la séniorité ou le statut social comme cela est en vigueur dans l'espace social global.

C'est d'ailleurs pour ces capacités de rupture et d'innovations que les organismes de développement du monde rural optent pour partenaires premiers les organisations paysannes, motrices de la dynamique sociale. Mais comment appréhender les indicateurs du changement social, acte nécessaire pour juger de l'emprise du projet ou programme de développement ?

Dans cette optique, D. DESJEUX (1987), consultant international pour diverses organisations dans le tiers monde, guidé par ses huit (08) ans d'expérience en Afrique, propose la méthode dite « des écarts ». Elle cherche à mesurer les distances entre les objectifs de départ5 et les réalisations sur le terrain. Une fois les objectifs inventoriés, on relève les objectifs réalisés, ceux non réalisés, les réalisations existantes mais non prévues au départ, les essais abandonnés et les objectifs réalisés mais transformés ou réinterprétés.

5 Mais attention à un piège : les objectifs livrés au moment du contact ne sont généralement que les critères des financeurs, le projet ayant en fait d'autres objectifs. Il s'agit là des "écarts anormaux" qui ne sont pas eux, indicateurs du changement ou d'une dynamique paysanne.

Interprétation : les écarts ou les réinterprétations sont considérés comme des indicateurs des dynamiques sociales. Le choix d'accepter ou de refuser telle innovation s'explique par une approche en terme d'intérêt et de logique des systèmes d'action.

Ainsi, « la variété des stratégies paysannes face à la variété des innovations proposées confirme l'idée de "dynamique de dedans" qui n'a rien de passif face à une éventuelle "domination extérieure". Sélection et interprétation sont les deux preuves de cette dynamique ».

J. M. ELA (1990) quant à lui pointe du doigt le fait que selon la politique des Etats africains, le développement rural semble passé par le développement de la culture de rente. Etant donné la mesure de la pauvreté par le critère monétaire, la culture de rente est supposée procurer des revenus aux paysans, toute chose qui leur sortirait de la pauvreté. C'est ainsi que l'Etat déploie ses agents pour la promotion de cette pratique, agents dont l'auteur déplore la formation insuffisante. Il remarque que « dans les villages reculés, un grand nombre meurt d'ennui ou sombre dans l'alcoolisme qui se développe dans les zones rurales. Les paysans ne sont réellement pris en charge que dans les régions contrôlées par certaines sociétés de développement qui assurent elles-mêmes la formation de leurs agents » (p.108). L'auteur ne s'étonne pas des résultats atteints : le statu quo demeure. De son avis, ce statu quo est le résultat d'une option politique. En réalité, l'Etat n'assure qu'une mascarade de promotion en zones rurales. Car, « la plupart des interventions prévues par les plans quinquennaux sont perturbées par des problèmes d'organisation et de gestion » (p.108). La crise de l'environnement et l'archaïsme des techniques culturales ne sont qu'un alibi. Avec ses projets de développement agricole, « l'Etat impose ses objectifs et une logique dont l'établissement met en cause les initiatives locales » déclare l'auteur (p.113) qui qualifie cela de manipulation de la force de travail et des stratégies d'extorsion de la plus value. Les sociétés rurales sont incapables de se développer selon une logique qui leur est extérieure et des productions dont les intérêts leur échappent. Le fait de contourner les assemblées de village pour donner une place importante aux « hommes de savoir » chargés de l'encadrement étouffe la créativité paysanne et organise la dépendance de la paysannerie pour pouvoir se maintenir dans les lieux de production. De toute façon, dans ces politiques agricoles où, très souvent, l'avis des

agriculteurs ne compte pas, « le bénéficiaire de la rente agricole est le pouvoir luimême », conclut l'auteur (p.149).

R. CHAMBERS (1994), abordant cette même question du développement rural, essaie une explication de l'insuccès des projets de développement en ce milieu. Introduisant le chapitre intitulé "Priorité aux travaux des agriculteurs", il constate que la plupart des professionnels de l'aide au développement font le diagnostic euxmêmes et partent de l'hypothèse qu'ils savent ce que veulent et ce dont ont besoin les agriculteurs ; mais ils se trompent souvent. Il préconise de mettre le paysan au point de départ de toutes les actions. Partir de ses préoccupations comme il l'exprime en fonction de sa propre vision et de ses propres aspirations. Car « en méconnaissant les priorités des agriculteurs et en ne donnant pas la préférence aux travaux prévus par ces derniers, ils risquent fort de mener leur recherche vers de faux problèmes. A l'inverse, en mettant en lumière les priorités des agriculteurs et en les aidant à les réaliser, ils favorisent l'adoption des innovations » (p.97). Mais cette logique n'est pas adoptée par les techniciens du développement pour plusieurs considérations. De l'avis de R. BRUNCH développant le chapitre "Encourager les expériences des agriculteurs (pp.99-100), deux hypothèses fondamentales ont radicalement restreint l'efficacité des projets de développement jusqu'à ces dernières années. Selon la première hypothèse, « l'objectif de base des projets agricoles devrait être d'enseigner aux petits agriculteurs d'innovations qui augmenteront la productivité d'une région » (p.99) pour qu'après avoir adopté ces pratiques, les gens continuent à exploiter les terres à ce niveau supérieur de productivité. Pour cela, il faut encourager un processus qui permette aux populations de développer ellesmêmes leur agriculture. En ce sens, « l'objectif d'un projet agricole devrait être de former et de motiver les agriculteurs pour qu'ils s'expliquent les uns aux autres les innovations apprises auprès du personnel du projet et ensuite de les encourager à apporter eux-mêmes des améliorations à ces innovations » (p.99). Si cela n'est pas la démarche adoptée par les « développeurs » c'est du fait de la croyance en la deuxième hypothèse. Celle-ci serait que « les villageois sont incapables d'inventer, de mettre au point et d'adapter de nouvelles techniques, et donc d'assumer par euxmêmes des processus de développement agricole » (p.100). Or, les succès que connaissent les groupements paysans montrent que ces paysans savent faire une fine analyse de leurs besoins et d'initier des moyens et techniques pour y subvenir.

Ce sont les considérations techniciennes qui bloquent l'efficacité des initiatives de développement du monde paysan rendant vaines les actions des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux ; car, « qui, mieux que moi, est bien placé pour savoir ce qui est bien pour moi » (un adage populaire).


· Le développement participatif

J. M. ELA (1994), revient à la charge, toujours préoccupé par la question paysanne et privilégie « l'approche par le bas ». « Pour faire échec à la pauvreté et revaloriser l'espace rural, il faut donc promouvoir la participation des paysans à leur propre développement », écrit-il (p.38) avant de conclure que c'est en renouant avec la créativité des groupes de base qu'il nous faut affronter les défis d'aujourd'hui et de demain. C'est seulement au prix de l'approche par le bas que la promotion du monde rural, cet espace où « les groupes privilégiés ont tendance à capturer l'Etat pour récupérer et détourner à leur profit les interventions destinées à cette promotion » (p.33) cessera de constituer un simple prétexte et un alibi pour les interventions servant à renforcer les capacités des classes dirigeantes. Affichant son opposition au déploiement de la bureaucratie étatique en zone rurale, il résume toute sa préoccupation en cette question : ne convient-il pas de confier aux pauvres euxmêmes la recherche des solutions à leurs problèmes de pauvreté ? Ces paysans dont il fait l'éloge de l'intelligence en faisant sienne cette observation de Senghor : « ce sont les paysans qui sont les plus intelligents. Quand on leur demande ce qu'ils veulent, ils n'hésitent pas (...). Ces gens, de tout temps, se sont battus contre la sécheresse. Ils ont besoin qu'on les aide, pas qu'on pense pour eux »6

Dans ce même ordre d'idées, B. L. OUEDRAOGO (1990) reprit A. DIOUF qui écrivait aux colonnes de Le Soleil n°305 du 08 Mai 1971 dans un article intitulé Négritude et développement : « il est un fait indéniable qu'aucune société ne peut se développer harmonieusement si elle ne prend l'option de batir son propre développement sur ses propres valeurs de civilisation et ne s'enracine » (p.29). Ici, le développement rural est pensé comme devant être une action de la population rurale, lequel développement doit s'enraciner dans les valeurs de la société en question. Pour un développement rural effectif, il faut donc rompre avec les options

6L'auteur a emprunté cette citation de Léopold Sedar Senghor à René Dumont qui l'a reprise dans son oeuvre l'Afrique étranglée, p203.

techniciennes à fondement économiste. Il faut accorder une place primordiale aux initiatives locales et promouvoir les cadres locaux et les réseaux sociaux déjà existants. C'est ce qui peut susciter l'implication et la participation active de la population locale. Cette stratégie est l'approche des groupements Naam qui l'ont dénommée « Développer sans abîmer ». B. L. OUEDRAOGO (1990) explique cette approche comme une « dynamique de développement organisée avec et par les intéressés. C'est un consensus librement construit, sans heurts, sans conflits internes ni externes, avec le consentement de toutes les catégories sociales en présence » (p.7). Pour réussir le développement au profit des ruraux, il faut :

- viser un objectif : la responsabilisation des villageois,

- utiliser une méthode : parler la langue du paysan, le seul qui lui permet de s'auto responsabiliser.

L'animation se fait en partant de ce que le paysan est, de ce qu'il sait et de ce qu'il vit (sa culture), de ce qu'il sait faire et de ce qu'il veut. La tradition est donc une base solide pour un développement sans heurts ni traumatisme des sociétés rurales.

I.2.2- La pauvreté rurale, un cercle vicieux : approche analytique et stratégies d'éradication

La pauvreté rurale est un phénomène du moins difficile sinon impossible à juguler, du fait du cercle vicieux dans lequel il s'inscrit. Cette conception pessimiste de M. CHAUVIN (1991) laisse peu d'espoir quant à l'amélioration qualitative des conditions de vie des populations rurales. En effet, l'auteur adopte une approche statique du monde rural et soutient une impossibilité de sortie de pauvreté en dépit des différentes actions gouvernementales et non gouvernementales. Pour expliquer l'enchevêtrement inextricable des facteurs de pauvreté rurale, il fait sienne la théorie de l'économiste américain J. K. GALBRAITH (1964) qu'il résume en deux expressions : « l'équilibre de la pauvreté » et « l'accommodation » (p.146). Ainsi, en zones rurales, explique l'auteur, nous avons affaire à une vie proche du niveau de subsistance d'où l'impossibilité d'épargner. Cette absence d'investissement en capital ne permet pas l'amélioration de la technologie agricole et du même coup se trouve compromise l'élévation de revenu qui aurait favorisé l'épargne. Le principe de « l'équilibre de la pauvreté » s'explique par le fait qu'en campagne, tout accroissement de revenu déclenche des forces qui l'annulent et rétablissent le

niveau antérieur de la privation. L'illustration de cet équilibre vient des projets ruraux. Conçus pour accroître le revenu des populations, les investissements ruraux, s'ils réussissent, n'ont pour conséquence qu'un boom démographique, car « ils assurent la survie de ceux qui, sans eux seraient morts, la naissance d'enfants qui ne seraient pas nés » (p.146). Et comme les retombées de ces investissements doivent désormais être réparties dans un effectif plus nombreux, ces populations se retrouvent à la case de départ. Après ces désillusions, ces espérances vaines, les ruraux baissent les bras et se cantonnent dans l'acceptation de leur situation de pauvreté : c'est le règne de « l'accommodation » à la culture de la pauvreté ; on l'accepte. Alors, une velléité de croissance de revenu en milieu rural est très vite absorbée par des facteurs tels que l'accroissement de l'espérance de vie, une forte natalité,...

Cette considération de la pauvreté irréversible s'est développée dans une certaine classe ou société qui considérait la pauvreté des autres comme une fatalité, d'ordre divin (l'hindouisme et la loi du Karma ; l'idéologie américaine de la réussite qui prévalut jusqu'à la grande dépression des années 1930).

Ce cercle vicieux dans lequel se trouvent les ruraux est aussi dépeint par R. CHAMBERS (1990) mais dans un panorama plus neutre. Pour cet expert en développement rural, ce cercle vicieux tient du fait de l'imbrication d'un certain nombre de facteurs tous réversibles. L'auteur note que les populations rurales sont soumises à cinq (05) préjudices qui se combinent pour les enfermer dans la misère : la pauvreté proprement dite, la faiblesse physique, l'isolement, la vulnérabilité et l'impuissance. L'impuissance des populations rurales apparaît dans la facilité avec laquelle les élites rurales font écran pour intercepter les avantages destinés aux pauvres, la façon dont les pauvres sont spoliés et trompés, leur incapacité à négocier.

Le CIRD (2002) abonde dans ce même sens de complexité de la pauvreté rurale. Ainsi, la pauvreté rurale est un phénomène multidimensionnel incluant la faiblesse des revenus, l'accès inégal aux moyens de production, aux installations sanitaires et aux équipements scolaires, l'insécurité alimentaire, les produits nutritionnels, la dégradation des ressources naturelles. La dégradation de l'environnement, à la fois cause et conséquence de la pauvreté, s'aggrave dramatiquement dans ces zones amplifiant encore la misère. C. B. GREENIDGE (l'auteur du dossier) fait le double

constat contradictoire que l'économie rurale constitue la base de la croissance des pays en développement et soutiendra leur intégration dans l'économie mondiale ; alors que les stratégies nationales de lutte contre la pauvreté ont tendance à se concentrer sur la gestion macroéconomique et sur les dépenses dans le secteur social et à négliger les besoins spécifiques des zones rurales où vivent pourtant la majorité des pauvres. Ce sont les populations urbaines qui sont prioritaires dans les actions en raison de leur plus grande visibilité et de leur plus grand poids politique. Pour corollaire, on note un désengagement des gouvernements vis-à-vis de la situation des zones rurales, des médiocres performances du secteur rural, de l'échec des approches adoptées (non viables, fragmentaires).

Epousant la cause du monde rural, C. B. GREENIDGE dénonce la stratégie imposée aux ruraux, paysans, comme porte de sortie de leur situation de pauvreté, qu'il qualifie de « stratégie de développement traditionnel ». Ce, parce qu'elles s'inscrivent dans la perspective de développement adoptée au moment et peu après la colonisation pour relancer les économies nationales des colonies. Ce sont des stratégies centrées sur un model tiré par les exportations de produits non transformés au détriment du marché local. La plupart des stratégies de développement rural résistent mal à cette donne. Les initiatives locales sont étouffées ou meurent d'elles-mêmes par manque de promotion ou sont sujettes à dénigrement.

Enfin, R. CHAMBERS (1990), lève le voile sur le visage de la pauvreté rurale, du moins sur ses victimes : un ménage pauvre n'a pas de bétail, ou alors quelques maigres vaches, ou quelques poules, chèvres ou moutons, canards, cochons,~Il possède peu de vêtements qu'il usera jusqu'à la corde. Le travail familial a une productivité basse ; les réserves et les flux alimentaires et monétaires sont maigres, incertains, saisonniers et inadaptés ; la nourriture et l'argent obtenus satisfont des besoins immédiats et sont consommés rapidement. Tous les membres de la famille capables de travailler le font, à part les enfants de bas âge, les vieillards, les handicapés et ceux qui sont gravement malades. Les femmes font de longues heures de travail à la maison et à l'extérieur.

ménages de 1994, 51,04% des pauvres vivaient en milieu rural. Si cette incidence à fléchit pour se retrouver à 50,66% en 1998, elle reprit sa courbe ascendante les années suivantes et atteignait déjà 52,3% en 2003 (INSD, 2003 b). C'est dire donc que le milieu rural burkinabé est en pleine paupérisation malgré une présence numériquement non négligeable des projets de développement gouvernementaux et non gouvernementaux et la mise en place d'un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.

I.2.3- Le coton

Le Burkina Faso connaît la culture du coton depuis des temps immémoriaux. Cultivé avant la colonisation pour des impératifs plus sociaux qu'économiques, le coton sera promu pendant la colonisation sur injonction du colonisateur pour la satisfaction des besoins de ce dernier et après la colonisation cette fois-ci sur encouragement du gouvernement. En 2005, le Burkina Faso est devenu le premier (1er) pays producteur du coton en Afrique et le cinquième (5ème) producteur mondial derrière les USA, l'Ouzbékistan, l'Australie et le Brésil. La place que le coton occupe dans le système de production global de nombreux pays africains à l'image du Burkina Faso a suscité un certain nombre de questionnements dont les positions sont parfois inconciliables.

- Les laudateurs du coton

Pour certains auteurs et observateurs, le salut de nombreux pays du tiers monde passe par la production du coton qui leur permet de s'intégrer dans le circuit économique mondial. L'émergence du monde rural est liée à l'enracinement de cette activité. C'est du moins le point de vue développé par le sociologue de l'ORSTOM, A. SCHWARTZ (1987). Pour lui, le développement de la culture de rente, notamment cotonnière, a souvent permis une modernisation générale de l'agriculture. Elle permet l'amélioration des techniques culturales et l'adoption de nouvelles techniques, l'utilisation des intrants parfois étendue aux autres plantes cultivées et la pratique de la culture attelée. Et cela a pour corollaire une augmentation des possibilités alimentaires, la culture attelée permettant une grande exploitation de surface en un temps plus réduit. Aussi, les plantes vivrières qui

suivent le coton dans la rotation sur parcelle bénéficient-elles de l'arrière effet engrais, soutiennent J. PICARD et A. AL HADJI (2002); ainsi, il devient possible pour le paysan de cultiver une parcelle sans trop l'épuiser pendant un nombre d'années plus élevé.

Par rapport à la sécurité alimentaire, le rapport sur le développement dans le monde de la Banque Mondiale (1986) constate que les pays qui ont connu un développement rapide de leur secteur agricole d'exportation sont en même temps ceux qui ont préservé un secteur vivrier dynamique. Dans le même ordre d'idées, S. DIALLO, le Ministre burkinabé de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques, soutient qu'au Burkina Faso, « les zones cotonnières sont également celles où la production céréalière est structurellement excédentaire, du fait du système de rotation des cultures, ce qui contribue à la sécurité alimentaire au niveau national » ( www.abcburkina.net). Outre ces avantages, le coton génère plus de devises qu'aucun autre produit agricole. L'économie de nombreux pays africains repose sur ce produit. Pour le cas du Burkina, soutient S. DIALLO, le coton a permis l'émergence au niveau national de deux types d'industrie : les industries textiles, de filature et de tissage et les industries agroalimentaires (SHSB, SOFIB,...). Sur le plan financier, nous renseigne le ministre S. DIALLO (ibid.), le coton contribue à la formation du PIB pour 30% et 60% aux exportations.

Au regard de ces éloges et de ces chiffres éloquents, certains préconisent la promotion de la culture cotonnière comme porte de sortie des populations africaines surtout rurales de leur pauvreté. Mais ces points de vue et ces prises de position n'épuisent pas le débat autour du coton.

-Les détracteurs du coton

S'inscrivant aux antipodes du développement esquissé plus haut, d'autres auteurs pensent que la production du coton est à l'origine de nombreux maux des sociétés africaines et que ses effets néfastes dépassent de loin la satisfaction qu'elle procure. Abordant la question dans le sens de la sécurité alimentaire, des voix soutiennent que le coton est difficilement conciliable avec la production vivrière. C'est dans cette logique que T. LLOYD (1985) mentionne deux records atteints simultanément au cours d'une même année dans cinq (05) pays sahéliens à savoir le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Tchad. En effet, en 1984, année

de sécheresse au Sahel, le Burkina Faso a réalisé une production jamais égalée de 154 millions de tonnes de coton. Au cours de la même année, il a importé plus que jamais de céréales à hauteur de 1,77 millions de tonnes (pp25-26).

Le coton serait donc spoliateur des bonnes terres reléguant les vivres aux sols infertiles.

Outre cette entrave vivrière, la production du coton impliquerait des méfaits environnementaux. Les produits chimiques nécessaires à la production du coton sont cause de désertification dans le temps et de dégradation du sol à court terme. G. BELLONCLE, repris par A. SCHWARTZ (1997) remarque que « là où passe le coton, le désert s'installe ». Cette remarque est prolongée par E. Z. SANOU (2001) qui soutient que le Nord burkinabè où il y a environ quarante (40) ans la culture cotonnière était pratiquée se singularise aujourd'hui par sa sécheresse.

Aussi, le coton accapare-t-il l'attention des chercheurs, des crédits et de l'encadrement au détriment des autres cultures vivrières.

R. DUMONT (1986) aborde la question sous l'angle de l'extension de la surface cultivable qu'impose l'enracinement croissant de la culture cotonnière. Toujours poussés à produire davantage, les paysans empiètent sur la jachère qui permettait le pâturage et la fertilisation du sol. « Le résultat est la disparition de l'humus. Privé du seul élément protecteur, la structure des sols n'a cessé de se dégrader et s'est trouvée exposée à l'érosion éolienne » (p.27).

D'autres encore s'insurgent contre le fait que c'est une production "imposée" par les autorités gouvernementales du fait des planifications en vigueur au bénéfice du coton ; et surtout le fait que ces politiques nationales obéissent en réalité à des impératifs du dehors. C'est dans cette optique que R. C. SAWADOGO (1974) pointait du doigt le fait que « la politique agricole -voire la politique économique voltaïque (...)- relève de l'économie de traite coloniale dont la fonction principale est de produire des matières premières à bon marché pour ravitailler les industries métropolitaines capitalistes dans le mépris calculé des produits alimentaires de base des autochtones » (p.46). Abondant dans le même sens, R. DUMONT (1986) « accuse la banque mondiale d'avoir, jusqu'au rapport de Berg de 1981, préféré les cultures d'exportation, "les seules qui permettent de rembourser les emprunts" au dépend des cultures vivrières » (p.257). J. M. ELA (1990) quant à lui nous informe

que « dans les régions où plane la menace de la famine, l'abandon des cultures vivrières est allé de paire avec l'extension de la culture du coton. Les dizaines de milliers de morts paysans et nomades du sahel n'ont pas péri du manque de coton et d'arachide » (p.111).

I.2.4. Le coton BT, une appréciation controversée

A l'heure des subventions au coton au Nord avec son lot de conséquences sur les filières cotonnières du Sud, il est de nos jours de plus en plus question de coton OGM pour rentabiliser la production et économiser les coûts de production. En effet, en juillet 2003, le Burkina Faso devient le premier pays d'Afrique de l'Ouest à expérimenter le coton transgénique, « sans avoir défini au préalable un cadre réglementaire conséquent pour protéger les populations et l'environnement des risques liés aux Organismes génétiquement modifiés », constate la Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain du Burkina Faso (COPAGEN/Burkina) ( www.lefaso.net/spip.php?article18398). Selon la COPAGEN/Burkina, cette phase expérimentale s'est faite de façon opaque sans actions conséquentes pour informer/sensibiliser les populations sur le sujet. En juin 2004, un début de régularisation avec la mise en place d'un cadre législatif par l'adoption de règles nationales en matière de sécurité en biotechnologie a été amorcé et pas encore finalisé. La Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain du Burkina (COPAGEN/Burkina) pense que l'introduction de cette variété au Burkina est « précipitée, simpliste et dénuée de tout réalisme ». Si le pays marque un tel empressement pour le coton BT, c'est parce qu'il le présente comme une opportunité pour les producteurs. Le ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif DIALLO, était en visite le mardi 26 septembre 2006, dans la ferme SOFITEX de Boni (près de Houndé) dans la province du Tuy. Il a pris connaissance des avantages, surtout financiers, que présente la production transgénique du coton. A l'issue de sa visite, Sailf DIALLO a annoncé que dès 2007, les producteurs de coton allaient se lancer dans la culture du Coton BT. "Nous avons même nos réserves de semence" a-t-il dit. ( www.abcburkina.net/content/view/223/45/lang,fr/). Parlant de la rentabilité économique du coton BT au Burkina Faso, Salif Diallo affirme avec conviction que « pour avoir des gains, nous diminuons nos coûts de production à travers la stratégie

du coton OGM » ( www.lefaso.net/spip.php?article17514). Le coton BT (pour Bacillus thuringiensis), une semence génétiquement modifiée, permet la production d'une protéine toxique résistante à certains lépidoptères, principaux insectes nuisibles du coton. Le coton biologique pour sa part est issu d'un système de culture spécifique qui permet de favoriser les défenses naturelles afin d'éviter l'utilisation des pesticides ( museum.agropolis.fr/pages/savoirs/cotontransgenique/index.htm). Mais le BT suscite beaucoup d'interrogations pour la société civile. Pour le moment, l'augmentation de la production du coton BT est de 28% à 35%, donc une augmentation d'un tiers, mais la culture a été faite par des spécialistes : un simple paysan arriverait-il au même résultat ?

Des études indépendantes ont montré que pour des petits paysans comme ceux du Burkina Faso (avec 2ha en moyenne), il existe très peu de différence entre les frais de production du coton BT et ceux du coton conventionnel qui sont parfois plus rentables. Si l'on s'en tient à ces études, l'affirmation de Salif DIALLO n'est valable que pour les promoteurs de l'agrobusiness qui transformeront les braves petits paysans en ouvriers agricoles sur les terres de leurs ancêtres. Le manque à gagner à travers l'utilisation des pesticides dont le Ministre fait l'éloge, n'est pas aussi considérable selon les études faites par Deccan Développement society (Inde).C'est-à-dire que la réduction de l'investissement en pesticides avec le coton BT reste infime par rapport au traitement du coton conventionnel. La tendance est même d'augmenter les investissements en pesticides avec le coton BT car il est évident que certains insectes piqueurs-suceurs continueront à nuire aux plantes transgéniques en comparaison avec les variétés conventionnelles. Pourtant, l'entomologiste Blake Lay ton de l'Université de Mississipi (USA) confirme que la nouvelle variété Mosanto, Bollgard II, ne peut contrôler complètement les chenilles de la capsule. Pour lui, « il est important de dire que sous forte pression, les chenilles peuvent se développer à des niveaux néfastes ». Par ailleurs, que faut-il penser de certaines affirmations du Ministre quant à la rentabilité économique, aux questions environnementales, à la garantie d'une fiabilité du coton BT burkinabè, à la liberté de choix des variétés par les producteurs ?

Une enquête faite par une firme semencière conclut que le bénéfice par hectare est de 171 000 F, mais d'autres enquetes parlent de 6.480 F ou 4.400 F ou 1 300 F ( www.lefaso.net/spip.php?article17514). On parle même de perte.

Des récentes études sur la culture du coton génétiquement modifié ont soulevé de nouvelles inquiétudes quant à son innocuité tant dans l'alimentation que dans l'habillement.

En Inde (état d'Andhra Pradesh, district de Warangal), un rapport préliminaire publié à la fin du mois d'avril a montré que des milliers de moutons sont morts après avoir brouté des terres sur lesquelles du coton OGM avait été cultivé. Les moutons et les chèvres ont commencé à mourir après sept jours de pâture continue de feuilles tendres et de cosses de coton BT (Bacillus thuringiensis) qui restaient dans les champs après la cueillette.

En décembre 2005, une étude avait montré que les cueilleurs de coton OGM présentaient de graves réactions dermatologiques avec des démangeaisons et des cloques laissant une décoloration de la peau qui perdurait après cinq mois. L'Association médicale britannique avait déjà signalé que les OGM pouvaient présenter certains risques parmi lesquels la résistance aux traitements contre les maladies sexuellement transmissibles due à l'utilisation de protections périodiques en coton OGM. Les OGM peuvent aussi faire mourir de désespoir : les cultures de coton OGM ont été suspendues en Inde à la suite de nombreux suicides de personnes endettées pour payer ce coton très coûteux. Cette réalité à poussé le Comité indien d'approbation de génie génétique (GEAC) à admettre, après trois ans de pratique, que la culture des cotons Mech-184 BT, Mech-162 BT et Mech-12 BT de Mahyco-Monsanto était un échec

( http://www.abcburkina.net/content/view/223/45/lang,fr/). C'est pourquoi la COPAGEN/Burkina exprime ses plus vives protestations face à la manière dont le coton BT est introduit au Burkina Faso.

I.3. Problème spécifique de recherche

Les développements que nous avons enregistrés dans la communauté scientifique sont loin de nous fournir une satisfaction quant à notre préoccupation. Ainsi, l'esquisse du développement rural nous a permis de voir comment celui-ci peut être cerné et nous offre, à la limite, des angles d'analyse de notre problème de recherche. La partie pauvreté rurale nous informe sur ce que nous avons affaire en abordant ce thème. Elle nous apprend à reconnaître la situation de pauvreté en

milieu rural. Quant à la perception de la culture cotonnière, elle élargit notre angle de vision et est à même d'affiner notre analyse. En nous exposant les effets fastes et néfastes de la production du coton, ce paragraphe éclaire notre sens critique et nous appelle à être attentif, attendu que les résultats du terrain peuvent nous conduire à l'un ou l'autre bord.

Comme nous venons de le voir, les données disponibles sur la question dans la communauté scientifique, même si elles servent notre préoccupation, ne lui fournissent pas une réponse complète. Elles ne nous permettent pas de saisir, par une démarche rigoureuse, les implications de la production cotonnière sur l'environnement social du monde paysan, tant dans ses sphères de production, reproduction et stratégies de survie que dans ses réseaux relationnels.

C'est donc dans le cadre du milieu rural diabolais et au jour de ces appréciations controversées que ce problème sera abordé dans la présente étude.

I.4. Question spécifique de recherche

Dans le présent travail, nous nous attèlerons à répondre à la question spécifique suivante : quelle est l'influence réelle (effective) de la culture cotonnière sur la condition paysanne en milieu rural burkinabé, particulièrement dans le département de Diabo dans la province du Gourma ? En d'autres termes, la production cotonnière est-elle facteur de développement durable ou, au contraire, contribue-t-elle à la paupérisation du monde paysan en pays zaoga ?

Cette question centrale sera soutenue par d'interrogations annexes à savoir :

? Le fait même de produire du coton ne compromet-il pas la sécurité alimentaire des producteurs diabolais ?

? La production cotonnière ne constitue-t-elle pas un obstacle à l'épargne sécurité dans le milieu rural diabolais ?

? L'apparente opportunité qu'offre le coton de s'enrichir dans ce milieu où tout semble compromis n'instaure-t-il pas de pratiques à même d'affecter la cohésion familiale de ces paysans ?

Les réponses à ces questions nous permettront de statuer avec plus d'exactitude sur la question principale énoncée précédemment.

I.5. Objectifs I.5.1. Objectif principal

Outre la satisfaction d'une curiosité intellectuelle, l'objectif principal de cette étude est de saisir les répercussions de la culture cotonnière sur les conditions de vie du monde rural. Dit autrement, il s'agit de savoir si la production du coton est un facteur d'émergence soutenable du monde paysan ou si, au contraire, le coton est un facteur d'enlisement socio-économique des paysans surtout du département de Diabo.

I.5.2- Objectifs secondaires

Comme objectifs secondaires, la présente étude vise

d'abord à mesurer l'impact de la production cotonnière sur la sécurité alimentaire des cotonculteurs ;

ensuite, à saisir son influence sur la faculté des paysans à faire face aux chocs et autres risques ;

et enfin, à voir l'impact de l'essor de la culture cotonnière sur les relations intra et inter familiales dans l'espace social de référence.

I.6. Champs de recherche

Obéissant à la logique de l'enchevêtrement des différents pans de la réalité sociale, ce thème traverse de nombreux champs sociologiques.

? Il s'inscrit dans la sociologie rurale. En effet, la production du coton, en tant

qu'activité agricole est une spécificité rurale. C'est une activité qui s'insère dans des logiques et stratégies propres au monde rural, qui obéit à un système d'organisation, d'exploitation et de représentation spécifique : celui du milieu paysan.

? Il relève aussi de la sociologie du développement. Ici, la production

cotonnière sera pensée en tant que moyen d'influence de la croissance du monde rural. Elle s'insère dans les moyens développés en ces lieux pour promouvoir une évolution qualitative des conditions de vie des producteurs que sont les paysans.

? Aussi, ce thème s'inscrit-il dans la sociologie politique du moment où il

abordera la production cotonnière comme une politique développée par le pays pour parer à la pauvreté du monde paysan dans le cadre de la politique de lutte contre la pauvreté.

I.7. Intérêt

Cette recherche comporte des intérêts susceptibles d'être regroupés en intérêt théorique et intérêt pratique.

Sur le plan théorique, l'intérêt réside dans le fait que cette étude permettra à la communauté scientifique de se faire une idée sur les logiques d'action du monde rural zaoga. Elle permettra aussi d'apprécier les discours construits autour de la production cotonnière à tous les niveaux de la hiérarchie sociopolitique par rapport aux représentations réelles que le monde rural en fait. Elle pourrait enfin servir d'appui à des études plus approfondies sur la société zaoga ou sur le développement rural au Burkina Faso voire le développement rural en général.

Sur le plan pratique, l'intérêt de cette étude tient du fait qu'elle soulève une préoccupation du moment. Aujourd'hui, la lutte contre la pauvreté tout comme la place du coton dans le milieu rural concentre toute l'attention des décideurs. Cette recherche pourrait d'une part, inspirer les décideurs ou les « développeurs » dans le cadre du développement rural, de comprendre certaines logiques qui guident les choix des producteurs défiant les options techniciennes. D'autre part, elle aiderait à repenser la place du coton dans la politique agricole du pays afin d'adapter l'agriculture à son rôle de levier de développement rural et national.

CHAPITRE II : METHODOLOGIE

II.1. Hypothèses II.1.1.Hypothèse principale

Les opportunités de production et d'écoulement qu'offre le coton font de celui-ci la première culture de rente du Burkina Faso. Il est une source indéniable de revenu pour les producteurs en général et ceux de Diabo en particulier. Nonobstant une production importante et toujours croissante, le pays semble " "refuser le développement " (incidence de pauvreté croissante), du moins le milieu rural, et le département de Diabo ne fait pas exception. A partir de là, la misère dans laquelle baignent les cotonculteurs laisse percevoir que le coton, malgré tous ses attributs, n'est pas un facteur de réduction de la pauvreté.

Ainsi, nous émettons l'hypothèse selon laquelle la production du coton contribue à accroître la vulnérabilité du monde paysan diabolais.

II.1.2. Hypothèses secondaires

De cette hypothèse principale découlent des secondaires qui peuvent s'énoncer comme suit :

? L'enracinement de la production cotonnière menace la sécurité alimentaire des paysans.

? La production cotonnière constitue un obstacle à l'épargne sécurité en milieu rural diabolais.

? Le mirage cotonnier est un facteur de déstructuration familiale.

II.2. Identification et définition des concepts

est en question »7. C'est dans cette optique que nous nous proposons de fournir un éclairage par rapport au sens d'un certain nombre de concepts autour desquels sera bâti le présent document. Ainsi notre conceptualisation portera sur : la pauvreté, la paupérisation, la vulnérabilité, le développement humain durable, la sécurité alimentaire, le ménage agricole.

Pauvreté

Il n'existe pas de définition consensuelle reconnue du concept de pauvreté en dépit d'une abondante littérature sur le sujet. Qu'il s'agisse des courants économistes, des approches sociales, culturelles ou anthropologiques, ou encore du point de vue des institutions internationales, la pauvreté n'est jamais définie par ellemême, mais en fonction d'autres concepts comme ceux du bien-être, de besoins essentiels, de l'exclusion sociale, ~

Par ailleurs, de façon synthétique, le PNUD considère que les individus, familles ou groupes de la population peuvent être considérés en état de pauvreté quand ils manquent de ressources nécessaires pour obtenir l'alimentation type, la participation aux activités et avoir les conditions de vie et de commodités qui sont habituellement ou sont largement encouragées ou approuvées dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. La pauvreté c'est aussi la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique et favoriser son inclusion active dans la société.

A défaut de trouver une définition de la pauvreté elle-même, beaucoup d'auteurs l'appréhendent à partir de ses victimes. Ainsi, « peuvent être considérés comme pauvres les individus ou les familles dont les ressources (matérielles, culturelles et sociales) sont si faibles qu'ils sont exclus des modes de vie minimaux acceptables dans l'Etat membre dans lequel ils vivent » (A. BEITONE et al, 2002).

La diversité des références dans la définition de la pauvreté amène à en distinguer trois types : la pauvreté absolue, la pauvreté relative et l'ultra pauvreté.

7 DURKHEIM, Emile in LOUBET DEL B.J.L, 1991


· La pauvreté absolue : être pauvre au sens de la pauvreté absolue, c'est

disposer d'un revenu inférieur à un minimum conventionnel en deçà duquel l'existence biologique est menacée. Ce seuil est déterminé à partir d'un panier de consommation minimal exprimé en unité physique dont on calcule la valeur monétaire (PNUD, 1998).

· La pauvreté relative : être pauvre au sens de la pauvreté relative, c'est se trouver en deçà d'un seuil fixé en fonction du revenu moyen médian de la population à laquelle on appartient. La pauvreté est alors appréhendée comme un niveau de ressource trop faible entraînant l'exclusion de l'individu ou du ménage des modes de vie minimaux permettant une participation à la vie sociale (A. BEITONE et al, 2002).

· L'extrême pauvreté : un ménage se trouve en situation d'ultra pauvreté lorsqu'il n'est pas en mesure de satisfaire à 80% des besoins calorifiques minimaux définis par l'OMS et la FAO, et ce même lorsqu'il consacre 80% de ses revenus à l'achat de produits alimentaires (PNUD, 1998.).

Dans le but d'appréhender la pauvreté et de la mesurer sur toutes ses dimensions et aussi d'apprécier sa dynamique, des outils ont été forgés. Au nombre de ceux-ci le seuil, l'incidence et la profondeur de la pauvreté.

Le seuil de pauvretéIl indique le niveau en deçà duquel les ressources économiques ne permettent

pas de satisfaire les besoins minimaux en termes d'alimentation. Il existe trois méthodes pour mesurer la pauvreté alimentaire. Les pays en développement qui ont défini des seuils de pauvreté nationaux utilisent généralement pour cela la méthode de la mesure alimentaire de la pauvreté.

La méthode de la ration alimentaire consiste à calculer le coüt d'un budget alimentaire permettant d'acheter des éléments nutritifs en quantité tout juste suffisante. Si l'on part de l'hypothèse que le coût des nutriments essentiels représente le tiers (1/3) de la consommation totale d'un ménage, le seuil de pauvreté sera fixé à trois fois le niveau du coût des nutriments (PNUD, 1998).

Au Burkina Faso, le seuil de pauvreté a été établi à 82.672FCFA par adulte et par an selon la dernière EBCVM, notamment celle de 2003.

L'incidence de pauvreté

Elle est aussi appelée taux de pauvreté. C'est une estimation de la proportion des personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté. C'est ainsi que l'on peut dire que, selon l'EBCVM de 2003, l'incidence de pauvreté au Burkina Faso est de 46,4%, ce qui signifie que 46,4% de la population burkinabé ont moins de 82.672FCFA/an (INSD, 2003 b).

L'acuité ou profondeur de la pauvreté

C'est le revenu à ajouter au pauvre moyen pour qu'il se présente au seuil de la pauvreté. Ce revenu manquant est généralement rapporté à l'indicateur du seuil de pauvreté pour l'exprimer en proportion. Ainsi, on peut dire que la profondeur de la pauvreté au Burkina Faso est de 15,6% (INSD, 2003b). On l'appelle aussi intensité ou acuité de la pauvreté.

En plus du fait que l'incidence de la pauvreté est plus importante en milieu rural, la pauvreté rurale semble se singulariser par rapport à celle urbaine. En effet, selon le forum européen sur la coopération sur le développement rural8, la pauvreté rurale comprend les revenus bas, un accès inéquitable aux biens de production, des connaissances insuffisantes en matière d'hygiène et de nutrition, une dégradation des ressources naturelles ainsi que vulnérabilité et faible pouvoir politique. Pour notre part, la pauvreté rurale traduit la situation de dénuement dans laquelle se trouvent les populations rurales comprenant le bas revenu, l'accès très limité aux services sociaux de base, ainsi que leur vulnérabilité socio-économique.

Paupérisation

M. GRAWITZ (1994) définit la paupérisation comme un processus d'appauvrissement et appelle à distinguer la paupérisation absolue qui est un abaissement du revenu et la paupérisation relative d'après laquelle les travailleurs ne participent pas au progrès économique proportionnellement à leur travail et à leur

8 Le courrier ACP-UE, n°194 septembre-octobre 2002, Développement rural. Réduction de la pauvreté rurale : quelles solutions ? pp68-69

nombre. Nous entendons ici par paupérisation, celle absolue telle que définie par GRAWITZ, autrement dit, une dégradation continue des conditions d'existence, un appauvrissement matériel et moral et une augmentation de la vulnérabilité.

La vulnérabilité

Selon le PNUD, ce terme renvoie à deux réalités : vis-à-vis de l'intérieur, il représente le manque de moyen de défense face aux chocs, aux tensions et aux risques et vis-à-vis du pauvre lui-même, intérieurement, cette fragilité représente l'absence de possibilité de faire face à des crises sans dommages dévastateurs. Pour R. CHAMBERS (1990), la vulnérabilité correspond à l'incapacité à faire face aux imprévus, telles que les obligations sociales (dots, mariages et funérailles), les catastrophes, l'incapacité physique, les dépenses improductives et l'exploitation. Pour le cas du Burkina Faso, l'institution qui s'occupe des études sur la pauvreté (INSD) perçoit la vulnérabilité comme une notion intimement liée à la cause de la pauvreté. Elle traduit la non faculté d'un individu ou d'un groupe social à faire face - à résister - à la survenance d'un événement générateur de pauvreté, en l'occurrence la cause. Les causes ordinaires et régulières, celles que l'on vit au quotidien, ne sont pas toutes à considérer d'emblée dans le cadre de l'analyse de la vulnérabilité. Les causes à considérer à ce titre (chocs ou risques) sont celles qui, par essence, sont ou deviennent une raison majeure d'appauvrissement accru. En général, de par sa survenance insolite, elle induit une grande incertitude dans la maîtrise de la situation jusque-là vécue et également une célérité dans la détérioration des conditions de vie et du bien être. (INSD, 2003 c, p.84).

Développement (humain) durable

La commission mondiale sur l'environnement et le développement (commission Brundtland), qui consacra la naissance du concept en 1987, le définit comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de besoins et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande priorité et l'idée de limitation que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité

de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir (Rapport Brundtland). Vingt-sept (27) principes ont été reconnus dans la déclaration de RIO sur l'environnement adoptée en juin 1992 au Sommet de la terre. Ces principes servent à « guider les actions, les politiques, les lois et les règlements permettant d'atteindre les trois (3) objectifs fondamentaux du développement durable, c'est-à-dire maintenir l'intégrité de l'environnement et l'utilisation durable des espèces et des écosystèmes, améliorer l'équité sociale et améliorer l'efficacité économique » ( www.menv.gouv.qc.ca). Le concept de développement durable (ou soutenable) a été institué en opposition au développent éphémère qui utilise les ressources jusqu'à leur épuisement.

Le vocabulaire de la forêt définit le développement durable comme une approche globale de gestion des ressources naturelles dont le but est de satisfaire les besoins et les aspirations de l'être humain en veillant à la conservation des ressources énergétiques, au maintien de la biodiversité et à la minimisation des effets nuisibles sur l'air, l'eau et le sol et ce, tant pour le bien-être des générations actuelles que futures.

Le concept fait actuellement florès dans la littérature des institutions internationales de développement. Le défi se résume à comment répondre aux besoins actuels sans limiter la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ? Le développement durable vise l'équité entre les générations et l'efficacité économique.

Le développement humain durable c'est toute forme de développement qui a l'homme comme objectif principal mais aussi toute recherche d'amélioration progressive et durable de la condition de vie humaine surtout dans les milieux de vie les plus défavorisés (SANOU, 2001). Tout en souscrivant à cette dernière conception dans le présent travail, nous entendons par développement durable une amélioration qualitative des conditions de vie des populations rurales, une amélioration s'inscrivant dans la durée et se caractérisant par une augmentation des ressources matérielles et financières au moyen de stratégies et de moyens pérennes qui resteront efficaces pour les générations futures.

Le développement rural est un concept en vogue dans les projets de développement et dans le lexique des différentes ONG intervenant dans le monde rural. Il vise à permettre à la collectivité d'atteindre une viabilité à long terme. Ainsi, par développement rural, nous entendons toute forme d'action visant à sortir le

monde rural ou paysan du cercle vicieux de la pauvreté dans lequel il est maintenu, à réduire sa vulnérabilité et à créer des conditions de vie décentes.

Sécurité alimentaire

Le concept à sa naissance en 1974 signifiait le fait de « disposer à chaque instant d'un niveau adéquat de produits de base pour satisfaire la progression de la consommation et atténuer les fluctuations de la production et des prix » ( www.fao.org). Le terme est ainsi défini parce que le rapport final de la conférence sur l'alimentation où l'expression a été employée faisait état d'une augmentation des prix des produits alimentaires et la résolution était d'encourager l'offre des denrées et de réguler les stocks. Pour la Banque Mondiale, la sécurité alimentaire consiste à l'accès à toutes les personnes à tout moment à suffisamment de nourriture pour mener une vie active et saine.

Nous nous inscrivons dans cette définition de la FAO qui, par sécurité alimentaire, entend que la nourriture est disponible en tout tant, que toutes les personnes ont les moyens d'y accéder, que d'un point de vue nutritionnel, cette nourriture est adéquate en terme de quantité et de variété, et qu'elle est bien acceptée au sein d'une culture donnée.

Ménage agricole

Selon le service des Statistiques Agricoles de la Direction des Etudes et de la Planification (DEP) du Ministère de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques, le ménage agricole correspond concrètement au groupe constitué par l'ensemble des personnes vivant, produisant et consommant ensemble, qu'elles soient ou non unies par un lien de parenté. Mais ce concept de "ménage agricole" renvoie scrupuleusement à la définition synthétique que l'INSD donne au "ménage ordinaire", à savoir « l'unité socio-économique de base au sein de laquelle les différents membres sont apparentés ou non. Ils vivent ensemble dans la même maison ou concession, mettent en commun leurs ressources et satisfont en commun à l'essentiel de leurs besoins alimentaires et autres besoins vitaux » (INSD, 2006, pp.11-12). Une telle unité peut constituer un ménage agricole (cas de famille

restreinte), elle peut aussi être un sous-multiple du ménage agricole (cas d'une famille étendue, le ménage agricole comprenant alors plusieurs ménages démographiques).

Dans le présent travail, nous entendons par "ménage agricole " (ou ménage tout court), l'ensemble des individus constituant une unité de production et de consommation.

II.3. Variables et indicateurs

II.3.1. Variables indépendantes

Comme variables indépendantes, nous retiendrons celles suivantes susceptibles d'expliquer certains comportements ou variations :

> L'age : l'age du chef de ménage agricole ou de l'unité de production influe sur les priorités dans la gestion du revenu de la production

> Le sexe : selon que le chef de ménage est homme ou femme, la production

varie en quantité ainsi les allocations des dépenses aux différents postes.

> Le statut social : être aîné ou cadet (dépendant) et à la tête de l'unité de

production est déterminant dans la gestion du revenu du coton.

> Le statut matrimonial : selon que l'on est célibataire, monogame ou polygame, la problématique de la sécurité alimentaire se pose différemment ainsi que la superficie de l'exploitation.

> Le nombre de dépendants : cette variable permet de saisir le nombre de personnes à la charge du chef de ménage, ce qui est déterminant dans l'accès aux services sociaux de base et à la sécurité alimentaire.

> Le nombre d'actifs : cette variable détermine la quantité produite ainsi que la superficie exploitée et témoigne aussi des relations intra familiale en cours dans le ménage.

> Le niveau d'instruction : être alphabétisé, analphabète ou scolarisé détermine la réceptivité aux innovations, au suivi des prescriptions dans l'utilisation des intrants et le choix du coton produit.

II.3.2- Variables dépendantes

A ce niveau, nous retiendrons celles suivantes :

> La production : il s'agit d'appréhender les différents éléments qui entrent en ligne de compte dans le processus dont l'aboutissement est l'obtention du coton qui fera l'objet de paiement par la société. De cette variable, on peut retenir les dimensions et indicateurs suivants :

· La superficie mesurée par le nombre d'hectares exploitée aussi bien en coton qu'en produits vivriers.

· La période de semis en référence au mois de l'année découpé en trois décades.

· La technique culturale déterminée par le labour, le scarifiage ou l'ensemencement direct.

· La nature des fertilisants mesurée par sa composition en engrais chimiques (NPK, urée) ou organique (fumure)

· La quantité de fertilisants mesurée par la proportion en engrais chimique ou en engrais organique.

· Le nombre de traitement en référence au nombre d'épandage des produits phytosanitaires.

· La quantité de produit mesurée par le nombre de litres d'insecticide utilisés.

· Les moyens de production déterminés par l'usage de la daba, la charrue ou le tracteur.

· Le temps de travail mesuré par le nombre d'heures passé sur la parcelle par jour et le nombre de jours.

· La quantité de production mesurée par le nombre de kilogrammes produit.

· La qualité de production mesurée par le classement au premier, deuxième ou troisième choix.

> Les dépenses : il s'agit de noter les différents postes auxquels les ménages affectent leurs dépenses. Seront retenus les dimensions et indicateurs qui suivent :


· L'alimentation mesurée par la quantité de vivre achetée ou le

montant de la somme utilisée à cet effet.

· L'investissement déterminé par les réalisations pérennes entreprises ou l'acquisition de biens durables.

· Les besoins sociaux mesurés par les coûts des rituels sociaux comme les mariages, les funérailles, les décès, ~

· L'épargne mesurée par les allocations en guise de placement

· La santé mesurée par le montant de la somme utilisée pour des soins de santé.

· L'éducation mesurée par le montant de la somme allouée à l'instruction des enfants.

> Sécurité alimentaire : il s'agit de mesurer la capacité du producteur à subvenir en quantité et en qualité à ses besoins céréaliers annuels. Nous retiendrons les dimensions et indicateurs suivants :

· Couverture des besoins mesurée à travers le nombre de mois couverts par la production

· Variété de la production mesurée par la diversité des produits céréaliers

· Apport extérieur mesuré par la quantité et la nature des produits acquis hors de sa production.

> Epargne sécurité : par cette variable, nous pouvons percevoir les stratégies mises en oeuvre par les paysans pour se parer à d'éventuels risques ou chocs. Ainsi seront retenus les dimensions et indicateurs suivants :

· Réalisations pérennes mesurées par le montant consacré à l'acquisition de biens pérennes.

· Epargne monétaire : mesuré par le montant de la somme épargnée.

· Quantité de bétail acquise mesurée par le nombre de tête de bétail acheté.

· Quantité de bétail libérée mesuré par la quantité de bétail vendue.

> Cohésion sociale : il s'agit d'appréhender l'organisation et le

fonctionnement de la famille à travers les dimensions suivantes :

· Taille de la famille

· Composition de l'unité de production

· Composition de l'unité de consommation

II.4- Population mère

L'étude s'applique au milieu rural diabolais. La population mère est donc constituée de tous les paysans du département (ou de la commune rurale). Le recensement général de la population et de l'habitat de 2006 dénombre 43357 habitants. Ce qui est important de noter, c'est qu'à l'opposé de la production vivrière qui est individuelle, la culture cotonnière est conditionnée par l'appartenance à un groupement de producteur de coton (GPC), condition sine qua non pour accéder aux intrants et aux prestations du personnel technique chargé de l'accompagnement du producteur. Cette appartenance conditionne aussi la possibilité d'écoulement de la production sur le marché ad hoc. Ces GPC, formés alors selon les réseaux relationnels et d'affinité des producteurs, ne respectent pas nécessairement les limites des villages. On dénombre au total 62 GPC ayant effectivement pris part à la production cotonnière lors de la campagne 2006/2007 (notre campagne de référence) pour tout le département. Les producteurs peuvent être regroupés en deux (02) catégories : les grands producteurs, encore appelés bons producteurs qui réalisent des bilans excédentaires et une bonne marge de bénéfice à l'issue de chaque campagne agricole et les petits producteurs qui alternent des campagnes déficitaires et excédentaires avec une faible marge de bénéfice.

II.5- Echantillonnage et échantillon

L'étude, rappelons- le, s'applique aux paysans du département de Diabo, plus précisément les producteurs de coton. Pour la formation de notre échantillon, la méthode adoptée est celle du choix raisonné de manière à conférer à notre échantillon une représentativité catégorielle qui ne soit pas le fruit du seul hasard. Les personnes considérées sont les chefs de l'UP du ménage agricole. Notons que la perspective étant qualitative, la représentativité de l'échantillon tient moins du

volume statistique de celui-ci que du respect de l'hétérogénéité et de la diversité de la composition du corps social. Ainsi, aucun nombre n'a été fixé à l'avance comme taille de l'échantillon ; ce dernier qui se veut raisonné est acquis à la faveur du double principe de la diversité maximale et de la saturation maximale. Car comme nous l'enseigne Claude JAVEAU (1997) dans sa leçon 116, « le problème de la représentativité peut-être résolu dans certains cas en recourant à la technique de la saturation qui consiste à arréter le processus d'entretien dès que le chercheur, de manière subjective, estime que sur un problème donné, il n'a plus rien à apprendre de nouveau d'un interlocuteur supplémentaire. Au bout d'un certain temps, en effet, tout se passe comme si un éclairage nouveau n'était plus possible au sein du méme groupe de personnes sollicitées » (p.99).

S'inscrivant dans ce principe, notre enquête de terrain a concerné :

· dix-huit (18) grands producteurs à travers deux (2) entretiens collectifs de cinq (5) personnes chacun et huit (8) entretiens individuels ;

· quatorze (14) petits producteurs à travers un entretien collectif de quatre (4) personnes et dix (10) entretiens individuels.

Soit un échantillon de trente --deux (32) producteurs.

Dans le but de mieux appréhender la part du coton dans les situations observées, nous avons fait appel à une population témoin. Ce volet a touché douze (12) personnes dont trois (3) anciens producteurs, six (6) qui n'ont jamais produit du coton (dont 2 pasteurs peulhs) et 3 dépendants notamment 2 femmes et 1 adolescent.

En résumé, notre enquête de terrain a concerné :

population cible : 32 personnes ;

population témoin : 12 personnes ;

Soit un total de 44 enquêtés.

II.6- Méthode et technique de collecte et d'analyse des données

Pour la collecte des données, nous avons exploité plusieurs sources. Les outils retenus sont :

ouvrages méthodologiques aux ouvrages spécifiques en passant par des ouvrages généraux et autres articles de presse, nous avons essayé de mieux appréhender notre objet de recherche, l'angle sous lequel il convient de l'aborder par rapport aux travaux déjà existants sur la question, et pour affiner notre analyse.

L'entretien : au regard du fait que nous cherchions à comprendre des logiques de comportement, il nous a paru judicieux de permettre aux enquetés de s'exprimer le plus librement possible sur un certain nombre de thèmes. C'est ainsi que nous avons retenu l'entretien de type semi-directif comme outil d'enquete. Un guide d'entretien a donc été élaboré à cet effet (cf. annexes) en fonction des différentes catégories retenues dans l'échantillon.

L'observation : comme nous l'enseigne ARNAUD P. (1969) « l'observation des faits est la seule base solide des connaissances humaines. (...) Envisageant toujours les faits sociaux non comme des sujets d'admiration ou de critique, mais comme des sujets d'observation, elle (la science sociale) s'occupe uniquement d'établir leurs relations mutuelles »9. L'observation nous a permis de confronter les déclarations des enquetés à leurs pratiques réelles, toute chose qui nous a permis d'affiner notre analyse.

La technique d'analyse adoptée est celle de l'analyse de contenu thématique des entretiens. Nous avons procédé à un traitement manuel des données empiriques à travers une lecture systématique et répétée des entretiens pour dégager les thèmes centraux et récurrents regroupés selon une convergence de sens. Ce qui nous a permis de dégager un plan définitif d'analyse.

C'est dans une perspective compréhensive, celle de la sociologie Wébérienne, que sont analysées les données recueillies. Rappelons que pour M. WEBER et ses

disciples, comprendre ("verstehen"), «c'est saisir de la manière la plus objective quisoit, et en les rapportant aux causes les plus vraisemblables de leur production, les
relations significatives que les individus établissent, en tant qu'acteurs sociaux, entre
leurs conditions d'existence et les actions qu'ils accomplissent, en vue de réaliser les

9 Cité par GRAWITZ Madeleine, 1974, p.76

fins qui leur apparaissent plus ou moins clairement » (C. JAVEAU, 1997, p.74). Dans la sociologie wébérienne, nous rappelle M. LALLEMENT (1993), le complément logique et nécessaire à la démarche compréhensive est l'analyse causale. En effet, «restituer le sens immanent à une action ne saurait suffire, il est important de mettre à jour les enchaînements entre les phénomènes. Expliquer consiste alors à percevoir l'effet d'une action A sur une action B, à lier les actions causales par des chaînes de causalité » (p.190). Cela va nous conduire donc à établir des relations de causalité entre les différentes actions, c'est-à-dire, rattacher chaque phénomène à sa cause ou chaque cause à ses effets induits conformément à la définition de l'explication sociologique de DURKHEIM (E. DURKHEIM, 1999, p.124).

II.7- Difficultés rencontrées

Nos enquetes de terrain se sont déroulées du mois de juillet au mois d'aoüt 2007, précisément du 06 juillet au 21 aoüt. Au regard de l'enracinement tardif de la campagne agricole cette année, une des principales difficultés fut la disponibilité des enquetés, occupés dans les travaux champêtres. Ce relatif manque de temps s'est traduit par une moindre loquacité de certains enquêtés et la difficulté de rencontrer d`autres dont le point de vue sur la question nous semblait important. L'autre principale difficulté fut l'impossibilité d'avoir des données au sein de la société SOCOMA pour des problèmes de calendrier (de l'hôte) malgré de nombreux passages et la fourniture d'une lettre de recommandation comme exigée. A côté de ces difficultés centrales, il y a la frustration de certains producteurs suspendus expressément par la SOCOMA et la sensibilité du thème à certains niveaux, notamment dans les GPC (ou chez les producteurs) tombés en impayé et en pleine tractation au moment de notre séjour, une population pas très habituée aux enquêtes et habitée par quelques craintes, surtout du fait de la solution policière qui était en train de se dessiner pour le recouvrement des impayés. A ce niveau, la difficulté majeure fut l'enregistrement des débats et des entretiens, les enquetés exigeant la suspension de l'enregistrement lors de certaines révélations. Il y a également notre appartenance à ce groupe social, ce qui nous a valu des réponses du genre « tu n'as pas besoin qu'on te dise la suite », ou encore « toi-même tu sais comment ça se passe » à certaines demandes d'explications jugées évidentes.

Toutes ces insuffisances ont eu des répercussions sur l'étude du moment où nous n'avons pas pu vérifier certaines déclarations de certains enquetés, toute chose qui nous aurait permis de tirer des conclusions plus exhaustives. L'impossibilité d'obtenir des données chiffrées auprès de la SOCOMA a limité notre analyse statistique, nous privant d'une possibilité d'approche longitudinale, notre analyse s'appuyant presqu'uniquement sur les données des actuels techniciens du coton du département.

CHAPITRE III : PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE

La présente étude a pour terrain le département de Diabo. C'est un ensemble de 63 villages qui vient d'accéder au statut de commune rurale avec les élections municipales du dimanche 23 avril 2006 à la faveur de la politique de communalisation intégrale du territoire burkinabé (cf. carte p. 38). Les données que nous fournissons dans le présent chapitre proviennent essentiellement de " la monographie de la commune rurale de Diabo en 2005 " réalisée par la DRED.

III.1. Généralités

Le Burkina Faso compte trois zones climatiques. La situation géographique de notre zone d'étude permet de saisir le type de climat qui y prévaut de même que l'organisation administrative nous renseigne sur son statut administratif.

III.1.1. Situation géographique

Suivant la division administrative du pays, Diabo est un département de la province du Gourma (chef-lieu Fada N'Gourma) qui est elle-même située dans la région de l'Est qui a pour chef- lieu Fada. Diabo est situé à l'Ouest de la province (Cf. carte page suivante). D'un point de vue décentralisé, il est l'une des 301 communes rurales qui ont vu le jour à l'issue de la communalisation intégrale du pays. Il couvre une superficie de 656 km2 et est limitée :

au Nord et Nord-Est par les communes rurales de Tibga et Diapangou (province du Gourma)

à l'Est par la commune rurale de Fada (province du Gourma)

à l'Ouest et au Sud-Ouest par les communes rurales de Bissiga (province du Boulgou) et de Gounghin (province du Kouritenga),

au Sud par la commune urbaine de Comin Yanga (province du Koulpélogo). Diabo, le chef lieu du département, se trouve à 50 Km de Fada N'Gourma, chef lieu de la région de l'Est et à 210 Km de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Avec une densité de 66,1 habitants au km2, la commune rurale de Diabo reste la commune la plus peuplée de la province du Gourma après celle de Fada. Le chef-

lieu Diabo est à 20 Km de la route nationale n°4 (Ouagadougou-Fada N'Gourma- frontière du Niger).

810000

DEPARTEMENT DE DIABO :
CARTE ADMINISTRATIVE

840000

N

 
 
 
 
 

Tibga

Diapangou

810000

825000

340000

Yarcetenga

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Sanewabo-Yarce Sabioken Yante

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· .Sanewabo
Bolgatenga

Boulyoghin

Pizonguin

· Diapangou-Peulh Piga


·

Gounghin

Yanwega

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Kabga

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Echelle 1/200000

0 20 40Km

Zinknabbin

ornbembog

Zanre

III.1.2- Organisation administrative

C'est en 1964 que le territoire diabolais fut érigé en poste administratif. Vingt (20) ans après, dans le cadre du découpage du territoire national en 30 provinces10 intervenu en 1984, la province du Gourma a été créée, avec Fada N'Gourma comme chef-lieu. Dans le cadre de cette réorganisation du territoire, Diabo fut érigé en département de la province du Gourma par une ordonnance du 15 août 1984. Avec l'adoption du code général des collectivités territoriales en décembre 2004, le département de Diabo est érigé en commune rurale, qui regroupe un ensemble de 63 villages administratifs dont Diabo avec cinq (5) hameaux de culture.

III.2. Aspects physiques et naturels

Le rendement ou la productivité des différentes variétés produites sont fortement tributaires des conditions physiques et naturelles auxquelles elles sont soumises.

III.2.1. Le relief et le climat
III.2.1.1. Le relief

Le département de Diabo fait partie d'une vaste pénéplaine qui occupe toute la partie centrale du Burkina. D'une altitude moyenne variant entre 300 et 320 m, elle est relativement peu accidentée, avec par endroits des affleurements de roches granitiques et de buttes cuirassées. Cette pénéplaine est faiblement entaillée par les lits des cours d'eau qui la parcourent.

III.2.1.2.Le climat

De par sa position géographique, le département de Diabo se situe dans la zone climatique nord soudanienne, qui se caractérise par deux saisons :


· une saison pluvieuse qui se manifeste généralement de mai à octobre avec la remontée de la mousson (vent chaud et humide d'origine océanique),

10 Ordonnance N° 84-003/CNR/PRES


· et une saison sèche de 6 mois également ; il dure de novembre à avril avec la prédominance de l'harmattan qui est un vent sec et poussiéreux venant du Sahara.

D'une façon générale, la pluviométrie du département est relativement importante avec une moyenne de 800,14 mm d'eau et 48 jours de pluie, relevé au cours du quinquennat 2000-2005. Les extrêmes varient entre 600 mm et 1000 mm/an. Les ressources en eau dans le département sont importantes avec au moins dix (10) barrages et six (6) retenues d'eau aménagés.

III.2.2. Les sols et la végétation

III.2.2.1- Les sols

Dans le département de Diabo, on distingue plusieurs types de sols dont :

· les sols argilo-sableux qui résultent de l'altération des roches granitiques. Ce sont des sols assez légers, parsemés de blocs de granites. Ils restent dominants dans les villages de Seiga, Zonatenga, Benkoko, DiapangouPeulh. Ces sols se prêtent à l'agriculture (riz, coton, arachide, sorgho) et aux activités pastorales.

· Les sols gravillonnaires, moins riches, se rencontrant surtout sur les pentes. Leur valeur agronomique est assez faible. Toutefois, ils sont exploités pour la culture du sorgho, des arachides et du niébé.

· Les sols argileux, très peu répandus, ils se rencontrent le long des cours d'eau où ils se prêtent à la culture du riz, manioc, patate douce, à la culture maraîchère. On les rencontre surtout dans les villages de Lorgo, Yanméga, Sanwabo, Zing-naben.

· Les sols sablo-gravillionnaires, également exploités pour la culture du sorgho, des arachides et du niébé. On les rencontre surtout dans les villages de Yanméga, Zecca.

Dans leur ensemble, ces sols sont assez dégradés du fait de la pression foncière et des systèmes d'exploitation extensifs, sans amendement conséquent des terres.

III.2.2.2- La végétation

Le couvert végétal présente des formations naturelles de type savane arbustive à savane arborée à dominance d'espèces utilitaires telles que le néré, le karité, le résinier, et le tamarinier. Au niveau des formations naturelles, il existe de petites réserves forestières dans les villages de Saatenga et Zecca où elles atteignent 10 ha, et dans le village de Combémbogo. Quelques vergers de manguiers sont disséminés à travers les villages, surtout le long des cours d'eau. On note également quelques bosquets d'eucalyptus, de neem dans quelques villages. Ces plantations sont réalisées sur de petites superficies de moins de 10 ha.

Le tapis herbacé est essentiellement fait de Penicetum pedicelatum, et Anthropogon gayanus qui forment des touffes discontinues. La végétation de la zone du département de Diabo reste peu abondante et est fortement entamée par les activités agropastorales.

III.3. Aspects humains

Le sol diabolais est peuplé de Zaossé (zaoga au singulier) dans sa grande majorité et dans une faible mesure de Peulh.

III.3.1- Esquisse historique des trajectoires du peuplement

Le département de Diabo constitue une zone tampon entre le plateau mossi à l'Ouest, le pays gourmantché à l'Est et le pays bissa au Sud. Le peuplement de la zone a été influencé par cette position géographique à l'interface de trois peuples traditionnels. Plusieurs flux de populations ont abouti à la création de cette entité. Ces différents flux anciens de peuplement ont souvent été motivés par des divergences politiques au niveau des villages d'origine.

Les éléments d'historiques des villages anciens fournissent donc des informations spécifiques qui retracent les vagues d'immigration sur l'ère diabolaise.

Le village de Diabo, qui compte actuellement 9 quartiers répartis en 5 secteurs, aurait été peuplé par des populations venues de Ouagadougou, Kaya, Koupéla et du Gobnangou. Diabo signifierait en langue Gourmatchéma «le pays des hommes courageux qui refusent toute forme de vidage».

Le village de Zonatenga au sud --ouest, qui compte actuellement 6 quartiers, aurait été peuplé par une population venue de Boussan Lorgo, à l'Ouest de Tenkodogo, sous la conduite d'un certain Moyenga Kambado.

Le village de Saatenga au sud, qui compte actuellement 9 quartiers, aurait été fondé par le fils d'un certain Trewendé venu de Tenkodogo. Il aurait trouvé le lignage Yougbaré, originaire de Koulpissi qui était les premiers occupants du terroir. La chefferie serait restée entre les mains du lignage Zoetyenga.

Le village peulh de Boulyoghin au sud, qui compte actuellement 3 quartiers, aurait été fondé par Moussa Boly qui serait arrivé de Rambo (Yatenga) à la recherche de pâturage.

Partant des éléments d'historiques ci-dessus, il ressort une grande diversité de provenance des habitants du département de Diabo. Le mouvement de peuplement s'est donc effectué à travers plusieurs vagues. L'état actuel des connaissances ne permet pas d'être formel sur la chronologie de l'occupation spatiale du département. Mais selon le pouvoir traditionnel central, les premiers occupants furent les MOYENGA qui fondèrent par la suite Zonatenga (la terre du Chef des Zaossé ou la capitale des Zaossé). Ce sont eux qui auraient accueilli et installé dans leur quartier actuel les YONI qui incarnent aujourd'hui l'autorité la plus importante du terroir.

III.3.2. Caractéristiques démographiques

Selon les résultats provisoires du recensement général de la population et de l'habitation de 2006, la population de l'ensemble du département de Diabo est de 43357 habitants repartis en 7 238 ménages, dont 19 969 hommes et 23 388 femmes soit respectivement 54% de femmes et 46% d'hommes environ. Dans le département, le rapport est de 85 hommes pour 100 femmes. Le département s'étend sur 656 km2 avec une densité de 66,1 habitants au km2.

III.4. 1 'aJLR fSa/'RLali/Pe

III.4.1. Les activités agricoles

L'agriculture est la principale activité qui assure des emplois et des revenus à la majeure partie de la population du département de Diabo. Le système de production agricole est caractérisé par deux facteurs essentiels : d'une part le statut des droits fonciers traditionnels qui déterminent les attributions des terres, l'accès à la terre, et d'autre part la notion de subsistance. En effet le système foncier repose sur une base lignagère. Le droit d'exploitation des terres se transmet de père en fils sous la supervision du lignage. Sur ces espaces, aucun autre ne peut accéder à la terre que seulement par emprunt. Les superficies emblavées annuellement sont estimées à 36 500 ha environ. Ces superficies sont réparties en petites exploitations familiales de 3 à 5 ha en moyenne. Mais ces superficies ne sont que de simples estimations au regard du fait que la production vivrière ne bénéficie pratiquement pas d'encadrement. Cette activité demeure encore une agriculture de subsistance de type pluvial, largement tributaire des aléas climatiques. Elle est basée sur les céréales vivrières qui constituent plus de 80% des productions. Les productions de rente sont drainées par le coton qui, cultivé par quelques 2400 exploitants en 2006/2007 regroupés au sein de 62 GPC, a occupé pourtant 2500 ha.

Le mode de production agricole dominant est la production extensive ; même pour le coton malgré l'incitation à l'intensification par la dotation en engrais. On note néanmoins une intégration progressive des nouvelles techniques et technologies de production : culture attelée, utilisation de semences améliorées,... En dépit de cela, le niveau technologique reste très faible. La daba constitue encore le principal moyen de cette production.

En saison pluvieuse, tous les actifs travaillent prioritairement dans le champ collectif où le choix des cultures est généralement guidé par le souci de la subsistance sous l'initiative du chef de ménage. Dans les champs individuels, c'est le souci monétaire qui détermine le choix des productions. La participation des femmes est aussi importante que celle des hommes. La campagne débute vers mai --juin selon l'arrivée des pluies.

Les principales spéculations vivrières demeurent le sorgho rouge et le mil. Le maïs, le riz, le niébé et la patate sont relativement bien produits. Les rendements des

différentes cultures varient selon les saisons. Le riz et le maïs présentent les meilleurs rendements.

Les productions de rente sont destinées essentiellement à la vente. Elles procurent annuellement des revenus importants aux producteurs. Pour la campagne 2004-2005, ces revenus sont estimés à plus de 246.000.000 de FCFA dans le Département de Diabo. Elles sont constituées majoritairement de coton. Signalons qu'à la faveur de la libéralisation du secteur coton entamée par l'Etat en 2004, le lot B de la SOFITEX qui représente la zone cotonnière de l'Est et tous ses actifs sont passés sous la coupe de la société DAGRIS S.A, qui n'est rien d'autre que l'ancienne CFDT. Le conseil des ministres en sa séance du mercredi 12 mai 2004 l'a déclarée provisoirement adjudicataire et la signature d'un chèque de onze milliards cent cinquante millions (11 150 000 000) de francs CFA libellé au nom de la SOFITEX a fini de sceller l'adjudication. Cette zone porte désormais le nom de zone SOCOMA (Société Cotonnière du Gourma). Siège social : BP 265 Fada N'Gourma- Burkina Faso, S.A au capital de 6 000 000 000 F- RC : OUA 2004 B 2307- IFU 72 409 647 P- Division fiscale du Gourma- Régime du Réel Normal.

III.4.2. Le pastoralisme

Le pastoralisme constitue le deuxième secteur économique du département. L'élevage remplit plusieurs fonctions dans la vie socioéconomique des paysans diabolais. Il est d'une part facteur de fertilisation du sol surtout les parcelles affectées au maïs. La participation des animaux à la préparation et à l'entretien des parcelles en culture apporte un peu de soulagement aux paysans. D'autre part, il constitue une sorte "d'assurance vie" pour ces ruraux soumis aux incertitudes de la nature.

En 2005 la taille des éleveurs est estimée à 8 375 personnes et le nombre de ménage d'éleveurs à 4 679. Selon ces données, environ 10% de la population totale pratiquerait l'élevage. Cependant les échanges avec les populations font ressortir un nombre plus important de personnes pratiquant l'élevage à des échelles différentes (gros ou petits producteurs).

Deux modes d'élevage coexistent au niveau du département de Diabo: le système traditionnel dominant et le système amélioré. Le système traditionnel ou extensif d'élevage est caractérisé par une faible utilisation d'intrants ; pas de sous

produits agro-industriels, pas de vaccination ou seulement pour une partie des bovins en cas de maladies déclarées. Ce système qui dépend surtout des ressources naturelles est confronté à plusieurs contraintes dont la compétition avec une agriculture également extensive consommatrice d'espace. Chaque année les parcours utilisables par le bétail se restreignent ce qui complique les déplacements du bétail ; avec comme conséquence un risque permanent de conflits entre agriculteurs et éleveurs. La réduction des espaces de pâture et l'insuffisance en points d'eau conduisent chaque année les gros producteurs en transhumance de plusieurs mois vers Comin-yanga, le Togo et la Côte d'Ivoire. Le système amélioré concerne l'embouche intensive et semi intensive bovine et ovine caractérisée par des investissements plus conséquents en intrants et en temps de travail (fauche et conservation de résidus des cultures...) ; ce qui permet d'obtenir une productivité plus importante. Ce système permet également de réduire les conflits entre agriculteurs et éleveurs et entre bergers et propriétaires d'animaux. Cette activité est encore marginale, voire insignifiante quand on la rapporte à la pratique extensive. Le faible niveau de vaccination expose en permanence le cheptel à différentes pathologies.

CHAPITRE IV : PRODUCTION DU COTON ET PRODUCTION CEREALIERE

Une caractéristique essentielle de la pratique agricole des paysans du département de Diabo est l'association culturale. Sur une même parcelle, on trouve une pluralité d'espèces ou de variétés culturales qui s'inscrivent chacune dans un calendrier cultural bien défini. Ainsi, on pourrait se demander comment le paysan qui les pratique à la fois arrive-t-il à faire face aux exigences de cette diversification.

IV. 1. La gestion du calendrier cultural

Le paysage champêtre diabolais présente deux (02) types de cultures : les plantes vivrières et celles commerciales ou de rente. Au titre des cultures de rente, nous nous focaliserons sur le coton qui constitue l'objet de ce travail.

IV.1.1. Le calendrier cotonnier

La campagne de production cotonnière s'inscrit dans un cadre rigide qui conditionne sa réussite. C'est dire donc que le coton, en tant que culture de rente, mobilise un encadrement technique du fait des gros enjeux financiers que cette production soulève. Ainsi, il est clairement codifié que pour « le démarrage de la campagne les semis doivent être réalisés entre le 20 mai et le 20 juin. Plus tôt, ils risquent de voir leur levée et leur départ compromis et qu'en fin de campagne, leurs capsules s'ouvrent sous la pluie. Plus tard, leur départ risque de subir des excès d'eau et leur fin de cycle manquer d'eau à la suite de l'arrêt des pluies » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°3). Dans un cas comme dans l'autre, la production s'en trouve négativement affectée et les gros crédits contractés ne laissent pas de choix aux producteurs. Aussi, ces semis doivent-ils impérativement avoir lieu sur un sol propre, suffisamment ameubli et récemment affiné en surface ou encore sur un sol suffisamment humide mais sans excès d'eau. Ce sont là les recommandations du programme coton. Tous ces impératifs constituent des conditions sine qua non d'une campagne agricole réussie et le Correspondant Coton (CC) et ses Agents

Techniques Coton (ATC) veillent à l'application de cette prescription. Une séance de fertilisation précède ces opérations de préparation de sol et de semis. Mais ces apports en fumier et autres terres de parc ne sont pas toujours effectifs chez les producteurs diabolais qui se contentent d'un simple défrichage. Après les semis à proprement parler, les resemis ou les remplacements interviennent à partir du 10e jour dans le but de corriger la densité du champ. C'est donc la dernière chance pour avoir une densité correcte, et faits trop tard ils ne réussissent pas. La phase d'entretien débute exactement après cette séance de remplacement. La première opération est le démariage11 qui doit être terminé 20 jours après la levée. Après le démariage, il faut recourir au binage même en l'absence d'herbe. Le nombre de fois est dicté par la capacité du producteur. Puis suivent les sarclages, d'abord manuel et attelé par la suite. C'est aussi une opération décisive car tout sarclage tardif se traduit par un irrémédiable effet dépressif sur le cotonnier. Enfin interviennent les buttages.

Il faut garder à présent l'esprit que toutes ces opérations ne sont pas aussi superposées comme ici présentées. C'est ainsi qu'une seconde séance de fertilisation commence avec l'apport de l'engrais NPK entre le 10e et le 20e jour et celui de l'urée entre le 35e et le 45e jour. Les opérations de traitement sont aussi présentes à tous les niveaux de la production. En effet, comme l'indique le Programme coton, guide des encadreurs, le cotonnier est une plante très parasitée. Tous les efforts et toutes les dépenses des producteurs seront perdus si les traitements (insecticides) ne sont pas parfaitement exécutés. Ainsi, il est impératif que le premier traitement intervienne dès le 50e jour, et à partir de ce premier traitement, répéter l'exercice toutes les deux (02) semaines. Outre ce chronogramme, il faut envisager des séances de reprise en cas de survenance d'une pluie dans les douze (12) heures suivant le traitement.

Les récoltes commencent donc au 5e mois après les semis, c'est-à-dire à la fin de la phase d'entretien. Selon le programme coton de l'INERA, le premier passage de récolte a lieu vers le 130e jour (correspondant au mois d'octobre), c'est-à-dire période où 50% du coton est bien ouvert. Le second passage quant à lui a lieu vers le 30e jour après, donc vers le 160e jour du cycle (correspondant au mois de novembre), âge auquel, sauf cas exceptionnel, tout le coton est ouvert. La récolte du

coton est une opération minutieuse car c'est elle qui définit la qualité du coton à livrer sur le marché. Ainsi, « il faut trier à chaque fois au fur et à mesure de la récolte sur pied le coton parfaitement propre (première qualité à coup sûr) du coton jaune ou gris (2e qualité) ; faire systématiquement sécher sur des claies qui isolent du sol et installer le coton récolté sur des nattes tant au champ que chez le producteur ou au marché. Le producteur ne doit pas se donner l'occasion d'avoir à ramasser du coton par terre (ce qui implique un nettoyage qui ne sera jamais parfait) » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°7). C'est seulement au bout du sixième (6e) mois (vers le 181e jour correspondant au mois de décembre) que le producteur est à mesure de livrer son coton sur le marché.

Cet agencement constitue la grille d'observation des champs de coton par les agents d'encadrement qui prescrivent ces opérations en temps opportun. Les techniciens veillent à l'application stricte de ce canevas, et les producteurs déclarent le suivre autant que faire se peut car, disent-ils, ils n'ont pas trop le choix.

Alors que concurremment, le producteur doit s'employer sur des parcelles vivrières généralement plus vastes encore.

IV.1.2. Le calendrier vivrier

Si la production cotonnière obéit à une codification officielle, le démarrage de celle vivrière est individuel et certains rituels suivant les groupes sociaux sonnent le début de la campagne. Il faut noter que les céréaliculteurs ne se donnent aucun impératif mais se guident seulement de l'avènement des premières pluies. A l'entame de la saison hivernale, les paysans Diabolais commencent par apporter aux terrains à exploiter de la fumure et autres ordures provenant des poubelles. Ce sont notamment les champs de maison qui bénéficient de ces apports. A cela s'ajoute le fumage des champs par les animaux, le gros bétail notamment. La migration saisonnière étant très développée dans cette zone du fait de l'éloignement des champs, les champs de brousse n'ont d'autres privilèges que le défrichage du moment où les paysans n'y vont qu'à l'annonce de la saison des pluies. La préparation des sols se fait de deux façons. Il y a d'une part le non labour si le sol n'est pas trop envahi d'herbes ou si les disponibilités en force de travail n'offrent pas d'alternative. Le semis se fait alors directement sur un sol non travaillé. Nonobstant le fait qu'une part importante des paysans du département disposent et utilisent la

force de traction animale, le semi direct occupe encore une place très importante dans les champs diabolais. Ils ont généralement lieu vers le mois de mai et pendant les deux (2) premières décades du mois de juin. Après cet intervalle de temps, la densité de l'herbe ne donne pas grande chance de succès à ces semis dont les jeunes plants sont vite étouffés dès leur apparition. Sur ces espaces non labourés, les semis peuvent se réaliser à la volée ou en ligne par l'utilisation de cordes, d'un triangle ou sur les anciennes buttes. D'autre part, il y a le labour du terrain à ensemencer. D'entrée de jeu, notons une quasi inexistence sur l'aire départementale de paysan disposant d'un tracteur. De façon générale, le labour se fait à la charrue. L'araire est tiré par une paire de boeufs. Il permet un travail rapide mais exige un sol déjà ameubli par les premières pluies. Le labour peut se faire aussi à la daba. La houe manuelle exige une quantité plus importante de travail. Sur ces espaces, les plants peinent à grandir par rapport aux autres espaces labourés à la charrue ; ils sont plus sensibles à la sécheresse et le rendement y est plus bas. Cette dernière pratique est de plus en plus abandonnée, les paysans préférant payer un labour à la charrue ou semer directement sans labour quand ils ne disposent pas d'animal de trait. Il faut noter aussi l'usage important des ânes comme force de traction. L'attelage aux boeufs ou à l'âne offre les mêmes conditions de réussite des semis.

La préparation des sols se fait en même temps que les semis. De façon générale, les hommes labourent au moyen des animaux pendant que les femmes et les enfants sèment à leur suite. Le semis de toutes les variétés produites se font presqu'au même moment ou du moins à un intervalle très réduit. Tout commence avec le sorgho aux premières heures de la campagne agricole et du riz dans les bas-fonds avant que ces derniers ne s'engorgent d'eau. Suivent ensuite le petit mil qui se sème dans la plupart des cas en association avec le haricot et enfin les autres variétés.

Après le stade des semis vient celui de l'entretien. Comme le témoignent les paysans du département, il n'y a pas de date pour commencer le désherbage. C'est la levée des plants et la disponibilité du paysan qui dictent tout. Les espaces semés sans labour sont ceux qui accueillent les premiers le ménage. Le sarclage dure autant de temps que le ménage peut prendre pour faire le tour de ses parcelles. Après le sarclage, l'opération de buttage est allégée dans la plupart des cas par la

participation des animaux. Anes et boeufs attelés sont utilisés pour le buttage en ligne. Cette opération commence avec les pluies torrentielles d'aoüt et ne prend fin que lorsque le paysan aura fait le tour de son champ ou lorsque de nouveaux produits demandent à être cueillis. De là commence la phase des récoltes. Le maïs annonce les couleurs, suivi des arachides hâtives vers mi-septembre. Ensuite suivent le sorgho et le haricot ainsi que le poids de terre dès le mois d'octobre. A partir de cette date, la maturation devient générale sur l'espace agraire excepté le petit mil qui est encore à l'épiaison. De nouvelles granges (ou greniers) sont alors construites pour ranger la nouvelle production.

IV.1.3. Les logiques de gestion

Comme nous le rappelle ce producteur, « on ne mange pas le coton. Le producteur de coton est en même temps producteur de céréales». C'est dire donc que les cotonculteurs ont à gérer concurremment deux calendriers culturaux dont les exigences sont à première vue difficilement conciliables. Il est opportun de noter que dans les GPC où nous sommes passés, personne ne produit exclusivement du coton et les techniciens du coton du département nous confirment l'inexistence de cotonculteurs exclusifs sur l'aire départementale. La gestion concurrentielle de ces calendriers culturaux est donc un phénomène récurrent chez tous les cotonculteurs du département. Pour faire face à cette concurrence, des stratégies ont été développées par ces paysans.

Un premier groupe de producteurs déclare semer d'abord le sorgho dès l'entame de la saison des pluies, dès le début du mois de mai et parfois même avant le début des pluies. Ces producteurs réalisent à cet effet un semis direct sur un sol non labouré généralement sur les anciennes lignes dressées par le buttage de la campagne dernière. C'est une stratégie qui permet de garantir un minimum de produits de subsistance avant de se tourner vers la culture de marché qu'est le coton. Notons que de toutes les variétés produites sur l'aire départementale, seul le sorgho peut être semé à cette date et résister dans de telles conditions. En paysans avertis, ils ne sèment que ce produit. Quand l'hivernage s'installe normalement et qu'ils entrent dans le calendrier normal, ils quittent ces champs de sorgho pour commencer à labourer les parcelles de coton. « C'est quand la pluie s'arrête pendant

quelques temps et que les conditions ne sont plus favorables au semis du coton que l'on complète les champs de vivre », témoigne un producteur. Dès lors, il est opportun de noter que selon cette logique de gestion, en cette période d'installation des cultures, une priorité est accordée au programme du coton, celui vivrier occupant les intervalles de temps mort correspondant aux périodes d'incertitude d'une réussite des semis. Cette option est sous-tendue par les gros enjeux économiques que la production cotonnière soulève, les milliers de francs de crédit que le producteur porte sur ses épaules. Cela explique aussi la forte pratique du semis direct sur un sol non labouré dans les champs diabolais même chez les ménages disposant de charrue et animaux de trait. Tous ceux qui déclarent pratiquer le semis direct disposent d'au moins un âne ou une paire de boeufs qui lui sert de force de traction. Par contre, dans tous les GPC qui nous ont servi de champ d'observation, personne ne soutient avoir déjà planté du coton sur un sol non labouré ou sec.

Un second groupe soutient réaliser le semis du coton en même temps que celui des vivres. « Dans la matinée, pendant que certains labourent les champs de coton, le reste des membres de l'UP s'active en semis direct sur les parcelles de mil. Le soir, l'UP se retrouve sur les parcelles de coton pour l'ensemencement », expliquent ses praticiens. Mais, précisent-ils, cette méthode n'est praticable que dans les ménages nucléaires ou dans ceux où l'autorité du chef de l'UP est très respectée. Car les dépendants exploitent ces soirées pour ensemencer leurs propres champs d'où ils tirent leurs revenus. Dans tous les cas, le mil n'a d'autres privilèges que le semis direct car on ne laboure les champs de mil que « quand le temps le permet. Quand on finit de fixer le coton, on se tourne vers le labour des parcelles de vivres, avant que le coton nous réclame à nouveau », explique ce jeune producteur de plein pied dans sa troisième campagne cotonnière. La logique qui anime ces producteurs c'est que vaut mieux un déficit en vivres qu'un déficit en coton. Cet ordre de priorité se reproduit à tous les niveaux de la production. A la phase d'entretien, on ne cultive les champs de mil que « quand on attend une date pour commencer une opération sur le champ de coton pour la plupart des temps ou que lorsque l'herbe du champ de mil menace de neutraliser le champ», soutient un producteur avant d'établir le constat selon lequel « le mil ne craint pas l'herbe comme le coton », certainement en référence à cette disposition du programme coton qui prescrit un sarclage répété et régulier car « tout sarclage tardif entraîne irrémédiablement un effet dépressif sur le cotonnier » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°4). Au

titre de ces opérations d'entretien, les cotonculteurs déclarent réaliser au minimum trois sarclages sur les champs de coton, le tout couronné par un buttage. Sur les champs vivriers de ces mêmes producteurs, la tendance est à un seul passage, soit une opération de sarclage, soit un simple buttage. Quant aux non producteurs, toutes leurs parcelles sont sarclées et le buttage conclut le travail sur les parcelles de sorgho, du petit mil et du maïs.

La période de récolte est la plus épouvantable pour les cotonculteurs qui « souffrent de voir » certains produits menaçant de s'abîmer sous la pression des différentes sollicitations. En effet, les produits vivriers mürissent presqu'au même moment, mieux, à un intervalle de temps très réduit. « Pendant que le producteur récolte tel produit, il abandonne momentanément le coton. Au moment où il est en passe de finir ce premier produit, un autre a mûri alors que dans le même temps, le coton attend un sarclage ou un buttage », explique un groupe de producteurs. Les cotonculteurs diabolais prisent la production du sorgho parce que c'est un produit qui résiste mieux à l'herbe et sa maturité a lieu précocement par rapport au coton. Ainsi, le producteur peut le récolter sans trop de difficultés du moment où l'opération peut s'étaler dans le temps sans que le champ ne soit menacé. La situation est plus délicate quand la maturation d'un produit coïncide avec celle du coton. C'est le cas du petit mil. A ce niveau, en dépit des entraides en oeuvre dans ces périodes, témoigne un céréaliculteur, « il n'est pas rare qu'un producteur arrivé dans son champ de mil n'ait plus grand-chose à couper du moment où tout est à terre, les épis à moitié rongés par les termites et transportés par les fourmis, doublé des incursions animales en ces temps de vaines pâtures » avec les conséquences dont nous traiterons dans le sixième chapitre.

En somme, la concurrence des calendriers culturaux joue au détriment du calendrier vivrier qui ne remplit que le temps non indispensable aux champs du coton dont le calendrier est scrupuleusement respecté, du moins autant que possible. Le démarrage vivrier est centré sur les périodes post-semis du coton, période où les conditions pluviométriques sont moins favorables à une bonne levée des plants quelqu'ils soient. L'entretien de ces plants vivriers se trouve aussi entravé par l'agencement codifié des opérations dans les parcelles cotonnières. Les vivres, parfois ensemencés sur un sol non labouré sous la menace d'une révolution du

calendrier de semi, se contentent d'un seul désherbage et le buttage devient un luxe pour certaines parcelles. A ce niveau, il nous parait opportun de noter la multiplicité des prestations et le long temps de travail qu'exige la production cotonnière, long temps qui harasse proportionnellement le producteur annihilant les efforts de celui-ci à investir d'autres parcelles. Le cotonculteur arrive sur son champ de céréales tout incapable d'action significative. Le rendement céréalier s'en trouve négativement affecté. Ainsi, nous pouvons établir le constat selon lequel le coton constitue une menace pour la culture céréalière chez les cotonculteurs qui se trouvent être aussi des céréaliculteurs.

IV.2. De la couverture des besoins alimentaires

L'autosuffisance alimentaire est l'aspiration basique de toutes les activités agricoles dans nos milieux ruraux. Longtemps orientée vers l'autoconsommation, la production des champs diabolais ne fournissait que des produits destinés à la consommation immédiate des paysans. Aujourd'hui, c'est une agriculture tournée vers le marché du fait d'importantes exploitations en produits de rente, le coton notamment. Dans ce nouveau contexte, la place des vivres s'en trouve modifiée. On pourrait alors s'interroger sur les répercussions de cette orientation commerciale sur les disponibilités en subsistance.

IV.2.1. Du volume et de la diversité des produits

« On ne peut pas produire du coton et produire autant de mil que quand on ne produisait pas de coton. Ici, personne n'a son grenier d'avant », constate un chef de ménage producteur de coton qui prend à témoin tous les autres producteurs du GPC. Pourtant, certains laudateurs du coton considèrent ce dernier comme facteur d'une plus grande production céréalière. J. PICARD et A. AL HADJI (2002) fondent leur argumentaire sur la magie de l'arrière effet engrais. Pour ces auteurs, à la faveur de la rotation sur parcelle, les plantes vivrières qui suivent le coton bénéficient de l'arrière effet engrais qui contribue à la hausse du rendement. Loin de vouloir réfuter ces effets, il ne faut cependant pas perdre de vue que cette rotation sur parcelle n'est pas expressément prescrite dans l'ambition de rentabiliser la production céréalière. C'est tout simplement parce que le coton n'aime pas ses anciens espaces. Cet

avantage collatéral correspond donc à ce que R. BOUDON appelle le « paradoxe des conséquences » ou les « effets pervers » de la production cotonnière selon la terminologie weberienne. Au demeurant, cet arrière effet engrais fait désormais partie intégrante des contraintes de production auxquelles les cotonculteurs diabolais sont soumis. Tout porte à croire que sans cet arrière effet engrais, la production cotonnière serait compromise ; en tout cas elle n'aurait pas atteint son envergure d'aujourd'hui.

En effet, de toutes les spéculations produites sur le sol diabolais, le sorgho rouge et le maïs se présentent comme les produits céréaliers les plus compatibles avec le calendrier cotonnier. Ils offrent l'avantage d'une maturité précoce. Ainsi, le producteur a le temps de mettre en lieu sûr ses moyens de subsistance et de se consacrer à son coton qui, en ces moments, demande toute son attention. Aussi faut-il rappeler que la première récolte du coton a lieu au mois d'octobre, donc juste à l'issue de la récolte du sorgho. Ce qui est également important à noter, c'est que sur l'aire départementale, le sorgho rouge ne se produit que presqu'exclusivement dans les champs de maison en prolongement des parcelles de maïs, dans les bas-fonds ou encore sur les anciennes parcelles de coton. C'est dire donc que le coton exige une certaine dose de fertilité. En tant que tel, le sorgho tout comme le maïs s'intègrent bien dans la logique de production cotonnière ; pas parce qu'ils bénéficient directement de l'engrais alloué au coton mais de l'arrière effet de cet engrais par le fait de la rotation obligatoire qu'impose la production cotonnière. Ainsi, coton et sorgho sont mutuellement dépendants. C'est ce qui explique que la céréale de base est le sorgho rouge chez les cotonculteurs du département. C'est dans cette logique que O. KABORE a pu noter que « le petit mil est moins cultivé dans les zones cotonnières que le sorgho et le maïs » (O. KABORE, 2OO2, p.16). L'arrière effet engrais permet donc aux cotonculteurs d'amoindrir le degré de concurrence du calendrier cultural en saisissant l'opportunité de rentabiliser leur production céréalière (sorgho et maïs).

Par moment, l'engrais destiné au coton sert directement certaines plantes vivrières. Pratique quand même rare chez les producteurs diabolais, c'est seulement le maïs qui en profite parfois mais en faible dose, en tant que culture hâtive qui vient généralement au secours des ménages en ces temps de soudure. Les producteurs

préfèrent vendre le surplus ou simplement une partie de leurs intrants sur le marché noir au bénéfice de jardiniers et autres demandeurs.

Traiter de l'influence du coton sur le volume et la diversité des produits vivriers revient aussi à mettre à l'épreuve cette relation de cause à effet établie par le sociologue de l'ORSTOM A. SCHWARTZ (1987). Selon lui, le développement de la culture de rente notamment cotonnière permet une modernisation de l'agriculture par l'amélioration des techniques culturales ; et cela a pour corollaire une augmentation des possibilités alimentaires, la culture attelée permettant une exploitation de surface en un temps réduit. Il est incontestable que la culture cotonnière a révolutionné la pratique agricole dans les champs diabolais. Mais cette relative augmentation de la capacité du producteur a-t-elle entraîné forcement une augmentation des possibilités alimentaires ? L'utilisation de cette capacité supplémentaire est orientée suivant les réalités socioéconomiques de l'espace social. En effet, cette idée d'augmentation des possibilités alimentaires peut être appréhendée sous deux angles : en terme de quantité et en terme de diversité (variété).

Parlant de quantité, il est à noter que l'objectif d'une campagne agricole chez un producteur de coton n'est pas la production de masse. La production céréalière est beaucoup plus dictée par les besoins de consommation immédiate. Ceux qui ont de grandes capacités techniques ne recherchent qu'à couvrir les besoins alimentaires du ménage. Ils préfèrent donc utiliser leur capacité additionnelle dans la production du coton pour avoir plus d'argent. Cela s'explique prioritairement par la faiblesse du prix des produits vivriers qui n'incitent pas à vendre. Outre cela, il faut ajouter les moyens de stockage aléatoires et les difficultés d'écoulement. Du moment où le prix des céréales est très faible, le cotonculteur préfère, même avec des moyens techniques conséquents, stabiliser sa production vivrière autour de ses besoins de consommation et d'augmenter son champ de coton pour accroître son revenu. Ces productions se limitent généralement aux anciennes parcelles de coton où la magie de l'arrière effet engrais permet des bilans parfois excédentaires.

Entendue maintenant en termes de variété, elle n'est vraiment pas recherchée par le producteur diabolais dont la production obéit à une certaine logique. La maturation des produits vivriers se fait de façon successive et faiblement agencée.

On assiste dans la plupart des cas à une interférence des étapes de maturation. Ainsi, une grande diversification des produits induit une plus grande présence continue de produits à récolter en parallèle avec le coton, toute chose qui se révèle nuisible pour les deux (produits vivriers et coton) car, le producteur ne pouvant être à ces tâches simultanément et ne voulant pas perdre entièrement sur un côté, ne prend le temps nécessaire sur aucune parcelle. Ainsi, la diversification agricole joue en défaveur du producteur tant au niveau du démarrage de la campagne (périodes de semis confondues), de l'entretien des parcelles que des récoltes. La rationalité paysanne consiste alors à concentrer les efforts sur un nombre réduit de produits ayant mutuellement une faible incidence au niveau de la maturation. C'est ainsi que la production vivrière chez les cotonculteurs diabolais est centrée sur le sorgho et le maïs ; alors que chez les non producteurs, elle est composée principalement de petit mil avec du maïs, du sorgho et du haricot en proportion non moins importante. Ainsi, comme nous pouvons le constater, il est clair que la relation de cause à effet établie par SCHWARTZ n'est pas toujours vérifiée dans le contexte du milieu rural diabolais. Au contraire, le coton fait obstacle à la diversification des produits vivriers. Ainsi se trouve donc confirmée notre première hypothèse secondaire.

IV.2.2. De la sécurité alimentaire

L'enracinement du coton, en limitant les possibilités alimentaires en terme de variété, constitue une menace pour la sécurité alimentaire des producteurs diabolais. Car entendue comme nous l'avons définie dans le cadre de la présente étude, la sécurité alimentaire ne porte pas seulement sur la quantité mais aussi et surtout sur la possibilité de diversification alimentaire capable d'induire une vie active et saine. C'est ce qu'a perdu de vue S. DIALLO, ministre burkinabè de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques quand il soutient que « les zones cotonnières sont également celles où la production céréalière est structurellement excédentaire (...) ce qui contribue à la sécurité alimentaire au niveau national » ( www.abcburkina.net, article : pauvreté rurale et commerce international : le cas du coton). Il faut garder à l'esprit présent que les différentes estimations se basent sur les bilans céréaliers ce qui ne traduit pas la situation alimentaire réelle des populations. C'est ainsi que le 13 novembre 2007, devant l'Assemblée Nationale, et en réponse à un député (Norbert Tiendrébéogo), Salif DIALLO annonçait un bilan

céréalier national excédentaire à hauteur de 777 200 tonnes. Par la même occasion, il soutenait mettre en oeuvre des mesures de vente de céréales à prix sociaux dans quinze (15) des quarante-cinq (45) provinces du pays qui souffrent d'un déficit céréalier.

Une meilleure appréhension de la sécurité alimentaire commande que l'on aille plus loin. O. KABORE (2002) rapporte une enquête épidémiologique sur les carences en micronutriments dans 15 provinces du Burkina Faso qui a montré que les provinces productrices du coton sont plus durement touchées par les carences alimentaires que les autres provinces. La prévalence de l'anémie franche est supérieure à 5% chez les enfants de 0-10 ans et 35,9% des femmes en âge de procréer sont anémiées dans la majorité de ces provinces. Pour les trois principales provinces productrices de coton au Burkina et où la production céréalière est très élevée, la situation nutritionnelle des enfants de 0-5 ans est jugée très sévère (Houet : 15,6%, Sourou : 18,1% et Mouhoun : 12,3%). Ces résultats montrent qu'il ne suffit pas de disposer de la nourriture pour que sa sécurité alimentaire soit assurée. C'est pourquoi l'auteur conclue que « la sécurité alimentaire dans les zones cotonnières, malgré la disponibilité en céréale n'est pas satisfaisante. Dans les différentes zones cotonnières, les femmes en âge de procréer et les enfants souffrent de carences en micronutriments dues surtout à une alimentation non diversifiée. Il y a un antagonisme entre production du coton et production céréalière » (O. KABORE, 2002, p.26). Cela met en exergue la place primordiale de la diversification alimentaire, condition indispensable. Car les carences constatées dans ces zones s'expliquent par le fait que les producteurs de coton, s'inscrivant dans une logique de non diversification céréalière, fondent leur alimentation sur une gamme très limitée de produits dont la production est compatible avec les exigences du coton. Dans notre milieu d'étude, ce produit se trouve être le sorgho rouge qui, sur toute l'aire départementale, se démarque aussi comme le produit alimentaire le plus dénigré. Mais c'est quasiment le seul produit qui nourrit les ménages cotonculteurs toute l'année, le maïs ne tenant que de septembre à décembre au plus tard. Cela nous conforte dans notre conception selon laquelle la non diversification alimentaire est un obstacle à la sécurité alimentaire.

Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons affirmer que la production cotonnière constitue un obstacle à la production vivrière et une menace à la sécurité alimentaire. Et en orientant l'objectif de la campagne vivrière vers la production d'une gamme très limitée de variétés, le coton fragilise la capacité de réaction des paysans face aux aléas et autres imprévus les rendant plus vulnérables sur le plan alimentaire que les céréaliculteurs. Le constat de ce producteur est sans équivoque. En fait, « les céréaliculteurs ont cet avantage que méme si la pluie n'a pas été bonne et que les champs ne produisent pas bien, la pluralité de leurs produits finit par les sauver. Même si chaque variété donne un peu, ils finissent par couvrir leurs besoins de consommation, en tout cas mieux que les producteurs de coton. Les petits champs vivriers des cotonculteurs font que si par quelque événement le cycle est perturbé, il n'y a pas d'espoir possible. Le problème chez nous c'est que quand la campagne est un peu compromise, nos soucis portent d'abord sur le coton. Dans la panique, les champs de mil sont de plus en plus abandonnés pour pouvoir apporter le moindre soin au coton dans l'espoir qu'il résistera mieux ».

CHAPITRE V : LE COTON DANS LE MILIEU RURAL DIABOLAIS

Le coton constitue aujourd'hui la première culture de rente du département de Diabo quelques dix (10) ans seulement après sa vulgarisation en tant que culture commerciale.

V.1. Historique

L'historique de la production cotonnière dans le département de Diabo s'inscrit dans celui global du Burkina Faso dépeint par A. SCHWARTZ (1993a)12. Alors, dans la région de l'Est dont relève le département, le coton est antérieur à la loi SARRAULT et au programme de promotion du monde rural (création des ORD, 1966 pour celui de l'Est) initié aux lendemains des indépendances par le jeune Etat. Avec pour mission de promouvoir une agriculture moderne en associant étroitement cultures vivrières et cultures de rente, les ORD constituaient des espaces de promotion et d'encadrement de la production cotonnière. Ainsi, le coton s'est toujours produit dans la région de l'Est et dans le département de Diabo même si l'ampleur et la portée économique n'ont jamais revêtu les dimensions actuelles. Pour ce qui est du département de Diabo, les années 90 constituent un tournant décisif vers la situation actuelle.

V.1.1. Avant 1997

Jusqu'en 1997, la production cotonnière dans le département de Diabo demeurait une activité marginale ; c'étaient de simples petits lopins de terrains qui étaient exploités à des fins purement domestiques notamment pour le filage13 par les vielles femmes. Ces fils étaient utilisés soit à la maison pour coudre ou raccommoder les vieux habits et les calebasses brisées, soit confiés à un spécialiste local pour le tissage, ou encore simplement vendus sur le marché. Les bandes tissées, teintes ou non, se retrouvaient en partie sur la place du marché pour les besoins de sacrifices

12 Voir Introduction.

13 Le filage est une activité exclusivement féminine alors que le tissage est le domaine réservé aux hommes.

ou autres rituels, l'autre grande partie confiée aux tisserands pour la confection de pagnes et d'habits. Ces pagnes tissés traditionnellement sont aujourd'hui encore prisés surtout par les femmes. Les hommes qui les affectionnent aujourd'hui sont pour la plupart des hommes de tradition, dont les chefs traditionnels qui se font toujours vénérer sous ces accoutrements traditionnels. Sur les marchés des villages, le coton ne se rencontrait qu'en infime quantité se vendant, non pas au kilogramme, mais par poignée. Par ailleurs, le coton offrait une potentialité alimentaire bien négligeable. Les grains de coton artisanalement égrené servaient de semence pour la campagne prochaine mais pouvaient aussi être utilisés dans la préparation d'un plat local : le gaonré. La proportion des grains était du quart (1/4) par rapport à la quantité de haricot à laquelle il est combiné pour la recette. Au regard donc de sa marginalité économique et de sa faible marge alimentaire, la production cotonnière n'était que le fait des femmes qui la réalisaient à côté de leur lopin de gombo en culture annuelle ou à l'abri d'un couvert végétal en culture pluriannuelle pour leur besoin de filage pendant la saison sèche. La culture pluriannuelle étant rendue possible par les caractéristiques même de l'espèce Gossypium Arboretum qui, avec sa taille imposante et un fort branchage, pouvait subsister et rester productive pendant trois (3) à quatre (4) campagnes agricoles. Au tournant des années 1997, cette culture va connaître un nouvel élan qui va la propulser à la tête de toutes les autres productions de rente du département.

V.1.2. A partir de 1997

C'est en 1997, le 07 juillet que le premier ATC est arrivé dans le département de Diabo, un agent travaillant pour le compte de la SOFITEX. Sa mission était de promouvoir la culture du coton dans cette zone non productrice, du moins marginalement, en assurant l'accompagnement technique et l'approvisionnement en intrants agricoles et l'écoulement de la production. Cette mission s'inscrivait dans le cadre du "plan d'actions pour la relance de la production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001" initié par la SOFITEX et ses partenaires. Ce programme de relance intervenait en réponse aux conséquences de l'effondrement des cours mondiaux du coton en 1993. Cette crise a particulièrement déstabilisé la filière coton du Burkina Faso au plan financier et au plan de la production qui s'est écroulée en 1993/94 à un moment où, par la conjoncture de deux événements, les filières coton de la zone du

FCFA retrouvaient l'équilibre et la compétitivité sur le marché mondial. En effet, la dévaluation du FCFA intervenue en janvier 1994 et le relèvement des cours du coton sur le marché international ont bouleversé les données du secteur coton en le faisant passer de secteur structurellement déficitaire en un secteur susceptible de générer une bonne croissance dans de bonnes conditions de rentabilité. Ironie du sort, cet environnement favorable intervient à un moment où le pays enregistrait son mauvais record de production de coton graine, soit 116598 tonnes contre 163301 tonnes la campagne précédente, c'est-à-dire 1992/93 (Plan d'actions pour la relance de la production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001, annexe1). Dès lors, il est évident qu'il était de « l'intérêt national que la récolte du coton graine connaisse un essor important en volume et en quantité afin que le Burkina, à l'instar de la majorité des pays africains de la zone franc, puisse tirer profit du contexte économique particulièrement favorable au coton » (Plan d'actions pour la relance de la production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001, p.3)

Ainsi, l'Etat burkinabè, à travers le MARA, le CNRST et le CRPA, s'est engagé aux côtés de la SOFITEX appuyée par la CNCA, le Fonds de Développement et la CFD, pour définir des axes d'intervention dans le but de tirer profit de cet environnement plus que jamais faste. A l'issue d'un examen des origines de la crise que traverse la filière coton, un certain nombre de pistes ont été dégagées au nombre desquelles l'institution du GPC comme niveau d'intervention en lieu et place du GV comme mesure d'assainissement de la gestion des crédits, l'intensification de la production dans les zones traditionnelles, et enfin l'extension de la culture à de nouvelles zones de production potentielle. Et c'est suivant les recommandations de cette nouvelle mesure que les provinces de l'Est du pays (la région de l'Est) dont la province du Gourma et partant, le département de Diabo ont été reconnues zones à potentialités de production. Voilà pourquoi l'année 1995 peut être considérée comme l'année d'entrée officielle du département dans la production cotonnière. Dès lors, le coton devenait une activité économique. Du fait de sa facilité d'écoulement, le coton a vite conquis les espaces diabolais plaçant le département aux avant-postes des grands producteurs de la province dès les premières heures de son introduction. Déclassant les anciennes cultures de rente tels le soja, le haricot et les arachides contrariées par l'incertitude du marché, les difficultés de transport et de conservation, le coton s'est imposé incontestablement comme la première culture de rente du

département. Lors de sa visite au chef lieu du département en 1995, le Président du Faso lui-même n'a pas manqué de présenter l'extension de la production cotonnière comme une opportunité de sortie de pauvreté pour les pays et les inviter à s'y investir. Le tableau de l'annexe 7 montre l'évolution de la production cotonnière du département depuis 1997. Lors de la campagne 2005/2006, sur l'aire départementale, 62 GPC ont investi 2 500 ha de terrain qui ont produit 2 253 tonnes de coton soit un rendement moyen d'environ 900 kg/ha (Rapport du CC du département). Ainsi, le plan d'actions pour la relance de la production cotonnière de 1995/96 à 2000/2001 a consacré la promotion du coton dans le département de Diabo en tant que culture de rente, une production qui ne tarderait pas à faire ses preuves en tant que facteur de mobilisation de ressources dans ce milieu rural.

V.2. Perceptions du coton

Depuis le début de la promotion cotonnière dans le département de Diabo avec l'arrivée d'un agent technique coton, le coton n'a cessé de séduire les paysans. Ce n'est pourtant pas le fait d'une quelconque sensibilisation ; les techniciens du coton n'ont toujours eu affaire qu'à ceux qui produisent déjà. « Nous avons vu d'autres cultiver et évaluer leurs attentes à l'issue des campagnes de commercialisation et cela nous a attiré ». C'est ainsi que les enquetés, autrefois ou toujours producteurs, justifient généralement leur entrée dans la production cotonnière. Sur le marché du coton, ce sont des sommes impressionnantes qui sont annoncées à chaque producteur après la pesée de son coton en présence d'autres curieux venus se convaincre de la rentabilité de cette production. Comme l'exprime cet habitué de ces marchés, producteur depuis six (6) ans, « c'est le moment des sourires pour certains mais aussi des grincements de dents pour d'autres qui, au regard du travail abattu et de la quantité de la production, avaient cru avoir mieux fait ». Ainsi, c'est pendant ces campagnes de commercialisation et celles de paiement que le coton conquiert ses nouveaux producteurs charmés par la grandiloquence des avoirs annoncés. Sur ces marchés et au gré des conversations, la production cotonnière se positionne comme une porte de sortie pour le paysan dont le caractère rural de l'environnement limite les possibilités. Les motivations d'entrée dans la production cotonnière se fondent aussi sur le désir de participer à l'ambiance festive et à l'ostentation qui ont cours chez les producteurs le lendemain des campagnes de paiement de l'argent du coton.

Dans tous les cas, il apparaît que les producteurs ne s'engagent pas dans la production cotonnière pour un réel enrichissement. Les petits, tout comme les gros producteurs se rejoignent à ce propos. Ils semblent convaincus que le coton n'offre pas une réelle possibilité d'enrichissement mais demeure quand même stratégique dans le contexte principalement céréalier de la production champêtre du département. « Sinon ce n'est pas parce qu'on voit des gens s'enrichir beaucoup dedans ; ici, il y a très très peu de gens qui peuvent se vanter d'avoir pu faire une grande réalisation avec le coton en dépit du fait qu'il y a des gens qui produisent depuis près de dix (10) ans maintenant. Mais ça te permet de te faire voir, de sortir de l'ornière pendant quelques temps, de goutter un peu à la vie des riches quoi. Et puis ça permet d'avoir des sous pour résoudre nos petits problèmes pendant quelques temps », développe un producteur de 36 ans, à l'entame de sa troisième campagne cotonnière.

V.2.1. Un recentrage du débat autour du coton

Contrairement aux idées répandues et généralement développées a priori dans certains milieux, la production cotonnière ne semble pas se justifier par son importance financière (importance du revenu), du moins dans le département de Diabo. En effet, ce n'est pas parce que le coton permet d'avoir beaucoup d'argent que les paysans s'adonnent à sa production.

« Les gens croient que nous produisons du coton parce que nous gagnons beaucoup dedans. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas l'importance intrinsèque de l'argent qu'on reçoit à la fin de chaque campagne de commercialisation qui fait que les gens continuent de cultiver du coton. Sinon les gens l'auraient abandonné depuis longtemps car il y a des fois où tu es complètement déçu à la perception de ton argent au regard de la souffrance de ton ménage sur le champ. Ce qui fait que les gens continuent de produire, c'est le fait que le coton s'achète globalement et qu'ils sont sUrs qu'il va s'acheter quoi qu'il arrive. Et ce qui est important encore c'est que l'argent est perçu globalement. En une journée, tu as l'argent de ce que tu as produit hors subsistance entre les mains. Cela permet de faire quelque chose de bon et de chasser tes soucis pendant quelque temps. Sinon en mettant toute la quantité de

travail et les sacrifices qu'exige le coton dans la production d'un autre produit agricole, je suis sUr qu'on gagnerait plus. Mais tu n'es pas sUr de pouvoir le vendre. Tout le problème réside dans l'écoulement. Si tu dois aller au marché chaque trois (3) jours avec un sac sur ton vélo, tu risques d'atteindre la saison pluvieuse sans même avoir tout vendu, doublé de la fréquente fluctuation des prix ; sans oublier que tu dois bouffer dedans chaque jour de marché, tu vas gâter et réparer ton vélo vu l'état des routes et que tu vas résoudre au fur et à mesure tes petits problèmes financiers. A la fin de ta vente, tu ne te retrouveras plus avec quelque chose de conséquent et tu auras le sentiment de n'avoir rien eu. Voilà pourquoi les gens produisent du coton, il ne faut pas croire que c'est pour des millions ». Le témoignage de ce producteur de la quarantaine d'age à la tête d'une UP de six (6) actifs et entamant sa sixième campagne cotonnière nous permet de pénétrer les logiques de production et de percevoir la véritable assise du coton en milieu rural notamment diabolais en dépit d'une rémunération jugée franchement faible par tous les enquêtés au regard des investissements du ménage autour de cette production. En réalité, c'est parce que le coton s'inscrit dans une stratégie de rassemblement de ressources qui s'avère plus efficace dans ces milieux. Les motivations à la production ne sont donc pas à rechercher dans l'importance de ces revenus mêmes, mais dans certaines des caractéristiques du milieu qui rendent le coton plus compétitif que n'importe quel autre produit agricole. La production cotonnière obéit donc à une logique de mobilisation de ressources qui ne s'avère plus efficace que dans le cotexte d'une certaine défaillance structurelle de l'économie rurale. Ainsi, la production cotonnière dans le département de Diabo repose plutôt sur une option stratégique qu'économique. D'ailleurs certains producteurs ne déclarent-ils pas user de ces intrants agricoles pour faire face aux dures périodes de soudure en vendant une portion sur les marchés locaux, pratique que confirme le CC du département.

V.2.2. Le mirage cotonnier : la MARI

De prime abord, notons que dans le contexte socioéconomique du paysan, le coton constitue une source de revenu attrayante. La liquidité qu'il procure suffit à maintenir dans le système un certain nombre de producteurs accoutumés à boucler chaque campagne agricole avec des billets de banque. C'est le cas de ce producteur dont les propos sont sans équivoque : « je ne sais pas si je pourrai cesser un jour de

produire du coton. A chaque année où, au regard du caractère harassant du travail et de ce que j'ai gagné l'année passée je déclare produire ma dernière campagne de coton, l'année suivante, je me retrouve plus motivé que jamais avec le sentiment que j'aurais plus. En réalité, je n'ai jamais gagné comme j'espère mais ce que je gagne aussi c'est seulement au niveau du coton que je peux le gagner. C'est pas suffisant mais ça résout mes petits problèmes ». Pour une meilleure appréciation des retombées économiques du coton, nous allons essayer d'évaluer le revenu du coton au producteur par unité d'exploitation.

Evaluer le revenu du coton revient à déterminer le compte d'exploitation au producteur ou, selon la terminologie de G. RAYMOND14, la marge après remboursement des intrants (MARI). Comme nous l'enseigne l'auteur, la MARI est calculée en déduisant du revenu brut du paysan le coût des intrants à sa charge. Signalons que les intrants agricoles sont mis à la disposition des GPC avant le démarrage de la campagne agricole par la société (SOCOMA pour ce qui est de notre zone d'étude) à crédit déductible automatiquement sur la valeur de la production du groupement à l'issue de la campagne de commercialisation.

La MARI peut être appréhendée de deux (2) manières. Cet indicateur peut l'être par référence à une situation réelle : il correspond donc au revenu monétaire dont dispose concrètement le paysan après avoir déduit du revenu brut de sa production le coût des intrants effectivement utilisés. On l'appelle MARI réelle. Il peut aussi faire l'objet d'un calcul purement théorique : il correspond donc au revenu monétaire dont peut espérer disposer le paysan dès qu'il aura déduit du revenu d'une production escomptée le coüt des intrants virtuellement nécessaires, en application des recommandations techniques en vigueur, pour atteindre cette production. C'est la MARI théorique. Ici, nous utiliserons cette MARI pour apprécier, à l'échelle du paysan diabolais et pour la campagne agricole 2006/2007, la rentabilité économique de la culture du coton, aussi dans l'optique de faire connaître le mécanisme par lequel on définit la valeur d'une production.

14 Nous empruntons cette technique a Alfred SCHWARTZ qui l'a utilisée pour évaluer le revenu du coton (A SCHWARTZ, 1993b, p.8).

Le premier élément du calcul est le produit brut de la production. Il est fonction de deux variables : la production escomptable et le prix d'achat au producteur. La production escomptable est aussi fonction du rendement : pour la campagne 2006/2007, le rendement fut de 900kg/ha. Le prix d'achat du kg de coton fut fixé à 165 FCFA pour le coton premier choix, 145 FCFA pour le deuxième choix et 135 FCFA pour le troisième choix. En admettant que la totalité de sa production fut classée en premier choix, pour la campagne de référence, le producteur diabolais pouvait espérer tirer d'un hectare de culture cotonnière un produit brut de 148 500 FCFA.

Second élément du calcul : le coût des intrants. Le producteur diabolais engage sur un hectare de coton, selon les prescriptions officielles, les dépenses suivantes en intrants agricoles :

· Un sac de semence à raison de 900 FCFA

· 4 sacs de NPK et Urée à raison de 12 950 F CFA/sac de NPK et 14 400 F CFA/sac d'urée soit 66 200 FCFA

· 6 litres d'insecticides à raison de 4 342 F CFA/l soit 26 052 FCFA

· 1 appareil à pulvériser à raison de 29 442 FCFA

· 4 sachets d'herbicides à raison de 1 370 FCFA/sachet soit 5480 FCFA Soit un total de dépense (crédit) s'élevant à 128 074 FCFA.

Avec un produit brut de 148 500 FCFA par hectare et des dépenses en intrants de 128 074 FCFA, la MARI théorique s'établit à 20 426 FCFA15. Ainsi, un hectare de coton exploité par un paysan diabolais lui rapporte un bénéfice de 20 426 F CFA. Une telle marge fait du coton une culture attrayante.

Cette marge correspond à la MARI théorique obtenue sur la base des prescriptions officielles. L'utilisation de la MARI réelle apporterait plus de précision, mais le fait pour les producteurs de ne pas pouvoir déclarer avec exactitude la quantité des intrants effectivement utilisée dans la production, le refus de déclarer le revenu perçu et l'absence de fiches individuelles complètes chez les partenaires techniques ne

permettent pas cette évaluation. Ce qui est sür, c'est qu'en situation réelle, les choses sont moins roses.

Rappelons que la MARI théorique se base sur une observance stricte des recommandations et sur la propriété privée des autres facteurs de production ; les dépenses ne relevant que des intrants spécifiquement. Aussi, se base-t-elle sur le principe selon lequel toute la production est classée premier choix. Toutes ces considérations ne font pas recettes dans le milieu paysan diabolais. Ainsi, notons que la "stratégie de dispersion des risques" décrite par des experts du monde rural dont CHAMBERS (1990) est omniprésente dans toutes les sociétés paysannes surtout africaines et l'aire diabolaise n'en fait pas exception. Partant, notons qu'il nous a été donné de constater que :

· il existe toujours un écart entre les quantités d'intrants utilisées dans les champs et celles recommandées, tous les enquêtés déclarant posséder un restant à la maison. Selon les techniciens du coton, les intrants livrés aux producteurs se retrouvent en quantité non négligeable sur le marché noir, pratique que les producteurs expliquent par les disettes et autres besoins financiers pressants, les paysans témoins qui utilisent de temps en tant l'engrais pour corriger le comportement de leur champ de mais déclarent s'en procurer chez les voisins cotonculteurs ;

· le fait même de produire du coton génère des besoins financiers. L'insuffisance de la force de travail fait recourir à des prestations dispendieuses telle la gestion de l'entraide lors du sarclage ou de la récolte. Il autorise aussi la contraction d'autres crédits connexes ;

· certains réalisent des semis après les dates indiquées, la déficience des moyens de production ne permettant pas une navigation efficace entre les champs vivrier et cotonnier. Ils finissent parfois par s'attacher les services d'un tiers.

conseillées entraîne la chute des capsules, futures porteuses. Le non respect du calendrier influe sur la croissance des plantes et de leurs ramifications (donc peu de capsules), alors que l'endettement auprès des dépositaires des moyens de production et des commerçants, payable après vente ne fait que grossir les coûts de production. Ainsi, les producteurs s'inscrivent dans une logique qui, tout en tirant le rendement vers le bas, révise les coûts à la hausse. Ce qui est notoire, c'est que le "coton deuxième choix" est non négligeable sur les marchés de coton du département où les producteurs sont tiraillés par de nombreuses sollicitations en cette période de maturité générale des produits champêtres. Au regard de cela, il faut noter qu'aux antipodes des chiffres affichés plus haut et fort alléchants, beaucoup de producteurs diabolais se retrouvent avec des miettes en fin de campagne à côté d'autres qui produisent à perte. En réalité, le coton ne profite qu'aux très grands exploitants. Chez les dix-huit (18) producteurs excédentaires que nous avons enquêtés, la MARI réelle varie entre 1430 FCFA et 182 215 FCFA (en ce qui concerne les onze (11) enquêtés qui ont accepté déclarer leur revenu ; le reste ayant marqué un refus par le biais de propos du genre « en tout cas on s'en est tiré mieux que certains »). Chez les petits producteurs (producteurs déficitaires), leur dette varie entre 7865 FCFA et 134 425 FCFA (en ce qui concerne les six (6) enquêtés qui ont accepté déclarer leur revenu). L'ampleur des problèmes posés par cette dernière situation nous renseigne sur la place du coton dans la lutte pour la survie de certains ménages. Il ne leur reste plus rien après que la société ait recouvré ses créances. Des cas existent où la SOCOMA est incapable de recouvrer le coüt de ses intrants, des créanciers se relayant à l'entrée de concessions à greniers à moitié vides après seulement trois mois de récoltes car, dit-on communément dans ce milieu, « quand un champ de coton va mal, ce sont les vivres qui souffrent à sa place ». C'est conscient de cette situation de déficit que la société cotonnière ne travaille pas avec l'individu mais avec la collectivité (le GPC) pour être sûr que le surplus de certains producteurs comblera le déficit des autres. C'est la caution solidaire. Des ménages se dépouillent de leurs matériels pour combler le vide laissé dans leur GPC par leur production déficitaire. Alors que le coton fait l'affaire de quelques grands exploitants, il cause ruine et famine dans certains ménages et affecte les rapports sociaux de certains groupes (groupements).

V.2.3. Les crédits connexes

« Des crédits, chez nous, c'est ce qui marche le plus. Etant donné que pour qu'on t'aide à cultiver ton champ tu es obligé de préparer du riz et faire une eau bien sucrée et vu que les cotonculteurs ne disposent pas de liquidité en saison pluvieuse, nous allons prendre des sacs de riz et des paquets de sucre avec des commerçants garantissant le paiement par la vente du coton. Le boutiquier, étant sûr que le coton s'achètera, accepte le contrat moyennant une petite rélevation des prix ». La situation ici dépeinte par ce producteur de la quarantaine d'age résume la stratégie en oeuvre chez de nombreux producteurs. Il existe en effet un endettement parallèle à celui des intrants agricoles et qui entre pleinement en ligne de compte de la production cotonnière. Si certains prennent directement avec des commerçants des sacs de riz et du sucre, d'autres préfèrent de l'argent liquide. « Là, c'est sans intérét que l'on rembourse », nous informe un adepte de cette pratique, producteur depuis quatre (4) saisons. Cet argent emprunté est soit utilisé pour les besoins d'une entraide culturale, soit pour d'autres besoins pressants. Leur dénominateur commun c'est le coton qui est indexé comme garantie de paiement.

Par ailleurs, alors que les cotonculteurs se réclament de cette pratique, les non producteurs s'en défendent. « Nous, prendre des crédits avec des commerçants ! Aucunement. Ni en espèce, ni en nature. Nous n'avons pas de raison de le faire et d'ailleurs je ne suis pas sUr que si nous le voulions, ils auraient accepté de nous accorder ces crédits car nous n'offrons aucune garantie de solvabilité », soutient un non producteur. Des raisons de le faire, les non producteurs déclarent ne pas en avoir du fait que l'entraide dans les champs de vivres est sanctionné, soit par le dolo (bière de mil) exclusivement, soit par la préparation du tôt (pâte de mil ou de maïs) et d'une eau sucrée ou non selon la capacité ou la volonté de l'hôte, chose qu'il sort chaque jour de son grenier. Etant donné qu'ils n'ont pas d'argent en vue, les non producteurs déclarent en conséquence « se débrouiller pour sortir de la maison » de quoi faire face aux besoins financiers en cette saison pluvieuse.

Ainsi, on peut dire de tout ce qui précède que le coton constitue en réalité un mirage, un horizon fuyant inaccessible auquel aspirent les producteurs. Bien que le coton se présente comme un facteur d'enrichissement dans ce milieu paysan, la MARI évaluée plus haut nous renseigne sur sa portée financière réelle. Et si les

paysans le produisent encore, c'est en réalité parce que le coton s'inscrit dans une logique de mobilisation ou de rassemblement de richesse extra subsistance plus efficace. Après déduction des coûts des facteurs de production et de crédit, beaucoup sont les paysans diabolais qui nourrissent chaque année le sentiment de campagne manquée.

CHAPITRE VI : REVENU DU COTON ET GESTION

L'adhésion des paysans à la production cotonnière est motivée par un besoin purement financier, besoin dont les voies de satisfaction sont minimes au regard du caractère agricole du milieu. C'est ainsi que le coton se présente comme une opportunité. Alors, on pourrait se demander quel est le degré d'importance du revenu que procure le coton et selon quelle logique ce revenu est-il consommé dans le milieu rural diabolais.

VI.1. Revenu du coton

Si la production cotonnière survit et même progresse dans les champs diabolais, c'est que les producteurs y trouvent leur compte.

VI.1.1. Importance effective

Le mirage cotonnier fait rêver beaucoup de paysans qui pensent avoir enfin trouvé la voie par laquelle se réaliser ou devenir comme les autres. Car c'est par rapport aux autres que le paysan diabolais se définit ; ce qui explique sans doute que la production cotonnière ait fait tâche d'huile en si peu de temps. Les premiers producteurs ont fait fortune, nous relaye-t-on. Cela leur a permis de sortir du commun pendant quelques temps et de palper quelques importantes sommes. Au début des années 2000, le kg de coton avoisinait les 250F et le rendement, parce que les terres étaient neuves, avoisinait lui aussi les 1500 kg/ha. Cela laissait une grande marge bénéficière au paysan après remboursement de ses intrants, nous fait remarquer un ancien producteur. Ces hommes de coton comme on les y nomme ont été vite enviés parce qu'ils ont été les premiers à adopter de nouvelles pratiques culturales comme les semis en ligne et les buttages attelés. Avant ces dates, la participation des animaux aux travaux champêtres se limitait aux premières heures de la campagne agricole notamment au moment du labour, le semis à la volée ne permettant pas une intervention animale en dehors de cette étape. Mais sur l'espace

diabolais aujourd'hui, les semis en ligne ont droit de cité ; le semis à la volée ne se rencontrant que chez les familles ne disposant pas de force de traction animale ou sur quelques parcelles des autres. Hormis ces avantages collatéraux, l'importance financière de cette culture de marché fait l'objet d'une appréciation mitigée du point de vue des paysans, actuellement ou anciennement producteurs.

VI.1.1.1. Les gains

La MARI calculée précédemment nous donne une idée sur la façon dont on obtient le revenu d'un cotonculteur et sur la teneur moyenne de cet avoir même si à cela il faut ôter les coûts de production parallèles ou ajouter les quelques francs que les paysans, par le truchement de certaines stratégies, parviennent à augmenter leur marge bénéficière. Certains paysans, notamment les bons producteurs, arrivent généralement à tirer satisfaction en terme financier de la culture du coton. S'inscrivant dans cette logique de stratégie de mobilisation des ressources, la production cotonnière offre à certains paysans des opportunités de réalisation. « Sans le coton, je n'aurais peut-être pas pu réaliser cette construction », nous fait remarquer ce producteur en indexant deux maisons de dix (10) tôles à base de banco dont l'une est utilisée pour stocker le coton en temps de récolte ainsi que les intrants agricoles. Quand bien même les producteurs sont réticents à déclarer le montant de leur revenu du coton, certaines réalisations visibles suffisent à témoigner que le coton fait des contents parmi les chefs de ménage diabolais même si cet avoir est diversement apprécié par les dépendants participant à la production. Refusant de personnaliser le débat de peur de s'afficher comme un dissident vis-à-vis de l'autorité familiale, certains trouvent qu' « avec ce que les producteurs laissent sur ces champs en terme de forces humaine et animale de travail, ils méritaient mieux que ça ». C'est ce que nous a confié ce jeune homme de 21 ans, participant à sa troisième campagne sous l'autorité de son père.

Ce sentiment d'un travail inutile voire ruineux est aussi partagé par une autre catégorie d'acteurs pas dépendants cette fois-ci, mais chefs de ménages.

VI.1.1.2. Les impayés

Aux antipodes de cette catégorie qui parvient à tirer son épingle du jeu en fin de campagne (MARI réelle positive), nombreux sont ceux qui produisent le coton à perte. Certains producteurs se retrouvent en fin de campagne avec une production dont la valeur monétaire ne couvre même pas le coût des intrants pris à crédit pour les besoins de la production. La situation serait moins criarde si elle était marginale et ne touchait que quelques cas isolés. Mais en réalité, ces impayés internes parviennent parfois à compromettre la capacité de tout un GPC à s'acquitter de ses dettes vis-à-vis de la SOCOMA. Les agents techniques utilisent l'expression " tomber en impayé" pour caractériser la situation de ces gens ou de ces GPC dont la production totale ne parvient pas à couvrir le coüt des intrants. A l'échelle du producteur, cet impayé est difficilement perceptible par l'observateur extérieur du fait que le surplus des uns comble le vide laissé par la production déficitaire d'un membre. C'est la caution solidaire fondée sur le principe selon lequel tous les membres sont solidairement responsables de la dette du GPC. Selon ce principe, le GPC fournit à la SOCOMA pour une nouvelle campagne une liste de ses besoins en intrants bâtie sur les besoins spécifiques de chaque producteur proportionnellement à sa superficie d'exploitation en coton. Ainsi, feignant les détails, la société considère cette dette calculée sur la valeur des intrants comme la dette du GPC. Après la commercialisation, la société retient à la source le montant de la dette du GPC sur la valeur totale de la production du groupement. Le surplus qui correspond au bénéfice réalisé par la production totale du GPC est remis aux responsables du groupement qui, en fonction de la valeur des intrants consommés par chaque producteur et de la valeur de sa production, remettent à chacun son bénéfice ou réclament le paiement de son déficit.

Le constat qui s'impose c'est qu'une situation d'impayé se répercute sur l'avoir de tous les membres du GPC. Ceux-ci doivent donc recourir à tous les moyens pour obliger les producteurs tombés en impayé à rembourser le solde négatif de leur production pour que chacun puisse être rémunéré à juste titre. « La situation serait moins dramatique si en produisant à perte on n'y laissait seulement que sa force de travail et son dur labeur », déplore un producteur tombé en impayé. Car, tous les producteurs déficitaires sont obligés de retourner dans leurs concessions respectives chercher de quoi s'acquitter de leur crédit. C'est ainsi que dans le département de

Diabo, à la fin de chaque campagne, comme l'avait remarqué le spécialiste de la question du coton A. SCHWARTZ, « des paysans sommés par le GPC de s'acquitter coUte que coUte de leur dette vont jusqu'à décapitaliser, en vendant au plus offrant (le plus souvent à vil prix comme cela se produit dans ces genres de situation), qui une charrette, qui un boeuf de trait - voire les deux de l'attelage - qui une mobylette » (SCHWARTZ, 1993). Ainsi, la situation des 200 000 cotonculteurs burkinabè de 2005 dépeinte par S. DIALLO pour illustrer la rentabilité du coton travestit la réalité. Soutenir que « les recettes nettes peuvent être estimées à 45 milliards de FCFA, soit en moyenne 225 000 FCFA par exploitant (revenu trois fois supérieur au seuil de pauvreté16) » ( www.abcburkina.net, article : pauvreté rurale et commerce international : le cas du coton, p.2) occulte des inégalités abyssales entre les producteurs déficitaires et ceux qui réalisent des bénéfices et l'extrême précarité occasionnée par le coton dans plusieurs ménages tombés en impayés. Ces impayés sont lourds de conséquences pour tout le ménage producteur qui y laisse toute sa force de travail et l'essentiel de ce qu'il avait de valeureux dans la concession. Cette double perte, comme le qualifie un producteur, doublée des vives pressions souvent exercées par des voisins ou des parents sont causes de nombreuses tensions sociales.

La situation d'impayé maintient le GPC et ses membres enfermés dans un cercle vicieux. Du fait de la compensation mutuelle des crédits, certains producteurs ayant une production excédentaire n'arrivent pas à récupérer l'intégralité de leur avoir en dépit des pressions exercées sur les uns et les autres. Car, comme il fallait s'y attendre, « il y a des producteurs tombés en impayé qui n'ont rien à vendre pour rembourser. Vous-mémes vous voyez qu'il aura de la peine à surmonter l'année parce que son champ de mil n'a pas donné grand-chose, explique un président de GPC. Alors on lui donne une chance de se rattraper ». Cela consiste à lui fournir des intrants afin qu'il produise dans l'optique de pouvoir rembourser, en plus du coüt des intrants de la nouvelle production, son ancien crédit. Cette solution fait parfois son effet, surtout si l'impayé était dü à une cause conjoncturelle. Aussi, ceux qui devraient avoir de l'argent et qui n'ont eu qu'une partie parce qu'ayant comblé le déficit des autres ont-il initié une nouvelle stratégie d'auto-remboursement. « Ils

16 Passage souligné par l'auteur lui-même.

prennent beaucoup d'intrants, ce qui alourdit le crédit du GPC, produisent peu et vendent le reste des intrants sur le marché noir pour recouvrer un peu ce que les autres leur doivent », explique le CC. Ainsi, le groupement évolue d'impayés en impayés et ces impayés, d'abord internes (au niveau individuel), finissent par devenir externes (à l'échelle du GPC), compliquant davantage la situation et les rapports sociaux deviennent tendus. L'illustration nous vient du GPC Saatenga II de Saatenga où, la crise battant son comble cette année, presqu'aucun membre du groupement n'a reçu un sou. Pour améliorer le recouvrement de ces crédits, il est interdit à ces genres de producteurs - ayant un impayé - de changer de GPC ; le groupement qui le reçoit est contraint au remboursement de l'impayé que le producteur doit à son ancien groupement. Il faut noter qu'au moment de notre passage au sein de ce GPC (dernier passage le 03/08/2007), des procédures judiciaires se dessinaient pour obtenir le remboursement du plus gros débitaire qui se trouve être le président dudit groupement.

VI.1.2. Les effets des subventions du coton : le contexte diabolais

Les subventions accordées par certains pays développés à leurs producteurs de coton font peser des menaces sur les filières coton africaines du fait des distorsions créées sur le marché mondial du coton. Ces subventions entraînent un lot de conséquences sur les pays qui ne peuvent pas se payer le luxe de subventionner leur agriculture. Il y a d'abord la volatilité du cours du coton : les subventions poussent les pays à produire davantage. La demande mondiale n'augmentant pas proportionnellement à l'offre ne peut qu'entraîner une chute du cours de la fibre. Ensuite, on peut noter la baisse des recettes à l'exportation et des revenus des producteurs. Des sociétés cotonnières ont vendu à perte leur fibre, le cours mondial étant inférieur au prix de revient. Il y a enfin la baisse de la croissance économique des pays producteurs. C'est se fondant sur ces conséquences désastreuses que les pays producteurs du Tiers Monde se sont alliés dans le cadre de l'OMC lors des deux conférences à Hong Kong et ä Cancun dans le but de mettre fin à ces subventions. . Pour le cas du Burkina Faso, cela a mis à mal la filière qui a du recourir cette année à une recapitalisation de son budget pour pouvoir faire face à ses besoins de production. Sa répercussion sur l'avoir paysan est notable.

Avant l'année 2006, le prix du coton au Burkina Faso était fixé à partir de 3 éléments essentiels : le prix plancher d'achat du coton graine, le fonds de soutien au prix plancher et la ristourne. Le prix plancher est le prix le plus bas auquel les sociétés cotonnières achetaient le coton. Il était fixé à 175F le kilogramme. Le fonds de soutien au prix plancher est un fonds de lissage, une sorte de compte bancaire qui devait permettre d'assurer la stabilité du prix d'achat aux producteurs lorsque le prix sur le marché mondial est inférieur au prix de revient du kilogramme de coton fibre (685 FCFA). Ainsi, un niveau de prix mondial inférieur à 685 FCFA commandait que le fonds de soutien, qui recevait l'argent des bénéfices de la SOFITEX, intervienne. Dans le contexte de ces dernières années marquées par les subventions du coton européen et américain qui ont provoqué la chute des cours mondiaux, ce mécanisme s'est révélé non viable pour les sociétés cotonnières. Ainsi, un nouveau mécanisme de fixation des prix a été adopté par l'AICB (Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina)17 en assemblée générale les 28 et 29 mars 2006. Il a mis fin à ce prix plancher de 175F et supprimé le fonds de soutien (le Producteur n°013, novembre 2006, pp17-18). Cela a permis le paiement du coton graine par les sociétés cotonnières à 165 FCFA le kg au producteur immédiatement la campagne suivante (2006/2007). Ce qui représente un manque à gagner minimal de 9000 F/ha au compte du producteur diabolais selon l'ancien mécanisme des prix qui venait d'être supprimé quelque mois plus tôt. Ce manque à gagner est plus important qu'il n'en a l'air quand on sait qu'il représente environ 44% du bénéfice escomptable du producteur diabolais à l'hectare et qu'à l'échelle du département, il correspond à une perte de 22,5 millions de FCFA au moins pour le compte de cette campagne 2006/2007 !

Dans ce nouveau contexte, l'or blanc est en train de perdre ses attributs en milieu rural. A ce facteur de réduction du revenu du producteur s'ajoute la hausse des coüts des facteurs de production. A l'entame de la campagne agricole 2007/2008 (campagne en cours), le prix du sac d'engrais NPK est passé de 12 950 FCFA à 13 200 FCFA. Concomitamment, le kilogramme de coton graine est passé de 165 FCFA à 145 FCFA. Dans ce nouveau contexte, chaque hectare de coton engage un crédit de 129 044 FCFA (ou 99 602 FCFA sans frais d'appareil). Alors

17 Composée de l'UNPCB et de l'APROCOB

qu'avec les conditions pluviométriques capricieuses (répartition très irrégulière et insuffisance) qu'a enregistrées le département à l'image de l'ensemble du territoire national, le rendement moyen prévisionnel tourne autour de 800 kg/ha. Dans ce contexte conjoncturel, le revenu net moyen se situe entre -13 044 et 16 398 FCFA. Si l'on ne perd pas de vue que le rendement effectif varie entre 1100kg/ha (des cas isolés) et 400kg/ha (où se concentre la majorité), il est évident que le coton fera beaucoup plus de malheureux à l'issue de cette campagne 2007/2008.

C'est conscient de cette perte de rentabilité du coton que les producteurs de Diabo ont commencé à abandonner la culture cotonnière. Sur 62 GPC à la fin de la campagne 2006/2007, seulement 38 GPC ont effectivement produit en 2007/2008. En terme de superficie, ce sont 924 ha cultivés contre 2500 ha la campagne précédente soit une baisse d'environ 63% des superficies de coton. C'est dire donc que 24 GPC, pourtant inscrits pour la campagne, n'ont pas semé un seul millimètre carré de coton. Beaucoup ont reçu la livraison en intrants mais ont jugé la situation inopportune aux lendemains de l'annonce de la baisse du prix du kg de coton et de la hausse du coût des intrants. Même au sein des GPC en liste dans la production, beaucoup de producteurs ont désisté, ce qui explique que sur une prévision de 1400 ha de production, seulement 924 ha ont été investis, soit un taux de réalisation de 66%. L'autre facteur explicatif de ces 34% de non réalisation est la logique de précaution qui consiste à limiter la production pour réduire au minimum les effets d'une éventuelle non couverture des crédits. C'est ainsi que le nombre de producteurs est passé de 2400 en 2006/2007 à 1150 à l'entame de cette campagne 2007/2008 soit un taux d'abandon de 52% environ et la moyenne de superficie par producteur est passée de 1,08 ha à 0,81ha/producteur.

Conscient de la réduction inéluctable des revenus des producteurs que commande cette nouvelle donne, la société (SOCOMA) a « volontairement suspendu certains groupements (GPC) petits producteurs d'ordinaire, ceux qui, même en conditions plus fastes, tombent en impayés ou réalisent de petits bénéfices, de

l'ordre de moins de 300 000FCFA, convaincu que ces GPC seront dans l'incapacitéde couvrir les coûts des facteurs de production maintenant», nous renseigne le C.C

du département. Les groupements ainsi suspendus sont sommés de rembourser les
coüts des intrants dont ils disposent par devers eux, les cas d'impayés des

campagnes précédentes sont aussi exigés auprès de ceux qui s'en sont rendus coupables. Face à la lenteur des producteurs (du fait d'un manque de volonté ou d'une incapacité à réunir au plus tôt les fonds nécessaires à ce remboursement), la voie retenue pour le recouvrement de ces fonds est la police qui parvient à contraindre le déditaire à la vente de certains biens domestiques selon une échéance sous peine d'emprisonnement, ce qui fait généralement recette.

Les ristournes18 sont difficilement comptabilisables en milieu rural diabolais. Sa valeur (montant attendue) n'étant pas directement perceptible au niveau paysan, elles font l'objet de fréquentes malversations de la part des responsables des GPC qui sont en général les seuls lettrés dans un milieu rural où le taux d'analphabétisme est très élevé au niveau adulte (chef de ménage). A l'échelle de nombreux producteurs enquêtés, ces ristournes constituent des sommes insignifiantes quand elles parviennent entre leurs mains même si les responsables enquêtés proclament une transparence irréprochable dans leur gestion. Ce qui ne souffre d'aucun débat, c'est qu'aucune réalisation (édifice ou matériel de quelque usage collectif que ce soit) n'existe sur le territoire départemental au nom des producteurs de coton. Sous d'autres cieux, ces ristournes dont une partie est retenue par l'administration locale, ont permis la réalisation de quelques infrastructures pour soutenir la décentralisation. Jusque-là, les bénéfices du coton s'apprécient au niveau strictement individuel dans le département de Diabo.

C'est l'ampleur de ces effets occasionnés par le nouveau contexte de subvention du coton du Nord qui a mobilisé les dirigeants et producteurs des pays se sentant lésés lors des deux derniers sommets de l'OMC (Hong Kong et Cancun). Mais les résultats obtenus lors de ces sommets restent mitigés et les quelques acquis connaissent des problèmes d'application. Le caractère controversé de la question des subventions à l'agriculture n'a suscité qu'un vain débat au sommet de Hong Kong en 2006, tellement vain que le 24 juillet 2006, Pascal LAMY, directeur général de l'OMC déclarait la suspension pure et simple des négociations sur l'agriculture. Mais selon le Ministre brésilien des affaires étrangères, les discutions se sont poursuivies dans d'autres espaces et les signes d'une reprise des pourparlers

18 Prix d'achat complémentaire lié à l'évolution favorable des prix de la fibre sur le marché

se multiplient. « Nous avons retiré le malade de l'unité de soin intensif et il est à l'infirmerie », ironisait-il aux colonnes du journal Le monde.

VI.2. Gestion du revenu du coton

L'argent généré par le coton est utilisé selon plusieurs trajectoires de consommation.

VI.2.1. Les principales allocations

Quoiqu'on dise, le coton injecte de l'argent dans les ménages ruraux. Si d'un côté on peut noter les effets dévastateurs d'une production déficitaire sur un ménage ou sur un GPC entier, il convient aussi de noter que d'un autre côté, les gros producteurs arrivent à se faire des bénéfices. Alors, quel rôle joue cet avoir dans les ménages ?

Une ambiance de fête règne au sein des ménages cotonculteurs le jour de la perception de l'argent du coton. C'est le constat général qui se dégage chez les producteurs qui entendent ainsi récompenser les membres de la famille pour leur participation à la production du coton vendu. Les postes de dépenses sont multiples et les chefs de ménage ne retiennent que ce qui est notable. Par ailleurs, il nous est impossible de disposer du montant des allocations par poste, les paysans euxmêmes s'étant montrés incapables de l'estimer quand nous le leur avons demandé.

Ainsi, l'argent du coton est utilisé dans la construction. Les maisons (de 10 tôles surtout) ont proliféré sur le sol diabolais ces dernières années. Du fait du coût très élevé du ciment, les producteurs déclarent se rabattre sur le banco, les briques ne coütant aucun sou. Ces maisons, bien qu'abritant la famille, servent de moyens de production pour ces cotonculteurs qui expliquent leur importance par les besoins de stockage de coton, avant le transfère sur le marché, contre les vents de saison sèche qui salissent le coton et la rosée qui le rembrunit, toute chose qui affecte sa qualité. Elles servent aussi de lieu de stockage des intrants ou du restant de ceux-ci après la campagne de production. Ce qu'il convient de noter c'est que cette tendance à la construction moderne n'est cependant pas le fait des seuls cotonculteurs ; elle touche toutes les concessions en milieu rural diabolais. En réalité, nous répond ce non producteur, « c'est parce qu'il est devenu difficile

d'entretenir une maison en toit de chaume ». En effet, la chaumière d'une maison nécessite un renouvellement tous les ans, aux meilleures des conditions tous les deux ans sinon « quand il vente, du sable provenant des nids des termites vous emplissent les yeux et les oreilles, et l'eau de pluie s'infiltre à travers le toit vous empêchant de dormir et abîmant vos effets», poursuit-il. Avec la raréfaction des brousses des environs où le moindre lopin est maintenant exploité ou en surpaturage, les paysans sont dans l'incapacité de trouver les herbes indiquées pour ces toitures. Et « comme le secco rivalise de coût avec les tôles (1500 FCFA le secco, renouvelable chaque année contre 2500 FCFA la tôle non renouvelable), il est donc plus rationnel de construire avec les tôles », fait remarquer ce chef de ménage de douze (12) personnes.

Un autre domaine où s'affirment les producteurs de coton est l'acquisition de moyens de déplacement. Ces moyens de déplacement se résument pour l'essentiel aux motos (JC, Sanili, Sukida, King, CG, TVS, et Mate dans la plupart des cas) dédouanées ou non en provenance de Sinkansé. C'est un domaine où les cotonculteurs ont la quasi exclusivité, plus précisément les grands producteurs. Ces motos sont à l'honneur pendant les premières heures de la récolte du coton, moment aussi où elles font de nombreuses victimes accidentées, nous apprend ce producteur propriétaire d'une moto Sukida. Mais dès le mois d'avril ces motos disparaissent de l'aire départementale pour ne plus sortir que très occasionnellement marquant la fin de l'argent du coton. Pour l'acquisition de ces engins, beaucoup d'autres biens sont vendus en complément, des biens parfois acquis lors de campagnes agricoles précédentes au regard de la modestie de l'avoir du coton par campagne.

Egalement, un lot essentiel de dépenses est constitué par les funérailles et les mariages. En effet, les funérailles et les mariages sont des manifestations où on enregistre un grand étalage de faste. Le revenu de nombreux producteurs reste dans l'une ou l'autre de ces manifestations où, dit-on, c'est l'honneur qui est en jeu. Que ce soit les funérailles d'un membre de sa famille ou de la belle-famille, il faut forcer l'admiration et l'estime des autres. Tout se passe comme si l'argent du coton est par essence un facteur de mégalomanie ou qu'il est destiné à être utilisé pour se construire une image plutôt que pour la consommation de tout le ménage. C'est ainsi que certains produisent du coton une seule saison ou deux seulement parce qu'ils ont des funérailles ou un mariage en vue. Ces cas sont légions dans le département.

C'est pourquoi le statut de cotonculteur va de paire avec l'ostentation, le faste et la vanité hors du cadre familial. Ce poste concentre toutes les catégories de producteurs, les grands comme les petits qui ont réussi une marge bénéficiaire.

Il y a enfin la scolarité des enfants, les besoins de santé et les achats de bétail (remplacement généralement) et de vivres. Pour ce qui est de la santé, il faut noter une condition physique assez faible chez certains producteurs (petits comme grands) surtout les membres qui traitent aux pesticides les parcelles. La chose la mieux partagée chez ces gens est les maux de tête, les maux d'yeux et les nausées du fait de l'inhalation par les traiteurs des produits utilisés. Quoi qu'il en soit, les besoins de santé n'occupent pas une place centrale dans l'allocation des revenus des producteurs, pas plus que la scolarité des enfants. Ces maladies étant récurrentes et généralisées au niveau des producteurs, ils préfèrent rester à la maison dans la plupart des cas. Le degré de scolarisation des enfants ne permet pas de faire un distinguo entre les familles productrices et non productrices. On ne peut vraiment pas dire que les ménages cotonculteurs ont plus accès aux services de santé et à la scolarité que les autres du moment où la disponibilité financière ne dure que d'un ou deux mois au plus. Pour le restant de l'année, tous les paysans sont soumis aux mêmes conditions de rareté et les non producteurs ont parfois même de meilleures prédispositions que certains producteurs déficitaires. Quant au bétail et au mil, c'est aussi un domaine relativement marginal car de façon générale, on n'achète de bétail que parce qu'on a perdu un de trait ou qu'on n'en avait pas. Sinon pour le renouvellement, on n'utilise pas l'argent du coton mais celui de l'ancien qu'on a vendu. L'embouche n'est d'ailleurs pratiquée que par quelques commerçants isolés qui ne sont d'ailleurs pas cotonculteurs. Pour ce qui est du mil, il n'y a que ceux qui ont une production céréalière visiblement déficitaire qui en achètent dès perception de l'argent du coton, principalement les petits producteurs.

Il est essentiel de faire le constat selon lequel chez tous les enquêtés, les frais des réalisations à chaque campagne ne touchent qu'une partie du revenu, à peine 75% de l'argent perçu. Tous ont une même grille d'allocation : « tu donnes un peu à chaque dépendant et tu gardes le reste pour un usage à bénéfice collectif. Car si un problème survient dans la famille, le dépendant n'est vraiment pas engagé. C'est le chef de ménage qui doit régler. Mais si tu ne donnes rien aussi, personne ne voudra

cultiver avec toi la campagne suivante », explique un chef de ménage producteur. Ce geste de redistribution se résume « généralement [à] un billet de mille (1 000) francs CFA ». C'est cette même modalité de gestion que l'on rencontre chez tous les producteurs. Peut-on parler dans ce cas d'épargne sécurité ? Aucunement. Aucun enquêté ne déclare confier son argent à la Caisse populaire de Diabo dont tout le monde sait l'existence. « Ce que nous gagnons ne suffit même pas à nos besoins immédiats. Et puis la caisse, ce n'est pas avantageux. Un truc qui n'augmente pas mais diminue au contraire, ce n'est pas facile », développe un enquêté. Pour preuve, à la date du 28 février 2006, la caisse populaire de Diabo comptait 485 clients individuels dont 387 hommes et 98 femmes (DRED : Monographie de la commune rurale de Diabo). Cette somme de réserve reste donc sous la protection et à l'initiative du chef de ménage. Pour certains, c'est pour que le chef de ménage puisse régler ses petits problèmes et gagner de temps en temps quelque chose pour renouveler sa force de travail. En réalité, cet argent est consommé dans un cadre extra familial. Une autre partie de l'argent va au remboursement des dettes annexes contractées pour le besoin de la production ou pour autres besoins. Ainsi, le chef de l'UP, maître de la production, reste maître de la gestion de son argent.

VI.2.2. De nouvelles pratiques sociales

Sur l'aire départementale, un nouvel environnement social se développe avec la production cotonnière comme point de rattachement. En effet, un mode de salutation s'est installé avec un sens spécifique. A partir des campagnes de commercialisation, « les cotonculteurs, pour saluer quelqu'un de loin, ne lui lèvent que leur main gauche », nous confie ce non producteur de la quarantaine d'age entre deux éclats de rire. La pratique serait considérée comme une simple fantaisie si elle n'était pas généralisée au sein des cotonculteurs et que les non producteurs ne s'en défendaient pas. Cet état de fait a trouvé confirmation chez tous nos enquêtés, producteurs ou non. Pour les producteurs, c'est un moyen d'affirmer leur identité, de se démarquer des autres paysans exclusivement céréaliculteurs. «C'est parce que les cotonculteurs des premières heures roulaient à moto, explique un cotonculteur de la trentaine d'age, adepte de ce comportement. Et comme en conduisant on ne peut pas soulever sa main droite, ils levaient leur main gauche pour saluer les gens. Les gens en ont conclu que c'est pour dire qu'ils ont l'argent maintenant qu'ils se

comportent ainsi. Alors, nous aussi, quand on prend l'argent de notre coton, on
reproduit le même geste de salutation de la gauche même quand on marche. Là, tout

le monde sait que tu es cotonculteur et que tu ne crains rien actuellement même siau fond tu n'as pas gagné grand-chose dans cette production. Mais personne ne sait

combien tu as gagné ! Ça amuse certains non producteurs, ça fâche d'autres mais on s'en fou ». Si certains tiennent à afficher leur statut de cotonculteur, c'est parce qu'il y a une certaine image valorisante qui accompagne ce statut. Si les non producteurs n'exploitent pas cette grille identitaire c'est parce que du point de vue de beaucoup d'entre eux, l'image du producteur de coton est entachée de réalités non enviables. Les ménages producteurs constituent à leurs yeux des lieux « de misères en période de soudure, de mauvaises rations alimentaires et d'instabilité permanente » occasionnée par l'argent du coton et les écarts de conduite que cela occasionne.

A côté de cette nouvelle forme de salutation, on note une résurgence et une nouvelle orientation de la polygamie et du statut de la femme dans le ménage. Ce n'est pas un phénomène universel chez les cotonculteurs mais a une proportion non négligeable. La polygamie n'est pas non plus un phénomène nouveau mais l'orientation est nouvelle. Au regard du caractère extensif de la production, la quantité produite est corrélée à la superficie exploitée à cet effet. Ainsi, incapables de s'attacher les services d'une main d'oeuvre rémunérée, les producteurs voient en la femme une alternative avec ce double avantage qu'elle constitue une force de travail et productrice de force de travail (les enfants). Ainsi, la femme, autrefois motif de fierté, de prestige et de richesse, est devenue aujourd'hui un facteur de production. C'est sans doute ce statut qui écarte la femme de la gestion des revenus du coton, alors que sa participation est paritaire avec celle de l'homme dans la production de ce revenu ; car il peut arriver qu'elle ne gagne rien alors qu'elle participe à l'effort de sortie de crise dans des situations d'impayés ou de disettes.

Il y a enfin ce que l'anthropologue R. BENEDICT a appelé la "tendance à la paranoïa mégalomaniaque"19. Sur l'espace diabolais, toutes les opportunités d'affirmation de soi sont exploitées pour se fabriquer une identité ou pour la

19 Claude MEILLASSOUX, 1997, p.182

réhabiliter. C'est ainsi que lors des cérémonies de mariage « on fait danser des gens des jours entiers avant et après la cérémonie. Si tu prépares du riz local, les tentes de ta femme vont bouder et plier bagages. Les gens ne vont pas manger et vont te chanter en guise de comparaison lors de cérémonies plus somptueuses », témoigne ce jeune producteur nouveau marié qui dit y avoir laissé l'intégralité de son avoir cotonnier. Cette pratique n'est plus le seul fait des cotonculteurs depuis ces trois dernières années. Jusqu'à cette date, on se représentait différemment les cérémonies des producteurs et des non producteurs avec des attentes différentes. Mais aujourd'hui, tout le monde essaie de suivre la tendance, d'emprunter cette voie de la grandiloquence pour ne pas s'avouer inférieur. Chacun y joue son identité et son rang car « le capital financier brûlé établit ou développe le capital social, la renommée personnelle. Outre la hiérarchie des pouvoirs et des fortunes, ces manifestations engagent la hiérarchie de l'orgueil : chacun, qu'il veuille ou non, y joue son rang » (VIDAL, 1991, p.10). Les gestes symboliques y ont acquis une valeur vénale et les sommes symboliques se décuplent à volonté. S'en est de même des funérailles et bien d'autres rituels.

Ainsi, les cotonculteurs sont devenus des acteurs d'une mutation sociale orientée vers la pleine monétarisation des actes de la vie sociale. « On ne se marie plus quand on peut gérer une femme mais quand on peut imprimer son mariage en lettre d'or dans la mémoire collective. Là où il faut donner selon l'usage un quartier de mouton, il faut y donner un mouton entier. Là, on s'en souviendra ; et demain on en voudra à celui qui agira selon l'usage », constate un vieux de 55 ans, chef d'un ménage céréaliculteur avant de conclure que « c'est pour cela que l'on dit que l'argent dénature l'homme, l'argent se substitue aux us et coutumes. On ne fait plus ce que la société autorise mais ce que sa poche autorise ».

En résumé, nous pouvons retenir que la production cotonnière s'inscrit dans une logique stratégique dans le milieu rural diabolais. Elle ne se justifie donc pas par la valeur intrinsèque de l'argent qu'elle génère. Le constat qui s'impose c'est que :

a. quand la production cotonnière est déficitaire, c'est-à-dire que si la

production d'un ménage ne couvre pas le coüt des intrants, le coton est
source de ruine, de misère sociale et, en expropriant le ménage de ses

biens qu'il brade pour s'acquitter de son crédit, le ménage se trouve

enfermé dans une précarité pour de nombreuses années.

b. quand la production couvre le coût des intrants et que le ménage

réalise un bénéfice, cet argent du coton se retrouve incapable d'améliorer les conditions de vie du ménage ; les dépenses étant orientées vers l'ostentation, le prestige et le faste.

En tout état de cause, le coton n'est pas un facteur de développement du monde rural diabolais. Au contraire, il est un facteur de précarisation des conditions de vie des ménages producteurs diabolais.

CHAPITRE VII : COTON ET DEVELOPPEMENT DURABLE

Au regard du caractère stratégique du coton en milieu rural diabolais certaines conjonctures rendent sa production nécessaire pour le ménage. C'est le cas des producteurs occasionnels. Dans le contexte socioéconomique du milieu rural diabolais, le coton se présente parfois comme le seul recours. Mais quels enjeux le fait pour les paysans de se rabattre sur l'or blanc soulève-t-il ?

VII. 1. Le coton à l'aune du développement durable

Dans le milieu agricole, l'espace constitue le premier facteur de production. Entendu comme surface, c'est la variable sur laquelle jouent tous les producteurs en fonction des objectifs de la campagne au regard du caractère extensif de la pratique agricole. En tant que tel, l'espace constitue un enjeu majeur en milieu agricole diabolais où ses besoins selon différents usages se sont accrus au cours de cette dernière décennie.

VII.1.1. De la sécurité foncière

Traiter de la consommation spatiale revient à considérer deux phénomènes essentiels : d'un côté les superficies exploitées ou le nouveau système d'exploitation de l'espace dicté par la production cotonnière, et de l'autre l'action de cette production sur les sols et sur l'environnement rural en général. En effet, avant l'enracinement de la culture du coton que l'on peut situer autour des années 1997, la disponibilité des terres permettait aux paysans de faire de longues jachères. De nouveaux champs étaient défrichés mais en proportion avec l'ancienne parcelle qui vient d'être libérée, ce qui était sans incidence sur les superficies libres de toute activité agricole. C'était une stratégie qui participait de l'organisation fonctionnelle de l'espace. Cette organisation tournait autour de deux fonctions essentielles complémentaires : l'agriculture et l'élevage. A partir de la vulgarisation du coton en 1997 dans le département, de plus grandes sollicitations sont observées sur l'aire départementale en matière de terres cultivables. Les producteurs, éleveurs ou non,

se rejoignent quant à la perception de la raréfaction des espaces libres. En effet, « dès qu'un paysan commence à goUter à la liquidité que procure le coton et qu'il réussira à se procurer une force de traction animale, il commence à étendre son champ pour augmenter ses superficies en coton », constate un éleveur non producteur. Ainsi, depuis le début des années 2000, de vastes périmètres supplémentaires sont défrichés dans les brousses diabolaises. Mus par le mirage cotonnier, de nouveaux ménages se créent dans les familles étendues. Tous ces nouveaux se lancent dans de nouvelles défriches de grande envergure chaque année. La jachère devient impraticable dans cette atmosphère de pression foncière.

Pour ce qui est de l'effet de la culture du coton sur les sols, les paysans du département semblent en avoir la pleine mesure. Pour eux, il est indéniable que le coton « tue » le sol. Le phénomène semble plus important si l'on ne perd pas de vue que ces paysans, sans expertise, ne se basent seulement que sur des manifestations perceptibles à l'oeil nu et observables à court terme, en l'espace de deux ou trois campagnes. Les éléments reconnus responsables de la dégradation de ces sols sont l'engrais et les produits phytosanitaires. En effet, il est donné de constater sur les champs diabolais un durcissement des parcelles affectées à la production cotonnière. « Les espaces où nous utilisons de l'engrais durcissent sérieusement dès les campagnes suivantes menaçant même de devenir une clairière. Le sol devient lourd au labour et le travail à la daba très laborieux au bout de quelques années », témoigne un producteur de la quarantaine d'age au milieu de son champ de coton et qui nous apprend qu'il a choisi cette parcelle pour son début dans la production cotonnière parce qu'elle était molle et agréable à cultiver, pour être sûr de ne pas manquer son entrée dans le coton. Mais six (06) campagnes après, « cette parcelle est devenue la plus dure de ma propriété et la plus sensible à la moindre sécheresse », constate-t-il malgré sa pratique de la rotation sur culture.

Des effets négatifs sur l'environnement, il n'y a pas seulement que l'engrais qui les produit. Il y a aussi les autres produits phytosanitaires. « Nous n'avons pas d'outils d'analyse mais il est clair que les produits tuent nos sols. D'ailleurs les ATC déconseillent l'utilisation de certains produits l'année suivante si vous les avez utilisés cette année », argumente un producteur. Pour les paysans du département, producteurs ou anciens producteurs, la dégradation du sol par les produits

phytosanitaires ne souffre plus de débat. Certains producteurs en veulent pour preuve le fait que les ATC prescrivent de limiter la production cotonnière consécutive sur une même parcelle à un maximum de deux (2) fois ; il faut changer obligatoirement de place la troisième année. Ceux qui ont déjà enfreint la règle déclarent avoir caressé le désespoir. Un producteur s'en souvient en ces termes : « le coton se comporte très mal, la plante elle-même est très malade et peine à grandir quel que soit votre apport en engrais et les différents traitements phytosanitaires. Tu vois profiler la ruine à l'horizon avant méme la récolte. C'est la perte assurée ». En réalité, c'est parce que le cotonnier est une plante pivotante. Ses puissantes racines lui permettent d'aller chercher loin les nutriments enfuis dans le sol. Deux années de culture successives suffisent au cotonnier de puiser une bonne partie des composantes organiques du sol ; composantes avec lesquelles l'engrais a besoin de se combiner pour produire son effet. C'est pourquoi à la troisième année l'engrais se trouve incapable de soutenir la plante, la faible teneur des composantes organiques du sol ne favorisant pas une bonne combinaison. Quoi qu'il en soit, cette situation nous renseigne sur les effets du cotonnier lui-même sur les sols. C'est pourquoi, selon le C.C du département, « prescription a été faite aux producteurs de brûler les emballages après utilisation pour éviter de dégrader l'environnement et d'intoxiquer l'entourage, et aussi d'éviter de laver les matériels de pompe dans les marigots pour éviter l'intoxication des hommes et des animaux ». C'est le volet sensibilisation de la mission de son équipe.

Nonobstant cela, un producteur de 42 ans à la tête d'une unité de production formée de sept (7) personnes et en migration saisonnière dans une brousse à forte densité cotonnière soutient être convaincu d'une chose : «les malaises, les nausées et les maladies bizarres qui nous attrapent pendant notre séjour au champ en saison pluvieuse et qui nous poursuivent parfois même en saison sèche au village ont pour cause les pesticides répandus dans les champs de coton et transportés par les eaux de ruissellement vers le marigot où tout le monde puisse de l'eau de boisson ». Il est conforté dans sa conviction par le fait que les techniciens prescrivent de reprendre le traitement d'un champ de coton en cas de survenance d'une pluie dans les douze (12) heures suivant le traitement. C'est la preuve que les eaux pluviales sont efficaces dans le lessivage des plantes de coton et que ce sont ces eaux provenant des champs qui emplissent les marigots. Alors que pour l'ATC de Tangaye, « ces

produits sont dégradables au contact avec la nature. Les effets toxiques de ces eaux de ruissellement sont donc réduits au néant parce que les toxines s'infiltrent dans le sol ». Ce qui est sûr, que ce soit le sol qui absorbe ces toxines (et se dégrade) ou qu'elles parviennent au marigot et fragilisent l'organisme humain, leur caractère offensif dans l'environnement rural n'en est pas moins établi. Le producteur lui-même - ainsi que son entourage - n'est pas à l'abri.

Par ailleurs, les ATC conseillent aux paysans de « se couvrir entièrement, se masquer et laisser les vétements qu'ils ont utilisés pour le traitement loin des autres effets d'habillement pour un nettoyage et se laver correctement après l'épandage des pesticides ». Malgré cela, ces derniers causent migraines, diarrhées et nausées à chaque séance de traitement, lesquels maux se prolongent pendant quelques temps voire pendant toute la durée de la campagne de production. Ce sont là du moins les maux dont le producteur peut faire le rapprochement direct avec les produits phytosanitaires sinon, témoigne un groupe de producteur, « quand tu souffres d'un malaise et tu arrives au CSPS, on te dit : vous les hommes de coton-là, c'est le coton qui va vous tuer. On sait qu'on a mal mais on ne sait pas exactement ce qu'on a ». Il est à noter qu'il n'existe pas pour les paysans un matériel de protection standard, chacun se déguisant au gré de ses caprices et de ses inspirations. Dans cette zone, chaque année, des paysans sont victimes d'intoxication involontaire. « L'année passée, on m'a transporté dans un état quasi cadavérique de mon champ jusqu'au CSPS qui était à plus de 15 Km. Le voisin qui est là (il indexe son voisin de derrière) a subi le même sort. Dans notre brousse à Tampeelgo, il y a une famille de sept (7) personnes qui a été terrassée par le produit. Heureusement ils n'en sont pas morts mais en sont sortis très affaiblis », témoigne un producteur de 38 ans sous des éclats de rire des autres membres du groupe. Les situations dépeintes dans ce témoignage, même si elles sont la résultante d'un manque d'attention, n'illustrent pas moins que ces produits restent source de danger et constituent un réel danger dans l'environnement rural diabolais. Le BIT estime qu'environ quarante mille (40 000) personnes, quasi exclusivement des paysans des Etats du Sud, meurent chaque année à la suite d'une intoxication due aux pesticides et chiffre entre trois (3) et cinq (5) millions le nombre de paysans gravement atteints (LE CLECH, 1998, p.106). L'Agronome français Bernard LE CLECH (1998) dans ses recherches sur l'agriculture et l'environnement est parvenu aux conclusions

selon lesquelles les intrants agricoles provoquent la contamination des eaux (eau de surface ou aquifères profonds) par ruissellement ou infiltration dans le sol, la contamination de l'air par évaporation des produits phytosanitaires. Tout cela a de multiples incidences sur la santé humaine : effets mytogène, tératogène, perturbation du système immunitaire, baisse de la fertilité (p.103).

Somme toute, nous pouvons établir le constat selon lequel le département évolue vers une insécurité foncière. L'invasion croissante des brousses du département, les grandes défriches, en somme la grande consommation spatiale que commande la production cotonnière d'une part et les effets que cette production a sur ces grandes superficies en terme de dégradation d'autre part nous confortent dans cette logique. La région du Bam autrefois zone à forte intensité cotonnière et aujourd'hui timide en agriculture même vivrière ou encore le Nord burkinabè où il y a environ 40 ans le coton était produit constituent une illustration parlante (SANOU, 2001). Les paysans diabolais eux-mêmes semblent en avoir pris conscience. « Nous sommes sûrs que nous connaîtrons un problème foncier à partir de quelques années seulement, se soucie un producteur, nos champs se dégradent. C'est clair. Mais nous espérons que cela freinera avec une vulgarisation du fumure organique qui pourrait remplacer l'engrais chimique ». Ce témoignage montre que non seulement les producteurs ont connaissance du phénomène mais aussi qu'ils en connaissent l'origine. Ce producteur dit ne pas connaître Bobo mais « selon ce qui se dit, les terres y sont complètement foutues à cause du coton. Les rendements, autrefois très élevés, sont aujourd'hui bas ». Cette situation de dégradation des sols des Hauts Bassins par les engrais chimiques trouve confirmation chez YARO (1986) qui s'est intéressé à l'impact des cultures de rente dans l'ORD des Hauts Bassins. A ce niveau, il faut noter la non utilisation de la fumure organique dans les champs de coton à Diabo. Les fosses fumières sont quasi inexistantes et les ordures ménagères ne profitent qu'aux champs de case, les seules parcelles de maïs et de sorgho. Un autre fait important est la fragilisation de l'environnement paysan. Il n'est aujourd'hui un secret pour personne que le traitement aux pesticides est source de cancer à long terme. Dans l'immédiat, les pesticides (les nausées et autres maux de tête ou d'yeux) rendent vulnérables les ménages producteurs et parfois non producteurs qui subissent indirectement les effets de ces produits dans les champs de village.

Ainsi, la production cotonnière, en s'attaquant à l'élément basique de l'organisation socioéconomique du milieu rural, n'en est pas un facteur d'émergence soutenable. Cet état de chose n'est pas étranger au Directeur de la production de la SOCOMA - Ali COMPAORE, aujourd'hui Directeur Général de la société - qui parle d'« imposer d'autres modes de culture, promouvoir les semis directs pour travailler moins le sol pour le dégrader moins ainsi que le reboisement ou la revégétalisation des sols pour s'inscrire dans le développement durable » (Interview diffusée sur les ondes de la radio Pulsar FM de Ouagadougou le Samedi 17 Juin 2006 à 8h 30mn).

VII.1.1.1. De la sécurité sociale

L'agriculture est une activité complètement soumise au gré des caprices de la nature tels les aléas climatiques, les invasions d'insectes et d'autres ravageurs. Pourtant la vie sur ces espaces est centrée sur cette agriculture qui constitue à la fois source de subsistance et de revenus. Pour se prémunir contre ces éléments non prévisibles, des stratégies ont été développées dans le milieu paysan diabolais. Il s'agit notamment de la constitution de stocks de céréales et de l'achat de bétail, les boeufs essentiellement. Cette épargne sécurité pratiquée depuis des lustres sur cet espace social a permis à cette communauté de surmonter des situations imprévues qui auraient pu menacer son existence. Mais dans le nouveau contexte d'expansion croissante de la culture du coton, cette stratégie de survie se trouve mise mal à l'aise par la nouvelle logique de production et de consommation que cette culture impose aux ménages sur ces espaces.

VII.1.1.2. / IPSDUJ - sPFXUitP

L'enracinement croissant du coton s'est manifesté par une croissance des superficies emblavées pour le besoin du coton d'une part et par une croissance aussi spectaculaire du nombre de producteurs d'autre part. Au regard des logiques de production que commande la production cotonnière, la stratégie de prévention des risques se trouve mise à mal. En effet, avant la conquête des champs diabolais par le coton, soutient un groupe de paysans, on trouvait du mil vieux de deux (2) ans sur les places du marché provenant directement de greniers. C'est dire donc que toute la production de la dernière campagne hibernait encore dans les greniers et constituait

une sorte d'assurance vie pour le ménage. Ce sont ces réserves qui répondaient aux besoins socioculturels tels les mariages, les funérailles, les actes de solidarité, etc. Ainsi, le ménage est rassuré de pouvoir surmonter une campagne agricole complètement manquée.

Deux facteurs concourent à l'explication de la disponibilité de ces stocks. D'une part nous avons la faiblesse des prix des produits céréaliers. En effet, la relative généralité de la disponibilité ne peut que maintenir les prix céréaliers à un niveau bas, ce qui n'incitait pas à vendre. D'ailleurs, la disponibilité de ces stocks constituait un prestige. Elle signait l'importance sociale et gouvernait en partie les alliances matrimoniales. Les granges disposées à l'entrée des concessions rendaient compte du degré d'aisance de la famille. D'autre part, il y a la consécration totale du temps de travail à la production vivrière. La concurrence dans le calendrier cultural se trouve réduite au minimum. Ce sont certains produits céréaliers (arachides, haricot notamment) qui étaient offerts sur le marché pour répondre à certains besoins financiers, l'autre partie destinée à la consommation du paysan. D'ailleurs, les besoins financiers étaient résolus par la vente du petit bétail. Le paysan concentrait donc tous ses efforts et toute son attention sur les céréales dont il ne limitait pas la production du moment où le surplus agricole constituait un motif de fierté et une stratégie de survie. Mais les moyens de stockage aléatoires rendent difficile la conservation des vieux stocks de céréales pendant longtemps. Le second élément de cette épargne sécurité consiste en la vente de ces vieux stocks ou du simple surplus vivrier pour acquérir du gros bétail, les boeufs notamment (du fait que ces derniers sont moins attaqués par les maladies que le petit bétail et comme un investissement à long terme) ; cela aussi pour prévenir les menaces des feux de brousse dans les hameaux de cultures et autres champs à migration saisonnière où sont disposées certaines granges, ou encore dans le but de fructifier ces réserves. Ces boeufs, même si certains les gardaient chez eux aux bons soins de leurs enfants, la majorité de ces troupeaux étaient confiés aux Peulh. Une relation d'interdépendance s'installait ainsi, une forme de contrat. Il est opportun de noter que les Peulh du département ne sont pas de producteurs vivriers à proprement parler. Ils ne produisent que du maïs et une variété de sorgho (appelée mil de Peulh) sur de petites superficies fumées par le troupeau. Cette faible production parce que le ménage peulh dans cette localité est essentiellement nucléaire, doublé du fait que

même dans le nouveau contexte de mutation socioéconomique, la femme peulh ne cultive pas la terre. Donc, c'est le même berger qui est en même temps paysan en attendant d'avoir de grands enfants qui soient à mesure de garder le nombreux troupeau. Au regard de cet état de fait, le contrat consiste pour le producteur qui confie son troupeau au Peulh à accorder prioritairement la vaine pâture aux animaux de son berger et surtout à veiller à ce qu'il ne meurt pas de faim en lui fournissant un peu de vivres de temps à autre. En retour, le Peulh veille à la pérennité du troupeau du paysan confié à sa garde et à fumer son champ en saison sèche. Le paysan est aussi associé au règlement des dommages causés par le troupeau de son berger. C'est cette complémentarité qui régissait tant bien que mal l'agropastoralisme du département jusqu'aux lendemains des années 90 où le coton a commencé à s'affirmer.

Ce qu'il convient de noter, c'est le primat du symbolique sur l'économique dans l'élevage des paysans de Diabo. Comme le témoigne ce vieil agriculteur, « on n'élève pas les boeufs pour vendre. Pour la vente il y a le petit bétail. Seule la survenance d'un phénomène susceptible de menacer la survie du ménage peut envoyer un boeuf au marché ». La possession d'un parc de boeufs est un signe de grandeur et un motif de fierté : c'est un prestige. Le troupeau joue aussi un rôle dans la force de traction pour le labour et dans le maintien de la fertilité du sol dans cette zone où l'engrais chimique n'est utilisé que pour le coton. Seuls des commerçants isolés pratiquent l'élevage commercial (l'embouche pour le marché extérieur, principalement le Togo).

VII.1.2. La réorganisation socio-spatiale

L'avènement, du moins l'adhésion massive à la production de l'or blanc a des effets induits sur l'organisation socio-spatiale du milieu rural diabolais. En effet, l'augmentation des superficies pour les besoins du coton et l'investissement de nouveaux terrains par les nouveaux producteurs ne sont pas sans incidence sur la distribution des terres selon leurs fonctions. Cet état de fait a bouleversé le système qui régnait il y a seulement une décennie. En effet, peu avant l'implosion de la culture cotonnière, les longues jachères étaient une stratégie au service du pastoralisme. Notons que le pastoralisme est très développé dans cette localité. Les

agriculteurs-éleveurs rivalisent de bétails avec les Peulh, pasteurs par essence. Ces derniers, de par leur importance numérique, participent à la réforme spatiale de ce territoire. Ils font partie intégrante de la vie socioéconomique du département.

En ne perdant pas de vue que le bétail ne se vend qu'en extreme nécessité et que de nouvelles acquisitions sont faites, il est indéniable que le cheptel du département croît. Parallèlement, ne perdons pas de vue que le coton conquiert lui aussi de nouveaux espaces chaque année sans en libérer d'anciens, appuyés par les nouvelles pratiques culturales. Ainsi, le nouvel ordre agropastoral diabolais est régi par deux (2) éléments contradictoires : le cheptel est en augmentation alors que la surface des paturages est en pleine diminution. L'élevage étant de type extensif, il implique une possibilité de mobilité, un déplacement des zones à fortes concentrations vers des zones actuellement peu exploitées qui se trouvent être les zones également recherchées par les producteurs. On assiste alors à une occupation concurrentielle des terres, avec ses effets induits. L'implosion du coton dans le département, rendant l'élevage indispensable (besoins en force de traction dans l'attelage), le circonscrit dans une logique de pression foncière (surpâturage) aux effets environnementaux non négligeables. Des pistes pastorales sont investies à des fins agricoles, toute chose qui est, directement et indirectement, à l'origine des conflits récurrents dans le département entre agriculteurs et éleveurs.

Au regard de tout cela, nous pouvons retenir que la production cotonnière, fortement encrée dans cette zone, fait obstacle à la constitution de stocks de sécurité et à l'élevage en tant que stratégies d'épargne (de sécurité ou de survie) de ces paysans au regard de l'incertitude et des conditions précaires qui prévalent dans ce milieu. En tenant compte du fait que l'épargne monétaire n'est pas pratiquée par les paysans, le coton, même en procurant du revenu à ces ruraux, affecte fortement leur capacité à réagir face à la survenance d'un événement ou risque naturel. Vue sous ce jour, la production cotonnière est un facteur d'insécurité et de vulnérabilité du monde paysan diabolais.

VII.2. Le phénomène coton dans la vie sociale

Dans le nouveau contexte socioéconomique du département, le coton occupe une place de choix dans les logiques de production. En tant qu'activité commerciale, les opportunités dont il bénéficie justifient le rôle secondaire que les producteurs attribuent aux autres productions. Avec sa capacité mobilisatrice de liquidité dans ces milieux, la production cotonnière a révolutionné les moeurs et les usages de ce groupe social.

VII.2.1. De l'exacerbation des fléaux sociaux

Il est indéniable que le coton génère des devises et que dans le département de Diabo, ces revenus sont aussi importants au regard des caractéristiques économiques du milieu. Mais l'argent généré par le coton est-il un facteur d'émergence du monde rural diabolais ? Insuffle-t-il le développement dans les ménages producteurs ? La considération du mécanisme de gestion du revenu du coton est primordiale dans l'appréciation des effets sociaux de cette gestion. En effet, dès la perception de l'argent du coton, le chef de l'UP est l'initiateur des allocations qui sont faites selon les différents postes de dépense. Il reste le maître de l'argent. L'esquisse faite dans le chapitre précédent20 nous situe sur les modalités d'allocation des dépenses au sein des ménages producteurs. En réalité, l'argent du

coton profite très peu à l'ensemble du ménage. « Au regard de tes responsabilités, situ veux leur joie par un partage égal, ils vont finir leur argent et attendre encore de toiquand il y aura un besoin financier dans la famille ; car c'est toi le chef de famille ».

Les propos de ce chef de ménage étayent la logique de gestion. Le constat général qui se dégage est qu'une grande partie de cet argent (généralement 50% au moins) est géré sinon hors du ménage, du moins par le chef du ménage à son seul bénéfice. C'est ainsi que l'on note une récurrence de l'alcoolisme dans la zone (chez les non musulmans) à partir des campagnes de commercialisation. En effet, « imaginez quelqu'un qui ne pouvait avoir de l'argent qu'ayant sorti deux (2) ou trois (3) assiettées de son mil de subsistance. Etant donné la considération et la crainte qu'il a vis-à-vis des autres membres de l'UP, il n'ose pas vendre à tout moment. Mais

20 Cf. IV.2.1. Les principales allocations, p.71

avec la liquidité du coton, il ne craint personne puisqu'il ne touche pas au grenier et qu'il a l'argent sur lui. Il fait donc chaque jour le tour des cabarets et boit plus que d'habitude. Et quand il arrive la nuit à la maison (qu'il a quittée depuis le matin), il ne fait que chercher la bagarre avec tout le monde et les empêche de dormir. On voit du tout ici à partir de ce moment ». Ceci est un comportement omniprésent dans les ménages producteurs non musulmans diabolais que ce musulman de 34 ans déplore. Les producteurs incriminés (producteurs non musulmans) confirment l'existence de l'alcoolisme chronique et les effets sociaux que cela produit au sein des familles même si ceux enquetés ont toujours soutenu l'observer chez les voisins, chez "les autres" en fait. Ce refus d'assumer ces comportements qui sont pourtant les leurs montre qu'ils sont conscients du caractère néfaste de cette pratique, mais ne sont jamais parvenus à s'en démarquer. D'ailleurs, l'alcoolisme ne semble pas toucher les seuls non musulmans. Les témoignages de certains musulmans (dans un entretien collectif) sont sans appel : « il y a beaucoup de musulmans qui se laissent emporter par le mouvement d'ensemble et commence à boire à partir de ces périodes post paiement. Ils ne fréquentent pas les cabarets comme les autres mais ils consomment à la maison. Ils sont nombreux ces gens-là ». Ce qui est sûr, tous reconnaissent la récurrence du phénomène à partir des campagnes de commercialisation et sont témoins de la misère sociale que cela imprime au quotidien de beaucoup de ménages. C'est ainsi que les producteurs en migration saisonnière dans les hameaux prétextent le grand banditisme et les coupeurs de route pour revenir dans les villages pour en réalité participer à l'ambiance festive des cabarets de ces périodes.

Consécutivement à ce phénomène, il y a le fait qu' « avec cet argent, les gens grouillent les femmes des gens », argumente un non producteur, propos relayé par de nombreux enquêtés producteurs comme non producteurs. Ce seraient les cotonculteurs qui, « incapables de réaliser quelque chose de bon, se livrent à leurs pulsions. Il y a toujours eu des "grouilleurs de femmes" ; mais depuis ces quelques années où les gens ont beaucoup adhéré à la culture du coton, le phénomène a connu une ampleur indescriptible. Comme l'argent du coton ne permet pas de grandes réalisations, les gens préfèrent l'utiliser pour leur plaisir surtout que quand on a gagné la dose (alcool), on se croit tout permis». Les propos de ce non producteur ont trouvé confirmation auprès des producteurs qui toutefois relativisent

la généralité de la pratique. A côté de ces dérives liées à la gestion des revenus, il y a d'autres fléaux qui naissent ou s'exacerbent pour le besoin de la production cotonnière dans le département. En effet, les enfants participent très précocement aux travaux champêtres pour le besoin du respect du calendrier de semis doublé du fait que toutes les parcelles de coton doivent impérativement être labourées dans un laps de temps donné. Du moment où l'attelage est quasiment le seul moyen de labour à la disposition du producteur, les enfants sont activement sollicités à un très jeune âge (dès 6-7 ans) pour tirer (guider) la paire de boeufs ou pour la stimuler. Dans les ménages non producteurs, cette situation existe mais la participation des enfants se limite généralement à ce niveau. Alors que pendant la récolte du coton, on retrouve encore ces enfants pour répondre au besoin de finir très vite pour préserver la blancheur, donc la qualité du coton en cette période où les vents de fin de saison soulèvent les feuilles mortes des plantes et salissent le coton. Ainsi le travail des enfants devient un fait et gagne en ampleur et en intensité. Et en dépit du caractère rural du milieu, l'individualisme est en train de prendre le pas sur le collectivisme.

En résumé, dans le contexte actuel de la culture du coton dans le département, le malaise social devient plus visible et plus menaçant. L'alcoolisme, le banditisme, l'individualisme et le travail des enfants, autant de phénomènes qui gangrènent le tissu social zaoga. Le mal serait moindre si, de par leur effectif, des producteurs de coton n'étaient assez représentatifs et disséminés pour que ces pratiques se vulgarisent et recrutent de nouveaux adhérents dans les autres catégories notamment chez les non producteurs. Ceci explique l'encrage croissant du coton en dépit de sa faible capacité à améliorer les conditions de vie des ménages ; l'essentiel c'est de ne pas rester à la traîne des autres, c'est pouvoir faire comme eux, affirmer son égalité. C'est aussi ce qui explique les ventes de vivres (mil notamment) par certains chefs de ménages non producteurs, durcissant la période de soudure de leur ménage. Ces ménages finissent par trouver judicieux de produire un peu de coton pour les besoins du chef de ménage dans l'optique de sauver leur moyen de subsistance. Car le mil se vend mal, donc beaucoup pour peu de sous. Le coton, en instituant de nouveaux modes de consommation en milieu zaoga, produit les conditions de son propre maintien et de sa pérennité.

Il a entraîné le département dans une économie de marché en l'espace de quelques temps, engageant les ménages dans une logique de consommation que cette même production cotonnière ne parvient pas à satisfaire. Les ménages producteurs comme non producteurs se sont lancés dans une vente des produits de subsistance accroissant leur degré de vulnérabilité. Ainsi, l'argent généré par le coton en milieu rural diabolais est source de misère sociale directement dans les ménages producteurs avec les incartades que cela occasionne et indirectement dans les ménages non producteurs qui se dépouillent de leur subsistance dans l'optique de pouvoir faire comme les autres (producteurs), de ne pas se marginaliser.

VII.2.2. Une fragilisation des liens sociaux

Les manifestations des fléaux ci-dessus évoqués se répercutent sur les liens sociaux qui unissent les membres d'une même famille ou du groupe social en général.

? A l'échelle de la famille

En milieu rural zaoga, une caractéristique essentielle des familles est qu'elles sont étendues. En général, trois générations cohabitent dans un même ménage. Le patriarche est le chef du ménage qui peut être composé de tous ses enfants mariés ou pas avec leurs enfants. En l'absence du patriarche, le grand frère devient le chef du ménage. Tous constituent donc une seule UP et une seule UC. Les familles nucléaires étaient rares parce que mal appréciées (comme étant une dissidence vis-à-vis de l'autorité parentale) et ne se rencontrent d'ailleurs qu'à partir de ces dernières années. D'ailleurs, selon les données du RGPH de 1996, la moyenne d'habitants par ménage avoisinait les sept (07) habitants alors que selon celui de 2006, cette moyenne atteint à peine six (06) personnes. En effet, la monétarisation de l'activité agricole a créé un climat favorable à la nucléarisation de la famille. L'argent du coton divise les familles dans son mode de gestion. Chacun ayant participé à la production, l'autorité du chef de ménage est parfois remise en cause lors des temps de gestion des revenus. Mu par l'appât du gain et le désir d'enrichissement personnel, chacun préfère s'essayer l'année suivante avec sa petite famille, d'abord sur un petit lopin de terrain qu'il exploite pendant les heures

extra champêtres. Cela constitue toujours les prémisses d'une autonomisation. Le groupe nucléaire finit par s'exclure de l'autorité du chef de ménage pour former un ménage à part entière et entièrement à part. Cette démarcation s'accompagne nécessairement d'un emménagement sur un nouvel espace. « Toutes les petites concessions que vous rencontrez sont issues de ce processus », nous explique un ancien producteur, autrefois à la tête d'une UP comportant quatre (4) couples et aujourd'hui réduite à son ménage nucléaire. Tant que le ménage s'investit dans la production céréalière, il n'y a aucun problème du moment où « chacun mange ce que tout le monde mange », donc personne ne se sent lésé. Mais sitôt que le ménage devient cotonculteur, les producteurs donnent trois (3) ans pour qu'il se désagrège. « Si toi aussi tu deviens grand jusqu'à prendre une femme et que tu cultives avec ta femme pour de l'argent que quelqu'un d'autre va gérer sans que tu ne puisses demander des comptes, vous voyez que c'est pas facile. Le problème c'est que quand tu demandes où est entré l'argent, ça devient un sérieux problème. Et si en présence de ta femme quelqu'un va aller boire et revenir t'insulter ou te rendre la vie impossible, c'est pas facile à supporter, fut-ce de la part de ton père », explique un nouveau chef de ménage entamant sa première campagne agricole.

? Entre producteurs et non producteurs

A côté de ces relations intrafamiliales, il y a le fait que la production cotonnière soit parfois source d'autres difficultés dans la cohabitation producteur--non producteur. En effet, l'exploitation en coton de certains champs de village est source de nombreuses tensions. Le traitement de ces champs aux pesticides rend l'air de certaines aires familiales irrespirable suivant la direction du vent. Cela est cause de fréquentes altercations dont les conséquences sont parfois inimaginables. « Tu ne peux pas sentir le poison de quelqu'un alors qu'il ne te laissera méme pas sentir l'odeur de son argent. Tu vas attraper une maladie du coton alors qu'il n'y a pas l'argent de coton pour te soigner. Et il ne te regardera méme pas », argumente un non producteur. « Il y a surtout le fait que le coton est un facteur d'appauvrissement pour nous les non producteurs. Si tu laisses quelqu'un produire du coton près de chez toi, tu n'auras plus de chèvre à vendre à la longue pour résoudre tes petits problèmes alors que lui, il a l'argent de son coton. Toutes les chèvres qui parcourent les champs de coton meurent pendant la période de récolte. Généralement ce sont

en début de campagne de petites bétes que l'on ne peut pas encore attacher. Mais si c'est un champ de mil, il n'y a pas de problème », complète un autre. Au regard de ces effets, tous les moyens sont bons pour contrarier ceux qui font la sourde oreille. Etant donné l'usage de la culture attelée dans les champs de coton, les animaux de trait piétinent inévitablement les champs du voisinage. Les non producteurs acceptent volontiers que des animaux labourant un champ de vivres piétinent voire tuent leurs plantes vivrières. Mais même quand le voisin est un frère, la tension monte quand il s'agit du labour d'une parcelle cotonnière dans le champ de village.

? A l'échelle du GPC

A côté de ces désaffections familiales et de voisinage, le problème le plus criard et récurrent dans tous les groupements de producteurs de coton du département est l'atmosphère tendue et conflictuelle qui sévit sur le marché de commercialisation. Sur ce marché ad hoc, les causes de conflits sont diverses. « Méme l'espace pour déposer ton coton il faut bagarrer pour l'avoir ; il faut vous chauffer pour le nettoyage du marché et après la sortie du coton sur le marché, la pesée comporte aussi des problèmes. Il y a des gens qui aiment se faire aider pour la pesée ou le chargement de leur production et qui ne veulent pas aider les autres. Après la pesée de leur coton, ils disparaissent. Nous avons prévu des sanctions pour cela qui est de retenir 2 500 FCFA par jour d'absence sur le bénéfice de la production des absentéistes. Il y a aussi le problème de gardiennage du coton la nuit sur le site de commercialisation. Pendant toute la durée de la commercialisation les producteurs sont en perpétuel combat », nous confie un président de GPC. Et ces conflits ont plus d'envergure que cela ne laisse transparaître. Certains perdent d'importantes sommes déductibles sur un avoir déjà insignifiant ; car ce sont les petits producteurs qui boycottent généralement. « Imagine que tu produis 700 kg de coton. En moins de quelques minutes, tu peux finir la pesée toi seul. A cause de ce petit coton tu vas rester plus d'une semaine à peser et à charger le coton des gens, tu vas souffrir autant que des gens qui ont produit plus de 2 tonnes. Vous voyez que ce n'est pas normal. Non seulement tu ne gagneras rien dedans, en plus tu vas travailler à mourir au même titre que ceux qui gagneront de grosses sommes. C'est de l'exploitation que moi en tout cas je ne peux pas accepter », se justifie un producteur s'étant rendu coupable d'absentéisme lors de la dernière campagne de pesée et dont les retenues faites sur

son avoir ont valu de fréquentes convocations du GPC. Ces tensions sont rendues plus vives par le principe de la caution solidaire où, selon les mots de ce producteur, « le bénéfice est individuel mais la perte est collective ». Les grands producteurs adoptent généralement une posture condescendante, se présentant aux petits producteurs comme leur « garantie », et en tant que tel, ils pensent avoir droit à une certaine exonération dans la participation aux travaux physiques du marché commercial. Toujours en rapport à ce principe de la caution solidaire, les pressions que subissent les producteurs tombés en impayé souvent de la part de voisins ou de parents ne peuvent que dégrader l'atmosphère sociale. Le producteur se retrouve parfois acculer de s'acquitter par tous les moyens et au plus vite de son crédit auprès du GPC.

? A l'échell

A ce niveau, les tensions reposent sur des effets plus ou moins indirects de la production cotonnière. En effet, la pratique de la culture cotonnière dans une logique extensive a eu un effet notoire sur la disponibilité spatiale et en tant que tel, a modifié la relation agriculteurs - éleveurs. Les parcours ou les espaces laissés au service du pastoralisme sont aujourd'hui entrain d'être progressivement investis par les paysans. Le pastoralisme s'en trouve compromis et les irruptions animales dans les champs deviennent presqu'inévitables. Les dédommagements qui s'en suivent sont source de problèmes du fait qu'il y a certains paysans qui supportent avec le pasteur les frais.

Somme toute, nous pouvons retenir que la production cotonnière n'est pas un facteur d'épanouissement des paysans diabolais. Elle précarise le climat familial, social en général. Les paysans vivent désormais dans une insécurité sociale occasionnée par les difficultés d'élevage en tant que système d'épargne sécurité. Pour mieux apprécier la durabilité d'un développement par le coton, il nous paraît opportun de rappeler que la Déclaration de Rio sur l'environnement adoptée au Sommet de la Terre en juin 1992 a défini trois (03) objectifs fondamentaux pour le développement durable dont le premier est de maintenir l'intégrité de l'environnement et l'utilisation durable des espèces et des écosystèmes. Vu sous ce jour, la production cotonnière n'est pas un facteur de développement durable ; plus

encore il se présente comme une entrave au développement. En s'attaquant à l'élément basique de l'organisation socio-économique du milieu rural (la terre), il compromet même la survie du monde paysan et accroît sa vulnérabilité.

CONCLUSION

La problématique du développement s'est toujours posée à toutes les sociétés humaines qui ont toujours cherché à maximiser leurs capacités de satisfaction de leurs besoins. Mais depuis le rapport de Berg de 1981, la conception du développement a changé d'orientation en intégrant une dimension déterminante : celle de la durabilité des facteurs de développement. Dès lors, l'enjeu devient : comment assurer son développement sans compromettre la capacité des générations futures à assurer le leur ? C'est le principe du développement durable. Cette conception a pris toute son importance au tournant de cette dernière décennie où la lutte contre la pauvreté est au coeur des discours et programmes politiques. Pour de nombreux pays africains confrontés à une capacité d'actions très limitée, l'éradication de la pauvreté demeure un gigantesque défi. Pour le cas du Burkina Faso, au regard du caractère fortement rural de sa population, la promotion du secteur agricole s'est présentée comme un champ d'action capable d'insuffler une dynamique de développement. C'est alors que la promotion de la culture du coton s'est présentée comme une porte de sortie. A partir de 2005, le pays est devenu le premier producteur d'or blanc en Afrique. Nous avons donc jugé opportun de s'interroger sur l'influence effective du coton sur la condition paysanne.

En abordant la présente étude, notre ambition était de comprendre et d'expliquer les influences de la cotonculture sur la vie et le développement du milieu rural burkinabè en prenant appui sur le département de Diabo. Dans ce sens, nous avons émis l'hypothèse selon laquelle la production cotonnière accroît la vulnérabilité du monde paysan diabolais. Cette hypothèse se trouve confirmée à l'issue de nos travaux.

En effet, le constat qui se dégage est que la production cotonnière est organisée sur un modèle monocultural. Elle commande une action répétée du ménage et à des intervalles constants, une minutie et un soin qui limitent la possibilité des paysans à diversifier leur production vivrière. Les crédits inhérents à cette production qui constitue la seule source et la seule garantie de paiement

n'autorisent pas des prises de risques de la part des producteurs qui voient systématiquement leurs biens domestiques bradés au plus offrant pour compenser une production déficitaire. De cette façon, la concurrence dans le calendrier cultural ne peut que jouer au détriment des autres cultures tant au niveau des semis, de l'entretien que de la récolte. La diversité agricole se trouve donc compromise, ce qui limite la possibilité de variation alimentaire du paysan avec comme résultante une ration alimentaire déséquilibrée, quand la production arrive à couvrir les besoins. La disponibilité alimentaire ne protège donc pas les paysans contre l'insécurité alimentaire dont les indices sont les situations d'anémies qui sévissent dans les grandes provinces productrices du pays.

Aussi, les nouvelles logiques de production que l'avènement du coton a instituées sur l'espace social diabolais ne permettent-elles pas de dégager un surplus substantiel à la fin d'un cycle agricole. Du coup, le ménage se retrouve dans une incapacité de réaction face à l'avènement d'un phénomène inattendu, à des crises sans grands dommages dévastateurs, conformément aux traits que le PNUD (1998) donne au ménage vulnérable. Cette insécurité des ménages est accrue par l'entame de plus en plus croissante faite à l'élevage dont la fonction stratégique n'est plus discutable. Etant de type extensif, il est aujourd'hui confronté à la réduction des surfaces pastorales par la conquête des espaces libres et mêmes des pistes à bétail. Ce qui, en plus d'entraver l'épargne sécurité des paysans, est source de nombreux conflits dont les dimensions prennent des allures préoccupantes. Dans le département, le massacre entre producteurs et éleveurs qui a fait plusieurs dizaines de victimes à Baléré en 2005 a marqué les esprits et est assez illustratif de l'ampleur de la conquete des brousses diabolaises et de l'envergure de leurs effets. Des conflits du même genre mais de moindre portée abondent dans le département, mais trouvent pour la plupart des cas un dénouement à la Préfecture qui est l'organe de régulation. D'autres zones productrices de coton ont aussi enregistré ces genres d'incidents en 2007 (Sidéradougou, Boromo...). Mais au regard de l'orientation que l'on donne à la cotonculture, le coton semble avoir encore de beaux jours devant lui dans le département en dépit du fait qu'il constitue une source de rémunération jugée modeste par ceux qui en profitent et source de ruine pour les autres. Chez ceux qui réalisent de bilans positifs, il y a en général plus étalage de faste que d'investissements productifs. Dans tous les cas, le constat qui se dégage c'est que

l'argent généré par le coton en milieu rural diabolais n'induit aucunement le développement de la zone. Au contraire, il est à l'origine d'une décomposition sociale et de nombreux conflits sociaux qui fragilisent les conditions de vie déjà précaires des ménages.

En sus de cela, les conditions de production du coton ne font pas de ce dernier un facteur de développement soutenable. Les pesticides, nécessaires à sa production, fragilisent l'environnement rural et accroissent sa vulnérabilité. La dégradation des sols dont les producteurs du département font eux-mêmes l'expérience au fil des années et les nombreux exemples qui nous sont offerts ailleurs sur le territoire national (Région de Dori, du Bam, de Bobo...) et international (interdiction du DDT en Europe) doublée de la menace qui pèse sur l'équilibre écologique de l'écosystème rural et sur l'homme lui-même (de nombreux cas d'intoxication chaque année) suffisent à témoigner du caractère non durable de toute forme de développement centrée sur le coton. En s'attaquant à la première ressource vitale du monde rural (toute la vie socio-économique en milieu rural repose sur la terre !), c'est la survie même des générations futures du monde rural qui est en voie de compromission. C'est ce qu'a perçu ce producteur quand il s'inquiétait en ces termes : « maintenant, nous ne savons pas si le durcissement de nos sols aura pour conséquence le refus du coton et la réussite du mil, en tout cas c'est ce que nous souhaitons pour notre progéniture. Mais ce qui est vraisemblable, c'est qu'en se durcissant, et refusant du coton, ces sols à moyen ou long terme, vont refuser le mil compromettant ainsi la survie de nos descendants». En durcissant ses sols et en s'attaquant à son environnement immédiat, le coton accroît sa vulnérabilité. Somme toute, la culture du coton sur le département de Diabo se présente comme un obstacle au développement durable de cette société.

Dans ce nouveau contexte de subvention de la production cotonnière avec son lot de conséquences, la FAO présente le coton transgénique BT comme le salut des pays en voie de développement malgré les rapports d'études antinomiques de plusieurs organismes de recherche21 autonomes ou financés par la FAO elle-même

21 Le rapport de la Coalition d'Andhra Pradesh, intitulé « Le coton BT a-t-il encore échoué en Andhra Pradesh en 2003-2004 ? » a étudié les cas de164 petits agriculteurs de trois districts d'Andhra Pradesh pendant la saison 2003-2004et a montré que l'avoir des agriculteurs du coton BT a baissé de 9%.

(/ www.abcburkina.net/content/view/110/45/). Le 26 Septembre 2006, Salif DIALLO, Ministre burkinabè de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques, présentait à son tour le coton BT comme une aubaine pour le Burkina Faso et annonce le début de sa production pour la campagne 2007/2008. Dans le même temps, la COPAGEN/Burkina dans sa déclaration du 3 novembre 2006 invitait les organisations de producteurs, les ONG en activités, les organisations de consommateurs à la vigilance permanente pour empêcher la prise en otage de l'agriculture africaine et burkinabè en particulier et partant, la réduction des paysans à la pauvreté et à la misère.

Au regard de l'engouement que le Burkina Faso, devançant l'ensemble des pays ouest-africains, manifeste pour cet OGM et considérant les conclusions des études y relatives ci-dessus référées, on ne peut que se demander quels lendemains réserve-t-on à la condition paysanne burkinabè et à notre patrimoine écologique ?

Selon l'étude menée par l'ONG South African NGO Biowatch, le problème de l'endettement est tellement grave que Vunisa Cotton et la Landbalk (la compagnie finançant le coton BT) se sont retirés du projet sur le coton BT parce que les agriculteurs ne pouvaient pas rembourser leurs dettes.

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LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Fiche d'identification des producteurs

Annexe 2 : Guide d'entretien à l'adresse de la population cible

Annexe 3 : Fiche d'identification des non producteurs

Annexe 4 : Guide d'entretien à l'adresse de la population témoin

Annexe 5 : Fiche d'identification des partenaires techniques

Annexe 6 : Guide d'entretien à l'adresse des partenaires techniques

Annexe 7 : Tableau de l'évolution de la production cotonnière du département de Diabo de 1997 à 2006

Annexe 8 : Situation du coton BT dans la région

ANNEXE 1 : FICHE D'IDENTIFICATION DES PRODUCTEURS

Caractéristiques du champ : maison brousse

Date : Heure :

IDENTIFICATION DE L'ENQUETE Nom :

Prénom :

Age :

Sexe : Masculin Féminin

Statut social : aîné dépendant

Statut matrimonial : célibataire monogame

polygame veuf/ve divorcé

Nombre de dépendants : Nombre d'actifs :

Niveau d'instruction : analphabète alphabétisé

coranique primaire

secondaire supérieur

Religion : animiste catholique

protestant aucun

Ancienneté dans la production :

Statut de producteur : grand moyen petit

IDENTIFICATION DE L'ESPACE

Localisation : Village : Hameau :

Nom du groupement :

ANNEXE 2 : GUIDE D'ENTRETIEN A L'ADRESSE DE LA POPULATION CIBLE

1- Engagement dans la production cotonnière.

Année

Motivations

2- Perceptions de la culture cotonnière. Conditions de travail (temps) Importance réelle du coton Effets environnementaux

3- Culture du coton et production céréalière Gestion du calendrier cultural Incidences réciproques de ces opérations et stratégies de gestion Arrière effet engrais

Rapport hiérarchique

4- Conséquences de cette concurrence sur la production finale.

En termes de quantité (coton et vivres)

En termes de qualité (coton) En termes de diversité (vivres)

5- Gestion du revenu du coton.

Date de l'enlèvement du coton Date de perception des revenus Nature (postes) des dépenses Montant par poste

Place du l'UP dans cette gestion Montant des placements

6- Stratégies de survie (pour faire face à d'éventuels chocs ou caprices naturels).

Avant la production cotonnière Avec la production cotonnière

7- Place de l'élevage dans le milieu rural. Perceptions de l'élevage

Conditions d'exercice

Conséquences de cette pratique

8- Elevage et culture du coton.

Points de compatibilité et d'incompatibilité

Place du Peulh / Pasteur

9- Production du coton et relation sociale. Entre les membres de l'UP

Au sein de la famille

Au sein du groupe social

Entre groupes sociaux

Entre producteurs et non producteurs

10- Culture du coton et nouvelles pratiques sociales ou comportements Sur les espaces de production Sur les espaces de consommation Sur la famille

Sur l'espace social

Dernier mot

Remerciement

ANNEXE 3 : FICHE D'IDENTIFICATION DES NON PRODUCTEURS Date :

Heure :

IDENTIFICATION DE L'ENQUETE Nom :

Prénom :

Age :

Sexe : Masculin Féminin

Statut social : aîné dépendant

Statut matrimonial : célibataire monogame

polygame veuf/ve divorcé

Nombre de dépendants : Nombre d'actifs :

Niveau d'instruction : analphabète alphabétisé

coranique primaire

secondaire supérieur

Religion : animiste catholique

protestant aucun

IDENTIFICATION DE L'ESPACE

Localisation : Village : Hameau :

Caractéristiques du champ : maison brousse

ANNEXE 4 : GUIDE D'ENTRETIEN A L'ADRESSE DE LA POPULATION TEMOIN

1- Perceptions de la production cotonnière.

Importance effective Motivation des producteurs

Conditions de travail

2- Raisons du non engagement personnel.

3- Culture céréalière chez les non producteurs.

Gestion du calendrier cultural

Variétés culturales Conditions de travail Etat de l'avoir final Gestion du produit

4- Coton et culture céréalière des cotonculteurs

Rapport hiérarchique

5- Gestion des revenus du coton par les producteurs

Nature des dépenses Appréciation de ces allocations

6- Appréciation comparative de la sécurité alimentaire chez les producteurs et les non producteurs.

Disponibilité en quantité

Disponibilité en diversité

Le surplus et sa gestion

7- Effets d'entraînement de l'encrage croissant du coton.

Sur l'espace (l'écosystème)

Sur l'environnement social

8- Epargne sécurité et production cotonnière (stratégies de survie). Nature de l'épargne chez les non producteurs Nature chez les producteurs

9- Elevage et culture du coton

Perceptions de l'élevage

Condition d'exercice

Place du berger

10- Production du coton et relations sociales. Entre producteurs et non producteurs Au sein du groupe social

Entre groupes sociaux

Dernier mot
Remerciement

ANNEXE 5 : FICHE D'IDENTIFICATION DES PARTENAIRES TECHNIQUES

Date :

Heure de début: Heure de fin :

IDENTIFICATION DE L'ENQUETE

Nom :

Prénom :

Statut (fonction) :

Ancienneté dans la fonction :

Ancienneté dans la zone :

ANNEXE 6 : GUIDE D'ENTRETIEN A L'ADRESSE DES PARTENAIRES TECHNIQUES

1- Perceptions de la culture cotonnière. Importance effective Conditions de travail Effets environnementaux et sanitaires

2- Culture cotonnière et production céréalière

Gestion du calendrier cultural

Rapport hiérarchique Influences réciproques

Sécurité alimentaire chez les producteurs

3- Revenus du coton et gestion. Temps de perception Efficience de ces revenus Allocations de ces revenus et appréciation

4- Gestion des risques (de l'incertitude) Stratégies et difficultés

5- Place de l'élevage dans le milieu rural diabolais.

Perceptions de l'élevage

Rôle de l'élevage dans le milieu agricole

Conditions d'exercice dans le nouveau contexte de l'encrage cotonnier Conséquences qui en résultent

6- Mutations des comportements. Les relations familiales La gestion de l'espace Les pratiques matrimoniales

7- En résumé, angle d'appréciation du coton dans le milieu rural

Annexe 7 : Tableau de l'évolution de la production cotonniqre du département de Diabo de 1997 à 2006.

Campagne agricole

Quantité en tonnes

1996-1997

262

1997-1998

274

1998-1999

310

1999-2000

206

2000-2001

311

2001-2002

445

2002-2003

767

2003-2004

1668

2004-2005

2988

2005-2006

2952

2006-2007

2253

Source : SOCOMA

TABLE DES MATIERES

DEDICACE.................................................................................................I REMERCIEMENTS......................................................................................II SOMMAIRE...............................................................................................III SIGLES ET ABREVIATIONS.........................................................................V

INTRODUCTION.........................................................................................1

CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE..................................................................6

I.1. Problème général et question générale de recherche~~~~~~~~ ~ 6

I.2. Revue de littérature~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~.~ ~8 I .2.1. Le développement rural en question : un regard croisé sur les stratégies.8 I.2.2. La pauvreté rurale, un cercle vicieux : approche analytique et stratégies d'éradication~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~ 13
I.2.3. Le coton~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~.16

I.2.4. Le coton BT : une appréciation contrastée~~~~~~~~~~~~.~ 19

I.3. Problème spécifique de recherche~~~~~~~~~~~~~~.~.~~ 21

I.4. Question spécifique de recherche~~~~~~~~~~~~~~~~.~~22 I.5.Objectifs ~~~~~ ~~~~~~~~~.~~~~~~~~~.~~~~.23 I.5.1. Objectif principal~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~.~~~~~.23 I.5.2. Objectifs secondaires~~~~~~~~.~~~~ ~~~~.~ ~~~~23

I.6. Champs de recherche~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~~~23

I.7. Intéret~~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~ ~~~ 24

CHAPITRE II : METHODOLOGIE .25

II.1. Hypothèses ~~~~~~~~~~~~~~~~.~~.~~~~~~~~~25 II.1.1. Hypothèse principale ~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~.25 II.1.2. Hypothèses secondaires~~~~~~~.~~~~~~~~~~~ ~ 25

II.2. Identification et définition des concepts~ ~~~~~~ ~~~~~~~ 25

II.3. Variables et indicateurs ~~~~~~~~~~~~~~..~~~~~~~~32 II.3.1. Variables indépendantes ~~~~~~~~~~~~~ ~~~~~~.~32 II.3.2. Variables dépendantes~~~~~~~~~~~~~~~~~.~.~ .~.33

II.4. Population mère (cible)~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~ ~~35

II.5. Echantillonnage et échantillon 35

II.6. Méthode et technique de collecte et d'analyse des données 36

II.7. Difficultés rencontrées~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 38

CHAPITRE III : PRESENTATION DU MILIEU ' i( 78' ( 40

III.1. Généralités~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~40

III.1.1. Situation géographique~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 40

III.1.2. Organisation administrative 44

III.2. Aspects physiques et naturels~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ 44

III.2.1. Le relief et le climat ~ 44

III.2.1.1. Le relief ~~~~~~~~~~~~~ ~~~~ ~ 44

III.2.1.2. Le climat~~~~~~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~~~ 44
III.2.2. Les sols et la végétation~~~~~~~ ~.~~~~~~ ~~~~~~45
III.2.2.1. Les sols~~~~~~~~~~~~~~ ~~~~ ~ 45

III.2.2.2. La végétation~ ~~~~~~~~~~~~~~. ~~~~~~~ ~46

III.3. Aspects humains 46

III.3.1. Esquisse historique du peuplement 46 III.3.2. Caractéristiques démographiques~~~~~~~~~~~~~~ ~~.47 III.4. L'agro pastoralisme~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~ ~.47

III.4.1. Les activités agricoles~~~.~~~~~~~~~~~~~~~~~.~ 48

III.4.2. Le pastoralisme~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~.~ 49

CHAPITRE IV : PRODUCTION DU COTON ET PRODUCTION CEREALIEREg1 IV.1. La gestion du calendrier cultural~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ 51 IV.1.1. Le calendrier cotonnier~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~~~~51 IV.1.2. Le calendrier vivrier~~~~~~~~~~.~~~~~~~~~~~ ~~53 IV.1.3. Les logiques de gestion~~~~~~.~~~~~~~~~~~~.~~.~.55 IV .2. De la couverture des besoins alimentaires~~~~~~~~~~.~~~~.58 IV.2.1. Du volume et de la diversité des produits~~~~~~~~~~~~~.~58 IV.2.2. De la sécurité alimentaire~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~ ~ .61

CHAPITRE V : LE COTON DANS LE MILIEU RURAL DIABOLAISggggg=4 V.1. Historique~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~.~.~64 V.1.1. Avant 1995........................... 64

V.1.2. A partir de 1995 ~~~~~~~~~~~~~.~~~~~~~~.~~~.65 V.2. Perceptions sur le coton~~~~~~~~~~~~~.~~~ ~~~.~~.67 V.2.1. Un recentrage du débat autour du coton~~~~~~~~~.~~ ~~68 V.2.2. Le mirage cotonnier : la MARI ~ 69

V.2.3. Les crédits connexes~~~~~~~~~ ~~~~~~~~~~~~~ 74

CHAPITRE VI : REVENU DU COTON ET GESTION 76

VI.1. Revenu du coton~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ ~~~ 76
VI.1.1. Importance effective~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~..~.~76 VI.1.1.1. Les gains~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~~ ~~77 VI.1.1.2. Les impayés~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.~.~~ 78

VI.1.2. Les effets des subventions du coton : le contexte diabolais~~~~

~.80

 

VI.2. Gestion du revenu du coton~~~~~~~~~~~ ~~~~.~~

~

84

 

VI.2.1. Les principales allocations~~~~~~~~~~ ~~~~~~~

~

84

VI.2.2. De nouvelles pratiques sociales~~~~~~~~~~~~~~.~

~~87

CHAPITRE VII : COTON ET DEVELOPPEMENT DURABLE ...............................91

VII.1. Le coton à l'aune du développement durable~~~~~~~.~~~~ ~ 91

VII.1.1. De la sécurité foncière~~~~~ ~~~~~~~~~~~.~~~~ ~.91

VII.1.1.1. De la sécurité sociale~~.~~~~~~~~~~~~~~.~~~

~

..96

VII.1.1.2. L'épargne sécurité~~~~~~~~~~~~~~~ ~~.~~~

~

..96

VII.1.2. La réorganisation socio-spatiale~~~~~~~~~.~~~~~~~

~

 

98

VII.2. Le phénomène coton dans la vie sociale~~~ ~~~~~~~~.~ .~

100

VII.2.1. De l'exacerbation des fléaux sociaux~~~~~~~~~.~~~~~~~100
VII.2.2. Une fragilisation des liens sociaux~~~~~~~~~~~~~~ ~~~103

CONCLUSION.........................................................................................108 BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................112 LISTEDES ANNEXES..............................................................................120 TABLE DES MATIERES............................................................................130






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius