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Production cotonnière et développement rural au Burkina Faso: controverses et réalité. Cas du département de Diabo dans la province du Gourma

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par Paul Marie MOYENGA
Université de Ouagadougou - Memoire de Maà®trise de Sociologie 0000
  

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V.2.1. Un recentrage du débat autour du coton

Contrairement aux idées répandues et généralement développées a priori dans certains milieux, la production cotonnière ne semble pas se justifier par son importance financière (importance du revenu), du moins dans le département de Diabo. En effet, ce n'est pas parce que le coton permet d'avoir beaucoup d'argent que les paysans s'adonnent à sa production.

« Les gens croient que nous produisons du coton parce que nous gagnons beaucoup dedans. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas l'importance intrinsèque de l'argent qu'on reçoit à la fin de chaque campagne de commercialisation qui fait que les gens continuent de cultiver du coton. Sinon les gens l'auraient abandonné depuis longtemps car il y a des fois où tu es complètement déçu à la perception de ton argent au regard de la souffrance de ton ménage sur le champ. Ce qui fait que les gens continuent de produire, c'est le fait que le coton s'achète globalement et qu'ils sont sUrs qu'il va s'acheter quoi qu'il arrive. Et ce qui est important encore c'est que l'argent est perçu globalement. En une journée, tu as l'argent de ce que tu as produit hors subsistance entre les mains. Cela permet de faire quelque chose de bon et de chasser tes soucis pendant quelque temps. Sinon en mettant toute la quantité de

travail et les sacrifices qu'exige le coton dans la production d'un autre produit agricole, je suis sUr qu'on gagnerait plus. Mais tu n'es pas sUr de pouvoir le vendre. Tout le problème réside dans l'écoulement. Si tu dois aller au marché chaque trois (3) jours avec un sac sur ton vélo, tu risques d'atteindre la saison pluvieuse sans même avoir tout vendu, doublé de la fréquente fluctuation des prix ; sans oublier que tu dois bouffer dedans chaque jour de marché, tu vas gâter et réparer ton vélo vu l'état des routes et que tu vas résoudre au fur et à mesure tes petits problèmes financiers. A la fin de ta vente, tu ne te retrouveras plus avec quelque chose de conséquent et tu auras le sentiment de n'avoir rien eu. Voilà pourquoi les gens produisent du coton, il ne faut pas croire que c'est pour des millions ». Le témoignage de ce producteur de la quarantaine d'age à la tête d'une UP de six (6) actifs et entamant sa sixième campagne cotonnière nous permet de pénétrer les logiques de production et de percevoir la véritable assise du coton en milieu rural notamment diabolais en dépit d'une rémunération jugée franchement faible par tous les enquêtés au regard des investissements du ménage autour de cette production. En réalité, c'est parce que le coton s'inscrit dans une stratégie de rassemblement de ressources qui s'avère plus efficace dans ces milieux. Les motivations à la production ne sont donc pas à rechercher dans l'importance de ces revenus mêmes, mais dans certaines des caractéristiques du milieu qui rendent le coton plus compétitif que n'importe quel autre produit agricole. La production cotonnière obéit donc à une logique de mobilisation de ressources qui ne s'avère plus efficace que dans le cotexte d'une certaine défaillance structurelle de l'économie rurale. Ainsi, la production cotonnière dans le département de Diabo repose plutôt sur une option stratégique qu'économique. D'ailleurs certains producteurs ne déclarent-ils pas user de ces intrants agricoles pour faire face aux dures périodes de soudure en vendant une portion sur les marchés locaux, pratique que confirme le CC du département.

V.2.2. Le mirage cotonnier : la MARI

De prime abord, notons que dans le contexte socioéconomique du paysan, le coton constitue une source de revenu attrayante. La liquidité qu'il procure suffit à maintenir dans le système un certain nombre de producteurs accoutumés à boucler chaque campagne agricole avec des billets de banque. C'est le cas de ce producteur dont les propos sont sans équivoque : « je ne sais pas si je pourrai cesser un jour de

produire du coton. A chaque année où, au regard du caractère harassant du travail et de ce que j'ai gagné l'année passée je déclare produire ma dernière campagne de coton, l'année suivante, je me retrouve plus motivé que jamais avec le sentiment que j'aurais plus. En réalité, je n'ai jamais gagné comme j'espère mais ce que je gagne aussi c'est seulement au niveau du coton que je peux le gagner. C'est pas suffisant mais ça résout mes petits problèmes ». Pour une meilleure appréciation des retombées économiques du coton, nous allons essayer d'évaluer le revenu du coton au producteur par unité d'exploitation.

Evaluer le revenu du coton revient à déterminer le compte d'exploitation au producteur ou, selon la terminologie de G. RAYMOND14, la marge après remboursement des intrants (MARI). Comme nous l'enseigne l'auteur, la MARI est calculée en déduisant du revenu brut du paysan le coût des intrants à sa charge. Signalons que les intrants agricoles sont mis à la disposition des GPC avant le démarrage de la campagne agricole par la société (SOCOMA pour ce qui est de notre zone d'étude) à crédit déductible automatiquement sur la valeur de la production du groupement à l'issue de la campagne de commercialisation.

La MARI peut être appréhendée de deux (2) manières. Cet indicateur peut l'être par référence à une situation réelle : il correspond donc au revenu monétaire dont dispose concrètement le paysan après avoir déduit du revenu brut de sa production le coût des intrants effectivement utilisés. On l'appelle MARI réelle. Il peut aussi faire l'objet d'un calcul purement théorique : il correspond donc au revenu monétaire dont peut espérer disposer le paysan dès qu'il aura déduit du revenu d'une production escomptée le coüt des intrants virtuellement nécessaires, en application des recommandations techniques en vigueur, pour atteindre cette production. C'est la MARI théorique. Ici, nous utiliserons cette MARI pour apprécier, à l'échelle du paysan diabolais et pour la campagne agricole 2006/2007, la rentabilité économique de la culture du coton, aussi dans l'optique de faire connaître le mécanisme par lequel on définit la valeur d'une production.

14 Nous empruntons cette technique a Alfred SCHWARTZ qui l'a utilisée pour évaluer le revenu du coton (A SCHWARTZ, 1993b, p.8).

Le premier élément du calcul est le produit brut de la production. Il est fonction de deux variables : la production escomptable et le prix d'achat au producteur. La production escomptable est aussi fonction du rendement : pour la campagne 2006/2007, le rendement fut de 900kg/ha. Le prix d'achat du kg de coton fut fixé à 165 FCFA pour le coton premier choix, 145 FCFA pour le deuxième choix et 135 FCFA pour le troisième choix. En admettant que la totalité de sa production fut classée en premier choix, pour la campagne de référence, le producteur diabolais pouvait espérer tirer d'un hectare de culture cotonnière un produit brut de 148 500 FCFA.

Second élément du calcul : le coût des intrants. Le producteur diabolais engage sur un hectare de coton, selon les prescriptions officielles, les dépenses suivantes en intrants agricoles :

· Un sac de semence à raison de 900 FCFA

· 4 sacs de NPK et Urée à raison de 12 950 F CFA/sac de NPK et 14 400 F CFA/sac d'urée soit 66 200 FCFA

· 6 litres d'insecticides à raison de 4 342 F CFA/l soit 26 052 FCFA

· 1 appareil à pulvériser à raison de 29 442 FCFA

· 4 sachets d'herbicides à raison de 1 370 FCFA/sachet soit 5480 FCFA Soit un total de dépense (crédit) s'élevant à 128 074 FCFA.

Avec un produit brut de 148 500 FCFA par hectare et des dépenses en intrants de 128 074 FCFA, la MARI théorique s'établit à 20 426 FCFA15. Ainsi, un hectare de coton exploité par un paysan diabolais lui rapporte un bénéfice de 20 426 F CFA. Une telle marge fait du coton une culture attrayante.

Cette marge correspond à la MARI théorique obtenue sur la base des prescriptions officielles. L'utilisation de la MARI réelle apporterait plus de précision, mais le fait pour les producteurs de ne pas pouvoir déclarer avec exactitude la quantité des intrants effectivement utilisée dans la production, le refus de déclarer le revenu perçu et l'absence de fiches individuelles complètes chez les partenaires techniques ne

permettent pas cette évaluation. Ce qui est sür, c'est qu'en situation réelle, les choses sont moins roses.

Rappelons que la MARI théorique se base sur une observance stricte des recommandations et sur la propriété privée des autres facteurs de production ; les dépenses ne relevant que des intrants spécifiquement. Aussi, se base-t-elle sur le principe selon lequel toute la production est classée premier choix. Toutes ces considérations ne font pas recettes dans le milieu paysan diabolais. Ainsi, notons que la "stratégie de dispersion des risques" décrite par des experts du monde rural dont CHAMBERS (1990) est omniprésente dans toutes les sociétés paysannes surtout africaines et l'aire diabolaise n'en fait pas exception. Partant, notons qu'il nous a été donné de constater que :

· il existe toujours un écart entre les quantités d'intrants utilisées dans les champs et celles recommandées, tous les enquêtés déclarant posséder un restant à la maison. Selon les techniciens du coton, les intrants livrés aux producteurs se retrouvent en quantité non négligeable sur le marché noir, pratique que les producteurs expliquent par les disettes et autres besoins financiers pressants, les paysans témoins qui utilisent de temps en tant l'engrais pour corriger le comportement de leur champ de mais déclarent s'en procurer chez les voisins cotonculteurs ;

· le fait même de produire du coton génère des besoins financiers. L'insuffisance de la force de travail fait recourir à des prestations dispendieuses telle la gestion de l'entraide lors du sarclage ou de la récolte. Il autorise aussi la contraction d'autres crédits connexes ;

· certains réalisent des semis après les dates indiquées, la déficience des moyens de production ne permettant pas une navigation efficace entre les champs vivrier et cotonnier. Ils finissent parfois par s'attacher les services d'un tiers.

conseillées entraîne la chute des capsules, futures porteuses. Le non respect du calendrier influe sur la croissance des plantes et de leurs ramifications (donc peu de capsules), alors que l'endettement auprès des dépositaires des moyens de production et des commerçants, payable après vente ne fait que grossir les coûts de production. Ainsi, les producteurs s'inscrivent dans une logique qui, tout en tirant le rendement vers le bas, révise les coûts à la hausse. Ce qui est notoire, c'est que le "coton deuxième choix" est non négligeable sur les marchés de coton du département où les producteurs sont tiraillés par de nombreuses sollicitations en cette période de maturité générale des produits champêtres. Au regard de cela, il faut noter qu'aux antipodes des chiffres affichés plus haut et fort alléchants, beaucoup de producteurs diabolais se retrouvent avec des miettes en fin de campagne à côté d'autres qui produisent à perte. En réalité, le coton ne profite qu'aux très grands exploitants. Chez les dix-huit (18) producteurs excédentaires que nous avons enquêtés, la MARI réelle varie entre 1430 FCFA et 182 215 FCFA (en ce qui concerne les onze (11) enquêtés qui ont accepté déclarer leur revenu ; le reste ayant marqué un refus par le biais de propos du genre « en tout cas on s'en est tiré mieux que certains »). Chez les petits producteurs (producteurs déficitaires), leur dette varie entre 7865 FCFA et 134 425 FCFA (en ce qui concerne les six (6) enquêtés qui ont accepté déclarer leur revenu). L'ampleur des problèmes posés par cette dernière situation nous renseigne sur la place du coton dans la lutte pour la survie de certains ménages. Il ne leur reste plus rien après que la société ait recouvré ses créances. Des cas existent où la SOCOMA est incapable de recouvrer le coüt de ses intrants, des créanciers se relayant à l'entrée de concessions à greniers à moitié vides après seulement trois mois de récoltes car, dit-on communément dans ce milieu, « quand un champ de coton va mal, ce sont les vivres qui souffrent à sa place ». C'est conscient de cette situation de déficit que la société cotonnière ne travaille pas avec l'individu mais avec la collectivité (le GPC) pour être sûr que le surplus de certains producteurs comblera le déficit des autres. C'est la caution solidaire. Des ménages se dépouillent de leurs matériels pour combler le vide laissé dans leur GPC par leur production déficitaire. Alors que le coton fait l'affaire de quelques grands exploitants, il cause ruine et famine dans certains ménages et affecte les rapports sociaux de certains groupes (groupements).

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