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Culture familiale et culture scolaire : approche socio-anthropologique. essai d'une contribution à  la compréhension des jeux enfantins pendant la récréation

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par Jean Oscar NGUILI
Université de Rouen - Master 1 2010
  

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4.2. JEUX ENFANTINS ET APPRENTISSAGE

Généralement, les chercheurs en sciences humaines étudient les enfants dans leurs relations aux adultes. La sociologie de la famille et de l'école les insère dans un contexte d'analyse des relations éducatives. Domine alors un point de vue « adultocentrique »,21 lequel consiste à chercher comment le jeune individu devient un adulte compétent. Mais l'on sait peu de chose de ce qui se vit entre pairs. C'est-à-dire, comment les enfants se débrouillent -ils lorsque les adultes leur laissent un lieu et un temps d'autonomie ?

La prise en compte de ce constat, nous a permis d'observer les jeux pendant près de quatre mois à l'école publique de NKOLNDA. Pour faciliter nos entretiens avec les enfants, nous nous sommes présentés à eux comme un apprenant, ce qui nous a permis de se familiariser avec certains d'entre eux, au point de se rendre dans leur domiciles respectifs.

4.2.1. PRESENTATION DES JEUX ETUDIES

Nous avons assimilé plusieurs jeux sur le terrain, et parmi ceux-ci, nous avons retenus, le ndochi, le mariage à la fronde et la déclaration de guerre. Trois jeux qui font la une ces jours dans la cour de recréation de l'école Publique de NKOLNDA et dont les règles contribuent à étayer les objectifs de notre recherche. Nous livrons ici, in extenso, le contenu de nos fiches d'observation par jeu. Celles-ci comprennent les articulations suivantes : Le numéro d'ordre du jeu, le nom, le matériel utilisé, le but du jeu, l'effectif minimal pour qu'une partie de jeu ait lieu, la participation par genre, la préparation du jeu et les règles de fonctionnement de celui-ci

Tableau N° 3 : Le ndochi

Jeu N°1

Nom du jeu 

ndochi (babouches)

Matériel 

les babouches et un ballon

But du jeu 

ranger les paires de babouches tout en évitant de se heurter au ballon en mouvement.

Nombre de joueurs minimum 

3

Répartition par sexe 

Majoritairement les filles et accessoirement les garçons

Préparation du jeu :

constitution de deux équipes ayant chacune à sa tête une mère. Le reste des participants se mettent par paire d'enfants et selon un ordre chronologique de proclamation. Il revient aux mères de « couper » les couples et de choisir ceux qui feront partir de leur famille. Si le nombre de joueurs est impair, la dernière personne devient passe partout, c'est -à dire qu'il joue pour les deux groupes. En suite délimitation de l'aire de jeu.

Règles de jeu 

2. Positionnement des différentes équipes sur l'aire de jeu (un lanceur de chaque côté appartenant à la deuxième équipe). La première mère choisit celui qui va au milieu pour défendre son équipe. Au début du jeu, les deux premiers lancers ne comptent pas. Au troisième lancer, les lanceurs se mettent à viser le joueur qui se trouve au milieu. Celui-ci cherche à éviter l'obstacle (le ballon) ou alors s'emploie à le saisir pour le propulser le plus loin possible. Pendant que les ramasseurs vont récupérer le ballon, le « joueur central » range les babouches, les compte avec les pieds, puis les remets tels qu'elles étaient au départ. Réaliser un tel parcours signifie que l'on a marqué un point ou un but, ce qui donne droit à un surplus de jeu pour l'équipe. Un tel exploit est sanctionné par une salve d'applaudissements venant de toute part.

3. Si le joueur central est atteint par le ballon, sans toute fois le saisir, celui-ci est appelé à sortir, car il a perdu la partie. Un tel échec est sanctionné par des réactions diverses : C'est la déception pour ses co-équipiers et la joie pour l'équipe adverse qui envoie à son tour son représentant au milieu.

4. Le « passe partout » n'a pas droit au but, il ne peut pas marquer de point. Il peut classer, compter et ne peut tout  «  gâter ».

Tableau N°4 : Le mariage à la fronde.

Jeu N° 2

Nom du jeu 

Le mariage à la fronde

Matériel 

la fronde

But du jeu

 attribuer une femme ou un mari au joueur.

Nombre de participants 

minimum 3

Répartition par sexe 

filles et garçons

Préparation du jeu :

Mise en place de l'ordre de passage des familles

Règle de jeu :

1. Deux personnes tiennent chacun un bout de la fronde et la font tourner en rond (c'est-à-dire en spirale). Le troisième joueur entre au milieu et se met à sauter. Pendant ce temps, tout le monde se met à réciter l'alphabet français, au rythme des bonds.

2. A la lettre de l'alphabet qui correspond à la chute du joueur du milieu, c'est-à-dire, quand ce dernier piétine la fronde, on lui attribue toute suite un prénom (de femme si c'est un homme et d'homme si c'est une femme), commençant par la «  lettre de chute ». En suite le joueur reprend une autre partie, celle-ci est rythmée par la « formulette » suivante : « Monsieur/madame X, voulez-vous épouser Madame/monsieur Y ?

Si c'est oui, c'est l'expérience. Si c'est non, c'est de la souffrance. Dis-moi oui, dis- moi non, dis-moi si tu l'aimes. (Bis)

Oui/non, oui /non...

2. La sanction est donnée par la seconde chute du joueur au milieu (oui/non).

3. Si c'est oui, on établit une relation de partenariat sexuel entre le joueur et le(s) porteur(s) de ce prénom dans le quartier ou le village.

Tableau N°5 : Déclaration de guerre

Jeu N° 3

Nom du jeu 

Déclaration de guerre.

Matériel 

Un ballon.

But du jeu 

Nombre de joueurs

annexer le territoire autrui.

Minimum 3.

Répartition par sexe 

filles et garçons (en majorité)

Préparation du jeu 

Tracer un cercle, le diviser en n portions (en fonction du nombre de joueurs) et chacun donne un nom de pays à sa portion. Lequel est ensuite inscrit sur l'aire de son territoire.

Règle de jeu :

a) Chaque joueur est désigné par le nom du pays qu'il a choisi. Le premier à déclarer la guerre va au milieu et lance le ballon le plus haut possible et dit : «  je déclare la guerre contre X (nom du pays) », pendant ce temps les autres prennent fuite. Le pays attaqué reste sur place pour capter la boule. S'il capte la boule, il déclare la guerre à son tour à un autre pays de son choix.

b) Si la boule touche le sol, il la ramasse et dit « stop » puis il cherche à lancer la boule sur n'importe qui.

c) Si cette boule touche un joueur celui-ci voit son territoire annexé, en partie ou en totalité par le lanceur.

d) Si ce ballon ne touche personne, n'importe qui peut le ramasser et aller annexer le territoire de celui qui l'a visé.

e) Le vainqueur du jeu est celui qui a étendu le plus largement possible son territoire.

4.2.2. INTERPRETATION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE DES JEUX ETUDIES

- Le numéro d'ordre.

L'ordre d'apparition des jeux ci-dessus énumérés doit être perçu comme un code et non comme une échelle de grandeur. Si tel était le cas le foot chez les garçons et les claquettes chez les filles occuperaient les premières marches du podium. Il serait plus judicieux de mieux scruter la dénomination pour avoir quelques éléments d'analyses.

- La désignation du jeu

Chaque jeu enfantin est désigné par un nom, lequel renvoie au contenu de l'activité exercée, mais surtout à un fait social précis : la guerre, le mariage, la sécurité. Nous avons fait le tour de la ville pour obtenir une signification convaincante du nom ndochi (jeu N° 1). C'est finalement EDUBE, un de nos informateurs du quartier EMOMBO, qui nous a fourni une explication acceptable. C'est un mot qui viendrait du pidgin 22 «  doging » et qui signifie en anglais courant « escaping », c'est-à-dire, s'échapper. Les béti le prononceraient mal  sous le vocable : « ndochi ».

La désignation d'un jeu est un élément de signification et celle-ci n'acquiert cette signification qu'à condition qu'elle soit intégrée dans un système. HENRIOT J. (1989 ; 9)23souligne à cet effet qu'« Employer un terme n'est pas un acte solitaire mais sous entend un groupe social pour lequel ce vocable fait sens. Il existe un ensemble d'êtres qui pensent et parlent comme moi... » . Pour lui, Il faut commencer par prendre «  le mot au jeu ». En recherchant les éléments constitutifs qui permettent de mieux appréhender la réalité du phénomène.

- Le matériel utilisé.

Le ballon, la fronde et les chaussures apparaissent comme les artefacts les plus usités dans la pratique des trois jeux étudiés. Il ne faudrait pas les regarder comme tels. Dans la mesure où, ceux-ci remplissent chacun un rôle précis, en tant qu'élément d'une totalité. Dans la pratique quotidienne, il y a jeu à partir du moment où l'enfant a appris à distinguer quelque chose comme jeu : le jouet. Il n a pu le tirer de lui-même. Voilà certainement pourquoi, le ballon semble être un élément incontournable des jeux enfantins, étant donné que celui-ci est vulgarisé dans les sports collectifs comme le football, le handball, le volleyball, le basketball.

A titre d'illustration, le ballon qui est assimilé à une balle (cartouche) laquelle permet d'annexer un territoire ennemi (jeu N°3). Au toucher du même ballon vous devez quitter le milieu (jeu N° 1). On s'aperçoit bel et bien que le ballon a une fonction destructive laquelle semble se reproduire dans tous les jeux enfantins.

Quant aux babouches et à la fronde citées aux jeux 1 et 2, celles-ci apparaissent comme des éléments d'appréciation. Dans le cas du ndochi, ranger les babouches par pairs permet d'obtenir des gains (jeux supplémentaires). La fronde quant à elle est assimilable à un piège ou une rivière (jeu N°2). Lorsque vous piétinez la fronde pour la première fois, vous êtes pris au piège, vous devez donc vous battre pour y ressortir honorablement, c'est - à dire, lorsque vous piétinez la fronde pour la seconde fois. D'où, la « formulette » suivante : « Si c'est non, c'est la souffrance, (...), si oui, c'est l'expérience. »

Le jouet est en conséquence non matérialisation d'un jeu mais une image qui évoque un aspect de la réalité et que le joueur peut manipuler à sa guise. Au contraire, les jeux en tant que matériel impliquent de façon explicite un usage ludique qui prend souvent la forme d'une règle (jeu de société), ou d'une contrainte (jeu d'adresse, jeu de construction) qui constituent une structure préexistante au matériel.24 D'où la nécessité pour nous de mieux savoir le but visé par chaque activité.

- Le but du jeu.

Au-delà du plaisir qu'il procure aux pratiquants, le but du jeu est ce à quoi l'on veut aboutir en le pratiquant. « Échapper à la ruine ou à la destruction », cas du ndochi, « Trouver un partenaire », ou alors « annexer un espace » cas des jeux 2 et 3. D'une manière générale, c'est l'intention que l'on a et qui se matérialise par les ressources humaines à déployer.

- Le nombre de joueurs

L'effectif minimal pour qu'une partie de jeu ait lieu est de 3. Sur le plan symbolique, cela représente, le Père, la mère et l'enfant. Condition nécessaire pour qu'il y ait jeu social. Le joueur axial ou central étant assimilable à l'enfant et les chefs de groupes aux chefs de familles (papa et maman). Sans les trois acteurs le jeu n'a pas de sens, c'est-à-dire qu'il n'est pas attrayant. Voilà pourquoi le « Passe-partout » du ndochi ne peut marquer de point. Il est assimilable au célibataire. Celui-ci est contraint de trouver un partenaire (le jeu N° 2). Signification d'une expérience réussie de vie sociale.

Il va falloir scruter judicieusement dans l'approche genre pour comprendre comment papa, maman et les enfants interagissent dans la vie familiale, c'est - à dire, pour le cas échéant dans un jeu.

- L'approche genre.

Il y a une approche genre dans les jeux des enfants, certains sont « filles », d'autres « garçons » et certains sont mixtes. Pour les cas présents, le ndochi est majoritairement pratiqué par les filles que les garçons, le mariage à la fronde est beaucoup plus mixte et la guerre est réservée plus aux garçons qu'aux filles.

Pour une bonne compréhension de cette approche, il est préférable de comprendre comment se prépare un jeu afin de mieux situer nos analyses.

- La préparation du jeu

Cette étape consiste à valider les règles à appliquer au cours du jeu ainsi qu'à la délimitation de l'aire de jeu. C'est aussi le moment de constituer les groupes de passage et celui de la désignation des chefs d'équipes (les mères pour le cas du ndochi). L'objectif est de savoir à l'avance les limites de chaque acteur social. Rôles de la mère, du père et des enfants.

Ce sont les divers rôles que jouent ces différents acteurs, dans un espace délimité qui constituent ce que l'on peut à juste titre nommé règles de jeu.

- Les règles de jeu.

Pour un même jeu, les règles peuvent varier d'un groupe à l'autre, ou selon les saisons, cependant la fonction principale du matériel reste la même. C'est ici qu'apparait clairement l'impact des jeux sur le processus d'apprentissage de l'enfant. Dans ce sens qu'il apprend à travers ceux-ci, le fonctionnement global de sa société et les savoirs nécessaires pour son intégration en milieu scolaire.

Il faut jouer à « police contre voleur », pour savoir le rôle de l'un et de l'autre (apprentissage social). La pratique d'un jeu suppose l'apprentissage de quelques pré-requis scolaires. A savoir, l'alphabet français, le lexique des noms de votre entourage, « les figurines » et la petite « formulette » ou « comptine » qui accompagne le jeu (cas du mariage à la fronde, jeu N°2) ou alors une disposition physique ou morale pour affronter la rude épreuve qu'impose le ballon (Cas du ndochi et de la guerre).

Ainsi, les jeux pendant la recréation, permettent à l'enfant de vivre une expérience de vie unique, celle qu'il ne trouve pas toujours en classe ou à la maison. La cour de recréation apparait dés lors comme un espace neutre permettant aux enfants de reproduire les comportements familiaux à l'école (Cf. désignation des acteurs). Croire que les savoirs acquis par la pratique des jeux seraient contre productifs pour l'apprentissage de l'enfant, serait méconnaitre les fondements culturels de ceux-ci. Les maîtresses du CE1 et CE2 de l'Ecole Publique de NKOLDA, nous ont fait savoir qu'il leur était difficile d'interrompre une partie de ndochi.

Si à l'école, l'enfant trouve un espace lui permettant de s'exprimer en toute liberté avec ses pairs, à travers la pratique des jeux. Comment réagit -il en cas de litige ?

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore