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La vente illicite des médicaments au marché parallèle de "Keur Serigne bi"

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par El Hadji Malick Sy Camara
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Maitrise 2006
  

Disponible en mode multipage

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Sommaire

Dédicaces Remerciements

Introduction 8

PREMIERE PARTIE: LE CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

11

Chapitre I : Cadre théorique 12

Chapitre II : Cadre méthodologique 42

DEUXIEMEPARTIE : LES POLITIQUES SANITAIRE 47

Chapitre I : Les politiques de promotion des soins de santé 49

Chapitre II: Organisation du secteur de la santé et régulation du système pharmaceutique au Sénégal 51

TROISIEME PARTIE : La vente illicite des médicaments

ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 62

Chapitre I : Le marché parallèle de «Keur Serigne bi» 64

Chapitre II: Les différentes appréciations sur la vente illicite des médicaments ...

83

Conclusion 103

Bibliographie 107

Annexe

Table des Matières 110

DIDICACES

Je dédie ce mémoire à mon pére Serigne Camara
Ë ma mére Anta DIOP
Ë monfrére Serigne Saliou CAMARA
Ë son épouse Awa Diakhaté CAMARA

REMERCIEMENTS

Aucun travail de recherche scientifique à proprement parler ne peut s 'accomplir sans le concours d'autres personnes.

Pour ce mémoire de ma»trise, je tiens à remercier toutes les personnes qui concouru à sa réalisation.

Je tiens à remercier au premier chef, mon Directeur de mémoire, Monsieur Lamine NDIAYE qui a accepté de diriger ce travail et de m'apporter toute la rigueur scientifique que nécessite une activité de recherche par son encadrement sans reproche.

Je voudrais en deuxiéme lieu remercier tous mes encadreurs qui n'ont sans nul doute ménagé aucun effort pour réalisation de cette Ïuvre.

Je voudrais mentionner Monsieur Sylvain FAYE qui a suivi sans cesse tout leprocessus du travail du début à la fin, en mettant à ma dimension une importante documentation. Sa détermination et ses suggestion et critiques sans complaisance m'ont permis de revêtir ce travail d'un habit scientifique.

J'aimerais remercier aussi Monsieur Paul DIEDHIOU qui, depuis ma licence s'est intéressé à cette étude et n'a cessé de m'apporter son soutien tant dans l'élaboration du projet que dans le suivi du travail.

Je tiens à remercier trés sincérement l'éminent sociologue Monsieur Boubacar LY qui a également lu mon projet de recherche et guidé mes premiers pas dans la recherche. Je le suis encore reconnaissant pour son soutien sans interruption aux étudiants.

Mes remerciements vous aussi à l'endroit de tous les professeurs qui ont contribué à ma formation de sociologue.

Je remercie également infiniment le CODESRIA (Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique) qui a trouvé un intérêt à mon projet de mémoire et a accepté de subventionner les charges de la recherche.

Je voudrais remercier singulièrement Docteur Fatoumata Kiné HANE, Anthropologue de la Santé et Chercheure à l'IRD. Elle a lu, corrigé ce travail et mis a ma disposition une documentation non négligeable.

Ce travail ne serait jamais réaliser sans mon père Serigne CAMARA et ma mère ANTA DIOP qui m'ont toujours accompagné dans mes études sur le plan financier mais surtout au plan moral. Je leur réitère ma profonde gratitude.

Je voudrais honorer mon frère Serigne Saliou CAMARA et son épouse Awa DIAKHATE Camara qui, depuis ma première année au département de sociologie n'ont épargné aucun effort encore un choux pour ma réussite en me mettant dans les conditions idoines à tous les niveaux.

A ces remerciements, j'associe mes frères et sÏurs, à toute la famille CAMARA.

Je remercie aussi mes condisciples et amis qui, de près ou de loin m'ont toujours manifesté leur solidarité et sympathie.

Je voudrais remercier les différentes structures dont je suis membre. J'aimerai d'abord mentionner les structures estudiantines : AEEMS (Association des Elèves et Etudiants musulmans du Sénégal) qui a rendu aisée mon intégration dans ce temple du savoir, l'ANES (Association Nationale des Etudiants en sociologie), le GRASA (Groupe de Recherche et D'action en Sociologie et en Anthropologie), le GRSAS (Groupe de recherche en Anthropologie de la Santé) dont Monsieur le Professeur Sylvain FAYE dirige les ateliers hebdomadaires.

J'aimerai remercier et du coup honorer mes camarades du MOUVEMENT CITOYEN et ceux de la JAMAATOU SALAMde Thiès qui ont toujours fait ma réussite unepréoccupation à la dimension des leurs.

Que toutes les personnes qui ont aidé à la réalisation de cette entreprise soient remerciées.

INTRODUCTION

En 1977, la Trentième Assemblée Mondiale de la Santé a pris la résolution de faire accéder en l'an 2000 tous les habitants du monde à un niveau de santé qui leur permette de

1

mener une vie socialement et économiquement productive . Ainsi, naquit le slogan, largement repris sur le continent africain, << la santé pour tous d'ici l'an 2000 >>.

On a souvent coutume de dire que l'offre de soins est meilleure en ville qu'en campagneÉ Mais, cette offre de soins n'est bien souvent que virtuelle: << tous les citadins n'ont pas le même accès à ces soins, faute d'argent de couverture sociale, de conscience de la gravité de certains maux voire plus scandaleusement d'introduction pour entrer à l'hôpital >>2.

En effet, depuis plus d'une décennie, la vente illicite des médicaments gagne du terrain avec le développement des circuits offici eux d'approvisionnement. Cette pratique peut être inscrite dans le registre de l'informel car, les soins prodigués à domicile sans intervention d'un thérapeute, est devenu une réponse thérapeutique à part entière, au même titre que le recours au dispensaire et au guérisseur3. Dés lors, elle se développe dans un contexte d'automédication généralisée jumelée d'une gestion bureaucratique du médicament . Pratique persistante, le commerce illégal du médicament est différemment appréciée par la population sénégalaise. Les officines, lieux habilités à vendre des médicaments, sont aujourd'hui concurrencées par les marchés parallèles. Dans les circuits officieux, les acteurs s'autorisent à administrer des médicaments à une bonne partie de la population dakaroise.

Parmi les lieux d'approvisionnement illicite en médicaments, <<Keur Serigne bi>> (<< la maison du marabout >>) reste l'un des plus remarquables à Dakar gr%oce à sa position géographique (centre ville), la disponibilité et l'accessibilité de certains produits pharmaceutiques. Il est considéré comme la principale source de ravitaillement en

1 Stratégie mondiale de la santé pour tous d'ici l'an 2000, OMS Genève, 1981.

2 FASSIN et JAFFRE, In GRUENAIS, M. et POURTIER, R., 2000, La santé en Afrique, Anciens et nouveaux défis, Afrique contemporaine, trimestriel n° I95.

3 Faye S. et al. , 2005,<< Soigner les enfants exclusivement à domicile en cas de paludisme en milieu rural sénégalais : un effet de la pauvreté? >>

médicaments pour diverses catégories sociales et pour beaucoup de vendeurs qui circulent dans la ville de Dakar et dans d'autres localités au niveau national.

Face à cet épineux problème, les pharmaciens s'organisent pour la sauvegarde des intéréts de leur corporation et exigent des mesures répressives de la part des autorités publiques tandis que l'attitude de l'Etat préte à équivoque.

Dès lors, une approche socio-anthropologique s'impose pour comprendre et expliquer les raisons qui sous-tendent la vente illicite des médicaments à l'heure oü la problématique de l'accès aux soins médicamenteux constitue un enjeu majeur des politiques de santé.

Dans ce travail, nous nous intéressons aux politiques sanitaires et particulièrement à l'initiative de Bamako. Nous montrons aussi l'organisation du secteur de la santé, la régulation du système pharmaceutique au Sénégal et les limites des politiques de santé.

En outre, nous y abordons l'organisation de la vente des médicaments à ÇKeur Serigne bi È en présentant d'abord le cadre d'étude et son historique. Il s'agit également de faire la carte des acteurs en identifiant la clientèle de ÇKeur Serigne bi È et ses réseaux d'approvisionnement. En sus, nous exposons les causes de la vente illicite du médicament avant de nous intéresser à la position des pouvoirs publics sur la pratique, à l'appréciation des pharmaciens sur la position des autorités publiques. Enfin, nous montrons les causes de la persistance de Ç Keur Serigne biÈ dans le commerce illicite du médicament, les conséquences de la vente illégale du médicament sur la profession pharmaceutique, les mesures de lutte prises et/ou préconisées avant de titrer les conclusions générales de cette étude.

PREMIERE PARTIE:

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

1. La revue de la littérature

La recherche, qui s'inscrit dans une perspective de continuité, autorise et encourage la confrontation, souvent contradictoire entre les résultats des différentes recherches. L'Anthropologie a commencé à investir le domaine de la santé comme l'affirme J. DUFRESME : depuis quelques années, lÕanthropologie a entrepris de scruter avec ses propres lunettes conceptuelles méthodologiques populaire domaine de la santé 4

et le . En

effet, même si nous ne nous intéressons pas spécifiquement à la santé dans sa généralité, il est important de signaler que la problématique de la vente illicite des médicaments et la recherche de soins médicamenteux ne peuvent et ne doivent pas être dissociées des problemes de santé. Des lors, l'étude de la vente illicite des médicaments au marché parallele de « Keur Serigne bi È s'inscrit en droite ligne dans la perspective de l'anthropologie de la santé. Ainsi, comme le note F. LAPLANTINE, si lÕinterprétation de la maladie est un phénoméne social qui nÕest pas seulement le fait du spécialiste mais dÕabsolument de tout le

4 DUFRESME J., DUMONT, F., et MARTIN, Y., in, Petite bibliothèque dÕanthropologie médicale, BENOIT, J., 2002, Karthala, p. 122.

monde5, la santé elle aussi est l'affaire de tous. L'étude de la vente illicite des médicaments au marché parallèle de Ç Keur Serigne bi È nous a permis de faire une recherche documentaire ayant trait à la recherche de soins médicaux et à la vente illicite des médicaments en particulier.

Cette étude qui inclut des facteurs socio -économiques autant que des facteurs politiques et juridiques exige une approche globale et singulière en vue d'apporter une explication objective. Ainsi, le sociologue ou l'anthropologue peut s'autoriser d'apporter sa contribution pour la compréhension de tout phénomène affairant au social. Certains chercheurs se sont intéressés aux soins médicamenteux et aux différentes considérations qui les entourent tandis que d'autres s'appesantissent sur la vente illicite des médicaments.

GEEST V., et WHYTE R.6 cernent la dialectique qui sous-tend le rapport aux médicaments et qui s'organise autour de l'opposition entre la popularité et le scepticisme. Pour ces derniers, les médicaments sont perçus comme des substances séduisantes non seulement pour les professionnels de la santé mais aussi pour les consommateurs. Selon eux, les raisons qui expliquent cet engouement sont multiples.

De prime abord, leur efficacité éprouvée par les populations et leur dimension tangible, permettent d'intervenir de façon significative et matérielle sur le corps malade. Ensuite, leur efficacité fournit aussi un moyen de localisation et d'appréhension de la maladie que les consommateurs légitiment ainsi. En outre, GEEST et WHITE affirment que l'origine étrangère de certains médicaments contribue aussi à leur plus grande attraction. Pour ces derniers, leur attirance est renforcée par les campagnes de publicité, les modes d'emballage et leur apparence. Par ailleurs, ils montrent aussi en tant que signes échangés, ils contribuent au renforcement des relations sociales à travers des dons et des contre-dons qu'ils

5LAPLANTINE F., 1986, Anthropologie de la maladie, Paris, Payot, p.17.

6 GEEST S., WHYTE R. (dir), 1988, «The Context of Medicines in Developing Countries Studies in

Pharmaceutical Anthropology», in Revue Anthropologie et Sociétés, 2003, Université Laval.

impliquent. GEEST et WHITE soutiennent que le pouvoir des médicaments dérive aussi de celui des professionnels de santé qui les recommandent et les prescrivent. Ils ajoutent que leur succès est également lié au fait qu'ils permettent de court-circuiter certains des contrôles sociaux auxquels les individus sont confrontés. Selon eux, leur usage privé ou secret, contribue à l'autonomie dans les choix de vie et de traitement.

Pour GEEST et WHYTE l'ensemble de ces avantages n'empêche pas cependant que les médicaments soient également l'objet de perceptions négatives liées à leur toxicité, leur agressivité et leurs effets secondaires. Les résistances à l'égard des médicaments peuvent aussi s'exprimer selon eux par des formes de non observance, reflet d'un scepticisme face au corps médical. Elles résultent aussi du non respect des prescriptions des médecins ou même d'une rébellion contre ses diktats. Ces positions sont sous-tendues et alimentées par les effets iatrogènes7 des médicaments et la critique de leur commercialisation d'après ces auteurs. Ils affirment que le refus des médicaments est signifié par le choix de médecines alternatives, en particulier dans les pays en voie de développement. Pour eux, il existe dans les pays en développement des traditions médicales développées revendiquées comme l'expression d'une connaissance spirituelle visant une harmonie et un équilibre, absent dans les thérapies occidentales.

Leur analyse a le mérite de confirmer la polysémie des médicaments et leur statut ambivalent sinon problématique. Leur étude montre en outre que les médicaments ont autant d'influence positive que d'impact négatif sur la santé des individus. Ces derniers révèlent aussi le rôle que joue le médicament dans les relations sociales.

Cependant, le choix d'une médecine alternative n'est pas seulement l'apanage des pays en voie de développement si l'on sait que dans certains pays dits Ç développés È, certaines populations disposant d'un revenu faible pourraient faire recours à une forme de thérapie qui ne dérive pas de la médecine moderne voire de celle occidentale. En effet, la vente illégale

7 Effets iatrogènes : ce sont les états pathologiques liés à l'administration des médicaments.

de médicaments constitue une alternative pour certains (vendeurs) qui s'y activent et d'autres qui se procurent au niveau du marché parallèle du médicament.

8

L'anthropologue FAIZANZ S.s'interroge sur le rapport à l'ordonnance et aux médicaments dans des trois groupes d'appartenance religieuse différente et plus précisément sur la place des médicaments dans l'espace privé. Elle s'intéresse également à leurs modalités de rangement et de consommation qui semblent être régies par des référents culturels. Elle prend appui sur un terrain distinctif, auprès de groupes de patients d'origines protestante, catholique et musulmane du Sud de la France et dont l'appartenance socio-économique et professionnelle est diversifiée. Pour FAIZANG, la consommation et le rangement des médicaments par les patients dans l'espace domestique témoignent d'une relation à soi, à son corps et à l'Autre. Elle s'intéresse aux pratiques individuelles et familiales relatives à la consommation médicamenteuse et à la disposition des médicaments dans l'espace domestique des familles observées. Elle montre que les pratiques ne sont pas le résultat d'un choix personnel. Elles sont socialement construites, et cette construction diffère selon l'appartenance culturelle des patients. En outre, elle tente de découvrir les logiques symboliques qui sous-tendent ces pratiques.

Son analyse indique en premier lieu, des distinctions entre l'usage individuel ou collectif des médicaments. Ainsi, FAIZANG décrit les rapports entre les patients et les médecins, et les stratégies de dosage des médicaments par les patients. Pour elle, le rangement des médicaments à domicile est aussi révélateur de visions du monde contrastées. Les lieux privilégiés obéissent à des choix différents dans les espaces personnels (chambre ou bureau) et dans les aires collectives (cuisine ou salle de bains). Cet état de fait, reflète pour FAIZANG, le caractère plus individualisé ou plus collectif, selon les cas du rapport aux médicaments. Elle dévoile la relation établie entre médicament et alimentation. Pour elle,

8 FAINZANG S., 2001, Médicaments et sociétés. Le patient, le médecin et l'ordonnance. Paris, PUF.

une étude ethnographique fine du rangement des médicaments dans l'espace domestique permet de comprendre comment s'articulent les conceptions du corps et celles du lieu d'habitation. Selon FAIZANG, les espaces collectifs et privés se recoupent dans des espaces intermédiaires, qui sont aussi le reflet des rapports particuliers aux médicaments, au corps et à la « collectivité familiale ».

Bien qu'importante, l'étude de FAIZANG n'a pas abordé les sources d'approvisionnement officieux en médicaments de certaines populations qui pourraient elles aussi, illustrer le rapport ou les rapports que ces derniéres entretiennent avec le médicament. Cependant, son travail a le mérite de montrer le rapport de certains individus aux médicaments qui peut orienter des pratiques spécifiques d'approvisionnement.

Par ailleurs, VINCENT S.9 se propose de faire une anthropologie du médicament et parallélement, une étude sur les conditions de sa réappropriation par les individus. Pour elle, la consommation du médicament se trouve au cÏur d'un paradoxe car à priori tres contrTMlée, elle ne cesse d'échapper aux experts qui devraient en avoir la charge afin qu'elle soit réappropriée par les individus. Elle affirme qu'au delà du choix et du déroulement des itinéraires thérapeutiques, les usages du médicament sont extremement normés. Elle ajoute que différents risques sont associés à la consommation médicamenteuse. De façon générale, la perception du danger structure les usages du médicament dans l'espace domestique tant au niveau de son rangement que de sa consommation. Elle soutient en ces termes que lÕachat des médicaments est en théorie inséré dans un protocole : le patient ne peut acheter de médicaments sans avoir consulté un médecin et possédé une ordonnance10.

VINCENT, affirme, cependant, que ces normes se trouvent en porte à faux avec les pratiques, beaucoup moins protocolaires que ne l'impose la norme sociale. Selon elle, le choix d'un itinéraire thérapeutique repose sur l'interprétation que se fait l'individu de ses

9 VINCENT, S., 2004, Une anthropologie du médicament, la consommation de médicaments chez les 20-40 ans en France, Mémoire de ma»trise, Paris, Sorbonne.

10 VINCENT S., op.cit. p.13.

symptômes. Elle soutient que dans le cadre d'un recours allopathique11, cette interprétation se divise schématiquement en deux groupes. Premièrement, lorsque les symptômes paraissent non dangereux mais bénins, le malade préfère généralement se soigner par automédication. En revanche, elle note que quand les symptômes semblent être plus dangereux, le malade se tourne vers un itinéraire beaucoup plus protocolaire en faisant appel au médecin.

En effet, S.VINCENT s'est beaucoup plus appesanti sur les itinéraires thérapeutiques que sur la problématique de la vente illicite des médicaments. Son étude a le mérite de montrer deux voies

importantes dans la recherche de soins médicamenteux dans la société francaise à savoir: l'itinéraire allopathique ou protocolaire (qui consiste à respecter les étapes habituelles et conventionnelles de délivrance du médicament) et l'automédication. Toutefois, l'automédication en ce qui concerne le Sénégal n'est pas uniquement déterminée par la nature des symptômes. En effet, l'insuffisance de moyens financiers conduit certains individus à ne plus respecter l'itinéraire protocolaire qui est considéré à leur niveau comme un surplus de dépenses pour un malade qui vit dans une situation de précarité économique. Dans son article S. FAYE12 montre que l'automédication est aussi une réponse à la pauvreté : elle constitue donc une alternative pour les catégories socialement défavorisées.

A la différence des auteurs précités, D. FASSIN13 s'est intéressé à la problématique de la vente illicite des médicaments au Sénégal. Selon lui, la vente illicite des médicaments est une réponse pour les catégories sociales défavorisées qui ne peuvent pas accéder aux soins médicaux par les voies officielles. Selon lui, quand la consultation débouche sur des médicaments au coüt élevé que doivent payer des familles ou des chefs de ménages aux revenus faibles, il n'est pas étonnant que le système secrète des solutions de remplacement. Pour FASSIN, certaines populations, ne disposant pas souvent, la somme nécessaire à

11 Médecine scientifique qui emploie des médicaments tendant à contrarier les symboles et les phénomènes morbides.

12 Faye S., 2005, Ç Se soigner à domicile: une réponse à la pauvreté? È.

13 FASSIN D., 1986, La vente illicite des médicaments au Sénégal, économies parallèles, Etat et société, Politiques africaines, Paris, Karthala.

l'achat d'une boite entière sont obligées d'aller vers les marchés parallèles pour se procurer des tablettes voire des comprimés en fonction de leur bourse. L'une des causes de la persistance de la vente illicite est liée à l'incapacité du gouvernement à résoudre la question de l'accès aux médicaments pour les plus démunis selon FASSIN.

Il montre que plusieurs réseaux d'importances très inégales alimentent le commerce illicite des médicaments. Il s'agit:

- avant tout, de la Gambie d'où les médicaments achetés à faibles prix sont acheminés jusqu'à Touba via Kaolack, par des camions chargés de paille ou de foin;

- du port de Dakar oü des médicaments sont fréquemment pillés et autour duquel la vente illicite (gros et détail) est particulièrement active.

- des hôpitaux, des dispensaires et des officines oü le détournement par des employés donne lieu à une revente en quantité modeste.

14

Dans Les enjeux politiques de la santé FASSIN, s'intéresse aux politiques de santé. Selon lui, appréhender les figures de la gouvernmentalité particulière à la santé publique impose de saisir l'ensemble réponses sociales 15

de ses . Pour lui, les politiques de

santé ne s'expriment pas uniquement à travers les discours et les pratiques officiels des institutions internationales, des ministères, des professionnels et des experts. Pour FASSIN, les politiques de santé se manifestent aussi dans une multitude d'énoncés et d'activités dont le statut va, de l'officieux au clandestin. Il ajoute que son statut va également du toléré au prohibé, et qui non seulement correspondent à des réalités sociales et économiques importantes en soi. Elles permettent également de faire une lecture négative du secteur officiel dont elles révèlent les ambigu
·tés et les contradictions. Il affirme que l'étude de la vente illicite des médicaments au Sénégal montre ainsi, comment les produits pharmaceutiques apparaissent comme des biens de consommation particulièrement lucratifs. Il découvre parallèlement ce qu'il appelle les liens mafieux entre la confrérie

14 FASSIN D., 2000, Les enjeux politiques de la santé. Etudes sénégalaises, équatoriennes et francaises, Paris, Karthala.

15 FASSIN D., op.cit. p.17.

religieuse (mouride) qui en contrôle le commerce et l'Etat qui en assure la régulation. Selon lui, la configuration spatiale de la confrérie mouride s'avère propice pour le développement de ce type d'activité. FASSIN pense que l'existence d'un territoire désinvesti (Touba) par l'Etat appara»t comme une condition qui n'est ni nécessaire ni suffisante, mais assurément propice pour le dévelo ppement d'une économie parallèle.

Son analyse a le mérite de montrer que la vente illicite des médicaments ne doit pas être appréhendée en dehors des politiques de santé. Il montre que les politiques de santé ne répondent pas toujours aux besoins des populations. Cette contradiction a été remarquée par BONNICI16pour qui, la politique de la Santé, qui est par essence, une politique de Santé publique, se heurte à une sorte de Çmur d'argentÈ car selon lui, au marché des soins se confrontent économiquement : une demande de soins et une offre de Santé dans une optique marchande.

Les causes de la vente illicite des médicaments ont fait l'objet d'une Thèse de Doctorat en pharmacie soutenue par DIAW C.T.17. Selon ce dernier, l'une des principales causes de la vente illicite des médicaments est la pénurie permanente de médicaments qui caractérisent les districts sanitaires du secteur public et leur incapacité à assurer la distribution des médicaments à bas prix.

Selon lui, l'envoi direct des dons humanitaires de médicaments aux populations participe aussi à l'élargissement du marché parallèle. Il soutient que les médicaments du marché parallèle semblent beaucoup plus adaptés au contexte économique et social que ceux vendus dans les officines.

A l'instar de FASSIN, il montre que la Gambie est la principale source de ravitaillement du marché parallèle des médicaments.

Toutefois, un autre facteur qui concourt à la vente illicite des médicaments n'a pas était

16 BONNICI B., 1997,Les Politiques et Protection sociale, Paris, PUF.

17 DIAW C. T., 1992, La vente illicite des médicaments dans les marchés et rues au Sénégal. Enquêtes effectuées dans les régions de Dakar, Kaolack, et Diourbel., Thèse de Doctorat en pharmacie, UCAD.

souligné par C. DIAW. Certaines populations arrivant aux termes de leurs traitements revendent (recyclent) souvent le reste de leurs médicaments au niveau du marché parallèle.

Pour A. ANOI18, le commerce illicite des médicaments est la résultante d'une combinaison de facteurs socio-économiques. Selon lui, le prix élevé des médicaments et des consultations et surtout de l'économie des pays africains fondée pour la plupart sur des activités informelles favorisent la consolidation des circuits informels. Ces marchés communément appelés <<pharmacies trottoirsÈ en Côte d'Ivoire, constituent pour lui une véritable menace pour la santé des populations et la profession pharmaceutique. En revanche, si les facteurs socio-économiques sont importants dans l'explication du commerce illicite des médicaments, d'autres facteurs non économiques pourraient contribuer dans la compréhension du phénomène tels que : le déficit en médicaments qui caractérise souvent le secteur public. Par ailleurs, parmi les facteurs qui concourent à la vente illicite de médicaments, il faut noter que certains fonctionnaires bénéficiant d'un bon de médicaments dans les officines, en prennent souvent certains produits pour les revendre au niveau du marché parallèle.

En définitive, la revue de la littérature, moment fort et crucial dans la recherche, nous a permis d'appréhender les points de convergen ces et de divergences des différents chercheurs abondant sur l'utilisation et la consommation du médicament en général et la vente illicite des médicaments en particulier. En r evanche, ces auteurs n'ont pas dévoilé le rapport qui pourrait exister entre le système de soins et le commerce illicite du médicament. En outre, ils n'ont pas montré la position des pharmaciens, de la clientèle du marché parallèle par rapport au commerce illicite du médicament. Ainsi, nous remarquons qu'à la lumière de cette observation indirecte que plusieurs facteurs se conjuguent dans l'explication du phénomène de la vente illicite des médicaments. Cependant, la vente illégale du médicament au marché parallèle de <<Keur Serigne bi È requiert une analyse particulière pour appréhender les différentes logiques et les enjeux qui sous-tendent la persistance de << Keur

18 ANOI A., 1998, Le problème du marché parallèle du médicament en Côte d'Ivoire, Thèse de Doctorat en pharmacie, UCAD.

Serigne bi È dans le commerce illicite.

1.2. Problématique

Après la conférence d'Alma Ata en 1978(ex URSS), les ministres africains de santé ont adopté en 1987 l'Initiative de Bamako (IB) qui était une stratégie destinée à renforcer les soins de santé primaires (SSP). Au cours du rapport de la Consultation sur l'Initiative de Bamako (IB), le Directeur régional de l'OMS, pour l'Afrique, a souligné que l'OMS avait pour mission de sauver les vies des populations gr%oce à la promotion des soins de santé primaires (SSP). Toutefois, il a noté que l'Initiative de Bamako qui avait aussi pour objectif d'assurer les SSP et la fourniture des médicaments essentiels a vu sa mission entravée par la pauvreté, l'insuffisance des soins de santé, les catastrophes naturelles et celles provoquées par l'homme19. L'étude des faits de santé fournit alors un prétexte idéal.

L'usage du médicament a un sens et une signification pour l'homme car il permet de lutter et de prévenir la maladie qui, laisse entrevoir la mort dans l'univers des représentations de toute société. Les produits pharmaceutiques du fait du danger qu'ils pourraient représenter pour la santé publique, sont régis dans leur préparation, leur prescription, leur délivrance et leur utilisation par des lois à caractère protecteur. Le médicament se révèle être un objet fortement symbolique et polarisé. Positivement, il est un objet à fort pouvoir de réassurance puisque sa seule présence suffit à combler l'angoisse de mort. Négativement, il est source de crainte car percu comme un objet dangereux, dangerosité percue proportionnellement à son efficacité. Le médicament appara»t donc comme un objet ambivalent, qui cristallise tout à la fois angoisses de mort et confiance en la médecine, mais aussi comme un objet aux contours flous 20(S. VINCENT, 2004 ,). C'est la raison pour laquelle l'ACAME (Association Africaine des Centrales d'Achat de Médicaments Essentiels) fut créée le 19 juillet 1996 par des responsables des centrales d'achat de médicaments génériques de cinq pays que sont : le Burkina Faso, le Niger, le

19 Rapport de la consultation d'experts sur l'Initiative de Bamako sur les médicaments essentiels et la Médecine traditionnelle africaine, Addis Abéba (Ethiopie) ,5-7 septembre 2005.

20 VINCENT S., op .cit. p.12.

Mali, le Tchad, et le Sénégal. Elle s'est fixé comme objectif général d'assurer la régularité et la sécurité de l'approvisionnement en médicaments de qualité à des prix accessibles pour les populations africaines21.

Au Sénégal, le Code de la Santé publique précise qu'aucune autre personne en dehors du pharmacien n'a le droit de délivrer ou de vendre des médicaments. Ainsi, il stipule en son article L 517 que « quiconque se sera livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie sera puni d'une amende de 240.000 à 1.200.000 francs et en cas de récidive, d'une amende de 420.000 à 2.400.000 et d'un emprisonnement de six jours à six mois ou d'une

amende d'une de ses

peines seulement »22.

Pourtant, on assiste au Sénégal à l'émergence et à l'expansion des marchés paralleles du médicament avec des vendeurs fixes, semi fixes et ambulants. Présentée comme marginale, le marché illicite du médicament dépasse en volume les médicaments écoulés dans les officines. D'apres certains, les mesures répressives sont sporadiques, modulées et finalement inefficaces. C'est fort de ce constat que B. S. NIANG, affirme dans sa these que compte tenu du taux élevé de médicaments non conformes retrouvés dans le secteur informel, des mesures devraient nécessairement etre prises pour éradiquer ce secteur23.En effet, en marge des circuits pharmaceutiques légaux, on voit se multiplier l'offre sur le marché ou au porte à porte des médicaments aux quantités chimiques douteuses, aux posologies fantaisistes.24(GRUENAIS et POURTIER, 2000).

La ville considérée comme un lieu privilégié en matiere de médicaments occulte souvent

21 M. BANSSE Lazare, Secrétaire permanent de L'ACAME dans Jeune Afrique L'Intelligent, 12 mai 2007, N° 2417.

22 Le Code de la Sante publique, source, Direction de la pharmacie et des médicaments.

23 NIANG M.B., 1997, Contrôle de la qualité des médicaments antipaludiques utilisés au Sénégal : étude prospective aux niveaux de cinq sites sentinelles (Guédiawaye, Richard -Toll, Kaolack, Vélingara, Touba), These en pharmacie, UCAD.

des disparités en matière de soins entre les citadins. A Dakar, << Keur Sergine bi >>, (la maison du marabout) constitue la principale plaque tournante de la vente illicite de médicaments gr%oce à l'accessibilité et la disponibilité de beaucoup de médicaments mais également de par sa position géographique (centre ville). Ainsi, le quotidien d'information l'AS dans sa livraison du 14 avril 2006 révèle l'arrestation d'un vendeur de médicaments de << Keur Serigne bi>> trouvé en possession de médicaments d'origine frauduleuse. A chaque fois qu'on a été volé, nous nous sommes aperçus que le cheminement c'était Keur Serigne bi affirme le représentant des grossistes répartiteurs25.

Par ailleurs, les pharmaciens dénoncent souvent le commerce illicite du médicament et incitent les pouvoirs publics à lutter contre cette pratique. Nouvellement élu, le Président du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal déclare: ma première mission, c'est de combattre les médicaments de la rue. Ces médicaments exposent nos populations au danger et à des enjeux graves que personne parmi nous ne peut ma»triser. Et nous demandons aux pouvoirs publics de nous aider dans la lutte contre les médicaments de la rue, qui

font des ravages -développés 26

dans les pays sous .

Pratique illégale sans nul doute, elle se développe davantage à Dakar à cause de l'action conjuguée de plusieurs facteurs socio-économiques voire politiques.

Face à la demande grandissante des populations en besoins médicamenteux, les vendeurs qui, conscients de l'inégalité de cette pratique y persistent car ils y trouvent leur compte.

La persistance de <<Keur Serigne bi>> dans le commerce illicite de médicaments peut être expliquée en faisant abstraction de la nature des rapports complexes qu'entretiennent le pouvoir politique et le pouvoir religieux dans la société sénégalaise si l'on sait que «Keur Serigne bi» constitue un << bastion >> mouride. Leur cohabitation souvent stratégique interdit toute mesure répressive de la part des autorités publiques pour lutter contre ce phénomène . Cette alliance constamment renouvelée depuis, entre l'élite d'abord sous tutelle coloniale et

25 Le Matin, 13 juillet 2007.

26 Le Soleil, 23 -01- 07.

27

ensuite au pouvoir et les chefs de confréries ne s'est jamais rompue . Les chefs religieux musulmans jouent encore et sans nul doute pour longtemps le rTMle de régulateur dans une société gagnée par un profond malaise qui va en s'accentuant. Mais tant que les marabouts détiendront selon l'adage wolofÇ l'avoir Èet la compétence ou la capacité, (am-am, kham- kh a m ak kataan) toute solution faisant appel à la contrainte ou à la force serait suicidaire

pour le pouvoir 28 . Bien que clandestine, la vente irrégulière des médicaments permet à une bonne frange de la population sénégalaise en général et dakaroise en particulier de s'insérer dans le monde du secteur informel car elle n'exige aucune compétence de la part des acteurs.

Dès lors, il urge pour nous de nous inscrire dans une dynamique qui nous permettra de comprendre et d'expliquer la problématique de la vente illicite des médicaments au marché parallèle de Ç Keur Serigne bi È.

Ainsi, il est question de se demander si le marché parallèle de ÇKeur Serigne biÈ demeure Ç intouchable Èmalgré l'existence de textes qui interdisent formellement la vente illicite des médicaments?

La nature des relations entre le politique et le religieux au Sénégal est-elle déterminante dans l'explication de la persistance de ÇKeur Sergine biÈ dans le commerce illicite du médicament?

Quels sont les enjeux qui sous-tendent cette persistance?

La vente illégale des médicaments répond t- elle à un besoin social?

Quelles sont les conséquences sur la profession pharmaceutique ?

La vente illicite des médicaments résulte-elle de l'inefficacité des politiques de promotion des soins médicamenteux?

1.3. Justification de la pertinence du sujet

Au Sénégal, l'étude de la vente illicite des médicaments est souvent laissée au monopole des pharmaciens qui se contentent souvent de montrer ses conséquences sur la santé

27 MAGASSOUBA M., 1985, L'islam au sénégal. Demain les Mollahs ? La question musulmane et les partis politiques au Sénégal de 1946 à nos jours, Paris, Karthala, p.55.

28 MAGASSOUBA M., 1985, Op., Cit., p.195.

publique et sur la profession pharmaceutique. Dés lors, cette étude requiert une approche socio-anthropologique pour comprendre les causes sous-jacentes qui sous- tendent cette pratique. En effet, ÇKeur Serigne bi È, l'une des plateformes du réseau de la vente illicite des médicaments à Dakar mérite une approche holistique qui prend compte d es différentes logiques qui pourraient également entrer dans la compréhension et l'explication de ce phénomène. L'appellation «Keur Serigne bi»(maison du marabout) a aussi suscité en nous une curiosité de savoir et de découverte en ce qui concerne son origine. Nous cherchons en outre à comprendre les raisons de sa persistance dans le commerce illicite des médicaments. Voilà toute la pertinence d'une contribution scientifique.

1.4. Objectifs

1.4.1. Objectif général

Il s'agit pour nous de:

v' Comprendre les causes qui sous-tendent la vente illicite des médicaments et les motivations des différents acteurs ;

1.4.2. Objectifs spécifiques

Par ailleurs, nous cherchons à:

v' Comprendre l'organisation et le fonctionnement de la vente illicite des médicaments à Ç Keur Serigne bi È en identifiant ses di fférents acteurs;

v' Comprendre les causes de la persistance de ÇKeur Serigne biÈ dans la vente illicite des médicaments malgré l'existence de lois qui l'interdisent;

1' Comprendre les enjeux qui tournent autour du commerce illicite des médicaments et ceux qui animent la logique des rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux au Sénégal.

v' Montrer les conséquences de la vente illégale sur la profession pharmaceutique;

v' Saisir l'organisation du secteur de la santé et la régulation du système pharmaceutique sénégalais.

Tels sont les objectifs que nous nous sommes fixé.

1.5. L'univers conceptuel du phénomène en question

1.5.1. Explication de certains termes : autour du médicament.

Il convient de dÕélucider certains vocables qui grav itent autour du medicament, afin de rendre plus aisée la comprehension de notre travail.

Ç On entend par médicament toute substance ou composition presentee comme possédant des propriétés curatives ou preventives à lÕégard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant etre administré à lÕhomme ou à lÕanimal en vue dÕétablir un diagnostic medical ou de restaurer ou de modifier leur fonction organique È29.

Traditionnellement est aussi medicament, des paroles prononcées mais aussi des amulettes destinées à soigner ou à protéger contre les maladies ou un mauvais sort. On parle de ÔÔgarabÕÕ pour designer le medicament dans la langue wolof, de ÔÔ poddeÕÕ en pular, de ÔÔbooroÕÕ en socé et de ÔÔteehÕÕ en sérere sine. Nous nous intéressons dans notre etude aux medicaments en tant que produits pharmaceutiques à usage thérapeutique.

La thérapeutique est la science des indications resultant de lÕanalyse clinique ; elle est donc Ïuvre essentiellement médicale et son exercice exige une intuition pénétrante, un savoir étendu, à propos de tous les instants, un souple bon sens capable dÕactualiser sur lÕheure toutes les manifestations réactionnelles décevables et prévisibles dÕun organisme malade selon Hervé HARANT30. Toutefois, cette definition semble etre tres réductrice car mettant seulement en exergue lÕanalyse clinique. Pour le cas du Senegal, la thérapeutique est aussi science des indications qui repose souvent sur des connaissances religieuses et traditionnelles. Son usage peut résulter dÕune prescription ou dÕune automédication.

automédication est une pratique qui consiste à prendre des medicaments sans lÕavis dÕun medecin. DÕapres la Grande encyclopedie medicale, il sÕagit de Ç lÕutilisation

29L'article L .511 du code de la sante publique.

29 HARANT H., 1972, Les medicaments usuels, 46' edition, Paris, PUF.

thérapeutique de médicaments, décidée par le sujet, sans avoir consulté un médecin È31.C'est un fait récurrent dans l'itinéraire thérapeutique de certaines populations dans les pays en développement. Nous pouvons aussi dire que l'automédication dépend parfois d'un choix autonome de l'individu qui se dirige temporairement vers certains lieux de vente de médicaments comme la pharmacie.

La pharmacie est la science de la préparation et de la composition des médicaments. C'est aussi le lieu de vente des médicaments.

A la séance de la pharmacie en 1913, le professeur GUIGNARD, Directeur de l'école supérieure de pharmacie de Paris (devenue Faculté) la définissait ainsi:

Ç La pharmacie est à la fois une collection de science, un art et une profession. Son histoire sera donc en méme temps l'histoire des sciences physiques et naturelles, et accessoirement, celle des doctrines médicales. Ce sera encore l'histoire de l'art pharmaceutique proprement dit comprenant l'étude archéologique des instruments qui lui sera servi; ce sera enfin l'histoire du pharmacien considéré comme praticien et commercant dans ses rapports avec le public, les corporations voisines, avec l'économie générale d'une époque È. Elle exige la pharmacovigilance.

La pharmacovigilance est la collecte et l'analyse des observations sur les effets secondaires des médicaments, effectuées pour éviter d'éventuels effets nocifs. Elle a pour objet la surveillance des risques d'effets indésirables résultant de l'utilisation des médicaments et produits à usage de la médecine humaine définie par l'article L 511 du CSP (code de santé publique). Ces attributions comportent le signalement d'effets indésirables, le recueil de l'analyse d'informations dans un but de prévention, la réalisation de toutes les études et tous les travaux concernant la sécurité d'emploi des médicaments. Elle définit également les conditions idéales de conservation des médicaments destinés à la vente.

L'existence d'une vente illicite suppose celle d'une vente légale. Est vente illicite toute vente qui est contraire à la loi. Cette vente est illégale et entra»ne la déviance chez le

31 La grande encyclopédie médicale, 1981, volume I, SEDES.

pratiquant. Ainsi, la vente illicite de médicaments est celle qui ne respecte pas les normes (l'article L 511) qui déterminent les personnes et les structures habilitées et reconnues par la loi pour vendre le médicament.

1.5.2 La conceptualisation

Dans l'étude que nous nous proposons de faire sur la vente illicite des médicaments, nous avons porté notre choix sur le concept de deviance. Le caractère illégal de cette pratique montre la non observance des normes et lois qui régissent la vente des médicaments. Le choix de ce concept nous permet de d'appréhender la frontière entre le légal et l'illégal, du permis et du défendu et comment la vente la vente illicite des médicaments et «Keur Serigne bi'' sont perçus de part et d'autre.

Le concept de la déviance, apparut dans la Sociologie américaine avec l'Ecole de Chicago depuis les années 1950, a fait l'objet de beaucoup d'écrits en sciences sociales et particulièrement en sociologie et en psychologie.

La déviance désigne les comportements individuels ou collectifs qui en s'écartant des normes communes ou collectives, créent des dysfonctionnements et donnent lieu à une sanction 3233

. Expliquant les causes de la déviance, BREHMsoutient que l'individu possède une palette de comportements qu'il peut utiliser dans l'immédiat ou plus tard. Pour lui, il s'agit de potentiels de comportements qui ont trait à sa manière de vivre la liberté, et toute atteinte au sentiment qu'il peut en avoir produira une réaction par laquelle il cherchera à la retrouver. Il parle ainsi de reactance qu'il définit comme Çune résistance individuelle aux pressions sociales È. Cette résistance s'exprime par le développement d'une motivation négative liée au sentiment d'une perte de son indépendance et qui se traduit par une

32 ème

FEEREOL G., CAUCHE PH., .DUPREZ J.P, (dir.) , 2004, Dictionnaire de sociologie , Armand Colin, 3 édition.

33 BREHM J.W., 1966, A Theory of psychological Reactance, in Concept fondamentaux de la psychologie sociale, 1996, Paris, Dunod, 2 ème édition.

tendance à vouloir retrouver sa liberté perdue. C'est la raison pour laquelle certains auteurs l'ont abordée sous l'angle de désindividualisation. Cette approche repose sur l'idée selon laquelle les individus adoptent souvent en groupe des comportements qu'ils n'auraient pas s'ils étaient seuls. La déviance est dès lors relative et varie d'une société à une autre. Selon Durkheim, elle correspond à une Çblessure>> de la conscience collective, elle se rencontre

34

dans tou tes les sociétés quel que soit le degré de développement .

Le déviant se distingue donc du conformiste qui s'en tient aux valeurs reconnues officiellement et utilise des méthodes licites pour y parvenir.

Selon BECKER, tous les groupes sociaux instituent des normes et s'efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moments et à certaines circonstances. Les normes sociales définissent des situations et les modes de comportements appropriés à celles -ci : certaines

35

actions sont prescrites (ce qui est bon), d'autres sont interdites (ce qui est mal) . Selon BECKER, l'individu qui transgresse ces normes est considéré comme étranger au groupe. Il parle ainsi d' Outsider. Pour lui, la déviance n'est pas tout simplement le fait de ne pas se conformer aux normes. BECKER soutient que le processus de désignation (stigmatisation) n'est pas infaillible car, des individus peuvent être désignés comme déviants alors qu'ils n'ont transgressé aucune norme36. La déviance selon lui est la conséquence d'un processus d'étiquetage qui est collé au dos du déviant par ceux qui le repèrent et le traitent comme tel. GOFFMAN E.37 abonde dans le méme sens et parle de stigmate à la place de l'étiquetage.

Cette conception de la déviance est ostensible dans la problématique de la vente illicite des médicaments et surtout de la part des pharmaciens qui ne doutent de l'illégalité du circuit parallèle et, ils traitent les vendeurs comme des déviants qui restent dans l'impunité. En outre, il faut noter que les pharmaciens et les autres catégories sociales qui approvisionnent le marché parallèle ou qui s'y ravitaillent sont également des déviants car ce circuit Ç officieux>> n'est pas celui indiqué par le Code de la santé publique.

34 Cité par FEEREOL G., CAUCHE PH., .DUPREZ J.P, (dir.), 2004, Op., Cit.

35 BECKER H. S., 1985, Outsiders. Etude de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, p.25. 36BECKER, Op. Cit. p.33

37 GOFFMAN E., 1963, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps , Paris, Minuit, 1 ère édition.

38

Formalisée par LATANE

B. et NIDA S. , La théorie de l'impact social montre qu'à l'intérieur d'un groupe, les normes ne sont pas toujours rigides: les individus peuvent conserver une certaine liberté et, dans ce type d'interaction, ils ont un impact les uns sur les autres. Dans ces conditions, un déviant peut jouer sur cette situation et peut amener par exemple, le groupe vers d'autres positions que celles qu'il avait antérieurement. Plusieurs facteurs d'impact sont définis par cette théorie:

- la quantité des influences différentes: plus il existe de personnes ayant des opinions différentes, plus il est possible d'influencer le déviant.

- le poids de l'influence: l'idée de poids est liée à la reconnaissance de l'action d'un individu; ainsi, son poids augmente lorsqu'il peut aider, offrir un statut social ou procurer du plaisir à quelqu'un selon ces auteurs. Dès lors le phénomène de la vente illicite des médicaments peut entrer dans cette conception. Ainsi, le déviant-vendeur de médicaments est à son tour capable d'influencer le comportement des autres. Par ailleurs, cette pratique <<aide È les vendeurs à s'insérer économiquement.

La déviance révèle en outre un conflit latent ou manifeste entre un système de valeurs et un système de normes résultant d'une part de l'ambigu
·té de la réalité sociale. Cette dernière, place les individus dans une situation de contradiction permanente entre les valeurs qu'elle propose et les normes à partir desquelles elle sanctionne leurs conduites. Ceci est perceptible dans la vente illicite de médicaments qui, en tant que pratique illégale se trouve << toléré È voire << autorisé È implicitement.

Nous remarquons ainsi que le concept de la déviance nous para»t opératoire dans l'explication de la problématique de la vente illicite des médicaments. Il faut noter cependant que devant cette gamme d'acceptions de la déviance, la conception qu'en ont faite les théoriciens de l'impact social, nous semble beaucoup plus opératoire pour rendre compte du commerce illicite du médicament. Si le déviant, comme ils le soutiennent, est capable de modifier le comportement des non déviants au point que ces derniers le rejoignent, les

38 LATANE B. et NIDA S., <<Social impact Theory and Group È, in Concept fondamentaux de la psychologie sociale, 1996, Paris, Dunod, 2 ème édition, pp. 86-91.

vendeurs de médicaments se voient eux aussi, « envahis » par une couche ou catégorie de la population qui vient vers eux pour s'approvisionner ou pour recycler des médicaments. Cependant, l'influence est plus que réciproque qu'unidimensionnelle : les vendeurs et les acheteurs s'influencent.

L'acception qu'en donne BECKER a aussi le mérite de montrer que l'appréhension de la déviance varie en fonction de l'appartenance groupale. Car une personne peut etre considérée comme déviante par un groupe alors qu'ailleurs, elle n'est pas considérée comme tel. C'est l'exemple des musiciens de jazz qu'il aborde dans « Outsiders 39 » qui sont considérés, aux Etats-Unis, par certains groupes sociaux comme des déviants.

En somme, le concept de la déviance nous para»t important dans l'explication de cette pratique considérée comme systémique en ce qu'il nous permet de comprendre l'appréciation des différents acteurs sur la question.

En définitive, nous entendons par déviance toute pratique contraire à un systeme normatif dans un milieu donnée et à un moment donné et susceptible de sanction punitive diffuse ou manifeste, écrite ou verbale. Cette déviance peut etre considérée comme une « posture réfléchie ou rationnelle » ou une stratégie développée par certains pour répondre à des préoccupations individuelles ou collectives.

1.6. Modèle d'analyse

Le choix d'un modele d'analyse est conditionné par son opérationnalité à rendre compte d'un fait ou phénomene social ou d'une réalité sociale mais aussi par les objectifs et les hypotheses du chercheur qui en fait usage. Ainsi, nous avons porté notre choix sur, l'approche stratégique et sur la théorie des conventions ou le conventionnisme.

39 BECKER H. S., 1985, Outsiders. Etude de sociologie de la deviance, Métailié, Paris.

1.6.1. L'analyse stratégique

Les auteurs convoqués au niveau de la revue de la littérature ont pour la plupart appréhendé la question de la vente illicite du médicament sous un angle fonctionnel. Toutefois, méme si nous reconnaissons que leurs analyses revétent un grand intérét, il faut signaler tout de méme que la vente illicite des médicaments au marché parallèle deÇ Keur Serigne bi È implique une approche stratégique pour comprendre les différentes logiques des acteurs qui entrent en jeu.

En effet, dans l'étude que nous nous proposons de faire, l'analyse stratégique est privilégiée non pas parce qu'elle est la seule qui puisse rendre compte des différentes logiques qui entrent en jeu dans l'explication du phénomène mais parce qu'elle para»t à notre niveau, une, adaptée et appropriée parmi d'autres qui ne sont pas sans pertinence.

Le concept de stratégie qui, dès ses premiers usages renvoyait aux méthodes et aux techniques utilisées durant les conflits et ou les guerres pour neutraliser l'adversaire en question, fait aujourd'hui irruption dans les sciences sociales et particulièrement en sociologie. Méme s'il existe plusieurs acceptions du concept, nous porterons notre choix principalement sur la conception qu'en ont CROZIER et FRIEDBERG.

Prenant pour point de départ l'étude du phénomène bureaucratique, CROZIER et FRIEDBERG élargissent leur étude au système social francais afin de diagnostiquer l'organisation bureaucratique. Ils prolongent l'examen des dysfonctionnements dans une perspective qu'ils qualifient eux-mémes de fonctionnaliste pour aboutir à un modèle stratégique.

L'analyse stratégique, méme si elle reconna»t que le système exerce une contrainte sur l'individu, elle retient que l'individu n'est pas une marionnette qui agit au gré du système. Pour CROZIER, l'individu dispose d'une marge de manÏuvre si minime soit- telle dans l'exercice de son action.

ANSART P., montre l'objet de l'analyse stratégique de CROZIER. Il affirme que: la polémique mettra ici en accusation la tendance sociologisante à réduire l'acteur à n'être que

le dépositaire, le support de structure, et prendra, en particulier pour cibles les formulations
extrêmes d'un certain structuralisme sur l'éviction ou Ç mort du sujet È. Les analyses de

CROZIER conduiront au contraire à majorer les stratégies des acteurs, à s'interroger non

seulement sur les motivations mais sur les logiques d'acteurs pour montrer comment, en fonction des conditions organisationnelles, les acteurs répondent en adoptant des conduites qui leurs sontfavorables40.

41

Selon CROZIER il n'y pas de systèmes sociaux entièrement réglés ou contrôléscar les acteurs individuels ou collectifs qui les composent ne peuvent jamais être réduits à des fonctions abstraites et désintéressées.

Pour CROZIER, la permanence de l'imprévu et de l'incertitude quant à la résolution des problèmes font la particularité de l'action collective. Il soutient que son approche ne vise

42

pas à faire une sociologie des organisations mais une sociologie de l'action collective . Par l'action collective CROZIER entend: l'action organisée. Pour lui, ce sont les acteurs qui, à l'intérieur des contraintes que leur impose

Ç le système È, disposent d'une marge de liberté qu'ils utilisent de façon stratégique dans leurs interactions avec les autres. Selon CROZIER toute analyse de l'action collective doit mettre le pouvoir au centre de ses réflexions. Car l'action collective n'est finalement rien d'autre que la politique quotidienne. Le pouvoir est sa matière première43. Ce pouvoir repose sur la ma»trise des zones d'incertitudes. Pour CROZIER, il n'est au fond rien d'autre que le résultat toujours contingent de la mobilisation par les acteurs des zones d'incertitudes pertinentes qu'ils contrôlent dans une structure de jeu

44

donné pour leurs relations et tracta tions avec les autres participants à ce jeu. Selon lui, ce pouvoir est une relation réciproque, mais asymétrique qui ne peut se confondre à l'autorité45.

Dès lors, la vente illicite des médicaments peut être considérée comme une stratégie pour les vendeurs de tirer leur épingle du jeu. Mais aussi, une pratique sur laquelle certains individus se rabattent pour l'obtention de soins médicamenteux car comme l'a souligné

40 ANSART , 1990 , Les Sociologies contemporaines , Paris, 3 ème

P. Seuil, édition, p.65.

41 CROZIER M., FRIEDBERG E., 1977, L'acteur et le système, Paris, Seuil.

42 CROZIER M., FRIEDBERG, op.cit. p. 95.

43 CROZIER M., FRIEDBERG E., op.,cit., p.25.

44 CROZIER M., FRIEDBERG E., op.cit., p.30.

45 3 ème

FEEREOL G., CAUCHE PH., DUPREZ J. M., (dir.), 2004, Dictionnaire Colin,

de sociologie, Armand

édition.

VIDAL : l'individu déploie une faculté de négociation et une inventivité lui permettant de s'adapter aux situations les plus délicates46.

La persistance de « Keur Serigne bi »dans la pratique peut aussi etre appréhendée sous l'angle de l'analyse stratégique, symbolisée par des enjeux qui détermineraient la complexité des relations entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux dont chacun est conscient de la ma»trise des zones d'incertitude contrTMlées par l'autre. L'existence de deux pouvoirs, paralléles : le pouvoir politique qui est le garant du respect des lois et réglements et le pouvoir religieux qui jouit d'une certaine légitimité sociale ne présage pas des mesures qui seront de nature à fermer le marché paralléle de « Keur Serigne bi » qui se trouve etre « protégé » par la confrérie mouride.

En définitive, l'approche stratégique es t utilisée dans le cadre de notre étude comme grille d'analyse afin de mieux saisir la problématique du commerce illégal des médicaments et la logique des différents acteurs. En outre, elle permet de comprendre et d'expliquer le fondement des relations ent re le pouvoir temporel et le pouvoir religieux autrement dit de faire une anthropologie des relations du politique et du religieux au Sénégal qui débouche souvent sur une Convention .

1.6.2. La théorie des conventions ou le Conventionnisme

Pour saisir davantage, la vente illicite des médicaments au marché paralléle de « Keur Serigne bi », nous avons fait appel à un autre paradigme : la théorie des conventions.

Luc BOLTANSKI et Laurent THEVNOT, ont avancé Une sociologie de la justification publique. Cette théorie s'est élargie à une approche plus générale des régimes d'action susceptibles de caractériser l'action des individus dans la société. Elle donne naissance au courant de l'économie des conventions47. Cette approche cherche à comprendre les phénoménes d'action collective particuliérement quand se manifestent des intérésts

46 Vidal L., 1996, Le silence et le sens. Essai d'anthropologie du sida en Afrique, Paris, Anthropos.

47 L. THEVENOT et al. mars 1989, L'économie des conventions, Revue économique, vol.40, n°2.

contradictoires entre des acteurs. Cet état de fait les oblige ainsi à trouver un compromis. Ainsi de la dialectique des légitimités, on passe à la cohabitation des légitimités.

De justification 48

Dans la , BOLTANSKI et THEVENOT ont pris pour objet les

disputes ordinaires dans les espaces publics. Ils partent de l'hypothèse selon laquelle: au cours des débats publics pèsent de très fortes contraintes de légitimité et de généralité des arguments utilisables qui conduisent les personnes concernées à dépasser la situation particulière au sein de la quelle elles sont engagées. C'est dans cette perspective qu'ils ont modélisé des registres généraux de justifications utilisées aujourd'hui dans les activités quotidiennes. Dés lors, chaque registre se réfère à une à une conception différente du bien commun et de la justice dans la cité.

BOLTANSKI ET THEVENOT identifient six registres de justification publique en montrant au passage que chaque société supporte une façon spécifique de mesurer la grandeur des personnes d'où la notion d'économies de grandeur. Ils identifient six formes justifications que sont :

· la justification civique basée sur la volonté collective et sur l'égalité;

· la justification industrielle fondée sur l'efficacité et la compétence;

· la justification domestique qui repose sur les relations de confiance personnalisées liant à travers un ensemble de chaines de relations les membres d'une collectivité;

· la justification de l'opinion basée sur la reconnaissance des autres;

· la justification marchande basée sur le marché et faisant recourt au contrat commercial;

· la justification inspirée qui établit un lien immédiat entre la personne et une totalité: Dieu pour les mystiques et l'Art pour les artistes.

Pour ces auteurs, chaque acteur dans la société aurait accès à ces modes de justification qui feraient partie de compétences partagées. Pour BOLTANSKI ET THEVENOT, ces justifications ou légitimités sont contradictoires mais, la cohésion du groupe et la nécessité

48 ère

Les Economies de la grandeur , 1987, Paris Gallimard, 1 éd.

d'être ensemble pour la satisfaction de besoins et d'objectifs les astreignent à trouver un terrain d'entente, un compromis, une convention.

En effet, une convention repose sur un accord collectif, tacite ou explicite permettant aux acteurs d'arrondir leurs angles par négociation dans une perspective de coordonner leurs légitimités et Ç goüts È, contradictoires au paravent. Ainsi, si dans la réalité sociale prévalent plusieurs logiques de justification et de légitimation de l'action, il apparait aussi que la persistance de Ç Keur Serigne bi Èdans le commerce illicite de médicaments serait sous - tendue par une convention tacite ou diffuse entre les pouvoirs publics et ceux qui s'y activent et, en particulier, la confrérie mouride qui en assurerait la protection.

Par ailleurs, devant l'incapacité de l'Etat à assurer les besoins en soins médicamenteux de certaines populations, le commerce illégal des médicaments se voit Ç toléré È, Ç autoriséÈ implicitement afin que celles-ci, fort de la mission régalienne de l'Etat trouvent une justification pour se s'approvisionner en médicaments à partir du secteur parallèle du médicament. Ainsi, pour appréhender les différentes logiques qui contribuent dans la compréhension et l'explication de la vente illicite des médicaments, le choix du Conventionnisme nous para»t important.

1.7. Hypothèses

Dans ce qu'il est convenu d'appeler la vente illicite des médicaments, nous avons avancé les hypothèses suivantes:

1.7.1. Hypothèse principale

v' Le marché parallèle de ÇKeur Serigne biÈ persiste parce que les catégories socioprofessionnelles telles que: des policiers, gendarmes, infirmiers, censées le réprimer sont impliquées dans le trafic illicite du médicament. Ainsi, les enjeux que recèle ce marché pour ces catégories inhibent tacitement toute mesure qui serait de nature à l'éradiquer.

1.7.2. Hypothèses secondaires

v' Le commerce illicite du médicament est aussi la résultante de la défaillance du

système de soins, de politiques sanitaires inefficaces et inadaptées au contexte sénégalais et de la rareté de l'application de la loi qui criminalise la pratique.

v' Les rapports de clientélisme et l'influence réciproque du pouvoir politique et du pouvoir religieux au Sénégal est aussi l'une des causes de la persistance de <<Keur Serigne bi >> dans la vente illicite du médicament.

CHAPITRE II: CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Ce moment du travail consiste à montrer les méthodes que nous avons utilisées pour recueillir des informations et des données qui ont trait à notre sujet. Pour ce faire, plusieurs méthodes s'offrent à nous. La méthode qualitative a été privilégiée.

En effet, toute enquête implique de la part du chercheur une observation particulière des attitudes et des comportements mais aussi des gestes qui font sens et significations pour les acteurs.

1.2. Outils et Techniques de collecte des données

1.2.1. L'observation participante

L'observation participante s'impose à nous. Erigée en méthode incontournable en anthropologie par B. MALINOWSKI, elle nous a permis de pénétrer << Keur Serigne bi >> en portant <<trois casquettes>> : il s'agit de nous présenter comme un racoleur (avec la complicité d'un rabatteur qui nous guidait dans notre travail) pour saisir les différentes tractations entre la c lientèle de <<Keur Serigne bi>> et les vendeurs mais également entre acheteurs et rabatteurs qui sont des éléments centraux dans le trafic illicite de médicaments. Il s'agit en outre de porter tantôt la casquette d'un <<petit client>> pour acquérir des informations sur les vendeurs mais aussi, nous nous sommes présenté à plusieurs reprises

en qualité d'infirmier en dressant une liste de médicaments et d'autres spécialités pour conna»tre la source des médicaments et du coup identifier la clientèle de ÇKeur Serigne biÈ en vue de comprendre le fonctionnement de ce marché parallèle et ses réseaux différents d'approvisionnement. Gr%oce à notre grille d'observation nous avons également, observé et écouter discrètement les différentes activités et négociations entre les acteurs.

1.2.2 L'entretien

L'entretien a été utilisé pour collecter des informations et des données auprès de certains groupes stratégiques tels que : les pharmaciens d'officine privées, le Président et Vice président du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal. Il a été aussi usité pour saisir les motivations des vendeurs, des racoleurs, des acheteurs, et d'autres personnes qui fréquentent ce secteur. Nous avons porté notre choix sur ces personnes parce qu'elles sont susceptibles nous renseigner davantage sur le phénomène. Egalement, nous nous sommes entretenu respectivement, avec le Directeur de la Pharmacie Nationale d'Approvisionnement (PNA), au Directeur de Cabinet du Ministre de la Santé.

Pour les deux premiers entretiens, les guides d'entretien étaient sont relatifs à leurs appréciations du phénomène et les mesures prises pour lutter contre ce phénomène. Ces informations sont recueillies à l'aide d'un enregistreur (Mp3).

Les thèmes abordés au cours des entretiens sont relatifs aux causes de la vente illicite des médicaments, à la position des pouvoirs publics et des pharmaciens par rapport à la pratique et à ses conséquences sur la profession pharmaceutique. Il était aussi question de saisir les raisons de la persistance du marché parallèle de ÇKeur Serigne biÈ et les mesures de lutte contre le commerce illicite du médicament. Ë l'aide de cette méthode, nous avon s saisi les raisons de l'adoption de la vente illicite de médicaments par ces derniers comme activité professionnelle.

1.2.3. La population enquêtée

Nous avons gr%oce au Ç seuil de saturation È, enquêté 10 personnes parmi la clientèle de Ç Keur Serigne biÈ nous nous sommes entretenu seulement avec 11vendeurs de ÇKeur

Serigne biÈ par lesquels on note des jeunes (moins de 40 ans) et des vieux (plus de 60 ans). Nous nous sommes limité à ce nombre parce que, à un moment de notre étude, il fallait arrêter même si le si seuil de saturation avait déjà été atteinte pour ne pas éveiller la suspicion aux rangs des vendeurs. Nous avons interrogé aussi 25 pharmaciens de sexe différent pour savoir comment ils appréhendent la vente illicite des médicaments et ses conséquences sur la profession pharmaceutique. Nous n'avons pas fixé de critères pour les choisir parce qu'il n'était pas évident d'en réunir certains tels: l'hétérogénéité à cause de la non ma»trise de leur emploi du temps.

La technique boule de neige (usitée souvent pour acquérir des informations difficiles à obtenir) a été également utilisée pour savoir la ou les personnes les mieux indiquées pour comprendre l'historique du marché.

1.2.4. L'enquête de terrain

L'enquête de terrain a commencé le 5 juillet 2007 et a terminé le 4 septembre 2007. Elle a concerné plusieurs personnes parmi lesquelles nous pouvons citer:

- les pharmaciens d'officines privées ;

- le Directeur de cabinet du ministère de la santé;

- le Directeur de la PNA (Pharmacie nationale d'approvisionnement;

- les vendeurs de Ç Keur Serigne biÈ ; la clientèle de Keur Serigne bi;

- la clientèle de Ç Keur Serigne biÈ

- des personnes ressources et groupes stratégiques qui détiennent des informations

considérables pour la compréhension du commerce illicite des médicaments car ils participent directement ou indirectement à l'organisation et au fonctionnement du trafic. (vendeurs qui étalent aux environs de ÇKeur Serigne bi È et racoleurs);

1.2.5. Les vécus de terrain

Toute étude sur la clandestinité se heurte à certaines difficultés parce que les acteurs sur lesquels porte cette étude sont réfractaires pour la plupart à l'enquête qui constitue

pour eux un dévoilement. L'observation devient ainsi un espionnage pour eux. Des difficultés sont rencontrées à plusieurs niveaux.

L'irrégularité des pharmaciens dans leurs officines a été une entrave à l'enquête: certains peuvent rester plus d'une semaine sans venir une seule fois dans l'officine, ce qui représentait une difficulté par rapport à l'entretien. Et, même si on les trouve dans l'officine, l'entretien reste toujours incertain. Pour plupart, ils fixent un autre rendez- vous pour le déroulement de l'entretien. En outre, il était rare d'interviewer un pharmacien du début à la fin sans interruption dans la discussion. Soit il s'adresse à un client en affirmant le plus souvent que <<le client est roi È soit il répond à une ou plusieurs appels téléphoniques, ce qui nous obligeait souvent à lui rappeler la thématique.

En outre, certaines personnes parmi la clientèle de <<Keur Serigne biÈ voient en l'entretien, une perte de temps parce que plus préoccupées par leur maladie ou par leur malade. Nous avons ainsi passé beaucoup de temps pour identifier les groupes stratégiques sans lesquels nous ne pourrions avoir des données scientifiques. Par ailleurs, certains manifestaient une réticence à notre égard parce que craignant une éventuelle poursuite judiciaire.

En outre, on a tardé à avoir des réponses par rapport aux demandes d'autorisation d'entretiens avec le président de l'ordre des pharmaciens, le directeur de la PNA et au niveau du ministère de la santé. En sus, nous avions quelques difficultés pour atteindre certaines cibles. Dans une étude pareille, il est souvent difficile d'avoir la certitude de bénéficier de la disponibilité de certaines cibles, et, particulièrement les vendeurs et acheteurs de<< Keur Serigne bi È. Par conséquent, nous n'avons enquêté que les personnes disposées à s'entretenir avec nous quoiqu'elles manifestassent souvent des réticences avant que nous n'installions le climat de confiance.

Dès lors, cette étude s'inscrit dans la perspective de s'ajouter au tableau des explications de la vente illicite des médicaments et non point d'en boucler la liste.

DEUXIEME PARTIE:

LES POLITIQUES SANITAIRES

Note introductive

Dans cette partie, on aborde les politiques sanitaires au niveau international et particulièrement, celles relatives à la conférence d'Alma Ata et à l'Initiative de Bamako. On y aborde aussi l'organisation du secteur de santé, la régulation du système pharmaceutique et les limites des politiques sanitaires.

CHAPITRE I : LES POLITIQUES DE PROMOTION DES SOINS DE

SANTÉ

L'Initiative de Bamako(IB)

En 1987 49, les pays africains ont adopté ce qu'il est convenu d'appeler L'initiative de Bamako(IB). L'initiative de Bamako a pour but d'accélérer l'accès des populations africaines aux soins de santé primaires(SSP). En effet, les soins de santé primaires ont rencontré beaucoup de difficultés telles que:

- les difficultés liées au financement des activités;

- la qualité des soins qui ne répond pas aux besoins des bénéficiaires;

- la faible participation aux actions de développement communautaire ;

- le manque de médicaments, le manque de ressources humaines et matérielles.

49Rapport de la consultation d'experts sur l'Initiative de Bamako sur les médicaments essentiels et la Médecine traditionnelle africaine, Addis Abéba (Ethiopie) ,5-7 septembre 2005.

Face à ces problèmes, la décision de renforcer les soins de santé primaires a été prise à Bamako en 1987 lors d'une réunion à l'OMS qui regroupait les ministres africains de la santé et les représentants de plusieurs organisations. L'IB est basée sur l'autopromotion sanitaire communautaire. Dès lors, les médicaments génériques seront utilisés comme porte d'entrée de l'IB car l'expérience a montré que les populations sont généralement disposées à payer pour avoir les médicaments nécessaires pour se soigner. Ainsi l'Initiative de Bamako consiste à :

- mettre en place un système de financement et de recouvrement des services de santé;

- rendre les médicaments essentiels disponibles pour les communautés dans chaque centre de santé;

- assurer une marge bénéficiaire sur les ventes de ces médicaments essentiels, qui couvrent les besoins opérationnels (salaire du gérant, fourniture et carburant pour le fonctionnement du dépôt,É);

- mettre en place un fond pour le développent sanitaire qui doit servir en priorité au développement du stock de médicaments, au financement des actions sanitaires et ensuite au financement de l'entretien du professionnel de santé ;

- trouver d'autres sources et méthodes de financement communautaires des actions de santé ;

- mettre en place une organisation communautaire qui assure la gestion des activités et des ressources de la formation sanitaire.

L'IB vise principalement la participation des populations aux dépenses de santé avec l'introduction de la tarification des prestations de soins et la politique de recouvrement des coüts dont la vente des médicaments. Cependant, sa mission se trouve hypothéquée par certains facteurs tels que la marge bénéficiaires que les structures sanitaires ajoutent souvent au prix du médicament. Cet état de fait augmente son coüt à tel enseigne que les

médicaments essentiels ne deviennent plus accessibles pour les catégories sociales économiquement défavorisées.

CHAPITRE II : Organisation du secteur de la santé et régulation du

système pharmaceutique au Sénégal

1. Organisation du système de santé

Le système de santé du Sénégal est organisé depuis 1994 selon une structure pyramidale mise en place par le Ministère de la santé publique et de l'action sociale qui a procédé au découpage du territoire national en 54 zones opérationnelles appelées districts. Ce découpage visait à permettre un renforcement de la planification à la base afin d'harmoniser les actions en matière de santé sur le plan national. Ces zones opérationnelles comprennent chacune au minimum un centre de santé. Cette structure est ainsi constituée:

· A la base, un niveau périphérique appelé District sanitaire constitué de centres de santé et englobant un réseau de postes de santé eux mémes supervisant les cases de santé et les maternités rurales;

· A l'échelon intermédiaire ou niveau régional, la structure de coordination est la région médicale ;

· Au sommet, nous avons un niveau politique comprenant le cabinet du Ministre, les directions et les services nationaux.

Pour son financement, le secteur de la santé compte en premier lieu sur l'Etat et à un degré moindre sur les collectivités locales et les ONG. Cependant l'analyse régionale des financements permet d'identifier certains partenaires au développement qui interviennent dans plusieurs domaines sanitaires notamment dans les services, la surveillance

épidémiologique, l'appui institutionnel, le développement des ressources humaines, le renforcement de la santé de la reproduction.... Il s'agit notamment de partenaires extérieurs comme le Canada, l'USAID, la Chine, l'OMS, l'UNICEF, l'UNFPA, la Coopération japonaise JICA, la Coopération Francaise, la Belgique, la DCE et la GTZ.

2. La régulation du système pharmaceutique au Sénégal

Les médicaments essentiels occupent une place centrale dans les soins de santé primaire car pour l'OMS, <<les médicaments doivent être partout et pour tous È.

Le Sénégal a adopté, en 1990, une politique des médicaments essentiels par arrété ministériel fixant les conditions de mise à disposition des médicaments au niveau des cases de santé, postes de santé, centres de santé et hôpitaux régionaux. La notion de médicaments essentiels combine les priorités de l'approvisionnement avec les priorités de la santé publique. Elle vise principalement à fournir à la plus grande partie de la population des médicaments qui conviennent le mieux pour prévenir et traiter les affections les plus courantes. Ces médicaments figurent en principe sur une liste établie sur la base des besoins sanitaires identifiés au niveau du pays.

En effet, cette politique des médicaments essentiels, composante à part entière de l'Initiative de Bamako, vise à renforcer les soins de santé primaires en vue d'accélérer l'instauration de <<la sante pour tous È avec une stratégie dont les objectifs sont les suivants:

- minimiser les coüts des médicaments de première nécessité pour accro»tre leur accessibilité aux plus démunis;

- renforcer le processus de gestion du système de santé et la disponibilité permanente de ces médicaments essentiels au niveau des formations sanitaires publiques, surtout celles de base;

- favoriser la participation des comités de santé et un système de recouvrement du coüt des médicaments essentiels pour renouveler les stocks de début mis en place par les pouvoirs publics.

Les pouvoirs publics ont pour objectif dÕassurer une disponibilité, une accessibilité et une utilisation rationnelle des médicaments dans les secteurs publics et privés. La mise en Ïuvre de la politique pharmaceutique est assurée par plusieurs institutions publiques mais aussi plusieurs organisations privées y participent. Nous avons :

La Direction de la Pharmacie et des Laboratoires (DPL) ;

Le Laboratoire National de ContrTMle des médicaments (LNCM) ;

La Pharmacie Nationale dÕapprovisionnement (PNA) et les pharmacie régionales dÕapprovisionnement(PRA) ;

LÕordre National des pharmaciens ;

Les grossistes répartiteurs ;

Les industries locales ;

Les officines ;

Les dépTMts ;

Parmi les institutions en charge de la regulation du systeme pharmaceutique, nous retiendrons trois(3) qui semblent etre les plus significatives: la Direction de la Pharmacie et des Laboratoires (DPL), la Pharmacie Nationale dÕapprovisionnement (PNA) et le Laboratoire National de ContrTMle des médicaments (LNCM).

La Direction de la Pharmacie et des Laboratoires est lÕautorité nationale chargée de la réglementation. Ses missions émanant du décret 2003-665 du 24 juin 2003 portant organisation du Ministére de la Santé de lÕhygiéne et de la Prévention consiste à :

- élaborer et à veiller à lÕapplication des textes législatifs et réglementaires relatifs à la pharmacie, aux médicaments, aux réactifs des laboratoires dÕanalyses médicales, aux substances vénéneuses, à lÕalcool et aux dispositifs médicaux ;

-réglementer lÕexercice des professions pharmaceutiques et à contrTMler les laboratoires dÕanalyses médicales ;

- réglementer et dÕassurer la promotion de la pharmacopée traditionnelle.

La Pharmacie Nationale dÕapprovisionnement (PNA) est chargée de lÕapprovisionnement en médicaments essentiels du secteur public. La PNA est devenue un Etablissement Public

de Santé (EPS) par lÕarrêté 99-851 du 27 aofit 1999, suite à la loi 98-012 portant creation, organisation et fonctionnement des établissements publics de sante (EPS) et du décret 98- 702 portant organisation administrative et financiére des EPS. Sa mission première est dÕassurer aux populations les plus fragiles lÕaccessibilité financiére et géographique des médicaments et produits essentiels de qualité.

Avec un effectif dÕune cinquantaine de personnes, la PNA realise un chiffre dÕaffaires de lÕordre de 7 milliards de francs CFA par an50.

Le Laboratoire National de ContrTMle des Médicaments est chargé du contrTMle technique des médicaments, en relation avec la Direction des Pharmacies et des Laboratoires (DPL).

Par ailleurs, lÕOrdre national des pharmaciens intervient aussi dans la regulation du secteur car il est chargé de contrTMler lÕexercice de la profession à travers le code de déontologie et de donner des avis motives sur des aspects concernant la politique pharmaceutique.

L'offre dans le secteur public.

La PNA avec ses dépTMts régionaux (PRA) est chargée dÕapprovisionner les structures sanitaires publiques qui à leur

tour vendent directement aux malades les médicaments qui sont inscrits sur la liste nationale des médicaments essentiels. Cette liste est élaborée par la Commission Nationale Permanente dÕélaboration et de Revision de la Liste des Médicaments Essentiels. La PNA est approvisionnée en médicaments par appel dÕoffre

51

international et national dans une moindre mesure. Cet appel dÕoffre concerne 500articles . La marge de vente est fixée uniformément pour tous les médicaments dans le public et le privé. Le district a un dépTMt qui est une centrale dÕachat chargée dÕapprovisionner les dépTMts des centres, postes et cases de sante. Le secteur public de distribution a été confronts pendant longtemps à de nombreuses difficultés. Suite à la dévaluation du franc CFA, la promotion des médicaments essentiels a largement contribué à sa rehabilitation.

50 Rapport final du Forum Civil sur la corruption dans le système de Santé, 2005.

51 LÕaspirine et la nivaquine constitue chacun un article


· L'offre dans le secteur privé

Le secteur privé sénégalais concerne plus de 70% en valeur du marché des approvisionnements. La structure de prix en vigueur dans le secteur privé est la suivante: le prix grossiste hors taxes (PGHT) est le prix de base accepté dans l'AMM (autorisation de mise sur le marché). Nous avons des coefficients multiplicateurs du PGHT:

· 1.32 pour les médicaments sociaux;

· 1.8586 pour les médicaments ÇnormauxÈ ;

· 2.12 pour les médicaments à conditionnement hospitalier.

La production locale est assurée par trois firmes : Aventis Pharma, Pfizer Afrique de l'ouest pour l'essentiel avec Valdafrique et l'institut Pasteur pour les vaccins.

Toutefois, nous assistons à une gestion

bureaucratique du médicament dont les failles militent en faveur du développement du marché parallèle du médicament. Ceci se manifeste à travers le mode d'approvisionnement des structures sanitaires publiques si l'on sait que les commandes des districts doivent passer d'abord au PRA avant que la PNA ne puisse les délivrer. Cette lenteur dans la distribution entra»nent des ruptures de stocks qui font que certaines populations font recours aux réseaux d'approvisionnent illicite qu'elles considèrent comme une alternative. Dés lors, la gestion du médicament montre ses limites.

3. Les limites des politiques de santé

Depuis une trentaine d'années, les réformes se sont succédé, les propositions se sont multiplié et, pourtant, une grande insatisfaction persiste, tant du point de vue des populations que des intervenants. Le sentiment est désormais largement partagé qu'une

52

grande partie vient de l'offre de santé publique . En 1978, la Conférence d'Alma Ata sur les soins de santé primaires a été organisée sur la base des principes de l'accès universel, de l'équité, de la participation communautaire et de l'action intersectorielle. En 1987, les ministres africains de la santé ont adopté l'Initiative de Bamako qui était aussi, une stratégie destinée à renforcer les soins de santé primaires.

52 JAFFRE Y., DE SARDAN J. P. (dir.), 2000, Une Médecine inhospitalière, les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Paris, Karthala, p.10.

En 2001, les chefs d'Etat et de gouvernement ont proclamé 2001-2010, Décennie de la médecine traditionnelle africaine. Cependant, nous constatons, de la Conférence d'Alma Ata à l'Initiative de Bamako, que les politiques de promotion des soins de santé primaires restent toujours d'actualité quoique les actions entreprises soient non négligeables. Ces politiques ne se sont pas traduites en un meilleur accès aux services de santé pour les plus démunis, elles n'ont fait que marginaliser davantage certains sous-groupes déjà très vulnérables au profit d'une plus grande viabilité financière des structures et l'exemption du

53

paiement pour les indigents est une solution viable mais socialement non envisagée .

Même si son option première consiste à rendre accessibles les soins de santé pour les populations les plus démunis, l'Initiative de Bamako se heurte à certains problèmes. La non gratuité des consultations aux niveaux des structures sanitaires et l'exigence d'un honoraire pourraient constituer une entrave pour les patients d'accéder aux soins médicamenteux. Dès lors, la promotion des soins de santé primaires ne doit pas se limiter uniquement à la facilitation de l'accès aux médicaments essentiels. Parallèlement, elle doit passer de prime abord par la gratuité ou du moins par la réduction du prix de la consultation si l'on sait que cette dernière est la clé de voute.

Par ailleurs, les politiques sanitaires et plus particulièrement l'IB qui veut intégrer les agents de santé communautaire se trouvent confronter à d'autres problèmes liés au manque de formation et de légitimité, à la corruption des certains agents et comités de santé ou de gestion. Les comités de santé, censés être les garants d'une participation communautaire,

54

sont souvent loin de répondre toujours à cette vocation qu'on leur a assignée . Les pratiques telles que les corruptions et détournements ont été soulignés par l'Inspecteur des affaires administratives et financières au Ministère de la santé et de la prévention Médicale qui s'intrigue du fait que les comités de santé se soient détournés largement de leurs objectifs.

Il ajoute qu'Ils s'adonnent pratiquement à la collecte des recettes générées par les activités des
structures, sans aucune contribution, par des activités génératrices de revenus, au détriment des
activités promotionnelles. Les recettes sont thésaurisées si elles ne sont pas détournées, au

53 Santé Publique, 2004, Volume 15, N°1, p. 37.

54 JAFFRE Y., DE SARDAN J. P. (dir.), 2000, op. cit. p.74.

moment ou les structures manquent de ressourcesÉLes instances de décision de ces comités de santé ne sont pas toujours renouvelées et ne sont pas représentatives des populations. Les dépenses n'obéissent à aucune clé de répartition objective et sans aucune planification55.

Lors des assises de la santé de l'an 2000 au Sénégal, les autorités avaient introduit la notion de « capital santé È. La santé doit être un bien que chacun doit posséder et entretenir56.

En outre, les politiques de promotion des soins de santé et les programmes de lutte contre certaines maladies n'arrivent pas à gommer totalement les problemes d'inégalités devant l'accès aux médicaments essentiels. En dépit des efforts consentis par tous les partenaires de lutte, certains malades ont du mal à accéder aux soins.

Dans le Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNT), seuls 73% des malades sont encore pris en charge alors que le taux n'atteint pas toujours l'objectif fixé par l'OMS qui est de 85%. En effet, 12% des tuberculeux sont marginalisés et constituent un réel probleme de santé publique. La représentante du Programme National de lutte contre la Tuberculose (PNT) affirme que le taux de dépistage est de 56% tandis que celui du traitement est de 73%57. La promotion de santé doit viser l'égalité en matière de santé. Ses interventions ont pour but de réduire les écarts actuels caractérisant l'état de santé et d'offrir à tous les individus les mêmes ressources et possibilités pour réaliser pleinement leur potentiel de santé58 . Cependant, il semble que le dispositif de prise en charge a du mal à couvrir ou du moins à satisfaire la demande médicamenteuse de certaines populations. On assiste souvent à la rupture de stocks sporadiques en médicaments dans les structures sanitaires du secteur public et dans le circuit officiel d'approvisionnement en médicaments.

55 Le Quotidien, 30 mars 2006, Journée du Forum national sur la gouvernance et le systeme de santé au Sénégal.

55 Enquête, Mémoire, 2007.

56 SIDIBE M. F., Ethique et recherche en santé, 2004, Dakar, Les Editions du Livre Universel(E.L.U), p.6.

57 Sud Quotidien, 22 mars 2007, Réunion préparatoire de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose du 24 mars 2007.

58 OMS-Europe, 1986, Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé.

La Pharmacie Nationale d'Approvisionnement (PNA) souffre de plusieurs types de dysfonctionnements qui font qu'elle n'arrive pas à assurer sa mission principale qui est l'accessibilité financière et géographique des médicaments essentiels:

· Il n'existe pas de pharmacie régionale d'approvisionnement (PRA) dans toutes les régions du Sénégal en dépit des améliorations de couverture.

· Les ruptures de stocks sont fréquentes

· Les prix d'achat sont majorés de 20% et la marge de 50% conseillée aux clients para»t excessive.

De même, plusieurs dysfonctionnements peuvent être soulignés entre le Laboratoire National de Contrôle des médicaments (LNCM) et les autres principales institutions publiques en charge de la régulation du système.

· La collaboration semble difficile avec la PNA qui ne prend pas en compte les préoccupations du Laboratoire National de Contrôle des médicaments (LNCM) lors de l'élaboration du cahier de charge pour les appels d'offre;

· Il n'existe presque pas de collaboration avec la DPL, ni avec les industriels, les grossistes et les pharmaciens hospitaliers59.

L'approvisionnement de certaines catégories sociales au niveau du marché parallèle du médicament appara»t alors comme un paradoxe pour les autorités qui affirment avoir beaucoup fait pour faciliter l'accès aux soins. Le Directeur de cabinet du ministre de la santé

et de la prévention médicale nous confie au cours d'un entretien qu'aujourd'hui, le gouvernement est en train de mettre en place beaucoup de moyens. On vend beaucoup de produits génériques. Il fut un moment, pour acheter un paquet d'aspirine, tu étais obligé de décaisser 1000f. Aujourd'hui, pour avoir l'aspirine, tu n'achètes que ce dont que tu as besoin. Ë 100f, tu peux acheter le médicament dont tu as besoin dans une pharmacie et te soigner avec toute la sécurité requise à ce niveau60. Il semble que les raisons qui sous-tendent l'approvisionnent de certains populations à partir du marché parallèle du médicament échapperaient aux pouvoirs publics et soulève un paradoxe pour eux.

59 Rapport du Forum Civil sur la corruption dans le système santé, 2005, p.107.

60 Enquête, Mémoire, 2007.

En outre, les programmes de prise en charge tels que: le plan Sésame qui assure la gratuité des soins aux personnes dites du Ç troisième âge>> se heurte à un problème lié à la non-conformité entre l'âge réel du patient et celui mentionné au niveau de la carte d'identité nationale. La plupart sont moins âgés sur le Ç papier >>. Parallèlement, certaines structures sanitaires sont confrontées à des difficultés de remboursement de la part de l'Etat qui en garantit la prise en charge. A cela, s'ajoute ce que JAFFRE et SARDAN appellent l'existence d'une Ç médecine inhospitalière >>et les dysfonctionnements internes au système public de santé. Ces facteurs constituent une des causes de la fréquentation insuffisante des formations sanitaires et de recours à d'autres systèmes de soins (en particulier l'automédication), usagers 61

et d' insatisfaction des . L'approvisionnement de certaines

populations au niveau du Çmarché noir >> soulève une contradiction quand on parle de promotion des soins de santé primaires. Selon B. BONNICI, la promotion de la santé constitue le processus qui vise à donner à l'individu et à la collectivité la capacité d'exercer un meilleur contrôle sur les facteurs déterminants de la santé et à améliorer ainsi leur niveau de santé62. La politique de santé par nature transversale se heurte donc à un certain nombre de limites, d'ordre économique, budgétaire, financier, car elle traverse un système de santé, soumis à la contrainte générale d'un système d'économie marchande déséquilibré63.

Le commerce illicite du médicament polarise aujourd'hui, autant l'attention des pharmaciens d'officines privées que celle des autorités publiques dont les premiers ne cessent de fustiger leur attitude. Ainsi, il serait important pour nous de comprendre les causes qui sous-tendent cette pratique et de saisir les raisons de la persistance de ÇKeur Serigne bi>> dans la vente illicite des médicaments en portant notre attention sur les motivations des différents acteurs.

61 JAFFRE et SARDAN, 2000, Op., Cit, p.15.

62 BONNICI B. Op., Cit, p. 20.

63 BONNICI B., Ibid.

TROISIEME PARTIE:

LA VENTE ILLICITE DES MEDICAMENTS

Note introductive

Dans cette partie, nous montrons l'organisation du commerce du médicament au marché parallèle de Ç Keur Serigne biÈ en faisant la carte des acteurs. Cette partie aborde également les différentes opinions sur la ven te illicite de médicaments telles que: les causes de la vente illicite des médicaments, les raisons de la persistance de Ç Keur Serigne biÈ dans la pratique. Elle met aussi à nu les différentes mesures de lutte contre le commerce illégal du médicament.

CHAPITRE I : LE MARCHé PARALLELE DE «KEUR SERIGNE BI»


Le monde de Keur Serigne bi È.

Mosquée Vendeurs et Clients et vendeurs

Ç Keur Serigne biÈ Caisses de médicaments de Keur Serigne bi

Ces photos sont prises à l'aide d'un téléphone portable au cours de notre enquête.

1.1. Présentation du cadre d'étude

«Keur Serigne bi»(la maison du marabout) appartient à la commune d'arrondissement de Dakar-Plateau et se situe au centre ville de Dakar, sur l'avenue Blaise Diagne, à quelques

encablures du marché Sandaga. Elle est sous le titre foncier de Serigne Modou Moustapha Mbacké64. Aujourd'hui, la maison est sous le contrTMle de Serigne Cheikh Baumbaly, l'actuel khalife de Serigne Modou Moustapha Mbacké.

A l'intérieur du site se trouvent un grand bâtiment en dur jouxté par deux autres appartements à ses cTMtés. On y trouve également d'autres logements en baraque qui abritent pour la plupart de petits restaurateurs. Une mosquée d'une superficie de 40 metres carrés d'environ, se situe à l'extreme droite de l'enceinte. On peut également apercevoir une école coranique aux confins de la demeure.

Ë la lumiere de cette présentation, nous notons que « Keur Serigne porte une forte empreinte islamique. Mis à part son aspect religieux, elle est aussi à l'image d'autres structures un cadre informel mais également un lieu de sociabilité d'une communauté idéologique. Il est des lors, un endroit où la vente illicite des médicaments est tres active. Il constitue une destination privilégiée pour beaucoup de personnes.

1.1.1. Historique du nom « Keur Serigne bi »

« Keur Serigne bi » est construite en 1926 par Serigne Modou Moustapha Mbacké fils a»né et premier khalife de Cheikh Ahmadou Bamba, principal fondateur et guide religieux de la confrérie mouride. L'appellation « Keur Serigne bi » date selon les vendeurs du vivant de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, lorsque le marabout devrait etre exilé au Gabon, en escale à Dakar, il avait passé plusieurs jours dans ce milieu. Et, chaque jour, des fideles venaient de partout, lui rendre visite pour lui manifester fidélité et sympathie. En y allant, le visiteur disait : « mangi dem Keur Serigne bi » (je vais à « Keur Serigne bi »). C'est pourquoi l'on parle aujourd'hui de « Keur Serigne bi ». Ainsi, Cheikh Ahmadou Bamba demanda finalement, de son vivant, à son fils a»né, Serigne Modou Moustapha Mbacké d'acheter la maison afin qu'elle soit la demeure de tous les fideles et des sans abris en particulier qui n'habitent pas Dakar. Aujourd'hui, « Keur Serigne bi » se révele comme l'une des plaques tournantes du commerce illicite du médicament. Chaque jour, un bus de

64Serigne Modou Moustapha Mbacké est le fils a»né de Cheikh A. Bamba.

feux Serigne Mourtada65 y prend départ pour Touba66.

2.1. Organisation de la vente des médicaments à « Keur Serigne bi »

Contrairement à ce que laisse entrevoir toute observation superficielle, «Keur Serigne bi»est un cadre structuré. Notre immersion dans ce milieu et discussion avec certains acteurs nous ont permis de distinguer quelques catégories de personnes qui s'activent dans la pratique.

2.1.1. Carte des acteurs

Dans cette partie, il s'agit de montrer l'ensemble des personnes qui participent au trafic des médicaments à « Keur Serigne bi » et le rTMle de chacun.

2.1.1.1. Les racoleurs ou rabatteurs

Les racoleurs peuvent etre considérés comme les premiers réceptacles de la clientele. Ils se positionnent en dehors de « Keur Serigne bi » sur l'avenue Blaise Diagne. Ils interceptent toute personne arrivée à hauteur de « Keur Serigne bi », qu'elle soit acheteuse ou non en lui demandant « lo b`g ? garab È (que voulez-vous ? des médicaments). Ils mémorisent pour la plupart le nom et le prix de beaucoup de médicaments (prix à l'officine). Les racoleurs ou rabatteurs sont « les plus actifs des acteurs », car sans cesse, ils cherchent d'éventuels clients potentiels et d'autres personnes qui viennent à « Keur Serigne bi » pour y écouler ou recycler des médicaments. Leur stratégie consiste, aprés avoir pris connaissance des médicaments que cherche l'acheteur, à lui proposer un prix moins cher que celui offert dans les pharmacies. Chaque rabatteur à son ou ses propres vendeurs avec qui il traite aprés avoir proposé un cofit au client. Dans la vente des médicaments à «Keur Serigne bi», les racoleurs disposent d'une zone dÕincertitude pertinente dans le système de relations et d'activités. Non seulement ils sont plus instruits que les vendeurs à qui on interdit de sortir pour chercher des clients et dont la plupart savent lire uniquement l'arabe, mais aussi

65 Serigne Mourtada Mbacké est fils de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride.

66 Touba fut un village crée par cheikh Ahmadou Bamba. Actuellement il est considéré comme ville et l'appelle aussi l « la capitale du mouridisme ».

ils monopolisent l'information car ils sont les premiers qui accueillent la clientele. Un

rabatteur affirme : depuis que j'ai cesse de frequenter l'ecole, je suis ici. Je ne connais que la
vente de médicaments. Je suis venu ici parce que mon grand frere est vendeur de medicaments
ici, il ne sait pas lire francais et puisque c'est necessaire, il m'a dit de venir l'aider. Je travaille

ici depuis 1996...je m 'en sors bien67 . La strategie des racoleurs est aussi rendue adequate et efficace par le fait que beaucoup d'acheteurs ne veulent pas etre identifies comme etant des clients de ce marche parallele. Par consequent, ils preferent discuter avec un rabatteur qui se charge de chercher le medicament demande plutTMt que d'aller negocier volontiers avec les vendeurs. L'%oge des racoleurs est compris entre 25 et 35 ans et on peut denombrer une trentaine de racoleurs reguliers (durant nos enquêtes). En ce qui concerne le deroulement de

leur travail, les racoleurs affirment : si un client vient, on regarde la liste des medicaments recherches et, on lui propose un coat moins cher que celui des pharmacies mais benefique pour nous car on sait, si par exemple le medicament coate 15.000f à l'officine, on peut l'avoir à 10000f à l'interieur (de « Keur Serigne bi »). On propose au client de donner 13500f et on

gagne 3500f. Neanmoins, pour etre racoleur ou rabatteur, il faut conna»tre obligatoirement au moins un vendeur qui a confiance et accepte de traiter avec toi68 soutient un rabatteur. Il ajoute : il est difficile d'être vendeur ici si on n'est pas de Touba parce que c'est un trafic delicat. Des lors, « Keur Serigne bi » semble etre une structure hermetique, reservee aux mourides et particulierement, à ceux originaires de Touba qui en assurent l'organisation meme si beaucoup de racoleurs viennent des banlieues telles que Pikine et Guediawaye. Il faut preciser que la presence de racoleurs n'est pas seulement specifique à « Keur Serigne bi » mais le propre de beaucoup de pratiques informelles.

2.1.1.2. Les vendeurs

Parmi les vendeurs nous distinguons quelques categories.

Les « grands vendeurs » : ils sont dans l'enceinte de la maison. Chacun dispose de caisses en bois qui abritent des medicaments. D'autres, à cote des caisses, ont des locaux

67 Enquete memoire, 2007.

68 Enquete memoire, 2007.

qu'ils appellent <<magasins È oü ils gardent des médicaments et d'autres spécialités médicales. Ils sont plus d'une cinquantaine de vendeurs fixes dont leur âge est compris entre 35 et 70ans avec une prédominance des plus 40ans. Chaque vendeur fixe vers e une cotisation mensuelle de 1 000f pour assurer les frais de la maison tels que: le payement des factures d'eau et d'électricitéÉ Ainsi, cette structuration de l'espace entra»ne l'établissement de règles informelles de Convention. D'autres vendeurs s'installent aux abords de la maison à tel point qu'on ne puisse appréhender la façade de <<Keur Serigne bi È. Ces vendeurs, marchandent pour la plupart des insecticides en poudre et en liquide et sont relativement âgés de plus 50ans alors que d'autres, <<petits vendeursÈ déambulent à l'intérieur avec des médicaments en mains (jeunes de 18 à 22 ans). Nous remarquons que les vendeurs dans leur écrasante majorité se réclament du mouridisme comme appartenance confrérique. Ils viennent pour la plupart de Touba et ont duré au moins 10 ans (vendeurs fixes) dans le commerce hormis certains enfants qui y sont avec leurs parents, vendeurs. Un vendeur que nous avons interrogé sur ses débuts répond: J'ai été chauffeur mais j'ai compris que la vente du médicament marche, c'est la raison pour laquelle je suis entré dans la pratique. J'ai fait 15 ans ici. Un autre, sur la même question réplique : je suis là depuis 1998. J'ai des parents ici. Ç Alhamdoulillah mangi santÈ (je remercie le bon Dieu).

Cette pratique peut être considérée ou du moins envisagée comme une reproduction socioprofessionnelle si l'on sait que beaucoup de vendeurs y sont avec certains de leurs enfants. En outre, les vendeurs , pour << fidéliserÈ les acheteurs n'hésitent pas à donner leur numéro de téléphone dès le premier contact. Tous les vendeurs avec qui nous avons négocié nous ont donné leur numéro de téléphone portable.

2.1.1.3. La commission de discipline

Elle est composée de trois personnes (vendeurs) qui sont chargées de faire respecter le système normatif. Ainsi, toute personne qui se livre à des pratiques, attitudes ou comportements (fumer à l'intérieur, dispute, injure, débauche, recherche de clients en dehors de la demeure) contraires aux règles établies sera passible à une sanction. En effet, La commission de discipline interdit aux vendeurs de sortir dans l'enceinte de <<Keur Serigne

bi » pour intercepter les clients. Selon les vendeurs, elle l'interdit dans le but de permettre l'égalité des chances. Ainsi, tout vendeur qui déroge à cette regle payera une amende de 1500f et se voit perdre son client au profit d'un autre. Un racoleur nous a mis en rapport avec un vendeur pour qu'il nous fasse le devis d'une liste de médicaments et de matériels hospitaliers. Apres avoir discuté avec lui, sommairement, à quelque 100metres de « Keur Serigne bi », il nous demande de lui devancer et de l'attendre, à l'intérieur (de « Keur Serigne

bi »), sous la tente. Et , avant qu'on entame les négociations, il affirme : je vous ai dit de me preceder parce que si la commission de discipline me voyait entrer à la maison en votre compagnie, jÕallais payer 1500f en guise dÕamendeÉ on nous interdit de sortir pour chercher des clients dehors pour que tous les vendeurs aient les memes chances de vendre leurs medicaments. Et, puisque ce commerce nÕest pas legal, on veut que tout se passe à lÕinterieur de la mais on mais ces gens (rabatteurs) nous mettent souvent en rapport avec des personnes, dehors. CÕest normal quÕil existe une commission ; vous voyez tout ce monde ! (vendeurs), sÕil

nÕy avait pas de reglementation ce serait du nÕimporte quoi. Le systeme organisationnel repose sans nul doute sur une convention entre les vendeurs quoique certains enfreignent souvent cette regle pour tirer plus de profit. Nous conviendrons avec CROZIER que l'individu quelle que soit la nature des contraintes du systeme développe des stratégies diverses pour assouvir ses besoins. Il n'y a pas de systemes sociaux entierement réglés ou contrTMlés les acteurs individuels ou collectifs qui les composent ne peuvent jamais etre réduits à des fonctions abstraites et désintéressées69 .

Ce commerce de médicament donne lieu à d'autres types de prestations dans l'enceinte de « Keur Serigne bi » : vente de déjeuner, de petit déjeuner et de « café - touba». « Keur Serigne bi » constitue en outre, la nuit, un abri pour certains fideles mourides et d'autres personnes (Sans Domiciles Fixes) qui ne voudraient pas dormir à la belle étoile.

2.1.2. La clientele de Keur Serigne bi : une clientele hétérogène.

Parler de la clientele de « Keur Serigne bi » revient à identifier ceux qui y viennent pour s'approvisionner en médicaments et ou en d'autres spécialités médicinales. Certains

69 CROZIER M., FRIEDBERG E., 1977, LÕacteur et le système, Paris, Seuil.

vendeurs et rabatteurs affirment qu'ils ont une clientèle qui regroupe toutes les catégories sociales et socioprofessionnelles, qu'elles soient riches ou pauvres. Un racole ur nous confie: ici ! Tout le monde y vient.

Moi, j'ai des clients avocats, policiers et tu verras avant que tu ne rentres, affirme un autre. Notre immixtion dans ce milieu nous a permis de comprendre que la clientèle de <<Keur Serigne bi È est loin d'être homogène mais diverse et variée.

Les acheteurs appartiennent à différentes catégories sociales, contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes y compris certains auteurs à l'instar de FASSIN qui croient que c'est exclusivement l'apanage des catégories sociales économiquement défavorisées. Parmi ces acheteurs on peut noter deux catégories: << la clientèle fidèle ou potentielle È et << la clientèle de circonstance ou occasionnelle È.

2.1.2.1. La clientèle fidèle ou potentielle

Les acheteurs potentiels sont généralement des gens atteints d'une maladie qui nécessite la prise quotidienne de médicaments ou des personnes utilisant un ou des médicaments spécifiques pour le traitement d'une maladie chronique. Certains d'entre eux arguent que les médicaments sont chers aux niveaux des pharmacies et que << Keur Serigne biÈ constitue une panacée. Une cliente affirme: ce médicament, je dois l'acheter à chaque fin de mois et je

n'ai pas toujours les moyens de l'acheter dans les pharmacies parce que c'est cher. J'ai quelqu'un qui me le vend ici à chaque fois que je viens.

On note parmi eux, des hommes et des femmes mais ils appartiennent à différentes catégories socioprofessionnelles. On y trouve: des infirmiers, des ouvriers, des boutiquiers,

70

des ménag ères et même paradoxalement des gendarmes et policiersqui souvent en uniforme, se positionnent à quelques encablures de la maison de peur d'être appréhendés pour négocier, discrètement, avec un racoleur qui se charge d'apporter le médicament demandé. Et, l'invraisemblance est que parmi ces forces de l'ordre on y retrouve de <<fidèles clients È. Un client, policier, à la recherche d'un médicament, intercepté par un racoleur qui

70Nous les avons identifiés et avons même participé aux négociations avec le racoleur qui me les présentait comme son ami.

lui propose un prix (quÕil a jugs cher) lui dit : c'est cher, tu me laisses donc voir mon client. J'ai un client qui me vend ca à chaque fois que je viens ici. Ceci montre effectivement quÕil est un habituel acheteur. Un autre, gendarme, en civil tenant une ordonnance dÕune valeur de 13. 613(prix à lÕof ficine) negocie avec un rabatteur avec qui il a lÕhabitude de negocier

afin quÕil lui donne les medicaments moyennant 7OOOf. Le racoleur lui dit : ca ne m'arrange pas (7000f) mais je ne peux qu'accepter parce que tu es mon client mais « baxul ci man » (ca ne m'arrange pas).

Les infirmiers representent une part importante dans la clientele de Ç Keur Serigne bi È comme le confirment les vendeurs et nos observations. En effet, beaucoup dÕinfirmiers proprietaires de structures sanitaires (privees) viennent sÕapprovisionner au marché parallele « Keur Serigne bi È. Au cours de notre enquete, nous avons pu identifier une infirmiere. Elle etait en compagnie de son chauffeur qui se stationne à quelques 100 metres de la maison. Elle reste dans la voiture et donne au chauffeur une liste de medicaments quÕil cherche à lÕinterieur de Ç Keur Serigne bi È. Apres lÕapprovisionnement, elle procede dÕelle -meme à la verification avant de quitter. Beaucoup dÕinfirmiers se ravitaillent à partir de Ç Keur Serigne bi » soit en medicaments soit en dÕautres specialites medicales que nous mentionnerons. Ainsi , nous notons parmi Ç la clientele fidele È une part considerable de personnes censees de lutter contre le commerce illicite de medicament. Ces categories socioprofessionnelles pourraient etre considerees comme les Ç legalistes È cette pratique qui bien quÕinterdite se voit ainsi toleree implicitement.

2.2.1.2. La clientèle circonstancielle ou occasionnelle

A cote de cette clientele potentielle È ou fidele, nous avons identifié une clientele occasionnelle ou de circonstance. Ce sont generalement des acheteurs qui y viennent par contingence, à cause dÕune ord onnance dont le cout, considers cher au niveau de lÕofficine

les oblige à venir à Ç Keur Serigne bi È moyennant une ré duction. Une acheteuse declare : On m'a prescrit une ordonnance. Je suis allee demander le montant à la pharmacie mais c'est cher pour moi et une amie m'a dit de venir ici parce que c'est moins cher.

Un autre declare : c'est la première fois que je viens là. Mais, il fallait que je trouve ce medicament car je souffre et je n'ai pas 5000f pour l'acheter à la pharmacie. Il faut renseigner que ces Ç acheteurs de circonstance È pour la plupart, ne viennent à Ç Keur Serigne bi È que lorsque le montant des medicaments à lÕofficine dépasse quatre mille francs

(4000f). En effet, si le cofit du médicament à l'officine est égal ou supérieur à quatre mille francs (4000f), l'écart entre le prix de l'article à l'officine et celui de « Keur Serigne bi » varie entre 700 et 1500f. Plus le cofit de médicament à l'officine est « cher » ou « élevé », plus important est l'écart pour l'acheteur. L'écart entre les prix évolue donc en fonction cofit du médicament à la pharmacie. Ç Ce medicament coute 6550f et pourtant je lÕachete à 5000f ici et parfois moins » affirme un client.

2.2.1. 3. « Keur Serigne bi » vue par sa clientele

Considérée comme l'une des plateformes de la vente illicite des médicaments à Dakar, « Keur Serigne bi » jouit d'une « bonne »réputation de la part de sa clientele. Cette notoriété résulte principalement du fait qu'elle est d'abord un lieu oil les médicaments se vendent à des prix qui sont à la portée des bourses de certaines populations qui ne peuvent pas accéder aux médicaments au niveau des structures officielles d'approvisionnement. En effet, la clientele de « Keur Serigne bi » dans sa globalité l'apprécie positivement car les médicaments y sont plus accessibles soutient-elle. Ils (les clients) affirment aussi que certains médicaments souvent en rupture dans les structures officielles de vente y sont toujours disponibles et qu'ils ont confiance en la qualité des médicaments qui y sont vendus (la clientele fidele).

La clientèle soutient ainsi :

1 Ç Keur Serigne bi È est vraiment une bonne chose pour nous Ç badoolo È qui nÕavons pas assez de moyens parce quÕici, on peut négocier un medicament à un prix largement inférieur à celui des pharmacies, soutient un retraité de 6o ans environ .

2 Je ne vois que son utilité parce que moi, cÕest ici oil jÕachete les medicaments que jÕutilise pour me traiter et depuis, jÕai constaté une nette amelioration, affirme une ménagere.

3 Les medicaments de ÇKeur Serigne bi » sont de même qualité que ceux vendus dans les pharmacies. En tout cas moi, jÕai confiance en la qualité des medicaments qui y sont vendus. Pourquoi des infirmiers y viennent pour acheter des medicaments ? CÕest parce que ces medicaments sont bons, argue un ouvrier.

A la lumière de ces appréciations, nous constatons que Ç Keur Serigne jouit d'un écho favorable de la part de sa clientèle. Cette audience ne dépend pas de la qualité des médicaments méme si certains acheteurs l'avancent mais du coüt moins élevé des prestations offertes comparé à celui des pharmacies et de la disponibilité de certains médicaments qu'on ne retrouve pas dans pharmacies.

3.1. Réseaux d'approvisionnement de « Keur Serigne bi »

3.1.1. Schéma d'illustration des réseaux d'approvisionnement de Ç Keur Serigne biÈ

Réseaux extérieurs Touba

(Dakar-BISSAU Dakar-Banjul), émigrés

cambrioleurs d'officine

des pays d'Europe

Keur
Serigne

Personnes arrivées aux

Termes de leur traitement

(Recyclage)

Délégués médicaux

Pharmaciens, infirmiers

3.1.2. Carte des pourvoyeurs de Ç Keur Serigne bi È

Le marché parallèle de Ç Keur Serigne bi È, dispose de plusieurs sources d'approvisionnement. Il s'agit de montrer l'ensemble des acteurs qui l'alimentent en

médicaments.

3.1.2.1. Des pharmaciens véreux ou les Ç brebis galeusesÈ de la profession pharmaceutique

Les pourvoyeurs de <<Keur Serigne biÈ sont multiples. Beaucoup de gens affirment que des pharmaciens <<nourrissent È << Keur Serigne bi È. Les pharmaciens soutiennent qu'il y a certains d'entre eux qui contribuent au développement du marché parallèle du médicament. Ils affirment que ceux qui approvisionnent le réseau parallèle sont animés par un sentiment de cupidité et de recherche effrénée de profit. Pour l'ancienne présidente du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal dans toute corporation, il y a des brebis galeuses. Il y a des pharmaciens qui ont des yeux beaucoup plus gros que le ventre. Certains affirment que l'Ordre des pharmaciens en a identifié: il y a certains pharmaciens qui approvisionnent Ç Keur de Serigne bi È, ils sont connus de vue lieu.

E. N confirme : des pharmaciens ont été pris les mains dans les poches en train de vendre des médicaments à Ç Keur Serigne bi È.

Selon le chef de la Division Administrative de la Direction de la Pharmacie et des laboratoires71, certains pharmaciens avec la complicité des grossistes répartiteurs du secteur formel font des commandes de quantités très importantes de médicaments dont le surplus atterrit au marché parallèle.

M. B pharmacien soutient: Il ya des infirmiers et des médecins, il y a aussi des pharmaciens. Dans toute corporation il y a des brebis galeuses È. Ë Touba, les pharmacies sont entourées de dépTMts de médicaments et le prix du médicament étant homologué, ils seront obligés de se battre pour s'en sortir72.

Concurrencés par des vendeurs du marché parallèle, certains pharmaciens, pour résister ou du moins <<existerÈ développent des <<stratégies perversesÈ ou marginales. Un autre

71 Consultation sous-régionale d'experts des pays membres de la CEDEAO sur les stratégies de contrôle transfrontalier des médicaments illicites, Ouagadougou du 06-08 juillet 2006.

72 Enquête Mémoire de Ma»trise, 2007.

corrobore en affirmant qu'il y a certains pharmaciens véreux qui veulent s'enrichir à tout prix.

Dès lors, si on prête serment pour prendre et ou respecter des engagements, certains

73

pharmaciens, après avoir prêté ce qu'il est convenu d'appeler le Serment de Galien ne
l'honorent guère. Le discours critique des pharmaciens à l'endroit de leurs confrères semble
trouver sa justification dans ce Serment: Que les hommes m'accordent leur estime si je suis

74

fidèle à mes promesses .

Que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si j'y manque.

Les psychologues parlent d' « effet brebis galeuse » qui désigne le fait que les sujets évaluent plus négativement un membre de leur groupe qu'un membre du hors-groupe lorsque celui-ci adopte des conduites déviantes ou se révèle défaillant à une tâche et, dans un cadre inverse, évaluent plus positivement un membre de leur groupe qu'un membre du hors-groupe75. L'appât du gain prend ainsi le dessus sur la probité, élément fondamental du Serment de Galien. En outre, le fait que certains pharmaciens (de Touba) qui, entourés par des dépôts de médicaments, grossissent le marché parallèle peut être perçu comme une stratégie pour eux de tirer leur épingle du jeu comme le confirme un pharmacien. Ceci, conduit certains à être en contradiction avec un des fondements du pacte d'allégeance : En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mÏurs et favoriser des actes criminels76.

Nous conviendrons dés lors avec M. CROZIER qu'il n'y pas de systèmes sociaux entièrement réglés ou contrôlés. Les acteurs individuels ou collectifs qui les composent ne peuvent jamais être réduits à des fonctions désintéressées et désincarnées. Ce sont des acteurs à part entière qui à l'intérieur des contraintes souvent très lourdes que leur impose le système dispose d'une marge de liberté qu'ils utilisent de façon stratégique, la persistance

73 Le Serment GALIEN est le discours que prononce tout pharmacien arrivé au terme de sa formation et avant la réception de son diplôme.

74 Serment de Galien

75 BOUCHET J. et al. 2004, Psychologie sociale, L'Individu et le Groupe, p.194.

76 Serment de Galien

de cette liberté défait les règles les plus savants77. Il apparait ainsi que certains pharmaciens ravitaillent Ç Keur Serigne biÈ en médicaments. Toutefois, certains affirment leur encrage et affirme méme avoir décliné des propositions douteuses de certains pharmaciens.

3.1.2.2. Les infirmiers

Parmi les infirmiers, on trouve autant des pourvoyeurs de ÇKeur Serigne biÈ que des gens qui s'y approvisionnent et notamment ceux disposant d'une structure sanitaire privée. Les infirmiers qui ravitaillent ÇKeur Serigne biÈ le font gr%oce aux dons de médicaments qu'ils auraient détournés. Au cours de notre étude, ils ont été plusieurs fois mentionnés. Les vendeurs de ÇKeur Serigne bi È témoignent que certaines spécialités pharmaceutiques leurs sont acquises par l'intermédiaire des infirmiers.

3.1.2.3. Les délégués médicaux

Parmi les ravitailleurs on peut mentionner des délégués médicaux comme le confirment les vendeurs. En effet, ces derniers disposent des échantillons gratuits pour présenter de nouveaux produits ou faire la promotion de certaines spécialités pharmaceutiques. Ces prototypes sont souvent vendus au niveau du marché parallèle et notamment a Ç Keur Serigne bi È.

3.1.2.4. Les recycleurs

Nous notons parmi les recycleurs des invalides de l'armée qui bénéficient d'une prise en charge médicale. Souvent dans une situation de précarité, ils se font généralement prescrire une ordonnance (des antibiotiques en générale) qu'ils reven dent à ÇKeur Serigne bi È. Egalement, certains malades ayant terminé leur traitement viennent recycler le reste de leurs médicaments au marché parallèle de Ç Keur Serigne bi È. Ce recyclage ne concerne pas uniquement les médicaments mais aussi, d'autres spécialités sont aussi réinsérées à ÇKeur Serigne biÈ le plus souvent par le personnel de santé (infirmiers) comme le soutiennent les vendeurs.

77 M. CROZIER, op.cit .p.25.

3.1.2.5. Les cambrioleurs

Entre le 01 Aoit 2005 et le 31 mars 2006, une cinquantaine de pharmacies ont fait l'objet de cambr suivi 14 autres durant premier 2007 78

iolage de le semestre de . Le president du Syndicat des pharmaciens prives du Sénégal , à l'ouverture de l'Assemblee generale extraordinaire des pharmaciens, declare Nous subissons des agressions. Nous encaissons une depossession programmee de l'exercice du monopole de la pharmacie avec le marche illiciteÉ Les pharmaciens font l'objet d'une serie de vandalisme. Les auteurs continuent de beneficier d'une impunite. Cela est inacceptable dans un pays de droit. Il ajoute : Même si c'est l'Etat qui doit garantir la sécurité des biens et des personnes, nous devons, de plus en plus, investir dans

79

le volet de la sécurité. Nous devons aussi interpeller les parlementaires sur cette question .

Au cours de notre enquete, une pharmacienne nous dit quÕelle nÕetait pas disposee de repondre à nos questions parce quÕelle devait deposer une plainte contre les cambrioleurs de son officine. Le marche parallèle de Keur Serigne bi È dispose diverses sources de ravitaillement au niveau national mais egalement une importante quantite des medicaments qui sont vendus provient hors du pays.

3.1.2.6. Les sources d'approvisionnent exterieurs

Les pays concernés sont la Guinée Bissau, la Gambie. Ce sont principalement les medicaments provenant de ces pays voisins par lÕintermédiaire de voyageurs. Parallelement, certains colis de medicaments sont acquis par le biais des émigrés des pays dÕEurope, affirment les vendeurs de Ç Keur Serigne bi È.

4. 1. Liste de quelques specialites et produits vendus à « Keur Serigne bi » en dehors du medicament

Autres produits vendus à «Keur Serigne bi»

78 Le Soleil, 28 juillet 2007.

79 Le Soleil, 28 juillet 2007.

Lits d'hôpitaux

Tables d'accouchement

Bo»tes à pinceaux

tensiomètre

alcool

seringues

insecticides

Contrairement à ce que croient beaucoup de personnes, Ç Keur Serigne bi È n'est pas uniquement un lieu de vente de médicaments. Hormis les médicaments, d'autres spécialités médicinales y sont recyclées ou vendues.

CHAPITRE II : LES DIFFERENTES APPRECIATIONS SUR LA

VENTE ILLICITE DU MEDICAMENT

2.1. Les causes de la vente illicite des médicaments

Saisir les causes de la vente illicite des médicaments revient à comprendre les différentes motivations des acteurs. Il serait important de confronter les différents points de vue tels que : celui des pouvoirs publics, des pharmaciens, et des personnes qui sÕactivent dans ce commerce illicite en vue dÕappréhender les raisons qui les sous- tendent. La triangulation des opinions sur la question déduit que les causes sont de plusieurs ordres avec la predominance à bien des égards de lÕéconomique dans lÕexplication car le marché du médicament est un marché juteux et beaucoup de gens qui nÕont pas de métier sÕadonnent au commerce illicite.

- Les IPM ou causes originelles

Pour certains pharmaciens, les IPM (instituts de prévoyance-maladie) sont à lÕorigine de la vente illicite des médicaments. En effet, les IPM permettent à certains fonctionnaires de bénéficier dÕune prise en charge médicale et dÕavoir des bons de médicaments aux niveaux des pharmacies. Certains pharmaciens affirment que beaucoup personnes qui en jouissent sÕen profitent pour écouler au niveau du marché paralléle du médicament. Je pense qu'il faut parler des origines. Les dérives ont commence avec les IPM, affirme un pharmacien. Des lors, les fondements historiques du trafic illicite du médicament sont à rechercher dans les IPM.

- Les causes socioéconomiques

Pour beaucoup, la vente illicite des médicaments n'est pas isolée de la situation précaire de certaines catégories sociales. Elle appara»t comme une solution de rechange non seulement pour les vendeurs mais aussi pour la clientele. C'est un marché juteux et les gens ne baissent pas les bras sur quelque chose qui rapporte, affirme un ph armacien .

M. O, racoleur confirme : la vente de médicaments me rapporte beaucoup.

Pour le Vice président du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, la cause principale de la vente illicite des médicaments c'est la pauvreté et le manque de couverture sociale des populations. Il soutient qu': en France vous ne trouverez pas de vendeur illégal de

80

médicaments parce que les populations disposent d'une couverture médicale . Même si l'économique est déterminant, d'autres pensent par ailleurs que ce trafic est aussi relatif à d'autres facteurs.

- Le manque d'information

Le Directeur de cabinet du ministre de la santé et de la prévention médicale (MSPM), parlant des motivations des vendeurs et de leur clientele soutient : Pour être honnêteje suis en train moi-même de chercher. Ce sont des personnes mal intentionnées (les vendeurs), l'appât du gain est tentantÉ. Mêmes les personnes qui s'adressent au niveau du Ç marché noir È, on se pose la question de savoir pourquoi elles s'adressent aux niveaux de ces marchés. Ë quelle fin? Ils ne sont pas bien informés. M.A pharmacien abonde dans le même sens. Il déclare que les gens ont tendance à dire que les causes sont économiques mais ce n'est pas seulement économique. On peut retenir que la principale cause, elle est économique parce que ceux qui y vont, ils y vont dans ce sens là. Mais je pense qu'il y a un grand problème d'information. Globalement, situ prends les cents personnes qui achètent ces produits, peut être 5% ou 10% seulement trouveront un intérêt économique dans ça.

- La perméabilité des frontières

80 Enquête Mémoire, 2007.

Elle est aussi l'un des principaux facteurs du développement de la vente illicite des médicaments. Ë en croire les vendeurs de « Keur Serigne bi », la plupart des médicaments proviennent de Guinée -Bissau et de la Gambie.

Pour, le Directeur de la PNA, c'est l'environnement qui est propice au développement du commerce illicite du médicament. Il affirme qu' : aujourdÕhui nous nous trouvons dans zone transfrontaliere où nous sommes plus ou moins enveloppes et oit les frontieres nÕont pas

de barriere. Le pays nÕa pas de frontiere. La plupart des produits viennent des pays voisins. Au

marche hebdomadaire de Diaobe (region de Kolda), on avait arrete un camion chargé de medicaments81. Les reseaux internes (du pays) lÕinterieur ne peuvent pas nous donner une quantite qui depasse 50. 000f, la plupart nous viennent de Guinée -Bissau, soutient un vendeur de « Keur Serigne bi ». Il apparait ainsi que la part des médicaments provenant de pays voisins est plus importante bien qu'il existe des réseaux à l'intérieur du pays qui alimentent le marché illicite du médicament. Cet état de fait témoigne le manque de surveillance et pose la problématique du rTMle des pouvoirs publics dans la vente illicite des médicaments.

- La défaillance du systime de soins et du réseau officiel d'approvisionnement.

Le systeme de santé sénégalais est victime de plusieurs maux qui militent en faveur du développement d'activités paralléles. Les dysfonctionnements réels du secteur de soins biomédicaux n'encouragent pas les populations à le fréquente mais les pousse à adopter des soins facilement accessibles et peu cofiteux, surtout à domicile (FAYE S.)82. Ë cela, il s'ajoute que la PNA qui approvisionne les structures sanitaires publiques et parapubliques n'arrivent pas à couvrir l'ensemble des besoins réels en soins médicamenteux des

83

populations si l'on sait qu'elle ne fait qu'une commande de 500 articles (l'aspirine, amoxicilline constituent des articles). Ceci pose un réel probléme entre l'offre et la demande des populations en matiére de médicaments.

81 Enquête, Mémoire, 2007.

82 Faye S. op., cit.

83 Entretien avec le Directeur de la PNA.

Les populations font recours au marché illicite du medicament pour quatre raisons. Il signaler que le marché legal des médicaments conna»t assez régulièrement des ruptures de stocks ou de retrait de commercialisation de certains produits et par consequent, les habitués à ces produits se retournent alors sur le marché illicite.

Egalement, les marches Ç Occas et Ç Keur Serigne bi È présentent une bonne disponibilité

84

de médicaments les plus couramment c ommercialisés dans le secteur légal .

Par ailleurs, les pratiques telles que : les détournements de dons humanitaires se révélent etre une source non moins importante dans lÕapprovisionnement de Ç Keur Serigne bi È en médicaments et en dÕautres spécialités médicales.

Il faut noter aussi que le deficit en médicaments qui caractérisent généralement les structures sanitaires et, souvent décrié par les malades et les professionnels de sante est également une des raisons qui expliquent lÕapprovisionnement de certaines populations au niveau du marché paralléle.

2.2. Les Pouvoirs publics et la vente illicite du medicament:

De la complaisance à la complicite de l'Etat

Le 22mai 2007 lors des journées pharmaceutiques, le Ministre de la Santé et de la

Prevention Médicale (MSPM), parlant de la vente illicite des m édicaments affirme que cÕest
un phénomene mondial. Ce qui suppose une approche multisectorielle de lutte et des moyens
importants pour éradiquer le phénomène classé parmi les plus grands crimes à cTMte de la

drogue85. Par ailleurs, le Directeur de cabinet du ministre de la Santé et de la Prevention
Médicale ne manque pas lui aussi de décrier lÕattitude des vendeurs de médicaments

illicites. Pour lui, les vendeurs sont des personnes mal intentionnées. Il soutient que la vente illicite des medicaments, cÕest un vol. Toute vente illicite est un vol. CÕest de la malveillance. CÕest à la limite un manque de civisme reel dÕautant plus que les personnes à qui on vend ces produits, on les expose. Il nÕy a plus de conservation normale des produits, il nÕy a

84 Directeur de la pharmacie et des laboratoires.

85 Le Soleil, 23 mai 2007.

plus de politique de qualification, il nÕy a plus un minimum de sécurité pour vraiment vendre ces produits. Or, aujourdÕhui, le gouvernement est en train de mettre en place beaucoup de moyens pour faciliter lÕacces aux medicamentsÉ Je me pose toujours cette question ; pourquoi moi, je viens dans une pharmacie, je vole les medicaments dÕautrui et je les vends dans le marché noir ? Pourquoi moi on me donne des produits que je dois donner gratuitement parce que je suis délégué medical je les vends. Il ajoute en ces termes que : le gouvernement est en train des prendre les mesures nécessaires pour éradiquer ce probleme. Sous peu de temps,

vous verrez les actions que nous allons mener86. Toutefois, cette position ambivalente sinon ambigu` des pouvoirs publics sur le commerce illicite du medicament est décriée par les pharmaciens qui pensent quÕils sont regardants et à la limite complices. Pour eux, que lÕattitude des autorités publiques semble militer en faveur du commerce illicite des médicaments car elle nÕest pas de nature à lutter contre cette pratique. Ils soutiennent que les pouvoirs publics nÕaffichent aucune volonté politique pour lÕéradiquer bien quÕils soient sensibilisés sur les consequences du phénoméne. Les autorités ne sont pas assez réceptives, ils se demandent sÕil nÕy a pas des intérêts à sauvegarder par les autorités publiques ?

Pour madame M. I, malgré la mise sur pied, par lÕancien premier ministre (Macky Sall) depuis lÕannée 2005, dÕun Comité de lutte contre la vente illégale des médicaments, le phénoméne persiste parce que le Comité nÕest pas fonctionnel. Pour elle, les mesures prises par lÕEtat sont ponctuelles voire inefficaces pour eradiquer ce commerce illicite. DÕautres pharmaciens soutiennent que lÕEtat est complice, complaisant face à cette pratique. Et, certains pensent quÕil y a des implications politiques entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Selon le Vice président du syndicat des pharmaciens, lÕEtat est laxiste et immobiliste87 devant la vente illégale des médicaments.

P. A : Les autorités sont complaisantes. Tout le monde sait que cÕest illegal. Nous -memes nous sommes au courant de Ç Keur Serigne bi È à plus forte raison que lÕEtat. Si on vendait de la drogue on serait traqué. Peut etre sÕils vendaient de la drogue eux, ils seraient pris.

86 Enquete mémoire 2007.

87 Enque-te Memoire, 2007.

Pour certains, cette complaisance est synonyme d'irresponsabilité de la part de l'Etat qui ne remplit plus sa mission régalienne.

P.O : Un ministre nous a dit: Ç écoutez ça, ça date depuis Senghor. Senghor ne l'a pas réglé, Abdou Diouf ne l`a pas réglé, Abdoulaye Wade n'en parle pas, ce n'est pas moi petit ministre qui va leréglerÈ.

M.X: Depuis l'ancien régime jusqu'à nos jours, les gens sont allés à plusieurs reprises voir le ministre de la santé pour discuter avec lui... La preuve Issa MBAYE Samb, il est ministre, iine peut pas dire qu'il ne connaitpas les réalités; nous sommes de la même corporation ; tu ne l'as jamais entendu mener une action dans ce sens. Donc les gens regardent.

Selon P. C: Les autorités ont montré leur irresponsabilité. On a Ç Keur Sergine bi È non loin de chez A. Wade. Si au vu au su et au dessus de l'administration, les mourides qui sont à Ç Keur Sergine bi È arrivent à vendre des médicaments; cela veut dire que l'Etat n'a pasjouer son rTMle. L'Etat a une grande part de responsabilité sur le développent du marché illicite.

Par ailleurs, d'autres pensent que c'est l'informel qui est en train de s'ériger en règle dans
tous les secteurs à cause du non respect des lois et règlements qui régissent la vente de
médicaments. Nous sommes dans une jungle oil les forts dévorent les faibles. C'est l'anarchie

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totale personne ne respecte l'autorité. Par exemple les Dakar DEM -DIKK , ils ont leur arrêt- b us mais les cars rapides y stationnent. Qui sont ces gens ? Ce sont ces gens de l'informel. Vous qui faites de la sociologie vous avez de la matière, je sais que chaque jour vous pouvez être inspiré par un sujet à Dakar. Tu ne vois rien de formel ici. Mais ce n'est pas une raison, il faut un Etat fort qui réorganise, qui sanctionne. On ne gère pas un pays par des sentiments.

Les pharmaciens n'approuvent nullement la posture de l'Etat sur le commerce illégal de médicaments car, les pouvoirs publics n'affichent aucune volonté tendant à éradiquer cette pratique soutiennent-ils.

La position de l'Etat par rapport à la pratique est de nature à formaliser l'informel et décriminaliser la vente illicite des médicaments si l'on sait que les vendeurs ne redoutent pas beaucoup la répression car certaines forces de l'ordre supposées réprimer ce trafic s'en mélent souvent.

88 Dakar DEM-DIKK est une société de transport.

Les autorités publiques mélent ainsi condamnation et tolérance à tel enseigne que les vendeurs de ÇKeur Serigne biÈ se trouvent autorisés à persister dans la pratique.

2.4. Les causes de la persistance de «Keur Serigne bi»

Appréhender les causes de la persistance de ÇKeur Serigne biÈ revient à saisir les différents enjeux qui tournent autour du commerce illicite du médicament et la logique des différents acteurs.

Les implications politico-religieuses

Pour certains, l'explication de la persistance de Ç Keur Serigne biÈ réside dans son appartenance religieuse qui lui confère protect ion et assurance. Il y a des gens, au sommet de l'Etat qui sont impliqués dans le trafic et qui l'entretiennent, c'est pourquoi Ç Keur Serigne biÈ demeure intouchable. Ils se demandent pourquoi une structure comme Ç Keur Sergine biÈ vend illégalement des médicaments au vu et su de tout le monde, à l'intérieur méme de Dakar, dans la capitale alors que la loi ne lui donne pas le droit. Ils pensent qu'il y a des complices qui sont dans l'Etat ou bien, c'est à cause de son appartenance religieuse qu'on n'ose pas l'attaquer.

Pour le Directeur de cabinet du Ministre de la Santé et de la Prévention Médicale (MSPM), la personne qui vend des médicaments au niveau de ' Keur Serigne bi È neprend aucune mesure de sécurité. Beaucoup de gens croient à tort ou à raison que 'Keur Serigne bi È appartient au marabout de Touba. Malheureusement, c'est à tort. Le marabout n'à rien avoir avec ' Keur Serigne bi È. Pour lui, les vendeurs de ÇKeur Serigne biÈ sont obnubilés par l'appât du gain car l'appât du gain est tentant. Le discours des pharmaciens sur les causes de la persistance du marché parallèle de ÇKeur Serigne bi È est ainsi véhiculé:

P. A : Ils ont des soutiens. Les gens n'osent pas dire qu'ils les soutiennent mais en bas les gens les soutiennent. La communauté mouride estpuissante. Peut être que lui-même(le chef de l'Etat), il est mouride mais l'Etat doit prendre ses responsabilités vis-à-vis de la vente illicite des médicaments.

P. D : La persistance, elle est là. ' Keur Serigne bi È, c'est quel Serigne ? Ce n'est un pas un Serigne tidjane mais, ce n'est pas un Serigne layenne c'est quel Serigne ? Mouride. Il y en a même quelques uns qui font la pratique. a, j'ai la preuve. Quelqu'un est venu me proposer

un marché, jÕai refuse ; billahi ! Au nom de mon boulot, il était mouride, trés bien mouride avec lÕaccoutrement et tout. Je le connais personnellement. Il mÕa dit : jÕavais pensé à toi, je lui ai répondu que je nÕentre pas dans cette affaire.

P. E affirme que la seule explication plausible est celle religieuse qui lui confère une sorte dÕassurance.

A la lumiere de l'appréciation des pharmaciens, il semble que le pouvoir religieux et particulierement mouride, est tres déterminant dans l'explication de la persistance de la vente illicite des médicaments. La confrérie mouride se révele etre la principale protectrice

de cette pratique pour beaucoup de pharmaciens. Un racoleur soutient : nous savons que cette pratique est illégaleÉ Celui qui travaille ici nÕa pas le droit dÕavoir peur parce que cÕest le marabout (Serigne Saliou) qui nous protége. Si ce commerce se pratiquait ailleurs, tu nÕaurais pas lÕopportunité dÕen faire un sujet de mémoire.

Un pharmacien affirme : à Touba, il y a 4 ans ou 5ans, les pharmaciens de Thiés, de Diourbel et de Touba sont allés auprés de Serigne Saliou. Ils lÕont expliqué tout le probléme du début à la fin. Il dit(le marabout) si cÕestça, attendez, je vais donner un ndigueul 89 pour que les gens ferment tout ce qui nÕest pas pharmacie à Touba, dans la matinee. Ë 15 heures, ils (vendeurs de medicaments illicites) ont forme une delegation, ils ont demandé une audience. Ils disent au marabout : si vous nous sommez de fermer, on nÕaura pas de quoi donner nos femmes et nos enfants. Et, comme le marabout est trés sensible aux enfants, il dit : si cÕest ca, ce nÕest pas bon, donc rouvrez !

Nous conviendrons ainsi avec THEVENOT et BOLTANSKI que le pouvoir religieux dispose d'une certaine légitimité qui lui permette de «légaliser»ou de ou de «condamner»bien qu' : interdire et autoriser relevent des prérogatives de l'Etat. Cette posture de l'autorité religieuse repose sur ce que THEVENOT et BOLTANSKI appellent : la justification de lÕopinion basée sur la reconnaissance des autres. Cette justification entraine alors, une convention. La convention selon THEVENOT et BOLTANSKI c'est : un systéme dÕattentes réciproques et de compétences, conçu comme allant de soi et pour allez de soi90.

Par ailleurs, l'attitude des pouvoirs publics qui restent « regardant È face au commerce

89 Un ordre provenant du khalife en général des mourides dont l'application constitue un impératif pour tout fidele (mouride).

90THEVENOT et BOLTANSKI, op.cit. p.213.

illicite du médicament est aussi sous-tendue par des enjeux inavoués justifiant aussi la posture de l'Etat. Certains pharmaciens sont convaincus que l'Etat ne veut pas éradiquer ce phénomène car s'il le voulait, il le ferait sans problème soutiennent-ils. Ils pensent que c'est l'appartenance confrérique de Ç Keur Serigne biÈ qui explique sa persistance dans le commerce illégal de médicaments.

Un pharmacien nous confie que Chaque année on a des activités là-dessus. On a fait des propositions à l'Etat, en 2002 ou en 2003, le président de la République nous avait dit qu'il allait régler ce problème parce c'est un problème crucial et croissant mais jusqu'à présent rien n'est fait. Mais, le problème, il est facile à résoudre, il ne dépend que d'une volontépolitique. Si aujourd'hui l'Etat se lève pour régler ce problème, il le règle.

Par ailleurs, les vendeurs n'hésitent pas à tirer sur la fibre religieuse pour infléchir des positions ou décisions politiques. Il faut noter le fait que les vendeurs de ÇKeur Serigne biÈ soient d'obédience mouride pourrait être une des principales causes de la persistance du marché parallèle. Les rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux au Sénégal reposent sur les échanges de services car la place de l'Islam dans la société Sénégalaise définit, ses caractéristiques propres, voire sa spécificité dégagée, son importance en tant que politique, mieux en tant que système global de référence reconnue, et le champ politique, qui

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nous l'avons dit, a tendance recouper le champ religieux une fois balisé . En effet, le politique et le religieux ont toujours entretenu des rapports bien avant que le Sénégal n'accède à la souveraineté internationale. L'Administration coloniale francaise qui, fort de la légitimité sociale du pouvoir religieux qui bénéficient de la jouvence et de l'assurance d'une bonne partie de la population, ne manquait pas de le solliciter à chaque que le besoin se faisait sentir. Cette alliance constamment renouvelée depuis, entre l'élite d'abord sous

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tutelle coloniale et ensuite au pouvoir et les che fs de confréries ne s'est jamais rompue . Dés lors, face à ces légitimités et zones d'incertitudes (synonyme de pouvoir selon CROZIER) dont dispose chaque autorité (politique et religieuse), la recherche de compromis ou de convention pour parler comme THEVENOT et BOLTANSKI se pose et

91 MAGASSOUBA M., op.cit, p. 80.

92 MAGASSOUBA M., op.cit., p.55.

s'impose. Même s'ils ne sont pas toujours engagés dans la scene politique, les chefs religieux ou confrériques ne manquent pas de se prononcer souvent sur les questions affairant au jeu politique. L'enjeu du pouvoir religieux est aussi de taille pour les politiques sénégalais qui les courtisent souvent pour bénéficier de leur soutien moral et spirituel mais surtout électoral. Selon Momar Comba DIOP et Mamadou DIOUF, le soutien maraboutique au gouvernement ne peut être efficace qu'à la condition que la direction de la confrérie contrTMle bien ses membres, ce qui seul est payant dans la mesure oil cela permet de mobiliser les fideles dans le sens voulu par l'Etat. En le faisant, elle utilise son pouvoir au

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mieux pour négocier sa pa rticipation à l'organisation des élections . Nous conviendrons avec CROZIER et FREIBERG que le développement de relations de pouvoirs paralleles est la conséquence de l'impossibilité de délimiter totalement toute zone d'incertitude et qu'autour de celles qui subsistent, des relations de pouvoirs vont se développer et avec elles, des phénomenes de dépendance et de conflits94. L'histoire politique sénégalaise nous montre quoique les rapports du politique et du religieux aient été parfois conflictuels, leur cohabitation dialogique semble occulter certains moments de frictions. De cette convention, chacun trouve son compte. C'est donc un échange de services qui fait de chaque acteur un « prestataire- bénéficiaire ». Les marabouts apparaissent alors comme des « courtiers indispensables »95. Cette posture de coutiers est confirmée par Serigne Modou Bousso DIENG Président du collectif des jeunes marabouts, lorsque Karim Wade rendait visite Serigne Saliou à Touba. Il déclare en ces termes : Karim Wade n'est pas un mourideÉ.c'est Abdoulaye Wade lui-même qui avait dit à Tivaouane qu'il est mouride, mais son fils est tidjaneÉcomprenez bien que la venue de Karim à Touba est électoraliste et rien d'autre96. Ainsi, certains hommes politiques, à certaines occasions (« Magal » ou « Gamou ») pour gagner plus de sympathie, attestent leur « talibité» voire leur « tidjanité » ou « mouridité97 »

93 M. C. DIOP et M. DIOUF, 1990, Le Sénégal sous Abdou Diouf, Paris, Karthala, p.322.

94 CROZIER et FRIEDBERG, op.cit. p.202.

95COULON CH., op.cit., p. 191.

96WALF GRAND -PLACE, le 03 Aofrt 2007.

97 Par« tidjanité » et « mouridité » nous voulons dire : fidélité manifestée par rapport aux confréries tidjane et mouride.

aux chefs confrériques. Le président Wade qui à tenu-dessein, dès son accession au pouvoir, à afficher sa couleur confrérique en est pour quelque chose. Cette attitude vise l'électorat mourideÉ. Ce recours constant aux religieux a fait des émules chez les autres: Batilly, Tanor et landing, entre se découvrent subitement des amitiés maraboutiques 98

autres, . Ainsi,

la persistance de ÇKeur Serigne biÈ dans le commerce illégal du médicament est également sous- tendue par le des rapports de clientélisme entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. Dès lors le rapport entre le politique et le religieux dans la société sénégalaise n'est pas sans influence sur la posture de l'Etat par rapport aux mesures de lutte contre la vente illicite des médicaments. Nous conviendrons avec Didier FASSIN que le politique est dans tout et qu'il faut saisir le politique dans les événements les plus insignifiants ou les faits les plus quotidiens99.


· Les enjeux socioéconomiques

A coté de l'explication la plus répandue qui consiste à analyser la persistance de ÇKeur Serigne biÈ à partir des logiques qui animent les rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux, d'autres facteurs participent également à la compréhension.

L'adaptabilité financière des médicaments qui y sont vendus entra»ne la ruée de nombre de populations. Par ailleurs, le fait que certaines catégories socioprofessionnelles telles que les infirmiers, les délégués médicaux, des pharmaciens mais surtout des forces de maintien de l'ordre public (policiers et gendarmes) soient impliquées dans le commerce illicite des médicaments concourt considérablement à la persistance deÇ Keur Serigne bi È. La multiplicité des acteurs qui y trouvent leur compte et qui participent à son fonctionnement lui accorde une reconnaissance implicite aussi bien de la part des vendeurs que de certaines populations. JÕai toute sorte de clients: des policie rs, des avocats, des infirmiers, affirme un vendeur. D'autres pensent que la persistance de ÇKeur Serigne biÈ serait relative à l'incapacité de l'Etat à trouver du travail pour les personnes qui s'y activent car éradiquer ce marché parallèle revient aussi à trouver des mesures de reconversion des vendeurs de

98 Babacar Gueye dans Nouvelle Horizon, n°410, 20-26 février 2004, p.16.

99 FASSIN. D, Les enjeux politiques de la sante, op.cit. p.9.

médicaments illicites. A.M, pharmacien soutient: si on pousse la réflexion, elle est économique également, on va se dire que cette posture de l'Etat est économiquement explicable. Si l 'Etat ne parvient pas à trouver du travail à une bonne frange de la population, il ne sera prêt à l'interdire È. Ceci est corroboré par la riposte des vendeurs qui occupaient irrégulièrement certaines places publiques (que les médias et pouvoirs publics appellent par inadvertance marchands ambulants) à Dakar après une tentative de leur décampement par

l'Etat. Une partie de la presse n'a pas hésité à parler de ÇreculadeÈ de la part de l'Etat quirevient sur sa décision en affirmant que les mesures ne seront effectives qu'après la fête de Tabaski. Ainsi, cette attitude de l'Etat occulte des enjeux sous-jacents.

Toutefois, il faut signaler que certaines populations y viennent non pas parce qu'elles n'ont pas de moyens financiers suffisants mais parce qu'elles y trouvent des médicaments qui n'existent pas dans le circuit officiel d'approvisionnement. Ces médicaments supposés Ç efficacesÈ sont généralement acquis par les vendeurs de ÇKeur Serigne biÈ par

l'intermédiaire de voyageurs dans la sous régions ou d'émigrés des pays d'Europe. Ce
médicament tu ne trouveras jamais dans une pharmacie, ça vient de Guinée- Bissau et les

clients l'apprécient bien, nous confie un vendeur . La quantité importante de médicaments retrouvés dans le circuit parallèle d'approvisionnement pousse les pharmaci ens à s'intriguer de ses conséquences sur la profession pharmaceutique.

2.5. Les conséquences de la vente illicite du médicament sur la profession pharmaceutique: une image remise en cause et un manque à gagner pour les pharmaciens

Les conséquences de la vente illicite des médicaments font souvent l'objet de beaucoup de discutions et de mesures de lutte. Pour les pharmaciens, le commerce illicite du médicament a bel bien des conséquences sur la profession. Pour eux, les conséquences sont de plusieurs ordres.


· Les conséquences économiques

Les conséquences sont d'abord économiques parce que le marché parallèle du médicament constitue un manque à gagner pour les pharmaciens. Ils affirment que ce marché

est estimé à des millions de francs CFA. Les pharmaciens déclarent que le commerce illicite des médicaments a des conséquences négatives sur la profession pharmaceutique telles que : une diminution des bénéfices, le probleme d'insertion des nouveaux diplTMmés en pharmacie. Pour l'ancienne présidente100 du syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, « les pharmaciens qui sont déjà installés arrivent difficilement à joindre les deux bouts » parce que beaucoup de personnes se rabattent sur le marché illicite du médicament. Elle ajoute bien qu'ils soient des agents de santé publique, leur corporation constitue aussi une

entreprise et l'entreprise doit être rentable. Un autre affirme que Les consequences sont de deux ordres. CÕest dÕabord economique. CÕest un manque à gagner dans le developpement dÕune profession. Le marché parallele du medicament est evalue à des millions de francs Cfa par mois. Les jeunes etudiants qui veulent entrer dans la profession ne peuvent pas y entrer

parce que les autres ne peuvent pas avancer. Par ailleurs, le Directeur de la PNA

soutient que le commerce illicite du médicament constitue pour eux une barriere par rapport à leur chiffre d'affaire et surtout pour le pharmacien d'officine101.


· La dévalorisation de la profession et de l'image du pharmacien

D'autres pensent que c'est aussi la profession et l'image du pharmacien qui sont ternies. Ils soutiennent qu'on peut décrier leur corporation-ce qui entra»ne à son tour une

perte de valeur de la part du pharmacien. CÕest la degradation de la profession, ca va
beaucoup plus loin, il y a degradation de lÕimage quÕon avait de la profession. CÕest comme si
on a perdu à aller etudier durant six annees dÕetude et quÕon se retrouve au meme niveau que

ceux qui etaient au village, affirme un pharmacien.

Parallelement, les pharmaciens affirment sans ambages que les conséquences au niveau sanitaire sont plus alarmantes. Ils pensent que la vente illicite des médicaments pose un réel probleme de santé publique. Pour le Vice président du syndicat des pharmaciens privés, les vendeurs de médicaments illicites vendent la mort sans le savoir102. Pour l'ancienne présidente du syndicat des pharmaciens, beaucoup de cas de mort sont liés à la

100 Entretien, Mémoire, 2007.

101 Entretien, Mémoire de Ma»trise, 2007

102 Enquête Mémoire, 2007.

consommation des médicaments issus du marché parallele mais au Sénégal on ne fait dÕautopsie que lorsq uÕil y a mort dÕhomme. Pour elle, l'Etat doit prendre des mesures idoines pour mettre un terme à ce qu'elle appelle Çle genocide Ècausé par ces médicaments. Ainsi, même si l'on sait peu de la qualité des médicaments vendus à « Keur Serigne bi », les vendeurs eux-mêmes affirment qu'ils marchandent aussi des médicaments contrefaits. Qui plus est, les conditions dans lesquelles ces médicaments sont vendus ne sont pas celles préconisées si l'on sait que le siege du médicament doit au moins avoir une température ambiante inférieure ou égale à 25°c. Ainsi, nous admettons avec Stéphanie Vincent que le médicament se révele être un objet polarisé fortement symbolique aux contours flous, ce qui implique des mesures de lutte contre la vente illégale de médicaments.

2.6. Les mesures de lutte contre la vente illicite des medicaments

Les pouvoirs publics autant que les pharmaciens ont proposé des mesures de lutte contre la vente illégale de médicaments.

Pour le Directeur de cabinet du MSPM, « Keur Serigne bi È n'est pas une structure reconnue par l'Etat. Il affirme que ce qui est stir dans les jours à venir, Ç Keur Serigne bi È va fermer, on va mettre en place une brigade mobile. Nonobstant cela, certains pharmaciens pensent qu'il faut sanctionner séverement les personnes impliquées dans le trafic illicite de médicaments et informer davantage les populations des risques qu'elles peuvent encourir en consommant ces médicaments. Selon le président du syndicat pharmaciens, il faut aussi réactualiser les textes et les fortifier car ils datent de 1954. Pour d'autres, il faut observer une greve en faisant « une journée sans médicament È en fermant les officines voire ne pas s'acquitter du payement des impTMts.

M. N declare apres la drogue, et les armes, cÕest le trafic de medicaments qui est sfirement lÕun des plus rentables pour bon nombre de malfaiteurs. Mais, il faudra que lÕon arrive à des sanctions severes et proceder à des journees de destruction des medicaments illicites saisies et barrer la route aux fossoyeurs de la profession. Pour manifester cette volonte, je propose à lÕAssemblee dÕaller vers une prochaine baisse des rideaux de toutes les officines de pharmacies à travers les 35 departements du pays. CÕest un signal manifeste pour indiquer à tous que le

103

médicament n 'est pas une vulgaire marchandise . Certains pensent qu'Il faut des mesures

de lutte draconiennes : rester une année sans payer d'impôt. Un autre déclare: maintenant, c'est fini, le temps de dialoguer. On va passer à une autre étape, ça peut être n'importe quoi. A mon avis personnel, c'est de fermer les pharmacies pendant quelques minutes, quelques heures. On va utiliser d'autresformes de lutte.

Certains pharmaciens pensent qu'il faut sensibiliser davantage les populations des risques qu'elles encourent en consommant ces médicaments car l'approvisionnement serait

au niveau du marché parallèle serait lié à un manque d'information car, il faut une bonne information, informer les gens du danger des médicaments de la rue, des vendeurs, des non professionnels mais on ne peut pas faire office de police affirme-ils.

Il faut noter cependant que la lutte contre la vente illicite des médicaments ne peut être effective que s'il existe des brigades de contrôle incorruptibles. En outre, la porosité et le déficit de contrôle de la frontière sénégalaise sont parmi les facteurs principaux qui militent en faveur du développement des réseaux d'approvisionnement officieux du médicament. Les vendeurs et ra coleurs nous affirment que la part qui provient de l'extérieur et particulièrement des pays limitrophes du Sénégal est plus importante que celle provenant de l'intérieur du pays. Lorsque nous négocions avec un vendeur sur une liste de

médicaments et d'autres spécialités (matériels d'hôpitaux) nous demande: laquelle des amoxicillines 500mg (antibiotique) préférez vous ? Ily a deux sortes d'amoxicillines: celle des pharmacies et celle provenant de Guinée Bissau. Voici les deux tablettes; elles ne sont pas identiques. Celle provenant des pharmacies est la vraie tandis que celle de Guinée-Bissau est la

contrefaite(le garage de Dakar-Bissau se situe à quelque 800mètres derrière ÇKeur Serigne
bi È). Pour les pharmaciens, il faut lutter efficacement contre cette pratique afin qu'elle
disparaisse une bonne fois pour toute en la criminalisant et en prévoyant des sanctions qui

seraient de nature à l'éradiquer. Pour ce pharmacien, le problème du marché parallèle est un
phénomène qui prend de l'ampleur dans la région surtout à Touba. Il nécessite une synergie

103 Le Soleil, 28 juillet 2007.

d'actions en direction des professionnels du médicament, des autorités juridiques et des forces de sécurit. Selon le président du Syndicat des pharmaciens privés, le marché illicite des médicaments se développe de maniere exponentielle. Il déclare que : la situation est telle quÕil faut criminaliser le délit. Nous demeurons convaincu que seules des mesures de sanctions coercitives permettre de résoudre les problèmes à ce fléau 104

pourraient liés . Selon le
Directeur de la PNA, les pharmaciens posent aujourdÕhui le probleme avec acuité. Il faut

105

quÕon revienne sur les textes car il y a des sommes dérisoires à payer .

Cependant, quoique le Code la santé publique stipule en son article L 517 que « quiconque se sera livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie sera puni d'une amende de 240.000 à 1.200.000 francs et en cas de récidive, d'une amende de 420.000 à 2.400.000 et d'un emprisonnement de six jours à six mois ou d'une amende d'une de ses peines seulement »106. Les vendeurs de médicaments semblent etre dans l'impunité et seraient alors au « dessus de la loi ». La posture des pouvoirs publics, par rapport aux vendeurs, que nous qualifions de « tolérance douce » peut etre expliquée par le fait que l'Etat se trouve confronté à un probleme d'insertion professionnelle de beaucoup de personnes qui s'activent dans la vente illégale de médicaments mais surtout par son incapacité d'assurer l'acces aux médicaments à toutes les populations : lÕEtat est donc à lÕépreuve de la santé107 .

Dés lors, la lutte contre la vente illicite des médicaments implique impérativement une politique adaptée et efficace qui puisse répondre aux préoccupations et besoins réels des populations en matiere de soins médicamenteux. Cette politique passera nécessairement par la création de caisses de sécurité sociale et le développement des mutuelles et assurances maladies. Les politiques de protection sociale peuvent etre envisagées comme une alternative qui puisse permettre aux catégori es sociales défavorisées d'accéder aux

104 Le soleil, l'Assemblée générale extraordinaire des pharmaciens, 22mai 2007.

105 Entretien Mémoire de Ma»trise, 2007.

106 Source, Direction de la pharmacie et des médicaments.

107 FASSIN. D, Les enjeux politiques de la sante, Op., Cit. p. 7.

médicaments essentiels. Il faut aussi souligner qu'il y a un

manque réel de volonté politique de la part des pouvoirs publics. Le D C du ministère de la santé au cours de notre entretien bien qu'il affirme qu'ils vont prendre des mesures de lutte contre Ç Keur Serigne bi È, il argue que c'est la sensibilisation des populations qui est la meilleure forme de lutte. Toutefois, l'Etat, avec ses prérogatives a la possibilité de Çguérir le mal à la racineÈ en fermant toutes les structures irrégulières dont l'existence n'échappe pas sa connaissance. Il semble manifester sa ÇdébilitéÈ face au développement du commerce illicite du médicament.

CONCLUSION

En définitive, notre étude révèle que plusieurs facteurs participent dans l'explication du phénomène de la vente illicite des médicaments. Les causes de la vente illicite des

médicaments ne peuvent être percues qu'en faisant une approche holistique tant au niveau économique et social qu'au niveau politique.

La vente illégale de médicament n'est pas simplement l'apanage des catégories socialement défavorisées. Elle est le lit oü se rencontrent plusieurs catégories sociales et socio professionnelles. Cet état de fait, explique la multiplicité des acteurs et fait de la clientèle de Ç Keur Serigne biÈ d'une clientèle variée.

Nos résultats révèlent l'importance des facteurs socio-économiques dans l'explication de ce phénomène qui entretient le développement d'une Çéconomie parallèle È. Pratique illicite, elle est la résultante de plusieurs facteurs.

L'adaptabilité sociale des médicaments : la vente illicite des médicaments est d'abord une réponse sociale pour certaines populations défavorisées en matière de soins médicamenteux mais aussi pour d'autres agents de santé qui désirent ouvrir des cliniques ou une quelconque structure sanitaire privée.

La vente illicite de médicaments atteste que les pouvoirs publics peinent à assurer les besoins des populations en matière de soins médicamenteux. Elle résulte également d'une certaine défaillance des structures officielles qui se traduit par des ruptures de stocks et un manque de certaines spécialités. Ainsi face à cet état de fait, il n'est pas étonnant que le système sécrète des solutions de remplacement soutient D. FASSIN.

La dimension politico-religieuse: la spécificité d'un espace comme Ç Keur Serigne bi È montre la complexité des relations du politique et du religieux, du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel au Sénégal. Même si ce n'est pas le pouvoir religieux, mouride qui régente cette pratique, il est sans nul doute le protecteur des vendeurs. L'existence de pouvoirs parallèles, légitimes (légitimité sociale pour les marabouts et politique pour les pouvoirs publics), conduit l'Etat à observer une toléranceÇdouceÈ quoiqu'on note des déclarations d'intention et des condamnations. Elle dénote non seulement que son démantèlement pourrait entra»ner des frictions entre le pouvoir politique et le pouvoir maraboutique(confrérique) mais aussi une perte de sympathie et de soutien électoral du pouvoir en place de la part des mourides dont l'effectif est considérable. L'Etat mêle ainsi

condamnation et tolérance à telle enseigne que la frontière entre le légal et l'illégal, entre l'officiel et l'officieux devienne immatérielle.

Le contexte socioéconomique: beaucoup de catégories sociales trouvent un intérêt dans le trafic illicite des médicaments car c'est aussi une stratégie d'adaptation ou une solution de remplacement ou de rechange pour certaines personnes qui aspirent s'insérer économiquement dans le secteur informel face aux difficultés de trouver du travail.

Par ailleurs, L'approvisionnent des certaines catégories socioprofessionnelles et particulièrement celles qui sont supposées être les garants de l'ordre social, (policiers, gendarmes) <<légalisent>> doucement ou implicitement cette pratique vieille de plus d'un quart de siècle.

En sus, même si l'on ne peut affirmer que tous les médicaments sont contrefaits ou ne contiennent pas leurs principes actifs, il est évident que les conditions de conservation de ces médicaments ne sont pas celles idoines si l'on sait que les médicaments sont enfermés dans des caisses en bois tandis que d'autres sont enfermés dans des <<magasins>> non - ventilés alors que le lieu qui abrite le médicament ne doit pas dépasser 25°c. L'incertitude et le mystère entourent donc le médicament et notamment sa qualité. Mis à part cet état de fait, le médicament se trouve manipuler entre des <<mains inexpertes >>, << profanes>> qui << subtilisent >>, les compétences et rTMles des spécialistes en la matière.

Cette étude révèle également que << Keur Serigne bi>> constitue un lieu de << recyclage>> de médicaments apportés soit par des personnes ayant épuisé leur traitement, soit par des infirmiers ou délégués médicaux. Toutefois, il faut noter que l'écrasante majorité des médicaments provient des pays voisins aux rangs desquels viennent: la Guinée Bissau, la Gambie et certains pays d'Europe via les émigrés dans une certaine mesure. A l'intérieur du pays, nous pouvons identifier des pharmaciens qui font des sur commandes pour vendre finalement le surplus aux vendeurs de <<Keur Serigne bi >>. Mais également, des infirmiers ravitaillent ce marché parallèle en médicaments provenant le plus souvent des dons humanitaires.

Toutefois, le trafic de médicaments à <<Keur Serigne bi>> occulte celui d'autres

spécialités et plus particulièrement celui du matériel d'équipement des structures sanitaires (que nous n'avions jamais imaginé son existence à ÇKeur Serigne bi È). Il s'agit: de lits d'hôpitaux, des tables d'accouchement, tensiomètres, seringues, des pinceauxÉ que l'on ne peut savoir que si l'on en fait la demande. Selon les vendeurs, ce matériel est acquis par l'intermédiaire de personnels de santé.

Contrairement à ce que révèlent beaucoup d'études, les infirmiers n'y viennent pas uniquement en tant que approvisionneurs, ils y viennent aussi pour se ravitailler soit en médicaments ou en d'autres spécialités médicinales. Le marché de ÇKeur Serigne biÈ est donc une structure d'approvisionnement, de distribution et de recyclage des produits pharmaceutiques mais également il est un réseau parallèle de spécialités médicinales.

En définitive, cette étude peut servir de prétexte pour appréhender la relation qui pourrait exister entre le commerce illicite de médicaments et l'automédication, une autre réalité sénégalaise.

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Articles de presse Las, 14 Avril 2006.

Le Soleil, 23 mai 2007. Le soleil, 22 mai 2007. Le Soleil, 28 juillet 2007.

Table des matières

INTRODUCTION 14

PREMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

16

CHAPITRE I: CADRE THEORIQUE 17

1. La revue de la littérature 17

1.2. Problématique 26

1.3. Justification de la pertinence du sujet 29

1.4. Objectifs 30

1.4.1. Objectif général 30

1.4.2. Objectifs spécifiques 30

1.5.1. Explication de certains termes : autour du médicament. 31

1.5.2 La conceptualisation 33

1.6. Modèle d'analyse 36

1.6.1. L'analyse stratégique 37

1.6.2. La théorie des conventions ou le Conventionnisme 39

1.7. Hypothèses 41

1.7.1. Hypothèse principale 41

1.7.2. Hypothèses secondaires 41

CHAPITRE II: CADRE MÉTHODOLOGIQUE 42

1.2. Outils et Techniques de collecte des données 42

1.2.1. L'observation participante 42

1.2.3. La population enquêtée 43

1.2.4. L'enquête de terrain 44

1.2.5. Les vécus de terrain 44

DEUXIEME PARTIE: LES POLITIQUES SANITAIRES 47

Note introductive 47

CHAPITRE I: LES POLITIQUES DE PROMOTION DES SOINS
DE SANTÉ 48


·L'Initiative de Bamako(IB)

48

CHAPITRE II : Organisation du secteur de la sante et regulation du systeme pharmaceutique au Senegal 50

1. Organisation du système de sante 50

2. La regulation du système pharmaceutique au Senegal 51

3. Les limites des po litiques de sante 54

TROISIEME PARTIE : LA VENTE ILLICITE DES MEDICAMENTS 59

Note introductive 60

CHAPITRE I : LE MARCHÉ PARALLELE DE «KEUR SERIGNE BI» 61

Le monde de « Keur Serigne bi ». 61

1.1. Presentation du cadre d'etude 61

1.1.1. Historique du nom « Keur Serigne bi » 62

2.1. Organisation de la vente des medicaments à « Keur Serigne bi »63

2.1.1. Carte des acteurs 63

2.1.1.1. Les racoleurs ou rabatteurs 63

2.1.1.2. Les vendeurs 64

2.1.1.3. La commission de discipline 65

2.1.2. La clientele de Keur Serigne bi : une clientele heterogene. 66

2.1.2.1. La clientele fidele ou potentielle 67

2.2.1.2. La clientele circonstancielle ou occasionnelle 68

2.2.1. 3. « Keur Serigne bi » vue par sa clientèle 69

3.1. Reseaux d'approvisionnement de « Keur Serigne bi » 71

3.1.1. Schema d'illustration des reseaux d'approvisionnement de « Keur Serigne bi » 71

Reseaux exterieurs Touba 71

Personnes arrivees aux 71

3.1.2. Carte des pourvoyeurs de « Keur Serigne bi » 71

3.1.2.1. Des pharmaciens vereux ou les « brebis galeuses » de la profession pharmaceutique

72

3.1.2.2. Les infirmiers 74

3.1.2.3. Les delegues medicaux 74

3.1.2.4. Les recycleurs 74

3.1.2.5. Les cambrioleurs 75

3.1.2.6. Les sources d'approvisionnent extérieurs 75

4. 1. Liste de quelques spécialités et produits vendus à ÇKeur Serigne
bi È
en dehors du médicament 75

CHAPITRE II: LES DIFFERENTES APPRECIATIONS SUR LA VENTE ILLICITE DU MEDICAMENT 77

2.1. Les causes de la vente illicite des médicaments 77

2.2. Les Pouvoirs publics et la vente illicite du médicament: 80

De la complaisance à la complicité de l'Etat 80

2.4. Les causes de la persistance de «Keur Serigne bi» 83

2.5. Les conséquences de la vente illicite du médicament sur la profession pharmaceutique : une image remise en cause et un manque à gagner pour les pharmaciens 88

2.6. Les mesures de lutte contre la vente illicite des médicaments 90

CONCLUSION 93

BIBLIOGRAPHIE 97






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams