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L'interaction dans l'apprentissage en classe de français langue étrangère

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par Sophie Rimbaud
Université Paul Valéry Montpellier III - Master 2008
  

Disponible en mode multipage

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Abréviations p. 2

Introduction p. 3

I. Présentation du stage .p. 4

L'IEFE p. 4

a) Le contexte p. 5

b) L'enseignante p. 5

c) Les apprenants .p. 6

d) La leçon p. 6

L'IMEF p. 7

a) Le contexte p. 7

b) L'enseignante p. 8

c) Les apprenants .p. 8

d) La leçon p. 9

II. Théories de l'apprentissage p. 10

Qu'est-ce qu'apprendre ? ..p. 10

Les processus psycholinguistiques p. 10

L'apprenant p. 11

Les stratégies d'apprentissage p. 12

III. Théories de l'interaction en classe de langue p. 14

Les différents courants p. 14

La communication p. 15

IV. Etude de trois stratégies d'enseignement p 17

1) La répétition p. 18

2) La reformulation p. 19

3) Le traitement de l'erreur p. 22

Conclusion p. 25

Bibliographie p. 26

Abréviations

A. C. : approches communicatives

F. L. E. : français langue étrangère

F. L. S. : français langue seconde

I. E. F. E. : institut européen de français pour étrangers

I. M. E. F : institut montpelliérain d'études françaises

J. D. R. : jeux de rôles

L. E. : langue étrangère

L. M : langue maternelle

Introduction

Comment apprendre une langue étrangère quand on ignore tout de sa phonologie, de sa syntaxe, de son lexique et de sa pragmatique ? En effet aucun apprenant n'est censé avoir des notions en sciences du langage et/ou en didactique avant d'apprendre une langue, ce qui justifie souvent le recours à un enseignant ou à un enseignement en institut qui va utiliser certaines méthodes spécifiques adaptées à un apprenant qui au départ ne possède aucune de ces notions ?

Il n'existe pas d'enseignement sans méthodes : l'enseignant choisit des orientations à la fois sur le contenu de son enseignement et la manière de le dispenser. L'acquisition de la langue selon W. KLEIN (1989) apparaît « comme un processus : soumis à des lois précises, déterminé dans son développement, son rythme et son état final par différents facteurs, pouvant être influencé à un certain degré par une intervention méthodique : l'enseignant ». L'interaction faisant partie des différents facteurs qui déterminent l'apprentissage.

C'est pourquoi dans ce mémoire, en me basant sur l'observation d'une interaction dans une classe de langue je tenterai de mettre en avant les approches méthodologiques observables dans des interactions et qui rentrent en jeu dans l'apprentissage.

Ainsi dans un premier temps je placerai un cadre général de l'apprentissage, de sa définition première aux stratégies d'apprentissage. Cela m'amènera à parler des théories de l'interaction depuis les années 1980 pour finir sur l'étude de plusieurs moments de la classe de FLE que j'ai suivie au cours de mon stage. Des transcriptions de divers moments de la classe servent de base à cette étude : elles n'ont pu être faites que lors de mon second stage, l'enseignante de l'IEFE ayant refusé les enregistrements de peur que cela gène ses apprenants. Ce mémoire de stage tente de placer un panorama général de l'importance de l'interaction dans l'apprentissage : c'est une étude empirique de l'interaction d'une classe et d'un enseignant mais cela donne me donne une base de départ.

Rimbaud Sophie - L'Interaction dans l'apprentissage en classe de FLE - 2007/2008

I. PRESENTATION DU STAGE

La limite de mon observation vient d'un problème d'emploi du temps : le stage se passant durant les cours il a fallu jongler pour réussir à caser les deux. Je n'ai donc pas pu observer tous les moments de la classe.

L'IEFE

a) Le contexte

Mon stage s'est déroulé dans deux instituts de langue cela m'a permis de comparer les méthodes d'enseignement en fonction des objectifs. J'ai commencé les recherches tardivement car je voulais avoir convenu d'un sujet pour que mon observation soit bénéfique. Au final c'est l'observation pratique de mon stage qui a été déterminante dans le choix du sujet. Mon premier stage a commencé à l'Université Montpellier III : je discutais souvent avec mes camarades de cours qui faisaient un stage à l'IEFE. Comme leur stage se passait bien je me suis dit que ce serait une bonne idée de connaître les méthodes d'enseignement de cet institut qui prépare les étudiants au DALF et au DELF. Dès le départ j'ai voulu suivre une classe de langue française de niveau A2 qui préparait le diplôme de langue française. Selon les directives que nous les étudiants avions reçues, j'ai contacté Mme Hemmi, puis avec son accord je suis allée voir Mme Arnihac pour assister à son cours destiné à un niveau A2. Pourquoi ce niveau ? Si je me projette dans un enseignement c'est l'enseignement que j'appréhende le plus : je ne sais pas pourquoi mais il fallait que je vois quelle était la dynamique d'une classe de débutants/faux débutants et comment je pouvais mener l'apprentissage au-delà de la barrière de la langue.

Cet institut se situe à l'intérieur de la faculté de Lettres et Sciences Humaines, c'est le centre incontournable pour les étudiants étrangers de Paul Valéry qui veulent apprendre le français. Pour la description du type d'apprentissage je me contenterai de parler des cours auxquels j'ai assisté mais j'ai constaté que l'enseignement est réparti entre plusieurs professeurs et que les apprenants ont des cours en laboratoire de langue et sur ordinateur. J'ai suivi 4h30 de cours par semaine, le lundi et le mardi matin de la mi-février à la fin mars.

b) L'enseignante

L'enseignante, Mme Arnihac, est d'origine française et a suivi un cursus de lettres modernes, elle a une très grande expérience de l'enseignement, ce qui a motivé mon choix.

Après son cursus de Lettres Modernes elle s'est spécialisée en sciences du langage, discipline dans laquelle elle a passé une thèse en parallèle de son DUT de technique de commercialisation. Dans le cadre de l'enseignement elle a suivi une formation avec le CREDIF (Le cursus de FLE étant récent). Ces deux cursus lui ont permis de donner des cours de français des affaires.

Mme Arnihac a une règle à laquelle elle ne déroge pas : selon sa conception de l'enseignement il ne faut pas recourir à la langue de l'apprenant. Il ne faut pas oublier que nous sommes avec un public hétérogène. Bien qu'elle parle plusieurs langues (anglais, espagnol et néerlandais) il n'est, de toute manière, pas possible de recourir à des comparaisons dans la langue mère (dixit).

Mme Arnihac a cependant une attitude très différente de celle du second professeur, Philippe Perez (IMEF) : elle est très calme, ne fait jamais de mimique, de grands gestes. Les élèves guettent son approbation orale, il est difficile de lire sur son visage si la réponse est juste ou pas, un peu comme un flegme de l'enseignant (l'attitude est très importante ici car les deux professeurs sont en totale opposition).

J'apprécie beaucoup sa manière de traiter avec les élèves un texte nouveau (une thématique est choisie en début de semaine et ce texte est en rapport direct avec ladite thématique) : un apprenant commence par lire un paragraphe puis l'enseignante pose des questions sur ledit paragraphe qui développent à la fois une compétence de compréhension (ont-ils compris le texte ?) et une compétence d'expression : les élèves cherchent et se créent un lexique de synonymes, font en lien entre le texte et le monde qu'ils connaissent, ainsi un petit dialogue est instauré pendant quelques minutes, nous sommes loin des méthodes traditionnelles de lecture/traduction. Lors d'une pause nous avons parlé de son cursus, puis des élèves, de leur progression, de leur participation surtout des étudiants chinois qui ont un fort taux d'absentéisme, elle m'a conseillée pour mon projet de français sur objectifs spécifiques étant donné qu'elle a elle-même donné des cours de français des affaires.

Les apprenants

Les apprenants, au nombre de douze, sont de nationalités différentes : il y a des chinois, un chilien, deux brésiliennes, deux japonaises, deux suédoises, une norvégienne, une vietnamienne. Ils sont dans une classe de « langue française » de niveau A2. Il y a un réel problème d'assiduité pour les étudiants chinois : ceux-ci ne venant en cours que sporadiquement ils ne peuvent pas apprendre au même rythme que leurs camarades. Je pense que les méthodes d'enseignement françaises sont trop différentes de celles de la Chine et que cela gêne les apprenants. Les apprenants se sont inscrits à l'IEFE soit pour des raisons professionnelles (une étudiante vietnamienne faisait son stage au CIRAD) soit pour le plaisir d'apprendre la langue française.

La leçon

La disposition de la salle a un impact sur la leçon, il y avait deux salles et deux dispositions différentes, Mme Arnihac m'a fait remarquer que les apprenants participaient plus s'ils se voyaient. Voici le schéma des deux salles de cours.

Disposition 1 (lundi) Disposition 2 (mardi)

L'enseignement se situait dans l'axe des approches communicatives : le livre Grammaire progressive du français : niveau intermédiaire était utilisé dans les cours de grammaire et le livre Vocabulaire progressif du français avec des documents authentiques tirés de manuels de didactique servaient dans des leçons à visée communicative. Chaque leçon se composait de grammaire et d'entraînement à la compréhension écrite : durant la leçon de grammaire les étudiants apprennent une nouvelle règle ou révisent une ancienne règle et font des exercices ou corrigent ceux faits à la maison. Le mardi après-midi (1h30 de cours) est consacré à la compréhension orale : à partir d'un texte ou d'un document vidéo un débat est lancé. Pour rendre les cours plus interactifs et moins centrés sur une

compétence à acquérir l'apprentissage de la grammaire est divisé entre plusieurs professeurs ainsi dans une leçon on enseigne autant la grammaire que les actes de parole ou la compréhension.

Durant un cours plusieurs élèves ont exprimé le besoin de sortir d'un contexte institutionnel c'est ainsi qu'une sortie a été organisée au CIRAD (Agropolis) suivi d'un pique-nique sur les rives du Lez. Cette sortie a tenu lieu de leçon un mardi matin, toute la visite se faisant en français. La semaine précédant la sortie un cours de préparation à la sortie a été fait : les élèves ayant fait des recherches sur le CIRAD, une discussion a été engagée.

Suite à la proposition de Mme Arnihac j'ai organisé deux séances de jeux de rôles développées en fonction de la thématique du cours : durant la prestation des apprenants je marquais le vocabulaire important au tableau et je relevais les fautes pour ensuite les expliquer.

Je sais qu'il y avait aussi des leçons à partir de documents vidéos mais je n'ai pas assisté aux projections. Par contre lorsque le film Les liaisons dangereuses (1959) a été projeté à l'université j'ai vivement conseillé les élèves d'aller le voir car ce film est adapté d'un livre qui constitue une oeuvre majeure de la littérature française. J'ai eu le plaisir de voir certains de ces élèves à la projection.

La majorité des élèves semblaient bien réagir aux contraintes institutionnelles (horaire, déroulement des cours), la plupart faisaient le travail qui était demandé, et rendaient, s'ils le voulaient, le résumé d'un article du journal Montpellier Plus pour s'entraîner.

L'IMEF

a) Le contexte

Ne connaissant ni de nom ni de réputation les instituts linguistiques privés de Montpellier ma démarche a été, je l'avoue, très conventionnelle : je suis allée sur Internet, j'ai recherché l'adresse de tous les centres de langue française et j'ai fait du porte-à-porte. Le directeur de l'institut montpelliérain de langue française, M. Ribot a eu la gentillesse de me proposer un entretien « de stage » le 21 janvier. M. Gérard Ribot dirigeant un institut très important et par conséquent étant très occupé, il m'a fait savoir fin février que mon stage commencerait en mars. Le stage a duré jusqu'à la fin du mois d'avril. Durant le mois

de mars je n'assistais qu'à deux matinées par semaine (6h30 de cours par semaine) puis quand mon stage à l'IEFE s'est terminé j'ai passé toutes mes matinées à l'IMEF (sauf le jeudi matin, j'avais cours) je pense que c'est à partir de ce moment que le stage a été le plus productif : j'ai pu suivre la progression de la leçon et des élèves durant leur séjour à Montpellier. Le système est très particulier : les apprenants font des séjours linguistiques de une à plusieurs semaines par conséquent toutes les semaines, dans la classe, des élèves arrivent et d'autres partent. L'enseignement est très axé sur l'acquisition d'une compétence de communication : on utilise des enregistrements audio, des images dessinées, des documents authentiques tirés de manuels, des plans etc...

Les objectifs sont très différents et dépendent des apprenants. Certains viennent d'un même pays en groupe pour des raisons professionnelles (ils sont souvent envoyés par l'entreprise), d'autres viennent passer des vacances dans le sud de la France et prennent des cours de français.

b) L'enseignant

Philippe Perez est le seul enseignant dont j'ai suivi les cours, il est âgé d'une trentaine d'années et enseigne le français depuis douze ans. Son approche du cours, peut-être estce dû à la nécessité d'un enseignement rapide, est beaucoup plus dynamique, je n'hésiterai pas à dire que son comportement se situe à l'opposé de celui de Mme Arnihac. Avec lui je dirais que tout cela s'enchaîne dans une dynamique qu'il est parfois difficile à suivre, il ne laisse pas de temps mort, il sollicite constamment la parole et surtout la paraphrase (« mais encore ? comment est-ce que l'on peut dire ? » dixit) les différents niveaux de discours (comme lui-même le dit : il y a le discours « formel » et ce que l'on dirait à un ami), si un niveau manque il est de suite sollicité. Je crois qu'à un moment les apprenants n'ont plus fait la différence entre les niveaux, on le voit dans les jeux de rôles ils leur arrivent de placer les deux niveaux dans un même discours. Il a souvent recours à d'autres langues, pour traduire un mot ou par jeu avec l'apprenant parlant cette langue. Je le trouve trop proche desdits apprenants et cela peut être un obstacle dans l'apprentissage et l'évaluation.

c) Les apprenants

J'ai suivi deux groupes d'apprenants : dans le premier, composé d'une dizaine de personnes venant des Etats-Unis, de Norvège, d'Italie, d'Espagne, de Suisse tandis que le second groupe avec lequel j'ai effectué les enregistrements était beaucoup plus restreint : quatre apprenants venant de Suisse, d'Allemagne (2) et d'Italie. C'étaient des groupes de débutants (A1), mais au cours de mon stage le premier groupe est passé au niveau supérieur avec un autre enseignant, c'est pour cette raison que je me suis retrouvée à observer un autre groupe. Au cours de l'observation du second groupe, Philippe Perez et moi-même avons observé qu'une étudiante progressait très rapidement au point qu'il a fallu adapter ses exercices à son niveau.

d) La leçon

Le cours commençait toujours par une mise en situation. Ensuite l'enseignant choisissait de commencer la leçon ou de corriger les exercices de la veille : si c'étaient des exercices d'expression écrite ils étaient corrigés au début, si c'était de la grammaire, ils étaient corrigés dans la seconde partie du cours, la grammaire étant toujours à la fin. Il n'y avait pas de manuels : si besoin était il distribuait des feuilles polycopiées. Il prenait les leçons et les exercices dans des manuels qu'il photocopiait : c'est ainsi qu'il s'est créé un porte-tarif rempli de polycopiés et de transparents qu'il utilise tout au long de son cours.

Malgré le manque de temps pour développer des points de la langue, l'enseignant s'assurait toujours qu'un point était acquis, non par une évaluation à rendre mais par une constante interrogation sur des documents (dessin, texte, documents sonores).

Je n'ai pas fait d'intervention en cours j'observais la manière dont la leçon était dirigée.

Les salles de classes suivaient le schéma n° 1 qui est présenté pour l'IEFE. Selon l'enseignant un cours ne peut pas être bien mené s'il y a une estrade et si les apprenants ne se voient pas. Nous sommes loin des méthodes traditionnelles ; les professeurs le disent : nous sommes dans la proximité et la priorité est donnée à l'interaction pour optimiser l'apprentissage.

II. THEORIES DE L'APPRENTISSAGE

Qu'est-ce qu'apprendre ?

L'apprentissage est une notion très vaste, c'est pourquoi dans cette partie je ne donnerai qu'un panorama général en me limitant à ce qui touche à l'interaction : l'interaction a une influence sur l'apprentissage et à l'inverse est influencée par celui-ci ; c'est pourquoi il est important de décrire certains aspects de l'apprentissage qui vont jouer dans l'interaction.

Selon le dictionnaire de didactique :

« L'apprentissage peut être défini comme l'acquisition de connaissances et d'habilités définies généralement en termes de savoir et de savoir-faire et la somme de ce savoir et de ce savoir-faire participant à la construction des compétences de l'apprenant ».

C'est ainsi que COÏANIZ (1996) définit l'apprentissage comme « une praxis1 finalisée c'est-à-dire qui vise à l'acquisition et à la maîtrise d'un domaine » ; En effet, depuis les approches communicatives de nombreux bouleversements ont eu lieu : l'acteur le plus important dans la classe est l'apprenant, c'est sur lui, ses besoins, sa personnalité que doit se fonder le cours, il ne dispense plus un cours mais fait le lien entre une langue qu'il connaît et un public qui veut l'apprendre : nous sommes dans l'apprentissage d'une compétence de communication il ne s'agit plus d'enseigner des savoirs linguistiques mais des savoirs-faire, on passe donc de l'évaluation de savoirs à l'évaluation de ce que l'apprenant sait faire avec ce qu'il sait c'est ainsi que la somme de ces savoirs et de ces savoirs-faire participe à la création d'une compétence. Durant l'apprentissage l'élève sera confronté à une nouvelle réalité : il s'y adapte, résiste ou la refuse. Pour enseigner il faut savoir quels sont les facteurs qui rentrent en jeu dans l'apprentissage.

Les processus psychologiques

L'apprentissage est, en psychologie, un concept qui recouvre deux aspects complémentaires : il y a une interaction entre un individu et un milieu (ici institutionnel mais ce peut être un milieu social) et il indique qu'il y a chez cet individu, adulte, un enrichissement de son comportement (ici le langage) par l'ajout de nouvelles capacités ou la modification des capacités antérieures. L'apprentissage du langage a souvent été

1 Vient du grec ðñáæéò, åùò : action

interprété comme étant le résultat d'une représentation mentale de l'environnement : de là est née la psychologie cognitive, à la fin de la moitié du XXème siècle.

Les processus psychologiques intervenant lors de l'apprentissage sont très peu connus : les premières lois de l'apprentissage telles qu'elles ont été établies au XXème siècle sont le fait de la psychologie béhavioriste. Mais très rapidement deux courants ont pris le dessus : le courant cognitiviste qui a donné naissance à la psychologie cognitive (venue des Etats-Unis) et une psychologie d'inspiration Gelstatiste (née en Europe). La psychologie cognitive est une branche de la psychologie générale qui étudie les processus mentaux impliqués dans la mémoire, dont le langage. Ces processus mentaux ont pour fonction le traitement, par étapes successives, de l'information pour s'adapter le mieux possible à l'environnement extérieur.

Actuellement, c'est la théorie de la gelstat qui prédomine. Cette théorie affirme que l'enfant qui apprend sa langue maternelle et l'adulte qui apprend une langue étrangère vont développer les mêmes activités mentales : ils vont apprendre par globalité. C'est comme cela qu'un enfant apprend à parler et paradoxalement c'est la méthode la plus difficile à enseigner. Voici un petit test que j'ai effectué sur des étudiants de niveau A2 : je leur ai demandé de lire un texte dont les lettres sont dans le désordre.

Malgré la difficulté que pourrait présenter la lecture de ce texte dont les lettres sont dans le désordre, les élèves ont réussi à lire et à comprendre le texte avec autant de facilité qu'un français, ne butant que sur les mots d'usage peu courant (cerveau) ou trop longs (importante). Cela illustre bien que les activités mentales qui conditionnent la lecture par globalité fonctionnent aussi bien pour la langue maternelle que pour une langue étrangère. Chaque individu est caractérisé par sa propre manière d'apprendre : lorsque l'apprenant arrive dans une classe de langue il a déjà un représentation de ce que sera enseigné : à la fois le thème (ici la langue étrangère) et la manière. Le groupe que je

suivais à lMEF fonctionnait par gelstat, je me souviens d'une remarque de Philippe Perez : les apprenants connaissaient ses mimiques, ils savaient reconnaître ses expressions face à une erreur et d'eux-mêmes essayaient de les corriger et c'est une forme de Gelstat.

L'apprenant

Tout processus interactionnel d'apprentissage d'une langue met en relation un apprenant, un contexte et une langue. La langue étudiée est le français. Le contexte peut être immersif ou institué : dans le cadre du stage les deux contextes étaient mélangés, les apprenants suivaient des cours dans un institut en France mais étaient en contact avec des personnes parlant la même langue qu'eux, ainsi le contexte d'immersion dans le français n'était pas toujours total et cela a une influence sur l'apprentissage de la langue : le fait d'alterner ainsi deux langues crée une rupture de continuité au niveau cognitif et altère la rapidité d'apprentissage. Dans sa définition première, l'apprenant est un terme qui désigne toute personne en situation d'apprentissage. L'apprenant se veut comme central dans l'enseignement : c'est en grande partie de lui et de sa réaction à l'enseignement que viendra sa réussite ou son échec dans l'apprentissage du français. L'apprenant est partie intégrante de l'interaction sans interaction il n'est pas apprenant.

Les stratégies d'apprentissage

Contrairement à ce que dit la psychologie béhavioriste, personne n'apprend de la même manière « il n'existe pas une seule manière idéale d'acquérir une langue, mais autant de manières que de types d'individus »2, chaque individu construit sa propre interlangue en fonction de ses capacités et de l'enseignement qu'il reçoit . Il n'existe pas d'enseignement idéal : apprendre est un métier, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises manières d'apprendre, il existe juste des cheminements plus ou moins longs et plus ou moins difficiles, le temps que prend l'apprentissage dépend de l'adéquation de la méthode d'enseignement avec le profil cognitif de l'apprenant. Apprendre s'apprend : l'enseignant doit aider l'élève à savoir comment il apprend : c'est l'élève qui tire le char l'enseignant doit être là pour l'aider à aller dans la bonne direction. J'ai appris en cours et observé lors de mon stage que l'apprentissage est déterminé par des règles : on n'apprend plus un système linguistique, on apprend une culture dont l'oral est dicté par un système linguistique. J'ai aussi remarqué que l'enseignement est collectif mais l'apprentissage est

2 « L'apport des sciences du langage à la diversification des méthodes d'enseignement des langues secondes en fonction des caractéristiques des publics visés », ELA, 21, Paris, Didier, 1976, p. 64.

individuel : chacun apprend à sa manière. L'enseignant doit aider l'élève à découvrir les caractéristiques de son propre apprentissage :

« Il n'existe pas de progression idéale définissable à l'avance d'après des critères linguistiques mais autant de progressions que d'individus et de stratégies d'apprentissage. En imposant une progression stricte prédéterminée des données linguistiques on court le risque de bloquer le processus d'apprentissage ». ROULET3

Chaque société se caractérise par une manière d'enseigner et une manière d'apprendre : quand l'apprenant arrive en France pour suivre des cours de langue française il a déjà une représentation pré-conçue de ce que sera son enseignement. Il s'agit là d'habitus ou héritages culturels qui jouent un rôle dans l'apprentissage, chacun apprend la langue à sa manière, la difficulté dans l'enseignement est d'uniformiser la transmission du savoir tout en tenant compte de la personnalité de l'apprenant. L'apprenant se réfère toujours à une stratégie d'apprentissage connue qui est celle de sa langue maternelle.

Apprendre fait partie d'une situation interactionnelle dans laquelle un objet d'apprentissage est mis en jeu et il sera intégré ou non par l'apprenant. Il est important de dynamiser l'apprentissage en reliant connaissance et pratique pour un apprenant pris entre deux pratiques d'apprentissage.

3 « L'apport des sciences du langage à la diversification des méthodes d'enseignement des langues secondes en fonction des caractéristiques des publics visés », ELA, janvier-mars 1976, p. 56 dans COIANIZ A. Fautes et itinéraires d'apprentissage en classe de français langue étrangère

III. THEORIES DE L'INTERACTION

L'apprentissage est forcément interactif, ouvert à l'imprévu, vigilant aux obstacles, il se situe dans un contexte qui est le lieu d'émergence d'organisation cognitives et sociales en constante évolution.

Selon Chomsky apprendre c'est se placer du côté de la performance, chez Piaget c'est reconstruire intégralement la langue et l'objet de l'apprentissage en considérant que, cognitivement, le cerveau est vierge et que les facultés d'apprentissage relèvent de la stratégie. Alors que selon Vigotsky, l'apprentissage ne peut pas être fait sans un contexte ; il ne se construit qu'en interaction avec le contexte (interactionnisme). Les processus interactionnels constituent les premières étapes de processus acquisitionnels : il faut créer et gérer en commun des savoir-faire, du discours. C'est le concept Vigotskien d'apprentissage.

Les différents courants

C'est vers les années 1970 que l'on assiste à l'émergence de ce courant disciplinaire et que les conversations deviennent le centre de l'analyse des interactions. L'étude des conversations a fait l'objet de nombreux écrits depuis la Renaissance mais maintenant la recherche se place dans une optique scientifique c'est-à-dire purement descriptive. L'analyse des conversations se trouve à la croisée de nombreuses disciplines parmi lesquelles on retiendra, dans le cadre de notre étude : la psychologie, l'éthnosociologie et la linguistique.

L'interactionnisme dans le domaine de la psychologie est surtout représenté par l'école de Palo Alto qui se base sur le principe du « on ne peut pas ne pas communiquer ».

C'est en 1962 dans un article en réaction contre Chomsky que Hymes expose son point de vue sur le langage et fonde l'éthnographie de la communication : à l'inverse de la conception chomskyenne selon laquelle savoir parler c'est être capable de produire et d'interpréter un certain nombre d'énoncés bien formés, il faut acquérir une compétence de communication qui est la manière qu'a le sujet de bien parler en fonction des situations culturelles spécifiques. L'accent est mis sur la valeur culturelle des situations de communication : à l'inverse de Chomsky qui parle de la société en terme de « communauté homogène », l'éthnographie des communications observe des interactions dans leur milieu naturel en tentant de donner des observations objectives des données.

Parallèlement, ou en complémentarité de ce domaine, Garfinkel parle d'éthnométhodologie lorsqu'il s'agit d'étudier les méthodes qu'utilisent les membres d'une communauté pour gérer les problèmes communicatifs. Dans ce courant, va naître l'analyse conversationnelle dont l'objectif est de décrire le déroulement des conversations quotidiennes en situation naturelle.

Bien que la linguistique soit l'étude de la langue, elle ne s'est intéressée que tardivement aux interactions. Au début elle ne s'est intéressée qu'au système abstrait de la langue, de productions courtes et monologuales. Depuis les années 1980 on assiste à l'étude des discours « corpus » authentiques et dialogués (non monologaux). On passe à une description empirique de la langue : la théorie au service des faits et non l'inverse.

La communication

La communication est un aspect de l'interaction car elle est assurée essentiellement par la langue : elle met en scène un (ou plusieurs) émetteur et un (ou plusieurs) récepteur. Pour qu'il y ait communication il ne faut pas seulement que les « interactants » parlent il faut qu'ils se parlent c'est-à-dire qu'il y ait un échange et une influence mutuels. Ainsi dans l'interaction face-à-face l'échange est coproduit et interactif dans le sens où il y a un travail collectif. Dans la conversation on distingue des interactions verbales et des interactions non-verbales : celles-ci sont très importantes car il est plus facile pour un apprenant de comprendre un interlocuteur « en vrai » que via une seule écoute audio.

Une classe de langue étrangère est vue comme un espace réduit régi par des règles sociales et communicatives strictes dont le but est de maximiser l'apprentissage par la garantie d'une bonne relation enseigner/apprendre. Dans la perspective interactionnelle l'enseignant reprend une place centrale : c'est lui qui mène la classe, il est agent et doit manipuler la conversation pour maximiser l'apprentissage.

L'interaction en classe de langue est très différente de la conversation quotidienne puisque la conduite et la progression de ladite interaction dépendent du jugement de l'enseignant sur l'échange qui vient d'avoir lieu alors que dans la conversation les tours de parole viennent naturellement. La salle de classe est un lieu où la manière et le but sont un seul et même objet : la langue elle-même : on provoque un discours par le discours pour en saisir les irrégularités, ainsi il est habituel de trouver à la fin d'un échange, une séquence de reformulation d'un problème de communication. Néanmoins il faut que

l'apprenant conserve comme objectif la pertinence de son discours et pour cela il faut maintenir une communication réelle via des tâches communicatives et une autonomie dans la gestion de son discours.

C'est dans cette pertinence du discours, c'est-à-dire l'adéquation entre l'intention de communiquer et les moyens linguistiques mis en oeuvre, que va se constituer une « zone de développement potentiel » où commencera l'apprentissage.

C'est tout le paradoxe de l'apprentissage scolaire.

IV. ETUDE DE CAS

Dans une pratique de classe l'enseignant occupe trois fonctions définies par DABENE4 : Informateur : il connaît le français et il transmet une langue.

Animateur : il gère les séances de classe. Il attribue les tours de parole, donne les consignes.

Evaluateur : il juge les productions orales des apprenants.

L'enseignant peut n'occuper qu'une de ces fonctions au cours d'un moment de la classe mais cela ne veut pas dire qu'elles sont indépendantes les unes des autres :

« [elles] peuvent être simultanément remplies dans une séance de langue qui se caractérise par un nombre élevé d'interactions verbales et par la mobilité avec laquelle l'enseignant passe d'une fonction à l'autre » CICUREL (1985).

Dans mon observation de la classe de langue de l'IMEF j'ai trouvé plusieurs séquences où ces trois fonctions se retrouvent sous la forme de stratégies d'enseignement : la validation par la répétition, la reformulation et le traitement de l'erreur. Je vais étudier ces trois stratégies d'enseignement à travers diverses interactions tirées de divers moments de la classes pour voir si ces méthodes sont transversales. Dans cette étude je vais essayer de mettre en évidence ces stratégies d'enseignement :

1) La validation par répétition : l'apprenant prononce un énoncé correct, le professeur le reprend et le répète une ou plusieurs fois pour le valider.

2) La reformulation : utilisation de la paraphrase ou des divers niveaux de langue pour exprimer une même idée.

3) Le traitement de l'erreur : l'évaluation de l'erreur ou feed-back (jugé important par Philippe Perez).

J'ai essayé de prendre divers moments de classe mais dans un même exercice il y a plusieurs unités, on ne se limite pas seulement à la résolution d'une consigne, on étend le champ des possibilités. Tous les moments ne sont pas traités, ceux choisis sont assez représentatifs de ce qu'était le leçon de classe.

La partie sur la « situation de la séance construite » correspond à la mise en place du contexte de l'interaction. Quand l'intervention d'un interactant est numérotée, la transcription suit les modèles d'une transcription orthographique, les fautes de phonétiques sont représentées sous la forme de phones.

4 DABENE L. « Pour une taxonomie des opérations métacommunicatives en classe de langue étrangère » Etude de linguistique appliquée n°55, pp. 39-46.

1) La validation par répétition

Situation de la séquence construite : Les apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée au tableau sous la forme d'un dessin.

1 : Lucie: C'est une femme.

2 : Prof : C'est une femme. Oui ?. C'est une jeune femme ?

3 : Lucie et Tanja : Non.

4 : Prof : C'est une vieille ?

5 : Tanja : C'est une vieille femme.

6 : Lucie : (en même temps) Vieille femme.

7 : Prof : C'est une vieille femme. Autre possibilité ?

8 : Lucie : C'est une...âgée femme.

9 : Prof : C'est une femme âgée.

10 : Lucie : Femme âgée.

11 : Prof : Oui ? C'est une vieille femme, c'est une femme...relativement âgée,...oui ? En tout cas une femme d'âge mûr...oui ?. Heu...Philippe, elle est...elle est brune ?

Dans cette interaction l'enseignant mène la discussion en posant des questions et en validant les réponses. L'erreur de Lucie en 8 est corrigée directement, il ne s'arrête pas pour la mettre face à son erreur, pourquoi ? si nous observons les questions/réponses, on remarque que les interactants suivent la structure de base de la phrase qui est sujet/verbe/complément, il n'y a pas de superflu, les phrases sont courtes, la séquence se concentre sur l'utilisation et l'acquisition du vocabulaire. A la fin de la séquence, en 11, l'enseignant répète une dernière fois les mots de vocabulaire, avant de changer de séquence il s'assure que tout est acquis.

Situation de la séquence construite : C'est un exercice d'expression orale. Les apprenants doivent décrire plusieurs images qui racontent la vie quotidienne d'une dame. Sur l'image 7 cette dame fait ses courses.

1 Prof : Elle s'entend ok...action...possible. Bien. 7.

2 : Roberta : Elle fait les ach[e].

3 : Prof : Elle fait les achats.

4 : Roberta : Les...les achats.

5 : Profs : Ok mais spécifiquement elle fait les... ?

6 : Roberta : Ah l[?] course.

7 : Prof : Oui elle fait les courses...elle fait les courses où?

8 : Lucie : Au marché.

9 : Prof : Au marché.

10 : Philippe : Elle achète des fruits et légumes.

11 : Prof : Elle achète des fruits et des légumes c'est bien Philippe...ok...elle achète des fruits et des légumes quoi d'autre ?:

Dans cette séquence on retrouve la même dynamique que dans l'étude précédente : chaque parole est la plus restreinte possible, il faut aller droit au but, l'enseignant ne s'arrête pas sur l'erreur de Roberta en 2 ni ne la corrige en 6 ; Il ne les remarque pas mais se concentre sur les synonymes et l'élargissement du vocabulaire (5). Chaque réponse est rarement validée pas un « oui » (5 et 7), il n'utilise presque pas la paraphrase, il répète ce que vient de dire l'apprenant, pour valider la réponse : en associant la proposition d'un(e) élève à sa propre parole, l'enseignant légitime le discours de l'apprenant.

L'interaction est dynamique, vive, il faut limiter les points morts, il faut sans cesse la relancer par des questions mais aussi par la répétition qui valide les réponses : c'est essentielle dans un courant qui se veut communicatif. L'enseignant doit solliciter l'apprenant, il ne doit pas lui laisser le temps de trop penser dans sa langue, dans ce type d'exercice les mots doivent venir naturellement, d'où la faible importante consacrée à la correction des fautes.

L'interaction entretient l'interaction : elle continue et s'auto-génère par le principe de la répétition.

2) La reformulation

Situation de la séquence construite : c'est un exercice d'expression orale. Les apprenants doivent décrire plusieurs images qui racontent la vie quotidienne d'une dame. Sur cette image la dame fait la cuisine.

1 : Roberta : Elle fait la cuisine...elle fait le ...déjeuner.

2 : Prof : Elle fait la cuisine...bien. Sinon autres possibilités que faire la cuisine ?

3 : Lucie : Elle prépare un...un repas.

4 : Prof : Elle prépare un repas...ok...autres possibilités encore ?

5 : Lucie : Elle fait à manger.

6 : Prof : Voilà

7 : Lucie : Elle fait le petit déjeuner.

8 : Prof : Elle fait le petit déjeuner...elle fait le petit déjeuner...elle prépare peut-être...elle prépare le petit déjeuner hein ? elle fait la cuisine, elle fait à manger, elle prépare un repas...ok. Philippe numéro 3 qu'est-ce qu'elle fait ?

La reformulation a pour but d'élargir le vocabulaire de certains élèves, de permettre et de montrer aux étudiants qu'il est possible de s'exprimer de différentes manières sur un même sujet. Pour tester leur vocabulaire et connaître leurs limites l'enseignant pose la même question « autres possibilités » en 2 et en 4, c'est une stratégie d'enseignement qui m'a fortement marquée, car en plus d'être omniprésente dans son discours, elle relance le discours et élargit les possibilités : ici elle se fait au niveau du vocabulaire mais elle peut se faire au niveau du discours lui-même. A la fin de la séquence en 8, le professeur fait un récapitulatif des différentes possibilités, il les répète plusieurs fois et demande une validation de la part des élèves « hein ? » il met en avant ce moment de la leçon comme important et s'assure que tout est compris.

Situation de la séquence construite : Les apprenants écoutent une cassette qui raconte un dialogue entre la dame et une jeune fille qui la questionne sur ses activités.

1 : Prof : quelle est la question ? l'après midi ?...écoutez bien...

2 : Lucie et Tanja : vous faites quoi ?

3 : Prof : vous faites quoi ? autres possibilités que vous faites quoi ?

4 : Tanja : qu'est-ce que vous faites ?

5 : Prof : bien. Qu'est-ce que vous faites ?vous faites quoi ? qu'est-ce que tu fais ?

6 : Lucie : tu fais quoi ?

7 : Prof : tu fais quoi ? c'est un question très utilisée. Qu'est-ce que vous faites ? qu'est-ce que vous regardez : qu'est-ce que tu manges ? autre possibilité ?

9 : Lucie : tu manges quoi ?

10 : Prof : je mange un banane ok bien. Télévision, question ?

11 : Roberta : qu'est-ce que vous regarde ?

12 : Prof : qu'est-ce que vous ?

13 : Murmure

14 : Prof : qu'est-ce que vous ou qu'est-ce que tu ? ok qu'est-ce que tu ?

15 : Roberta : regardes ?

16 : Prof : bien. Qu'est-ce que tu regardes ? autre possibilité ?

17 : Lucie : tu regardes quoi ?

18 : Prof : tu regardes quoi oui ? qu'est-ce que vous regardez ? vous regardez quoi 19 : oui ? liquide, question ?

20 : Philippe : qu'est-ce que tu bois ?

21 : Prof : qu'est-ce que tu bois ? autre possibilité ?

En regardant cette interaction on remarque deux formes de reformulation à deux niveau, une porte sur le référentiel et l'autre sur la formulation des phrases. La formule de départ est « qu'est-ce que vous faites ? » les apprenants doivent d'abord la reformuler à divers niveau de langue (2 et 6) et utiliser diverses formules de questionnements (2, 4 et 6). L'apprenant travaille une compétence linguistique (pronom, conjugaison et questionnement) et une compétence socioculturelle (tutoiement, vouvoiement) j'ai remarqué que cet enseignant travaille beaucoup sur le reformulation du discours formel/informel. Ce travail constitue la base du français et n'est pas toujours très bien enseigné. En 7 le professeur leur propose le même exercice avec « tu manges quoi ? ». En 10 le même travail est repris sur un autre élément, de même en 18. Le professeur associe donc le travail de reformulation à un contexte proche de l'apprenant : En faisant cela il apprend à l'élève à poser différemment les questions et lorsqu'il voit que l'apprenant a intégré ce fonctionnement il le transfère sur d'autres domaines de la vie quotidienne (télévision, liquide, nourriture). La transition se faisant naturellement cela ne crée pas de rupture cognitive chez l'apprenant. La seule erreur qui est observée en 11.

L'enseignant utilise une logique dans sa méthode d'apprentissage. Chaque exercice utilise un type d'enseignement prédominant. Dans cet exercice qui suit les séquences de la partie 1 sur la répétition, Philippe Perez réutilise sa méthode pour valider les réponses et y intègre un système de reformulation sans porter grande attention aux erreurs.

3) Le traitement de l'erreur

Situation de la séquence construite : Les apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée au tableau sous la forme d'un dessin.

1 : Prof : Vous observez ici des images et...heu...Roberta...c'est qui ? c'est qui Roberta ?

2 : Roberta : C'est un madame.

3 : Prof : C'est une ?

4 : Roberta : C'est une madame.

5 : Prof : C'est une madame ?

6 : Roberta : C'est une femme.

En 3 Le professeur met en avant une première erreur d'accord : il reprend l'article au féminin et demande à l'élève de compléter. Il ne dit pas à Roberta que « madame » est féminin il la laisse faire le rapprochement entre l'article qu'il reprend corrigé et le nom.

En 5 l'erreur est culturelle : le mot est français mais dans ce contexte l'utilisation n'est pas correcte. Par l'interrogation l'enseignant met en avant l'erreur sémantique mais ne la corrige pas. Cette forme d'interrogation est la manière la plus fréquente de mettre en avant une erreur.

Situation de la séquence construite : Les apprenants, la veille, ont appris des adjectifs servant à décrire le corps humain. Il doivent décrire une personne qui est projetée au tableau sous la forme d'un dessin.

1 : Prof : Elle est blonde d'accord...heu...elle est...elle est maigre ?

2 : Lucie : Non, elle est corpulent.

3 : (inaudible)

4 : Prof : Elle est rondelette.

5 : Lucie : Corpulent

6 : Prof : Corpu...elle est quoi ?

7 : Lucie : Corpul.

8 : Prof : Corpul ? Non...elle est ? Corpulente ?

9 : Lucie : Corpul[e].

10 : Prof : Corpul[e] ? elle est corpulente. Hein ? Elle est corpulente. D'accord, ok. Alors ici regardez l'image 1...hein...l'image numéro 1 et dites moi ce qu'elle fait, qu'est-ce qu'elle fait ? Il y plusieurs possibilités, donnez moi le maximum de possibilités dans l'image 1 : qu'est-ce qu'elle fait ?

La séquence inaudible ne nous permet pas de savoir comment de corpulent le professeur a compris rondelette. Peut-être s'adresse-t-il à un autre élève. Mais il ne note pas l'erreur sur « corpulent » ce qui amène l'élève à se répéter, pensant qu'elle est juste (5). Le professeur en 6 reprend le terme pour le valider mais se rend compte que c'est une erreur alors par l'intonation de la répétition « elle est quoi » il signale qu'il y a une erreur sans la corriger ce qui amène Lucie à reprendre son adjectif erroné qu'elle transforme en « corpul » en 7. De nouveau elle se trompe. Le professeur reprend le terme mais ne le valide pas 8, à la place il lui propose « corpulente », une proposition qui est exacte mais l'étudiante saura-t-elle reconnaître le mot et faire le lien entre sa première proposition « corpulent » et son féminin « corpulente ». Lucie fait de nouveau l'impasse sur le mot (9). L'enseignant a mis en avant la faute en 6 et en 8 et en 8 lui a proposé de valider le bon terme mais visiblement cela fait trois fois qu'elle se trompe, ce n'est pas une étourderie, elle ne maîtrise pas ce mot de vocabulaire. En 10 l'enseignant n'a pas d'autre choix que de lui donner la réponse qu'il répète deux fois

Situation de la séquence construite : La couverture du livre les mythes de la science est projetée au tableau. Des titres de mythes sont présentés, les élèves doivent les reformuler, c'est un exercice de grammaire qui suit une leçon sur les possessifs.

11 : Prof : la terre oui ? donc le ministère de l'environnement c'est le ministère qui ?

12 : Roberta : s'occup[e] d[e] tout

13 : Prof : s'occup[e] ?

14 : Roberta : s'occ[u]pe de (essaie de prononcer « sauvegarder »)

15 : Prof : sauvegarder

16 : Roberta : sauvegarder

17 : Prof : oui ?

18 : Roberta :l'environnement

19 : Prof : c'est le ministère qui s'occupe...

20 : Roberta : qui s'occupe

L'erreur principale se situe ici sur la prononciation du verbe « s'occuper de », la
faute de prononciation, peut-être prise comme une faute de temps de la part de
l'enseignant : cette étudiante italienne prononce, comme beaucoup d'italiens le [?] comme
un [e]. Le professeur réemploie le mot erroné sous la forme d'une interrogation pour
centrer la correction sur le verbe en 13. Mais l'apprenante, en reprononçant sa phrase va
se tromper sur le [y] : Est-ce qu'il a un seuil où il considère que la prononciation est
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suffisante même si elle est partiellement erronée, s'il y a un moment où l'autocorrection devient une méthode d'enseignement ? Ne se concentre-il pas sur une erreur en faisant le choix de laisser l'élève elle-même se corriger (20) ?

Le traitement de l'erreur constitue une part très importante de l'enseignement, pourtant au cours des interactions que j'ai transcrites et celles que j'ai étudiées, ou même aux cours auxquels j'ai assisté, les règles grammaticales déjà étudiées sont rarement reprises, sous prétexte qu'elles ont déjà été étudiées, mais une faute est difficilement distinguable d'une erreur. Le feed back est la « réaction » à un énoncé erroné plus que l'évaluation d'une faute, il peut se manifester sous plusieurs formes : le « non » strict qui est à éviter face à un apprenant cela risquerait de provoquer un blocage, une peur de la faute, la mise en avant de l'erreur par une interrogation « corpul[e]? » ou bien la correction d'une partie de l'erreur « une... ? », dans tous les cas il est essentiel que l'apprenant sache où est la faute et pourquoi il la fait.

Conclusion

L'apprentissage naît de l'interaction entre deux individus. La classe offre l'occasion unique d'observer les stratégies d'interaction entre les individus. Elle est à la fois source et matériel didactique. On peut assimiler une classe de langue à « laboratoire de langue » dans lequel un enseignant fait passer un message par diverses méthodes gestuelles ou orales.

Après avoir fait un rappel sur la manière dont pourraient fonctionner un apprentissage et un apprenant, j'ai fait un bref récapitulatif des théories de l'interaction ce qui est le sujet de cette étude. De l'écoute des transcriptions j'ai trouvé trois méthodes d'enseignement qui me semblent pertinentes : la répétition, la reformulation et le traitement de l'erreur. Pour chaque méthode j'ai essayé d'isoler des séquences qui représentaient le mieux chacune de ces pratiques et j'ai décrit la forme d'enseignement correspondant à la méthode. L'enseignant laisse le temps aux élèves de s'habituer à une dynamique de cours et d'apprentissage pour en intégrer une autre. Il procède étape par étape. Il est difficile de cibler une séquence pour un type d'interaction car il arrive que ces trois méthodes d'enseignement se chevauchent dans un exercice. D'une manière générale la méthode choisie dépend du type d'exercice et s'il y en a plusieurs, il y en a toujours une qui prédomine. Dans un exercice de description l'enseignant va privilégier la validation des réponses par répétition et la correction des erreurs, dans un exercice où l'apprenant parle seul pour raconter un évènement il va privilégier la correction des fautes et la mise en valeur d'un vocabulaire qui pourrait être utile aux autres apprenants, et dans un exercice d'expression orale qui vise au développement d'une compétence référentielle il va utiliser une méthode de reformulation.

Il n'y a pas d'enseignement parfait : un enseignement est fait de méthodes de stratégies qui dépendent souvent de la personnalité de l'enseignant.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway