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La problématique du lotissement dans la ville de Goma. cas des quartiers Keshero et Katoyi

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par Deo Kujirakwinja
Institut Supérieur de Développement Rural - Licence 2002
  

Disponible en mode multipage

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PRELUDE

« Ce que l'indigène (autochtone) reproche aujourd'hui et reprochera demain avec véhémence à notre politique foncière (...), c'est d'avoir méconnu complètement ses coutumes et d'avoir disposé de son patrimoine foncier sans même l'avoir consulté »

Lapika Dimomfu

DEDICACE

- A mes parents qui ont toujours été animés par le souci de mon bien-être général et qui ont gardé ma famille restreinte pendant mes études,

- A mon grand frère Louis SHAMAVU Papy qui a supporté une grande partie de mes charges académiques et qui ne cesse de m'encourager et de m'appuyer dans toutes mes entreprises, malgré ses charges,

- A mon épouse Monique MAPENDO qui a accepté la séparation de deux années et qui a su supporter toutes les difficultés tout en m'appuyant moralement et matériellement,

- A mes fils et neveu, NICK AZARIA, JOSIAS AURELIEN et ARIEL pour les peines subies à cause de mes études,

- A mon grand frère Liévin SHAMAMBA et mes petits frères et soeurs qui n'ont cessé de m'encourager,

- A ceux qui s'occupent ou s'occuperont des délaissés urbains,

A tous et à chacun, je dédie ce travail.

Deo KUJlRAKWINJA K-M.

REMERCIEMENTS

«  A tout service rendu correspond une gratitude ».

Je dois remercier toutes les personnes qui ont contribué moralement et matériellement à mes études et à la réalisation de ce travail.

Mes gratitudes vont au Professeur Roger CHIBENDA MULASHI qui a accepté de diriger ce travail malgré ses multiples occupations, je lui resterai reconnaissant.

Je reste aussi reconnaissant aux enseignants qui nous ont formé tout le long de ce cycle de licence et des administratifs qui nous ont servi.

Mes remerciements particuliers vont à mon grand frère Louis SHAMAVU Papy et sa famille, à mon épouse Monique MAPENDO, à Léontine M'Babisha et à mes fils NICK, JOSIAS et ARIEL pour avoir accepté d'être sacrifiés et / ou de se sacrifier à cause de mes études

Mes remerciements vont à tous mes frères et soeurs (petit(e) et grand(e)s) pour tout leur encouragement et leur soutien.

A mes chefs hiérarchiques, à mes collaborateurs et personnes qui m'ont aidé à surmonter les difficultés quotidiennes durant la vie académique qu'ils trouvent l'expression de ma gratitude, pour qu'ils ne cessent d'assister les étudiant,

A mes collègues de l'auditoire, les 22, avec qui j'ai parcouru ce cycle de licence pour le réconfort et que la solidarité continue à se manifester.

A mes compagnons de lutte de toujours; DJUMA B., Théo BUJIRW A, Doom's NAMUHANGA, Emery KABUGI, Eustache KALWIRA et aux intimes ZIGA BUGEME, Venant CISHUGI, Yves KAHASHI et Greg KAMBALE pour leurs soutien et relations qui me resteront utiles.

Aux aînés et cadets T.D.R de qui je garde de bons souvenirs et qui n'ont cessé de m'assister et de me guider dans mes activités,

Aux personnes qui m'ont aidé à mener les enquêtes, à saisir et imprimer ce travail, je reste reconnaissant pour tout.

Deo KUJIRAKWINJA K.

RESUME DU TRA V AIL

Dans la plupart des pays africains, l'urbanisation est mal maîtrisée. Cela se remarque par d'insolubles problèmes liés soit à l'homme, soit aux infrastructures, soit aux revenus.

Le lotissement dans les quartiers Keshero, Ndosho et Katoyi n'est pas épargné des conséquences susmentionnées.

Partant de la domanialité des terres, les autochtones sont laissés pour compte et subissent les effets pervers du lotissement qui est curatif et instrumentalisé.

Devant l'accroissement de la population urbaine et de l'espace, l'Etat qui se trouve sans moyens, s'investit dans un lotissement opéré au détriment de la population. Ce développement urbain, réduit à des actions urbanistiques de lotissement, se heurte aux réalités locales; ce qui engendre des problèmes au niveau des individus, du milieu local, de la région et même de la nation.

Pour essayer de limiter les conséquences du lotissement sur la vie des populations locales, des orientations à court, moyen et long terme sont à préconiser et tournent autour des axes suivants;

- La participation des populations locales au lotissement,

- L'intervention de divers acteurs dans le lotissement,

- La reforme et le bon usage de la loi foncière,

- La référence à l'urbanisation et au lotissement préventif,

- L'encadrement des milieux ruraux environnant la ville ou l'adoption d'un développement solidaire, « urbain. »

La faisabilité de ces orientations n'est possible que si la volonté politique se manifeste et que l'Etat devienne fort. Aussi, il faut que la population soit sensibilisée et conscientisée pour bien défendre sa cause.

ABSTRACT

ln many African countries, the urbanization is badly mastered. This is seen through the different problems that are not solved linked sometimes to man, sometimes to substructure and the income.

The housing development which is now on going in Goma town; mainly in Keshero, Ndosho and Katoyi quarters is also facing consequences highlighted above. Autochthonous are not taken into account when the housing development is taking place. They suffer from different difficulties of the housing state which is curative and instrumentalised. In front of the increase of population and the urban area; the government which doesn't have means to implement real urbanization, put in place wrong urbanization to the detriment of habitants. This urban development reduced to simple urbanistic action of housing development strikes the local realities. This introduces problems at individual, regional or nation levels.

ln order to try to overcome the consequences of the housing development on the life of local people, some immediate, medium and long terms are to be applied following different areas:

- Participatory approach which involves local people into the housing development process,

- the intervention of different actors in the housing development,

- the reform and land tenure law enforcement

- the reference to both the preventive urbanization and housing development

- support to rural areas surrounding the town or the implementation of interdependent development between rural an urban policies.

The orientations' feasibility can be possible if the there is political will and if the government becomes strong in terms of law enforcement. Local communities should be heightened awareness of the problem and know how to defend their rights.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE

« Jamais dans l'histoire humaine, notre planète n'a été peuplée comme elle l'est actuellement avec plus de six milliards d'hommes alors que le taux de natalité continue à décroître dans plusieurs pays « ( Klaus M. LEISINGER, 2000, p. 2.)

Ce peuplement de la planète se répartit entre le milieu rural et le milieu urbain, tant dans les pays développés que dans le Tiers-Monde. Sauf que cette répartition est inégale entre les deux milieux où néanmoins l'urbain l'emporte.

En effet, le monde est en train de devenir de plus en plus urbanisé, surtout dans les pays sous développés car, il est reconnu par plusieurs spécialistes de peuplement que « c'est vers 2010 qu'en Afrique, par exemple, la population urbaine dépassera la population rurale. C'est la dégradation des conditions de vie liées à l'agriculture dans certaines zones et l'attraction des villes qui vont encourager ou forcer les dizaines de millions des ruraux à quitter leurs campagnes » (spore 2000,)

La République Démocratique du Congo (R. D. C.) n'est pas épargnée par cette réalité. On y remarque que des milliers de personnes sont obligées de se déplacer à l'intérieur du pays pour échapper aux malaises sociaux, aux violences, aux calamités naturelles et/ou à une pression économique insupportable. Ce déplacement s'opère dans la majeure partie des cas, du milieu rural vers le milieu urbain.

La ville de Goma voit ainsi les quartiers populaires saturés et les quartiers résidentiels envahis par les migrants. Ce déplacement et cette installation des migrants ruraux et urbains et l'accroissement « naturel » de la population entraînent une restructuration de l'espace urbain et/ou son extension.

Ces opérations de restructuration et d'extension de la ville ne vont pas sans conséquences sur la vie de la population tant autochtone qu'allogène.

1. PROBLEMATIQUE

« La population urbaine croit beaucoup plus vite que la population mondiale. Par delà l'évolution dite « naturelle » l'exode rural et les migrations diverses, la population urbaine augmente de 4,3% par an dans le tiers monde » (G. MASSIAH et al., 1987,p.17). Cette augmentation a été de 4,1% pour l'année 1999 (UNICEF, 2001).

La migration des populations actives du milieu rural vers le milieu urbain est un fait fort remarquable. Elle concerne tous les centres urbains du pays: BUKAVU, GOMA, KINDU, KISANGANI, KINSHASA, LODJA, ect.

A Goma, elle entraîne une forte concentration des gens dans des quartiers dits populaires (BlRERE, MABANGA, MAJENGO) où prolifèrent des constructions anarchiques qui rendent difficile la circulation des gens, l'évacuation des eaux de pluie et des eaux usées ainsi que des déchets domestiques,...

Cependant, comme le souligne Paul AUGE (1936), « l'effectif humain se marque visuellement à la surface de la terre beaucoup moins par le fourmillement des hommes que par les faits d'habitat (...) » Ceci est vrai car tout homme cherche à utiliser une portion de la terre à sa disposition dans le profond souci d'avoir un « chez soi ».

Face à la pression démographique sur l'espace, aux conditions de vie devenues difficiles dans le milieu rural et au souci de trouver un emploi en ville, à l'incapacité des quartiers urbains -peuplés -d'absorber tous les candidats migrateurs, et aux multiples conditions à remplir pour accéder à une parcelle en pleine ville de Goma, les quartiers suburbains -encore à caractère rural- servent d'exutoire pour cette migration.

Pour répondre à cette situation, il s'instaure une transaction des terres dans ces quartiers. Cette transaction foncière est trop souvent marquée par une confusion et une indétermination dans la propriété (légalité), l'attribution (légitimité) et l'affectation dans l'espace.

Cette transaction crée, d'une part, des conflits entre personnes: autochtones et allogènes, autochtones et agents des services fonciers, et d'autre part, des modifications des structures sociales, économiques, politiques et culturelles.

La transaction foncière dans les quartiers périphériques ou périurbains de la ville de Goma (KESHERO, NDOSHO, KATOYI) est souvent et avant tout le fait de la population dite autochtone. On assiste ainsi à une transformation de la propriété foncière jadis collective en une propriété individualisée qui se matérialise par le lotissement des quartiers.

De ce fait, il sied d'estimer les effets du lotissement qui découlent non seulement de la pression démographique mais aussi de la crainte d'expropriation de la population par l'Etat - sur la situation sociale et économique des populations: les rapports entre les membres, les croyances et les mentalités, la capacité des institutions de base, les rapports juridiques et les échanges ainsi que leur incidence sur la vie de la population.

Il est un fait que « l'homme agit sur la nature, en retour, la nature lui impose certaines modifications ou adaptations, il y a actions et réactions « (AUGET, p., 1936, op-cit.). C'est pourquoi, concernant la ville de Goma, notre préoccupation a été de chercher les liens entre migration et lotissement, peuplement, société et économie, les rapports éventuels du lotissement au milieu d'étude, ainsi que les moyens de rendre ce lotissement moins ou pas du tout conflictuel.

2. HYPOTHESE DU TRAVAIL

La croissance de la population urbaine à travers le monde et la ville de Goma en particulier enregistre à la fois la croissance naturelle de la population et l'apport des migrations rurales et urbaines; deux éléments dont tout étude relevant de la population urbaine doit tenir compte.

Face aux problèmes soulevés par le lotissement, et à nos préoccupations formulées plus haut, nous avons présumé:

- d'une part, que les influences du lotissement tel qu'appliqué actuellement dans la ville de Goma sont négatives et,

- d'autre part, que l'une des stratégies pour rendre le lotissement moins problématique est instauration d'une gestion participative qui fasse appel à des actions à court, moyen et long terme, à des acteurs intervenant dans différents domaines et dans toutes les dimensions de la vie humaine et qui tienne compte des réalités locales et juridiques (adaptation de la loi au contexte du pays).

3. CHOIX ET INTERET DU SUJET

Notre choix s'est expliqué par la considération du lotissement et/ou de l'urbanisation qui est une question qui tend à être ignorée par divers acteurs de développement alors que ces acteurs devraient plaider la cause des populations autochtones qui se retrouvent dépossédés sans aucune indemnisation.

Ensuite, il a été motivé par notre souci, en tant qu'agent de développement, d'interpeller les différents acteurs pour prendre en compte ou en charge le développement (rural et urbain) en partant des problèmes qui découlent du lotissement des quartiers KESHERO, NDOSHO et KA TOYI.

L'intérêt de ce travail réside dans le fait que:

- le lotissement étant un problème presque nouveau qui évolue très rapidement en provoquant des conséquences dans divers domaines, ce travail en évalue les incidences et propose des pistes pour sa meilleure application ;

- il (travail) constitue un travail scientifique intéressant les acteurs dans le foncier et susceptible d'éveiller ou d'affermir l'attention des acteurs de développement pour aider la population marginalisée des quartiers urbains et suburbains.

4. DELIMITATION DU TRAVAIL

Notre travail se limite, dans l'espace, à la ville de Goma et plus particulièrement aux quartiers périphériques de KESHERO, KA TOYI et NDOSHO qui sont en cours du lotissement.

Quant à la délimitation dans le temps, il sied de signaler que les conséquences du lotissement sont perceptibles et analysées à ces jours où la question se pose avec acuité et où la population est en train de subir le recoupement de deux modes de vie - quoi que faisant recours au passé -d'une manière fatale, notre travail couvre la période allant de 1996 à 2000 parce que c'est vers 1996 que les lotissements des quartiers d'étude ont commencé et que les données de 2001 n'étant pas encore réunies, nous avons arrêté l'étude à l'année 2000 où existent les dernières données disponibles.

5. DES METHODES ET TECHNIQUES UTILISEES

Pour produire un travail scientifique, l'on doit faire recours à diverses méthodes et techniques appropriées. Nous avons fait recours à certaines méthodes et techniques pour notre cas, dont :

5. 1. La méthode descriptive

Nous avons utilisé cette méthode pour décrire les faits résultant du lotissement afin d'approfondir la question d'une manière cohérente et pour circonscrire le milieu d'étude qu'est la ville de Goma.

5. 2. La Méthode analytique

En recueillant les points de vue des personnes contactées, nous avons procédé à l'analyse des diverses variables qui proviennent du lotissement. Nous avons cherché à évaluer et analyser les éléments reçus sur terrain en recourant aux documents archives divers ayant trait au peuplement.

5. 3. L'approche systémique

Nous avons utilisé cette approche en mettant en interaction et interrelation divers éléments et acteurs sous forme de graphiques et figures.

5. 4. Les méthodes historique et comparative

La première nous a servi pour remonter dans le temps pour y fixer certaines données, la seconde pour déceler, à partir de la comparaison des données et des situations, les inadéquations et en tirer des éléments pour des orientations.

5.5. L'interview

Pour avoir le jugement de la population (autochtone et allogène) des quartiers d'étude et des agents de l'Etat, nous nous sommes entretenu avec eux, en nous servant d'un questionnaire guide d'entretien, au sujet du lotissement, des problèmes vécus par la population et des versions juridiques et politiques du lotissement auprès des services fonciers et de I 'urbanisme.

5.6. L'observation directe

De nos descentes sur terrain, nous avons observé des modifications de la structure spatiale des quartiers et la concentration des maisons qui se multiplient.

Nous avons aussi assisté à la résolution des conflits fonciers au niveau des quartiers et des services du contentieux foncier en observant les différentes phases de ces séances.

6. CADRE THEORIQUE DU TRAVAIL

En abordant ce sujet, nous avons parcouru la littérature qui traite de l'urbanisation pour y tirer une théorie de référence.

Nous allons adhérer, pour ce qui nous concerne, au modèle théorique des divers auteurs dont principalement O. MASSIAH et J. F TRIBILLON (1987, op. cit.) et I.P DIEHL (1984).

« Dans la conception juridique bantou, la propriété des terres n'est jamais individuelle, elle est toujours collective » (CICIBA, 1989, p,21). Dans cette conception, la terre appartient à la communauté, à la famille; et personne ne dispose du pouvoir individuel sur la terre.

« Le décuplement, en moins de 100 ans, de la population totale et donc de densités moyennes, implique un bouleversement total de l'occupation de l'espace, des établissements humains, des échanges, des relations entre I 'homme et l'environnement, des structures sociales, etc. » (N. HARRIS, 1992).

De la propriété collective; non seulement l'accroissement l'a modifiée avec le concours juridique, mais aussi a fait évoluer deux mondes qui cohabitent avec des forces et atouts différents, monde rural et urbain; on est arrivé à la propriété individuelle.

Bien que ces deux mondes (rural et urbain) évoluent en interdépendance, le rapport de force entre eux est différent car, le monde urbain bénéficie de certains avantages que le monde rural mais aussi, comme le souligne J. P. DIEHL (1984, op. cit.), « hectare après hectare, la ville grignote le territoire qui l'entoure », la ville ne cesse de s'étendre au détriment de la campagne. La ville de Goma, quant à elle, cherche à valoriser ses étendues en réduisant l'espace rural.

En faisant face aux changements que G. MASSIAH et al. (op. cit.) appelle « révolution urbaine », la ville de Goma, comme les autres villes du tiers monde connaît des conséquences dramatiques qui vont de la transformation des relations entre la ville de Goma et ses environs aux transformations de la vie de I 'homme.

En somme, le problème central auquel est confrontée l'urbanisation est « la distorsion entre une croissance très faible des activités et des emplois. La ville croît plus vite que ne croît la majorité des infrastructures de base ». (G. MASSIAH et al., op. cit. ).

Dans ce cadre, la ville de Goma connaît une prolifération des habitations qui ne cessent de combler tous les interstices des quartiers populaires (constructions désordonnées) et ne cesse de s'étendre sur des quartiers environnants pendant que les équipements de base restent dans le statu quo.

L'urbanisation dans la ville de Goma, matérialisée par le lotissement, amène avec elle des conséquences qui pèsent sur l'environnement, la vie sociale et économique, l'espace.

En effet, « c'est dans les zones urbaines que les conséquences socio-économiques du peuplement sont les plus visibles, criantes même... (Gilles FONTAINE, 1992).

Pour arriver à répondre à ces conséquences, G. MASSIAH et al. (op. cit.) dit que « la première dimension qui doit caractériser une politique urbaine, est sa manière de prendre en compte les contradictions entre ville et campagne » et il propose pour ce faire, la théorie de maîtrise de l'urbanisation que J.P. DIEHL (op. cit) appelle la maîtrise du développement. Cette théorie préconise que les politiques urbaines commencent par des politiques de développement rural.

Elle n'est pas le projet de contraindre le centre urbain à inscrire son évolution dans un cadre prédéterminé.

Elle suppose à toute évidence une connaissance fine et expérimentale du phénomène, de ses acteurs et de sa dynamique.

Nous trouvons que cette théorie est adaptée au sujet que nous traitons d'autant plus que nous voulons proposer un schéma qui tienne compte des réalités du milieu, des acteurs du foncier et des divers changements d'activité à prendre en compte. Elle doit aussi concerner les activités des milieux de production (milieux ruraux) pour soutenir les actions de l'urbanisation.

L'applicabilité de cette théorie doit obéir à cinq impératifs proposés par J.P. DIEHL (1984, op. cit) :

- « tout problème de l'urbanisation doit être abordé en terme d'espace, en termes économiques et sociaux ;

- la primauté doit être donnée à l'analyse des besoins en espace, en eau pure, en santé, en combustible, en école, ect.;

- doit être libéré, le potentiel de développement endogène (...);

- des normes d'environnement adéquates doivent être dictées;

- aucune action ne doit être entreprise sans qu 'y soient associées les formations sociales intéressées. »

Dans la ville, elle doit poursuivre comme objectifs:

- « réduire l'accroissement des inégalités entre quartiers ;

- réduire et rattraper, le cas échéant, les trop grands écarts entre les quartiers ;

- pallier les difficultés nées des transformations »C. LACOUR, 1992).

Cette théorie constitue un guide pour notre travail qui se veut de proposer un schéma participatif de lotissement qui part des problèmes réels sur terrain pour influencer les interventions basées sur 1 'homme et faisant appel à divers acteurs. Ici, nous nous référons à la théorie de l'espace urbain de multipilotage (AMPS; 1985, p.66) où l'on se base sur la multiplicité d'acteurs et la prise de conscience de ceux-ci selon des objectifs et des moyens propres.

Pour son opérationnalisation, il faut une analyse globale de la situation, agir en tenant compte des causes et conséquences, traiter toutes les questions, agir en concertation avec tous les acteurs urbains.

La théorie de multipilotage nous aidera à faire interagir les acteurs du foncier de la ville de Goma à savoir l'Etat (comme acteur dominant), les organisations sociales et économiques (les secteurs) et la population locale (comme concernés).

Elle se base sur les négociations entre acteurs et l'arbitrage par l'acteur dominant qui passe par un réseau d'influence des acteurs.

Cette approche de multipilotage qui se greffe à la théorie de maîtrise de l'urbanisation font que nous puissions considérer le lotissement comme un problème urbain multidimensionnel.

La question urbaine ne doit plus être laissée aux seules mains techniques (urbanistes, géomètres, architectes...) car les actions de développement font appel à diverses compétences qui impliquent la participation des divers acteurs. C'est ce que souligne aussi G. FONTAINE (op. cit.) en notant que « le phénomène urbain est devenu beaucoup plus sérieux pour le laisser plus longtemps aux urbanistes ».

La ville, considérée comme un système complexe, pose des problèmes complexes qui suscitent des actions multiples avec de multiples acteurs.

Le lotissement de la ville de Goma doit donc se baser non seulement sur l'espace mais aussi sur le social, l'économique avec l'intervention de divers acteurs.

CHAPITRE I : CADRE MONOGRAPHIQUE DU TRAVAIL

Pour traiter de la "problématique du lotissement dans la ville de Goma", il est indispensable de circonscrire ce milieu d'étude. Nous retraçons d'abord l'historique de la question foncière avant de présenter les données sociales, économiques, démographiques et géographiques.

1.1. HISTORIQUE DE LA QUESTION FONCIERE EN R.D.C.

La terre constitue le support matériel de grande importance pour la production des denrées alimentaires, I 'habitat, l'échange, bref; pour la survie de l'être humain.

Néanmoins, avec la pression humaine sur cette ressource, on aboutit à des conflits d'ordre foncier auxquels on assiste tant dans la ville que dans les campagnes.

Pour arriver à régler ces conflits, la société conçoit des mesures de régulation qui varient suivant les sociétés et les époques.

Notre pays, la R. D. C., a connu ces adaptations foncières aux différentes étapes de son histoire au cours de laquelle la question foncière a évolué en fonction des différentes perturbations qui se sont produites. Malgré les modifications des lois foncières au cours de ces étapes, nous avons relevé les caractéristiques principales de ces lois durant les trois périodes historiques couramment retenues pour I 'histoire de la R. D. C. depuis son contact avec la civilisation européenne.

1.1.1. Sous l'Etat Indépendant du Congo (E. I. C.) 1885-1908

Certains actes de l'ordonnance de l'Administrateur général de l'E.I.C. relative à l'occupation des terres à travers tous les nouveaux territoires ont attribué à l'Etat toutes les terres vacantes et interdit leur occupation sans titre (prof. KALAMBA Y. cité par MUNIHIRE B. 1988/89).

Durant cette période, trois sortes de propriétés foncières étaient reconnues, comme le note TH. HEYSE (1947, p. 11):

- « les terres occupées par les autochtones (indigènes), collectivement et/ou individuellement pour les activités agricoles et I 'habitation. Elles étaient régies par la coutume.

- les terres en possession des non-indigènes occupées par les Européens (hollandais,

Portugais et anglais) et sous contrats passés avec les chefs indigènes.

- les terres vacantes qui composaient le domaine de l'Etat »

La question foncière, à cette époque, avait déjà le caractère dualiste: la coexistence des terres régies par les lois/ actes et celles régies par la coutume. Néanmoins, on peut noter malgré tout, la reconnaissance de l'autorité coutumière dans cette question.

1.1.2. Sous le régime du Congo-Belge (1908-1960)

Le Congo fut annexé à la Belgique par le traité de cession du 28 novembre 1907. La loi du Congo-Belge fut promulguée en date du 18 octobre 1908. Et la Belgique s'était engagée à respecter les droits acquis pendant la période de l'E. I. C. avec toutes les obligations de I 'Etat (TH. HEYSE, op. cit, p. l4 ).

C'est durant cette période que la distinction entre les biens domaniaux situés dans les circonscriptions rurales et les biens des circonscriptions urbaines apparaît. L'autorité sur ces biens revenait au gouverneur général.

« La loi foncière coloniale était discriminatoire car, les Européens, dans les circonscriptions urbaines et sur les terres rurales, possédaient sur le fonds qu'ils I occupaient un droit de propriété (...) régi par le code civil et en conséquence protégé par la charte coloniale. Quant aux autochtones, leur droit sur le sol était de nature différente selon qu'ils habitaient les circonscriptions indigènes ou les circonscriptions urbaines » (prof. KALAMBA Y. L., 1981, p. 100). Par contre, les autochtones étaient souvent cantonnés, soit dans la sphère des droits d'occupation précaire (livret de logeur), soit dans le droit coutumier tout court ».(PALUKU MATUMO, 1982, p. 32).

Cette loi, basée sur la discrimination raciale et sociale et orientée vers une exploitation économique, a été à la base de l'insécurité foncière découlant du dualisme juridique avec en principe, une tendance à la protection des indigènes alors que les droits des indigènes n'étaient pas définis, ni leur nature « (TH. HEYSE, ...op. cit, p. 14).

Bien que l'on constate l'existence durant cette période d'enregistrement pour les

européens, et la propriété précaire pour les autochtones; on peut tout de même estimer que la coutume a été prise en compte bien que ce fut par souci de domination et d'exploitation.

1.1.3. Sous le Congo Indépendant (1960- à nos jours)

En matière de politique foncière, cette période connaît deux grands moments. Jusqu'en 1966, comme le note PALUKU M. (1982,..op. cit p. 32), « notre législation foncière ne différait en rien de celle en vigueur avant l'accession du pays à l'indépendance » parce que le régime en place devait faire face à la crise politique d'après l'indépendance.

Des changements vont intervenir dès 1966 et depuis lors, nous pouvons considérer deux principales lois foncières:

· La loi foncière de 1966 dite « loi BAKAJIKA » (ordonnance-loi no66 - 343 du 7 juin 1966) qui était considérée comme une réforme. « Elle favorisait aussi plus les congolais que les étrangers. Ladite loi décide que l'Etat reprend la libre et pleine disposition de tous les droits fonciers (...) concédés ou cédés avant le 30 juin 1960 » (MAXIMY R, 1984, p. 159). Mais, considérant les abus commis à l'aide de la loi BAKAJIKA, une autre loi (ord. loi n° 71/008 portant révision de la constitution) fut promulguée le 31 décembre 1971. Elle visait à corriger la première en frappant tous ceux qui détenaient des certificats d'enregistrement obtenus avant le 31 décembre 1971 » (prof. KALAMBA Y. L..., op. cit, p. 103). L'échec de ces deux lois a alors motivé l'Etat à concevoir, en 1973, un nouveau droit foncier susceptible de lui donner la maîtrise permanente du sol.

· La loi foncière no073-021 du 20 juillet 1973, modifiée par la suite, par la loi foncière n° 80-008 du 18 juillet 1980, a le seul mérite d'avoir remis tous les citoyens au même niveau et avoir supprimé la propriété foncière des particuliers pour leur laisser la jouissance. Ainsi, comme le note PALUKU (1982,...op. cit, p. 39), « la loi foncière a rendu toutes les terres domaniales, reconnaissant l'exigence des droits de jouissance que les communautés locales exercent sur le sol qu'elles occupent ».

Il est à noter que l'évolution de la loi foncière n'a pas encore permis de résoudre tous les problèmes fonciers. Par exemple, avec la jouissance, les communautés locales/rurales ne sont pas prises en compte car aucune loi ne règle leur sort en matière de propriété foncière et l'Etat, jouissant de la propriété du sol et du sous-sol, détient le monopole des terres et, donc, la base de toute production et de tout le développement du pays.

Par ailleurs, comme signalé plus haut, depuis l'époque coloniale jusqu'à ce jour, les terres sont subdivisées, au Congo, en terres rurales et terres urbaines.

Concernant les milieux urbains, il est à constater, comme le soulignent divers auteurs, que « les villes du tiers-monde à l'occurrence celles d'Afrique ont été façonnées par le fait colonial (...), car avant la colonisation, les villes n'étaient que des entrepôts et des relais sur les routes (...). Rarement elles ont abrité plus de dix ou vingt mille habitants. Elles ont servi de base à l'exploitation coloniale directe.

Elles assuraient alors des fonctions économiques directes, des fonctions administratives et de logement des administrateurs et négociants européens » (J. P. DIEHL, op. cit, p. 51).

Ainsi, comme pour la loi foncière, l'urbanisme était orienté vers les intérêts coloniaux et suivant leurs besoins sans tenir compte des autochtones. C'est ce qu'affirme J. P. DIEHL., (op. cit. p. 52) en disant que « la colonisation a été la dissociation de la ville ( espace de la mutation socio-économique) avec la campagne (milieu conservateur de la tradition) ».

L'urbanisation en tant que tel, avec tous ses instruments est un phénomène externe qui, au fil du temps, a connu divers changements avec l'accession des pays colonisés à l'indépendance. Cet avènement a changé la vision de la ville en laissant tous les gens y accéder sans discrimination. Mais, malgré ces changements, pour la R. D. C. « sa ville reste une ville dépendante de l'univers colonial ou néo-colonial, qualitativement peu modifiée par une réalité humaine nouvelle » (MAYAYA G. 1973, p. 118).

Les travaux d'urbanisation débutés au moment de la colonisation, se sont poursuivis et accentués durant la période d'après l'indépendance. Cela se fait remarquer pour la R.D.C. non seulement par le nombre de villes :de 4 villes en 1958 à 10 villes en 1970 de plus de 100 000 habitants -(MA y A y A, op. cit. p. 114) à, aujourd'hui, 19 villes de plus de 300 000 habitants et divers centres commerciaux de plus de 100 000 habitants, mais aussi par leurs extensions. Les villes ne cessent de croître.

La ville de Goma n'échappe pas à cette réalité nationale. « Elle a été érigée en chef-lieu de la sous-région du Nord-Kivu depuis 1950 suivant l'ordonnance (ord.) n° 217-27 » (RUKATSI, 1988, p. 31), elle a évolué ainsi jusqu'en 1988 quand, avec la création de la région du Nord-Kivu, ses limites se sont vues déplacées sur les milieux ruraux environnants: sa superficie est passée de 45 Km2 (en 1981) à 66,824 Km2 actuellement.

Avec cette extension, de la ville, elle ne cesse de croître et voir ses espaces vides se réduire du jour le jour avec l'arrivée massive des migrants.

L'on peut ainsi dire que l'urbanisation a évolué aux cotés de la loi foncière qui est la référence des services fonciers. Néanmoins, elle a changé d'orientation avec l'évolution du pays dans le temps.

1.2. PRESENTATION DE LA VILLE DE GOMA

Ayant brossé l'histoire de la loi foncière en R.D.C.; nous allons pouvoir présenter succinctement les données géographiques, démographiques, administratives et socio-économiques de la ville de Goma, notre milieu d'étude.

1. 2. 1. Eléments géographiques

« La ville de Goma est située au sud de l'Equateur entre 141° latitude sud et 29° 14 longitude Est » (Mairie de Goma, 99).

Elle est limitée au Nord par le territoire de Nyiragongo, au sud par la province du Sud- Kivu, à l'ouest par le territoire de Masisi et à l'Est par la République Rwandaise.

Elle s'étend sur une superficie de 66,824 Km2 soit 11% de la province du Nord-Kivu.

La ville, bâtie au pied des volcans NYIRAGONGO et KARISIMBI, est entièrement couverte des sols volcaniques avec un relief peu accidenté. « Son altitude varie entre 140lm au bord du lac Kivu et 2000m au point d'adjonction avec la collectivité de BUKUMU » (NABIRU, 1993/94). La ville a un seul point le plus élevé, le Mont Goma.

Avec un climat généralement tempéré, adouci par les vents qui soufflent du lac Kivu et des volcans, la ville connaît en général deux saisons:

- une saison pluvieuse de fin Août à mi-Mai, entrecoupée par une courte saison sèche qui va de mi-décembre à mi-février et ;

- une saison sèche allant de mi-Mai à fin Août.

L'hydrographie de la ville de Goma comprend seulement « le lac Kivu, le lac vert et le lac noir » (Mairie de Goma, 1999, op. cit.)

Notons que la configuration géographique de la ville de Goma est un atout pour la construction grâce à la surface presque plane et à la facilité d'avoir des pierres, du sable et du gravier. Certains éléments constituent néanmoins des contraintes notamment le problème de l'eau et les conditions sismiques.

1.2.2. Données administratives et démographiques

Jadis chef-lieu de la sous-région du Nord-Kivu, la ville de Goma est aujourd'hui le chef lieu de la province du Nord-Kivu. Elle a été créée par ord. n° 88-170 du 15 novembre 1988 après le découpage de l'ancienne région du Kivu (Mairie de Goma, op. cit. ).

Elle est subdivisée en communes, celles-ci en quartier et ces derniers en avenues et cellules.

La dénomination et la délimitation des communes de la ville de Goma sont données par l'ord-loi no89-127 du 22 mai 1989. Ces communes sont:

- La commune de Goma qui couvre une superficie de 33,372 Km2 et compte sept quartiers: MIKENO, MAPENDO, LES VOLCANS, KATINDO, KESHERO, HIMBI et LAC-VERT ;

- La commune de Karisimbi qui s'étend sur une superficie de 33,452 Km2 et comprend Il. quartiers: KAHEMBE, MURARA, BUJOVU, MAJENGO, MABANGA NORD, MABANGA SUD, KASIKA, KA TOYI, NDOSHO, MUGUNGA et VIRUNGA.

La ville est dirigée par un Maire secondé par un Maire adjoint qui supervise les bourgmestres. Ceux-ci, à leur tour, supervisent des chefs de quartiers.

La ville et la commune, au terme de la loi, sont des entités administratives décentralisées et dotées d'une personnalité juridique alors que les quartiers ne sont que des « entités administratives sans représentation ni personnalité juridique ». (article- art.-ll ord-loi no82-006). Le quartier est aussi subdivisé en avenues, cellules et nyumba kumi ( dix maisons gérées par une personne nommée par le chef de quartier).

La pratique de « nyumba kumi » est un modèle de gestion locale copié du Rwanda et qui a été mise sur pied en 1997 par l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL ).

Quoi qu'érigée en ville, la ville de Goma comprend encore des quartiers en cours de lotissement (KATOYI, NDOSHO, KESHERO) et qui mènent encore une vie rurale (basée sur l'agriculture), d'autres non encore lotis et peu densément peuplés (LAC VERT, NDOSHO, MUGUNGA) et d'autres non lotis mais densément occupés, (MABANGA NORD et SUD, MAPENDO, MIKENO, KAHEMBE).

En matière foncière, la République est subdivisée en circonscriptions foncières par ordonnance présidentielle qui en fixe les limites.

C'est le conservateur des Titres Immobiliers (C.T.I.) qui gère le domaine privé de l'Etat en matière foncière.

Les services fonciers et celui de l'urbanisme collaborent pour réaliser les plans d'urbanisation et/ou de lotissement.

Quand à la population de la ville de Goma, elle est diversifiée car elle provient des zones différentes avec des objectifs différents (voir point 2.2.1., p.24).Les divers atouts-géographiques, commerciaux ( échanges ), transport-prédisposent la ville à des migrations tant internes qu'externes.

Ce qui explique l'augmentation continue de la population. Cette augmentation de la population pendant les cinq dernières années, ressort dans le tableau ci-après:

Tableau n° 1 : Population de la ville de Goma ( 1996-2000)

CAREGORIE

ANNEE

HOMMES

FEMMES

GARCONS

FILLES

TOTAL

DENSITE

Hab/Km2

1996

43427

48044

94111

53815

194397

2909

22,23%

24,71%

25,26%

27,68%

1997

45916

47758

58294

65558

217526

3255,2

21,11%

21,95%

26,8%

30,13%

1998

51913

55894

66787

74887

249481

3733,4

20,8%

22,4%

26,77%

30,01%

1999

68732

72885

87363

95912

324892

4861,9

21,15%

22,43%

26,89%

29,52%

2000

74905

78504

94033

105739

353181

5285

21,2%

22,22%

26,62%

29,94%

Source: Rapports de la Mairie de Goma (96, 97, 98, 99, 2000)

De ce tableau, il se dégage les constats suivants :

- la population ne cesse de croître d'année en année. Comme le montre la population totale par année et la densité;

- les femmes sont plus nombreuses que les hommes et, les filles plus nombreuses que les garçons ;

- les femmes et les filles sont plus nombreuses (numériquement) que les hommes et les garçons ;

- la population de la ville de Goma est à majorité jeune, 52,94% contre 47,04%.

Soulignons que cette augmentation annuelle de la population explique l'extension continue de la ville; car, comme le dit G. MASSIAH et alii (op. cit) « la surface triple ou quadruple lorsque la population double », et la saturation de certains quartiers.

« Dans les pays pauvres, l'accroissement naturel est de 2,3% en moyenne, chaque pays et région ayant ses particularités » (A. M. P. S. op. cit.p. 98). Pour la ville de Goma, la croissance de sa population (16,375% partant des données de la Mairie) est de loin supérieure à l'accroissement naturel (0,93%) ce qui montre l'ampleur de l'immigration.

Nous pouvons néanmoins dire que les données ci-haut présentées sont prélevées par des recensements effectués dans la ville de Goma par échelon (Nyumba Kumi-chef de cellule-chef d'avenue-chef de Quartier-commune) pour se terminer à la mairie et chaque échelon inférieur fait la sélection des données reçues de l'échelon inférieur.

En outre, le recensement se fait par des personnes peu ou pas formées en ce domaine avec des matériels inadaptés et sans tenir compte des différents événements, dans certains quartiers (LAC VERT et MUGUNGA) notamment les décès, les naissances, les arrivées et les départs ne sont pas déclarés. D'où les chiffres donnés ne sont pas absolus.

1. 2. 3. Eléments socio-économiques

v Secteur économique:

La ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, dispose des diverses infrastructures qui participent à son ouverture à d'autres pays et à d'autres provinces et villes du pays.

Elle est dotée d'un aéroport international qui facilite ses échanges avec d'autres provinces (KATANGA, KASAI, HAUT-CONGO, BUKAVU) et les pays étrangers. Les échanges commerciaux sont aussi intensifiés par la voie terrestre qui la relie à la République du Rwanda et aux centres commerciaux BENI et BUTEMBO. A la ville de BUKAVU, elle est aussi reliée par la voie lacustre avec un port au bord du lac Kivu.

Les deux voies la relient aussi aux villages qui fournissent des vivres à la population de la ville de Goma.

Ces échanges intensifient la circulation des biens, des devises et des personnes dans la ville et débouchent sur le développement du secteur informel. On rencontre ainsi des étalages partout, des marchés illégaux, des kiosques et des ateliers de réparation et de couture qui prolifèrent et des colporteurs qui circulent à travers la ville. On note aussi la prolifération des agences de communication (phonie) et des agences aériennes de fret, des petites maisons de commerce (boutiques ), des organisations locales dites de développement, Initiatives Locales de Développement (I.L.D.), des organisations non gouvernementales (ONG) et diverses associations.

A ces structures, s'ajoutent les usines et les stations de carburants, SAGRIM, SOPELKI, OZACAF, station AGIP, VIRA OIL, FAKAM, G. R., MOBIL OIL. Au total « la ville de Goma compte 115 structures ou entreprises »(Maire de Goma, op.cit)

La ville de Goma compte deux grands marchés ( VIRUNGA et MIKENO) relayés par des petits marchés reconnus ou formels (CARMEL, RUZIZI, KlTUKU, KATOVI) et

d'autres encore qui se placent le long de la route et dans diverses avenues où il y a

Ces marchés constituent le lieu d'approvisionnement en produits de consommation courante et manufacturés. La ville s'approvisionne en vivres de BENI, MASISI, RUTSHURU, LUBERO, OUGANDA, RWANDA, LODJA, KINDU, KENYA, les Emirats Arabes Unis (DUBAI...) et d'autres pays.

Outres ces activités économiques, la ville dispose des infrastructures sanitaires et scolaires et des services de base pour satisfaire les besoins de la population.

v Infrastructures scolaires:

La ville dispose des écoles publiques, privées et conventionnées publiques et privées. Ces écoles sont réparties en divers niveaux: maternel, primaire, secondaire et supérieur.

Tableau n° 2: Nombre d'écoles et effectif scolaire de la ville de Goma

NOMBRE

NIVEAU

ECOLES

CLASSES

EFFECTIFS

MATERNEL

23

71

1 555

PRIMAIRE

44

334

11 646

SECONDAIRES

23

171

4 511

PROFFESSIONNEL

16

58

-

UNIVERSITE

12

33

1 880

Source : Rapport Mairie (op.cit)

Il ressort de ce tableau que l'effectif des scolarisés jusqu'au niveau secondaire est de 17 712 soit un taux de scolarité de 5,45 %.

Notons que la majorité de ces écoles sont privées (58%). La population estudiantine représente moins de 1% de la population totale.

Mentionnons aussi que suivant que les écoles sont viables, elles enregistrent plus d'élèves que les autres. Mais aussi la commune de Karisimbi compte plus d'écoles que la commune de Goma.

Les infrastructures scolaires de la ville de Goma ne suivent pas la croissance de la population. Ce qui donne l'occasion à des privés d'implanter des écoles moins viables sur le plan des infrastructures, du personnel, de la documentation et de la gestion.

v Infrastructures sanitaires:

Dans ce cadre, la ville de Goma comprend un hôpital général de référence (HGR), deux centres de santé de référence (CSR), 17 centres de santé (CS) et postes de santé (PS) agréés. A ces structures sanitaires publiques et agréées, s'ajoutent des dispensaires privés qui sont, pour la plupart, moins viables. En fait, on peut considérer que la ville de Goma compte trois hôpitaux parce que les deux CSR sont équipés plus ou moins de la même manière que I 'Hôpital Général de Référence.

Par rapport à la population totale à desservir, ces infrastructures sanitaires sont insuffisantes pour la ville s'il faut considérer les principes arrêtés à la conférence de ALMANATA concernant les personnes à desservir .

v Services de base:

Nous y incluons l'approvisionnement en eau et électricité, le transport et l'habitat.

La ville de Goma utilise l'eau du Lac Kivu pour tous ses usages. Cette eau est traitée et fournie par la REGIDESO. Elle fournit environ 72 089 m3 d'eau par semaine soit 3 758 926,429 m3 d'eau par an. Certains quartiers n'accèdent pas aux installations d'approvisionnement en eau tel: KATOYI, NDOSHO, MUGUNGA, LAC VERT et KESHERO. Ces quartiers utilisent directement l'eau du lac chlorée avec l'aide du Comité International de la Croix Rouge (C. I. C. R.).

Quant à l'électrification de la ville, elle n'atteint pas non plus tous les quartiers. Et là où elle semble être effective, certaines maisons n'y accèdent pas et/ou le courant est irrégulier et avec une faible tension.

L'habitat de la ville de Goma se fait pour la majeure partie, spontanément et en planche (donc sans aucune autorisation de bâtir), en matériaux durables pour les quartiers résidentiel et commercial (suivant les moyens) et en matériaux « locaux » ou en terre pour les quartiers populaires et certaines parties des quartiers en lotissement.

Le transport dans la ville est assuré par des privés qui exploitent leurs voitures, motos et bus pour relier les quartiers. Le transport des fonctionnaires (pour les départs et sorties du boulot) est assuré par un bus de la province.

Les transporteurs privés sont regroupés dans l'Association des Chauffeurs du Congo (A: C. CO.) pour le transport urbain.

Mentionnons que les quartiers nouvellement lotis ne disposent pas des facilités pour avoir des arrêts-bus proches.

La diversité d'origine de la population de la ville de Goma implique la diversité de langues ou parlers locaux: Mashi, Kihavu, Kinande, Kihunde, Kinyarwanda, Kikumu, Lingala. Néanmoins, la langue de communication locale reste le Swahili, le Français constituant la langue officielle.

Les « religions », comme partout dans la République Démocratique du Congo, sont multiples dans la ville de Goma. Les diverses églises fonctionnent aux côtés des sectes diverses.

La ville de Goma, située à l'Est de la République Démocratique du CONGO, est

l'une des provinces de la République Démocratique du Congo qui échange avec d'autres provinces et villes du pays et des pays étrangers. Avec une population, aujourd'hui estimée à 353 181 habitants, diversifiée et attirée par ses atouts commerciaux et géographiques; la ville va en croissant et en grandissant. Ces deux éléments font que les zones moins occupées enregistrent des immigrants à la recherche de l'espace pour avoir un « chez-soi » et servent d'exutoire pour les quartiers populaires mais aussi de sites d'investissement pour les riches.

CHAPITRE Il : MIGRATIONS ET LOTISSEMENT

Le lotissement entendu comme un fait de l 'homme sur l'espace, est en relation avec la migration qui agit sur le lotissement. Il faut de ce fait rechercher les causes et la source des migrations ainsi que les motivations du lotissement dans la ville de Goma.

2. I. MIGRATIONS VERS LA VILLE DE GOMA

La migration est un phénomène social étant donné qu'elle touche une organisation: la famille, le village, le quartier.

Elle est une source de transformations des structures sociales existantes tant dans le milieu de départ que dans celui d'arrivée. Elle est en outre un phénomène économique en tant qu'elle est motivée par diverses raisons lucratives (emploi, commerce, études...) et qu'elle provoque un déséquilibre dans le circuit économique des milieux concernés.

Dans la ville de Goma, la migration est visible comme partout ailleurs - par la présence de nouvelles gens dans les quartiers et dans divers secteurs de travail. Ce qui nous fait dire que la migration est aussi un symbole de déplacement de gens des milieux ruraux vers le milieu urbain - exode rural et déplacement forcé des paysans - ou encore du milieu urbain supposé marginalisé ou dépendant économiquement vers la ville de Goma, supposée propice à diverses activités.

Nous abordons ce point parce que « la migration est reconnue comme un instrument d'analyse privilégié du processus d'urbanisation » (E. LEBRIS, 1988/89) et les migrations représentent bien la croissance urbaine et sont une des composantes de la croissance urbaine et un signe de la dynamique de la ville concernée.

Nous ne pouvons pas aborder le lotissement sans préciser les milieux qui déversent leur population sur la ville de Goma et les raisons de ces migrations. Nous allons aussi présenter l'évolution de la population du milieu d'étude durant les cinq dernières années et les raisons qui motivent l'extension de la ville de Goma.

2. I. I. Origine et causes des migrations

La ville de Goma accueille une population migrante diversifiée qui provient de diverses provinces de la République Démocratique du Congo et de différents pays. La population qui immigre dans la ville de Goma provient des villes de BUKVU, KISANGANI, GISENYI, KIGALI; des centres commerciaux de LODJA, SANKURU,

KALEMIE et des villages avoisinant les différentes villes et centres précités ainsi que ceux reliés à la ville de Goma.

Faute des documents à ce sujet, nous n'avons pas pu réunir les statistiques y afférentes. La ville de Goma subit ainsi une pression démographique conduisant à des occupations anarchiques de l'espace. Diverses raisons sont à la base de cette migration parmi lesquelles: les raisons économiques, socioculturelles et politiques.

2. I. I. I. Les raisons économiques

La ville de Goma, par son ouverture commerciale, est interconnectée à d'autres villes soit par l'aéroport, soit par le lac, soit par la route.

La circulation monétaire y est jugée intense, profitable et favorisant toute initiative à entreprendre. Ce jugement est rendu par les migrants en comparaison avec leur milieu de départ.

La ville de Goma constitue aussi un centre de transition et de négoce des produits agricoles et des minerais venant des milieux ruraux pour les autres centres urbains. Ainsi, il est estimé que les produits de premières nécessité y coûtent moins cher que dans d'autres villes précitées.

Notons aussi, parmi d'autres raisons, la configuration géographique qui n'exige pas, pour certains, des frais de transport ; les moyens de transport qui sont faciles à trouver et à utiliser pour d'autres et la recherche de l'emploi pour bon nombre de la population rurale qui émigre.

En somme, disons que les raisons sont soit commerciales; pour ceux qui viennent des centres commerciaux et villes suivant le rang social; soit professionnelles pour ceux qui viennent des milieux ruraux. Dans ce dernier cas, ne trouvant pas d'emploi, les émigrants s'orientent dans le secteur informel.

2. I. I. 2. Les raisons socioculturelles

Partant de la diversité culturelle et la socialisation de fait, caractéristiques socioculturelles des villes; la ville de Goma n'est pas hostile aux nouveaux venus, surtout parce qu'il n'y a pas de mesures restrictives légales.

Toutefois, avec le système de « Nyumba Kumi », ces entrées sont contrôlées à ce niveau sans être enregistrées au niveau de l'Etat-civil.

Les migrants, citadins et ruraux viennent dans la ville de Goma après avoir repéré un membre du clan, de la tribu, de la famille ou un ami qui sera considéré comme « parrain » dans la ville. Le fait d'avoir un lieu d'arrivée est une raison sociale considérable.

Notons que l'émigration vers la ville de Goma est provoquée par la détérioration des conditions de vie, de la productivité des sols et de la sécurité des populations rurales, par le mirage d'une vie facile, sécurisée et sans contraintes diverses et par la poursuite des études dans des bonnes écoles (infrastructures et potentialités humaines ).

Ainsi, les formes et les causes des migrations proviennent souvent de la différence ou de la détérioration des rapports sociaux dans le milieu ou dans la famille d'origine.

2. I. I. 3. Les raisons politiques

Une des réalités congolaises est que les campagnes sont des entités laissées pour compte par les pouvoirs politiques et administratifs.

Dans les milieux de RUTSHURU, de MASISI et de MINOVA où sévissent depuis des années, des conflits de règlement de compte et de démonstration de pouvoir ou de force entre des ethnies et entre des personnes,..., les populations, vivant sans politique d'encadrement rural et commercial, se déplacent de ces zones à haut risque vers des zones sans risque ou à moins de risque dont la ville de Goma.

En gros, ce sont les disparités socio-économiques et politiques - entre provinces, entre milieu urbain et milieu rural et entre - pays qui peuvent porter une justification globale des migrations vers la ville de Goma. Celle-ci, lieu de transition et de liaison ; commerciale disposant des infrastructures assez considérables, se trouve ainsi ouverte à l'accueil continu des migrants venant de divers centres urbains et milieux ruraux.

D'abord abrités par les proches au nom de la solidarité sociale africaine, les émigrants se cherchent ensuite un terrain dans le souci d'avoir un « chez-soi ». Ils occupent alors des zones qui leur sont accessibles et favorables.

2. I. 2. Zone d'installation des migrants

Malgré la solidarité traditionnelle évoquée ci-haut, certains quartiers de la ville de Goma sont plus sollicités que d'autres par les immigrants en fonction de leur niveau économique. Nous voulons parler du zonage des migrants dans la ville de Goma, zonage qui se caractérise par le niveau de pauvreté.

L'installation des immigrants part des divers éléments dont:

· le secteur d'activité du membre / de la famille d'accueil,

· la situation sociale et économique du membre / de la famille d'accueil

· le genre d'activité à entreprendre par le nouvel émigrant qui évolue souvent dans le secteur (informel) de son « parrain »

· les relations sociales de fraternité ou d'amitié,

· la cause de la migration

· le coût du loyer,

· la situation socio-économique de l'émigrant.

Partant les facteurs susmentionnés, les immigrants s'installent dans les quartiers populaires de la ville de Goma: MIKENO, MAPENDO, MABANGA NORD et SUD, MAJENGO et le quartier VIRUNGA pour les migrants transnationaux (Rwandais).

La migration contribue à l'accroissement de la population urbaine plus que l'accroissement naturel. Car, si l'exode rural, qui n'est qu'une partie de la migration, « représente près de la moitié de la croissance démographique des villes » (G. MASSIAH. et al. op. cit), la migration dans son ensemble doit en représenter plus.

2. I. 3. Evolution de la population des quartiers périphériques

L'explication de la migration doit l'être par le surplus de la population du milieu en dehors de son accroissement naturel. Nous allons pouvoir observer/constater une augmentation de la population de la ville de Goma plus qu'elle ne doit l'être en considérant l'accroissement naturel qui s'obtient par le taux de natalité moins le taux de mortalité (accroissement estimée à 0,9 %., comme dit précédemment).

Le tableau ci-après nous donne l'évolution de la population des quartiers de notre étude: KESHERO, NDOSHO et KATOYI pour les cinq dernières années.

Tableau no3 : Evolution démographiQue des Quartiers périphériQues de la ville de

Goma (1996-2000).

Années

Quartiers

1996

1997

1998

1999

2000

KESHERO

3 138

3 814

3 814

7 055

12 058

NDOSHO

787

1 833

2 456

1 506

6 894

KATOYI

18 717

16 647

21 333

17 618

23 570

TOTAL

22 642

22 294

27 603

26 179

42 522

TOTAL VILLE

194 397

217 526

249 481

324 892

353 181

% PAR RAPPORT à LA VILLE

11,64

10,24

11,06

8,05

12,03

Source: Rapports annuels Mairie de Goma.

Cette évolution est visualisée par la figure ci-après:

Fig. 1. GraphiQue de l'évolution démographiQue de la population des Quartiers périphériQues

Le pourcentage moyen de la population de ces quartiers est de 10,6% par rapport à la population de la ville de Goma. Comme le montrent le tableau et la figure; la population des quartiers périphériques a connu des accroissements et des décroissances qui peuvent être dus à la complicité des certaines personnes qui accueillaient des réfugiés et les faisaient recenser comme des nationaux, et après, ces derniers décidaient de rentrer chez eux au Rwanda (1996-1997).

L'accroissement démographique de 1997 -1998 par rapport à 1996 est imputé à la guerre dite de libération de l'A. F. D. L. Quant à la décroissance de 1998-1999, elle est attribuée à la guerre du RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie) qui, avec le recrutement des jeunes a déplacé une portion de la population. La même guerre est responsable de l'accroissement de 1999-2000, par l'insécurité caractérisée dans les milieux paysans. Mais aussi, on peut ajouter la propulsion du commerce (à l'intérieur de certaines cités) et des marchés des minerais, à l'occurrence le COLTAN.

A ces faits sociaux et politiques, nous pouvons ajouter les irrégularités dans le processus de recensement qui partent de l'incompétence des agents recenseurs (Nyumba kumi, chefs des cellules, d'avenues, de quartiers...) à l'utilisation des matériels inadéquats. Le retour des réfugiés est aussi un autre fait perturbateur de grande envergure.

Excepté le quartier KESHERO qui a connu une croissance continue de la population qui est, en moyenne, de 26%; les autres quartiers ont été plus affectés par ces irrégularités.

Malgré cela, le quartier NDOSHO a connu une croissance supérieure de 64,7% en moyenne alors que KATOYI a connu une croissance moyenne de 14,13%.

En général, la population des trois quartiers a connu un accroissement de 34,94% et si l'on considère les cinq années, comme espace temporel de comparaison, la population des trois quartiers s'est accrue de 61,04%. Cet accroissement est plus visible en regardant la courbe de 1999 à 2000.

Cet accroissement se fait remarquer par l'occupation spatiale de la ville de Goma et les problèmes qui en découlent.

Le mouvement des populations incontrôlé des migrants donne lieu aux démembrements illicites des parcelles occupées. Ces démembrements débouchent sur des constructions anarchiques qui occasionnent à leur tour des perturbations dans le cours normal de la vie du quartier: alimentation en eau et en électricité, l'évacuation des eaux usées et de pluies, l'élimination des déchets domestiques, la circulation des personnes,...

Ces démembrements et leurs conséquences en appellent aussi à des nouveaux lotissements.

Toute cette chaîne fait appel à la régulation administrative qui est l'urbanisation par le lotissement.

L'interaction entre les éléments repris dans ce point peut être résumée par la figure ci- après :

Fig.2. L'interaction entre les éléments conduisant au lotissement partant de la migration

vers la ville de Goma.

CROISSANCE DE LA POPULATION URBAINE DANS LES QUARTIERS

PERTURBATION DES CONDITIONS DE VIE DANS LES QUARTIERS

2. 2. MOTIVATIONS DU LOTISSEMENT

Le lotissement qui est une concrétisation de l'urbanisation est motivée par divers éléments d'ordre social, économique, politique, technique et juridique.

Nous allons pouvoir relever quelques-uns uns d'entre eux.

2. 2. I. Les motivations sociales et économiques

La raison sociale du lotissement, comme disent les responsables des services des affaires foncières, est de trouver des espaces d'habitations pour les populations qui s'ajoutent aux citadins des quartiers populaires, mais aussi d'assurer l'embellissement de la ville.

Le lotissement est donc une mesure sociale en faveur des migrants et des populations habitants des lieux impropres.

C'est la modernisation des quartiers à lotir et une mesure d'atténuer la pression sur les espaces déjà habités. .

La raison économique, pour l'Etat, est d'élargir la ville pour ainsi étendre le pouvoir urbain et renforcer le budget de la ville et/ou de la province. Et, pour certaines personnes, un moyen d'investir dans l'immobilier et d'atteindre les nouveaux marchés créés par le lotissement.

Les services fonciers sont motivés par le lotissement partant des transactions foncières qu'ils vont effectuer au détriment de la population et de l'Etat, malgré l'illégalité de cette pratique. Outre ces raisons, on peut aussi noter que le lotissement étend le marché économique et augmente le nombre des consommateurs et des contribuables.

2. 2. 2. Eléments politiques et juridiques

Les éléments que nous appelons politiques sont ceux qui se rapportent à l'administration et à l'élite politique. Et les éléments juridiques sont ceux qui se rapportent à la loi.

Ne peut prétendre être appelée ville ou quartier urbain que l'entité jouissant de ce statut par un texte juridique émanant des institutions habiletés à le signer.

Selon la législation foncière de notre pays, ce texte est une ordonnance présidentielle ou un arrêté du ministère des affaires foncières. En effet, la création des villes émane de la présidence alors que leurs délimitations sont du ressort du ministère des affaires foncières (loi foncière no73/021 ).

Le développement rapide des centres et/ou quartiers urbains, se manifestant plus par l'accroissement de la population de ces quartiers que par les activités, est la motivation de l'extension de ville de Goma.

Le lotissement des quartiers périphériques de la ville de Goma concerne des terres rurales qui sont devenues urbaines par l'ordonnance présidentielle n° 88-170 fixant les chefs lieux des régions issues du découpage de l'ancienne région du Kivu.

Ce lotissement devient alors un acte juridique à exécution quoi que la population autochtone n'a pas été indemnisée ni informée des conséquences subséquentes lors de ladite décision de transfert des terres rurales aux terres urbaines.

Quand aux motivations politiques, elles partent du remplissage des caisses de l'Etat par les frais de location et administratifs au besoin des hommes politiques de faire passer leur idéologie et de servir leur entourage; tant familiale que politique.

Le lotissement est plus motivé par les intérêts politiques, juridiques et économiques de l'Etat et de ses acteurs que par les intérêts socio-économiques de la population.

Ces motivations, centrées sur la politique du lotissement de la ville de Goma, conduisent à une urbanisation et un lotissement subjectifs et désordonnés qui provoquent, sur la vie des populations, des conséquences négatives malgré une contribution positive, minime soit -elle, du lotissement.

La motivation technique peut se résumer au fait que les services urbains et fonciers veulent appliquer ou faire appliquer les normes urbanistiques contemporaines sur tout l'espace de la ville.

Pour compléter ces éléments, il sied de relever la controverse de la pratique ou de l'application du lotissement dans la ville de Goma.

2. 3. LE LOTISSEMENT ET SON APPLICA TION DANS LA VILLE

DE GOMA

2. 3. I. Généralités

« Le lotissement est la division d'une propriété foncière en vue de l'implantation des bâtiments, lorsque cette division a pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains qui en seront issus, dans les 10 ans à venir ». (R. LAFFONT, 2000). Et, l'urbanisation « est l'organisation spatiale d'habiter la ville, une structure d'équipements publics, une sphère de développement d'activités spécifiquement urbains,... » (G. MASSIAH et al., ...op. cit. p. 99).

Nous pouvons dire, en ce qui nous concerne que le lotissement est inséparable de l'urbanisation car, quand on veut urbaniser un quartier, on doit faire le lotissement qui est entendu, selon les responsables des services de l'urbanisme, comme un morcellement du terrain en prévoyant la surface de l'habitat, de la voirie et de l'espace vert ainsi que les équipements collectifs et les zones à reboiser.

Le lotissement cherche - comme susmentionné - à résoudre le problème de surpopulation urbaine en agissant sur les espaces encore disponibles.

Pour l'Etat, le lotissement est inscrit dans la logique du développement du pays tandis que pour la population, le lotissement est le passage de la propriété foncière collective à la propriété foncière individuelle qui vient déranger l'organisation locale au profit des services fonciers.

Pour les agents des services fonciers, c'est une question technique comprise comme « un ensemble de dispositifs physico-institutionnels destinés à assurer l'ordre sur l'espace (occupation) ou au moins à lutter contre les désordres de tout genre » (G. MASSIAH et al., ...op. cit).

Toutefois, le lotissement s'inscrit dans un cadre juridique au sujet des normes à respecter pour les zonages de la ville: quartiers industriels, quartiers résidentiels, Il est prévu une procédure légale de lotissement et/ou de l'urbanisation qui ne peut pour autant être appliquée dans tous les sens (ETAT-POPULATION) et à ses côtés fonctionne une procédure illégale et viciée qui est une source de conséquences néfastes sur la vie de la population.

2.3.2. Procédure légale du lotissement

D'après la législation foncière congolaise, « le sol est une propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'Etat »(loi foncière de 1973, art. 52) ».

L'Etat s'étant approprié toutes les terres (rurales et urbaines), les particuliers - citoyens deviennent soit tenants et jouissants d'un droit foncier, soit des concessionnaires.

De ce fait c'est l'Etat qui peut procéder à tout transfert de la propriété du sol. Pour le lotissement, la procédure légale est résumée ci-après:

1. Le maire de la ville, après constat du problème de peuplement dans la ville, s'adresse au gouverneur de province qui instruit les services techniques (urbanisme et cadastre) de concevoir un plan de lotissement.

2. Les services techniques conçoivent le plan qu'ils déposent au gouverneur - après approbation de la mairie - qui l'approuve par arrêté. Le lotissement revêt alors son caractère juridique.

3. Le plan est transmis au C.T.1. par le gouverneur pour procéder à la vente des parcelles après tous les travaux de bornage, de mesurage et enregistrements. Et ce, conformément au prix arrêté par le gouverneur. Précisons que le C.T.I. est l'agent de l'Etat habilité à faire ce travail et ses erreurs en matière foncière sont imputables à l'Etat.

4. Le C.T.1. reçoit alors les demandes de terre des populations et où ces dernières indiquent leur identité, le genre de construction envisagé et la source des financements de la construction. S'en suivent alors les opérations administratives qui débouchent à l'obtention du contrat de location où l'Etat est bailleur et au certificat d'enregistrement après mise en valeur.

5. Afin d'éviter l'aliénation des populations locales - généralement rurales - l'Etat doit les déplacer vers un autre milieu rural et doit, de ce fait, les indemniser et encadrer leur première production en leur fournissant des semences, des outils aratoires et autres intrants agropastorales nécessaires et leur donner des frais d'installation.

Nul n'ignore que - particulièrement - la dernière condition d'indemnisation et d'encadrement n'a jamais été rempli par l'Etat. Par contre, ce dernier contraint la population locale à se conformer aux règles urbaines en matière foncière sans aucune éducation et préparations préalables.

Ces dérèglements renforcent les conséquences néfastes socio-économiques, culturelles et politiques du lotissement sur la vie de la population et motivent alors d'une façon ou d'une autre la procédure illégale de fait de lotissement.

2.3.3. Application actuelle du lotissement dans la ville de Goma

Compte tenu de l'inefficacité de l'Etat, le lotissement est effectué suivant une procédure illégale au point de dire que le lotissement, tel que pratiqué actuellement à Goma, est une procédure barbare et hétaïrique.

Le plan de lotissement est tracé sans aucune enquête préalable des occupants. Cette opération devient alors un déclic pour la population. Celle-ci constatant que les terrains sont mesurés, sans une consultation quelconque, et seront donc spoliés par les « agents de cadastre », se met à transférer la « terre occupée » à ses fils et à en vendre des portions à des personnes demanderesses des parcelles.

Ces allogènes avertis, passent au service foncier pour des documents légaux y afférents. Ce qui devient un autre déclic cette fois pour les agents des services fonciers. Ceux-ci entrent dans le jeu et commencent la vente des parcelles dans le bureau, et donc sur papier.

L'Etat considère les autochtones qui sont sous titre foncier comme des occupants clandestins illégaux qui ne peuvent rien réclamer et estime que ces sont des terrains vides malgré l'existence des statistiques et d'une pseudo-administration locale : le quartier.

Après cette confusion, même après construction et occupation de l'espace, on sollicite et dépose la demande de terre auprès du C. T .1., on sollicite les travaux cadastraux pour le bornage et mesurage pour ensuite poursuivre les procédures bureaucratiques afin d'obtenir le contrat de location (trois ans renouvelables).

En somme, actuellement, le lotissement dans la ville de Goma devient une affaire de la population locale qui, malheureusement, se met seule hors circuit et des agents de service foncier qui s'enrichissent sur le dos de la population et au détriment de celle-ci et de l'Etat.

La population autochtone des quartiers périphériques concernés subit des pressions de toute part et cherche une solution, soit en s'adaptant à la situation, soit en introduisant des réclamations auprès des institutions provinciales mais souvent en vain, soit en cherchant un autre lieu de résidence loin du quartier, voire même au village.

Succinctement, la pression que subit la population autochtone des quartiers périphériques et les espaces peut être représentée par la figure ci-après :

Fig 3 : Les structures et mouvement de pression Qui envahissent les Quartier périphériQues et

leurs populations

SERVICES TRECHNIQUES FONCIERS

POPULATION

(des quartiers habités)

POPULATION MIGRANT

AUTORITES POLITICO-MILITAIRES

AUTORITE ADINISTRATIVES

ORGANISATION SOCIALES ET OPERATEURS ECONOMIQUES

POPULATION AUTOCTONE

(Terre suburbaine environnant)

CHAPITRE III : ANALYSE DES ASPECTS D'INFLUENCE DU

LOTISSEMENT SUR LA VIE DE LA

POPULATION DES QUARTIERS

PERIPHERIQUES.

3.1 DESCRIPTION DE L 'ENQUETE

Pour récolter les données de ce travail, nous avons procédé par une enquête dont nous présentons les aspects généraux.

3.1.1.0bjectifs de l'enquête

· récolter les avis et aspirations des populations autochtones et allogènes sur le lotissement en cours à l'aide d'un échantillon,

· relever les avantages et désavantages du lotissement tels que perçus par les populations et les agents du foncier,

· évaluer l'écart pouvant exister entre la situation de départ et la situation actuelle.

3.1.2 Méthodologie de collecte des données

Nous avons procédé par :

· l'observation expérimentale: ayant oeuvré dans ces quartiers, nous avons observé des modifications dans l'occupation de l'espace

· l'observation libre par laquelle nous avons remarqué les changements sociaux et économiques dans ces quartiers et, le confinement des habitations. Et nous avons aussi assisté à la résolution des différents conflits parcellaires sur terrain et au bureau des services fonciers;

· entretien et interview, nous avons contacté les personnes (populations locales et allogènes, les responsables des services fonciers et urbains) dans les quartiers en lotissement et au bureau à l'aide d'un questionnaire à trois volets et/ou un guide d'entretien.

3.1.3. Instrument de travail

Nous nous sommes servis d'un échantillonnage et d'un questionnaire pour réaliser les objectifs nous assignés.

3.1.3 .1.Echantillonnage

Notre échantillon, réparti suivant les quartiers (KESHERO, NDOSHO,KATOYI) et les groupes (population locale, allogène et les services fonciers) est représenté dans le tableau ci-après :

Tableau n° 4 Répartition de l'échantillon

Quartiers

Catégorie

KESHERO

NDOSHO

KATOYI

TOTAL

Population Autochtone

15

10

10

35

Population Allogène

25

20

20

65

Chefs de quartiers

1

1

1

3

Services foncier et urbain

-

-

-

3

TOTAL

41

31

31

106

Le choix de l'échantillon s'est fait au hasard, sauf pour les services fonciers et urbains où nous avons visé les responsables des services et pour les bureaux des quartiers où nous avons contacté les chefs.

Notons que les enquêtés sont soit « des propriétaires », soit des « locataires » et c'est sur des parcelles avec ou sans litiges.

3.1.3.2. Le questionnaire

Comme susmentionné, ayant trois catégories d'enquêtés, notre questionnaire a été constitué de trois volets avec trente et huit items :

· le premier volet, destiné aux services publics chargés des affaires foncières, a été constitué de treize items dont :

v 6 sur le processus Iles modalités du lotissement (items I à 5 et 12)

v 4 sur les problèmes liés au processus de lotissement (6 à 8 et Il )

v 3 sur les effets du lotissement (items 9, 10 et 13)

· Le deuxième volet, destiné aux populations locales, a comporté 12 items dont :

v 2 sur le système foncier coutumier (item I et 2)

v 4 sur les modifications et changements vécus par la population(items 4 à 7)

v 3 sur les conséquences apparentes du lotissement (items 8 à 10)

v 2 sur les apports du lotissement à la vie de la population (items Il et 12)

· Le troisième volet destiné aux populations allogènes, a comporté treize items dont :

v 3 sur la situation de départ de l'enquêté (items 1 à 3)

v 2 sur la procédure réalisée d'accès au lot (items 4 et 5)

v 3 sur la situation vécue lors du lotissement en comparaison au milieu de départ (items 6 à 7)

v 3 sur les conditions de vie dans les milieux d'accueil (items 9 à Il )

v 2 sur la contribution du lotissement au développement du milieu ( items12 et 13)

Pour administrer notre questionnaire, nous avons utilisé des enquêteurs, trois par quartier. Il a fallu avoir une séance d'explication du questionnaire aux enquêteurs pour aboutir aux résultats escomptés. Seulement pour les services fonciers, nous les avons contactés seul.

A part les enquêtes préliminaires, l'enquête a duré 45 jours répartis comme suit:

· pour les quartiers:

v 5 jours de prise de contact et discussion avec les enquêteurs et les dispositions pratiques

v 20 jours de dépôt et collecte des questionnaires.

· pour les services fonciers:

v 2 jours de dépôt de questionnaires

v 30 jours pour le suivi et collecte des informations.

v 7 jours pour contacter les chefs des quartiers et autres personnes morales et physiques.

3.2. ANALYSE DES EFFETS DU LOTISSEMENT DES QUARTIERS

PERIPHERIQUES SUR LA VIE DE LA POPULATION

3.2.1. Généralités

Nul n'ignore l'importance et la considération traditionnelle de la terre dans notre pays, la R.D.C.

Elle sert à plusieurs fins; économiques d'abord car, elle est la source de richesse par diverses exploitations: agriculture, élevage, bois de chauffe et de construction,... et génère des revenus pour l'occupant coutumier ou de droit; sociales ensuite parce qu'elle est un élément prouvant le statut social et donnant lieu à la stratification de la famille traditionnelle; culturelle enfin, étant donné qu'elle est un lien entre les vivants et les morts et un déterminant pour spécifier le clan, la tribu par rapport au terroir.

De ce point de vue, étant donné que la propriété foncière est conçue comme une propriété familiale collective, tout acte qui vise une partition du lopin de terre familial engendre des conséquences sur le plan social, économique, culturel et écologique tant au niveau des individus que du groupe et donc de toute l'organisation.

Cette propriété concerne aujourd'hui un espace composant le territoire national ou en faisant partie. L'Etat s'étant approprié toutes les terres (art. 53 de la loi foncière) dans le but de faire primer les intérêts généraux sur les intérêts individuels, les deux catégories d'intérêts se retrouvent en conflit. Ce conflit débouche sur une confusion sur terrain soulevant des problèmes en cas d'urbanisation et du lotissement.

En effet, appliqué au milieu périurbain, le lotissement, en tant qu'outil de l'urbanisation, fait assimiler la population de ce milieu et son terroir à la population urbaine. Or, cette assimilation revêt des dimensions sociale, économique, culturelle,.. au profit ou non de la population locale.

C'est pourquoi, dans les pages qui suivent, nous allons analyser les conséquences positives et négatives qui découlent du lotissement et telles que vécues par les populations des quartiers nouvellement lotis de la ville de Goma.

3.2.2. Conséquences négatives

3.2.2.1. Conséquences sociales

Face à un pouvoir désorganisé et « sans moyens », dépassé par l'accroissement de la démographie urbaine, les mesures de lotissement sont mises en application sans aucune considération de la population autochtone (locale).

Comme tout système, l'apparition d'un nouvel élément fait surgir, dans l'organisation en place, des dysfonctionnements qui peuvent être perceptibles ou non, exprimés ou non, il en est aussi de même du lotissement qui amène avec lui des effets sociaux qui influent sur le mode de vie local, l'organisation locale et les comportements de la population.

Nos recherches sur terrain nous ont fait déceler certains éléments découlant du lotissement et qui agissent au niveau des individus, du milieu local et au niveau régional.

1°) L'insuffisance des infrastructures de base

Les quartiers périphériques en cours de lotissement (KESHERO, NDOSHO et KA TOYI) de la ville de Goma subissent les effets du lotissement par la non conformité des infrastructures aux besoins de leurs populations. En effet, dans ces quartiers, les équipements n'ont pas augmenté au même rythme que le nombre de la population que le lotissement y entasse: pas d'eau potable, l'électrification ne touche que quelques rares maisons, pas d'hôpitaux et centres de santé viables, insuffisance d'écoles...

Les quelques rares infrastructures qui existent appartiennent à des privés et sont peu ou pas du tout viables. En outre, elles ne sont pas à la portée de tous les habitants des quartiers concernés compte tenu du coût élevé des services qu'elles rendent. Notons que cette insuffisance est plus exprimée par les populations allogènes que les autochtones.

Tableau no5. Les infrastructures existantes dans les Quartiers périphériQues

TYPE D'INFRASTRUCTURES

KESHERO

NDOSHO

KATOYI

TOTAL

Public

Privé

Public

Privé

Public

Privé

 

ECOLES

 

primaire :5

1

3

 

07

16

0

Secondaire :1

-

1

 

03

5

Centre de Santé

1

-

01

-

-

-

02

Dispensaire

-

02

-

03

-

08

13

Marchés

01

01

-

02

Il est à faire remarquer que parmi les écoles de ces quartiers celles des orphelins et des rescapés sont plus ou moins viables. Quant aux autres écoles, au centre de santé et aux dispensaires, ils sont moins viables. Ainsi, les habitants de ces quartiers sont obligés de recourir aux services du centre-ville où l'on trouve des infrastructures plus ou moins viables et assez nombreuses.

Cette conséquence qui influe sur la vie des quartiers en lotissement a également une incidence sur la vie du centre-ville qui se trouve obligé de partager toutes ses ressources avec une population qui n'était pas prévue, pendant que ne s'accroissent pas: eau, électricité, hôpitaux, écoles... (pire), l'Etat n'a pas fait de la création de ces infrastructures sa priorité.

2°) La modification du mode de vie dans les quartiers lotis:

Par le fait du lotissement, l'occupation coutumière de l'espace est rompue avec toutes ses valeurs sociales; le voisinage qui était voulu dans la société traditionnelle devient imposé dans le milieu urbain. L'on est obligé de côtoyer et de partager la limite parcellaire avec une personne inconnue et « étrangère ». La solidarité communautaire - entraide et assistance connues comme actions obligatoires dans le milieu, deviennent facultatives et sont basées sur des rapports d'intérêt.

Quant au mode d'acquisition foncier, basé sur des rapports familiaux et/ou des normes coutumières, ils ont pour base le marchandage (argent) et le droit.

Bref, les rapports entre les individus sont modifiés de par leur nature et leur orientation. L'aspect familial tend à se restreindre donnant place aux relations d'intérêts. Les individus sont partagés entre la solidarité communautaire et la cohabitation forcée.

Ceci est renchéri par les chercheurs en habitat qui estiment que « I 'urbanisation rapide (...) a jeté des ombres profondes sur nos civilisations (...) et elle a entraîné des bouleversements dans le mode de vie des habitants. (Ph. LA VIGNE, 1998).

3°) La manifestation intense des conflits parcellaires

Compte tenu de son importance pour les hommes, la terre devient une source des divers conflits entre les « ayant-droit » sur l'espace, de fait ou de droit.

Ayant trait au foncier, le lotissement rend les conflits de plus en plus violents et multiples. Les conflits dans les quartiers de notre étude sont plus basés sur les limites des parcelles, la double occupation d'une parcelle et le manque de considération de la population locale.

Jadis, les conflits étaient résolus au niveau familial ou communautaire, et les décisions qui en sortaient étaient plus unifiantes que contraignantes. Actuellement ( de nos jours), tout conflit foncier est amené auprès de diverses juridictions et services qui rendent des jugements contraignants sans souci de l'unité sociale.

Ces conflits n'engendrent que méfiances complexes, jalousie, mécontentements, hostilités entre les populations autochtone et allogène qui doivent pourtant maintenant cohabiter.

Les acteurs dans ces conflits sont loin de s'entendre considérant leurs niveaux: agents du service de cadastre, population autochtone qui est « dépossédée », population allochtone qui bénéficie des terrains du fait du lotissement.

La loi foncière, ignorée par les uns et enfreinte par les autres est loin d'apporter une solution surtout que la raison ne peut revenir qu'au plus fort.

4°) Effritement de l'autorité coutumière et confusion des pouvoir

Alors qu'ils étaient organisés sous l'autorité coutumière et régis par le droit coutumier, les quartiers en lotissement se voient soumis au droit écrit qui méconnaît le pouvoir coutumier et même celui du chef de quartier. On se trouve désormais devant une pluralité de normes et des instances d'arbitrage et de règlement des conflits. Ceci crée une confusion des pouvoirs entre les autorités locales et les autorités de la ville ou des services administratifs ayant le foncier dans leurs attributions et modifie les relations entre les individus et l'autorité. Ceci se remarque sur le terrain par la présence des fiches d'occupation de terre délivrées administrativement par le bourgmestre par l'entremise des chefs locaux, les actes de vente visés par ces chefs locaux et les contrats de location délivrés par les services fonciers et qui sont seuls valables juridiquement, les premiers documents ne l'étant pas.

Cette confusion, dans la pratique, génère des conflits institutionnels sur les limites des quartiers en lotissement et les terres encore rurales, qui environnent la ville. C'est une insécurité foncière qui naît de cette confusion.

5°) La prolétarisation de la population autochtone

La misère et le chômage sont les faits remarquables dans les quartiers en lotissement. La prolétarisation et la clochardisation de la population se font remarquer par:

- la spoliation des terrains des autochtones: ceux-ci sont dépossédés de leurs terres sans indemnité car ne possédant pas de titres; ils sont obligés de libérer les espaces occupés au profit des populations allogènes et les services fonciers.

- l'intégration inharmonieuse de la population autochtone: cette population n'est pas, en effet, préparée à mener la vie citadine et se trouve incluse dans la ville sans aucune mesure d'encadrement. Ainsi, beaucoup d'habitants autochtones de ces quartiers vont pratiquer l'agriculture dans les milieux environnant disposant d'espaces

- la rareté des denrées alimentaires: les habitants de ces quartiers recourent à la ville pour s'approvisionner alors que ce n'était pas le cas. Ils ne produisent plus rien parce que la terre a changé de sens; de la production des aliments à l'installation de l'habitat.

- la caractérisation et le zonage de la pauvreté:

Ces quartiers sont découpés en zones constituées suivant les avoirs car, les lots sont occupés plus suivant la disponibilité des revenus que suivant toute autre considération sociale.

Dans ces quartiers en lotissement, les lots du bord du lac et des routes principales sont attribués aux personnes nanties qui y érigent des grandes et belles constructions tandis que les lots éloignés du lac et ces routes sont réservés aux moins nanties et on y retrouve des maisons en matériaux semi-durables, comme qui dirait une occupation suivant « les zones concentriques de la théorie de J. VON THUNEN » en économie rurale.

- la réduction de la population autochtone/locale à l'état d'insolvabilité:

le lotissement prive cette population, de sa source de revenus pendant qu'elle doit répondre à des multiples besoins fondamentaux sans emploi, sans promotion et prise en charge totale ou partielle par l'Etat et/ou par les institutions privées sociales. Elle se retrouve alors en insécurité socio-économique et juridique croissante.

- l'exclusion de la population autochtone du circuit foncier: comme elle n'a pas de titre foncier, n'a pas été indemnisée et se trouve maintenant dans l'ignorance, cette population n'est rétablie dans aucun droit que ce soit dans les quartiers en lotissement ou en dehors de ces derniers.

6°) L'exode rural et ses conséquences

Du fait que les terrains paraissent comme disponibles, moins coûteux dans les quartiers en lotissement, et que les « parrains » pouvant accueillir des nouveaux migrants s 'y multiplient, les populations rurales attirées par le mirage du bien-être dans la ville émigrent et abandonnent l'agriculture et autres activités rurales.

Ce mouvement des populations influe sur la production vivrière dans la province et particulièrement dans les milieux de départ qui se voient privé d'une portion de la main d'oeuvre active.

3.2.2.2. Conséquences culturelles

1°) La modification du rapport entre I 'homme et la terre

Conçue traditionnellement comme source de vie et de richesse/de survie, lien avec les ancêtres et sources de revenus, la terre devient une marchandise vouée à l'exploitation et la surexploitation, signe de pouvoir et de domination.

Cette transformation de la conception foncière a aussi modifié I 'habitat du milieu. Perdu dans la bananeraie et occupé suivant les liens de la communauté ou de la famille, l'habitat est aujourd'hui régi par les normes drastiques à respecter. Alors que les chemins et sentiers étaient tracés suivant les limites de concessions et suivant un modèle propre à une culture, aujourd'hui, ils sont tracés suivant les normes préétablies.

Bien qu'elle soit de portée sociale, la question urbaine est aujourd'hui bureaucratisée et monnayée.

2°) L'aliénation et la domination de la culture urbaine

Considérée comme « défoliant culturel » (B. LUGAN, 1991), la ville ou l'urbanisation est une transition entre la vie traditionnelle et la vie moderne. Elle modifie les croyances et les aspirations de la population autochtone par contact avec les populations venant de divers villes, villages et centres commerciaux. La population autochtone apprend un nouveau mode de consommation, de vivre, de réclamer...

La vie antérieure de la population autochtone est considérée comme « rurale » et porteuse des souffrances.

« Et comme nous sommes dans la ville, tout doit changer » disent les gens des quartiers en lotissement.

Notons aussi que les habitudes collectives, les pratiques coutumières se tro,uvent modifiées et la population s'identifie par rapport à la ville et non plus par rapport à la famille.

3°) La ruralisation et/ou la « révillagisation » de la ville

Ayant vécu dans le milieu traditionnel (rural) et vivant dans le milieu urbain/moderne, on remarque une interférence des pratiques de la vie rurale dans la vie urbaine. Cette interférence se double alors des survivances, plus ou moins durables, des traits du milieu rural dans la vie du milieu urbain. Ceci nous pousse à parler de la ruralisation et de la révillagisation de la ville car nous remarquons, dans la ville certaines réalités propres au milieu dit rural : agriculture, élevage qui sont pourtant interdits dans la ville, des clivages ethniques et d'autres travaux ruraux non agricoles comme la forge, l'artisanat...

Les parcelles se trouvent dès lors investies non seulement par des habitations mais aussi par des cultures de toutes espèces et du petit bétail. Les habitants de ces quartiers se plaignent d'avoir perdu, les uns leurs champs, les autres, leurs bétail et cherchent ainsi à les restaurer à petite échelle.

3.2.2.3. Conséquences sur la vie économique

1°) La croissance en dualité

Le lotissement, avons-nous dit, est une résultante de la disposition entre l'accroissement démographique et l'insuffisance spatiale. La conséquence économique directe est que, à cause de l'accroissement démographique l'espace devient plus préoccupant que les structures économiques de production et la création des emplois. Il en résulte un pléthore de main-d'oeuvre, alimenté par l'immigration face à une absence d'emplois. On remarque non seulement l'inadéquation du rapport population/emploi, mais aussi équipements/population.

Cela est prouvé par le fait que, de tous les quartiers en lotissement, aucun n'est doté d'une structure pouvant embaucher. Ce qui renforce l'insolvabilité économique des populations de ces quartiers.

2°) L'accroissement de la dépendance alimentaire et la baisse de la production

Le lotissement ayant modifié la vie économique des quartiers péri-urbains avec le passage des activités agricoles de subsistance à la vie plus ou moins capitaliste basée sur l'argent, le lotissement a aussi, de fait, réduit la production vivrière tant dans ces quartiers que dans les milieux d'émigration au point que la survie de la population urbaine de la ville de Goma dépend de l'importation de certains produits alimentaires de première nécessité et cela parce que le lotissement a accru le nombre de consommateurs sans rendre la ville productrice. Au contraire, il a réduit et le nombre des producteurs et la productivité dans les quartiers périphériques de la ville et, en attirant les migrants, dans leur milieu de départ.

La demande de ces produits s'est accrue plus que l'offre, ce qui impose la dépendance alimentaire de la ville de Goma vis-à-vis du RWANDA et de l'OUGANDA et entraîne une augmentation continue des prix.

3°) La naissance des besoins divers et le transfert de la pauvreté

Le contact des sociétés, consécutif au lotissement, crée des nouveaux besoins pour la population: meilleure scolarisation, électrification, les équipements et meubles modernes, alimentation, etc.

Cette multiplicité et cette diversité des besoins pendant que la population reste démunie de toute source de revenus amplifient la pauvreté. Cette pauvreté découle, pour les quartiers périphériques, du transfert de la pauvreté du milieu rural vers le milieu urbain et de la prolétarisation des populations autochtones de ces quartiers qui sont « délocalisées » sans aucune mesure d'encadrement ou de structuration et d'indemnisation.

On se trouve alors en présence de « deux quartiers dans un même quartier » comme pour reproduire ou illustrer la théorie de « centre-périphérie », à petite échelle. Ce sont les réalités d'exploités et d'exploitants qui sont à l'ordre du jour dans ces quartiers, surtout concernant les travaux de construction, d'aplanissement des terrains, de délimitation des terrains par des clôtures en pierres...

4°) Le renforcement de l'insécurité économique

« Les populations rurales sont les plus exposées à l'insécurité et au risque économique » (SADIKI. B., 2000) qui se renforcent dans l'insécurité foncière.

Le lotissement confisque le capital foncier de la population sans donner à celle-ci une voie de sortie et d'auto promotion.

Aucune activité n'est développée pour restaurer la source de revenus de la population des quartiers périphériques.

N'ayant pas de source de revenus, et devant faire face à des besoins multiples, la population autochtone et pauvre est maintenue, par le lotissement, dans « un piège de la pauvreté » que nous pouvons schématiser comme suit.

Fig. 4. Piège de la pauvreté résultant du lotissement

PAS DE SOURCE DE REVENU

MULTIPLICITE DE BESOINS

FORTE MONETARISATION DE LA VILLE LOCALE

ACCROISSEMENT DE LA PAUVRETE

SUPPRESSION DES ACTIVITES DE BASE (Agriculture, élevage) DES QUARTIERS LOTIS

Contradiction

LOTISSEMENT

Par le fait du lotissement, surgit la suppression, la cessation des activités traditionnelles de production dans les quartiers lotis et s'y créent de nouveaux besoins qu~ s'ajoutent aux besoins quotidiens pendant que l'on y trouve plus de sources de revenus ni d'emplois. Devant faire face à une vie monétarisée et aux faits ci-hauts cités, les populations locales vivent dans une pauvreté en croissance.

3.2.2.4. Conséquences écologiques

Par son souci de faire adapter les espaces aux besoins (habitations, routes, rues, infrastructures sanitaires et scolaires...), l'homme fait intervenir le lotissement. Mais mal opéré, celui-ci devient un élément perturbateur de l'environnement physique.

1°) La dégradation de l'environnement par l'occupation spatiale

Comme le note G. MASSIAH et al. (1987, op. cit), « en ville, la terre disparaît sous les constructions, les aménagements, les équipements... »

En traçant les routes, les rues, implantant les maisons, l'homme dégrade l'environnement pour s'en servir. Il brise donc l'équilibre écologique. A ceci, ajoutons que la terre arable disparaît aussi car on doit changer la configuration du terrain pour que celui-ci s'apprête à son utilisation.

2°) Le déboisement et la concentration de la population

Par besoin d'un terrain pour la construction et des matériaux locaux de construction; les arbres sont abattus sans aucune mesure de reboisement.

Ajoutons que les rues tracées et la recherche d'un terrain adapté sont des éléments de déboisement systématique des quartiers en lotissement.

La concentration de la population demande un accroissement des espaces ou alors une concentration des habitations sur un petit espace. Toutes les deux concentrations sont destructrices de l'environnement.

3°) L'accès aux ressources communes

Avec le lotissement, cet accès devient l'apanage d'une classe. Alors que le bord du lac est officiellement un espace réservé, les terrains qui s 'y trouvent, sont plus convoités et occupés par les riches qui privent ainsi les autres (pauvres) d'accéder au lac.

4°) La pollution

Avec l'accroissement de la densité démographique dans ces quartiers en lotissement, les immondices s 'y accroissent et y sont stockées en désordre et sans traitement. Ce qui provoque la pollution et l'insalubrité.

Toutes ces conséquences sont résumées dans la pensée de J .P .DlEHL, « 1984, op. cit) la ville présente un défi, elle s'approprie directement un espace et ampute la biosphère de facteurs générateurs essentiels: l'eau des fleuves et des lacs, la forêt, la terre arable. »

Les conséquences sociales, culturelles, économiques et écologiques développés ci-haut découlent du lotissement.

Néanmoins, il y a aussi des éléments positifs qu'il apporte aux quartiers. Ces éléments sont aussi sociaux, économiques et culturels.

3.2.3. Apports positifs du lotissement au développement des quartiers en lotissement

Parmi les apports du lotissement, nous pouvons en retenir;

3.2.2.1. Améliorations sociales

1°) L'embellissement de la ville et la délimitation des terrains; le lotissement rend le milieu beau par le traçage de la voirie suivant les normes urbanistiques contemporaines et l'égalisation des formes des parcelles et des constructions. Cela permet aussi une circulation aisée des habitants dans les quartiers.

Source de conflits sociaux, le lotissement délimite les parcelles et les dote d'un cadre juridique protégeant l'occupant. (Sécurité foncière).

2°) La diminution du nombre des locataires par cette offre, le lotissement diminue tant soit peu le nombre des locataires dans la ville. Car chaque citadin est animé par le souci d'avoir un «chez-soi ». Non seulement il réduit le nombre de locataires mais aussi le prix du loyer.

3°) La lutte contre les constructions anarchiques. Cette lutte ne peut être efficace qu'à la seule condition que les autorités locales y soient impliquées et qu'elles comprennent le processus et le bien fondé du lotissement.

4°) L'accès facile aux divers services de la ville (écoles, hôpitaux, transport, marchés, magasins, ONG, ...) : Par le rapprochement et la concentration, la population des quartiers en lotissement bénéficie du transport, et des autres services au même titre que les anciens locataires de la ville. Quoi qu'en cours et malgré les instructions socio- politiques, l'électrification est un service auquel les quartiers accèdent tant bien que mal.

Par la concentration de la population, les quartiers en lotissement bénéficient de la part des organismes internationaux comme par exemple l'OXFAM, le CICR des assistances pour l'accès à l'eau potable.

5°) L'urbanisation du milieu est un élément nouveau parce que la population acquiert aussi un soucis de confirmation sociale et politique à l'égard des milieux environnants. Et on remarque tout de même des améliorations des conditions de vie qui doivent s'adapter au comportement du voisin venant d'un centre ville.

La socialisation imposée est aussi un autre fait à considérer qui rappèle la détribalisation du milieu.

3.2.3.2. Les apports économiques

« La ville est présentée comme un moyen d'intégration économique et culturelle de la masse paysanne au processus de modernisation de la société » (A.M.P.S., op;cit).

Evoluant dans un pays à problèmes économiques, on remarque que le lotissement en ayant intégré les populations locales à la ville, encourage le secteur informel qui se conçoit comme un mécanisme de régulation du manque d'emploi. La population, tant immigrante que locale se crée du travail soit en devenant colporteuse, spéculatrice: vente dans des kiosques des produits manufacturés de première nécessité ou dans des petits marchés pirates tout le long des routes.

A ces activités de survie s'ajoute la transaction foncière qui, selon nous, peut concerner les parcelles et l'exploitation dans la parcelle des pierres qui seront vendues. Périodiquement, le secteur de bâtiment offre des emplois: terrassement, maçonnerie, menuiserie, peinture, les métiers d'artisanat: coupe-couture, cordonnerie, tresse des divers objets traditionnels.

Enfin, nous pouvons dire que des activités rurales qui sont intégrées dans la vie économique du milieu, contribuent tant bien que mal à la régulation de la vie de la population. En somme, le lotissement a permis l'élargissement du marché urbain. Les entrepreneurs: commerçants, artisans, créateurs d'écoles... et autres prestataires des services (SNEL, REGIDESO, transporteurs) ont eus des nouveaux demandeurs des services et/ou consommateurs.

3.2.2.3. Les apports culturels

Nous avons relevé deux éléments;

1°) La réconciliation entre les différentes ethnies présentes dans les quartiers en lotissement. Car en tant que marché, le lotissement amène des personnes d'origines différentes à cohabiter malgré eux.

Par contraintes sociale et juridique, ces personnes s'entendent et se côtoient malgré les conflits en cours. Par cette diversité culturelle, la population autochtone se trouve en train d'apprendre plus des immigrants car, comme le dit G. MASSIAH et al (1987 op.; cit.) « la ville ouvre de nouvelles perspectives et une nouvelle culture urbaine émerge et s'impose »

2°) Par contact des cultures, le paysage et les habitations se sont améliorés car, les parcelles sont devenues individuelles et uniformes alors que, avant le lotissement elles étaient familiales et multiformes.

Enfin, si le lotissement a des conséquences sur la vie/les conditions socio- économiques et culturelles de la population, autochtone surtout, il est aussi une voie de transformation de la société malgré l'aliénation qui en découle car comme le dit DIEHL J .P ( op. cit) en dépit de la pauvreté, les villes sont relativement riches.

CHAPITRE IV: STRATEGIES ET VOlES D'AMELIORATION

DU LOTISSEMENT DANS LA VILLE DE GOMA

4.1. GENERALITES

Le lotissement de la ville de Goma, particulièrement des quartiers KESHERO, NDOSHO et KA TOYI, est une pratique bureaucratique. Il ne s'intéresse qu'à la dimension « technique et juridique » c' est à dire l'application des mesures d'urbanisation au bureau et du rapport juridique de la population avec la terre décrétée propriété de l'Etat et ce, sans souci d'autres dimensions du lotissement et de l'urbanisation ( économique, sociale, culturelle, écologique...).

Partant des conséquences du lotissement tel qu'appliqué dans la ville de Goma, nous souscrivons à l'idée de I. SACHS ( 1981) selon laquelle, « l'aspect fondamental de l 'habitat est la valeur attribuée à celui par la population concernée, les conditions qu'il offre à l'épanouissement de l'homme, à la création des liens de convivialité, au développement des activités collectives, des liens communautaires». Nous proposons, comme solution, des stratégies qui veulent que le lotissement soit humanisé et débureaucratisé. Ces stratégies qui ont comme finalité de placer l'homme-rural et urbain au centre du lotissement, se situent à trois niveaux complémentaires.

· au niveau de la population pour qu'elle participe activement au lotissement, directement comme indirectement,

· au niveau de l'Etat pour qu'il prenne en compte la population autochtone suivant les besoins et non seulement suivant les revenus comme mentionné au cours du travail, qu'il envisage des mécanismes de prise en charge partielle de la population en intégrant les autres acteurs et qu'il adapte la loi foncière à la réalité actuelle.

· au niveau des autres acteurs socio-économiques ( églises, associations privées, les comités locaux,...) pour qu'ils soient actifs dans le processus de lotissement en plaidant la cause de la population, en la défendant et en l'accompagnant.

Notre proposition s'écarte encore d'avantage de la routine car l'urbanisation doit aussi tenir compte du développement rural compte tenu de l'influence du milieu rural sur le milieu urbain et inversement.

En effet, aucune action foncière ne peut prétendre réussir et contribuer au développement du pays sans promouvoir la campagne qui est pourvoyeuse de vivres pour la ville. Car, « un pays sans paysans est un pays sans nourriture: car il doit acheter de l'étranger. » (CICIBA, op cit, p. 49).

Le lotissement doit, non seulement tenir compte du « terroir social » urbain mais aussi des zones rurales environnant la ville de Goma.

4.2. SCHEMA DE PROCESSUS PARTICIPA TIF DU LOTISSEMENT

4.2.1. La participation des populations locales

L'orientation participative du lotissement n'a pas pour objectif de faire taire la loi, ni de permettre à la population de l'enfreindre. Mais plutôt d'obliger le lotissement et la loi à s'adapter aux réalités du moment.

La situation que traverse le pays ne peut pas permettre aux populations autochtones de se conformer à la loi, et aux pouvoirs publics d'appliquer la loi dans son intégralité au profit de la population.

La participation de la population au lotissement s'avère donc être un cadre souple; mais celui-ci peut devenir absurde et dangereux quand on tente de la bureaucratiser.

Ce cadre se situe à l'intersection des deux modes de gestion foncière: « gestion domaniale ( de l'Etat vers les populations) et gestion patrimoniale (restituant aux populations leur pleine responsabilité dans la gestion) » (PH. LA VIGNE op cit, p. 325) où chacun de deux acteurs a un rôle spécifique à jouer.

Pour débureaucratiser et détechnocratiser le lotissement, en dehors des procédures en vigueur (voir point 3.2.2), les services publics doivent associer la population dans les activités de conception, d'exécution et de gestion du lotissement.

La clé de la réussite de cette participation réside dans ce que J.M. ELA C 1994) appelle « accepter de descendre dans les bas-fonds ». Cette participation doit se baser sur la, communication, les échanges entre les trois niveaux mentionnés plus haut et déboucher sur la structuration de la population pour qu'elle puisse mieux participer. Cette structuration devra catégoriser les groupes existant dans les quartiers pour que « toute » la population soit représentée.

La participation au lotissement ne concerne pas seulement la population locale, mais aussi les autres acteurs. Parmi les atouts de cette stratégie mentionnons la limitation des conséquences du lotissement sur la population parce que celle-ci est prise en compte et est considérée comme partenaire.

La solution aux problèmes du lotissement des quartiers périphériques de la ville de Goma ne peut se trouver que localement comme le dit Jaime RA VINET cité par le CNUEH ( Centre des Nations Unies pour l'Environnement et l'Habitat, 1996), « les difficultés auxquelles sont confrontées les villes nous prouvent que c'est au niveau local qu'il faut trouver des solutions, même aux problèmes mondiaux ». Et BELLA S.A (cité par CNUEH, op cit) d'ajouter que « nous ne pouvons jamais résoudre les problèmes de nos villes tant que ceux qui en souffrent le plus n'auront pas les moyens de faire adopter leurs propres solutions ».

4.2.2. Le multipilotage du lotissement

Pour sa réussite, le lotissement doit reposer également sur un consensus local entre la population, les services publics, les autorités locales et les organisations socio-économiques diverses. Ce processus est une conséquence de la participation qui doit provenir du dialogue entre les acteurs.

En mettant aux prises divers acteurs et compte tenu de l'influence du lotissement sur les autres secteurs, le dialogue sur le lotissement concerne aussi les autres domaines de la vie de la population des quartiers à lotir.

En effet, comme le note LAURINI CAMPS, op cit. p 66), l'on se base sur la multiplicité d'acteurs qui agissent dans la ville. Le problème de lotissement doit concerner non seulement les services fonciers, mais aussi les autres acteurs ou intervenants qui jouent un rôle différent de celui de ces services.

Et, en fonction de cette approche de multipilotage, il faut, pour la ville de Goma, que la population locale autochtone des quartiers en lotissement et les organisations locales, provinciales, nationales et internationales ainsi que les églises soient consultées et impliquées pour humaniser la question urbaine. Comme celle-ci est complexe et ne se limite pas seulement à l'espace mais amène avec elle des problèmes sociaux, économiques, politiques... ; les autorités politico-administratives aux divers échelons de la ville, doivent aussi collaborer avec les services fonciers pour un lotissement participatif et multipiloté.

Succinctement, nous reprenons, dans le schéma suivant l'articulation entre acteurs du lotissement participatif et la définition de leurs rôles.

Fig. 5; Le multipilotage du lotissement et rôles des acteurs

AUTORITES POLITICO-ADMINISTRAVIE

POPULATION 3

DIALOGUE

ORGANISATIONS DIVERSES 4

COMITE LOCAL

Autogestion du lotissement

Participer au lotissement

SERVICES FNCIERES ET DE L'URBANISME 2

Exprimer les problèmes

Proposer les solutions

Diffuser les solutions

Les autorités politico-administratives ( 1) sont les déclencheurs du processus et doivent être en relation avec tous les autres acteurs à toutes les phases du lotissement.

Les services fonciers et de l'urbanisation (2), considérés comme techniques en la matière, sont au niveau de la mise en application des mesures arrêtées, et doivent être actifs dans le dialogue avec les deux groupes d'acteurs. Les autorités des quartiers sont aussi dans ces deux catégories.

Ces deux catégories d'acteurs (autorités et services) constituent « l'acteur dominant » et ont comme tâches:

· la prise de décision pour le lotissement, après consultation de tous les acteurs fonciers;

· le diagnostic, l'étude du site et les concertations; .la planification des activités;

· le processus d'arbitrage et de résolution des conflits;

· la mise en application des solutions/décisions arrêtées;

· le respect de la loi et du consensus.

La population (3), est plus concernée par le processus, doit se structurer, structurer ou hiérarchiser ses problèmes, proposer des solutions en référence à la loi et participer à l'exécution des travaux collectifs pour faire valoir ses droits. Elle peut ainsi constituer un comité foncier local représentatif qui peut accomplir certains actes ne nécessitant pas toute la population (négociations...).

Les organisations diverses ( 4), considérées comme piste de régulation ou de soulagement, devront intervenir à tous les niveaux par :

- le renforcement des capacités des acteurs (population et agents des services foncier et urbanisme);

- la sensibilisation et l'encadrement de la population ( dans tous les domaines )

- le financement et la promotion des activités productives locales

- la diffusion des décisions prises et la défense des intérêts de la population.

Le processus doit aboutir à assurer à la population une auto-gestion du lotissement. II ne s'agit pas de laisser cette question aux mains de la population, mais de faciliter le déroulement du lotissement avec moins de conséquences et heurts. Pour atteindre cette autogestion, on part de l'expression libre des problèmes et des besoins et de la proposition des solutions possibles et souhaitées pour enfin arriver à l'adoption et à la vulgarisation des solutions convenables.

La validité de cette action des divers acteurs tient, d'une part, à ce qu'elle veut établir des relations de collaborations qui ont fait défaut dans la pratique antérieure ( Cfr point 2.3) et; d'autre part, au fait qu'elle place au centre du lotissement l'homme démuni qui est considéré avec tous ses besoins en rapport directe avec l'habitat. II s'agit, pour cette stratégie, de partager les responsabilités et d'impliquer tous ceux qui interviennent dans la vie urbaine. C'est l'acceptation du système interne et externe du foncier où l'on reconnaît une structure locale d'arbitrage qui est sans pouvoir foncier et l'Etat comme agent d'arbitrage agissant avec les autres acteurs.

Ces deux stratégies (participation et multipilotage) s'insèrent dans un processus opérationnel que nous définissons dans les lignes suivantes.

4.2.3. Processus concerté du lotissement

Le processus concerté s'inscrit dans le cadre pratique dont les étapes en articulation sont les suivantes :

- la décision de l'autorité qui, partant des besoins de la ville, doit décider du site à lotir et d'étendre la ville. Cette autorité doit préciser sa décision, donner au comité mixte le pouvoir d'entamer la procédure et mobiliser tout ce dont elle dispose pour amorcer l'action. Par autorité de décision, nous nous référons au schéma légal de lotissement

- Gouverneur-maires-services fonciers et de l'urbanisme. Cette étape, pour les quartiers en lotissement doit consister à localiser un autre terrain non loti pour l'installation des populations qui ont perdu leurs terrains et donc procéder à un nouveau lotissement « spécial ».

- la mobilisation de la population qui doit être lancée par l'autorité (mobilisation générale au niveau des quartiers) et poursuivie par les services techniques et leaders des organisations diverses.

Cette action de sensibilisation - conscientisation doit aboutir à la constitution de l'équipe locale de discussion et à la définition du calendrier des activités. Là, nous adhérons au souci de E. LEBRIS (AMPS, op. cit., p.170) du « développement ascendant », de la population aux décideurs.

Cette étape se retrouve dans les quartiers en lotissement et dans ceux devant subir le lotissement spécial.

- la concertation des acteurs qui doivent analyser les demandes des populations et reformuler les solutions proposées en comparaison avec les propositions des autres parties pour enfin aboutir à un consensus.

- le renforcement des capacités de tous les acteurs du foncier pour mener à bien l'action et en comprendre les pri,ncipes directeurs basés sur la participation, le multipilotage et la multidimensionnalité du foncier. Cette action du renforçage doit être assurée par des spécialistes des divers domaines et oeuvrant dans divers secteurs de la vie.

- la conception du plan de lotissement par les services techniques en collaboration avec les leaders représentant les groupes.

- le recensement des ménages des quartiers concernés qui ont un droit coutumier sur un lopin de terre. L'activité devant être exécutée par le comité mixte ou par les recenseurs indépendants. Cette étape vise à avantager les populations autochtones des quartiers d'accueil spécial et de ne pas exagérer avec le nombre des bénéficiaires des lots provenant des quartiers en lotissement tout en tenant compte de la valeur culturelle de l'espace.

- la régularisation juridique des lots; pour faciliter à la population l'accès à ces lots, la régularisation doit être collective et le paiement individuel réduit car il n'y a pas d'indemnisation.

- le lotissement de l'espace; au cours de cette étape, on veillera que les terrains soient accessibles aux allogènes après que les autochtones des quartiers soient servis. La vente des lots doit alors respecter la loi foncière en vigueur et être suivie par le comité mixte. Les frais versés par les demandeurs allogènes devront constituer un fonds de lotissement qui va supporter la mise en application du processus et contribuer au financement des infrastructures de base.

- le suivi doit être effectué pour que ce processus aboutisse comme prévu ou alors pour qu'il puisse être modifié à temps opportun.

Bien qu'il soit exigeant matériellement, financièrement et temporellement, ce processus est réaliste en tenant compte de tous les acteurs pour non seulement chercher à soulager et prévenir les conséquences du lotissement, mais aussi du fait qu'il assure une sécurité à tous les acteurs qui s'identifient au lotissement.

Ce processus s'inscrit dans le court terme. Il doit donc être accompagné des actions à moyen et à long terme.

4.3. MESURES D'ENCADREMENT DES STRUCTURES DE BASE ECONOMIQUES

4.3.1. La mise en place des infrastructures de base

Les quartiers en lotissement sont les moins équipés en infrastructures de base et autres équipements collectifs de la ville de Goma mis à part les quartiers populaires. Cela parce que les activités de lotissement n'ont pas été planifiées d'avance ou ont été mal planifiées. Le processus participatif considère la mise en place des infrastructures comme une priorité après le respect des droits des populations autochtones.

Cette mise en place peut consister en la création des structures: 1 centre de santé à KA TOYI et 3 postes de santé par quartier, 2 écoles (primaire et secondaire) par quartier et 1 marché à KATOYI, l'on peut aussi procéder à la réhabilitation des structures existantes: 2 marchés à NDOSHO et KESHERO, 2 centres de santé. Pour la voirie, il faut la réhabilitation par des moyens disponibles des voies d'accès par avenue et par quartier ( chargement des routes/voies en sables et gravier).

Toutes ces actions doivent être menées en tenant compte des besoins croissants de la population avec sa participation et peuvent être réalisées par les services publics ou privés sous mandat de l'Etat.

4.3.2. Création d'un fonds de lotissement

L'objectif de la création de fonds est de rassembler les capacités financières pouvant aider à la mise en application de ce processus participatif et à la prise en charge partielle de la population autochtone intégrée à la population urbaine.

La constitution de ce fonds se fait par la disponibilisation par l'Etat d'un budget provenant des ventes des parcelles en considérant un pourcentage à repartir par la commission mixte de lotissement suivant les besoins primordiaux, la participation financière des organismes de développement et si possible recourir à l'aide étrangère.

La gestion de ce fonds revient à la commission mixte sous l'oeil des autorités provinciales.

La population, quant à elle, se doit de participer physiquement aux activités comme celles de la voiries, de la construction des structures sanitaires et scolaires, ...Pour cela, elle doit s'organiser dans chaque quartier par avenue en cercle ou comité de défense des droits.

4.3.3. La promotion immobilière

Les actions et/ou entreprises immobilières sont à encourager par l'Etat. Des particuliers ou des bailleurs de fonds peuvent construire des logements sociaux à crédit pour non seulement assurer à la population un beau logement mais aussi faire respecter la loi urbaine ( ex: la mise en valeur qui est justifiée par des constructions en matériaux durables, la disposition des immeubles, etc).

Dans ce cadre, les entrepreneurs ou promoteurs, en concertation avec l'Etat et la population, doivent dialoguer pour tirer de cette construction des logements, chacun en ce qui le concerné, un intérêt raisonnable (acceptable).

Il est à noter que l'Etat doit disponibiliser les espaces et faciliter l'exploitation de certains matériaux de construction et les conditions d'accès à ces espaces en les fixant de concert avec les promoteurs immobiliers.

4.3.4. Structuration du secteur informel

Le lotissement dans la ville de Goma ne s'est pas fait suivre par des mécanismes d'encadrement et promotion socio-économique.

Partant du processus participatif du lotissement proposé et la réalité dans laquelle les villes des pays sous développés et à l'occurrence la R.D.C., le secteur informel est une réponse aux désarticulations socio-économiques du développement du pays; ce qui cadre avec la situation de ville de Goma.

La population des quartiers d'étude a aussi cherché à suivre par la mise en place des activités de suivie à petite échelle et non structurées.

Ainsi, dans ce processus participatif, pour soulager la population du joug du lotissement qui n'a pas bénéficié d'une quelconque intégration ou adaptation à la vie urbaine, le comité mixte de gestion du fonds du lotissement doit adopter une stratégie de structuration des actions du secteur informel ( ceux qui étalent et ceux qui vendent dans des kiosques) accompagnée d'un système de crédit adapté ainsi que le renforcement des capacités de ces acteurs.

Cette structure vise non seulement à rendre productif lesdits quartiers mais aussi de faire évoluer le secteur: informel vers un entreprenariat ou secteur structuré.

4.3.5. La promotion des activités traditionnelles

Les activités rurales pratiquées en ville doivent être promues et réglementées pour qu'elles ne causent pas plus de mal que de bien. Pour cela les dispositions doivent être prises pour éviter les divagations des animaux, les accidents, la dégradation de l'environnement, la pollution, l'occupation anarchique des interstices de la ville...

Cela peut se faire soit en encadrant ceux qui ont de l'espace suffisant en ville, soit en créant une zone ou ceinture verte autour de la ville dans les milieux environnants pour la production des légumes et autres denrées fraîches. Cette promotion se réalise par divers acteurs pouvant intervenir pour l' octroi des matériels, les services de renforcement des capacités et de financement.

4.4. LE DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE

« La ville est comprise comme un système résultant et régi par le chaos et la maîtrise, son histoire et l'interaction des acteurs. Aussi, la ville est un système ouvert, en interaction avec la région ou le pays qui l'entoure » (AMPS, op cit, p. 153).

Aucune action ne peut être durable pour résoudre le problème du lotissement dans la ville de Goma sans prendre en compte la question rurale. C'est pourquoi il faut un développement solidaire entre le milieu rural et le milieu urbain.

4.4.1. La politique d'accompagnement du développement

Comme le soulignent les experts du CRSN ( 1972), « seule une politique de développement équilibrée de la campagne et de la ville pourrait venir à bout de la croissance anarchique et miséreuse des villes. »

L'équilibre de ces deux milieux passe par l'accompagnement du développement rural pour réduire non seulement l'exode rural mais aussi les conditions dramatiques du milieu rural.

La politique du développement rural accompagnant celle du développement urbain doit se baser sur la satisfaction des besoins des ruraux et créer un surplus pour les échanges. Comme le dit J. MORIZE ( 1992) « le développement rural consiste à améliorer tout l'environnement de l'agriculteur, considéré cette fois comme le principal bénéficiaire. Il porte à la fois sur les routes, les villages, la santé, l'éducation et sur tous les services économiques et sociaux susceptibles d'améliorer non seulement la fonction productive, mais aussi le bien-être social ».

Comme la ville ne peut vivre sans la campagne, les autorités tant provinciales que nationales doivent entreprendre des actions durables d'incitation à la production et à la réduction de l'exode rural. Parmi les diverses mesures, mentionnons:

Ø la promotion de l'agriculture par l'encadrement technique et la modernisation adaptée au mIlieu,

Ø la promotion des activités non agricoles, pour qu'elles répondent aux besoins du milieu,

Ø la modernisation de la vie rurale ancrée dans la réalité locale,

Ø le développement des réseaux de communication et de commercialisation

Ø la décentralisation des décisions du développement rural et la promotion des infrastructures de base ;

Ø assurer la sécurité foncière aux paysans et fonder la politique sur l'égalité des personnes.

Les activités doivent être planifiées au niveau local en tenant compte des particularités de chaque milieu et basées sur les ressources locales et sur les principes « d'auto-développement, auto-réalisation et les rapports coopératifs » (F. DEBUYST cité par S. MUGANGU, 2000).

4.4.2. La politique urbaine de lotissement humain

La politique à moyen terme et long terme du lotissement part du développement rural (des milieux qui entourent la ville et qui l'approvisionnant en vivres) au développement urbain qui tient compte des citadins et des populations devant subir l'urbanisation et le lotissement. Deux voies s'offrent, de ce fait, au pouvoir:

- indemniser et réinstaller les populations autochtones des quartiers à lotir en leur assurant tout ce qu'il faut pour qu'elles mènent une vie paisible; dans leur nouveau milieu ;

- intégrer ces populations dans la population urbaine en leur offrant des faveurs et ressources pour s'adapter à cette vie et en leur assurant une garantie et une sécurité foncière.

Pour un lotissement légal et humain, certaines actions doivent être préalablement entreprises entre autres:

Ø la mise en place des infrastructures avant tout lotissement, répondre aux besoins fonciers et besoins apparentés de la population autochtone;

Ø la prise en charge des populations locales par l'Etat pour qu'elles s'habituent à la nouvelle vie leur imposée par le lotissement;

Ø le développement des activités productives et créatrices d'emplois pour que la ville ne soit pas seulement consommatrice, mais aussi productrice;

Ø la planification de toutes les interventions dans le quartier en tenant compte de la situation démographique, des migrations possibles, de la taille de ménages et du niveau de pauvreté de la population;

Ø la réforme du droit et l'acceptation de la pluralité du droit étant donné que les lois doivent s'adapter aux conditions de l'homme tant que celui-ci doit s'y conformer aussi et que la question foncière doit se décentraliser davantage;

Ø la conception d'une urbanisation multidimensionnelle faisant appel à des compétences diverses et acteurs divers.

Toutes ces mesures proposées (à court, à moyen et à long terme) ne peuvent se réaliser sans la volonté politique, sans prise de conscience et détermination de la part de tous les acteurs susmentionnés concernés par le processus de lotissement. Elles doivent aussi être intégrées dans le programme urbain de développement.

CONCLUSION GENERALE

L'urbanisation devient un phénomène qui doit préoccuper les décideurs étant donné que les pays sous-développés connaissent un taux d'urbanisation croissant.

Cette urbanisation, dans nos villes, se remarque par une extension sans fin des espaces urbains conduisant au lotissement des quartiers périphériques ou environnant la ville.

Dans notre pays, la R.D.C, l'urbanisation a évolué suivant l'histoire de la question foncière allant de l'époque de l'E.I.C passant par la colonisation à la période du pays indépendant (à nos jours).

Au cours de cette période historique, les propriétés ont été changées suivant les périodes et suivant les intérêts qui ont été soit d'exploiter, soit d'exproprier les blancs, soit de récupérer la situation pour vouloir éviter l'aliénation de la terre. Ainsi, l'urbanisation dans notre pays a vu le jour grâce à la colonisation et son évolution s'est accélérée après les indépendances. Il en est de même pour la ville de Goma.

Jadis chef lieu de la sous-région du Nord-Kivu, elle est devenue chef-lieu de la région du Nord-Kivu et a connu l'extension de ses limites allant jusqu'à empiéter les limites des zones rurales environnant. Ainsi, la ville de Goma connaît des quartiers populaires non-lotis, des quartiers résidentiels lotis, et des quartiers périphériques qui vivaient encore de l'agriculture et de l'élevage comme dans le milieu rural.

Devant faire face à la pression tant interne qu'externe, les décideurs recourent au lotissement des quartiers péri-urbains.

Le lotissement de ces quartiers est considéré comme une solution aux problèmes de peuplement dans la ville de Goma car les espaces des quartiers populaires et résidentiels sont saturés et doivent accueillir les populations urbaines en croissance naturelle et les candidats migrateurs. A ceci, ajoutons que des raisons tant économiques que politiques sous tendent aussi le lotissement.

Le lotissement, en tant qu'outil d'urbanisation, est pratiqué sans tenir compte de l'existence de la population sur les terrains à lotir et la loi sur le lotissement est loin d'être appliquée surtout en ce qui concerne la population autochtone.

La pratique du lotissement de la ville de Goma revêt une dimension plus technique et politique que socio-économique, culturelle et environnemental.

Le lotissement, opéré de cette façon et centré sur les services fonciers, conduit à des conséquences sociales, économiques, culturelles et environnementales sur la vie de la population.

Ces conséquences comprises comme perturbation de la vie locale accroissent le nombre de consommateur et des inégalités sans pour autant créer des structures d'encadrement et de promotion des activités au profit de la population.

Pour limiter ces conséquences, une politique de lotissement centrée sur la population est à adopter. C'est le processus participatif du lotissement multipiloté appuyé par le développement solidaire ou « rurbain » qui conduit à la maîtrise de l'urbanisation et permet de mettre fin à l'urbanisation curative au profit de l'urbanisation préventive.

Ce processus se base sur un consensus que doivent trouver les acteurs du lotissement en jeu (Etat, services publics, population et organisations socio-économiques).

Quarte éléments sont à considérer pour les décideurs afin d'appliquer ce processus:

· la conception d'un plan d'aménagement de la ville de Goma à long terme basé sur les milieux ruraux avoisinant les 20 Km de ceinture,

· la conception d'une politique de développement rurbain adapté au contexte et faisant appel à la participation des divers acteurs et compétences multiples,

· privilégier les infrastructures de base, les équipements collectifs et les structures de production dans 1es quartiers à lotir,

· associer à la politique de l'habitat urbain des mécanismes de crédit à tous les niveaux et dans divers domaines.

Ces éléments ne peuvent se réaliser que si l'Etat ou les décideurs manifestent une volonté politique et que les populations marginalisées acceptent de se battre pour leurs causes. A ce point de vue, le rôle des organisations socio-économiques devient alors capital pour combattre l'ignorance de ces populations. Et l'Etat doit jouer le rôle régulateur.

Toutefois, la contribution du lotissement au développement de la ville de Goma ne petit être positive que si des mesures d'encadrement participatives intégrées sont mises en oeuvre et tiennent compte des potentialités du milieu. Il est accepté des experts de l'habitat et de l'urbanisation que les villes jouent un rôle crucial dans la croissance économique du pays, ou mieux dans le développement national.

Etant ouvert aux compléments, ce travail n'épuise pas toutes les questions relatives au lotissement et ses conséquences.

Une question reste à étudier, l'estimation quantitative de préjudices causés par le lotissement curatif tel qu'il est opéré actuellement et les possibilités de faire respecter les nonnes urbanistiques ou de lotir des quartiers populaires.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

I. OUVRAGES

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3. MUGANGU M , S, Analyse critique des théories de développement, inédit, Cours LI I.S.D.R.-Bukavu , Bukavu, 1999-2000

4. MUNIHIRE BIHARA , Appréciation du titre du possesseur de bonne foi en droit immobilier congolais, Cas du Nord-Kivu , T .f .C , fac. de Droit, ULPGL, inédit, Goma , 1998-1999

5. SADIKI B, Economie de développement rural, inédit, Cours LI ISDR-BUKA VU, Bukavu, 1999-2000

6. SPORE n°841 spécial, décembre 1999






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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein