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Les pistes de réforme du système monétaire et financier international depuis la crise

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par Maxime Gasser
Université Pierre Mendès-France Grenoble - Master 1 2010
  

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3. La réforme du SMI par les initiatives régionales.

Les tentatives de construction d'un SMI semblent se heurter à un dilemme : privilégier une réforme globale, efficace mais peu probable, ou construire des initiatives régionales beaucoup plus

modestes mais directement concrétisables. Tel est l'état actuel des réformes de l'architecture monétaire internationale. Nous avons vu que l'idéal de la monnaie supranationale est justifié car il permet de résoudre les incompatibilités entre les monnaies et incite à un rééquilibrage macroéconomique. Cependant, la monnaie supranationale se heurte à de profondes rigidités. Le SMI pourrait probablement se diriger vers un polycentrisme monétaire, dans lequel plusieurs monnaies cohabitent, sans leadership. Mais, ce que nous avons vu précédemment est l'évolution vers un polycentrisme monétaire compte tenu des monnaies existantes, auxquelles peuvent être ajouter les DTS. Par contre, l'idée de cette partie est de rendre compte des initiatives régionales, qui se dressent en réponse au manque de solutions concertées. Elles impliquent la création de nouvelles institutions régionales, d'une nouvelle monnaie (Plan SUCRE) ou encore d'intégration régionales approfondies (Initiative Chiang Mai). L'émergence de ces alternatives est une autre face de la multipolarisation du monde, dans le domaine commercial mais également monétaire. Et le fait que ces réformes proviennent d'Amérique du Sud et d'Asie du Sud-Est est révélateur de nouveaux rapports de force.

Nous verrons en premier lieu l'initiative sud-américaine de construire une nouvelle architecture financière régionale, mais aussi l'Initiative Chiang Mai (1), puis l'idée d'un rééquilibrage institutionnel des relations monétaires (2).

1. Des alternatives régionales pour une refonte du SMI globale

Les déséquilibres et ajustements liés au dollar pèsent, comme nous l'avons vu, sur l'ensemble de l'économie mondialisée. Or, étant donné qu'aucune monnaie semble à même de prendre la place du dollar, les initiatives régionales pourraient être l'impulsion vers un SMI plus stable. Dans une certaine mesure, l'euro peut être considéré comme une alternative régionale. Mais l'idée que nous allons développer est la réponse de pays du Sud à l'instabilité monétaire, notamment en tentant de créer des forces régionales. Il s'agit donc de propositions de réformes monétaires et financières, issues et concrétisées dans des zones économiques régionales.

Dans cette perspective, l'Amérique du Sud se dirige vers la construction d'une Nouvelle Architecture Financière Régionale (NAFR), en réponse aux tentatives de construction d'une Nouvelle Architecture Financière Internationale (NAFI). La principale raison pour laquelle les pays sud-américains impulsent ce régionalisme monétaire est le besoin de protection face aux crises. Selon Ponsot & Rochon (2010), les pays en développement ont subi de sévères crises financières,

ce qui a affaibli leurs économies déjà fragiles. Et les apparentes faiblesses du semi-étalon dollar affectent les pays en développement. Les pays d'Amérique du Sud favorisent donc une approche régionale afin de dépasser les problèmes monétaires et financiers. Celle-ci se concrétise par deux constructions : la première, financière, se traduit par la création de la Banque du Sud (Banco del Sur) ; la seconde, monétaire, est le Plan SUCRE, une nouvelle monnaie commune dans une perspective d'intégration monétaire régionale (vers une NAFR).

La Banque du Sud est une institution financière créée à l'initiative du président vénézuelien H. Chavez et inaugurée officiellement en novembre 2008. D'après Ponsot & Rochon (2010), cette banque a le soutien de l'Argentine, Brésil, Bolivie, Equateur, Paraguay, Uruguay et Vénézuela. Son objectif est de proposer un financement du développement en Amérique du Sud différent des institutions financières internationales, en particulier le FMI et la Banque Mondiale. Il s'agit d'aider les investissements qui ont « d'importantes implications publiques ou macroéconomiques ». La Banque du Sud permet d'établir les bases de la NAFR, et de s'affranchir des financements venant des pays industrialisés mais aussi et surtout des marchés financiers. Cela peut permettre de construire un environnement financier propice au développement économique et social de l'Amérique du Sud. Mais ce projet peut également ouvrir la voie à d'autres voie de financement du développement.

Selon Páez Pérez (2010), c'est l'« expérience néolibérale » de l'Amérique du Sud, s'étant avérée « désastreuse », qui a motivé la construction d'une NAFR. En outre, cela constitue une sorte de pied-de-nez aux projets de NAFI, qui laissent généralement peu de place aux pays en développement. L'intégration monétaire régionale apparaît comme un vecteur de développement pour les pays sud-américains, mais également comme un piste de réforme de la finance internationale : la Banque du Sud peut limiter les mouvements spéculatifs sur le financement du développement, en y introduisant une forme du concurrence sur les marchés financiers. La NAFR repose sur trois piliers :

La Banque du Sud, qui forme une alternative aux mode de financements classiques, plus proche des exigences sud-américaines ;

Créer une association des banques centrales nationales, qui s'apparenterait à une banque centrale régionale ; elle viserait à stabiliser les variables macroéconomiques et à réduire les « asymétries structurelles » de l'Amérique du Sud ;

Donner une cohérence globale en créant une monnaie commune, qui synthétise les idées

keynésiennes précédemment développées.

Ainsi, les ambitions de la NAFR est de rétablir un rapport de force plus équilibré en faveur des pays sud-américains. Mais au delà, cela peut ouvrir la voie à des réflexions plus profondes sur la réforme du SMI. En effet, si une monnaie commune est viable, elle pourrait impulser le SMI à tendre vers un polycentrisme monétaire, en alternative au semi-étalon dollar. Détaillons maintenant le troisième aspect de la NAFR, en étudiant le Plan SUCRE et l'idée d'une monnaie commune.

Le Système Unifié de Compensation, traité du SUCRE ou plan SUCRE (Sistema Único de Compensación Regional de Pagos) a été mis en place en octobre 2009, là encore à l'initiative du Vénézuela. Cette une sorte de réponse aux déséquilibres monétaires et financiers de la part de cinq pays sud-américains. Selon Sapir (2009), le SUCRE est « la première alternative réellement crédible au renforcement du FMI, et de son organisme soeur, la Banque Mondiale » (p. 1). Pour l'auteur, il est clair que le dollar est amené à décliner, et que le SMI se dirige vers le polycentrisme monétaire. Dès lors, le SUCRE apparaît comme une solution efficace, puisque l'intégration monétaire régionale est vecteur de stabilité, en évitant une « guerre des monnaies ». Il prolonge le MERCOSUR en projetant un cadre monétaire à l'intégration commerciale déjà à l'oeuvre en Amérique du Sud ; en outre, il permet de protéger ces économies fragiles des fluctuations et déséquilibres liés au dollar.

Le SUCRE est une monnaie commune, mais pas unique, tandis que l'euro est une monnaie commune et unique. Le SUCRE ne supprime pas les monnaies nationales, il sert d'instrument de compensation. C'est une des initiatives monétaires qui se rapproche le plus des idées de Keynes, puisque le fonctionnement est semblable à l'Union de Compensation International (UCI). D'après le Traité constitutif (cité par Sapir), il s'agit d'« un mécanisme de coopération, d'intégration, et de complémentarité économique et financière destiné à promouvoir le développement intégral de la région latino-américaine et caraïbe ». L'accord de compensation est multilatéral, au sein duquel les banques centrales détiennent le SUCRE comme monnaie de crédit. Le taux de change intra-zone est fixe mais ajustable de même que le taux de change extra-zone.

La zone utilisant le SUCRE devra augmenter son potentiel en s'élargissant au plus de pays possible. En revanche, l'auteur précise que le cas de l'Equateur est problématique puisque c'est un pays qui a « renoncé à sa souveraineté monétaire », en effectuant un régime de dollarisation. Mais le Plan SUCRE peut alors être « une opportunité [pour ce pays] de se « dé-dollariser » et de recouvrer sa souveraineté monétaire ». Il apparaît dès lors que le plan SUCRE peut avoir des

conséquences monétaires insoupçonnées, et devenir un exemple en matière d'intégration monétaire, toujours dans la perspective d'une stabilisation du SMI.

En résumé, le SUCRE recouvre trois principaux objectifs :

la réduction du risque de change dans les transactions, au niveau intra-zone mais également dans les échanges extérieurs ;

la promotion des investissements au sein de la zone SUCRE

rendre les investissements régionaux et l'allocation de l'épargne plus efficace, notamment dans la lutte contre les effets de la dernière crise financière.

Le plan SUCRE est donc une innovation intéressante, puisqu'il remet en question des composantes du SMI. Il se propose de favoriser la stabilité financière et la régulation des déséquilibres monétaires. Mais au delà, il pose les bases d'une réforme possible du SMI, à savoir l'émergence de zones d'intégration monétaire régionales, dans un contexte de polycentrisme. C'est une alternative porteuse de changements. Pour Sapir, c'est même « une des plus grandes avancées de ces dernières années ». Il fait ici référence au contre poids de l'Amérique du Sud face au géant dollar : alors, nouveau rapport de force ou éphémère alternative ? L'avenir du Plan SUCRE et de la Banque du Sud le dira.

Il convient de citer brièvement l'Initiative Chiang Mai, car ce n'est pas une initiative récente et ne peut être considérée comme une piste de réforme depuis la crise.

L'Initiative Chiang Mai (ICM) est un accord multilatéral de swap de devises entre les pays de l'ASEAN, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Formée à la base par des arrangements bilatéraux, l'ICM vise à accroitre la stabilité financière en Asie du Sud-Est, région très dynamique. L'objectif est d'impulser une intégration monétaire régionale, qui complète l'intégration commerciale mis en place par l'ASEAN. L'ICM avait pour but la protection contre les crises financières, notamment après la crise asiatique de 1997. Elle prend désormais une ampleur croissante à cause des déséquilibres induits pas la crise. En 2009, l'ICM s'est dotée d'un fond de réserve de plusieurs milliards de dollar et s'étend à d'autres pays de la région, lorsque l'Accord sur la multilatéralisation de l'ICM a pris effet au printemps 2010. L'ICM constitue donc une zone d'intégration monétaire importante, mais moins pour son degré d'approfondissement que par les pays qui la compose : l'ASEAN est en effet la zone économique la plus dynamique actuellement.

Pour conclure, nous avons vu dans cette partie que des zones d'intégration monétaire apparaissent, et en particulier en Amérique du Sud avec la Banque du Sud et le plan SUCRE. Ces deux alternatives se sont constituées en réponse à la crise et en vue de mieux servir les intérêt de ces pays en développement. Par ailleurs, par l'ambition et l'intelligente construction de ces initiatives, il est possible d'envisager une réforme du SMI qui serait impulser par des zones d'intégration monétaires. Si l'Amérique du Sud, l'Asie et l'Europe suivent ce chemin, cela peut conduire à un monde multipolaire, dont les flux monétaires seraient plus équilibrés. Cela s'effectuerait à la manière de la théorie des dominos de Baldwin (1993), selon laquelle l'intégration économique régionale peut conduire, par étapes successives, au multilatéralisme. Ce qui est vrai pour le commerce international peut l'être avec le SMI. Reste à étudier les difficultés politiques de telles réformes.

Afin d'étudier la réforme du SMI par étapes successives, nous allons présenter les travaux de Piffaretti & Rossi, qui prônent un rééquilibrage institutionnel des déséquilibres monétaires, notamment ceux de la Chine et des Etats-Unis.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus