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Le système judiciaire en Haiti et les obstacles qui paralysent son développement

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par Gina BOURGEOT
Universite d'Etat Haiti (Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince) - Licence en Droit 2001
  

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Section II

Les Juridictions Spécialisées

En Haïti, les organes juridictionnels se composent non seulement de juridictions de droit commun mais aussi de juridictions spécialisées. Ces juridictions sont spéciales par leur volume contentieux, leur clientèle, leurs règles spécifiques d'organisation et/ou de fonctionnement. Moins connues que les précédentes, elles se subdivisent en juridictions spécialisées permanentes et en juridictions spécialisées non permanentes.

Les Juridictions Spécialisées Permanentes

Pour donner une juste idée des juridictions permanentes, nous consacrons un bref développement aux Sections terriennes, au Tribunal spécial du travail, aux Tribunaux pour enfants et à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif.

Les Sections Terriennes

Depuis l'Indépendance, la terre a toujours été source de conflits meurtriers. Les Gouvernements successifs ont tenté sans succès d'y apporter des solutions. Par exemple, avant le 7 février 1987, cette question était réglementée par deux textes : la loi du 12 juillet 1961 et le Décret du 30 juillet de la même année, portant création du Tribunal terrien d'Haïti.

Mais le Conseil National de Gouvernement qui a succédé au Président Jean-Claude DUVALIER considérait que :

« Le Tribunal terrien d'Haïti n'a pas atteint les objectifs pour lesquels il a été créé ; qu'il y a lieu en conséquence d'adopter de nouvelles mesures susceptibles de ramener la paix dans la Vallée et d'assurer aux propriétaires une protection efficace et opportune contre les atteintes de leurs intérêts légitimes. »1

Le constat amena le nouveau gouvernement qui avait promis la démocratie au peuple de publier un nouveau décret. Il s'agit du décret du 30 juillet 1986. Ce nouveau décret institue dans chacun des tribunaux civils des Gonaïves et de Saint-Marc, une section spéciale chargée de connaître des contestations ayant pour objet les terres dépendant de la plaine de l'Artibonite. 

Chaque section terrienne des tribunaux civils des Gonaïves et de Saint-Marc est composée de 3 juges, 2 substituts, 2 greffiers, 2 commis du parquet, 2 huissiers audienciers et d'un messager.

Comme il n'existe que deux sections terriennes (à Saint-Marc et aux Gonaïves), les litiges fonciers qui éclatent dans les autres zones sont entendus par les juridictions civiles de droit commun.

Le Tribunal du travail

En France, il existe le conseil des Prud'hommes dont la mission essentielle est de régler par voie de conciliation, et de juger (lorsque la conciliation n'a pas abouti) les différends qui s'élèvent à l'occasion d'un contrat individuel de travail entre employeurs et salariés (problèmes de salaires, de prime, essentiellement problèmes de licenciement).

A Port-au-Prince, après l'échec de la conciliation tentée par l'Inspection du Travail du Ministère des Affaires Sociales, le litige est porté devant le Tribunal du Travail. Ce Tribunal spécial a été institué par la Loi du 3 septembre 1979.

____________________

1- « Le Moniteur » No 66, jeudi 14 août 1986

A en croire les Législateurs de l'époque, les statistiques accusaient un nombre sans cesse croissant de litiges entre employeurs et employés devant la chambre de travail de la juridiction du tribunal civil de Port-au-Prince et qu'il convenait d'instituer un Tribunal spécial de travail à Port-au-Prince en vue d'évacuer avec plus de célérité les conflits du travail.

Ce Tribunal a compétence pour connaître de tous les conflits de droit qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail ou du contrat d'apprentissage et, d'une manière générale, de toutes affaires contentieuses, conformément au Code du Travail.

La Loi du 3 septembre 1979 prévoyait qu'en cas de nécessité, d'autres tribunaux de ce type pouvaient être établis1. Mais à date, le deuxième Tribunal du Travail n'est pas encore né. Dans les grandes villes du pays (sauf Port-au-Prince), ce sont les tribunaux civils et les tribunaux de paix dans les communes qui liquident les conflits de travail.

Les Tribunaux pour Enfants

En septembre 1961 fut promulguée la Loi portant, sur le « mineur en face de la loi pénale et des tribunaux spéciaux pour enfants ». Cette loi ambitionnait d'harmoniser les dispositions de notre Code pénal avec les exigences du droit moderne de la délinquance juvénile, en intégrant rationnellement notre système de défense sociale dans un réalisme juridique qui tend à une protection complète du corps social, par une meilleure protection accordée au mineur dévoyé ou en danger physique et moral.

Cette loi va privilégier la rééducation et la réinsertion des mineurs délinquants. Elle désigne les juridictions compétentes pour juger les mineurs de 13 à 16 ans accusés d'infractions à la loi pénale. Elle indique les diverses mesures protectrices à la portée des juges des enfants qui ne souhaitent pas prononcer absolument une condamnation pénale. Le Législateur avait bien compris que le droit pénal n'est ni le principal, ni le meilleur moyen de lutter contre la délinquance. Aussi cette approche doit-elle être considérée comme un progrès incontestable pour l'époque.

____________________

1- « Le Moniteur » No 75, lundi 24 septembre 1979

Cette loi prévoyait en son article 18 la formation d'un tribunal pour enfants, « dans la juridiction de chaque cour d'appel » et l'article 25, la création d'une Cour d'Assises des mineurs  pour juger les mineurs de 16 ans accusés de meurtre, assassinat ou parricide.

Il a fallu attendre le 20 novembre 1961 pour voir la création du Tribunal pour enfants de Port-au-Prince.

Dans l'attente des autres tribunaux pour enfants, ce Tribunal avait une compétence nationale. En effet, l'article 6 du décret décide :

« Le tribunal pour enfants de Port-au-Prince, en attendant la création de ceux prévus par la loi du 11 septembre 1961, a plénitude de juridiction pour toutes affaires pénales ou civiles concernant les mineurs appréhendés pour crimes et délits à travers les différentes divisions géographiques du pays. Il connaît en outre, de l'appel des jugements rendus par les tribunaux de paix de la République dans les cas déterminés par la loi du 11 septembre 1961. »1

La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif

La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) est une Institution indépendante régie par la Constitution du 29 mars 1987. Elle connaît des litiges mettant en cause l'État et les collectivités territoriales, l'Administration et les fonctionnaires publics, les services publics et les administrés. L'article 200 de la Constitution en vigueur stipule que :

« La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif est une juridiction financière, administrative, indépendante et autonome. Elle est chargée du contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des dépenses de l'État, de la vérification de la comptabilité des Entreprises de l'État ainsi que celles des collectivités territoriales. »2

________________________

1-« Le Moniteur » No 108, lundi 2 novembre 1961

2- Constitution du 29 mars 1987

La CSCCA est composé de deux sections : la section du contrôle financier et la section du contentieux administratif.

Il faut préciser que cette juridiction n'appartient pas à l'ordre judiciaire. Elle est une juridiction administrative, la seule, d'ailleurs, en Haïti.

Les Juridictions Spécialisées Non-Permanentes

A côté des Juridictions spécialisées permanentes, prennent place des juridictions spécialisées non-permanentes. Il s'agit de : la Haute Cour de Justice, la Commission de Conciliation, le Conseil Electoral Permanent et l'Office de Protection du Citoyen.

La Haute Cour de Justice

« Quelle que soit l'indépendance des magistrats judiciaires on a craint qu'un tribunal judiciaire soit un peu impuissant pour juger des infractions commises par les représentants du pouvoir politiques les plus haut placés. Cela a conduit à la création des juridictions politiques. »1

C'est en ces termes que le doyen Jean Vincent introduit son étude de la Haute Cour de Justice française.

Les constituants de 1987 avaient la même crainte, d'ailleurs justifiée. C'est sans doute pourquoi ils ont consacré les articles 185 à 190 à la Haute Cour de Justice.

Fait significatif, ils en parlent, immédiatement après la Cour de Cassation.

La Haute Cour de Justice, après la mise en accusation prononcée par les 2/3 de la Chambre des députés a compétence pour juger :

a) le Président de la République accusé de crime de haute trahison ou tout autre crime commis dans l'exercice de ses fonctions ;

___________________

1- Jean Vincent et Alii, idem. p. 298

b) le Premier Ministre, les Ministres et les Secrétaires d'État pour crimes de haute trahison et de malversation, ou d'excès de pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions ;

c) les Membres du Conseil Électoral Permanent et ceux de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs pour fautes graves commises dans l'exercice de leurs fonctions ;

d) les Juges et Officiers du Ministère Public près la Cour de Cassation pour forfaiture ;

e) le Protecteur du Citoyen.1

Ne pouvant pas siéger sans la majorité de deux tiers de ses membres, la Haute Cours de Justice ne peut prononcer d'autre peine que : la destitution, la déchéance ou la privation du droit d'exercer toute fonction publique durant 5 ans au moins et 15 ans au plus.

La Commission de Conciliation

Le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif sont les deux Pouvoirs politiques du régime constitutionnel de 1987. D'une manière générale, le Parlement délibère et contrôle des actes très souvent préparés et exécutés par le Pouvoir Exécutif. Ces deux Pouvoirs de l'Etat sont donc distincts l'un de l'autre et sont chargés de fonctions différentes. Ils sont « indépendants » l'un par rapport à l'autre ; pourtant, ils sont appelés à collaborer l'un et l'autre en vue de la bonne marche de l'Etat. D'où, des risques de conflits entre les deux Pouvoirs politiques de l'Etat. Quand ces conflits surviennent, comment les résoudre de manière institutionnelle ?

L'article 206 de la Constitution de 1987 accorde à une institution dénommée « Commission de Conciliation » le pouvoir de trancher, entre autres, les différends opposant le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif. Néanmoins, cette même institution appelée à trancher les différends ne juge pas, puisque ce n'est pas l'adoption d'un acte d'autorité qui consacre son dessaisissement. Ce n'est qu'une commission de conciliation comme son nom l'indique. Elle est une institution ad hoc appelée, entre autres, à aider les deux Pouvoirs politiques à trouver une entente en cas de différend

________________________________________________

1- voit la Constitution de la République d'Haïti, article 186

et dans l'éventualité où elle est saisie. Il revient à la Cour de Cassation de la République de résoudre le différend par une décision d'autorité.

Ainsi, l'article 206 de la Constitution donne-t-elle sa composition.

1- Le Président de la Cour de Cassation fait office de Président de la Commission de Conciliation. Nous rappelons que ce dernier est avant tout un juge de ladite Cour. Or, c'est le Sénat, Corps du Pouvoir Législatif, qui est chargé de la présélection des juges à la Cour de Cassation.

2- Le Président du Sénat et celui de la Chambre des Députés, en principe deux membres influents du Parlement, sont respectivement vice- président et membre de ladite Commission.

3- Le Président du C.E.P. ainsi que le vice- président de la même institution sont membres de ladite Commission. Nous rappelons que l'Assemblée Nationale, organe non permanent du Parlement, concourt à la formation du C.E.P. en choisissant trois de ses neuf membres.

4- Enfin, deux Ministres- membres du Gouvernement procédant du Parlement- désignés par le Président de la République font office de membres de la Commission de Conciliation.

En somme, on comprend bien que la probabilité d'avoir une Commission de Conciliation indépendante du Parlement est mince.

Quand les membres de la Commission de Conciliation ne sont pas des membres très influents du Parlement, ils tiennent leur pouvoir, dans une certaine mesure, du Parlement. On peut donc présumer sinon des conflits d'intérêts, du moins une tendance à se croire redevable. Cette analyse peut toutefois ne pas être exacte pour ce qui concerne les deux membres du C.E.P. représentés à ladite Commission, puisque ces derniers pourraient ne pas être ceux préalablement choisis par l'Assemblée Nationale souveraine pour mettre fin « définitivement » aux différends opposant Pouvoir Législatif et Pouvoir Exécutif.

Prenons l'hypothèse dans laquelle une décision finale est prise par la Cour de Cassation en vue de résoudre le conflit. Comment alors s'assurer de son exécution ? Et dans l'éventualité où aucun des deux Pouvoirs politiques ne déciderait de saisir la Commission de Conciliation, que risquerait-il de se passer ?

En effet, la Commission de Conciliation n'est pas le seul mécanisme institutionnel de règlement de conflits entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif. Aussi, la responsabilité politique du Gouvernement permet-elle, classiquement, d'apporter une solution aux conflits susceptibles de survenir entre le Gouvernement et la majorité parlementaire. Toutefois, dans le régime constitutionnel de 1987, cette méthode institutionnelle de résolution d'un conflit politique crée plus un déséquilibre monumental entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif que d'éviter le blocage des institutions.

Le Conseil Electoral Permanent

Avant le vote de la Constitution de mars 1987, les élections étaient organisées par le Ministère de l'Intérieur. Mais les constituants vont opter pour un organisme indépendant « chargé d'organiser et de contrôler en toute indépendance toutes les opérations électorales sur tout le territoire de la République jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin »

Les neuf membres qui doivent former le Conseil Électoral sont choisis sur une liste de trois noms proposés par chacune des Assemblées départementales. Nommés pour une période de neuf ans non renouvelable, ils sont inamovibles.

Malheureusement pour le pays, après vingt quatre longues années les conditions ne sont toujours pas réunies pour permettre la mise en place de cette Institution Indépendante si importante. C'est le Conseil Électoral Provisoire (à date, il y en a eu douze !), prévu à l'article 289 de la Constitution qui continue à organiser les élections, depuis 1987.

L'Office de Protection du Citoyen

Le droit administratif n'avait pas connu pendant longtemps de procédure générale de médiation. La garantie des administrés, en cas de conflits avec l'administration, n'était conçue que sous la forme des recours juridictionnels ou administratifs. L'évolution a été provoquée par le succès qu'a connu dans les années 1930, une institution en Suède et qu'avant adoptée ou transposée de nombreux États anglo-saxon : l'Ombudsman, personnalité pouvant être saisie par les particuliers qui avaient à se plaindre d'un mauvais fonctionnement de l'Administration, en vue de le faire redresser en lui présentant des recommandations.

En France, cette nouvelle forme de régulation non contentieuse des relations entre les Administrations et les citoyens a été introduite en 1973 avec la création du « Médiateur de la République ».

Chez nous pour les mêmes raisons, la Constitution de 1987 crée l'Office de la Protection du Citoyen dont la mission première est de protéger tout individu contre toutes les formes d'abus de l'Administration publique.1

Tel est le schéma des différentes juridictions haïtiennes dont la mission est de rendre la justice. Comme les institutions doivent être desservies par des hommes et des femmes passionnés de liberté et de la vérité, il s'agit de présenter maintenant les serviteurs de la justice, objet du deuxième chapitre de ce travail.

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1- idem, article 207

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery