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Le facteur culturel dans la coopération sino-camerounaise:le cas de l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations internationales du Cameroun(IRIC)

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par Jean Cottin Gelin KOUMA
Universite de Yaounde II-Soa - Master II en Relations Internationales option Diplomatie 2010
  

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SECTION I : L'INSTITUT CONFUCIUS ET L'ENSEIGNEMENT DU MANDARIN : VERS LE FACONNAGE DE L'AFRIQUE AU MODELE CHINOIS ?

L'enseignement du mandarin par le biais de l'Institut Confucius permet aux hommes politiques, hommes d'affaires, étudiants, etc., de s'imprégner de la culture chinoise. Cette volonté de la Chine d'exporter sa culture traduit tout simplement sa vision du monde. La Chine, connue sous l'appellation d' « Empire du milieu » et qui a été pendant prés de 2500 ans le centre du monde, veut retrouver sa place d'antan. Ce retour semble faire face à des obstacles : la communication constitue pour elle une véritable barrière linguistique.

Toutefois, pour mieux appréhender la démarche de façonnage des africains au modèle chinois, il convient de partir de son projet messianique à l'obstacle culturel et linguistique auquel elle fait face (Paragraphe I), pour aboutir aux différentes stratégies de conquête des coeurs et des esprits (Paragraphe II) qu'elle met en oeuvre pour atteindre son objectif.

PARAGRAPHE I : DU PROJET MESSIANIQUE CHINOIS A L'OBSTACLE CULTUREL ET LINGUISTIQUE

Le terme « messie »250(*) est d'origine biblique. Il vient du grec messias, une transcription de l'hébreu mashiah, signifiant « celui qui a reçu l'onction ». Au début, le messie était donc un personnage du présent, normalement un roi qui assure le salut de son peuple. Cependant, le phénomène du messianisme n'est pas seulement propre à la bible ou aux traditions juive ou chrétienne. Des chercheurs ont constaté la présence des personnages ou d'attentes semblables à des époques diverses dans toutes sortes de civilisations. C'est la raison pour laquelle, la Chine, à travers sa civilisation millénaire, pense être dotée d'une mission messianique. C'est ce qui semble donc justifier sa pénétration linguistique au Cameroun (A), malgré les difficultés inhérentes à l'environnement sociolinguistique (B) de ce dernier.

A) La pénétration linguistique de la Chine au Cameroun : un tremplin pour la mise en oeuvre du messianisme de l'empire du milieu ?

La philosophie confucéenne faisait de la Chine le centre251(*) du monde et l'expression « empire du milieu » tire son origine dans cette vision chinoise du monde. Et comme l'exprime Christian Harbulot, « les chinois d'antan considéraient leur pays comme le centre civilisé du monde, la Chine étant la seule sous le ciel divin »252(*). Cette affirmation illustre bien l'expression d'encerclement dans la stratégie chinoise qui influence ses voisins asiatiques. Comme le disait Roderick Mac-Farquhar, « les monarques et les Etats étrangers étaient censés être les vassaux de l'empire du milieu, puisqu'il n y a pas deux soleils dans le ciel et qu'il ne peut y avoir deux empereurs sur terre »253(*). L'implantation de l'Institut Confucius à Yaoundé et la création de ses annexes sur toute l'étendue du territoire afin de mieux enseigner le mandarin, sont une déclaration politique et redessinent la mission idéologique de la Chine. Il s'agit en effet pour elle, de s'appuyer sur le Cameroun afin d'étendre son influence dans la sous-région voire, sur tout le continent. Ce retour à la stratégie traditionnelle chinoise consiste à donner une nouvelle signification à la RPC. La politique de prolifération des Instituts Confucius est à la base de ce changement et constitue un signal fort vis-à-vis de ceux qui veulent maintenir la Chine à la périphérie254(*). Deng Xiaoping, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la cérémonie d'ouverture du XIIIe congrès du PCC en 1982, disait pour manifester contre la posture périphérique que l'Occident veut toujours maintenir la Chine, qu' « aucun pays étranger ne doit s'attendre à ce que la Chine devienne son vassal, ni à ce qu'elle avale une pullule amère au détriment de ses intérêts »255(*).

A la suite de cette analyse, bien que nous ayons choisi le réalisme comme grille d'analyse dans le cadre de cette étude, il ressort que, au regard de la nature des acteurs en présence, le paradigme « centre-périphérie »256(*) pourrait aussi rendre compte de cette vision chinoise du monde. Ce modèle des rapports « centre-périphérie » est donc intrinsèque à la pensée politique et cosmogonie chinoise pour laquelle le centre est le lieu de l'ordre et de l'harmonie, les périphéries étant de plus en plus imparfaites à mesure qu'elles s'éloignent. Il est de la responsabilité du centre de diffuser ses bienfaits vers la périphérie afin de contribuer à l'ordre du monde257(*). Cette observation est corroborée par Jean Vincent Brisset lorsqu'il affirme que : « les chinois voient ainsi le monde comme une composition de « cercles concentriques » : au centre, au milieu, se trouve la Chine, vu comme majestueux et impérial »258(*). A cet effet, au moment où l'on assiste peut-être au glissement du centre économique du monde vers la Chine, on pourrait mieux comprendre son positionnement au Cameroun. Les rapports de communication par excellence que sont les échanges linguistiques sont aussi des rapprochements de pouvoir symbolique où s'actualisent les rapports de force entre les locuteurs259(*). Le mandarin constitue de ce fait un facteur d'affirmation de puissance et d'influence de la Chine, non seulement au Cameroun mais aussi en Afrique voire dans le monde. Les Instituts Confucius visent donc à répandre l'usage du chinois, pour faciliter l'intégration des étrangers en Chine et des chinois à l'extérieur. Dans le cas précis du Cameroun, l'idée d' « échange mutuel » véhiculée par la Chine à l'endroit des pays africains semble trouver ses limites dans le domaine linguistique, car les chinois n'apprennent presque pas les langues locales et maîtrisent peu les langues officielles. Or, en Chine, tout se fait en chinois. Gendreau-Massaloux estime à ce sujet que, « les individus et les peuples, confrontés par la disparition progressive des frontières économiques, sont souvent les premiers, lorsqu'ils en ont les moyens, à abandonner délibérément la langue de leur monde déshérité pour partager avec d'autres milieux plus favorisés une langue de communication qui permet d'aller vers le développement économique »260(*). En d'autres termes, les pays africains sont attirés par le développement économique dont la Chine fait l'objet. Pour ce faire, l'empire du milieu affiche ainsi une politique claire et cohérente à savoir, l'expansion et la diffusion de sa langue en Afrique et, comme le souligne Jean Marie Onguene Essono, professeur au département des Lettres Modernes Françaises à l'Université de Yaoundé I, «l'autarcie linguistique est suicidaire. Tout pays, tout peuple a le devoir de s'ouvrir vers l'extérieur pour survivre »261(*). Cependant, le contexte sociolinguistique de l'Afrique semble peu favorable à la diffusion du mandarin sur l'étendue du continent.

B) La diversité culturelle et linguistique de l'Afrique comme obstacle à l'ambition de la Chine

La diversité culturelle et linguistique renvoie au pluralisme culturel ainsi qu'au multilinguisme. L'Afrique constitue une mosaïque culturelle dans ce sens qu'elle regorge en son sein des pays anciennement colonisés, et où les pays colonisateurs ont imposé aux colonisés le plurilinguisme comportant, outre les langues locales, au moins, une langue de communication internationale utile aux échanges. Les africains ont ainsi découvert des horizons différents, qu'ils soient culturels ou linguistiques, c'est-à-dire la connaissance d'une langue autre que leur langue maternelle. Ce qui a conduit à l'existence sur le sol africain, des espaces linguistiques francophones, anglophones, lusophones, germanophones, etc. Au Cameroun, « Afrique en miniature », outre les dialectes chers à chaque ethnie, le français et l'anglais constituent les langues officielles, tandis que l'allemand, l'espagnol, l'italien, le chinois sont des langues étrangères. C'est ce qui fait dire jean Tabi Manga que : « la République du Cameroun présente une configuration unique dans tout le continent africain, du fait de son bilinguisme officiel, français et anglais. Il faut, en outre ajouter une diversité incomparable de langues. En plus d'un nombre impressionnant de parlers, on y retrouve toutes les grandes familles linguistiques africaines »262(*). De ce fait, outre les langues coloniales qui font obstacles à l'apprentissage du chinois au Cameroun263(*), figurent deux dimension fondamentales, lesquelles séparent et opposent les cultures de ces deux pays : d'une part, le rapport du spirituel au temporel et, d'autre part, le caractère écrit ou oral de la culture. « En Chine, le spirituel est au service du temporel (...) En Afrique, c'est le temporel qui est au service du spirituel »264(*). Ainsi, en Afrique, voire dans le monde, la prépondérance de l'anglais comme le souligne Luc Sindjoun, est manifeste. C'est « la langue la plus utilisée lors des conférences internationales, la langue la plus utilisée dans les revues scientifiques, la langue de travail des différents prix Nobel »265(*). Le parler de Molière constitue aussi une langue de grande communication. Mais, les scientifiques chinois sont aujourd'hui freinés dans la diffusion de leurs travaux et ont des difficultés à se faire connaitre à l'étranger en raison de leur langue. Pour cette raison, ils publient en chinois et leurs recherches sont lues par les chercheurs et public chinois et leur rayonnement est limité à l'étranger266(*). Au Cameroun, ces deux langues de scolarisation et de communication (français et anglais) sont à la base de l'institutionnalisation du bilinguisme, exigé à tous ceux qui sollicitent un emploi à la fonction publique267(*). A l'université, aucun travail scientifique n'a jamais été présenté dans d'autres langues que le français ou l'anglais.

Fort de ce qui précède, l'enseignement du mandarin fait face à une domination linguistique du français et de l'anglais, ajouté à cela, les dialectes si nombreux soient-ils en Afrique. Cette entreprise chinoise de conquête linguistique de l'Afrique, par la volonté de répandre l'usage du mandarin, rencontre des résistances sur le terrain ; ce qui rend difficile toute transaction que la chine effectuerait sur le continent. A la suite de cette analyse, Aicardi de Saint Paul déclare : « l'Afrique et la RPC n'ont aucun lien culturel (...) qui favoriserait leur entente commerciale »268(*). Cette fragmentation culturelle orchestrée par l'introduction du chinois dans des aires linguistiques occupées par les langues coloniales, se caractérise dans la pratique par la résurgence du nationalisme. Il se manifeste de ce fait un certain désamour vis-à-vis de la langue chinoise. Comme en témoigne Claude Donfack Tchaleu, apprenant de chinois à l'ENS de Maroua : « les gens sont surpris quand je leur dis que j'apprends le chinois, ils me regardent comme si j'étais un extraterrestre et se moquent gentiment de moi »269(*). Bon nombre d'étudiants interrogés, estiment que le chinois est dur et que l'écriture chinoise en idéogrammes est bizarre. La thèse de Samuel Huntington sur « le choc des civilisations » illustre bien cette confrontation culturelle comme une source conflictogène de l'avenir. Il dit à ce propos que  les grandes causes de division de l'humanité et les principales sources de conflits seront culturelles270(*). En effet, les chinois eux-mêmes sont conscients de leur retard sur les autres en matière de diffusion de leur langue. Ils essayent de s'adapter autant que faire se peut en montrant une véritable volonté d'adaptation, à travers l'apprentissage d'un minimum de français et d'anglais271(*) afin de se faire comprendre et, pourquoi pas, d'apprendre aussi les langues locales africaines272(*). Cependant, étant donné que la langue évolue grâce à un dynamisme que lui apporte le croisement avec d'autres langues273(*), tout porte à croire que le mandarin fera son bout de chemin pour s'intégrer dans le contexte multilingue africain. Jean Jolly constate à la suite de cette analyse que, « malgré les efforts des services culturelles et de l'OIF, la langue française perd relativement du terrain au profit de l'anglais, de l'espagnol, de l'allemand, mais également du chinois (plus de 1,3 milliards de locuteurs) »274(*). Et comme l'observe si bien Julien Deschamps, français en stage au Cameroun : « à l'intérieur du palais des sports, tous les écriteaux sur les murs sont, en plus d'être en français et anglais, en langue chinoise (...). Je ne savais pas que le mandarin était devenu la troisième langue officielle du Cameroun ! »275(*).

* 250 R. David, Faut-il attendre le messie ? Etude sur le messianisme, 1998, p.194. Publié sur : www.books.google.com, (consulté le 30/03/2011).

* 251 Ce qui est sous l'influence ou la domination du centre, ou en retard sur celui-ci.

* 252 C. Harbulot, loc.cit., p.8.

* 253 Cité par S. Huntington, op. cit., p.258.

* 254 Lieu principal d'activité, d'initiative ou de pouvoir.

* 255 Cité par C. Ateba Eyene, op. cit., p.26.

* 256 Ce dernier se donne en effet pour vocation d'expliquer les relations internationales en termes de stratégie d'influence et de domination des Etats riches sur les Etats pauvres et facilement malléables.

* 257 P.Gauchon & J-M. Huissoud, op. cit., p.34.

* 258 Cité par T. Mehdi, op. cit., p.36.

* 259 P. Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Fayard, 2001, pp.59-60, cité par L-M. Onguene Essono, loc. cit., p.50.

* 260 M. Gendreau-Massaloux, « Les langues ni anges, ni démons », in Francophonie et Mondialisation, Hermès, 40, CNRS Editions, pp.275-279. Cité par L-M. Onguene Essono, loc. cit.

* 261 L-M. Onguene Essono, loc. cit.

* 262 J. Tabi Manga, Les politiques linguistiques du Cameroun, Paris, Karthala, 2000, p.69.

* 263 Xiaofeng Zhang, professeur à l'Institut des Etudes Africaines de l'Université Normale de Zhejiang : propos tenus lors d'une conférence donnée à l'IRIC en 2OO9, sur le thème : coopération sino-africaine dans le domaine de l'éducation.

* 264 C. Harbulot, loc.cit., p.5.

* 265 L. Sindjoun, loc. cit., p.27.

* 266 C. Vorapheth, Forces et fragilités de la Chine : Les incertitudes du grand Dragon, Paris, L'Harmattan, p.299, Publié sur : www.books.google.com, (consulté le 20/03/2011).

* 267 L. M. Onguene Essono, loc. cit., p.7.

* 268 M. A. De Saint Paul, « La Chine et l'Afrique, entre engagement et intérêt », Géopolitique Africaine, N°14, 2004.

* 269 S. Dongmo, Le Jour, 13/08/2010

* 270 S. Huntington, op. cit., p.65.

* 271 Voir : Document de travail AFD, loc. cit., p.55.

* 272 J. Jolly, op. cit., p.94.

* 273 L. M. Onguene Essono, loc. cit.

* 274 J. Jolly, op. cit., p.184.

* 275 J. Deschamps, « La Chine au Cameroun. Cette amie qui vous veut du bien », 07/05/2010, Publié sur : www.stages.alternative.ca/archives/1192, (consulté le 10/04/2011).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld