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Quant s'envolent les grues couronnées et refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez F. Pacéré Titinga

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par N'golo Aboudou SORO
Unversité de Bouaké - Maà®trise 2003
  

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I. La chanson funèbre

Quand s'envolent les grues couronnées, on l'a dit, a pour thème "la mort". Le titre du poème est lui-même la traduction en français du titre de la chanson funèbre des mossé: le "bounvaonlobo".. Dans ce poème le poète s'adresse à sa mère adoptive "Timini", morte alors qu'il était encore en France. C'est cette femme qui l'éleva conformément à la tradition. Sa mort est donc ressentie par le poète comme un coup de massue du destin dans son dos. Il en est profondément marqué.

C'est ce deuil, cette amertume que PACERE laisse transparaître dans son poème-fleuve. En effet, parlant de Quand s'envolent les grues couronnées, il affirme à qui veut l'entendre : "c'est ma vie à travers la mort de celle qui m'a tout donné"1(*)77. Ainsi, se confesse-t-il. Dans cette assertion il s'agit de Timini, celle qui eut à charge l'éducation et l'initiation du jeune prince du trône de Manéga, conforment à la tradition mossé. En effet Timini était la première épouse du roi-lion, Naba Guiéghmdé. C'est donc à elle que la coutume réservait le droit d'éduquer le premier enfant de sexe masculin de Naba guiéghmdé après son intronisation comme roi de Manéga. Et ce "fils-héritier" du trône c'était Titinga F. PACERE, notre poète.

Cependant, en plus de la mort de celle qui eût la charge de l'éduquer, il fait allusion, dans son poème, à la mort "du philosophe à la barbe de poussière", à celles de son père, le Roi-lion et de son oncle Zoundou (premier ministre du Roi-lion), ainsi que celles de ses frères et soeurs morts dans la fleur de l'âge. Le poète est ébranlé. Il se sent abandonné. Les remparts qui le protégeaient contre les affres de la vie moderne se sont écroulés. Les maîtres initiateurs sont partis. Son père, Timini, son oncle et "le philosophe à la barbe de poussière", représentaient pour lui l'image et le symbole de la force morale, du savoir et de la sagesse.

Cette complainte est aussi perceptible dans certains poèmes de Refrains sous le Sahel. Nous pouvons citer entre autres, "Manéga", "je suis triste" et "Hymne des décombres". Dans le poème liminaire: "Manéga", le poète pleure sa terre natale en "feu". Les versets suivants illustrent notre propos:

"La chaleur torride / des saisons asséchées, / Les souffles affreux / du ciel parâtre, / Ont réduit les fruits humains."

Manéga le village natal de notre poète, est situé à cinquante (50) kilomètres au Nord de Ouagadougou (Burkina Faso). C'est un village qui se localise donc dans la zone sahélienne. Et c'est la sécheresse et la chaleur de ce climat impitoyable qui accablent et attristent le poète, à son retour de France. Ainsi que nous le voyons, ce poème retrouve et justifie le titre même du recueil, Refrains sous le Sahel. Quant au poème intitulé: "Je suis triste", le titre à lui seul exprime éloquemment ce que nous avons déjà dit lorsque nous disions qu'il participait de la complainte du poète. Pour plus de témoignage, lisons le refrain qui est distribué au moins deux fois dans le poème :

"Je suis triste, / Je suis né dans la tristesse, / Ne m'en demandez pas trop! / ... "

Comme nous le constatons, le poète se confesse. Et son repentir est à la mesure de son "péché" qui n'est autre que son amertume, sa profonde déception. En effet malgré les efforts accomplis par ses ancêtres: " Zida", "Tanga", "Bougoum"1(*)78, son père le roi-lion et sa mère Timini, "pour que rayonne Manéga, l'adversité l'emporta". Dans "Je suis triste", le poète fait également allusion à la mort de ses frères et soeurs. Il s'agit surtout de ceux qui ont rejoint la "belle vallée" dans la fleur de leur âge, laissant PACERE dans la solitude totale. Il ne peut être heureux.. Ainsi, ce poème traduit hautement l'amertume du prince de Manéga . Il en est de même de "Hymne aux décombres". En effet ce dernier poème participe également de la complainte du poète. Il y pleure tous ceux qui "ont oeuvré pour l'Afrique noire et qui n'en ont connu ni la prospérité, ni même l'indépendance pour certains"1(*)79. Les versets suivants, qui ouvrent le poème, illustrent notre propos:

"La montagne s'est affaissée / Peu avant l'aube ! / La nuit règne sans partage ! / L'immense caïlcédrat du village / A volé en éclat. "

A l'analyse de ces versets nous pouvons remarquer un "zaburé" ou devise à leur début: "La montagne ". Il s'agit ici du roi Naba Tanga, plus précisément de sa mort. En effet, le poète pour nous dire que son aeuil a rejoint les morts "avant le développement de Manéga"1(*)80, dit qu'il a "éclaté comme un caïlcédrat avant l'aube". Au-delà de la mort du "roi-montagne" (Naba Tanga) le poète plaint tous ces illustres africains qui ont quitté le monde des vivants avant l'aube", laissant leur peuple orphelin. Ainsi que nous le voyons, Refrains sous le Sahel contient des poèmes hautement mélancoliques, tristes voire marqués du sceau du deuil de la mort. Ce recueil rivalise avec Quand s'envolent les grues couronnées, en qui concerne l'évocation ou la célébration de la mort. Cependant au-delà de cette mélancolie, les poèmes de PACERE sont des discours ethnosociologiques qui révèlent une philosophie, une vision du monde chez les mossé. Ce qui nous fait dire avec Barthélémy KOTCHY que dans l'oeuvre d'art: "les éléments sont liés à la vie sociale et obéissent à ce déterminisme."1(*)81

En effet dans le poème fleuve (Quand s'envolent les grues couronnées), nous apprenons que chez les mossé, la mort a trois degrés qui endeuillent de la même façon. Ce sont : la mort médicale, celle où les sages, les "talons rugueux" constatent que l'âme n'est plus. A ce stade, l'information est gérée et les "fileuses" ou les "bambins" sont dans l'ignorance totale. Ce n'est que quelques temps après que l'on a pris toutes les dispositions pratiques que le tambour des initiés qui appelle depuis la forêt de "Kambaongo" laisse tomber le message: c'est la mort officielle. Interviennent maintenant les funérailles ou la mort sociale. Ces célébrations servent de viatique à l'âme du défunt pour la "belle vallée" (l'au-delà) où "nous nous retrouverons"1(*)82 tous un jour.

En plus de cette mort physique qui comporte trois stades, nous avons d'autres types de morts. Ce sont: la mort ethnosociologique, c'est-à-dire celle de la civilisation mossé (nous l'aborderons dans le chapitre deux) et la mort atmosphérique ou "géographique". Cette vision pluridimensionnelle de la mort que nous enseigne le poète dans Quand s'envolent les grues couronnées est aussi, remarquable dans Refrains sous le sahel. En effet Titinga à son retour de France a trouvé le Sahel envahir son village natal (Manéga). Il en fut profondément marqué. Il exprime cette amertume dans le poème liminaire "Manéga" de Refrains sous le Sahel, à travers ses versets:

"Je suis né dans ce village

* 177 YEPRI Léon, op. cit., p.62.

* 178 Zida, Bougoum, Tanga, sont des rois qui ont règné sur Manéga. Zida est le fondateur de Manéga.

* 179 J. P. Makouta-Mboukou, op. cit., p.165.

* 180 J. P. Makouta-Mboukou, id., p.165.

* 181 Barthélémy KOTCHY, op.cit, p.65.

* 182 Quand s'envolent les grues couronnées, p.47

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault