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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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CHAPITRE QUATRIEME :
LA DEMARCHE JUDICIAIRE DANS LE PROCESSUS DE
JUSTICE TRANSITIONNELLE : UNE CONTRIBUTION
INSUFISANTE A LA DYNAMIQUE DE RETOUR A LA
PAIX

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

SECTION I : LES OBSTACLES QUI ENTRAVENT LA BONNE REALISATION DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE AU RWANDA

Paragraphe I : Les limites des Juridictions Gacaca

De façon globale, le système Gacaca a souffert de multiples lacunes et échecs : des violations fondamentales du droit à un procès équitable et des limitations de la capacité des accusés à se défendre efficacement ; des prises de décision pouvant être biaisées (souvent causées par les liens des juges avec les parties dans une affaire ou par des vues préconçues de ce qui s'est passé pendant le génocide) conduisant à des allégations d'erreurs judiciaires ; des affaires fondées sur ce qui s'est avéré de fausses accusations, liées, dans certains cas, au désir du gouvernement de faire taire les critiques (journalistes, militants des droits humains et agents de l'État) ou à des différends entre voisins et même entre membres de famille ; l'intimidation par les juges ou les autorités de témoins à décharge ; les tentatives de corruption visant certains juges pour obtenir le verdict désiré ; ainsi que d'autres graves irrégularités de procédure. L'une des graves lacunes du processus Gacaca a été son incapacité à assurer une justice égale pour toutes les victimes de crimes graves commis en 1994. Entre avril et août 1994, des militaires du Front patriotique rwandais (FPR), qui a mis fin au génocide en juillet 1994 et a formé ensuite le gouvernement actuel, ont tué des dizaines de milliers de personnes. Ils ont également commis d'autres meurtres plus tard dans l'année, après que le FPR ait obtenu le contrôle total du pays. Les tribunaux Gacaca n'ont pas poursuivi les crimes du FPR. Initialement, en 2001, les tribunaux Gacaca avaient compétence sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, en plus du génocide. Mais l'année suivante, alors que les tribunaux Gacaca commençaient leur travail, le président Paul Kagamé a mis en garde contre la confusion entre les crimes commis par les militaires du FPR et le génocide et a expliqué que les crimes du FPR étaient simplement des incidents isolés de vengeance, malgré les preuves du contraire. Des modifications apportées aux lois Gacaca en 2004 ont retiré aux tribunaux leur compétence sur les crimes de guerre et une campagne nationale du gouvernement a suivi pour s'assurer que ces crimes ne soient pas abordés dans les Gacaca231.

231 En effet, on peut souligner que la décision du gouvernement de retirer les crimes commis par le FPR en 1994 de la compétence des tribunaux Gacaca - ce qui signifiait que certaines victimes n'obtiendraient jamais justice par le biais des tribunaux communautaires ou ne seraient même pas reconnues en tant que victimes - a également limité le potentiel du système Gacaca de favoriser la réconciliation à long terme.

La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit : le cas du Rwanda.

Dix-huit ans après le génocide, les Rwandais qui ont souffert ou ont perdu des membres de famille aux mains du FPR sont toujours en attente de justice.

A. Gacaca et les éléments qui compromettent le retour à la paix

Dans les Gacaca, on y note la non-participation effective de la population qui prive les tribunaux de certains témoignages substantiels de la part des gens qui étaient physiquement présent aux lieux des crimes en 1994232. Le gros des éléments de preuve provient des aveux des accusés. Or, au regard des conditions dramatiques de détentions dans les prisons rwandaises, la plupart des aveux ne sont pas sincères. Les détenus recourent à la procédure de plaidoyer de culpabilité dans le but d'obtenir une réduction substantielle de leur peine. On procédait souvent au recours à la coercition pour contraindre la population à participer aux audiences, alors que cela devrait normalement être facile. Ainsi, selon les autorités locales des associations des victimes à Munyaga, commune Rwamagana (province de l'Est) :

Certains survivants du génocide qui allaient témoigner devant un tribunal Gacaca avaient été soumis à des actes d'intimidation, de harcèlement et de violence. Fréderic Musarira, un rescapé du génocide, aurait été assassiné en novembre à Rukemberi, dans la commune de Ngoma (province de l'Est). Le meurtrier serait un homme qui avait été libéré de prison peu de temps auparavant, après avoir reconnu sa participation au génocide. Des survivants du génocide auraient tué au moins huit personnes en représailles. Tout au long de l'année, des Rwandais ont tenté d'échapper à la justice Gacaca en se réfugiant dans les pays voisins. Certains craignaient que ces tribunaux ne révèlent au grand jour leur rôle dans le génocide. D'autres redoutaient d'être victimes d'accusations mensongères233.

Dans la même lancée, l'Agence d'information Grands Lacs Lamuka souligne que

Le système Gacaca institué en 2002 semble manquer d'impartialité. Les
accusés ne sont pas autorisés à se défendre que ce soit dans la procédure

232 La campagne du gouvernement contre le « divisionnisme » et l'« idéologie génocidaire » a eu un effet paralysant sur la capacité et la volonté des Rwandais à s'exprimer. Particulièrement préjudiciable dans le contexte du système Gacaca, cet effet a parfois empêché les membres des communautés locales de s'exprimer librement sur ce qu'ils ont vu en 1994 et leur a fait craindre des répercussions négatives s'ils témoignaient pour la défense de personnes accusées de génocide. Les Rwandais se sont rendu compte que toute déclaration faite dans le cadre des juridictions Gacaca pouvait avoir des répercussions négatives pour eux, et de nombreuses personnes en possession d'informations pertinentes ont choisi de garder le silence. Bien que seulement une poignée d'individus qui ont témoigné devant les juridictions Gacaca aient ensuite été formellement inculpés d'« idéologie génocidaire », de « divisionnisme » ou de minimisation du génocide bien d'autres ont été accusés de parjure ou de complicité dans le génocide à la suite de leur témoignage - le plus souvent lorsqu'ils ont défendu des personnes accusées.

233 Cité par Pierre Célestin Bakunda in « Les mécanismes de résolution de conflits au Rwanda: le cas de `Gacaca' », Leiden, 2007, p.4.

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d'investigations précédent le procès ou au cours de celui-ci à proprement parler. La phase initiale de collecte d'informations est apparemment contrôlée par les autorités locales (nyumba kumi234) alors qu'au regard de la loi la responsabilité revient directement aux juges Gacaca. Le manque de qualification et de formation de ces juges, tout comme la pratique de corruption constatée dans certaines communes alimentent une méfiance généralisée à l'égard de ce système235.

Par ailleurs, on peut aussi noter comme limite le fait que le système n'a pas été en mesure par exemple de constituer un fonds d'indemnisation des victimes. Un certain nombre de rescapés du génocide se sont également plaints que les juridictions Gacaca n'ont accordé aucune indemnisation financière aux victimes qui avaient perdu des proches ou qui ont été elles-mêmes blessées ou violées : seuls les victimes dont les biens ont été pillés ou détruits ont reçu des dédommagements. Dans la plupart des cas, les décisions judiciaires ordonnent aux condamnés de restituer les biens des victimes, mais dans plusieurs cas, cette restitution est matériellement impossible. Dans ce genre de situations, le mécanisme des travaux d'intérêt général est perçu comme le seul moyen de compensation à défaut d'une autre forme de réparation possible. Toutefois, ce moyen est controversé surtout lorsqu'il aboutit à des travaux exécutés pour le compte de victimes236.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo