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La mobilisation de la démarche judiciaire dans le processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit: le cas du Rwanda

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par Claudette Chancelle Marie-Paule BILAMPASSI MOUTSATSI
Université protestante d'Afrique Centrale - Master II en paix et développement 2012
  

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B. Le TPIR et l'oubli des victimes

Au Rwanda, depuis la création du Tribunal, la frustration des victimes est massive et participe de façon cruciale au sentiment selon lequel le TPIR ne leur appartient pas, n'est fait ni par elles ni pour elles. De nos jours, la question n'a toujours pas connu d'évolution notable. Le 26 septembre 2000, l'ancien greffier du TPIR Agwu Okali lançait officiellement au Rwanda un « programme d'assistance aux témoins et témoins potentiels ». Il comprend plusieurs volets : l'assistance médicale psychologique ; la sécurité physique des personnes et

248 Notre entretien mené auprès d'un ancien prisonnier, Kigali, le 23 février 2012.

249 Voir la photo aux annexes.

250 Nous faisons recours au procès du premier accusé transféré par le TPIR. En effet, pour la première fois, un accusé, Jean Uwinkindi transféré par le TPIR, a comparu jeudi 26 avril 2012 devant un tribunal au Rwanda qui doit le juger pour génocide et crime contre l'humanité. Après en fait une série de réformes judiciaires, le TPIR accepte de transférer les dossiers vers le Rwanda. Deux autres dossiers ont été également déjà renvoyés à Kigali : ceux d'un ex-inspecteur de police judiciaire, Fulgence Kayishema, et d'un ancien maire Charles Sikubwabo, tous les deux en fuite. Le Rwanda a adressé des demandes de renvoi à plusieurs pays occidentaux, parmi lesquels la France, la Grande Bretagne, les Pays-Bas, les Etats-Unis et le Canada. Ce dernier a expulsé en janvier Léon Mugusera, inculpé depuis pour planification du génocide, incitation à participer au génocide et distribution d'armes. Les Etats-Unis ont eux aussi procédé à l'extradition de deux personnes, tandis que, fin mars, la justice française a, pour la première fois rendu un avis favorable à l'extradition de Claude Muhayimana, soupçonné d'avoir pris part au génocide. Le transfert de dossiers vers les juridictions nationales fait partie de la stratégie de fin de mandat du TPIR dont les procès de première instance doivent prendre fin en juillet 2012. De plus, l'arrivée (mardi 3 juillet 2012) d'une mission officielle de la justice française concernant les poursuites contre les Rwandais vivant en France et suspectés d'être impliqués dans le génocide de 1994, a été saluée vendredi 6 juillet par la justice rwandaise. En clair, une quinzaine de Rwandais, installés en France en 1994, sont visés par des enquêtes de la justice française ou inculpés par leur participation présumée au génocide, aucun n'a encore été jugé.

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des biens ; le conseil psychologique ; la sécurité physique des personnes et des biens ; le conseil juridique ; l'assistance financière après procès, la réinstallation et le relogement. Dans une note du 22 juin 1998, Agwu Okali soulignait qu' :

Il s'agissait d'une assistance spécifiquement orientée, par différents moyens, afin de permettre au groupe ciblé- les victimes et les rescapés, notamment les veuves et les orphelins- de participer de façon plus effective au travail du TPIR d'enquêter, de poursuivre et de juger les auteurs présumés du génocide. Ce n'est pas un programme d'aide économique et sociale généralisée pour le peuple du Rwanda et ce n'est pas non plus un programme d'indemnisation251.

Ce programme est présenté comme une manifestation de la nécessité de développer une justice réparatrice, parallèlement à la fonction de rétribution que représentent les procès. Mais il a fait l'objet d'une ancienne et grave controverse. Trois années ont été nécessaires pour que ce programme voie le jour ; cette initiative a soulevé et continue d'ailleurs de soulever de lourdes craintes. Ces préoccupations sont diverses. Il s'agit du risque de subordination de témoins, de l'impression donnée que le programme ne bénéficie qu'aux témoins de la poursuite, de la dilution de la confidentialité sur l'identité des témoins protégés et, au-delà, d'un éclatement un peu plus prononcé encore de la responsabilité concernant la protection des témoins. Brièvement, le grief contre ce programme est particulièrement sérieux puisque, en apportant une réponse qui n'est pas judiciaire, l'administration onusienne serait sortie du mandat du Tribunal, provoquant une dérive dangereuse de l'institution. « Il n'y a aucun mal pour un tel organe à être associé ou à fournir de l'aide à un tiers, comme une organisation non gouvernementale, dans l'assistance à ses victimes, surtout lorsque ces activités sont menées par l'intermédiaire d'un organe neutre comme le Greffe », s'était défendu Agwu Okali252. Le gouvernement rwandais avait approuvé clairement cette initiative du greffe du Tribunal. Ce programme a aussi reçu le soutien de plusieurs organisations internationales de défense des droits des femmes.

Cependant, plusieurs critiques ont été faites :

J'ai été surpris qu'il soit ouvert aux collectifs des femmes plutôt qu'au collectif des victimes du génocide... Il y a risque de confusion. Il faut différencier l'assistance et la réparation. L'assistance est un acte volontaire et louable. La réparation, c'est autre chose : on donne un dû. Ce que nous

251 En effet, le budget total de ce programme s'élevait à 300 000 dollars tirés du Fonds de contribution (Trust Fund) du TPIR et le restant d'autres donateurs.

252 Réponse du greffier aux avocats de Jean-Paul Akayesu, le 5 octobre 2000.

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attendions du tribunal ce n'était pas une assistance. Il devrait davantage nous aider à recouvrir nos créances en nous associant aux jugements253.

Telle est la réaction d'Anastase Nabahire, membre de l'association Ibuka, nous avions eu le privilège de la rencontrer. Pour certains, ce programme ne répond en fait pas à la question de fond des victimes. Si tout les rwandais militent pour que le droit des victimes ne soit plus ignoré, le problème est de mieux y répondre. Donc, le Tribunal devrait étudier concrètement et sérieusement les choix en matière d'aide aux victimes.

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