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Problématique de l'interdiction de la vente de carburant dans le secteur informel à  Cotonou au Bénin

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par Bruno MONTCHO
Université d'Abomey- Calavi au Bénin - Maà®trise 2009
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE D'ABOMEY - CALAVI

    (UAC)

                                                      -------  

    FACULTE DES LETTRES, ARTS ET SCIENCES HUMAINES (FLASH)

                                                      -------              

    DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE

    (DS-A)

                                                       -------

    Mémoire de maîtrise

    Sujet :

    PROBLEMATIQUE DE L'INTERDICTION DE

    LA VENTE DE CARBURANT DANS LE SECTEUR INFORMEL A COTONOU

    Réalisé par : Sous la direction du :

    MONTCHO Bruno Dr David G. HOUINSA Ph.D. Professeur-Assistant

    à l'UAC

    Année Académique: 2008-2009

    Je dédie ce travail à :

    E Ma mère Dagnon MONTCHO née DJOSSOU

    E Feu père Toulassi MONTCHO

    E Feue tante Gbéhami MONTCHO née KPODEHOU

    « Nul ne peut se vanter de se passer des autres », cette assertion de Sully PRUDHOMME trouve sa justification dans l'élaboration du présent document. Ainsi, nos remerciements vont à l'endroit de:

    · tous les professeurs de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences

    Humaines (FLASH) qui nous ont formés.

    · David G. HOUINSA notre maître de mémoire qui a fait preuve de

    patience malgré toutes nos maladresses.

    · ma mère Dagnon MONTCHO née DJOSSOU, pour tous les soutiens

    et affections qu'elle n'a cessé de nous apporter, qu'elle trouve dans ce document sa satisfaction morale.

    · Bernard TOULASSI, pour le rôle capital qu'il a joué dans la

    poursuite de nos études au supérieur.

    · Jean Y. AYEVO, qui nous a prouvé que seule la persévérance dans

    le travail bien fait peut donner une ascension aux enfants des pauvres.

    · Grégoire MONTCHO, pour tous les apports et conseils adressés à

    notre endroit, qu'il retrouve ici la récompense.

    · Roger Toboko B. MONTCHO pour tous ses soutiens spirituels à

    notre égard, que ce travail soit un de ses succès.

    · tous mes frères et soeurs Yévi, Céline, Georges, Eléonore,

    Augustin, Louise, Chantal, Sylvie, Guy, Rosaline, Antoine et Catherine, recevez le fruit de vos assistances et soutiens.

    · ma chérie Carine Y. Mènassin AVOCEGAMOU pour tous les

    soutiens spirituels, matériels et autres résultant de l'amour que tu éprouves pour moi, que ce travail comble en toi une satisfaction totale.

    · Cyprien NOBIME pour tous les apports que tu ne cesses de

    m'apporter, que Dieu te bénisse.

    · madame Victorine SIZOGAN, professeur d'économie au Lycée

    Technique de Porto-Novo, pour toutes vos aides qui ont contribué à l'obtention du baccalauréat, que ce travail comble vos espoirs.

    · tous nos oncles et tantes en particulier Emile DJOSSOU, pour la

    manifestation de la volonté à nous porter assistance.

    · Aimée TINGLINSOU, pour tout ce que tu as fait dans l'élaboration

    de ce document, que le Seigneur te bénisse.

    · la famille SOSSA en particulier Anatole, Luc, Charles, Brice,

    Symphorien et Tchombé pour tous ce qu'ils ont fait pour nous, que Dieu vous protège et vous rend grâce.

    · Pascal A. ZANTOU, qui ne ménage aucun effort pour nous porter

    assistance malgré ses multiples préoccupations, que le Seigneur vous aide.

    · Raoul B. A. KODJELA pour tes aides quotidiennes.

    · ma belle famille, AVOCEGAMOU Alphonse, Odette, Candide,

    Joëlle, Toussaint et Corinne pour m'avoir considéré comme propre fils, que ce travail soit le fruit de cette considération.

    · Léon Basile AHOSSI pour toutes vos aides et contributions.

    · mesdames Yolande DAGBA, Rolande TOBOSSI, Yvette AHOTON

    GANSE, Isabelle FALADE, Olga TAYEWO, Victoire SOHOUNDJI,

    tous mes frères et soeurs du village en particulier Pierre et Francis

    DEGBE, Alphonse, Charles, François, Vincent, Richard, Bonaventure, Félix pour tous vos soutiens et conseils.

    · tous mes amis, Grâce, Casimir, Adeline, Théodore, Seth, Roland,

    Epiphane, Mathieu, Zéphirin, Linda, Vital ZOUNHO, Christophe MEGBEDJI,

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION............................................................................................6

    1ère Partie : CADRES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES................9

    I- Cadre théorique.............................................................................................10

    II- Approche méthodologique.........................................................................33

    2ème Partie : PRESENTATION, ANALYSE DES RESULTATS

    ET APPROCHES DE SOLUTIONS ............................................46

    I- L'organisation et l'ampleur de la vente informelle

    de l'essence.............................................................................................47

    II- Restitution des données de la recherche.........................................56

    III- Analyse des données de la recherche...............................................63

    IV- Approches de solutions.........................................................................83

    CONCLUSION...................................................................................................85

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES..............................................87

    LISTE DES TABLEAUX, PHOTOS ET GRAPHIQUES......................90

    ANNEXES.......................................................................................95

    INTRODUCTION GENERALE

    Le Bénin est un des pays sous-développés du continent Africain qui a comme base politique la démocratie. Il pratique l'économie de marché. Dans le but de respecter les principes démocratiques qu'il s'est dotés, il a procédé au découpage territorial.

    Ainsi, le département du Littoral est la ville de Cotonou érigée en département par la loi n°97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l'administration territoriale de la République du Bénin. Elle représente la plus importante agglomération du Bénin. Capitale économique, elle abrite la plupart des infrastructures socio-économiques, administratives, culturelles, publiques et privées. Cette concentration influence fortement l'environnement urbain et se traduit par une activité économique intense caractérisée par la motorisation galopante, la pollution atmosphérique, le niveau élevé de vie et l'explosion démographique. C'est une ville qui abrite 9,8% de la population totale du Bénin1(*).

    Cette dynamique urbaine qui ne suit pas le même rythme que l'insertion socio-professionnelle, crée d'énormes problèmes de survie aux différentes couches sociales qui y vivent.

    Les populations béninoises et celles de Cotonou en particulier sont confrontées à de sérieux problèmes pour s'approvisionner en carburant dans les stations services agréées parce que celles-ci sont insuffisantes et pratiquent des prix plutôt prohibitifs.

    Beaucoup de personnes en quête d'emplois se replient sur des activités informelles. Le manque d'alternative dans le domaine de l'emploi augmente le taux de chômage et conduit à l'exercice d'activités en désaccord avec les normes, règles et lois imposées par l'Etat.

    En conséquence, les populations sont amenées à pratiquer des activités économiques caractéristiques de la vie quotidienne de la rue. Nous pouvons citer entre autres, la mendicité, la prostitution, le banditisme, le vol, les fauteurs de troubles, les faux entrepreneurs, les fraudeurs du fisc, etc2(*). A cela s'ajoute la vente illicite du carburant dans le secteur informel. Autant de pratiques considérées comme illégales au regard des normes juridiques énoncées par l'Etat. Selon Deyssi Rodriguez-Torres, « ces activités toutes illégales qu'elles soient, s'intègrent dans la vie sociale, traduisent un style de vie et sont régulées par un certain nombre de normes propre à la rue...»3(*).

    Le carburant vendu dans le secteur informel à Cotonou et dans tout le Bénin provient de la République Fédérale du Nigéria, pays voisin avec lequel le Bénin partage plus de 773Km de frontières4(*).

    Les acteurs qui animent ce commerce illicite sont visibles aux abords des voies publiques de Cotonou et ses environs. Ils installent des tentes et des tables de fortune avec un bidon de 50 litres sur lequel on peut lire aisément le prix de vente par litre.

    La vente illicite de carburant s'est imposée à Cotonou et à tout le Bénin à travers la multiplication de points de vente, et ne cesse de prendre d'ampleur, comme en témoigne l'augmentation des quantités vendues (261.800.000 litres en 2006 contre 137367904 litres en 2000)5(*) et du nombre très important de consommateurs.

    Depuis l'apparition du commerce illicite de carburants, des mesures et décisions politiques ont été prises par les structures de l'Etat aux fins d'éradiquer cette activité. Nous pouvons citer entre autres le décret n°83-298 du 24 août 1983 qui interdit la poursuite de cette activité, et plus récemment la création en février 2003 de la Commission Nationale chargée de l'Assainissement du Marché Intérieur des Produits raffinés et leurs dérivés (CONAMIP). Mais force est de constater que l'application desdites décisions est confrontée à des résistances. On note une mobilisation presque générale des populations à soutenir les vendeurs d'essence illicite.

    C'est partant de cette antinomie que la présente étude s'interroge sur la problématique de l'interdiction de la vente du carburant dans le secteur informel à Cotonou.

    Pour mieux appréhender le sujet, nous avons adopté la démarche systémique; Ce qui nous permet de structurer le travail autour des points suivants:

    Dans la première partie, nous présenterons le cadre théorique et méthodologique. La deuxième partie présentera les résultats et l'analyse qui en résulte assortie des approches de solutions.

    I- CADRE THEORIQUE

    Les principales articulations de cette partie traitent successivement de la problématique, des hypothèses, des objectifs, de la clarification conceptuelle, de la justification du thème, du cadre d'étude et enfin de l'état de la question.

     

    I.1°) PROBLEMATIQUE, HYPOTHESES, OBJECTIFS

    Ø Problématique

    Le développement d'une nation réside non seulement dans la disponibilité des ressources humaines de qualité, mais aussi des ressources naturelles. L'une des ressources naturelles les plus recherchées est le pétrole, un produit de première nécessité dans le monde entier. Une attention particulière lui est accordée. Cet état de chose est dû à l'utilité de ses dérivés dans plusieurs domaines tels que l'énergie, le transport pour ne citer que ceux-là. Il apparaît donc comme un enjeu stratégique, économique et politique. C'est d'ailleurs ce qui justifie les études exploratoires sur les côtes béninoises commanditées en 2006 par l'Etat béninois.

    Notre pays le Bénin est consommateur-importateur du pétrole. Il en achète par l'intermédiaire des sociétés agréées sur le marché international et ceci à un prix relativement élevé.

    La crise économique qui a durement frappé le Bénin dans les années 1980 a créé une nouvelle dynamique sociale. La loi de 1987 arrêtant les recrutements dans la Fonction Publique et les Programmes d'Ajustements Structurels (PAS) de 1989 ont conduit à la privatisation des entreprises d'Etat et au licenciement de milliers de travailleurs.

    Ces différents éléments ont contribué à l'éclatement du tissu familial à Cotonou qui, auparavant, était plus unie et solidaire. Il faut désormais pour survivre, se battre rudement dans un environnement où la cherté de la vie et la satisfaction des cinq besoins fondamentaux sont devenues de véritables casse-tête chinois. Raymond BOUDON, « considère que l'individu n'agit pas dans le vide social mais qu'il est inséré dans un contexte social plus ou moins contraignant »6(*)

    C'est partant de là que la vente illicite de l'essence aux abords des voies, vulgairement appelée « Kpayo »7(*), s'est installée à Cotonou et dans tout le Bénin.

    Le « kpayo » provient du Nigeria, grand pays producteur-exportateur de pétrole (120.000.000 barils / jour) où l'essence coûte moins cher à la pompe. Les populations de Cotonou, désoeuvrées, vont exploiter la proximité de ce grand pays producteur du pétrole en Afrique et classé sixième au plan mondial8(*). Elles vont importer illégalement l'essence, suivant un circuit de redistribution propre à eux pour la céder à des prix relativement bas, comparés à ceux pratiqués dans les stations services agréées. Ce circuit est donc parallèle au circuit officiel alimenté par la Société Nationale de Commercialisation des produits Pétroliers (SONACOP) seule société ayant le monopôle depuis sa création le 04 décembre 1974 par l'ordonnance 74-70. Le secteur ne sera libéralisé que vingt et un (21) ans après, par décret n°95-139 du 03 juin 1995. La vente illicite de l'essence est devenue très inquiétante non seulement pour les sociétés agréées, mais aussi pour l'Etat qui selon les économistes et fiscalistes fait perdre au Trésor Public près de 20 milliards de francs CFA en moyenne par an9(*). Les stations services installées à Cotonou et ses environs n'arrivent pas à satisfaire les nombreuses demandes des consommateurs qui doivent veiller dans les stations services pour se procurer du carburant et ceci à un prix très élevé.

    Face à cette situation, les consommateurs n'ont d'autres issues que de se tourner vers les vendeurs d'essence « Kpayo » installés aux bords des voies publiques de la ville. Ils offrent quotidiennement une trilogie formidable qui favorise et encourage les consommateurs à venir toujours vers eux, même si au passage le prix connaît une légère hausse, c'est: bon prix-proximité-rapidité; des qualités qu'on ne retrouve pas dans les stations services agréées.

    Depuis l'apparition de la vente informelle du carburant, les acteurs à divers niveaux sont exposés à d'énormes risques d'insécurité aussi bien dans son importation, sa commercialisation que dans sa consommation. Nous pouvons citer entre autres les drames de Porga, d'Akpakpa à Cotonou et de Cachi à Porto-Novo, etc., qui ont eu tous lieu en 2007, celui du 27 mai 2008 survenu au stade de l'amitié de Cotonou et plus récemment celui de Fidjrossè (Cotonou) faisant quatre personnes brûlées le 12 janvier 2009. Il y a aussi la pollution de l'environnement de Cotonou qui, selon les autorités compétentes, est largement imputée à ce commerce. Mais, compte tenu du rôle important et des problèmes vitaux que règle ce commerce illicite, les différents acteurs pensent d'abord à la satisfaction de leurs besoins, de ceux de leurs familles et alliées qui sont à leur charge. Ces vendeurs d'essence « kpayo » «...faisant référence à la notion de survie, légitiment leurs activités en fonction d'un droit ``informel '' celui de la débrouille. Dès lors, les sentiments de révolte, d'impuissance et de désarroi se mêlent pour vilipender la répression fondée sur des lois considérées comme injustes. »10(*)

    En conséquence, toutes les actions que l'Etat béninois a engagées pour interdire la vente du « kpayo » ont rencontré jusqu'ici une résistance très forte et crée une nouvelle expansion du commerce. Ce qui vient confirmer les propos du Directeur Général du Bureau International du Travail (BIT) dans le rapport de la 78e Session de la conférence internationale du travail intitulé le dilemme du secteur non structuré:

    « Les acteurs politiques ont tendance à considérer les activités du secteur informel comme répréhensives, à harceler et à pénaliser ceux qui s'y livrent. Pourtant, malgré son éparpillement, sa précarité, le secteur non structuré n'est pas sans maintenir certains liens avec le secteur moderne. Ainsi, il dessert nombre de marchés que celui-ci ne peut atteindre en raison de sa rigidité ou de ses coûts trop élevés. En plus, les travailleurs du secteur formel sont ses clients »11(*)

    Au regard de tout cela, il apparaît important de mener une étude empirique afin de diagnostiquer les facteurs qui militent en défaveur de l'interdiction du commerce illicite de carburant au Bénin. La réponse à la question suivante nous permettra de baliser le champ de l'étude et de cerner les raisons de la persistance, voire de la prospérité du commerce illicite de l'essence : qu'est ce qui explique la persistance de la vente illicite de l'essence malgré toutes les actions engagées par l'Etat pour y mettre fin ?

    Pour y parvenir, nous avons posé des hypothèses et fixé des objectifs dont la substance est la suivante.

    Ø Hypothèses

    La formulation des hypothèses nous amène à envisager que:

    v Le différentiel des prix de vente pratiqués entre le formel et l'informel favorise la commercialisation de l'essence « kpayo ».

    v Le chômage et le faible pouvoir d'achat des populations expliquent la vente de l'essence « kpayo ».

    v La persistance de la vente illicite de l'essence « kpayo » s'explique par l'inexistence d'un cadre de reconversion efficace des acteurs commerciaux.

    Ø Objectifs

    Les objectifs sont de deux ordres à savoir l'objectif général et les objectifs spécifiques.

    S'agissant de l'objectif général, il vise à analyser les problèmes sociaux, économiques et politiques liés à l'interdiction de la vente illicite de carburants à Cotonou.

    Quant aux objectifs spécifiques, il s'agit de:

    · Analyser les disparités de prix entre les marchés formel et

    informel de l'essence.

    · Etudier les liens entre le chômage, le faible pouvoir d'achat et

    la vente de l'essence « kpayo ».

    · Etudier les relations entre la persistance de la vente de

    l'essence « kpayo » et la non reconversion des acteurs dans

    d'autres activités économiquement rentables.

    I.2°) CLARIFICATION CONCEPTUELLE

    Dans son ouvrage Les règles de la méthode Sociologique à la page 34, Emile DURKHEIM invite tout chercheur à définir au prime abord « les choses dont il traite, afin que l'on sache bien de quoi il est question c'est la première et la plus indispensable condition de toute preuve et de toute vérification... ». Pour ce faire, nous avons le devoir de, définir les termes clés de notre thème. Il s'agit entre autres, de: l'essence, secteur informel, la persistance, chômage, pouvoir d'achat, l'interdiction, la reconversion, commerce, commerçant, l'acteur politique.

    L'essence est un liquide pétrolier léger à odeur caractéristique distillant entre 40 et 220°C environ, utilisé principalement comme carburant selon le Dictionnaire LAROUSSE 2007. C'est un produit énergétique très important et indispensable pour le fonctionnement de certains véhicules. Elle est considérée comme le sang qui circule dans le corps du véhicule et sans lequel il ne peut fonctionner. Dans les grandes industries, elle constitue un solvant et représente la source d'énergie. C'est un hydrocarbure composé de carbone et d'hydrogène qui contient ou non du plomb ou du benzène. Ces substances sont nuisibles à la santé humaine. Mais les stations services au Bénin n'ont commencé à commercialiser à la pompe l'essence sans plomb qu'à la fin de l'année 2005. L'essence, en fonction de son caractère dangereux, doit être transportée, distribuée et commercialisée avec beaucoup de précautions, de délicatesse et ce par des stations services agréées. Paradoxalement, au Bénin, ce produit est vendu au bord des voies publiques dans des bouteilles ou bidons. L'essence vendue au bord des voies est dite frelatée c'est-à-dire trafiquée, falsifiée contenant des impuretés et des substances étrangères. Toute la population de Cotonou est consciente de ce fait et reconnait que l'essence « kpayo » ne bénéficie d'aucun contrôle de qualité de la part des autorités compétentes. Elle est vendue en dehors des stations services agréées.

    Définir le secteur informel revient d'abord à comprendre ce qu'on entend par secteur et informel.

    Le secteur, selon le Dictionnaire LAROUSSE 2007, est « un domaine défini d'activité économique, sociale dans un Etat, une organisation, une institution... »

    L'informel quant à lui est défini par plusieurs disciplines. Ainsi selon le Dictionnaire LAROUSSE 2007, c'est ce qui n'obéit pas à des règles déterminées, qui n'a pas un caractère officiel. Le Dictionnaire de Sociologie, le définit comme tout ce qui, dans les pratiques sociales, échappe à la normativité et à la reconnaissance sociale. Pour le Lexique d'économie DALLOZ, il désigne une économie souterraine, une activité économique non déclarée aux institutions chargées de recouvrement de l'impôt et des cotisations sociales. Cela suppose qu'il doit être reconnu par les institutions de l'Etat ; ce qui n'est pas le cas, car selon l'Institut National de la Statistique et de l'Economie (INSAE), les activités informelles sont celles menées par des entreprises non immatriculées à cet institut et qui ne disposent pas de numéro d'enregistrement. Il s'agit d'un élément que l'on trouve quotidiennement en Afrique et qui caractérise les pays sous-développés dont le Bénin, c'est un secteur qui occupe la majorité des populations non ou peu qualifiées qui en vivent. Ces acteurs n'ont pas besoin de grands moyens financiers pour exercer leurs activités. Avec des méthodes de travail rudimentaires, ils se bataillent contre la misère et la paupérisation grandissante. C'est un secteur qui prend de l'ampleur tous les jours et inquiète les autorités au point où le Directeur Général du BIT lors de la 78e session en 1991 affirme que « malgré le volume de recherches effectuées et de la documentation rassemblée, notre compréhension de ce secteur, de sa nature, de ses origines et de son fonctionnement laisse beaucoup à désirer. Au fond, une chose est sûre au sujet du secteur informel, c'est qu'il existe. »12(*)

    En résumé, le secteur informel apparaît comme une ou toute la partie de l'économie qui n'est pas réglementée par des normes légales ou contractuelles. Ainsi, les travailleurs de ce secteur ne sont souvent pas des salariés dans le sens habituel du terme. Il s'agit formellement des indépendants qui sont pour la plupart du temps en relation de dépendance vis-à-vis de ceux qui les paient.

    La persistance consiste à demeurer constante et ferme dans l'exercice d'une activité. La vente de l'essence dans le secteur informel est au regard des nombreux dégâts, risques et dangers encourus par les différents acteurs une activité à craindre voire à fuir. Elle ne doit pas connaître une expansion. Remarquons que la persistance de la vente informelle de l'essence procure tant bien que mal une satisfaction économique et sociale aussi bien aux commerçants qu'aux consommateurs.

    Le pouvoir d'achat est considéré par les économistes comme la quantité de biens et de services que permet d'obtenir, pour une unité de base donnée, une somme d'argent déterminée. Ce n'est rien d'autre que la force ou la capacité économique qu'un individu dispose pour acquérir un bien nécessaire sans craindre. Dans le cas de la vente informelle de l'essence, ce sont les consommateurs qui encouragent et renforcent le commerce parce qu'il leur permet de faire des économies compte tenu de la différenciation des prix pratiqués sur les marchés formel et informel des hydrocarbures au Bénin et de leur niveau de vie.

    Le vente illicite de l'essence nourrit plusieurs personnes et permet aux différents acteurs de régler les problèmes familiaux d'où sa vitalité. Il faut entendre par vitalité ce qui est essentiel à la vie, absolument nécessaire pour maintenir l'existence d'une personne, d'un groupe et assurer son développement. Elle est indispensable à quelqu'un et conditionne son existence matérielle.

    C'est une activité qui est pratiquée par des acteurs peu qualifiés ; cela leur permet de s'insérer dans la vie sociale réduisant ainsi le taux de chômage.

    Le chômage est considéré comme la cessation contrainte de l'activité professionnelle d'une personne ; c'est un fait économique et social constitué par la population active inemployée. Notons que le cas des acteurs impliqués dans la vente informelle de l'essence est très complexe dans la mesure où ce sont des mains d'oeuvres presque non qualifiées. A ce titre cela pose le problème de l'insertion socio-professionnelle et de la reconversion.

    La reconversion consiste quant à elle à adapter une activité économique à de nouveaux besoins, à affecter un nouvel emploi, à donner une nouvelle formation ou à changer la profession ou l'activité d'un ou plusieurs acteurs. Il s'agit ici d'appliquer tous ces éléments à des personnes non ou peu qualifiées qui ont coutume de manipuler d'importantes sommes d'argents. A quel prix va-t-on le faire puisqu'il ne s'agit pas seulement de ceux qui sont installés au bord des voies mais de grands Hommes d'affaires qui ont un fonds de commerce, un chiffre d'affaires ou un capital très élevé.

    La lutte apparaît comme une opposition violente, un affrontement plus ou moins brutal entre deux personnes, deux groupes dont chacun s'efforce de faire triompher sa cause ou d'imposer sa domination à l'autre. C'est un ensemble d'actions menées pour triompher d'un mal, de difficultés ou pour atteindre un but que l'on s'est fixé. Pour y arriver il faut élaborer des politiques.

    La politique est une manière d'exercer l'autorité dans un Etat ; une manière concertée d'agir, de conduire une affaire. La vente de l'essence « kpayo » apparaît aux yeux des autorités comme une activité à interdire sans aucune concertation au préalable avec les différents acteurs intervenant dans ce commerce illicite. Puisque son caractère le leur permet.

    Le commerce est une activité qui consiste en l'achat, la vente, l'échange de marchandises, de denrées, de valeurs, ou en la vente de services. Il s'agit d'une activité régie par le code du commerce. Elle ne peut être exercée que par des acteurs légalement reconnus. Les commerçants bénéficient de la protection des autorités pour la préservation de leurs intérêts et activités.

    Sont légalement considérées comme commerçants les personnes qui, par profession, accomplissent habituellement des actes de commerce. Les commerçants paient des impôts et taxes à l'Etat, donc contribuent énormément à la construction et au développement d'une nation. Paradoxalement, ceux qui exercent dans l'informel ne paient rien de ces taxes et impôts à l'Etat.

    Le Bénin était habitué au troc, le temps évoluant, la monnaie a modifié l'esprit premier des échanges pour y introduire des calculs onéreux. Celui qui achète une marchandise doit la revendre à un prix supérieur au prix d'achat afin d'en déduire son bénéfice. Il faut entendre par prix la valeur d'un bien ou service exprimée en monnaie. Pour mieux et vite vendre l'essence « kpayo », les acteurs, ne payant aucune taxe douanière, la vendent à un prix relativement bas, en tout cas plus bas que celui pratiqué dans les stations services. Les consommateurs affluent naturellement vers le vendeur qui livre sa marchandise à vil prix ; c'est une loi du marché.

    Le marché est considéré comme un lieu public en plein air ou couvert, où l'on vend et où l'on achète des marchandises. C'est donc un lieu de regroupement, de rencontre d'acteurs et où se font tous les calculs avantageux ou non pourvu que "mon produit" soit livré c'est-à-dire vendu. Le marché, fait appel aux notions de prix, de quantité et de qualité. Cette dernière conditionne la quantité et rend élevé le prix. Lorsque le prix est élevé, cela limite les consommateurs et fait déjà une sélection en ce qui concerne la catégorie de personnes pouvant acquérir ce bien.

    L'essence « kpayo » est achetée sur le marché qui n'est pas officiel ; on le qualifie de marché noir. Ce dernier est considéré comme un marché parallèle, le plus souvent illégal sur lequel sont échangés des biens difficiles à trouver sur les marchés classiques ou interdits par la loi. Il relève le plus souvent d'un secret de Polichinelle, car tout le monde sait qu'il existe, chacun l'alimente, soit en tant que fournisseur, soit en tant que client. Les biens ou produits qui s'y trouvent sont généralement livrés à des prix nettement bas parce que échappant à toute fiscalité. Le marché noir est prisé de tous; il a des conséquences sur l'économie mais avantage les consommateurs et vendeurs.

    Les acteurs apparaissent dans notre travail comme les éléments très importants qui agissent conformément à leurs besoins, aspirations et difficultés. Selon le Professeur TINGBE-AZALOU Albert « l'acteur est une personne, un groupe ou un organisme visant certains objectifs et confrontés à certaines contraintes et qui peut par ses stratégies et ses moyens influer sur le devenir du système étudié13(*) A la suite de cette définition, on peut distinguer deux acteurs à savoir :

    - Les acteurs commerciaux : ce sont ceux qui interviennent dans le circuit de distribution de l'essence « kpayo ». « Il s'agit des personnes qui procèdent du commerce, qui appartiennent aux services commerciaux d'une entreprise et qui agissent à but lucratif»14(*). Dans la chaîne de production et de distribution du commerce informel de l'essence, les acteurs commerciaux sont bien visibles ; ce sont les vendeurs qu'ils soient des grossistes, demi-grossistes, détaillants ou revendeurs.

    - L'acteur politique est l'autorité publique qui agit dans le but de faire respecter les lois, normes et règles. « C'est une personne qui détient un ou les pouvoirs au niveau des instances gouvernementales. Il a la possibilité de modifier un comportement observé dans la société par un processus de communication et/ou par intervention de sanctions punitives. »15(*) La vente de l'essence dans l'informel ne pourra être interdite que par les autorités politiques.

    L'interdiction est une défense perpétuelle ou temporaire faite à une personne de remplir ses fonctions, selon le Dictionnaire LAROUSSE 2007. Dans le cas d'espèce, l'interdiction ne peut être faite que par les autorités qui en fonction des dommages et des pertes enregistrés peuvent mettre fin à la pratique du commerce informel de l'essence. Ce qui revient à envisager dans quel secteur d'activité reverser ses nombreux acteurs qui doivent toute leur existence, et celle de leurs familles à la vente informelle de l'essence.

    I.3°) JUSTIFICATION DU CHOIX DU THEME

    ET DU CADRE D'ETUDE

    L'interdiction de la vente de l'essence « Kpayo » au Bénin remonte aux années 1980. Mais force est de constater que les multiples luttes engagées n'ont pas abouti à des résultats concrets. Au contraire, on assiste à une augmentation exponentielle du monde des consommateurs et acteurs animant la filière. Au niveau des vendeurs et trafiquants c'est la constitution de groupes bien organisés et bien structurés. Ces derniers, disposent d'une organisation syndicale pour défendre leurs intérêts, ce qui ne respecte aucune normativité. Cette organisation leur permet de résister et de riposter énergiquement aux assauts des autorités surtout ceux des agents de la CONAMIP. Nous avons assisté à des affrontements physiques violents entre agents de la CONAMIP et trafiquants dans la ville de Cotonou et d'autres villes du pays. Ces différents affrontements créent une situation d'insécurité dans le pays. Ce qui a amené les autorités politiques à prendre de nouvelles mesures dont l'objectif est d'orienter les vendeurs du Kpayo vers d'autres activités. Depuis que les autorités ont émis l'idée de ces probables mesures, on note une affluence considérable des populations vers ladite activité. Pour les plus anciens, ces mesures ne sont pas les bienvenues puisqu'elles ont été conçues par les autorités sans tenir compte de leurs aspirations et besoins.

    Par ailleurs, la vente illicite de l'essence est faite par de hauts responsables qui sont les grossistes puisqu'elles disposent de gros moyens financiers. Ce qui sème le doute quant à l'aboutissement et la réussite des mesures pour réprimer les contrebandiers; ce sont ces mêmes autorités qui doivent en amont élaborer les plans, les stratégies et les politiques de lutte, mais en aval elles sont à la source des ravitaillements importants. Autant de faits qui méritent réflexion et recherche.

    Nous avons également des raisons subjectives qui nous ont motivé quant au choix de ce thème. Pour réussir la mission à eux confiée, les responsables de la CONAMIP ont associé les forces de l'ordre dont des militaires. Ces derniers, sortis des casernes, sont mis en contact direct des femmes et hommes d'affaires du secteur informel ; ils n'arrivent pas à résister devant le pouvoir de l'argent, argent que les grossistes et autres acteurs leur proposent. Nous avons été témoins de ce qu'un des agents de la CONAMIP en poste s'est fait réveiller par les trafiquants pour lui donner la part représentant "le ticket de libre circulation ou le laisser passer". Aussi dans le cadre de la fête nationale de l'indépendance les policiers ont chassé pendant la journée du 31 juillet 2007 tous les vendeurs de « kpayo » installés sur la voie inter-Etats Cotonou-Bohicon. Ce qui nous a le plus marqué est que le soir même de cette date, lesdits agents se sont approvisionnés en carburant chez ces vendeurs de « kpayo ».

    Ce sont autant de faits qui contribuent fondamentalement à l'échec de la lutte entamée depuis et qui pour nous, revêt un caractère social qu'il faille aborder avec tact, rigueur, et sérénité. La pratique de la vente illicite de l'essence, du moment où elle se fait par des êtres humains et plus dans la société doit faire l'objet d'étude pour le chercheur.

    C'est d'ailleurs un fait social dans la mesure où son interdiction fragilise la quiétude sociale et conduit à des crises sociales.

    Lorsqu'on fait le point des actions (militaires) menées par l'autorité politique et qu'on n'est pas arrivé à panser la plaie ou à résoudre le problème, il s'avère important de l'approcher sous un autre angle. Cela permettra de comprendre les fondements socio-économiques qui font obstacle à son interdiction.

    Nous avons choisi la ville de Cotonou comme cadre d'étude parce qu'elle est la capitale économique et administrative du pays et partant attire les acteurs sociaux en quête d'emplois. C'est dans cette ville que circule le plus grand nombre d'engins, véhicules et où les trafiquants du « Kpayo » font de bonnes affaires. Il faut noter que c'est aussi la ville qui ressent le plus l'effet des pénuries d'essence.

    Cotonou est notre lieu de résidence, ce qui nous a facilité la recherche et réduit les dépenses auxquelles nous serions amenées à faire face, notamment en ce qui concerne le transport. Ce cadre se prête bien à notre étude parce que les groupes cibles de premier et second rangs sont facilement repérables, en l'occurrence les vendeurs en général, les consommateurs et les décideurs politiques.

    I.4°) L'ETAT DE LA QUESTION

    Cette partie nous renseignera sur les apports, les instruments théoriques et méthodologiques utilisés par nos prédécesseurs sur ce sujet. A ce titre, nous procèderons à une synthèse succincte des études réalisées sur le phénomène aussi bien dans notre pays que dans d'autres. Cela nous permettra de rendre compte et d'établir les analogies et les disparités.

    L'environnement social du Bénin en général et de Cotonou en particulier amène les différents acteurs sociaux à exercer diverses activités informelles dont la vente illicite de l'essence.

    WEBER M. 1904-1905, a analysé les comportements qui motivent les actions et les activités de l'acteur social. Il focalise ses réflexions sur les motivations individuelles et de l'idéal-type qui se manifeste par l'orientation de l'action sociale. L'idéal-type est défini selon l'auteur comme « une construction épurée qui permettra de faire le lien entre des observations empiriques et la perspective théorique. Il s'agit d'un instrument de la connaissance qui rend la réalité intelligible, en sélectionnant et en accentuant les traits les plus significatifs des situations observées. »16(*) Il décline les idéaux-types en comportements qui caractérisent les actes que pose l'acteur. Ainsi, nous avons les comportements traditionnel et affectueux où l'orientation de l'action sociale est guidée par une faible conscience d'une part ; les actions rationnelles en valeur puis en finalité d'autre part dont l'action sociale est guidée par une forte conscience de l'individu. Ce dernier agit ici par conviction ou par confrontation rationnelle des moyens dont il dispose et des buts qu'il poursuit. En résumé, l'acteur est donc actif selon WEBER M.

    BOUDON R. 1977, prolonge cette réflexion du maître à travers l'individualisme méthodologique. Selon l'auteur, « tout phénomène social, quel qu'il soit, doit être analysé comme la résultante d'actions individuelles. »17(*) Les logiques développées par ces auteurs nous amènent à dire que les vendeurs d'essence informelle n'agissent pas dans le vide social mais qu'ils sont contraints par l'environnement social.

    Cette analyse ou façon de cerner la réalité sociale s'oppose à l'holisme méthodologique de DURKHEIM E. 1895. Pour ce dernier, la société préexiste aux individus c'est-à-dire que la conscience collective déborde de toutes parts les consciences individuelles. En d'autre terme, l'auteur préconise « d'expliquer les faits sociaux par les modifications du milieu interne et non pas à partir des états de la conscience individuelle. »18(*) A la suite de l'auteur, nous pouvons dire qu'avant de comprendre la persistance de la vente de l'essence informelle, il faut interroger toute la société béninoise avant de savoir pourquoi cela est devenu une pratique sociale.

    BOURDIEU P. 1970, fait la synthèse de la façon d'aborder les réalités sociales par les auteurs précédents. Il considère la société comme un champ de forces structuré par des positions dominantes. Ces positions déterminent les distances à respecter entre les agents du champ, et un champ de lutter pour la conquête de positions dominantes. Selon l'auteur, chaque acteur se situe sur un point du cercle du champ et cherche à satisfaire ses intérêts afin d'atteindre la position dominante. En clair, les vendeurs d'essence « kpayo » évoluent en fonction de leurs moyens dans un système où chaque acteur joue un rôle important aussi bien dans l'importation, la commercialisation que la consommation. Il suffit de vouloir toucher un maillon du système pour voir ce dernier réagir vivement, puisque les intérêts sont menacés.

    FRIEDBERG E. et CROZIER M.19(*) dans leur analyse mettent l'acteur au coeur de toute organisation. Cette dernière apparaît comme un ensemble de rouages compliqués, mais parfaitement agencés et prouve à quel point les comportements demeurent complexes et échappent au modèle simpliste d'une coordination mécanique ou d'un déterminisme simple. Les auteurs considèrent toute organisation comme «...le royaume des relations de pouvoir, de l'influence, de marchandage, et du calcul. Mais elle n'est pas davantage l'instrument d'oppression qu'elle apparaît à ses détracteurs, car ces relations conflictuelles ne s'ordonnent pas selon un schéma logique intégré. Elles constituent les moyens pour d'innombrables acteurs de se manifester et de peser sur le système et sur leurs partenaires même si c'est de façon très inégale.»20(*) Cela prouve qu'il serait très difficile de comprendre la vie sociale, réelle et la dynamique d'une organisation si l'on n'admet pas l'attachement très fort, et parfois passionné de ses membres les plus démunis à une liberté qui n'apparaît pas du dehors.

    L'acteur est un agent autonome doté d'une liberté capable, de manipulation et d'imagination; ce qui lui permet de s'adapter à toutes situations afin d'y proposer les solutions et les portes de sortie. Les auteurs affirment à ce titre que «...même dans les situations les plus extrêmes, l'homme garde toujours un minimum de liberté et qu'il ne peut s'empêcher de l'utiliser pour battre le système. »21(*) Cette liberté ne saurait être totale dans la mesure où ils essaient de la relativiser. En effet, selon eux, «...tous les acteurs n'ont qu'une liberté restreinte et ne sont capables corrélativement que d'une rationalité limitée. Autrement dit, les acteurs- leur liberté et leur rationalité, leurs objectifs et leurs besoins ou si l'on veut leur affectivité sont des construits sociaux et non pas des entités abstraites.»22(*) Ce qui leur a permis de se rendre compte que l'acteur dans tout système jouit non seulement de sa liberté mais aussi élabore des stratégies qui déterminent ses agissements, réactions et comportements. Selon les tenants, le comportement de l'acteur est motivé par des objectifs parfois clairs et des projets cohérents. Ce comportement est actif et a toujours un sens ; il présente deux aspects : un offensif afin d'améliorer sa situation et un autre défensif c'est-à-dire qui lui permet le maintien et l'élargissement de sa marge de liberté, donc de sa capacité à agir. En d'autres termes, on ne peut pas comprendre les motivations et comportements de l'acteur en dehors du système. Ce dernier apparaît comme un ensemble cohérent, organisé et ordonné d'éléments. A ce titre, il suffit de toucher un élément du système pour voir l'ensemble s'ébranler.

    RODRIGUEZ-TORRES D.23(*) axe toute sa réflexion sur l'informel et l'illégale. Pour l'auteur, vivre et survivre à Nairobi (ville où l'auteur a réalisé son étude) apparaît comme un combat quotidien rude ; ce qui amène les acteurs à exercer toutes sortes d'activités qui pourraient leur permettre de satisfaire les besoins même les plus élémentaires. Pour l'auteur, « l'essentiel de la survie dans la rue se fait dans un premier temps, grâce à des activités liées au secteur informel. Ces activités peuvent être momentanées, conjoncturelles ou permanentes. La dynamique sociale urbaine et la persistance de la pauvreté provoquent des changements dans les comportements sociaux et conduisent les travailleurs de la rue à s'insérer dans d'autres types d'activités, leur permettant d'augmenter leurs maigres revenus. »24(*) Les réalités montrent que tout le monde ne peut jamais être occupé par des structures publiques ou privées, donc que certaines doivent leur existence à l'exercice d'activités à caractère légal ou illégal. « Ces activités toutes illégales qu'elles soient s'intègrent dans une vie sociale, traduisent un style de vie et sont régulées par un certain nombre de normes propres à la rue. De ce fait, ces formes de travail constituent un mode de socialisation et d'organisation des groupes et sont confrontés à une multiplicité de régimes juridiques souvent contradictoires, chargés de régir des comportements divers de la vie collective. Les manières de faire, de sentir, de penser, d'agir ne se manifestent pas de la même façon dans tous les secteurs de la société, mais ces éléments deviennent normes englobant l'ensemble de la population, lorsqu'ils sont socialement déterminés ou sanctionnés par la loi ou par un groupe social spécifique. »25(*) L'auteur présente l'informel comme le résultat ou le contournement de la loi édictée par l'Etat puisque dans ses analyses, l'illégalité trouve sa source dans la transgression des codes juridiquement établis. Il fait remarquer le paradoxe qui caractérise le secteur informel car malgré son caractère, ses acteurs se transforment en médiateurs auprès de la société pour essayer de sauver leur vie.

    C'est par exemple le cas des syndicats formés par les vendeurs d'essence « kpayo » du secteur informel pour défendre leurs intérêts en période de répression. L'Etat négocie avec eux et cherche à satisfaire leurs doléances, préoccupations et exigences.

    Au vu des énormes difficultés, manques à gagner et son ampleur dans les pays africains de nos jours, le secteur informel a intéressé plusieurs chercheurs qui ont abordé le sujet sous divers angles.

    IGUE J.O. et SOULE B.G.26(*) font remarquer qu'il est difficile d'envisager en ayant recours ou en se fondant sur les analyses macroéconomiques, que le commerce informel peut être interdit. Ils font remarquer qu'il existe des facteurs sociologiques qui favorisent énormément et considérablement le commerce illicite des produits pétroliers entre le Bénin et le Nigéria : affinité culturelles et linguistiques, les valeurs spirituelles, les stratégies d'intervention des acteurs, le fonctionnement des réseaux marchands, etc. Ils focalisent leur recherche sur les peuples yoruba qui se retrouvent de part et d'autre des frontières des deux pays. Cette ethnie, selon les auteurs, est à l'origine du commerce illicite dans son ensemble entre les deux pays. C'est un peuple qui, au moment des crises aiguës entre ces deux nations, réussissent subtilement à faire fonctionner leurs réseaux informels des échanges. Il ressort de l'analyse de ces auteurs qu'il serait très difficile à l'Etat béninois de pouvoir supprimer ce commerce tant qu'il y aura une disparité de prix et de politique monétaire dans les deux pays.

    KALHOULE N. T.27(*) a fait un diagnostique sur les composantes sociales et politiques qui font persister la vente de l'essence informelle à Cotonou. Selon l'auteur, cette activité apparaît comme une alternative d'emploi, une profession pour les sans qualifications, les désoeuvrés et les chômeurs. A ce titre, les discours et sa perception diffèrent selon la position qu'occupe chacun des acteurs impliqués dans la commercialisation ou son interdiction. Il a insisté sur les risques majeurs liés à la pratique de ce commerce sur le plan sanitaire et environnemental. L'auteur considère qu'il existe des représentations sociales, une fidélité autour de ce commerce.

    Nous sommes en présence d'une activité qui, pour la plupart des acteurs commerciaux, constitue la principale et unique source de revenu. Ainsi, HOUNYE SEDDOR C.28(*) met l'accent sur l'importance du volume des quantités d'essence vendues dans le secteur informel. Pour l'auteur, la quantité des produits pétroliers consommée au Bénin est d'environ 500.000 tonnes par an ; mais 80% de ces produits proviennent de l'informel.

    L'ouvrage de MORILLON V. et AFOUDA S.29(*) fait ressortir des analyses très pointues du phénomène de la vente illicite des produits pétroliers. Ils ont fait l'état des lieux et analysé les facteurs et déterminants qui ont favorisé ce commerce. Il ressort de leurs écrits que les marges bénéficiaires que réalise un consommateur qui s'approvisionne sur le marché parallèle et le marché officiel sont vraiment importantes et considérables. La baisse vertigineuse des ventes officielles des produits pétroliers est due à la défaillance des compagnies de distribution agréées à pouvoir couvrir tout le territoire béninois, à la dépréciation du naira (monnaie nigériane) et à la disparité des prix. Ils ont aussi fait remarquer que dans le même temps où il y a insuffisance des stations services, les parcs automobiles et les engins augmentent très rapidement et facilement. Toutes ces demandes sont satisfaites par le secteur informel.

    KITI A.30(*) montre que la vente illicite de carburant est florissante au Bénin grâce aux circuits lacustres et terrestres de distribution. L'auteur explique que les commerçants, par des embarcations d'une capacité variant entre 50 et 300 bidons de 50 litres, desservent les populations de Cotonou et ses environs par le lac Nokoué. Ses investigations ont montré que 90% des véhicules saisis par les agents des services contentieux de la Direction des Douanes sont impliqués dans le trafic illicite de produits pétroliers. L'auteur a également abordé les risques majeurs encourus par les acteurs de ce commerce du fait des mauvaises conditions de stockage, de livraison et les conséquences économiques.

    Une autre contribution est de YABI G.31(*) Dans son ouvrage,  il a fait ressortir la forte dépendance du Bénin du Nigéria. L'auteur cite la date du 09 août 2004, date à laquelle le Bénin s'est vu fermer ses frontières avec le Nigéria. Motif : «Le Bénin ne prend pas des mesures adéquates pour lutter contre la criminalité transfrontalière, en particulier les attaques à mains armées, la contrebande et le trafic d'enfants». Cette situation qui a peu duré a secoué voire porté un coup dur à l'économie béninoise. C'est la seule fois, depuis son apparition, que l'essence vendue illégalement au bord des voies de Cotonou et dans les autres villes du pays a disparu complètement. Ce qui permet à Gilles YABI d'affirmer que l'économie béninoise dépend en grande partie du Nigéria et surtout de l'importation de l'essence « Kpayo ».

    Dans une étude réalisée en mars 2006, la BCEAO32(*) a montré que le marché formel est confronté à de sérieux problèmes pour sa prospérité. Cet état de chose est dû aux multiples avantages offerts par le marché nigérian des hydrocarbures à travers les prix pratiqués et du coût du Naira sur le marché parallèle de change où s'effectuent toutes les transactions des trafiquants. Cette étude s'est beaucoup appesantie sur les pertes économiques qu'occasionne la vente illicite des produits pétroliers non seulement à l'Etat béninois mais surtout aux sociétés agréées.

    Il convient de mentionner le travail de SOSSA K. L.33(*) qui a fait ressortir les différents aspects du commerce, les relations qui lient les divers acteurs, les impacts du commerce sur les populations de Godomey et les stratégies dont la mise en oeuvre permettra d'améliorer la filière. Malgré les problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels sont confrontés les populations et les autorités à divers niveaux, l'auteur fait remarquer qu'il vaut mieux penser à améliorer ce commerce illicite que de chercher à le supprimer.

    Nous avons lu les écrits de ATCHOKOSSI C.K.34(*) qui nous montre le paradoxe du marché des hydrocarbures béninois. Il s'agit du fait que ceux qui sont en règle souffrent énormément d'une mévente chronique dans les stations services alors que ceux qui évoluent dans l'informel et se sont installés au vu et au su des autorités et de tout le monde dans toutes les rues de Cotonou réalisent de bons chiffres d'affaires tous les jours.

    La vente illicite de l'essence est devenue depuis longtemps une préoccupation sous-régionale au point où il a réuni les 25 et 26 septembre 2006 à Lomé (Togo) les autorités du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Togo pour une concertation sur l'assainissement du marché des produits pétroliers. A la suite de cette rencontre, plusieurs résolutions et mesures ont été prises mais jusqu'aujourd'hui nous n'avons pas des résultats probants et concrets. Remarquons qu'à cette réunion, le pays pourvoyeur c'est-à-dire le Nigéria n'était pas présent, ce qui constitue un handicap grave à la résolution du problème.

    En Républiques du Cameroun et du Niger, le phénomène est aussi présent. Ainsi au Cameroun, par exemple, les produits pétroliers issus de l'informel occasionnent des pertes fiscales pour le Trésor public, pertes qui sont de l'ordre de 35 milliards de francs CFA selon le journal La nouvelle expression.35(*) Dans le même temps, c'est un secteur qui occupe près de "63% de la consommation totale de la province de Douala,"36(*) selon SAMBA Dieudonné Délégué Provincial des Mines, Eau et Energie du Littoral.

    La plupart des auteurs, chercheurs et autorités imputent la responsabilité de la pollution grandissante de la ville de Cotonou à la qualité de l'essence vendue dans l'informel et utilisée par la majorité des voitures et taxis-motos en circulation.

    Les différents ouvrages que nous avons consultés ont abordé les conséquences et les problèmes économiques, sociaux, sanitaires et environnementaux. Ces auteurs ont occulté l'aspect interdiction formelle comme l'entendent les autorités politiques et administratives du Bénin.

    Cette réalité sociale a besoin d'être bien cernée dans son ensemble ; pour ce faire, il faut étudier les différents mécanismes utilisés, les raisons de sa persistance et les préoccupations des différents acteurs qui pratiquent le commerce. A ce titre nous étudierons la perception des acteurs commerciaux de la lutte contre l'éradication, la suppression ou l'interdiction de la vente de l'essence dans l'informel. Ensuite nous ferons l'état des lieux des stratégies, mécanismes et moyens de lutte utilisés par les structures étatiques en charge de la régulation desdits produits au Bénin. La présente étude contribuera à mettre en évidence les différents facteurs qui ne favorisent pas l'interdiction du phénomène tel que mise en oeuvre par les structures de l'Etat.

    II- APPROCHE METHODOLOGIQUE

    La complexité des différents thèmes, sujets et réalités sociales sur lesquels se fondent les analyses des sciences humaines et sociales font qu'elles adoptent une méthodologie axée sur une rigueur scientifique. Cette rigueur est confirmée par R. BOUDON et F. BOURRICAUPD qui, dans le Dictionnaire critique de sociologie, affirment que  « contrairement à une confusion courante, la méthodologie désigne, non les techniques de l'enquête empirique et de l'analyse des données, mais l'activité critique qui s'applique aux divers produits de la recherche37(*) ». C'est donc une partie importante dans la rédaction d'un document scientifique comme le nôtre. Elle s'intéressera à la présentation du cadre d'étude, à la délimitation temporelle et du déroulement de l'enquête, à la nature de l'enquête, aux groupes cibles, à l'échantillonnage, aux techniques d'investigation, à l'analyse des données et enfin aux difficultés rencontrées.

    II.1°) Présentation du cadre d'étude

    La ville de Cotonou est la commune la plus importante sur presque tous les plans au Bénin. Pour atteindre nos objectifs, une bonne connaissance de l'espace s'impose.

    II.1.1. Les caractéristiques physiques38(*)

    Le Littoral est le plus petit des douze (12) départements du Bénin en termes de superficie, soit 79 km², avec une densité moyenne de 8419 hbts/km². Il s'étend sur 10 km à l'Ouest où il est limité par la commune d'Abomey-Calavi du département de l'Atlantique et sur 6 km à l'Est en côtoyant la commune de Sèmè-Kpodji du département de l'Ouémé. Cotonou est situé au croisement des 6°20 du parallèle Nord et 2°20 méridien Est.

    L'Océan Atlantique forme la limite Sud de la ville. Au nord, le département du Littoral est limité par le Lac Nokoué ; il est composé de treize (13) arrondissements et de 140 quartiers de ville. C'est une ville qui est comprise entre deux plans d'eau. Le climat qui caractérise Cotonou est subéquatorial caractéristique du Sud-Bénin. La moyenne pluviométrique est comprise entre 1 200 et 1 300 mm avec des températures relativement élevées. Le département est situé sur un cordon littoral constitué d'une bande de sable alluvial quarticule, un système lagunaire qui se communique par endroits et qui s'étend sur environ 200 km de l'Ouest à l'Est entre Lomé au Togo et la ville de Lagos au Nigéria. Il y souffle des vents forts qui ont une direction du Sud-ouest vers le Nord-est et de la brise. Ce qui provoque la dispersion, la dilution des polluants atmosphériques et par ricochet l'extension des effets de nuisance dans la ville.

    Hormis ces aspects physiques, Cotonou est une ville qui offre des caractéristiques socio-économiques qu'il importe d'évoquer.

    II.1.2. Caractéristiques socio-économiques

    Contrairement à tous les autres départements, celui du Littoral est constitué d'une seule commune qu'est la ville de Cotonou. Elle est très peuplée. Sa population est de 536 827 hbts en 1992 et de 665 100 habitants en 2002 ; ce qui fait ressortir un taux moyen de croissance démographique de 3% avec un poids de 9,8% de la population du pays39(*). Remarquons que la population de Cotonou s'est considérablement accrue comme le montre la courbe ci-dessous selon les projections de l'INSAE élaborées en octobre 1999.

    Tableau I : Projection de la population de Cotonou (2005 à 2010)

     
     
     

    2005

    2006

    2007

    2008

    2009

    2010

     
     
     

    731 881

    748 359

    764 753

    781 051

    797 226

    813 178

     
     
     

    Source : INSAE, Projection de la population du Département du

    Littoral de 1997 à 2032, Octobre 1999.

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    Graphique n°1 : Evolution de la population de Cotonou

    Source : Moi-même

    La ville de Cotonou est celle dans laquelle circule le plus grand nombre d'engins à deux roues et de voitures. Cela à cause du port et des parcs de ventes de véhicules d'occasion.

    Cotonou est animée par des populations de ses banlieues et régions voisines. Elles sont d'ethnies diverses aussi bien nationales (Fon, Goun, Adja, Yoruba, Nago, Aïzo etc..) qu'étrangères (Français, Anglais, Djoula, Ibo, Libanais, Chinois etc.).

    La population de Cotonou est très jeune car la tranche d'âge de 0 à 20 ans en représente 52% ; celle de 20 à 50 ans 42% et celle de plus de 50 ans 6%.

    Remarquons que c'est une population qui présente le taux d'instruction le plus élevé du pays selon les enquêtes dépenses des ménages de 1999. Ce taux est de 90,4% pour les hommes et 81,7% pour les femmes ayant au moins le niveau du primaire. Cela suppose que nous sommes en présence d'une population qui ne souffre pas d'une incompréhension des règles élémentaires de droit et dans une certaine mesure des lois.

    Par ailleurs, l'enquête «Dépenses des ménages » de 1999 montre qu'à Cotonou, 49,2% des hommes sont employés et 50,8% de femmes. Cet état de chose est certainement le résultat des activités commerciales organisées dans les marchés Dantokpa, Ganhi, Missèbo, Saint Michel où les femmes jouent un rôle prépondérant.

    Rappelons finalement que c'est la ville du Bénin qui abrite la majorité des industries, les petites et moyennes entreprises; mais paradoxalement, c'est elle qui enregistre le taux de chômage le plus élevé 77,78%. Cette situation amène les personnes qui n'ont pas d'emploi pour survivre à s'adonner ou à évoluer dans le secteur informel comme la vente illicite des produits pétroliers. "Ce secteur à lui seul emploie 36 % de la population active du Bénin, il constitue un vivier d'emplois pour l'essentiel non ou peu qualifiés"40(*).

    La vente et l'utilisation du carburant issu de l'informel exposent les Cotonois à des risques majeurs sur les plans social, économique et environnemental ; ces indicateurs suffisent pour que son interdiction ne pose aucun problème, mais c'est à une situation contraire qu'on assiste.

    II.2°) - Délimitation thématique, temporelle

    et déroulement de l'enquête

    II.2.1-Délimitation thématique

    Le thème ``Problématique de l'interdiction de la vente du carburant dans le secteur informel à Cotonou'' situe clairement notre champ d'étude. Mais pour ne pas naviguer à vu, nous avons envisagé de focaliser notre recherche dans certains quartiers tels que : (Agbato, Aïdjèdo, Yagbé et N'vènamèdé) de la ville de Cotonou. Ces quartiers sont choisis non seulement à cause de leur situation géographique mais surtout de la présence et du nombre important de vendeurs. Notre séjour dans ces différents quartiers nous permettra de constater l'organisation qui entoure ce commerce afin d'expliquer sa persistance quels qu'en soient les problèmes sociaux qu'il pose. Ce qui nous aidera à envisager les motivations des autorités politiques à éradiquer cette pratique commerciale.

    Nous avons élargis notre champ d'étude dans la ville d'Abomey-Calavi. Cette dernière est considérée comme la cité dortoire de la majorité des fonctionnaires et de la plupart des populations qui animent la vie de Cotonou. En outre, elle abrite les grossistes, le plus grand nombre des vendeurs et approvisionne aussi Cotonou par l'entremise du débarcadère.

    II.2.2-Délimitation Temporelle et déroulement

    de l'enquête

    Cette partie se consacre de mettre en exergue les différentes étapes suivies afin d'aboutir à la finalisation de ce document. Il s'agit de l'étude documentaire, des travaux de terrains subdivisés en deux dont la pré-enquête et l'enquête proprement dite.

    L'étude documentaire a permis de fréquenter des centres de documentation et des bibliothèques. Des ouvrages et mémoires ayant trait au thème ont été lus. Ils ont servi de bases solides dans la conduite et surtout l'élaboration du protocole de recherche. Elle a duré d'Octobre 2007 au Mars 2008.

    Parlant du travail de terrain, il y a la pré-enquête qui a couvert la période du 1er Avril 2008 au 27 Avril 2008. Nous avons fait cette pré-enquête dans les régions d'Adjarra et de Porto-Novo le long du lac surtout dans les quartiers de Djassin et Mèdéjonou. C'est des lieux par où transite l'essence « kpayo » pour se retrouver dans les autres villes du pays dont Cotonou.

    L'enquête proprement dite s'est déroulée du 07 septembre 2008 au 20 Octobre 2008. Cette partie du travail apparaît très délicat et difficile, elle concerne spécifiquement les acteurs du commerce informel de l'essence, les consommateurs, les autorités politiques et les gérants des stations services et mini-stations. Pour ces derniers, il s'agit d'une étude qui est la bienvenue dans un monde où ceux qui sont en règle souffrent et perdent l'argent investi. Ils ont été très intéressés et ont donné des éléments nécessaires permettant de faire un travail de qualité et exploitable par les autorités. Nous avons administré aux acteurs commerciaux du « kpayo » les questionnaires. Ces derniers ont lieu au niveau des étalages qui constituent leurs lieux de travail par excellence.

    Rappelons enfin que la recherche documentaire s'est poursuivie jusqu'à la fin de ce travail.

    II.3°)- L'Enquête

    II.3.1- Nature de l'étude

    C'est une étude systémique en ce sens qu'elle vise à décrire et à analyser le fonctionnement du système. Il s'agit d'une étude à caractère qualitatif et quantitatif en fonction du caractère sensible et des questions qu'elle soulève tant au niveau des autorités politiques que des acteurs commerciaux.

    II.3.2- Groupes cibles

    La population ciblée dans le cadre de cette étude est constituée de toutes personnes ayant un rapport avec la vente informelle de l'essence. A ce titre nous avons considéré comme acteurs de premier plan les vendeurs et les commerçants. Ceux de second plan sont les acteurs politiques impliqués dans l'interdiction de l'essence vendue dans l'informel. Il s'agit :

    - des autorités du Ministère de l'Industrie et du Commerce

    - des autorités du Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature.

    - des responsables de la CONAMIP.

    II.3.3- Echantillonnage

    La ville de Cotonou est celle qui abrite la plupart des entreprises, sociétés publiques et privées du Bénin. Ce qui se manifeste par la concentration des activités dont le taux est évalué à 61,45% ; c'est la ville du Bénin dans laquelle on dénombre aujourd'hui plus d'un million d'habitants occupés à 9% par des emplois informels.3(*)6

    Pour atteindre les objectifs, nous avons orienté notre enquête dans quatre (04) quartiers de la ville répartis entre les 1er, 2ème, 3ème, et 6ème arrondissements. Ces différents quartiers constituent les grands points d'embarquement et de débarquement de l'essence vendue dans l'informel. C'est à partir de ces quartiers que les vendeurs desservent toute la ville de Cotonou et ses environs.

    Compte tenu de la nature des informations recherchées, c'est le choix au hasard qui a été appliqué aux vendeurs et commerçants vus leur nombre élevé et du fait qu'on ne dispose pas de leurs listes complètes. En conséquence, tous les vendeurs et commerçants des quartiers ciblés voire les autorités politiques et gérants de stations n'ont pas été questionnés.

    L'échantillonnage stratifié est retenu pour que les groupes ciblés soient représentatifs. Ces strates sont subdivisés en quatre dont : 

    - Les vendeurs ou commerçants

    - Les consommateurs

    - Les autorités politiques

    - Les gérants des stations services agréées.

    Ces strates sont représentées par 100 unités détaillées dans le tableau ci-dessous:

    Tableau II : constitution de groupes cibles

    Acteurs

    Effectifs

    Observations

    Vendeurs

    50

    - 30 commerçants.

    - 20 distributeurs.

    Consommateurs

    35

    - 12 conducteurs de taxi moto.

    - 10 taximen.

    - 05 conducteurs de véhicules

    - Administratifs.

    - 08 conducteurs de véhicules privés.

    Autorités politiques

    10

    - 06 responsables de

    la CONAMIP.

    - 02 responsables de la

    Direction Générale

    du Commerce Intérieur.

    - 02 responsables de la

    Direction de l'Environnement.

    Gérants

    des Stations

    05

    - 03 gérants de

    grandes stations.

    - 02 gérants de mini-stations.

    Total

    100

     

    Source: Données du terrain

    II.3.4- Techniques d'investigation

    La nature du travail, le secteur et les acteurs sur lesquels repose la recherche nous imposent d'utiliser des techniques comme l'observation et l'entretien. Pour la collecte des données, nous avons utilisé comme outil, le guide d'entretien et le questionnaire.

    Le guide d'entretien a été adressé aux autorités politiques impliquées dans la lutte contre la vente informelle de l'essence et celles ayant en charge la gestion du sous-secteur des hydrocarbures, de la sécurité intérieur et de l'environnement. Ces responsables sont très importants pour notre travail dans la mesure où ce sont eux qui connaissent les politiques passées, actuelles et futures à appliquer par l'Etat pour mettre fin définitivement à cette vente. Elles représentent des personnes ressources pour notre travail.

    Le questionnaire par contre est adressé aux vendeurs qui sont considérés comme les acteurs principaux qui pratiquent et subissent voir subiront les conséquences de l'interdiction dudit commerce. A ce titre, cet outil nous a permis d'évaluer la situation, les méthodes et les stratégies qui leur permettent d'exercer le commerce d'une part, leurs opinions face à l'interdiction penser par l'autorité d'autre part.

    II.3.5- L'analyse des données de terrain

    Pour l'analyse des données recueillies sur le terrain, nous avons procédé au dépouillement manuel; cela nous a permis de trier les questionnaires exploitables de ceux non exploitables en fonction des objectifs à atteindre.

    Le traitement des données a été fait à base des logiciels IDAMS de gestion d'analyse des données statistiques; Word et Excel. Ce qui nous a permis la production des tableaux et de calculer les fréquences des données qualitatives.

    En ce qui concerne l'analyse des guides d'entretiens adressés aux autorités, consommateurs et gérants des stations services, nous avons analysé les contenus de leurs discours.

    II.4°)-Les difficultés rencontrées

    La réalisation de cette étude a rencontré beaucoup de difficultés qu'il importe de considérer comme inhérentes aux travaux de recherche dans un domaine aussi complexe que celui de la contrebande en particulier la vente informelle de l'essence. Ces difficultés rencontrées se résument entre autres comme suit:

    La réticence des groupes ciblés en l'occurrence les vendeurs et les conducteurs de véhicules administratifs qui nous considéraient ou nous assimilaient aux agents des douanes, de la sécurité publique ou de la CONAMIP transformés en chercheurs, en raison des menaces et répressions dont fait l'objet l'exercice de cette activité. Ils nous prennent comme des gens en quête d'informations qui pourraient être utilisées contre eux;

    Le caractère informel de cette activité détermine l'inexistence de données quantitatives fiables dont la connaissance importe pour la bonne conduite de cette recherche. Nous donnons pour illustrer la divergence des estimations de volumes d'essences informelles commercialisées selon que l'on soit à la Direction Générale du Commerce Intérieur (DGCI), à la Direction des Transports Terrestres (DTT) ou à la Direction de l'Energie (DE);

    L'accès aux autorités politiques constituent un autre calvaire compte tenu de maints rendez-vous reportés ; ce qui influence le chronogramme.

    L'accès aux documents relatifs aux moyens de lutte, aux solutions de rechange proposées aux acteurs commerciaux par le gouvernement béninois était presque difficile à consulter voire inexistants ;

    L'indisponibilité de nos principaux informateurs et de leurs collaborateurs, en raison des tracasseries et de la fatigue liées à l'exercice de cette activité. Ces derniers nous abandonnent au profit des clients impatients d'être servis arrêtant la discussion. Notons surtout la rétention voire la non franchise des informations d'ordre économique;

    De toutes les difficultés énumérées, celle majeure a été le non respect du chronogramme, et du chronotâche. Ils ont été plusieurs fois rétablis, réaménagés pour un suivi rigoureux, mais sans succès, c'est le terrain qui dicte ses lois. Il y a toujours un imprévu, une partie à modifier, à améliorer.

    I. L'ORGANISATION ET L'AMPLEUR DE

    LA VENTE INFORMELLE DE L'ESSENCE

    Cette partie nous renseigne sur les origines, les acteurs qui animent le commerce, les circuits de distribution et des volumes d'essences informelles commercialisées comparées à celles du secteur formel.

    I.1°) - Origine

    Les échanges commerciaux entre le Bénin et le Nigéria ne se faisaient pas dans une légalité. Ceci compte tenu des marchés jumeaux et des centres commerciaux que partagent les populations des deux pays installées le long des frontières. Les contrastes de peuplement (136 000 000 d'habitants au Nigéria, 7 000 000 d'habitants au Bénin en 2004) et les différences de dotations en ressources naturelles et économiques constituent des atouts pour l'économie béninoise. Ces éléments ont favorisé les relations commerciales qui ont vite pris la forme d'échanges de contrebande même depuis déjà 1950 ; ceci à cause de la démarcation monétaire du franc CFA convertible et le naira non convertible introduite par les colons Français et Anglais. La cohabitation de ces deux monnaies était déjà à l'origine de trafic illégal portant sur les produits manufacturés. Ces populations effectuent les transactions monétaires sur le marché informel au niveau des frontières et plus récemment dans le marché international de Dantokpa de la ville de Cotonou.

    C'est au début des années 1980 que fondamentalement le trafic illicite des produits pétroliers venus du Nigéria a pris une autre allure. Avec la chute des revenus pétroliers du Nigéria, on a noté la dépréciation du naira, et la baisse du pouvoir d'achat des populations nigérianes.

    Dans le but de contenir cet état de chose, les autorités du pays adoptent la politique de restriction en limitant les importations par l'instauration des droits de douane prohibitifs et l'interdiction du commerce de certains produits manufacturés. Elles ont également maintenir bas le prix d'achat de certain produits de grande consommation. Cette situation a rendu florissante les transactions informelles des produits en particulier le pétrole. C'est depuis 1984 que le phénomène a pris un caractère structurel.

    Notons en outre qu'avec la libéralisation du commerce extérieur amorcé en 1994 par le Nigéria en diminuant les droits de douane sur certains produits (riz, blé et autres) les populations profitent maintenant pour orienter de nouveau la contrebande vers les produits comme les tissus, les friperies et les voitures d'occasion.

    Après ce bref historique, il est question de faire le point sur les acteurs qui animent le commerce informel de l'essence, mettre à nu les différentes pistes ou circuits empruntés et estimer la part dudit commerce à travers les quantités vendues.

    I.2°) Les Acteurs et les circuits commerciaux41(*)

    La vente illicite de l'essence est animée et entretenue par des acteurs qui pratiquent ce commerce suivant des circuits de distribution bien construits et organisés à leur manière qu'il importe de connaître.

    I.2.1°) Les acteurs

    La vente informelle de l'essence est animée par un nombre très important qu'il importe de connaître afin d'avoir une idée claire sur leurs stratégies et savoir également quelles catégories de personnes s'adonnent à cette activité illégale. Ces acteurs sont parfois visibles et invisibles compte tenu du caractère informel et illégal de l'activité, autant d'éléments qui compliquent l'analyse des circuits. Mais en fonction des complicités établies dans l'acheminement des produits on peut distinguer cinq (05) catégories d'acteurs à savoir :

    · Les exportateurs nigérians et les importateurs béninois qui sont pour la plupart de hauts responsables de l'appareil politico-administratifs des deux pays. Ils constituent et mobilisent les stocks qui sont distribués par la suite. Ces catégories d'acteurs disposent de capitaux très importants, ils opèrent souvent à visage non découvert et par personnes interposées. Ces derniers s'assimilent à des courtiers et s'adonnent à des trafics d'influences le long des frontières. Leurs capacités et forces économiques font qu'ils alimentent les entrepôts frontaliers soit par des camions-citernes dans de grandes cuves mises sous terre, soit par des dizaines de fûts de près de 200 litres.

    · Les grossistes subdivisés en deux :

    - les grossistes intermédiaires qui fonctionnent comme agents commerciaux. Ils sont essentiellement au service des responsables politico-administratifs et militaires impliqués dans le trafic;

    - les grossistes indépendants, ils disposent des moyens de transports tels que les pick-up capables de charger plus de 10 bidons de 50 litres et de légères embarcations. Ces acteurs sont domiciliés en majorité dans les localités frontalières c'est-à-dire les villages et villes situés de part et d'autre des frontières.

    Mentionnons que les grossistes les plus important exercent le long de la frontière ou au terminus des voies d'eau: Cotonou par Agbato et Abomey-Calavi, Igolo, Ifangni, Pobè, Adja-Ouèrè, Avrankou, Kpédikpo, Nikki, Kalalé, Ségbana et Guéné.

    · Les demi-grossistes eux, s'approvisionnent à hauteur de 400 litres auprès des transporteurs intermédiaires et des grossistes. Ils sont aussi très nombreux à pratiquer le commerce.

    · Les détaillants sont basés sur les routes des grands centres urbains. Ce sont des hommes, des femmes, et des enfants qui passent leurs commandes auprès des grossistes, des demi-grossistes et des transporteurs intermédiaires. Leurs fonds de commerce ne leur donnent qu'une possibilité de 60 litres par jour ; leur nombre fait qu'ils sont les plus visibles sur tout le territoire du pays.

    · Les agents d'approvisionnement ou intermédiaires qui sont subdivisés en trois catégories :

    - les automobilistes, considérés comme les plus importants, ils entretiennent considérablement le trafic. Il y en a qui double voire triple la capacité initiale de contenance du réservoir de leurs véhicules. Une fois l'approvisionnement effectué, ils alimentent toutes catégories de détaillants soit installés le long des routes inter-état, soit au terminus des parcs auto ;

    - les motocyclistes qui sont de trois catégories : les moins nombreux qui utilisent des vélos, ils se font de plus en plus rares ; ceux qui utilisent des engins à deux roues, ils apparaissent comme les plus important et sont présent le long des zones frontalières ; enfin les tricycles conduit par des handicapés qui desservent les grossistes de Cotonou, Mono, Porto-Novo, Parakou et autres villes du Bénin. Ces derniers attirent la piété des autorités chargées de réprimander des acteurs.

    - les piroguiers localisés dans les zones de Ganvié et de So-Ava, ils approvisionnent les trafiquants d'Abomey-Calavi et de Cotonou avec leurs pirogues à voiles ou à moteurs.

    Voilà ainsi présenté le dispositif pyramidal impliqué dans la pratique de la vente informelle de l'essence « kpayo » au Bénin en général.

    Cette structuration des acteurs montre le nombre non moins négligeable d'acteurs qui pratiquent ce commerce. Ces acteurs alimentent les consommateurs des différentes villes du Bénin, du Togo, du Burkina-Faso et du Niger à travers un circuit bien organisé de distribution que nous exposons par la suite.

    Nous allons d'abord schématiser ces différents acteurs qui interviennent dans le cordon de distribution de la vente illicite des produits pétroliers au Bénin et dans les autres pays limitrophes par le biais de l'organigramme que voici.

    Exportateurs Nigérians

    &

    Importateurs Béninois

    Grossistes

    Grossistes

    Intermédiaires

    Grossistes

    Indépendants

    Demi-Grossistes

    Détaillants

    Agents

    d'Approvisionnement

    Motocyclistes

    Automobilistes

    Piroguiers

    Les vendeurs

    Organigramme des Acteurs du circuit de distribution

    informel des produits pétroliers au Bénin

    I.2.2°) Les circuits informels de distribution

    La vente informelle de l'essence « kpayo » dans les grandes villes du Bénin dont Cotonou apparaît de nos jours comme un commerce très bien structuré, animé par des acteurs bien avertis du caractère illégal de l'activité. Ils mettent en conséquence les moyens à leur disposition pour satisfaire les demandes. Il existe principalement deux circuits empruntés par les trafiquants pour s'approvisionner des produits pétroliers d'origine nigériane au Bénin. Notons que ces circuits sont bien connus des autorités du pays et sont les suivants:

    - Par voie d'eau; par ce circuit, les acteurs servent les populations de Cotonou par le quartier d'Agbato, d'Abomey-Calavi par l'entremise du débarcadère, de Porto-Novo lagune, et d'Adjarra.

    - Par voie terrestre, elle a la particularité d'être diffuse du fait de la porosité des frontières terrestres. On distingue à cet effet, le circuit court et celui long qui dessert les localités situées à une distance très importante du lieu d'approvisionnement. C'est par ce canal que les pays voisins comme le Togo et le Burkina-Faso sont servis.

    Les vendeurs de l'essence « kpayo » sont visibles et présents sur tous les principaux axes de la ville de Cotonou comme le montre si bien la carte ci-dessous.

    I.2.3°) Les volumes d'essences commercialisées

    dans les secteurs formel et informel

    L'augmentation des prix à la pompe de Février 2000 des produits pétroliers a rendu attractive ceux du marché parallèle. Cette situation a considérablement favorisé le commerce illicite des produits pétroliers en particulier l'essence venue du Nigéria. Il faut noter pour illustrer que entre août 2000 et septembre 2004 exception faite de juillet 2003, le prix de l'essence « kpayo » est inférieur au prix officiel ; il est compris entre 37F CFA par litre et 149F CFA par litre. De Juin à Septembre 2008 par exemple, la différence du prix de vente constatée est de 275F. Cet écart est à l'origine de l'augmentation quotidienne et régulière des quantités vendues dans l'informel en amont et de la baisse de celles du formel en aval. Nous allons l'illustrer avec les données de 2001 à 2006 obtenues à la DGCI.

    Tableau III : Les quantités d'essences vendues en litre

    Annés

    Volumes officiels

    vendus

    Volumes informels

    vendus

    2001

    50 474 000

    245 828 658

    2002

    51 332 800

    258 623 381

    2003

    88 682 790

    232 186 650

    2004

    91 104 581

    244 984 926

    2005

    48 500 000

    258 500 000

    2006

    48 000 000

    261 800 000

    Source : Données DGCI.

    Graphique n° 2 : Evolution des quantités d'essences vendues.

    Source : Moi-même.

    A la lecture du graphique, on constate que la courbe représentée par les volumes informels est au-dessus de celle des volumes formels vendus. Elle a une allure de croissance dans le temps ; au file des ans les quantités d'essences commercialisées par le secteur informel ne cesse de croître montrant l'intérêt des populations et du nombre important d'acteurs que cela mobilise. La courbe des volumes formels vendus a une allure décroissante, parce que les quantités d'essences vendues par les structures officielles que sont les stations services baissent tous les jours ce qui permet de faire le constat annuel. Ce désintéressement est dû à plusieurs facteurs.

    La courbe ci-dessus représentée nous montre clairement une augmentation sans fin des volumes commercialisés par le secteur informel. Eu égard à ce constat, nous nous sommes posés la question de savoir les éléments qui ont favorisé la chose. Parmi ces derniers il y a le prix de vente. Le tableau ci-dessous va nous éclairer sur le fait. Il s'agit du prix de vente d'un litre d'essence des secteurs formel et informel obtenu du mois de Mai au mois de Septembre des années 2007 et 2008. Nos recherches ont montré que c'est pendant cette période de l'année qu'il y a le plus souvent augmentation du prix de l'essence à la pompe.

    Tableau IV : Les prix de vente d'un litre d'essence en franc CFA

    Prix

    et

    Périodes

    2007

    2008

    Formel

    Informel

    Formel

    Informel

    Mai

    445

    300

    475

    350

    Juin

    480

    325

    475

    350

    Juillet

    480

    350

    650

    375

    Août

    480

    350

    650

    375

    Septembre

    475

    350

    580

    375

    Moyenne

    472

    335

    561

    370

    Source : Données DGCI et observation de terrain.

    Graphique n° 3 : Evolution des prix de l'essence.

    Source : Moi-même.

    On constate de façon générale, que les prix de vente d'un litre d'essence ont connu une légère augmentation de 2007 à 2008 que l'on soit dans le formel ou l'informel, car les courbes de 2008 du formel comme de l'informel sont au-dessus de celles de 2007. L'augmentation du prix n'est pas trop grande dans l'informel et tourne en moyenne autour de 35F.

    Par contre dans le secteur formel, cette augmentation est très visible et envoisine la moyenne de 100F. Une petite comparaison de ces différentes augmentations tourne déjà à l'avantage du secteur informel. L'allure des différentes courbes nous renseigne nettement sur l'augmentation des prix de l'essence à la pompe par rapport à celle du « kpayo ». Toute situation qui favorise la commercialisation du « kpayo » montrant l'évolution des quantités vendues et la diminution des quantités vendues dans le secteur formel.

    II. RESTITUTION DES DONNEES DE LA

    RECHERCHE

    Il est question dans cette partie de rendre compte des données recueillies au cours de nos recherches effectuées sur le terrain. Ainsi, interprétation sera faite après restitution des données dans des tableaux successifs.

    En ce qui concerne les vendeurs, nous avons questionné 50 au total dont 30 femmes et 20 hommes.

    Pour les consommateurs, 35 au total dont 25 hommes et 10 femmes.

    Tableau V : Situation matrimoniale des vendeurs

    Statuts

    Hommes

    Femmes

    Total

    Pourcentage %

    Célibataire

    03

    01

    04

    08

    Marié

    15

    22

    37

    74

    Divorcé

    00

    02

    02

    04

    Veuf

    02

    05

    07

    14

    Total

    20

    30

    50

    100

    Source : Enquête de terrain.

    Tableau VI : Ancienneté des vendeurs

    Caractéristiques

    Socio- démographiques

    Hommes

    Femmes

    Total

    Pourcentage %

    Moins d'un an

    00

    01

    01

    02

    [1-5[

    02

    05

    07

    14

    [ 5-10[

    02

    04

    06

    12

    [ 10-15[

    05

    04

    09

    18

    [ 15-20[

    08

    10

    18

    36

    [ 20-25[

    01

    05

    06

    12

    25 et plus

    02

    01

    03

    06

    Total

    20

    30

    50

    100

    Source : Enquête de terrain

    Tableau VII : Niveau d'instruction des vendeurs

    Niveaux

    Hommes

    Femmes

    Total

    Pourcentage

    Aucun

    12

    23

    35

    70

    Primaire

    05

    03

    08

    16

    Secondaire 1er cycle

    01

    02

    03

    06

    Secondaire 2nd cycle

    01

    01

    02

    04

    Non précisé

    01

    01

    02

    04

    Total

    20

    30

    50

    100

    Source : Enquête de terrain.

    Interprétation des données des tableaux V, VI et VII :

    Dans le but d'atteindre les objectifs de notre travail, nous avons suivi des plans qui ont pour finalité d'élucider les éléments et facteurs qui concourent à l'échec de l'interdiction de la vente informelle de l'essence à Cotonou. Pour y parvenir, nous avons cherché au cours des travaux de terrain à connaître les catégories sociales qui s'adonnent à cette activité. C'est ce que nous relate le tableau V ; à sa lecture, il apparaît que sur les 50 vendeurs enquêtés, 37 soit 74% sont mariés. Nous tenons à parler des 07 vendeurs soit 14% veufs qui ont la charge et la responsabilité des enfants que le conjoint ou la conjointe a laissés. Toutes ces couches jouissent des fruits de la contrebande de l'essence « kpayo » depuis des années. D'où l'utilité du tableau VI qui nous renseigne sur l'ancienneté des vendeurs d'essence issue de l'informel. Ainsi, la plupart exerce depuis plus de 15 ans 18 au total soit 36%. Nous n'allons pas oublier les 09 personnes soit 18% qui confient maîtriser les rouages du secteur informel de la vente du « kpayo » depuis plus de 10 ans. Au vu des stratégies et méthodes adoptées par les acteurs, on se pose la question de savoir en fait quel est leur niveau d'instruction ? On se rend compte à la suite du tableau VII qu'il s'agit là d'une population n'ayant aucun niveau d'instruction, 35 soit 70% sur 50. Seul 6% ont pu obtenir leur Certificat d'Etude Primaire (CEP) et 4% le Brevet d'Etude du Premier Cycle (BEPC). Voilà ainsi peint la situation socio-démographique des vendeurs d'essence du secteur informel de Cotonou après nos enquêtes de terrain.

    Les différents acteurs qui pratiquent la vente illicite de l'essence y sont motivés à des degrés divers. A ce titre, nous avons cherché à connaître les raisons qui amènent vendeurs et consommateurs à entretenir ce commerce malgré son caractère illégal et dangereux.

    Tableau VIII : Motivations personnelles des vendeurs

    Raisons

    Hommes

    Femmes

    Total

    Fréquence en %

    Raisons économiques

    14

    26

    40

    77

    Facilité d'installation

    03

    02

    05

    10

    Facilité d'écoulement

    02

    02

    04

    08

    Satisfaction des clients

    01

    01

    02

    04

    Héritage

    00

    01

    01

    02

    Total

    20

    32

    52

    101

    Source : Enquête de terrain

    Note : Remarquons ici qu'on a observé un total de 52 vendeurs au lieu de 50 parce qu'une femme nous a avancé la raison économique et la facilité d'installation, une autre évoque en plus la raison économique la facilité d'écoulement du produit.

    La situation socio-démographique des vendeurs confirme leurs motivations à tel enseigne que 77% ont évoqué la raison économique qui fonde et justifie l'exercice de ladite activité malgré les risques que cela comporte. Ils en sont conscients et convaincus mais que faire ?

    Tableau IX : Motivations personnelles des consommateurs

    Raisons

    Hommes

    Femmes

    Total

    Fréquence en %

    Moins cher

    23

    08

    31

    82

    La disponibilité

    02

    02

    04

    10

    Service rapide

    01

    01

    02

    05

    Assurance des contenances

    01

    00

    01

    03

    Suivisme

    00

    00

    00

    00

    Total

    27

    11

    38

    100

    Source : Enquête de terrain

    Note : A la suite de ce tableau on constate également qu'on a un total de 38 consommateurs au lieu de 35. Il y a un homme qui a donné deux raisons à la seule question et une femme de même.

    On note que les consommateurs d'essence du secteur informel de Cotonou fondent essentiellement leurs motivations sur des raisons purement économiques puisque 82% préfèrent du « kpayo » parce qu'elle est à la bourse de tous, 10% fonde leur fidélité à ce commerce parce qu'il en existe un peu partout dans la ville, ils sont là au moment des pannes. Mais ils réfutent catégoriquement et systématiquement le côté suivisme. Ils savent également que l'essence « kpayo » crée des dommages à leurs moteurs mais préfèrent faire des économies en la consommant.

    Tableau X : les raisons de la persistance

    Raisons

    Effectifs

    Fréquences en %

    Absence d'activités

    28

    56

    Facilité d'accès

    10

    20

    Fidélité des clients

    05

    10

    Manque de capitaux

    03

    06

    Implication politique

    03

    06

    Sans réponse

    01

    02

    Total

    50

    100

    Source : Enquête de terrain

    La situation socio-économique du Bénin et celle de la ville de Cotonou en particulier trouvent son fondement à la lecture du tableau ci-dessus. Vivre dans les centres urbains est un véritable problème si l'acteur ne dispose pas un emploi fixe et stable. Ce qui n'est toujours pas le cas puisque tout le monde veut rester dans nos villes. La réalité est que 56% se trouve dans le secteur informel de la vente de l'essence faute d'activités, d'emplois et d'occupations formelles. L'Etat se trouvant dans l'impossibilité de satisfaire tout ce monde est obligé de fermer les yeux sur l'illégal malgré les pertes enregistrées. C'est donc un secteur d'activité qui offre une facilité d'accès à ceux qui s'y adonnent ; pour la vente illicite d'essence, ils sont 10 enquêtés soit 20% à confirmer cet état de chose.

    Vu le nombre important d'acteurs impliqués dans ce commerce, est-il nécessaire de l'interdire ? Qu'est-ce-qui justifierait cette décision?

    Tableau XI : Les raisons de l'interdiction par les autorités

    Raisons

    Hommes

    Femmes

    Total

    Fréquence en %

    Pertes pour l'Etat et les

    Stations

    12

    19

    31

    62

    Incendie et Santé

    01

    04

    05

    10

    Qualité douteuse

    06

    05

    11

    22

    Aucune raison

    01

    02

    03

    06

    Total

    20

    30

    50

    100

    Source : Enquête de terrain

    Le tableau ci-dessus nous fait état de ceux à qui ne profitent pas la vente de l'essence « kpayo ». Ce sont les stations services et l'Etat, 62% l'affirme et le confirme. Les premiers ont investi énormément de fonds dans l'installation des stations mais ne bénéficient pas des fruits dudit investissement. Le second par contre doit respecter ses engagements vis-à-vis des responsables des stations services en protégeant le commerce et leurs intérêts, mais aussi collecter des impôts et taxes à l'installation comme quotidiennement. Ce qui malheureusement n'est pas le cas du côté du secteur informel. Les autres variables du tableau viennent parfois renforcer et rappeler le rôle de l'Etat. Les vendeurs même reconnaissent que l'essence « kpayo » est d'une qualité douteuse soit 22% et crée au passage selon 10% des incendies et des problèmes de santé ; ils considèrent que l'Etat n'a pas autres raisons d'interdire la vente dudit produit si ce n'est pas parce qu'il ne perçoit pas d'impôts. Ils sont mêmes prêts à payer les impôts si l'autorité le leur impose. Certain ont confié que la municipalité collecte de petites taxes journalières chez eux. Nous l'avons constaté à Abomey-Calavi et à Cotonou spécifiquement dans les quartiers Jéricho, Aïdjèdo et Tanto. La base de cette somme est 100F CFA et varie selon la taille de l'étalage; la base d'imposition est l'étalage. Approché, ces tickettiers nous ont confié ceci «même s'ils vendent du « kpayo », il ne faut pas oublier qu'ils sont très nombreux et que ces ressources serviront à la municipalité pour construire par exemple des écoles ; et dites vous qu'ils n'ont jamais refusé de payer les taxes qui leurs sont imposées. Même la petite fille paie en l'absence de sa mère.»

    III. ANALYSE DES DONNEES DE LA RECHERCHE

    L'interdiction de la vente de l'essence « kpayo » a toujours été la préoccupation et une inquiétude pour les gouvernements qui se sont succédé. Il s'agit d'une activité qui mobilise un nombre important d'acteurs. Elle ne cesse d'évoluer et occupe de nos jours tout le territoire béninois. Toutes les couches sociales de la population y sont représentées et composent le maillon essentiel du circuit. Ainsi après les données recueillies sur le terrain, les vendeurs d'essence sont composés d'hommes et de femmes qui n'ont aucun niveau d'instruction. Ils sont évalués à 35 soit 70% sur un total de 50 enquêtés. Ce sont des gens qui sont mariés soit 74%. Il y en a qui à eux seul ont la charge des enfants surtout les femmes, au nombre de 5 sur un total de 7 soit 14% obtenu sont veuves. Elles ont choisi cette activité pour plusieurs raisons. Pour elles, ces raisons sont hiérarchisées; elles partent de leur situation économique très difficile, de l'absence d'activités, de la facilité d'accès, d'installation puis la facilité d'écoulement du produit et enfin de l'implication politique. Ces vendeurs pratiquent ce commerce depuis plus de 15 ans soit 36% de nos enquêtés. Cela s'intègre dans leur vécu quotidien et connu de toute la société.

    Le sociologue français Emile Durkheim dans le Dictionnaire de la sociologie page 135 nous invite à « expliquer les faits sociaux par des modifications du milieu interne et non pas à partir des états de la conscience individuelle ». La vente et l'achat de l'essence « kpayo » apparaissent comme une décision individuelle qui ne s'impose pas à tout le monde. A la suite de l'auteur, on s'est demandé ce qui motive au juste ce comportement individuel qui est passé pour général et collectif. Lorsqu'on interroge les populations béninoises et celles de Cotonou en particulier, elles répondent automatiquement: le chômage, la pauvreté, la misère générale, le sous-développement et le manque d'emploi qui décourage et pousse les jeunes à abandonner les écoles faute de supports.

    La crise conjoncturelle de 1987 caractérisée par le non paiement des salaires a créé dans le vécu des béninois une autre façon de voir et de discerner la vie. Elle a obligé l'Etat à tolérer toutes sortes d'activités et à fermer les yeux sur ce qui était illégal pourvu qu'il donne à manger aux citoyens. Cela a conduit à un esprit entrepreneurial des Béninois. Ils se sont investis dans maintes activités privées pour sécuriser leur vie et celle de leur famille. Parmi ces activités, on pouvait dénombrer la vente illicite de l'essence « kpayo » qui a gagné l'esprit des populations. Malgré son caractère dangereux plus de 36% soit 18 sur un total de 50 enquêtés pratique ce commerce depuis plus de 15 ans. Comme toutes activités informelles, elle offre aux acteurs assez d'opportunités et de facilités que le secteur formel. Elle accueille en majorité les sans emplois, des personnes non ou peu qualifiées soit 70%.

    La création d'une petite entreprise dans le secteur formel nécessite des tracasseries administratives, des exigences et autres conditions puis assez d'investissement qui dépasse en général les pauvres. Selon Carlos MALDONADO, « La réalité du marché du travail amène souvent les hommes à s'investir dans les activités informelles faute d'emploi car, l'une des caractéristiques principales est d'ailleurs comme on le rappelle souvent sa facilité d'accès qui l'oppose au secteur moderne lequel est entouré de toutes sortes de barrières à franchir »42(*). La vente de l'essence « kpayo » offre aux acteurs des conditions favorables et un accès facile en témoigne le nombre important des acteurs surtout les femmes qui s'investissent dans le commerce. C'est une activité à dominance féminine dans sa commercialisation. On retrouve plus les hommes dans le transport et la distribution du produit. Cette représentativité féminine se justifie puisqu'elles sont le plus souvent majoritaires dans les professions libérales ou spécifiquement féminines telles que : le secrétariat, les ventes ambulantes ou dans les boutiques, la couture, la coiffure...etc. Selon le RGPH de 2002, elles sont évaluées à 60% à s'investir dans lesdites activités. Certaines femmes soit 10% qui vendent l'essence « kpayo » dans un intervalle de moins de 5 ans ont déclaré que c'est grâce au 30 000F CFA de microcrédits aux plus pauvres qu'elles se sont installées. C'est aussi la partition de l'Etat dans la pérennisation de ce commerce puisqu'il n'y a pas un répertoire d'activités précises à exercer avec ce crédit, pourvu que le bénéficiaire dudit crédit puisse s'acquitter des remboursements à bonne date.

    La situation socio-démographique de la ville de Cotonou limite les chances des acteurs à s'insérer quelque part même ceux qui ont reçu une formation professionnelle ou un diplôme. Il y a de nos jours un fort exode rural dans la ville parce qu'elle abrite pratiquement toutes les industries, entreprises, institutions, et écoles de formations universitaires publiques et privées. Autant de conditions qui manquent dans les autres villes et villages du pays. En conséquence, « la capacité d'absorption de la main d'oeuvre par l'économie urbaine est en passe de diminuer rapidement. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'augmentation du coût de la vie joue lui aussi un rôle important dans l'offre excédentaire de main d'oeuvre car les ménages cherchent à augmenter leur revenu par une participation accrue de leur membre à l'activité ».43(*) La vente illicite de l'essence vient combler cette attente des familles à Cotonou. Elles légitiment la poursuite de ce commerce fondamentalement sur des raisons économiques. Ces vendeurs n'ont pas de moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins et ceux de leurs familles. En dehors des raisons su-citées, nous nous sommes posés la question de savoir pourquoi n'ont-ils pas choisi autres activités informelles que la vente du « kpayo ». A cette question, plusieurs autres raisons expliquent le fait. Il s'agit premièrement des contraintes sociales caractérisées par un contexte économique très difficile. Il n'est pas donné à n'importe qui de vendre par exemple dans le marché International de Dantokpa, car pour avoir un espace ou une place, il te faut dépenser des centaines de mille qui exclu déjà une catégorie sociale donné.

    C'est d'ailleurs ce que dénonçait l'auteur Joseph KI-ZERBO lorsqu'il dit ceci: « L'économie de marché telle qu'elle a été imposée en Afrique de l'extérieur, surtout depuis le temps colonial est plus ou moins délaissée parce que les Africains n'en maîtrisent pas les paramètres. Elle est fondée essentiellement sur la monnaie, laquelle n'est pas disponible dans beaucoup de cas, bien qu'il y ait une sorte de retour des uns et des autres vers une économie parallèle, un marché par terre où les banques ne dominent pas la situation. Les femmes contrôlent ce marché parce qu'il est à leur taille. On y met pas en oeuvre des sommes considérables de crédits qu'elles n'ont pas »44(*).

    Cette idée de l'auteur peint clairement la situation socio-économique des pays Africains en général et celle du Bénin en particulier. La vente illicite de l'essence dans la ville de Cotonou n'exige pas de gros investissements. Ainsi la seule alternative est la pratique de ce commerce qui selon 20% leur garantit un accès facile, une facilité pour s'installer pour 10% des enquêtés. Il suffit au passage quelques bouteilles d'un, de deux, de cinq et de vingt litres, une table, un bidon de 50 litres, un raccord et un entonnoir pour que démarre le commerce (voir la photo n°1). Une fois s'installer, les clients ne manquent pas, 10% des vendeurs de « kpayo » comptent au moins sur la fidélité des clients qui viennent toujours acheter. C'est un secteur où les vendeurs sont sûrs de vendre sans que cela ne périsse. Qu'est-ce-qui justifie cette assurance des vendeurs?

    Après les contraintes sociales qui justifient la pratique du commerce, nous avons noté deuxièmement l'élément prix de vente qui joue beaucoup en faveur des vendeurs d'essence « kpayo ». La concurrence sur un marché autour d'un produit tourne en défaveur de celui qui pratique un prix de vente très élevé compte tenu du niveau de vie et du pouvoir d'achat des consommateurs quelle que soit la qualité du produit. C'est la loi du marché. Dans un contexte de pauvreté généralisée, la qualité importe peu. Le marché des hydrocarbures au Bénin se trouve confronter à cette réalité qui crée d'énormes pertes et de manques à gagner aux stations services mais des gains aux vendeurs du secteur informel.

    Photo n°1 : Etalage de « kpayo » à Cotonou.

    Source : Cliché, MONTCHO Bruno, Octobre 2008.

    Photo n°2 : Station TOTAL située au carrefour Godomey

    Source: Cliché, MONTCHO Bruno, Octobre 2008.

    Les consommateurs d'essence du Bénin et ceux de Cotonou soit 82% ont choisi et préfèrent s'approvisionner auprès des vendeurs du « kpayo » pour la simple raison que cela est moins cher. L'essence est vendue dans les stations dans le mois d'Août 2008 par exemple à 650F et à 375F au bord des voies soit une différence de 275F par litre. Il s'agit d'un élément attractif qui ne laisse pas les consommateurs indifférents. Nous avons rencontré lors de nos enquêtes certains s'approvisionnés chez les vendeurs du « kpayo » alors qu'ils ont la possibilité et la capacité financière d'acheter l'essence tous les jours à la station. Approché, l'un d'eux nous dit ceci « il ne faut pas abuser de l'argent, car l'économie que je réalise par mois en abandonnant la station est très importante». Nous avons à ce sujet fait un petit calcul sur le bénéfice que réalise un consommateur d'essence « kpayo » par mois en comparaison à un fidèle des stations. Pour un véhicule qui consomme en moyenne 10 litres par jour, il sort avec un bénéfice de 82 500F CFA par mois. Le choix est vite fait même si on sait que la qualité est douteuse. La différenciation des prix de vente ne laisse pas indifférent certains hauts fonctionnaires qui au lieu d'acheter le carburant à la SONACOP y vont seulement échanger les tickets valeurs. Ce qui enfonce d'avantage la société dans la mévente. Rappelons que ce sont ces catégories sociales qui vont le plus souvent s'approvisionner auprès des stations services afin de justifier les dépenses par le biais d'un reçu.

    La vente et l'achat de l'essence « kpayo » est devenu une des sources d'accroissement du pouvoir d'achat des consommateurs. C'est la seule activité dans laquelle le prix n'est pas discuté car c'est l'une des spécificités du béninois. C'est également le seul secteur où il n'y a pas d'envahissement des Ibo (une communauté ethnique du Nigéria). Ces derniers ne rendent pas la vie facile aux commerçants béninois. Ils inondent toutes les rues et surtout les marchés de toutes les villes du Bénin. Ils sont prêts à payer même le double et pendant plus de deux(02) ans les frais de location soit des boutiques ou maisons limitant ainsi la chance des béninois. Ces derniers qui doivent péniblement s'acquitter d'une avance de six(06) mois. Le propriétaire maximise son gain et préfère les Ibo. Voilà autant de situations que vivent les commerçants et populations de nos villes surtout de Cotonou qui les renvoient vers la vente illicite de l'essence.

    Aujourd'hui, on constate la construction de plusieurs stations et mini-stations dans la ville de Cotonou et timidement de par le pays à cause de l'allègement des conditions d'installation accordé par le gouvernement. Le drame est que ces stations sont mal réparties, car il y a des quartiers qui n'en disposent pratiquement pas alors que d'autres en ont plusieurs. Ce problème de couverture des stations services est à revoir ; la commune d'Athiémé dans le département du Mono par exemple ne dispose que d'une seule station implantée dans la ville d'Athiémé dont le fonctionnement laisse à désirer. En d'autre terme les populations de cette commune doivent parcourir des kilomètres pour acheter l'essence ou le pétrole qui pour la plupart du temps n'existent pas. Toute chose qui les amène à s'approvisionner auprès des vendeurs à un prix relativement bas pour l'essence et élevé pour le pétrole. Il y a également le cas de la commune de OUAKE qui n'a même pas de station fonctionnelle pour ne citer que ceux là.

    La ville de Cotonou est caractérisée par la présence d'un nombre très important d'engins à deux roues. D'un côté on a les conducteurs de taxi moto communément appelés « zémidjan » les plus nombreux d'ailleurs et de l'autre ceux qui l'utilisent à des fins privées. En 2004, ils étaient estimés à 305 642 véhicules à deux roues à circuler dans la ville de Cotonou ; leur consommation est évaluée à 176 049 857 litres selon les travaux de MORILLON V. et AFOUDA S. réalisés en 2005. La majorité de ces engins à deux roues utilisent le mélange. Avec l'augmentation des coûts du baril et les fluctuations des coûts du dollar, les stations services ne vendent pratiquement plus le mélange. Cette demande qui ne cesse de s'accroître radicalise et amplifie la vente du « kpayo » puisque tout ce monde s'approvisionne auprès des vendeurs de la rue. Ces derniers comptent quotidiennement au moins sur cette clientèle. A cette catégorie il faut ajouter les chauffeurs de taxi ville et les taximen extra-urbain. Ils sont non seulement consommateurs mais surtout des vendeurs du « kpayo ». Ces taximen doublent la capacité de contenance du réservoir de leur véhicule. Cela leur permet d'aller chercher l'essence « kpayo » qu'ils livrent à des revendeurs installés le long des routes inter-états. Ils nous ont confié que cela leur permet de payer l'argent du propriétaire du véhicule puisqu'ils sont nombreux et que les clients se font rares. Il est vraiment très rare de voir les taximen stationnés dans les stations pour prendre de l'essence, sauf pendant les moments de pénuries. Il en est de même pour les zémidjans. Pour les chauffeurs des taxis ville, les quelques uns des leurs qui vont dans les stations sont eux-mêmes propriétaire du véhicule, donc n'ont de compte à rendre à personne. Ce n'est que le « kpayo » qui leur garantit la survie et la continuité de leur activité. Cette catégorie de consommateurs soutient les vendeurs sur tous les plans.

    On note une attitude de la part des zémidjans et taxi-men qui montre l'importance et la part que le secteur informel de l'essence détient dans l'économie béninoise. Ces différents acteurs augmentent automatiquement les frais de transport si le prix de vente de l'essence aux abords des voies connaît une augmentation. Par contre si le prix reste stable et que ce sont ceux des stations qui connaissent une augmentation, tout fonctionne comme si de rien n'était. Cela montre à quel point le secteur informel des hydrocarbures au Bénin dépend des évènements, et mouvements survenus dans le grand voisin de l'est.

    Une analyse profonde de l'organisation mise en place à travers des ramifications des réseaux marchands, des circuits commerciaux et la part que détient le secteur informel de l'essence au Bénin montre les difficultés à pouvoir finir un jour avec ledit commerce. Tous les acteurs à la lecture de l'organigramme sont en parfaite liaison, corrélation et dépendent les uns des autres. C'est donc un puissant réseau en d'autre terme un système qui fonctionne depuis des années. Il est caractérisé par des manières d'agir, comportements et méthodes d'interventions sur le marché qui constituent un véritable ciment entre les acteurs. On note une complémentarité et une solidarité entre ces acteurs comme si on se trouvait dans un secteur régie par des lois et codes.

    La complémentarité est constatée dans l'acheminement et la distribution du produit car chaque acteur sait à quel moment intervenir dans le circuit. Pour preuve, le vendeur qui se situe en bas de l'organigramme ne peut se prévaloir des rôles et compétences d'un grossiste en allant lui-même chercher le produit au Nigéria. Le secteur est tel qu'un novice ne peut pas accéder ou maîtriser très tôt les rouages du système.

    La solidarité quant à elle se note à tous les niveaux ; ces acteurs au niveau de chaque palier ont instauré des groupes de tontines journalières, hebdomadaires ou mensuelles selon la capacité financière de chacun qui sont de véritables banques primaires. Cela leur permet de financer certains collègues qui subissent l'incendie ou une saisie importante de la part des autorités douanières, policières ou de la CONAMIP et autres activités du secteur informel. Les vendeurs d'essence « kpayo » apparaissent comme une famille homogène dans laquelle chaque membre sait ce qu'il doit faire quand et comment ; même la jeune écolière sait que son aide est attendu les mercredis soir et le week-end pour permettre à sa mère de ne plus payer l'honoraire à l'employé journalier. C'est d'ailleurs ce que Emile DURKHEIM appelle la solidarité organique. Il le montre si bien à la page 24 de son ouvrage, De la division du travail écrit en 1893,

     « ...le plus remarquable effet de la division du travail n'est pas qu'elle augmente le rendement des fonctions divisées mais qu'elle les rende solidaires ». Toutes décisions de nature à apporter une modification au circuit ou à protester contre une décision de l'autorité sont respectées par tous les vendeurs. Par exemple pour la fixation des prix de vente par litre, cela se fait au niveau des importateurs et c'est le marché qui l'impose après addition des frais de transport qui est fonction de la distance parcourue en plus une légère augmentation comme bénéfice ; tous les vendeurs d'une même ville appliquent le même prix de vente . Il y a aussi une dynamique dans la fixation des prix par rapport à ceux affichés dans les stations. Remarquons qu'on a une légère différence de 10F, 15F à 25F selon que l'on soit proche des frontières du Nigéria ou de la zone de Porto-Novo et régions. C'est l'un des facteurs qui favorise la vente du « kpayo » au Bénin et à Cotonou en particulier. Non seulement l'essence vendue au bord des voies est moins cher et à la bourse de tout le monde mais également disponible, 10% l'approuve ; 5% considèrent que ces vendeurs sont bien accueillant et servent très vite. Ils n'ont souvent pas de problème de monnaie quel que soit le billet que tu leur donnes. Certains de nos enquêtés consommateurs font référence à la contenance. Ces derniers voient l'insuffisance des quantités d'essence servies dans les stations services. Ils ajoutent que le client ne peut pas vérifier la quantité d'essence servie, pour preuve, les pompistes refusent de vendre un litre d'essence dans une bouteille au risque de se faire débouter.

    Nous sommes en présence d'une activité qui fait l'unanimité malgré ses risques de presque tout le monde puisque chacun y trouve son compte. Elle permet à l'Etat de régler quelque peu le problème de l'emploi. C'est un trafic qui amortit la crise en fonction du nombre d'emploi qu'il génère et des revenus qu'il procure aux différents acteurs.

    L'échec successif des politiques élaborées pour interdire le commerce par les différents gouvernements a créé des poches de résistance et a instauré un climat de confiance au niveau des acteurs qui pratiquent ce commerce. Il y a des habitudes qui se sont forgées autour de cette activité qui, compte tenu non seulement du nombre important des acteurs impliqués dans la distribution, mais aussi du volume de la clientèle qui ne cesse de s'accroître est considérée comme une activité normale. Selon Emile DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique à la page 56, « nous appelons normaux les faits qui présentent les formes les plus générales ». La vente illicite du « kpayo » est pratiquée sur tout le territoire béninois ; elle est considérée comme une activité normale officielle puisqu'elle s'effectue dans tout le pays au vu et au su des autorités. Les acteurs qui pratiquent ce commerce sont présents et visibles sur les différentes artères et rues du pays. Il ne s'agit pas d'une activité clandestine. La majorité de la population béninoise l'adopte parce que cela leur est très utile. C'est un liquide rare mais vendue « par terre» pour emprunter le terme des burkinabés de la ville de Tenkodogo où sévie aussi la vente de l'essence frelatée. Au vu des avantages financiers du commerce, les consommateurs offrent leur assistance aux vendeurs en cas de répression créant parfois de tentions sociales. Face à cette situation, l'Etat doit proposer une alternative efficace à ces acteurs. Il a dernièrement souhaité les reconvertir dans d'autres secteurs d'activités non précisées. Cette décision a conduit une fois encore à la multiplication des points de vente un peu partout dans la ville. En nous référant à la structure des acteurs, on se rend compte qu'il y a certains qui n'ont pas besoin d'une quelconque reconversion pour la simple raison que leurs revenus journaliers dépassent ce que le fonctionnaire gagne par mois par exemple. La plupart des vendeurs ont affirmé que l'Etat ne pourra pas les reconvertir ou les réutiliser puisqu'ils sont sans qualification. Que ferait-il des nombreux diplômés qui attendent d'être employé?

    L'implication politique par l'instauration d'une commission (CONAMIP) chargée de lutter contre le commerce s'est très tôt heurtée aux réalités du terrain et n'existe que de nom puisqu'elle est en panne de moyens. Il y a une haute complicité des autorités politiques des deux pays. Certains cherchent à lutter contre, alors que d'autres y investissent de l'argent ; et ce sont ces mêmes autorités qui sont chargées d'élaborer les politiques et stratégies de lutte afin d'interdire le commerce. Il y a donc deux poids deux mesures. Nous avons eu l'aveu d'une haute autorité des douanes de la CONAMIP qui nous confiait ceci :« j'ai arrêté avec certains de mes agents une quantité très importante d'essence « kpayo » sur le lac à Porto-Novo la nuit, mais j'ai été ordonné à laisser le produit saisi par mon supérieur hiérarchique». Les agents déployés sur le terrain compte tenu des avantages qu'offre le commerce ne font plus le travail pour lequel ils ont été envoyés. Ils pratiquent eux même le commerce ou introduisent leur femme ou un membre proche à eux. Autant de goulots qui ont empêché la CONAMIP d'atteindre ses objectifs. Notons aussi que cette commission n'a pas associé les hommes de terrains pour une analyse profonde du système afin de leur dire si la lutte aura une suite favorable ou non.

    Au vu de ces faits nous avons cherché à connaître les déterminants qui militent en faveur du trafic illicite de l'essence venu du Nigéria et qui font douter l'autorité de l'Etat.

    III.1°). LES DETERMINANTS DU TRAFIC

    ILLICITE DE L'ESSENCE

    Il s'agit des éléments qui concourent et participent à l'émergence du commerce informel des produits en général et de l'essence en particulier en direction du Nigéria.

    III.1.1°) Les facteurs géographiques

    Ils constituent les fondements structurels des échanges commerciaux entre le Nigéria et le Bénin. Ils sont caractérisés par l'inégal potentiel de développement c'est-à-dire petite superficie, populations et ressources naturelles. Ces contrastes de peuplement 136 millions d'habitants au Nigéria contre 7 millions au Bénin et les différences de dotation en ressources naturelles et économiques constituent un atout favorable pour l'économie béninoise. Rappelons que ce positionnement géographique avec le Nigéria 6ème producteur de l'OPEP est exploité par les populations du Bénin. Mentionnons qu'aujourd'hui, la ville de Cotonou au Bénin est reliée à Lagos celle du Nigéria par une autoroute de 115 km. Le Bénin partage avec le Nigéria 773 km de frontières au tracé imprécis. Le long de ces frontières se trouvent des populations ethniquement liées en particulier les Yoruba. Elles partagent les mêmes centres commerciaux qui fonctionnent comme des marchés jumeaux facilitant ainsi le brassage des populations des deux pays.45(*)

    III.1.2°) Les facteurs économiques

    Les dotations en ressources naturelles justifient et expliquent la puissance de l'économie nigériane. Il y a les disparités de politiques monétaires entre les deux pays. Le Bénin utilise le franc CFA (Communauté Financière Africaine) convertible et le Nigéria le naira non convertible. Le passage entre les deux monnaies n'est possible que via les banques centrales après obtention d'une licence auprès des pouvoirs publics. Cette gymnastique monétaire est contournée par les populations des deux pays mais ceci dans l'informel. On rencontre le long des frontières, à Cotonou, à Porto-Novo etc. des cambistes qui font les échanges des deux monnaies.

    Nous avons aussi les disparités de politiques commerciales. Cette politique n'a été libéralisée qu'à partir de 1994 ouvrant les portes de l'économie nigériane.

    Il y a également les disparités de politiques d'approvisionnement et de distribution des produits pétroliers entre les deux pays; ce qui favorise le développement du commerce informel de l'essence.

    Notons pour finir que la baisse du pouvoir d'achat des nigérians, la cherté de la vie et la conjoncture amènent les populations à prendre en otage les responsables des compagnies pétrolières. Ce qui leur permet de percer les oléoducs et voler le produit pour le revendre sur le marché noir.

    Dans un cadre beaucoup plus global, il faut noter que l'essor du secteur informel est la conséquence directe de plusieurs facteurs et raisons issus des crises au début des années 1980. Il s'agit des crises économiques mondiales créées par des décisions politiques, en particulier la crise de la dette des pays en développement, les programmes d'ajustement structurels, le démantèlement du secteur public, le dérèglementation du marché du travail. Autant d'éléments qui ont déversé des milliers de travailleurs dans la rue et partant dans le secteur informel.

    III.1.3°) Les facteurs socio-anthropologiques

    La plupart des analyses macro-économiques occultent généralement le rôle primordial, capital et le poids des facteurs sociologiques dans le fonctionnement des échanges informels en général et ceux de l'essence en particulier. Ainsi nous avons deux aspects fondamentaux du commerce informel à savoir:

    - La stratégie d'intervention des acteurs sur le marché. Il constitue l'élément capital du tissu social dans la mesure où elle trouve son fondement dans les formes organisationnelles des acteurs. On constate que depuis longtemps, ce qui favorise et entretien le commerce informel est la structure même des acteurs intervenant dans le système. Elle est basée sur des affinités culturelles et linguistiques. Ainsi «au Bénin, le commerce informel en général et celui des produits pétroliers en particulier est animé par des Yoruba qui subtilement masquent leur origine ethnique par leur conversion à l'Islam. Les valeurs spirituelles deviennent alors le principal ciment des membres. C'est une stratégie organisationnelle qui permet de développer entre les membres du groupe, une conscience de solidarité indispensable à l'exercice de leurs activités. Ce passage d'affinité linguistique à celle sous-tendue par la religion devient un facteur déterminant d'extension et de formation des réseaux marchands basé sur des valeurs socio-culturelles et religieuses»46(*). En résumé, nous pouvons dire à la suite des auteurs que l'organisation sociale qui se fonde sur une base ethnique et religieuse constitue un puissant moyen de défiance aux contraintes qu'imposent les disparités politiques d'une part et un fondement du commerce informel d'autre part. Notons qu'actuellement, tous les groupes ethniques du pays pratiquent le commerce de l'essence « kpayo ».

    - Le fonctionnement des réseaux marchands. Il faut noter qu'ici, rien ne se fait au hasard. Le réseau marche normalement car chacun sait où se limitent ses compétences. Ils ne se livrent pas une concurrence déloyale, toutes choses de nature à fragiliser le groupe et partant le commerce. Il est vrai que chacun veut avoir une certaine visibilité inhérente à toute entreprise humaine, mais cela se fait en respect de leurs règles. C'est un commerce qui ne souffre pas beaucoup parce que les acteurs se connaissent pratiquement. Ils fonctionnent méthodiquement dans le respect de la hiérarchie.

    III.2°). LES AVANTAGES ET LES INCONVENIENTS

    DU COMMERCE

    La vente illicite de l'essence au Bénin en général et à Cotonou en particulier fait partie des commerces du secteur informel qu'il convient d'évaluer afin de comprendre ce qu'il offre de bien ou de mal.

    III.2.1°) Les avantages de la vente du « kpayo »

    Le trafic illicite de l'essence venu du Nigéria est un commerce qui utilise de nos jours une main d'oeuvre importante. Il s'agit pour la plupart des gens non moins ou peu qualifiés. Les effets de ce commerce sur l'économie béninoise sont ambivalents. La vente du « kpayo » apparaît comme un paradoxe, car malgré son caractère illicite et dangereux, elle procure quelque chose à l'Etat, économiquement et socialement.

    Economiquement parce qu'il permet une augmentation et un accroissement du pouvoir d'achat des vendeurs et consommateurs à travers les économies qu'ils réalisent. Il donne ensuite aux vendeurs une capacité financière et une visibilité dans la société surtout aux femmes une autonomie financière et réduit leur dépendance dans ce domaine. Sur le plan macro-économique, la vente illicite du « kpayo » a généré en 2004 à l'Etat un revenu de 34 milliards de francs CFA qui dépassent les pertes de recettes fiscales et de la réduction des coûts d'approvisionnement induite par la fourniture du pétrole à moindre coût via le Nigéria. Ce commerce fait gagner une somme nette de 16 milliards de francs CFA à l'Etat selon MORILLON V. et AFOUDA S. Ces acteurs accompagnent l'Etat dans son fonctionnement, à titre d'exemple, ces vendeurs ont donné officiellement au ministère des sports et loisirs une somme de 200 000F CFA pour aider notre équipe nationale lors de la Coupe d'Afrique des Nations au Ghana. Dans la région d'Adjarra dans le département du Plateau, un grossiste

    de « kpayo » a octroyé à la gendarmerie de cette localité un engin neuf pour lui permettre de bien accomplir sa mission.

    Socialement pour le simple fait qu'elle occupe un nombre très important d'acteurs. A ce titre elle atténue la pauvreté, amoindrit les problèmes de manque d'emploi et la cherté de la vie. Elle a permis à plusieurs ménages de financer l'éducation de leurs enfants ou de leur payer les frais pour des formations professionnelles. Ce commerce a contribué au changement de mode de vie, à l'augmentation de la pension alimentaire. Il y a un changement positif dans leur niveau de vie car ils se sont donné une position sociale grâce à ce commerce. Certains se sont offerts des terrains et ont pu construire leur propre maison toute chose qui n'était pas possible au départ. Ces vendeurs du « kpayo » emploient des mains d'oeuvres occasionnelles. On note encore une autre catégorie qui a réussi à payer des engins qui font le zémidjan et des voitures soit pour le taxi inter-urbain ou extra-urbain, des mini-bus et même des bus utiles pour le transport des populations. Toujours à Adjarra, le même grossiste à construit un terrain de football aux jeunes de la ville; il a contribué à une bonne rentrée scolaire 2008-2009 des jeunes en leur offrant des fournitures scolaires et aux directeurs d'écoles des matériels didactiques. Ce sont les revenus du « kpayo » qui sont investis dans le social pour encourager et accroître les rendements scolaires de la localité et partant du pays.

    Rappelons de façon générale que c'est à travers le secteur informel que la majeure partie de la population béninoise a facilement accès aux produits de premières nécessités. Selon une étude commanditée par la Chambre de Commerce et d'Industrie du Bénin (CCIB) financée par le Projet d'Appui au Secteur Privé (PASP) sur la structuration du secteur informel, les experts John IGUE et Frédéric PUECH ont constaté que ce secteur représente les 2/3 du Produit Intérieur Brut (PIB) et génère 95% des emplois au Bénin47(*). Au vu de ces résultats il est sans doute incontestable de se rendre à l'évidence et d'affirmer que nous sommes en présence d'un secteur qui participe à l'équilibre, à la stabilité et au maintien de l'économie donc difficile à éradiquer.

    III.2.2°) Les inconvénients de la vente du « kpayo »

    L'importation, la distribution et la commercialisation de l'essence issue du secteur informel exposent les différents acteurs et la population à des risques d'incendie, aux problèmes de santé et à la pollution des eaux et de l'environnement. La vente du « kpayo » n'est pas de nature à encourager les sociétés pétrolières à venir s'installer dans notre pays. Elles sont confrontées à la concurrence déloyale de la part des vendeurs du secteur informel. Cela ne leur permet pas de recouvrir les sommes investies à travers des ventes afin de dégager un bénéfice. Du coup on note une réduction de la main d'oeuvre et parfois un licenciement du personnel engagé pour servir à la pompe. La baisse régulière des quantités vendues par les stations services réduit le montant des taxes par litre perçues sur les ventes réalisées. Cette taxe sur la valeur ajoutée est de 114F CFA. On évalue ces pertes à près de 20 milliards par an à l'Etat béninois.

    La distribution de l'essence vendue dans l'informel n'exige pas assez de moyens en témoigne ceux utilisés pour stocker, vendre et dans le transport (Voir la photo n°3).

    Photo n°3: Un mini-bus transportant de l'essence « kpayo »

    Source : Cliché, MONTCHO Bruno, Octobre 2008.

    Photo n°4: Camion citerne utilisé pour le transport de carburants.

    Source : Cliché, MONTCHO Bruno, Octobre 2008.

    Malgré son caractère inflammable et dangereux, elle est transportée à n'importe quel moment de la journée sur des engins mettant la vie des usagers des routes en danger.

    A la lumière de tout ce qui précède, malgré les problèmes et inconvénients, il est constaté que la vente de l'essence dans le secteur informel joue un rôle très important aux vendeurs, consommateurs et à l'Etat. Elle se présente comme un bien utile pour les différents acteurs de la société béninoise. Les fonctionnalistes diront qu'elle remplit des fonctions puisqu'elle apporte des services qui constituent une réponse aux besoins nés de la difficulté des sociétés agréées. Pour Thérèse N. KALHOULE, « si cette activité n'avait pas de rôle à jouer, elle aurait disparu du jour au lendemain faute de facteurs pour l'alimenter48(*)». Toute chose qui donne de la matière à réflexion à l'autorité et aux acteurs qui animent la vie sociale du Bénin.

    Selon qu'on soit vendeurs ou consommateurs, il n'est pas question de mettre fin à ce commerce qui leur permet de survivre. C'est donc aux dires de certains « un mal nécessaire ». Au terme de notre étude, après avoir écouté les uns et les autres nous avons proposé des approches de solutions qui sont de nature à réduire un peu l'extension du « kpayo » dans notre pays et soulager les sociétés pétrolières.

    IV. APPROCHES DE SOLUTIONS

    La vente illicite de l'essence au Bénin et à Cotonou en particulier se présente comme une activité normale. Les acteurs intervenant dans ce domaine sont confiants de ce que l'Etat ne peut plus réussir cette lutte entamée depuis des années. Pour ce faire il faut chercher à comprendre les faiblesses des politiques déjà exécutées et en élaborer d'autres qui tiendront compte des acteurs soit les impliquer pour proposer des issus ou des pistes fiables. Il faut éviter de penser que la lutte doit partir des vendeurs installés au bord des voies. C'est plutôt les grossistes et les importateurs qu'il faut maîtriser et associer. Mais malheureusement ce sont des acteurs qui opèrent à visage non découvert compte tenu de leur position, statut social et du caractère illicite du commerce.

    En somme, il est possible de réduire progressivement la vente de l'essence informelle de Cotonou ou du Bénin en pensant à un règlement d'Etat à Etat. C'est-à-dire impliquer l'Etat du Nigéria dans le règlement du problème.

    La disparité de prix constitue un élément capital dans la résolution de ce trafic illicite de l'essence. Ceci ne pourra être une réalité à la seule condition que le gouvernement nigérian fasse des réformes économiques et monétaires. Mais en attendant, l'Etat doit selon des responsables des compagnies pétrolières

    - Fluidifier le système d'approvisionnement et de distribution

    - Assainir le secteur pétrolier dans son ensemble

    - Réaménager la structure des prix quitte à prendre en compte les évolutions des prix sur le marché international. Il faut noter à ce sujet un effort considérable de la part du gouvernement actuel.

    - Une déduction d'impôts sur les achats de matériels de nature à inciter les compagnies à venir investir.

    - Il faut permettre aux compagnies de s'appuyer sur le marché nigérian pour l'approvisionnement.

    - Construire dans tout le pays des stations services et bien les approvisionnées.

    Il convient de noter que le secteur informel en général et celui des hydrocarbures en particulier sont des réalités immuables qu'il ne faut pas formaliser ou à rendre légal les acteurs et l'activité. L'une des alternatives seraient de les laisser tel exercer et procéder à des impositions moins contraignantes.

    Une solution à moyen et long terme est envisageable pour résoudre la vente illicite du « kpayo ». Ainsi, avec la découverte d'un gisement de pétrole sur les côtes béninoises précisément à Sèmè dans la Commune de Sèmè-Kpodji, il est possible de décourager les vendeurs du « kpayo » dans les cas suivants :

    - Installer l'industrie nécessaire et approprié pour extraire et raffiner le pétrole.

    - Pratiquer un prix d'achat plus ou moins égal à ceux pratiqué par les stations services du Nigéria. Car un prix inférieur fera réorienter le commerce vers le Nigéria qui constitue une puissante demande.

    - Penser à une dotation en carburants des Béninois si le gisement est important et pourra tenir compte de l'accroissement de la population.

    CONCLUSION GENERALE

    La question de l'interdiction de la vente illicite de l'essence à Cotonou est perçue différemment selon que l'on soit vendeurs, consommateurs, gérant de stations services et autorités. La vente du « kpayo » dans la ville de Cotonou est constatée sur tout le territoire béninois. Les stratégies, méthodes bref l'organisation en général mise en place par les vendeurs est identique dans tout le pays. Les motifs justifiant la pratique ou l'utilisation voire l'adoption de ce commerce des acteurs commerciaux et même des consommateurs sont similaires. Ce sont les conditions socio-économiques, politiques voire démographiques du pays qu'utilisent les acteurs impliqués pour légitimer et justicier le commerce. Le paradoxe de la vente illicite du « kpayo » est que tous les acteurs savent et sont conscients des dangers qu'ils encourent en adoptant le produit.

    La vente de l'essence informelle fut considérée entre temps comme une activité passagère. Mais au fil des jours, elle s'est amplifiée au cours des années et occupe tout le pays. Il s'agit d'une activité qui a résisté au régime socialiste puis au marxisme léninisme pour se retrouver dans le capitalisme qui est un système caractérisé par une économie de marché. C'est un régime de profit dans lequel le seul objectif des acteurs est la recherche de profits et la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Ils sont livrés à eux même. En conséquence, il est utopique à la mesure impossible de penser actuellement au vu des conditions et réalités économiques caractérisées par la morosité, la cherté de la vie bref une récession en vu que l'Etat béninois dispose de moyens pour interdire ou lutter contre la vente de l'essence « kpayo ».

    Les systèmes de lutte conte le phénomène mise en place par les autorités politiques ont jusqu'à ce jour montré leurs limites pour le fait qu'ils n'ont pas tenu compte des réalités socio-économiques et même politiques du pays. On se rend à l'évidence pour le fait que notre pays ne peut pas se passer aujourd'hui de l'essence informelle venue du Nigéria. Son potentiel support est les consommateurs qui entretiennent et donnent vie à l'activité. Tous les acteurs y trouvent leurs avantages même celui qui doit l'interdire et imposer le respect des lois et règles qu'il a élaborées.

    Les hypothèses émises se sont révélées cruciales. Seulement que celle ayant trait à la reconversion des acteurs dans d'autres activités économiquement efficace met l'Etat dans une position ambiguë, puisqu'il y a d'abord des mains d'oeuvres qualifiées qui attendent d'être utilisées, ensuite ces vendeurs sont pour la plupart des acteurs non moins ou peu qualifiés, enfin ce sont des gens qui ont déjà un niveau de vie, un revenu, et n'en voudront pas moins. Ils se posent la question de savoir combien l'Etat va leur payer en compensation des gains obtenus dans l'informel ?

    L'accroissement démographique, le taux élevé du chômage, la cherté de la vie, la pauvreté, caractérisent les pays sous-développés de l'Afrique dont le Bénin. Les populations pour survivre sont obligées d'exercer des activités illégales. Le secteur informel est pour elles le seul et unique point d'atterrissage à leur taille. Il est important de dire en se référant aux nombreux travaux du Bureau International du Travail que ce secteur demeure pour beaucoup de pays l'essentiel qu'il faut traiter comme tel pour bâtir de nouvelles théories de développement. Considéré comme un secteur essentiel de développement, il est possible de lui appliquer des lois dynamiques fondées sur la nécessité d'intégrer toutes les forces vives de la nation au processus de développement.

     

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    I- OUVRAGES

    1- DURKHEIM Emile, 1937, Les règles de la méthode sociologique, Quadrige, PUF, 11ème édition, 149 pages.

    2- Document d'Etude et recherche Version Provisoire, BCEAO, Le marché formel des produits pétroliers au Bénin : Diagnostique et prospection pour sa restructuration, mars 2006, 53 pages.

    3- ETIENNE J., BLOESS F., NORECK J-P., ROUX J-P., 1997, Dictionnaire de sociologie : les notions, les mécanismes et les acteurs, Paris, Hatier, 2ème édition, 345 pages.

    4- FRIEDBERG E. et CROZIER M., 1977, L'acteur et le système, Paris 6, Seuil, 417 pages.

    5- HOUNYE SEDDOR C., Juillet 2004, La situation de la distribution des produits pétroliers au Bénin, Cotonou, service du traitement, de la distribution et du contrôle des produits pétroliers, 24 pages.

    6- IGUE J. O. et AFOUDA S., 1992, L'Etat-entrepôt au Bénin commerce informel ou solution à la crise ? Paris, Karthala, 210 pages.

    7- KI-ZERBO J., avril 2003, A quand l'Afrique ? entretien avec René Holstein, presses universitaires d'Afrique, édition d'en bas, Ruisseau d'Afrique et Sankoli et Gurli, 197 pages.

    8- MALDONADO C., 1987, Les petits producteurs urbains de l'Afrique francophone, Genève, BIT, 1ère édition, 258 pages.

    9- MORILLON V. et AFOUDA S., Le trafic illicite des produits pétroliers entre le Bénin et le Nigéria, vice ou vertu pour l'économie béninoise ? LARES, Cotonou,

    136 pages.

    10- PENOUIL M., 1979, La socio-économie du sous développement, Paris, Dalloz, 2ème trimestre.

    II- MEMOIRES

    1- KALHOULE N. T., 2005, Les composantes sociales et politiques de la vente de l'essence dans l'économie informelle à Cotonou, Mémoire de maîtrise en Sociologie-Anthropologie, Université d'Abomey-Calavi, FLASH,

    116 pages.

    2- KITI A., 1993, Le commerce des produits pétroliers d'origine nigériane au Bénin ; cas du département de l'Atlantique, Mémoire de maîtrise en Géographie, Université d'Abomey-Calavi, FLASH, 124 pages.

    3- SOSSA K. L., 2004, La vente du carburant dans l'informel en zones périurbaines : cas de l'Arrondissement de Godomey au Bénin, Mémoire de DESS, Université d'Abomey-Calavi, CEFORP, 73 pages.

    III- ARTICLES ET COMMUNICATIONS

    1- DAN Gallin, Juillet 1999, Sixième Université d'été de l'Association Club Mohamed Ali de la Culture Ouvrière (ACMACO), Droits sociaux et secteur informel, Le Global Labour Institute.

    2- Direction générale du Bureau International du Travail, 1991, Le dilemme du secteur non structuré, rapport partie I, conférence internationale du travail, 78ème session, 76 pages.

    3- INSAE, 2006, Atlas monographique, Cotonou.

    4- INSAE, 1999, Projection de la population du département du Littoral de 1997 à 2032, 97 pages.

    5- INSAE, 2002, 3ème Recensement général de la population et de l'habitat, Cotonou.

    6- Investir au Bénin, Décembre 2006, Magasine Trimestrielle d'Information et d'Analyse du Ministère de l'Industrie et du Commerce, cell. Com. MIC/Bénin, 42 pages.

    7- RODRIGUEZ-TORRES D., Juin 1998, Le Kénya le contrat social à l'abandon, Politique Africaine 70, Paris, Karthala.

    IV- JOURNAUX ET SUPPORT ELECTRONIQUE

    1- AHOLOU Chris-Amos, Réglementation de la vente de l'essence frelatée au Bénin, www.béninhuzu.org/.

    2- HOUSSOU Brice, directeur de publication du journal FRATERNITE, n°2230 du vendredi 28 novembre 2008, disponible sur le site www.fraternite-info.com.

    3- TCHIBOZO Maximin, directeur de publication du journal LE MATINAL, n°1570 du mardi 03 juin 2003, « Hydrocarbures : Pénurie dans l'Atacora et la Donga », disponible sur le site www.lematinal.info.

    4- TCHOUNKEU, Séverin, directeur de publication du journal La nouvelle expression, n°1422 du 23 février 2005, disponible sur le site www.lanouvelleexpression.net.

    5- www.google.fr, « Contrebande de carburant au Burkina : marée noire sur Tenkodogo » par BAMA Ladji du mardi 30 octobre 2007.

    V- TEXTES ET LOI

    1- Ordonnance n°74-70 du 04 Décembre 1974 portant création de la SONACOP en République Populaire du Bénin.

    2- Décret n°83-298 du 24 Août 1983 portant répression du commerce illicite des produits pétroliers sur le territoire national de la République Populaire du Bénin.

    3- Décret n°95-139 du 03 Juin 1995 portant libéralisation du commerce des produits pétroliers en République du Bénin.

    4- Décret n°97-028 du 15 Janvier 1999 portant organisation de l'administration territoriale en République du Bénin.

    LISTE DES TABLEAUX, PHOTOS ET GRAPHIQUES

    Tableau I : Projection de la population de Cotonou (2005-2010)

    Tableau II : Répartition statistique des groupes cibles

    Tableau III : Les quantités vendues dans l'informel

    Tableau IV : Présentation des prix de vente d'un litre d'essence

    Tableau V : Situation matrimoniale des vendeurs

    Tableau VI : Ancienneté des vendeurs

    Tableau VII : Niveau d'instruction des vendeurs

    Tableau VIII : Motivations personnelles des vendeurs

    Tableau IX : Motivations personnelles des consommateurs

    Tableau X : Les raisons de la persistance de la vente du kpayo

    Tableau XI : Les raisons de l'interdiction du kpayo par les autorités

    Graphique n° 1 : Représentation de l'évolution de la population de Cotonou

    Graphique n° 2 : Représentation de l'évolution des quantités d'essences vendues

    Graphique n° 3 : Représentation de l'évolution des prix de l'essence

    Photo n° 1 : Présentation d'un étalage de kpayo à Cotonou

    Photo n° 2 : Présentation d'une station service à Cotonou

    Photo n° 3 : Un mini-bus transportant de l'essence kpayo

    Photo n° 4 : Un camion citerne utilisé dans le transport de carburant

    QUESTIONNAIRE

    (Adressé aux vendeurs)

    Nom:................................................................................

    Prénoms :.........................................................................

    Sexe :................................................................................

    Ancienneté :.....................................................................

    Situation matrimonial:...............................................

    1°) Pourquoi avez-vous choisi de vendre de l'essence kpayo ?

    2°) Avez-vous d'autres activités ? oui non

    Si oui : lesquelles..............................................................................................

    3°) Avez-vous autres étalages ?.......................................................

    4°) Comment fonctionnent-ils ?........................................................

    5°) Depuis quand exercez-vous cette activité ?................................................

    6°) Est-il interdire de vendre du kpayo ?............................................

    oui non ne sait pas

    7°) Si oui pourquoi ?.................................................................................................

    8°) Pourquoi continuez-vous à vendre ?.............................................

    9°) Souhaiteriez-vous arrêter ? Justifiez...............................................................

    .................................................................................................................................

    10°) Est-il possible selon vous d'éradiquer cette activité ? Justifiez.

    11°) Que préconisez-vous ?..............................................................

    GUIDE D'ENTRETIEN

    (Adressé aux consommateurs)

    Nom:...............................................................................

    Prénoms:.........................................................................

    Sexe..................................................................................

    Activité.............................................................................

    I- Raisons de l'approvisionnement de l'essence kpayo.

    . Raisons économiques;

    . Raisons qualitatives;

    . Autres raisons;

    II- Conséquences de l'utilisation de l'essence kpayo.

    - Conséquences matérielles;

    - Conséquences environnementales;

    - Autres conséquences;

    III- Perception/ conception des consommateurs sur la lutte contre la vente de l'essence kpayo.

    GUIDE D'ENTRETIEN

    (Adressé aux autorités politiques et gérants de stations)

    Nom..............................................................................

    Prenom:.....................................................................

    Sexe:...........................................................................

    Qualificatif :................................................................

    I- Perception sur la vente informelle de l'essence à Cotonou

    - Causes sociales ;

    - Causes économiques ;

    - Causes politiques;

    II- Conséquences de la vente du kpayo

    - Pour l'Etat;

    - Pour les sociétés agréées ;

    - Pour les populations;

    III- Interdiction de la vente de l'essence kpayo

    - Motivations de l'Etat et des sociétés agréées

    - Politiques et plans envisages

    TABLE DES MATIERES

    PAGES

    Dédicace.............................................................................................................2

    Remerciements.............................................................................................3

    Sommaire...........................................................................................................5

    Introduction........................................................................................................6

    1ère Partie : Cadres théoriques et méthodologiques...9

    I- Cadre théorique........................................................................................10

    I.1°) Problématique, Hypothèses, Objectifs.......................................10

    I.2°) Clarification conceptuelle............................................................15

    I.3°) Justification du choix du thème et du cadre d'étude..........21

    I.4°) L'état de la question....................................................................24

    II- Approche méthodologique................................................................33

    II.1°) Présentation du cadre d'étude...............................................34

    II.1.1°) Les caractéristiques physiques.....................................34

    II.1.2°) Caractéristiques socio-économiques...........................35

    II.2°) Délimitation thématique, temporelle et déroulement

    de l'enquête....................................................................38

    II.2.1°) Délimitation thématique.................................................38

    II.2.2°) Délimitation temporelle et déroulement

    de l'enquête...........................................................38

    II.3°) L'enquête.....................................................................................40

    II.3.1 Nature de l'étude.............................................................40

    II.3.2 Groupes cibles...................................................................40

    II.3.3 Echantillonnage..................................................................40

    II.3.4 Techniques d'investigation..............................................43

    II.3.5 L'analyse des données de terrain..................................43

    II.4°) Les difficultés rencontrées......................................................44

    2ème Partie : Présentation, Analyse des résultats et

    Approches de solutions......................................................................46

    I- L'organisation et ampleur de la vente informelle

    de l'essence....................................................................47

    I.1°) Origine..............................................................................................44

    I.2°) Les acteurs et les circuits commerciaux...............................48

    I.2.1°) Les acteurs.......................................................................48

    I.2.2°) Les circuits informels de distribution..........................50

    I.2.3°) Les volumes d'essences commercialisées dans

    Les secteurs formel et informel......................52

    II- Restitution des données de la recherche..........................56

    III- Analyse des données de la recherche..................................63

    III.1°) Les déterminants du trafic illicite de l'essence...........74

    III.1.1°) Les facteurs géographiques....................................75

    III.1.2°) Les facteurs économiques.......................................75

    III.1.3°) Les facteurs socio-anthropologiques....................76

    III.2°) Les avantages et les inconvénients du commerce...78

    III.2.1°) Les avantages de la vente du « kpayo »............78

    III.2.2°) les inconvénients de la vente du « kpayo ».......80

    IV- Approches de solutions...................................................................83

    Conclusion........................................................................................................85

    Références bibliographiques..................................................................87

    Liste des tableaux, photos et graphiques.....................................90

    Annexes.................................................................................................................91

    Table des matières.........................................................................................95

    * 1 INSAE, 2002, Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH3), p 8

    * 2 Dessy Rodriguez-Torres, juin 1998, le Kénya le contrat social à l'abandon, Politique Africaine 7O, Karthala, Paris, p54

    * 3 ibid, p54.

    * 4 SOSSA K. Luc, La vente du carburant dans l'informel en zones périurbaines : cas de l'Arrondissement de Godomey au Bénin, p 10

    * 5 MORILLON V. et AFOUDA S. Le trafic illicite des produits pétroliers entre le Bénin et le Nigéria, vice ou vertu pour l'économie béninoise? LARES, Cotonou, 136p

    * 6 Dictionnaire de sociologie, les notions, les mécanismes, les auteurs, 2ème édition, Hatier, p35

    * 7 Nom de la langue locale Goun donné à l'essence informelle vendue en dehors des stations, de qualité douteuse et non original.

    * 8 Organisation des Pays Exportateurs du Pétrole

    * 9 IGUE J. O. et SOULE B. G. 1992, L'Etat-entrepôt au Bénin commerce informel ou solution à la crise ?, Paris, Karthala, 21O pages.

    * 10 Deyssi Rodriguez-Torres, opp cit, p55

    * 11 Bureau International duTravail, Le dileme du secteur non structuré, Genève, p7

    * 12 BIT, opp cit, p15

    * 13 Cf Séminaire 4e année Sociologie-Anthropologie 2004-2005, TINGBE-AZALOU Albert, Prospective et Stratégies en Afrique.

    * 14 KALHOULE N. T. Les composantes sociales et politiques de la vente de l'essence dans l'économie informelle à Cotonou, Mémoire de maîtrise de Sociologie-Anthropologie, p 19

    * 15 KALHOULE N. T. Opp cit, p 20.

    * 16 Dictionnaire de sociologie, opp cit, p324

    * 17 Dictionnaire de sociologie opp cit, p35

    * 18 Ibid, p135

    * 19 FRIEDBERG E . et CROZIER M., 1977, l'acteur et le système, Paris 6, Seuil, 417pages

    * 20 ibid, p45

    * 21 ibid, p42

    * 22 FRIEDBERG E. et CROZIER M. opp cit, p42

    * 23 RODRIGUEZ-TORRES D. opp cit, p47

    * 24 RODRIGUEZ-TORRES D. opp cit, p58

    * 25 RODRIGUEZ-TORRES D. opp cit, p54

    * 26 IGUE J.O. et SOULE B. G, L'état-entrepôt au Bénin commerce informel ou solution à la crise ?, Karthala, 1992, 210pages.

    * 27 KALHOULE N. T. opp cit, 116pages

    * 28 HOUNYE SEDDOR, C. La situation de la distribution des produits pétroliers au Bénin, Cotonou, service de traitement, de la distribution et du contrôle des produits pétroliers, juillet 2004, 24pages.

    * 29 MORILLON V. et AFOUDA S. 136pages.

    * 30 KITI A.1993, Le commerce des produits pétroliers d'origine nigériane au Bénin : cas du département de l'Atlantique, mémoire de maîtrise de Géographie, Université d'Abomey-Calavi, FLASH, 124pages.

    * 31YABI G , Bénin-Nigéria : je t'aime, moi non plus,

    * 32Document d'Etude et de recherche Version Provisoire BCEAO, le marché formel des produits pétroliers au Bénin : Diagnostic et Proposition pour sa restructuration, mars 2006, 53pages

    * 33 SOSSA K. L. opp cit 73pages

    * 34 Le Matinal N°1570 du Mardi 03 Juin 2003, « Hydrocarbures : Pénurie dans l'Atacora et la Donga »

    * 35 La nouvelle expression, journal n°1422 du 23-02-2005. Directeur de Publication Sévérin TCHOUKEU ; site : www.lanouvelleexpression.net

    * 36 KALHOULE N. T. opp cit, p26

    * 37 BOUDON R. et BOURRICUAPD F. le dictionnaire critique de la sociologie, p369.

    * 38 ATLAS MONOGRAPHIQUE, 2006, INSAE.

    * 39 INSAE, Projection de la population du Département du Littoral de 1997 à 2032, Octobre 1999, opp cit p60

    * 40 Document d'Etude et de Recherche version provisoire, BCEAO, opp cit p37.

    * 36 KALHOULE N. T. opp cit p32

    * 41MORILLON V. et AFOUDA S. opp cit, 136p

    * 42 MALDONADO, C. Les petits producteurs urbains de l'Afrique francophone, 1987, Genève,

    BIT, 1ère édition, P7

    * 43 PENOUIL, M. La socio-économie du sous-développement, 1979, Paris, Dalloz, 2ème trimestre, pp45-48.

    * 44 KI-ZERBO, J., A quand l'Afrique? pp118-119

    * 45 MORILLON, V., & AFOUDA S., opp cit, p38

    * 46 IGUE J. O., & SOULE B. G., opp cit, pp98-99.

    * 47 FRATERNITE, n°2230 du vendredi 28 novembre 2008, « Plaidoyer pour une meilleur structuration du secteur informel au Bénin »

    * 48 KALHOULE N. T., opp cit, p85.






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery