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D'Orphée et des poètes noirs de l'Anthologie ou les raisons d'une comparaison imagologique

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par Mor Anta Kandji
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2006
  

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Chapitre II

L'Afrique -Eurydice, est-elle ensevelie ?

Il y a des situations - et nous l'avons montré - qui ont aidé à compromettre la quête des poètes noirs de l'Anthologie. Entrent dans cet ordre, avons-nous déjà considéré, l'assimilation dont les intellectuels nègres de l'époque ont été victimes et les mutations sociales que l'Afrique a connues pendant cette période de la domination coloniale.

I.1. L'Afrique « européanisée »

Nous avons reconnu que « la colonisation a déstructuré l'univers traditionnel africain1 ». C'est une situation dont nos poètes ont bel et bien rendu compte, parce qu'elle produit à leur niveau une « déchirure2 » mentale qui n'est pas sans rapport avec ce que nous avons appelé les idées généreuses de la Civilisation de l'Universel.

Parler donc de cette civilisation, c'est aussi parler, en ce qui concerne les Africains, de l'adaptation à un monde qui ne semble pas se préoccuper de leur part d'originalité.

En fait le Blanc a toujours fait comprendre que l'entreprise coloniale, en Afrique et dans les autres parties du monde, avait fondamentalement une mission civilisatrice. L'Europe était venue lutter contre la barbarie des autres peuples, parce qu'il n'y avait de civilisation qu'occidentale.

Ce qui a favorisé en Afrique un climat d'injustice et de violence dans les rapports entre les autochtones et la communauté blanche, climat entretenu par le mépris dont les valeurs de culture nègres, le Noir et sa vision du monde faisaient l'objet dans la société coloniale.

1 Lezou (Gérard Dago), La Création romanesque devant les transformations actuelles en Côte d'Ivoire, NEA, 1977, p.81

2 Le mot est de Jean - Paul Sartre

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Le Nègre, dans cette société, n'est pas du tout respecté. Il est considéré par le colonisateur comme un homme entièrement à part, un sous - homme, un être dont on cherchait à détruire la personnalité, à qui on a refusé toute dignité humaine.

En effet des propos racistes de cet ordre sont rapportés dans un poème

de David Diop, intitulé « Un Blanc m'a dit... » :

« Tu n'es qu'un nègre !

Un nègre !

Un sale nègre !1 ».

Ce mépris dont le Noir est l'objet répondait à une volonté du colonisateur d'amener les Africains à se renier eux-mêmes, à apprécier négativement leur monde originel, parce que, il faut l'avouer, la destruction des sociétés traditionnelles se trouvait au coeur de son action politique.

Cet objectif que nous évaluons ici en rapport avec l'échec de nos poètes dans leur désir de retrouver l'Afrique authentique et ses valeurs de civilisation, a été atteint, dans la mesure où ce colonisateur a apporté un changement aux société africaines, a su créer en Afrique un ordre social nouveau, en procédant à la mise en place d'une société coloniale qui n'a pas, il est vrai, son modèle en Occident2.

C'est cet ordre social nouveau qu'on se plaît à mettre au compte des bienfaits de la colonisation, en ce que celle-ci, considère-t-on, a « (créé) des emplois nouveaux, dans le commerce, l'administration, l'armée et la police, les Travaux Publics, l'industrie et (offert) ainsi aux Africains des possibilités d'enrichissement et de promotion sociale »3.

1 Diop (David), Coups de pilon, 1956, « Un Blanc m'a dit », poème cité dans l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française de Léopold Sédar Senghor, op. cit. p. 175

2 Sur la question, on lira avec intérêt les deux premiers chapitres de l'ouvrage de Bernard Moralis, Littérature et développement, op. cit.

3 Mouralis (Bernard), Littérature et développement, op.cit., p.25

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Ces mutations que le continent noir, pendant la période coloniale, a connues, les poètes noirs de l'Anthologie en ont parlé. Ils ont parlé non seulement du fait qu'elles ont rendu méconnaissable la terre ancestrale, mais aussi et surtout des misères qu'elles ont favorisées dans les rapports entre les Noirs et la communauté blanche présente dans les colonies.

Les Nègres, victimes des injustices et violences de la société coloniale, vivaient dans la peur et l'angoisse dans une situation qui rappelle celle de ce frère de race que David Diop dans « Défi à la force » interpelle :

Toi qui ne regardes plus avec le rire dans les yeux

Toi mon frère au visage de peur et d'angoisse1».

En fait le traitement inhumain qui est réservé à ce frère et l'exploitation dont il est l'objet dans ce qu'il produit, dans les services rendus à son maître blanc, sont des réalités qui n'ont rien à voir avec l'image rassurante que l'Afrique des origines a fini d'offrir à nos poètes.

Nous n'entendons pas, cependant, revenir sur l'ensemble des mutations, sur ce qu'elles comptent comme pièges, déviations, problèmes et misères de la société coloniale. Joseph Ki-Zerbo s'est largement penché sur la question. Comme historien, il ne peut que nous éclairer davantage sur cette période qui a vu se compromettre les valeurs, voire la vision du monde noir.

« En général, écrit-il, la colonisation a mis en train un processus de transformation intérieure. Des sociétés closes et repliées sur elles - mêmes sont désormais travaillées par le levain de l'argent et des idées nouvelles. La propriété privée peu connue jusque-là s'implante surtout dans les zones côtières et dans les villes. La dot qui était versée à la fiancée, jusque - là symbole et lien, se transforme surtout dans les villes en un prix comme les autres »2.

1 Diop (David), Coups de pilon, 1956, « Défi à la force », poème cité dans l'Anthologie de L.S. Senghor, op. cit, p.176

2 Ki-Zerbo (Joseph), Histoire de l'Afrique noire, Paris, Hatier, 1972. p. 435

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Dans cette Afrique coloniale, cette Afrique du « Nègre noir comme la Misère »1, « des boys suceurs, des maîtresses de douze ans »2, le Noir, pour avoir la vie comme le Blanc, « a du tronquer sa liberté, sa dignité, sa foi ancestrale contre la vie domestique, de bâtard et de chrétien, il a dû "se dépersonnaliser" »3 pour se rapprocher du Blanc et « lui ressemble(r) le plus possible »4.

C'est une attitude, d'ailleurs, qui lui est dictée par sa conscience, la

conscience qu'il a de l'irréversibilité de cette situation imposée par l'histoire.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius