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La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun

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par NENEO KALDAYA
Université de Douala - Cameroun -  Diplôme d'études approfondies option droit public interne 2008
  

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DISTINCTION POUVOIR CONSTITUANT ET POUVOIRS

CONSTITUES

Par définition, « La constitution rigide est celle qui est adoptée et modifiée dans des conditions et des formes plus strictes que celles régissant l'adoption et la modification des lois ordinaires »47(*). Il s'agit ici de mettre la constitution, texte fondamental et oeuvre du souverain, à l'abri de toute immixtion, notamment du législateur ordinaire. La constitution, une fois adoptée, doit être respectée à la lettre par les pouvoirs constitués qui ne peuvent agir qu'en conformité avec l'esprit de cette dernière. A la lecture des constitutions Camerounaises48(*), l'on ressent la difficulté de la distinction de la constitution souple et de la constitution rigide rendant ainsi très complexe certaines pratiques. A l'évidence, il est souhaitable de présenter les conditions de la rigidité constitutionnelle (A) avant de souligner ses effets sur le plan de l'importance même de la constitution (B).

A- Les conditions de la rigidité constitutionnelle

Marque du constitutionnalisme49(*) moderne, la rigidité constitutionnelle signifie qu'une distinction doit être faite entre le pouvoir constituant et les pouvoirs constitués,50(*) ceci tant du point de vue de la forme (1) que du point de vue du fond (2).

1- La condition de procédure

L'histoire constitutionnelle camerounaise relève un certain nombre de canons devant orienter l'évolution de la constitution. La condition de procédure permet ainsi d'assurer une certaine continuité dans le rôle joué par la constitution. Autrement dit, et comme le souligne PHILIPPE LAUVAUX, « La nouvelle constitution peut-être élaborée en complète continuité avec la précédente »51(*). C'est le sens qu'on pourra donner à la fréquence successorale des constitutions camerounaises de 1960 à 1972. La révision de la constitution doit pour ce faire obéir à un canon défini par la constitution elle-même, afin de cadrer et limiter les susceptibilités de manipulations par les autres pouvoirs pour des motifs non évidents. Cependant, quoique précisées, ces procédures sont souvent l'objet de violation du fait d'une majorité qualifiée (présidentielle, parlementaire) mettant ainsi en mal la condition de fond.

L'on note généralement une fissure doctrinale notamment dans le processus ayant abouti à la mise en place de la constitution du 18 janvier 1996. Pour le professeur ALAIN DIDIER OLINGA en effet, « L'argument de fraude [...] part de l'idée théorique selon laquelle la souveraineté, la compétence inconditionnée, appartient au peuple, au pouvoir constituant originaire, le pouvoir de révision étant par principe dépourvu d'une capacité souveraine et illimitée d'action »52(*).

2- La condition de fond

A nos jours, les sociétés politiques sont à l'heure des mutations profondes53(*) avec dans une certaine mesure l'universalisation, voir la mondialisation du constitutionnalisme.54(*) Loin d'adopter une constitution pour le moins descriptive, l'on s'aperçoit qu'un certain nombre d'exigences sont en vue. C'est le signe visible même de la globalisation des normes régissant les sociétés politiques en général, notamment, les conditions touchant à la garantie des droits et de la séparation des pouvoirs. Le constituant camerounais formé à l'occidentale55(*) comme semble nous le relever JEAN DU BOIS DE GAUDUSSON,56(*) n'est pas en marge de ces impératifs.

S'agissant de la première condition, tout texte constitutionnel notamment camerounais, est précédé d'un préambule, sorte d'une forme de synthèse des déclarations des droits. Au Cameroun, le préambule est depuis la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996, partie intégrante de la constitution,57(*) elle est à notre sens le signe fort de la modernisation de la société politique camerounaise. Comme semble nous le démontrer JEAN PETOT, « Si le présent déçoit, ce qui ne peut manquer, le changement est bon puisque l'on veut faire toujours mieux »58(*).

Pour ce qui est de la seconde condition, elle souligne pour paraphraser MONTESQUIEU que le cumul de pouvoirs est un signe de faiblesse de la pratique de pouvoir institutionnalisé.59(*)La constitution révisée en a fait mention avec l'érection de l'autorité judiciaire en pouvoir judiciaire60(*), en raison de son importance dans le jeu de l'arbitrage des conflits. Parce que la constitution est considérée comme un projet de société, un programme, elle produit donc des effets qui ne passent pas inaperçus dans la configuration de la société politique.

B- Les effets de la rigidité constitutionnelle

Même si « la constitution rigide n'est pas une panacée susceptible d'assurer la consolidation ou la stabilité de l'ordre juridique quelque soit les circonstances »61(*) comme l'affirme si bien NICOS M. ROTIS, elle produit néanmoins des effets politiques. Les effets positifs sont donc l'assurance d'une certaine stabilité (1), ce qui consacre par la même occasion la suprématie des normes constitutionnelles (2).

1-La stabilité constitutionnelle, fruit du respect de la constitution

PHILIPPE LAUVAUX définit la rigidité constitutionnelle selon un double point de vue fonctionnel : elle permet d'assurer la stabilité et la suprématie constitutionnelle.

Pour ce qui est de la stabilité, il affirme en effet qu' « elle est garantie par des règles particulières concernant la procédure de révision, règles plus contraignantes, notamment quant aux majorités et aux délais que celles qui s'imposent au législateur ordinaire »62(*). Le cadrage de la révision constitutionnelle est un impératif du constituant qui ne peut être dérogé. Même si pour la doctrine, cette technique est porteuse d'une tare du point de vue de la souveraineté, car, aucune génération ne saurait lier une autre. C'est ce qui explique la fréquence de la révision constitutionnelle dans les Etats.

L'histoire constitutionnelle camerounaise obéit à cette exigence cardinale. De tout temps, les multiples révisions63(*) qu'a connues le texte fondamental camerounais obéissent certes, à ces conditions. Néanmoins, convient-il de souligner le fort poids du politique sur le juridique, entraînant la confiscation du pouvoir constituant par le pouvoir constitué. La doctrine a pu par moments qualifier cette technique du « pontificat présidentiel », qui consiste en une sorte de prépondérance du président de la république dans le processus constitutionnel. Cette pratique a longtemps constitué une atteinte à la suprématie de la constitution.

2- La consécration de la suprématie constitutionnelle

Dans le contexte constitutionnel, « La suprématie implique normalement que les actes contraires à la constitution sont frappés de nullité », souligne P. LAUVAUX64(*). La constitution devient ainsi la boussole de la machine juridique dans l'Etat.

La consécration de la suprématie des normes constitutionnelles est identifiable au Cameroun grâce à l'institution du contrôle de la constitutionnalité des lois, notamment par la création du conseil constitutionnel par la constitution de 1996,65(*) substituant ainsi à la compétence constitutionnelle de la cour suprême du Cameroun, abondamment critiquée par la doctrine et la jurisprudence66(*). Cependant, « il n'y a de suprématie constitutionnelle [dans ce contexte] que seulement dans la mesure où le président de la république veut »67(*). Il s'agit ici de la substitution , seul gardien de constitutionnalité à l'ordre juridique suprême, synonyme de la remise en cause de la suprématie constitutionnelle.

Parce que acte fondamental, la fonction de modification d'un ordre constitutionnel existant incombe au pouvoir de révision. Pour CHARLES CADOUX en effet, « réviser une constitution, c'est la modifier en changeant ou en supprimant certains articles, ou en ajoutant au texte original »68(*). Le pouvoir de révision est donc l'oeuvre d'un pouvoir institué par le constituant, détenteur de la souveraineté dans l'Etat. Le constituant camerounais de 1996 confère ce pouvoir au président de la république et au parlement (pouvoir d'initiative) avec une prépondérance présidentielle. En effet, l'initiative parlementaire est soumise à la signature d'au moins un tiers de ses membres69(*). De même, une faille est accordée au chef de l'Etat lorsque la constitution lui laisse le choix de soumettre la proposition ou le projet de révision de la constitution au référendum.70(*) La rigidité de la constitution est donc l'expression de la toute puissance de la constitution par rapport aux autres textes. Elle constitue une obligation impérative pour les pouvoirs constitués et doit être observée à la lettre. L'ossature constitutionnelle camerounaise est bâtie sur ce modèle, son essence formelle 71(*)laisse planer une incertitude sur la norme constitutionnelle. Telle semble être la différence avec la constitution souple qui ne marque aucune distinction avec les lois ordinaires.

* 47 Eric Olivia, Droit constitutionnel, précité, page 8.

* 48 Il s'agit ici de la vision historique de la constitution du Cameroun de 1960 à nos jours.

* 49 P. Gélard et J. Meunier, Institutions politiques et droit constitutionnel, Montchrestien, 2è édition, 1997, page 91.

* 50 Francis Hamon, Michel Troper et Georges Burdeau, Manuel de droit constitutionnel, DALLOZ, 27è édition, 2001 ; pages 39-40.

* 51 Philippe Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 1ère édition, 1990, page 107.

* 52 Alain Didier Olinga, La constitution de la république du Cameroun, Les éditions Terres Africaines, Presse de l'UCAC, 2006 ; page 18.

* 53 Nous faisons allusion au processus de démocratisation amorcé depuis les années 1990 en Afrique et particulièrement au Cameroun qui se poursuit par la mise en place progressive des institutions devant consacrer le parachèvement .

* 54 Jérôme Francis Wandji K., « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », in Revue de Droit et de Science Politique, JURIDIS PERIODIQUE, n° 74, avril-mai-juin 2008, page 86.

* 55 On sous-entend ici le mimétisme servile du constituant africain en général et camerounais en particulier par le fait de l'histoire de la colonisation.

* 56 De Gaudusson (J.B), G. Conac et Christine Desouches, Les constitutions africaines (publiées en langue française), La Documentation Française, 1998, page 9.

* 57 Voir article 65, constitution de 1996.

* 58 J. Petot, « Modernisation ou crise de l'Etat démocratique », Revue du Droit Public, n° 3, 2000, page 668.

* 59 Montesqieu, De L'Esprit Des Lois, Livre XI, Chapitre 6, cité par D. BREILLAT, G. CHAMPAGNE, et D. THOME, dans La Théorie Générale du Droit Constitutionnel, LGDJ , 2003, page 156.

* 60 Voir TITRE V de la constitution du 18 janvier 1996 portant pouvoir judiciaire au Cameroun.

* 61 Nicos M. Rotis, Le peuple et l'Etat : Essai sur la clause finale des constitutions helléniques de 1844 à 1952 ; s/ la direction de G.Burdeau et préfacé par F. Luchaire, LGDJ, Paris 1987 ; page 125.

* 62 P. Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, précité, page108.

* 63 Voir la liste citée plus haut.

* 64 P. Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, précité, page 108.

* 65 Confer TITRE VII de la constitution de 1996.

* 66 Lire, Les grandes décisions de la jurisprudence administrative camerounaise, inédit.

* 67 Léopold Donfack Sokeng, « Cameroun : contrôle de constitutionnalité hier et aujourd'hui : réflexion sur certains aspects de la réception du constitutionnalisme moderne en droit camerounais », in La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996, FFE, 1996, page 375.

* 68 Charles Cadoux, Droit Constitutionnel et Institutions Politiques : Théorie générale des Institutions Politiques, 2è édition, CUJAS, 1980, page 127.

* 69 Voir article 63 alinéa 2 de la constitution de 1996.

* 70 Voir article 63, alinéa 4 constitution de 1996.

* 71 Le caractère formel est du à l'inobservation des dispositions constitutionnelles synonyme d'inefficacité.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery