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Emancipation et représentations sexuées des femmes dans le système fédéral du tennis français

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par Baptiste Jalleau
Université Paris-Est Créteil - Licence STAPS Management du Sport 2013
  

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Chapitre 2 - Les différences de comportement chez les enseignants de tennis selon qu'ils entrainent des hommes ou des femmes. 

Nous verrons dans ce chapitre les analyses des observations effectuées sur le centre de Ligue de l'Essonne de Tennis (loisirs sérieux) et celles effectuées en club (loisirs traditionnels). Pour chaque observation, nous préciserons le profil de l'enseignant et la mise en scène de la séance analysée. Des parallèles seront établis entre le travail mené sur le terrain par les enseignants et les discours de la Fédération Française de Tennis. Chaque fois, les propos seront positionnés en fonction de la problématique soulevée : Existe-t-il des différences de comportement chez les enseignants de tennis selon qu'ils entrainent des hommes ou des femmes ?

I/ Observations des « loisirs sérieux »

Dans un premier temps, nous allons essayer de définir ce que recouvre la notion de « loisirs sérieux ». D'après STEBBINS, les gens s'engageant dans les loisirs sérieux cherchent à être reconnus socialement.

Robert A. STEBBINS distingue plusieurs types d'individus : les « amateurs » (activités de théâtre, d'art, de musique, de danse, de sport et de science), les « hobbyistes » (activités de collection, de décoration, de cuisine, de nature et de fabrication de jeux) et les « bénévoles de carrière » (activités de nécessité, d'éducation, d'affaire civique, de développement spirituel, de santé, d'art...). Néanmoins, le loisir sérieux ne doit pas être perçu seulement comme une détente, un divertissement ou une récupération. Cette notion est rattachée aux valeurs d'investissement en termes de ressources humaines, de temps, et d'apprentissage. Le loisir sérieux se distingue de la notion de « loisir » au sens traditionnel par sa dimension importante. Le ludique n'est plus l'objectif prépondérant, le loisir sérieux se veut constructif et suit une logique d'apprentissage afin d'atteindre un objectif prédéfini. Dans notre cas, la notion de « loisir sérieux » apparaît comme justifiée dès lors que nos observations se font dans le cadre d'entrainements sur le centre de ligue de jeunes sportifs de haut-niveau ayant un projet professionnel sportif à court ou moyen terme. Ainsi, nous retiendrons que les jeunes joueurs et joueuses vus lors des observations de terrain, ne jouent pas au tennis que dans une dimension ludique et de plaisir, mais suivent un cheminement prédéfinis par eux-mêmes et les entraineurs pour mener à bien leurs projets en tant que futurs joueurs professionnels. Lors des observations effectuées plusieurs choses en sont sorties concernant les critères établis.

Première observation :

Dans un premier temps, j'ai observé un enseignant diplômé d'état deuxième degré, entraineur de ligue ayant en charge plusieurs jeunes du pôle espoir de l'Essonne et responsable de section au sein de la Ligue de l'Essonne de Tennis. Je l'ai d'abord observé en train de travailler avec cinq garçons âgés entre 14 et 16 ans, tous au niveau régional/national (classés entre 4/6 et 2/648(*)). La séance observée a duré deux heures, faisant l'objet d'un entrainement quotidien de ces jeunes sur le centre de ligue. Ce jour-là les objectifs attendus par l'enseignant étaient essentiellement tactiques avec des situations de jeu en gammes fermées dans un premier temps et des points à thèmes dans un second. J'ai pu constater que l'enseignant parlait fort et très régulièrement. Les consignes étaient surtout transmises de manière générale avec quelques fois des passages individuels avec chacun pour préciser les attentes sur le plan technique (« transfert vers l'avant », « relâche ton coude », « pose tes appuis »...). Les termes spécifiques sont nombreux, à tel point qu'un individu novice au tennis ne serait en position de comprendre la plupart des consignes. Il apparaît assez nettement qu'une grande proximité régit les rapports entre les élèves et l'enseignant, ceci dû certainement au fait que les entrainements soient quotidiens avec l'entraineur. J'ai pu remarquer que les joueurs étaient réceptifs de l'enseignant sans pour autant poser des questionnements.

L'enseignant a son attitude propre à lui-même en ce qui concerne sa gestuelle : sa raquette est plaquée contre le corps, il tient continuellement trois ou quatre balles dans sa main, prêt à en fournir au joueur le plus proche ayant besoin. Au niveau du placement, l'enseignant se trouve le plus souvent relativement éloigné des joueurs, en retrait par rapport au jeu. Le langage verbal utilisé par l'enseignant se veut particulièrement familier, il apparaît même régulièrement des blagues.

Quelques jours plus tard, j'ai pris le temps d'observer ce même enseignant lors d'un entraînement de deux filles âgées de 15 et 19 ans, la plus jeune étant au niveau national (-2/649(*)), l'autre se rapprochant du circuit mondial junior (ITF/WTA) classée -1550(*). Concernant la séance observée, le thème était quasi scrupuleusement le même que pour les garçons : un travail de gammes fermées et des points à thèmes avec des objectifs essentiellement tactiques. Néanmoins, l'attitude de l'enseignant varie sur plusieurs points. Contrairement aux garçons, la voix est basse, les consignes sont systématiquement individualisées directement. Les termes utilisés sont là encore très spécifiques et difficilement accessibles à un non-initié au tennis. Une grande proximité régie les relations entre l'enseignant et les deux élèves observés. L'enseignant nomme les joueuses par des surnoms, sobres mais affectifs. A l'inverse des garçons, les joueuses paraissent très demandeuses et démontrent un besoin d'attention parfois décuplé. Une impression générale nous mène à penser que les joueuses sont davantage sujettes à des doutes durant la séance (lors de plusieurs fautes consécutives, d'échecs concernant les objectifs attendus, etc.). L'attention portée par l'enseignant aux joueuses apparaît individualisée et également répartie entre elles. Contrairement aux garçons, l'entraineur est systématiquement placé près des joueuses, les consignes sont données à voix basse comme si un cadre plus personnalisé et intime était recherché par l'enseignant.

Des parallèles peuvent être faits entre les observations effectuées et le discours de la fédération. En effet, l'attention particulière de l'enseignant envers ses joueuses correspond aux attentes la FFT vues précédemment dans notre Titre II. L'individualisation dans les relations observées correspond également. L'entraineur est en effet toujours placé proche des joueuses. Concernant le comportement de celles-ci, les observations vont dans le sens de la FFT une fois encore, celles-ci ont en effet montré une attitude où elles sont demandeuses et davantage sujettes au doute que les garçons. L'enseignant essaye au maximum d'installer une présence sur le terrain, tant verbale que non-verbale, une prestance. Beaucoup d'éléments apparaissent comme évidents entre le discours et la réalité du terrain, le fait que l'enseignant observé soit particulièrement formé et expérimenté à travers son parcours professionnel et le poste qu'il occupe (entraineur de ligue) doit jouer en faveur de ce raisonnement.

Deuxième observation :

L'analyse de l'observation qui va suivre est centrée sur l'entraineur fédérale de la ligue, c'est-à-dire celui qui avec le conseiller technique régional, coordonne l'équipe enseignante du centre de ligue pour mener à bien les projets professionnels des jeunes du pôle espoir essonnien. Celui-ci justifie d'une grande expérience en tant qu'entraineur et est titulaire du Diplôme d'Etat Supérieur d'entraineur tennis. La première séance observée avec les garçons était en réalité un entrainement individuel d'un jeune de 13 ans au niveau national (classé 4/6) avec un sparring partner51(*) adulte homme. Le type d'exercice majeur observé était une situation de jeu en gammes ouvertes. L'enseignant ne s'est placé que sur la partie de terrain de son joueur, sur le côté. La voix était forte, le ton dynamique. Néanmoins il apparaissait comme évident que l'entraineur interférait de manière pondérée sur le jeu pour laisser place à une continuité et à une gestion autonome du joueur.

Les interventions verbales peu présentes laissaient davantage place à une grande présence physique de l'entraineur, très proche du jeu et de son joueur, très observateur et donc influent. Les interventions sont centrées sur des correctifs techniques, les mots employés sont très spécifiques et familiers. L'entraineur nomme son joueur par un surnom. Il circule beaucoup dans un périmètre restreint, ce qu'on pourrait interpréter comme une grande présence pour son joueur. Sur toutes les phases de repos, des feedbacks sont faits pour comprendre et analyser le ressenti du joueur.

Par la suite, j'ai eu l'occasion d'observer ce même enseignant sur l'entrainement de deux joueuses du centre de ligue, la première ayant 15 ans classée -2/6, l'autre étant -15 et ayant 19 ans (niveau national). Il apparaît comme évident de fortes différences de comportement chez l'enseignant une fois encore. En effet celui-ci s'adresse aux joueuses avec un ton plus doux, moins familier, mais tout de même dynamique. La relation enseignant/élèves paraît moins évidente et familière qu'avec les garçons. Les interventions verbales sont significativement plus présentes. La présence de l'enseignant sur le terrain est très marquée, il circule beaucoup. On entend moins de blagues, davantage de termes techniques, les propos sont moins évasifs, davantage centrés sur le jeu et la dimension technico-tactique. Les consignes sont systématiquement individualisées en fonction des objectifs de chacune. Les attentes de l'entraineur varient selon les joueuses. Le regard est porté sur les aspects techniques des joueuses et leur placement sur le terrain.

Là encore des liens apparaissent entre le discours de la FFT et les observations faîtes sur le terrain. L'enseignant s'inscrit dans les attentes de la fédération en individualisant ses consignes et en accordant une répartition égale de son attention auprès de ses joueuses. La présence tant au niveau verbal que physique de l'enseignant est importante. Néanmoins, on décèle une proximité moindre entre l'enseignant et les joueuses comparativement aux garçons entrainés. Le ton et le langage choisi par l'entraineur sont moins familiers, les mots employés sont tempérés.

Peut-être pourrait-on interpréter cela par une « barrière » ou distance dans les relations entre l'enseignant et les élèves filles ? On distingue tout de même une nette différence d'attitude chez l'enseignant en fonction des sexes entrainés dans le contexte sportif particulier du centre de ligue.

* 48 Les classements sont visibles en annexe dans un tableau synthétique de la pyramide des classements de tennis français.

* 49 Ibidem

* 50 Ibidem

* 51 La notion de « sparring-partner » fait référence à un partenaire d'entraînement présent pour favoriser la préparation d'un sportif entraîné. En général, celui-ci n'est pas conseillé par l'entraineur, il n'est présent que pour relayer le jeu et permettre la constitution de situations d'exercice précises.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams