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Les groupes armes et la position géopolitique de la republique democratique du congo dans la région des grands lacs

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par Moise MBALA LONDA
Univesite de Goma - Licence 2014
  

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INTRODUCTION GENERALE

0.1. ETAT DE LA QUESTION

Au menu de cette réflexion se cristallise la question du rapport entre les groupes armés opérant à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des Grands Lacs comme un défi majeur pour l'éclosion de la paix en Afrique centrale.

Ainsi, nombreux sont les travaux qui ont traité la question relative aux groupes armés et cela dans le monde en général, et en RDC en particulier. Tout en n'étant pas le premier à y avoir réfléchi, les études ci-après, à titre exemplatif, avaient déjà été faites :

NTUMBA BUKASA Eric1(*) estime que la sortie du cycle de violence perpétrée par les groupes armés vers une paix durable dans la région des grands lacs en général, et en RDC en particulier, comme en Afrique Centrale ou sur le reste du continent, passe par la promotion d'une identité africaine en générale, et d'une certaine citoyenneté transfrontalière pour les Grands Lacs en particulier.

Epinglant les fins et les moyens pouvant servir d'agir pour les droits de l'homme auprès des groupes armés, International Council on Human Rights2(*) précise qu'une organisation souhaitant faire évoluer le comportement d'un groupe armé peut faire appel à la honte et à la persuasion, afin que le groupe armé mette fin à des pratiques contraires aux droits de l'homme; ou engager un travail auprès du groupe armé afin de lui donner des moyens d'agir différemment; ou encore chercher à punir les membres du groupe.

Abordant la question de comprendre la motivation de l'activisme des groupes armés en RDC, BERGHEZAN Georges3(*) démontre que tout en prétendant protéger son ethnie, un groupe armé évolue vers des comportements de plus en plus prédateurs, s'en prenant d'abord aux communautés ethniques voisines, puis à sa propre communauté.

Analysant la mobilisation armée en RDC, STEARNS J., VERWEIJEN J. et Eriksson BAAZ M.4(*) disent que si les bases sociales de chaque groupe armé sont très diverses, il est important de noter que, depuis le début de la Première Guerre du Congo (1996-1997), les acteurs armés se sont détachés de leurs origines au sein des communautés locales pour se rapprocher des élites politiques et du secteur des affaires de la région. Cependant, même les groupes qui font partie des réseaux d'élite restent ancrés dans leur environnement local. Bien que certains soient apparus en raison d'une rivalité de pouvoir entre et parmi les élites, ils se sont également inspirés des conflits et des griefs locaux.

Traitant de la problématique de la multiplicité des groupes armés dans la plupart des territoires du Nord-Kivu, UFAREP5(*) constate que la multiplicité des groupes et milices armés dans nombreux des territoires « Nord-Kivusiens » a comme cause primordiale : les conflits, surtout ceux à caractère ethnique et foncier. Chacune des communautés ethniques locales en conflit a tendance à se créer et/ou à soutenir un groupe armé/une milice en se disant une force d'autodéfense en cas des menaces ou attaques; mais aussi pour défendre leurs intérêts économiques, au vu des conflits vécus entre elles.

Evaluant l'impact des guerres d'agression de la RDC sur la propagation du VIH/SIDA, SADIKI PANDABILIMA6(*) signale que le viol des jeunes filles et femmes congolaises tant par les troupes militaires étrangères que nationales ainsi que les forces incontrôlées opérant en RDC est un facteur principal de la propagation de cette pandémie en terme de conséquences des guerres d'agression en RDC.

Insistant sur les relations de bon voisinage en tant qu'un préalable à la paix et au développement dans la sous-région des Grands Lacs, GANZA RURIHO7(*) explique que la promotion de la sécurité; la relance de la coopération politique, économique et culturelle et la préservation de l'identité de la sous-région montrent leur importance pour ces pays qui sont en crise de confiance; mais aussi le respect des accords et engagements signés par les Etats de même que le changement de mentalité acquise sont d'une grande nécessité en vue de la stabilité politique sous-régionale.

Contrairement à tous ces travaux ci-haut décrits, qui ont traité des aspects divers en relation étroite avec la thématique de l'étude sous examen, ce dernier se démarque d'eux par le fait qu'il met singulièrement l'accent sur les groupes armés et la position géopolitique de la RDC dans la région des grands lacs; ceci dans l'optique de dégager les relations qui existent entre ces groupes armés et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs, mais aussi d'analyser l'impact sociopolitique des groupes armés opérant à l'échelle régionale et ceux locaux sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la région des grands lacs.

Cette réflexion couvre l'espace de la région des Grands Lacs en général, et celui de la RDC en particulier; sur une période qui va de 1996 à 2014. Cette délimitation spatio-temporelle trouve sa justification dans le fait que c'est durant cette période que la région susmentionnée en général, et le territoire national de la RDC en l'occurrence a enregistré des atrocités néfastes allant du passage d'un conflit à caractère national pour se muer en un conflit à caractère régional et régionalisé.

Ce travail ondule entre une vision chronologique (diachronique) et une vision analytique (synchronique), couplées à des pistes de sortie de la crise itérative.

0.2. PROBLEMATIQUE

C'est depuis les années 1980 que le monde s'est retrouvé embourbé dans une inextinguible atrocité des groupes armés, tendant à le diriger vers un paroxysme d'une violence dont on ne saurait atténuer, voire même stopper l'ampleur.

Ainsi, les groupes armés interviennent dans de nombreux conflits civils. Considérés par certains comme des «terroristes» et par d'autres comme des «combattants de la libération», ils ont été responsables de violations graves des droits de l'homme. La plupart des conflits violents et meurtriers qui se déroulent dans le monde ont lieu à l'intérieur des Etats. Des groupes armés qui ne sont pas sous le contrôle des gouvernements y participent et se rendent responsables de nombreuses violations des droits de l'homme, ayant souvent un caractère d'extrême gravité. En effet, la violence par les groupes armés et terroristes s'est répandue au monde avec la création, en 1988, sous l'impulsion d'Oussama Ben Laden en connivence avec son ami de camp Herman Al Zawaeri, d'un groupe terroriste dénommé AL-QAIDA8(*), signifiant en arabe « la base ou la fondation de la maison ; ou soit encore les principes et le fondement de l'action », ceci a été créé avec comme objectif primordial de mettre sur pied une brigade islamique internationale, afin d'envoyer des combattants partout dans le monde où l'islam sera menacé.

Cependant, en guise d'analyse des faits, voici comment cet homme d'Oussama Ben Laden fera du terrorisme une entreprise mondiale et médiatique au service d'un islam radical et violent à travers le monde, en créant des zones d'influence géopolitiques du terrorisme. Ce dernier procédera par la création des groupes terroristes régionaux en Afrique et qui, jusqu'aujourd'hui, continuent à semer la terreur et la désolation dans le chef des populations africaines, et cela favorisant de 2001 à 2014, le passage du Jihad oriental au Jihad mondial, une situation que nous avons qualifié à notre niveau de  scissiparité et schisme des groupes armés et terroristes9(*)  qui vont se multiplier sur l'entendue territoriale du continent noir sous diverses appellations par le biais des divisions basées sur des intérêts individuels ou groupaux.

Ainsi, l'Afrique du nord communément appelée Afrique maghrébine ou le Maghreb sera sous le joug d'un plus grand groupe armé et terroriste dénommé AQMI signifiant « Al-Qaida au Maghreb Islamique10(*) », crée le 25 janvier 2007 par Abdelmalek Droukdel, étant sous le leadership actuel de Djamel Okacha et possédant environs 3000 hommes, le plus grand groupe armé terroriste islamique oeuvrant dans le Maghreb et au Nord du Sahel.

Chemin faisant, la région du Sahel sera, quant à elle, la matrice d'une panoplie des groupes armés dont :

Ø le Mouvement pour l'Unité et le Jihad en Afrique de l'Ouest11(*) : MUJAO, crée en 2011 par Hamada Ould Mohamed Kheirou, avec comme but principal l'instauration de la charia en Afrique de l'Ouest, et opérant précisément dans le Nord du Mali et dans plusieurs autres pays de l'Afrique de l'Ouest.

Ø Le Mouvement National pour la Liberation de l'Azawad12(*) : MNLA, crée depuis octobre 2011 par Bilal Ag Acherif, et possédant actuellement environs 10 000 hommes, semant la terreur dans le Mali et au Niger.

Ø Le Boko Haram13(*) : signifiant « l'éducation occidentale est un péché » en dialecte d'haoussa et possédant le nom officiel de « Jama at ahl al-sunnah li-l-Da wah wa-al-Jihad » en arabe et qui pourrait se traduire en français par ce qui suit : « peuple engagé dans la propagation de l'enseignement du prophète Mahomet et du Jihad », crée en 2002 par Mohamed Yusuf et étant sous le leadership actuel de Abubakar Shekau, oeuvrant sur l'ensemble du territoire Nigérian et au Nord du Cameroun avec un effectif de 30 000 adeptes engagés dans la violence et le terrorisme.

Cette pandémie des groupes armés ne va pas s'arrêter à ces seules régions d'Afrique, elle s'est faite observer en Afrique centrale et en Afrique de l'Est à travers des groupes comme :

Ø Al-Shabab14(*), signifiant en français « la jeunesse », qui est un groupe islamique somalien issu de la fraction la plus dure de l'union des tribunaux islamiques, qui milite pour l'instauration de la charia; ce dernier étant crée en 2006 par Aden Hashi Farah, puis dirigé actuellement par Moktar Ali Zubeyr successeur du Cheik Muktar Robow, un groupe armé terroriste islamique oeuvrant en Somalie et au Kenya.

Ø La Seleka15(*) en dialecte Sango, et signifiant « sélection » en français, était une coalition constituée en Août 2012 par des partis politiques et des forces rebelles opposées à l'ex-président centrafricain François Bozizé, composées en partie par des mercenaires tchadiens, libyens et soudanais; la Seleka se caractérisait aussi par une coloration religieuse musulmane dans une République Centrafricaine dont la population est à 80% chrétienne. Etant sous le leadership de Michel Djotodia, son effectif s'évaluait à plus de 20 000 personnes, bien que c'est un mouvement qui n'existe plus depuis septembre 2013, suite à l'accession, de son leader, au pouvoir le 24 mars 2013 par un coup d'Etat.

Ø Les Anti-Balaka16(*) : milice créée en 2009 et oeuvrant, tout comme la Seleka, en République Centrafricaine, dont selon une version, le terme Anti-balaka signifierait « anti-machette », balaka signifiant machette en Sango, les miliciens s'affirment ainsi comme des combattants invulnérables aux machettes et aux sabres. Selon une autre version, le nom Anti-balaka viendrait des colliers et des gris-gris appelés « anti-balles AK » qui protégeraient ses porteurs contres les balles des fusils AK-47. Les Anti-balaka sont majoritairement animistes et se distinguent par le port de nombreux gris-gris, mais bon nombre sont également chrétiens ou musulmans.

Ø Les ADF/NALU17(*) : « Allied Democratic Forces/National Army of Liberation of Uganda », créée depuis 1987 et active depuis 1995, cette dernière est une coalition des partis opposés au régime de Yoweri Museveni en Ouganda. Cette milice oeuvrant à l'Est de la RDC est composée des partis suivants : Allied Democratic Movement, National Army of Liberation of Uganda, et par Uganda Muslim Liberation Army. Une milice ayant à sa tête Ali Bwambale et Isa Lubega lors de sa création, avec un effectif de plus de 1000 hommes, cette dernière est essentiellement composée d'islamistes du mouvement Tablighi Jamaat, et est dirigée depuis 2007 par un certain Jamil Mukulu, un chrétien converti à l'islam radical et violent.

Ainsi, face à ces circuits des groupes armés qui convergent vers une idéologie commune, tout en prônant une même doctrine (musulmane) en Afrique en général; on assistera particulièrement en RDC, à une autre réalité paradoxale à celle susmentionnée, qui est celle du schisme des groupes armés à caractère tribal, ethnique, des rébellions étrangères et celles qui se prétendent être des rebellions nationales; l'un des facteurs qui sont à la base de la situation politique chaotique en RDC, et qui va passer d'un problème ou conflit d'ordre national à celui d'ordre régional voire international.

Une situation qui débute en 1996 et qui, du jour le jour, tend vers son apogée par une extrême amplification de l'usage de la violence politique par les groupes armés, pour reprendre d'ailleurs le langage d'Almond et Powell dans leur catégorisation des groupes sociaux, à savoir des groupes d'intérêts anomiques. Eu égard à ce défi évoqué, certaines questions méritent d'être posées de la manière que voici :

1) Quels sont les groupes armés nationaux et régionaux qui opèrent en RDC?

2) Quelles sont les relations établies entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs?

3) Quel est l'impact des groupes armés opérant à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et régionale?

0.3. HYPOTHESES

Une hypothèse est définie par GRAWITZ Madeleine comme une réponse provisoire aux questions posées au niveau de la problématique, et qui sert à formuler une relation entre les faits significatifs, à sélectionner les faits à observer, mais aussi à interpréter les faits en leur donnant une signification18(*). Dans cette même logique, ESSISO ASIA AMANI la définit comme étant finalement une idée directrice, une tentative d'explication des faits formulés au début de la recherche et destinée à guider l'investigation et à être abandonnée ou maintenue après les résultats de l'observation19(*). Pour sa part, MAINDO MONGA NGONGA Alphonse la définit aussi comme une proposition, un énoncé des faits qui anticipe une relation entre deux termes20(*).

Nous inspirant des définitions ci-haut évoquées, nous avons émis les hypothèses suivantes :

1) L'identification exhaustive des groupes armés nationaux et régionaux opérant en RDC serait illusoire au regard de la dynamique de leur naissance.

2) Les relations établies entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs seraient l'établissement des administrations parallèles dans l'optique d'alimenter l'exploitation illicite et illégale des ressources minières; le problème foncier et un surpeuplement tacite conduisant à la thèse d'envahissement du territoire national par des populations allogènes donnant lieu à la crise d'identité sociale ainsi qu'à la quête de l'espace au compte des agresseurs.

3) L'impact des groupes armés opérant à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et régionale serait multidimensionnel à analyser sous divers angles, à la fois politique, économique et social.

0.4. OBJECTIFS ET INTERET DU SUJET

Eu égard à ces hypothèses susmentionnées, la présente réflexion poursuit deux objectifs essentiels suivants :

v Déterminer et identifier les deux principales catégories des groupes armés actifs en RDC et en produire une cartographie non exhaustive.

v Démontrer les relations qui existent entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs.

v Dégager l'impact sociopolitique des groupes armés opérant à l'échelle régionale sur les groupes armés locaux et sur la stabilité nationale et régionale.

A la lumière de ces objectifs, le présent travail revêt un double intérêt, à la fois scientifique et pratique.

ð Sur le plan scientifique, cette réflexion est un instrument de référence en termes de contribution à la banque des données nécessaires pour tout chercheur intéressé par le présent objet d'étude pour y trouver son compte. Cette étude se situe au carrefour de l'interdisciplinarité des domaines partagés entre la sociologie politique, la polémologie, la géopolitique, la géostratégie, la géographie politique, la gouvernance sécuritaire, l'analyse des politiques publiques, et la prospective politique dans une vision future de la région des grands lacs en général, et de la RDC en particulier.

ð Sur le plan pratique, cette étude est une contribution réelle à la prise de conscience par les autorités politico-militaires nationales, régionales, voire internationales dans l'optique de fournir une pérenne pacification à la sous-région des grands lacs en général, et à la RDC en particulier. En s'appropriant son contenu, les bénéficiaires de ce travail trouveront leur gain de cause pour assurer la bonne gouvernance politico-sécuritaire de la RDC et de la sous région des Grands Lacs Africains.

0.5. CADRE METHODOLOGIQUE DE RECHERCHE

0.5.1. Méthode

La recherche scientifique recommande toujours le choix d'une approche méthodologique devant guider l'analyse des données, leur interprétation ainsi que la systématisation qui en découle.

Ainsi, pour réaliser ce travail, nous nous sommes servis de la méthode d'analyse stratégique, utilisée à la lumière de Crozier M. et Friedberg E., emprunté savamment par Jean OTEMIKONGO MANDEFU21(*), qui nous a permis de se servir des données recueillies lors des entretiens pour définir les stratégies futures probables que les acteurs vont poursuivre les uns à l'égard des autres. C'est à dire lister les acteurs du processus étudié; observer et décrire les stratégies des acteurs; repérer les enjeux de pouvoir; déterminer les ressources des acteurs par rapport à leurs objectifs : C'est à dire les instruments de l'influence politique; saisir la culture des acteurs en fonction des enjeux identifiés et des possibilités d'action; faire des hypothèses sur l'attitude future probable ou sur la stratégie que va mettre en oeuvre l'acteur concerné; établir le bilan : C'est à dire la balance gains-risques; et enfin, chercher les points faibles des parties prenantes. Ainsi, voici les neuf étapes de l'opérationnalisation de cette méthode dans le cadre de ce travail :

1) Lister les acteurs du processus étudié : la première catégorie d'acteurs ciblés dans le cadre de ce travail sont les groupes armés nationaux entre autres le CNDP, les milices MAÏ-MAÏ (APCLS, MAÏ-MAÏ KIFUAFUA, NDC, RAÏA MUTOMBOKI, MAÏ-MAÏ SHETANI, MAÏ-MAÏ KIRIKICHO, UPCP-FPC, MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA, FRPI, MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA), PARECO-NYATURA, le M23, le MCRC, le MRE.

La seconde catégorie concerne les groupes armés régionaux à savoir les FDLR, les ADF-NALU, et les FNL.

La troisième catégorie d'acteurs répertorie les pays impliqués directement ou indirectement dans le système de parrainage des groupes armés à l'Est de la RDC dont le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, les Etats-Unis, ainsi que la Grande-Bretagne.

La quatrième catégorie identifie les organisations régionales et internationales que nous avons qualifiées d'anges bleus dans le fond de ce travail et qui, loin de se soucier de la situation sociopolitique chaotique de la RDC, sont par contre animées par la quête du lucre à savoir la MONUSCO, la SADC, et la CIRGL.

L'avant dernière catégorie cible les multinationales Anglo-Saxonnes impliquées dans des réseaux mafieux d'exploitation illicite et illégale des matières premières pour leurs industries entre autres Consolidated European Venture de Lundin group; Barrik Gold Corporation (BGC); Anglo American Corporation (AAC); American Mineral Field Inc (AMFI); American Diamond Bayers; CLUFF; Bridge; et enfin Point Averseas Development of British Virgins Island.

La dernière catégorie pointe les personnalités internationales, régionales et nationales impliquées dans des circuits de soutien aux groupes armés à l'Est de la RDC dont nous pouvons citer le Général SALIM SALEH de l'Ouganda; le Général James KAZINI; le Général TIKAMANYIRE; Mr JOVIA AKANDWANAHO; le Colonel UTAFIRE; le Colonel MUGENI; Mr MKAHALI; Mr ATEENYI TIBASIMA; Mr MBUSA NYAMWISI; Mr NAHIM KIHANAFFER; Mr Roger LUMBALA; Mr Jean-Yves OLIVIER; Mr Jean-Pierre Bemba; Sir Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN; Pour les nouveaux venus dans ces circuits de soutien aux groupes armés régionaux : le Colonel MUYOMBO; le Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la prison militaire de Ndolo à Kinshasa). Du côté rwandais : Ali Hussein (transfert d'or et diamant à Bukavu et à Kisangani); l'ex Général et actuel ministre rwandais de la défense JAMES KABAREBE; Sir VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport d'amnistie internationale et de Human Rights Watch); Mr MOHAMED ALI SALEM; Mr TIBERE RUJIGIRO; Mr AZIZA KULSUM GULAMALI.

2) Observer et décrire les stratégies des acteurs : les premières stratégies que nous avons constaté à ce niveau sont celles appliquées par les pays qui parrainent ces groupes armés, mais aussi par ces multinationales susmentionnées qui sont impliquées dans les réseaux mafieux d'exploitation illicite des matières premières, à savoir la stratégie des actionnaires et des mandants22(*), stratégie relative à la théorie de l'agence. C'est-à-dire l'Ouganda et le Rwanda ont reçu le rôle de mandataires ou des agents au profit des Etats-Unis et de ces multinationales. A ce niveau, ces deux agents subissent des fortes pressions pour permettre aux actionnaires (Etats-Unis et les multinationales) d'atteindre leurs objectifs qui ne sont autres que le maintien d'une instabilité sécuritaire à l'Est de la RDC pour les faciliter une acquisition des matières premières à vil prix ceci en finançant les groupes armés dans cette partie du pays.

Cependant, évoluant en marge de fidèles et parfaits serviteurs à la solde des actionnaires, le Rwanda et l'Ouganda sont animé par l'engouement expansionniste de vouloir étendre leurs territoires au-delà de leurs frontières respectives, ceci dans une optique d'influence sur la partie Est de la RDC et dans une compétition pour le leadership régional. Pour concrétiser leur engouement, ils vont à leur tour appliquer la stratégie de la sous-traitance à partir des épopées AFDL-RCD-CNDP-M23 et bientôt dans une approche prospective le MCRC.

De son côté, recroquevillée sur elle-même par la stratégie du cavalier seul, la RDC a beaucoup plus tendance à appliquer la stratégie défensive même à tort pour faire face, indirectement à travers les groupes armés, au binôme « Rwanda-Ouganda » et implicitement au trinôme « Actionnaires-Rwanda-Ouganda ». Ceci étant la résultante de son fort appui sur le dogme d'intangibilité de frontière qui n'est du reste qu'un principe stérile et sans effet pour ses voisins qui l'ont déjà désacralisé et projettent des visées expansionnistes de leurs territoires respectifs. Ainsi, les FARDC se retrouvent prises en otages dans une position défensive et dans une méconnaissance de l'adversaire qui, lui se bat dans la stratégie du dialogue (politique/diplomatique) et du combat (militaire) : talking and fighting23(*). Et comme conséquence stratégique, il y a développement d'un mécanisme de protection locale avec les stratégies d'autodéfense : multiplication de milices Maï-Maï qui cherchent à barrer l'oeuvre des envahisseurs Rwando-ougandais.

3) Repérer les enjeux de pouvoir : dans le cadre de cette étude, nous avons identifié quatre enjeux qui mettent en collision les acteurs susmentionnés :

· L'enjeu économique : exploitation des matières premières,

· L'enjeu foncier : problématique d'autochtonie, de la terre et de l'explosion démographique.

· L'enjeu socio-culturel : crise identitaire,

· L'enjeu régional : problématique de la balkanisation de la RDC sous toutes ses formes.

4) Déterminer les ressources des acteurs par rapport à leurs objectifs, c.à.d. les instruments de l'influence du pouvoir : la multitude d'instruments d'influence du pouvoir que les parties prenantes ont pu développer dans le processus de guerres dans la région des grands lacs sont fondés d'abord sur la parfaite connaissance du terrain par ces groupes armés, surtout ceux locaux, au nom de l'autodéfense communautaire dans la partie Est de la RDC, les milices locales continuent à se multiplier à une vitesse de croisière, comme nous l'avons d'ailleurs démontré dans la théorie de scissiparité et schisme de groupes armés, où, tout en gardant les mêmes caractères et/ou la même idéologie, les groupes armés procèdent à des divisions internes souvent liées aux intérêts partisans voire individuels, ce dernier processus étant la matrice principale de multiplicité des groupes armés dans ce qui constitue l'Est de la RDC.

Ensuite, cet état de choses va être soutenu et alimenté par deux Etats de la région, entre autres le Rwanda et l'Ouganda qui vouent leur allégeance aux anglo-saxons, par des systèmes de parrainage régional à ces groupes armés et par la stratégie de la sous-traitance avec les groupes armés régionaux, et souvent avec ceux issus de leurs maquis respectifs et auxquels ils parviennent à octroyer la stature des rébellions nationales congolaises (AFDL, RDC-GOMA, RDC-KML, MLC, CNDP, M23 et peut être très bientôt le MCRC). Le processus de multiplicité des groupes armés dans la région des grands lacs en général, et particulièrement au Kivu est un processus qui peut s'autofinancer partant du potentiel énorme, des richesses et de la logique de divisions internes au sein des ethnies, ainsi que le manque de cohésion sociale.

En définitif, remarquons que les viols, les pillages et les massacres et carnages effectués sur les populations civiles hostiles aux projets macabres des envahisseurs bat record sur le terrain, car en procédant par l'élimination physique des populations civiles autochtones hostiles à leurs ambitions, ils parviennent à briser le maillon de résistance que ces dernières leur présentent, ainsi leur facilitant en second lieu à procéder par l'installation des populations allogènes issus de leurs pays respectifs qui pèseront de leur poids démographique une fois que la thèse du référendum d'autodétermination serait envisageable.

5) Saisir la culture des acteurs, c.à.d. les outils conceptuels utilisés par les acteurs pour justifier leurs objectifs : les acteurs du processus conflictuel de la région des grands lacs ont créé, à l'Est de la RDC, une atmosphère d'antagonisme guerrier et un territoire ouvert à des migrations illicites lesquels, au fil de temps, ont alimenté les désirs effrénés des milices d'autodéfense communautaire. La recrudescence des milices d'autodéfense communautaire serait le principal corollaire de cette situation. De ceci, va découler la logique d'exclusion réciproque entre autochtones et allogènes, glissant la donne régionale vers la problématique de l'identité sociale en termes de nationalité douteuse voire déniée.

6) Faire des hypothèses sur l'attitude probable des acteurs ou sur les stratégies que va mettre en place l'acteur concerné : A ce stade, remarquons que la grande stratégie qui a élu domicile dans l'épicentre du processus conflictuel des guerres de la région des grands lacs, c.à.d. l'Est de la RDC, serait celle de « Leak and Lead »24(*), c.à.d. une stratégies où les infiltrations se multiplient à base des rébellions illégales, où les deux pays agents (Rwanda et Ouganda) au service des actionnaires (Etats-Unis et la Grande-Bretagne) parviennent à infiltrer leurs agents dans les forces de l'ordre congolaises (FARDC et PNC) et dans l'administration publique congolaise (DGDA, REGIDESO, SNEL, etc.) qui, une fois au sein de ces institutions et occupant des postes hautement stratégiques, travaillent au détriment de la RDC et par ricochet, au compte de leurs pays ressortissants.

Cependant, les congolais avertis situent leur crainte au niveau de la prise en otage du pays par ces agents infiltrés dans tous les domaines de la vie nationale et à tous les échelons balisant ainsi petit à petit le chemin vers le référendum d'autodétermination susmentionné, et pouvant par la suite parachuter vers la balkanisation du pays suite à la synergie des forces et efforts de ces agents au service des agresseurs (Rwanda et Ouganda) et qui militent jour et nuit pour l'accomplissement de ce projet.

7) Etablir le bilan, c.à.d. la balance des gains-risques : Loin d'établir un bilan positif par rapport à l'évaluation que nous avons pu dégager dans cette étude, remarquons cependant que les risques dépassent de loin les gains dans les guerres de l'Est de la RDC :

· Ce que le Rwanda et l'Ouganda n'ont pas obtenu par la kalachnikov, il y a risque qu'ils l'obtiennent par la politique (diplomatie).

· Les intégrations militaires ne parviennent jamais, dans le processus des guerres de l'Est, à briser le cordon qui relie chaque acteur à son ancien groupe rebelle.

· A chaque fin de guerre, lors de la conclusion des accords, ces derniers permettent de placer des responsables politiques et militaires, dont on n'a pas la maitrise parfaite de leurs tendances, au sommet stratégique paralysant de ce fait les institutions du pays.

· La multiplicité des lois d'amnistie qui, depuis le RCD jusqu'au M23, facilitent des infiltrations que nous pouvons qualifier d'officielles, et favorisant l'impunité en RDC.

· De ce qui précède, découle le risque de balkaniser le pays.

Quant aux gains, citons la maturité politique de la population civile congolaise qui ne se laisse plus rouler par les agresseurs mais aussi la possibilité de réaménager le paysage militaire national.

8) Si le bilan est négatif, s'interroger sur les risques : Cette étude a en profondeur analysé les risques que la RDC court partant du bilan beaucoup plus négatif que nous avons établi ci-haut.

9) Chercher les points faibles de l'organisation et proposer des corrections permettant d'initier le changement : les points faibles étant nombreux, épinglons cependant les principaux à savoir :

· Prolifération des lois d'amnistie qui, au lieu de punir, gratifient par contre les seigneurs de guerre à l'Est de la RDC.

· Des divisions ethniques ne facilitant pas la cohésion sociale et nationale.

· Absence de l'autorité de l'Etat dans plusieurs coins de la partie Est de la RDC, facilitant ainsi la création de zones de non droit par les seigneurs de guerre.

· L'inefficacité et l'inefficience des services de sécurité nationaux.

Il est opportun et nécessaire voire impérieux pour une telle étude, de s'imprégner de l'approche MOFF, c.à.d. dans le cas externe : identifier des opportunités à saisir et des menaces à éviter, et dans le cas interne : épingler les forces à maximiser et les faiblesses à combler.

0.5.2. Techniques

Cette méthode d'analyse stratégique a été appuyée par les techniques suivantes :

ð L'entretien libre non structuré : A travers cette technique, il a été question d'échanger avec certaines autorités politico-militaires et des branches ciblées de la population civile, qui vivent au quotidien les réalités de ces conflits. Au cours de ces échanges organisées à choix raisonné, les questions n'ont pas été préparées à l'avance. Elles ont plutôt été données par l'ambiance du débat pour permettre aux enquêtés de répondre librement.

ð L'observation extérieure désengagée : Car d'une manière ou d'une autre, nous avons assisté à certains moments de ces conflits qui ont mis à feu et à sang la région des Grands Lacs en général, et la RDC en particulier sans nous plonger dans des préjugés prohibés par certaines règles fondamentales de la recherche scientifique pouvant nous guider vers une subjectivité dans un travail à la quête de l'objectivité, minime soit-elle, mais en gardant notre impartialité dans l'analyse du phénomène étudié.

ð La revue de la littérature (technique documentaire) : Grâce à elle, toutes les informations reçues de ces techniques susmentionnées ont été complétées par les écrits issus des documents divers en relation étroite avec le sujet d'étude, tels que les ouvrages, articles publiés, TFC et mémoires de licence et de D.E.A, Thèses de doctorat, cours étudiés, rapports, textes légaux, etc.

0.6. ARTICULATION DU TRAVAIL

En dehors de l'introduction et la conclusion, ce travail est reparti en trois chapitres. Le premier est consacré aux considérations générales, en revenant sur les concepts comme groupe armé, géopolitique, la région des grands lacs ainsi que les facteurs d'interactions entres armées et la géopolitique. Le deuxième chapitre circonscrit la cartographie des groupes armés opérant à l'Est de la RDC, en procédant par une brève historique sur la naissance des groupes armés en RDC, ensuite en épinglant les groupes armés opérant au Kivu (Nord et Sud-Kivu et la province du Maniema) comme épicentre des guerres de la région des grands lacs; en repérant ceux qui opèrent dans la province Orientale, la province du Katanga et enfin au Kasaï Oriental. Le troisième chapitre analyse les relations et impacts sociopolitiques des groupes armes face aux enjeux du repositionnement géopolitique de la RDC, en commençant par la cartographie des groupes armés étrangers opérant en RDC, ensuite en identifiant les enjeux de ces groupes armés; les stratégies déployées par ces groupes armés, et enfin l'impact socio-politico-économique de ces groupes armés sur la stabilité nationale et régionale.

CHAPITRE 1 : CONSIDERATIONS GENERALES

1.1. BREVE INTRODUCTION

Avant d'aborder le vif de notre présente étude, il nous est loisible de procéder par la clarification des sens de certains concepts qui vont intervenir dans notre étude, afin de lever l'équivoque et préciser le contexte dans lequel ils seront utilisés à savoir : le groupe armé, la géopolitique, la région des Grands Lacs, et enfin les facteurs d'interactions entre armées et la géopolitique.

Comme le précise E. DURKHEIM : « En réalité, les mots de la langue usuelle, comme les concepts qu'ils expriment, sont toujours ambigus, et le savant qui les emploierait, qu'il les reçoive de l'usage et sans leur faire subir d'autres élaborations, s'exposerait avec plus grave confusion».

Ainsi, tout auteur est donc sensé constituer lui-même le groupe des concepts qu'il va étudier, afin de leur donner l'homogénéité et la spécificité qui leur sont nécessaires pour être traité scientifiquement. C'est pour cette raison que nous allons définir certains concepts clés de notre étude, d'une manière plus ou moins appropriée à notre travail.

1.2. LE GROUPE ARME

Le concept « groupe » se définit selon Joseph FITCHER comme étant une collectivité structurée, identifiable, continue des personnes sociales qui remplissent des rôles réciproques conformément à des normes sociales, à des intérêts et à des valeurs dans la poursuite des buts communs. Il découle de cette définition que les conditions suivantes sont requises pour qu'on parle du groupe social, à savoir :

Ø La collectivité doit être identifiable par ses membres et par les observateurs extérieurs, chaque membre doit avoir une position ou statut qui est en rapport avec d'autres statuts;

Ø Les individus membres doivent remplir des rôles individuels;

Ø L'existence des normes pour régir les rôles;

Ø La réciprocité de relations entre membres;

Ø L'existence de l'intérêt commun et valeurs communes;

Ø L'assignation de certains buts vers lesquels est dirigée la vie du groupe.

Les facteurs qui amènent les individus à former un groupe selon ce même auteur sont : l'ascendance commune, le mariage, le territoire partagé en commun, les caractéristiques corporelles similaires, les intérêts communs, etc.

Pour J. STEARNS, J. VERWEIJEN et M. Eriksson BAAZ, le groupe armé est souvent considéré comme des voyous qui s'en prennent aux civils innocents et sans défense25(*). Certains sont toute fois des prédateurs plus avides que d'autres, et certains bénéficient du large soutien des communautés locales dans lesquelles ils sont recrutés.

Quant à International Council on Human Rights26(*), le concept groupe armé désigne un groupe d'individus qui sont armé, faisant usage de la force pour atteindre leurs objectifs tout en échappant au contrôle de l'Etat. En général, il fait allusion à des groupes qui s'opposent au pouvoir en place, mais il est parfois difficile de distinguer clairement les groupes ayant des visées politiques de ceux ayant des objectifs criminels.

Cependant, les groupes armés, entant qu'acteurs nouveaux de la géopolitique, ont des formes et des dénominations multiples. Qu'on parle de guérillas, de milices, de mouvements révolutionnaires, leurs objectifs peuvent être différents mais leurs méthodologies souvent semblables. C'est ainsi qu'il est difficile de distinguer entre leurs motivations réelles et prétendues et cela rend difficile un classement.

Tout d'abord il faut préciser que certains groupes armés sont totalement dépourvus de toute idéologie. Les mercenaires agissent à des fins purement financières et se vendent au plus offrant. Ils se constituent parfois en sociétés dont on engage les services dans le cadre d'un conflit existant pour combattre, assurer la sécurité de convois ou de personnes, pour former des soldats, pour mener des interrogatoires. Ce sont des outils qui, certes, peuvent faire la différence dans l'issue d'un conflit mais qui ne sont pas en tant que tels des acteurs. Les seigneurs de la guerre fonctionnent parfois sur le même modèle mais le plus souvent ce sont juste des bandits organisés et lourdement armés. Ils jettent leur dévolu sur une région et en font une zone de non-droit afin de s'enrichir au plus vite. Dénués d'idéologie, ils n'hésiteront pas à changer de discours pour se présenter parfois comme des détenteurs de pouvoirs surnaturels, défenseurs des plus pauvres ou de la liberté. En réalité, leur seul intérêt c'est l'argent et leur propre liberté.

Certains groupes armés prétendent avoir une dimension religieuse comme d'ailleurs mentionné dans la problématique. Cette justification peut soit servir à couvrir un intérêt purement personnel soit à légitimer un objectif politique. Ca fait peu de différence. La religion est un argument de recrutement et de légitimité mais les méthodes sont tout aussi nuisibles aux populations victimes de leurs exactions.

D'autres groupes sont des bras armés de partis politiques qui, soit n'obtiennent pas la représentativité qu'ils requièrent (parce qu'ils représentent des minorités), soit correspondent à la branche dure, radicale d'un mouvement. Si l'Etat en vient à transiger, le groupe se dissout intégralement ou partiellement. Dans d'autres cas, si le groupe le peut, il renversera le pouvoir. Il peut arriver que le groupe diminue ses actions et se pose comme le justicier lorsque les choses ne vont pas/plus dans son sens. Certains de ces groupes portent des revendications irrédentistes ou indépendantistes. D'autres agissent comme des « Robin des Bois » en reversant aux populations ce qui leur revenait de droit, selon eux et qui leur avait été volé par le pouvoir politique ou économique. Tour à tour considérés comme des héros, des terroristes ou des simples bandits, ils mettent sous pression les Etats et les affaiblissent.

Leur terreau de recrutement est parfois l'idéologie mais plus souvent les frustrations, la pauvreté et le désoeuvrement, quand il ne s'agit pas tout bonnement de l'enlèvement de mineurs.

Leurs ressources, quelle que soit la nature de leur mouvement, sont assez similaires et comme ils vivent dans la clandestinité, souvent illégales. Ils prélèvent l'impôt révolutionnaire sur l'argument que les populations doivent soutenir l'effort de guerre, procèdent au pillage et organisent la contrebande, enlèvent et demandent des rançons, etc. ils disposent en effet d'une bonne connaissance du terrain et d'une puissance armée. Aussi sont-ils actifs dans la contrebande de produits illicites (comme la drogue) ou licites mais habituellement contrôlés. On les retrouve dès lors dans les régions riches en ressources naturelles et particulièrement en minerais.

Ils bénéficient cependant souvent du soutien financier des Etats voisins ou de ceux dont l'objectif géopolitique est servi par la déstabilisation du pays où ils opèrent. Le fait qu'ils soustraient un territoire à l'autorité de l'Etat, qu'ils provoquent l'insécurité résultant en déplacement de populations, en destruction des structures sociales et en appauvrissement a des implications sur la politique de l'Etat. Perçu comme affaibli, il n'offrira pas de bonnes perspectives aux investissements. Il devra par contre consacrer une partie de ses efforts à contenir ces groupes et les combattre ou à les démanteler en acceptant parfois la réintégration de leurs membres au sein de l'armée régulière, ce qui risque de faire rentrer le ver dans la pomme à moyen ou à long terme.

1.3. LA GEOPOLITIQUE

Le terme « géopolitique » n'est pas à confondre avec la « géographie politique » moins encore avec la « géostratégie ». Nombreuses sont les définitions existantes, mais il faut a priori garder en mémoire certains principes permettant d'en comprendre toute la complexité :

Ø Tout ce qui est géopolitique ne se comprend que situé dans le temps et dans l'espace.

Ø Tout y est aussi rapport de force entre les hommes ou leurs organisations.

Cependant, ce dernier concept apparaît pour la première fois sous la plume de Gottfried Wilhelm Leibniz dans un manuscrit inédit de 1679. C'est en Allemagne que la notion de géopolitique se construit, sous l'impulsion fondatrice de Friedrich Ratzel (1844-1904).

Premièrement, la géopolitique est tout d'abord un savoir pratique27(*). C'est bien ainsi que l'entendent Chauprade et François Thual qui qualifient cette dernière d'une pratique, celle de la réalité des peuples et des Etats; elle est ensuite une méthode à laquelle le géopoliticien doit accorder toute la rigueur de la science sans pour autant répondre à la tentation de dégager des lois générales. Dans le même ordre d'idée, Lacoste lui dira qu'il s'agit de répondre à un souci d'efficacité afin d'être en mesure d'analyser des affrontements dont les effets sont graves et les enjeux importants, soit pour aider à une solution de compromis, soit pour contribuer à la victoire de la cause que l'on défend.

Quant au juriste suédois Rudolf Kjellen définit cette dernière comme une science de l'Etat en tant qu'organisme géographique, tel qu'il se manifeste dans l'espace.

Cette définition appelle plusieurs remarques. Il apparaît clairement que l'acteur principal en géopolitique est l'Etat. Par ailleurs, cet Etat est envisagé comme un être vivant (c'est en ce sens qu'il faut comprendre ici le terme « organisme »). Ensuite la géopolitique s'intéresse aux manifestations de l'Etat dans l'espace, c.à.d. sa position, sa taille, sa forme, etc.

Pour le professeur Alexandre Defay, la géopolitique a pour objet l'étude des interactions entre l'espace géographique et les rivalités de pouvoirs qui en découlent. Elle est le terrain de manoeuvre de la puissance locale, régionale ou mondiale28(*).

Quant au professeur Maryse GRARI, la géopolitique est une science humaine, plus précisément une science dite politique. Elle est née d'une démarche intellectuelle visant à théoriser le rapport entre l'observation scientifique de l'environnement géographique (espace, relief, climat, situation, accès à la mer, voies fluviales, mais aussi ressources et population) et les décisions politiques des acteurs et décideurs politiques de quelque niveau que ce soit29(*).

Ainsi, dans le cadre de cette étude, nous allons retenir la définition suivante :

La géopolitique est l'étude des enjeux territoriaux mobilisant différents pouvoirs rivaux (étatiques, mais aussi intra et interétatiques). C'est un savoir (une science) de la conflictualité, celle-ci résultant de l'expression plus ou moins violente de représentations contradictoires d'un territoire. C'est un savoir pratique et opératoire qui a pour fondement une méthode d'analyse scientifique reposant sur la prise en compte des multiples échelles de temps et d'espace30(*).

1.4. LA REGION DES GRANDS LACS

Il est patent que trois termes risquent de semer des imbroglios dans le cadre de cette étude, à savoir « l'Afrique Centrale », « l'Afrique de Grands Lacs » et « la Région des Grands Lacs ». Cependant, il nous est impérieux de lever l'équivoque que peut créer tel ou tel autre terme par rapport à ce travail.

1.4.1. L'AFRIQUE DES GRANDS LACS

Le terme « Afrique des Grands Lacs » a été employé pour la première fois au XIXe siècle par les explorateurs britanniques partis à la recherche des sources du Nil, entre autres Richard Francis Burton, David Livingstone et Henry Morton Stanley. Cette région n'est pas à confondre avec l'Afrique Centrale ou soit avec la Région des Grands Lacs31(*).

Voici les pays qui composent l'Afrique des Grands Lacs :

Ø La République Démocratique du Congo,

Ø Le Burundi,

Ø L'Ouganda,

Ø Le Rwanda,

Ø La Tanzanie,

Ø Le Kenya,

Ø La Zambie,

Ø Le Malawi.

Cette région de l'Afrique des grands lacs est caractérisée par un facteur plus géographique que politique, à savoir la présence d'un réseau, d'un chapelet, ou d'une succession des lacs longeant cette étendue régionale du Nord au Sud, et occupant la partie méridionale de la vallée du grand rift, formée par l'action du rift est-africain sur la plaque africaine, situé dans la partie orientale du continent africain entre 30è et 35è méridien au niveau de l'équateur, et entre 5° nord et 15° sud, dont le lac Victoria, le lac Kyoga, le lac Albert, le lac Edouard, le lac Kivu, le lac Tanganyika et le lac Malawi.

ð Carte des pays de l'Afrique des Grands Lacs

Fig. 1 : www.bv.alloprof.qc.ca (bibliothèque virtuelle).

1.4.2. L'AFRIQUE CENTRALE

L'Afrique Centrale quant à elle, est la région comprenant le Sud du Sahara, l'Est du bouclier Ouest-Africain et l'Ouest de la vallée du rift.

Ainsi, d'après la définition de l'ONU, l'Afrique Centrale comprend les pays suivants :

Ø L'Angola,

Ø Le Cameroun,

Ø Le Gabon,

Ø La Guinée Equatoriale,

Ø La République Centrafricaine,

Ø La République Démocratique du Congo,

Ø La République du Congo,

Ø Le Sao Tomé-et-Principe,

Ø Et enfin le Tchad.

Cependant, l'Angola, le Malawi et la Zambie, trois pays de l'Afrique australe mais qui sont quelques fois considérés comme faisant partie de l'Afrique Centrale suite à leur appartenance en 1953 et 1963 avec la Rhodésie du Sud à la Fédération d'Afrique Centrale.

Quant au Burundi et le Rwanda qui, faisant partie jadis de l'Afrique Orientale Allemande, sont parfois aussi considérés comme appartenant à l'Afrique Centrale.

Notons alors que, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC en sigle) regroupe dix pays, à savoir les neuf pays cités dans la définition de l'ONU plus le Burundi.

ð Carte des pays de l'Afrique Centrale

Fig. 2 : www.wikipedia.com

ð Les pays en couleur verte foncée sont ceux-là reconnus comme appartenant à l'Afrique Centrale, et ceux en couleur verte claire sont ceux-là admis à cette région pour telle ou telle autre raison.

1.4.3. LA REGION DES GRANDS LACS32(*)

La Région des Grands Lacs est constituée de la zone inter-lacustre comprise entre la RDC, le Rwanda, l'Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Burundi et de leurs zones d'influence frontalière (le cours du fleuve Congo avec la République Centrafricaine, la République du Congo, l'Angola et le Soudan). Cette région a souvent été en proie aux aléas de conflits armés particulièrement violents et récurrents. Les cycles de violence s'étalent dans le cours de son histoire précoloniale, coloniale et postcoloniale. Le pic est atteint au cours des années 1990 avec le génocide rwandais, la guerre au Burundi et le conflit interafricain en République Démocratique du Congo. Le conflit en RDC, théâtre d'affrontement entre 9 armées africaines (au minimum), est aujourd'hui considéré comme le conflit le plus meurtrier depuis la deuxième guerre mondiale avec des estimations de l'ordre de plus de 5 millions de victimes. Les causes des conflits dans cette région de l'Afrique revêtent une dimension régionale et un caractère régionalisant. On observe une propension à la régionalisation de l'instabilité, alimentée par une proximité de fait d'ordre ethnique, socioculturel et politique des populations de la région. Cette proximité sous-entend la tendance des conflits à s'exporter au-delà de leurs foyers nationaux pour se répandre, par effet de contamination, à l'ensemble des pays frontaliers de la région.

Les conséquences engendrées par cette dynamique de conflit sont multiples, entre autres instabilité politique de la région, exode des populations menacées, mortalité causée directement ou indirectement par les conflits, sous-développement rampant, etc.

Ces conséquences désastreuses vont pousser la communauté internationale et les Etats de la région à prôner une solution régionale qui tiendrait compte, de manière concurrente, des causes internes et externes des conflits en vue de remédier de manière efficace et durable aux effets néfastes de cette dynamique. Le pillage des ressources naturelles est un des facteurs nerfs de la quasi-permanence des conflits armés et d'une instabilité presque entretenue dans la région des Grands Lacs.

Le lien entre richesse régionale, ou nationale dans le cas précis de la RDC, et la dynamique d'instabilité a été clairement identifié par la résolution 1653 du Conseil de sécurité des Nations-Unies sur la situation dans la région des Grands-Lacs. Il est aussi mis en exergue par le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies sur l'exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC du 12 avril 2001.

Voici les pays qui composent cette région :

Ø L'Angola,

Ø Le Burundi,

Ø La République Centrafricaine,

Ø La République du Congo,

Ø La République Démocratique du Congo,

Ø Le Kenya,

Ø L'Ouganda,

Ø Le Rwanda,

Ø Le Soudan,

Ø La Tanzanie,

Ø Et la Zambie.

ð Carte des pays de la Région des Grands Lacs

Fig. 3 : www.google.com

ð Les pays en couleur verte sont ceux-là faisant partie de la Région des Grands-Lacs

1.5. FACTEURS D'INTERACTIONS ENTRE ARMEES ET LA GEOPOLITIQUE33(*)

En théorie, l'armée devrait simplement être une des institutions, une des structures de l'Etat. C'est pourquoi, dans beaucoup d'Etats (y compris ceux démocratiques) le Chef de l'Etat est aussi Chef des armées. Cette structure dispose en effet, avec la police, du droit d'exercer la violence physique légitime reconnue à l'Etat par le droit international et repris dans la célèbre définition de l'Etat de Max Weber.

Pourtant, plusieurs scénarios existent, au sein desquels le rôle et le pouvoir de l'armée sont très divers. Certains dépendent de la statogenèse de l'Etat (l'histoire de la manière dont il s'est constitué).

L'armée est un véritable pouvoir. Normalement, elle ne devrait avoir aucune volonté propre, mais être au service du politique. On l'a vu, une armée est un élément de cohésion de l'Etat si et seulement si celui-ci en garde la mainmise. Car, bien sûr, l'armée, comme l'indique son nom, dispose d'armes qu'elle peut retourner dans certains cas contre l'Etat et la population au lieu de contrer leurs ennemis.

Cependant, signalons que certains Etats ont été constitués par l'armée, à l'exemple de la Libye du feu Colonel Kadhafi. Parfois aussi l'armée a pris le pouvoir au politique. Lorsque le succès est total, on voit ainsi la figure la plus charismatique monter en grade extrêmement rapidement jusqu'à se nommer maréchal (Zaïre de Mobutu) ou commandeur en quelques mois. Beaucoup d'Etats africains et asiatiques (Chine de Mao) ont connu ce scénario.

En dépit de tout ce qui a été mentionné ci-haut, on peut se poser certaines petites questions qui attirent l'attention, à savoir :

1) Qu'est-ce qui explique qu'un Etat puisse être ainsi renversé par l'armée?

2) Qu'est-ce qui explique la naissance de juntes militaires?

Constatons cependant que les facteurs pouvant nous aider à répondre à ces questions sont nombreux. Vu que c'est traité en long et en large dans les chapitres qui suivent, il sied de signaler que les récentes révolutions arabes donnent une bonne illustration des différentes manières dont l'armée peut réagir. C'est ainsi qu'en Tunisie, elle s'est mise aux côtés de la population; en Libye, elle s'y est opposée. En Syrie, elle s'est divisée; en Egypte, elle a soutenu la population, mais elle s'est opposée ensuite au résultat des urnes donnant le pouvoir à des partis islamistes.

1.6. CONCLUSION PARTIELLE

Estimant avoir clarifié les considérations générales sur les grands concepts qui constituent le squelette de ce travail, afin de leur donner l'homogénéité et la spécificité qui leur sont nécessaires pour être traité scientifiquement, il est cependant opportun d'entrer dans le vif de notre sujet pour analyser davantage les données récoltées par la cartographie non exhaustive des groupes armés actifs à l'Est de la RDC.

CHAPITRE 2 : CARTOGRAPHIES DES GROUPES ARMES OPERANT A L'EST DE LA RDC

2.1. BREVE INTRODUCTION

Il est nécessaire de signaler, avant d'aborder ce chapitre, que les causes de l'activisme des groupes armés en RDC sont multiples. Ainsi, retenons cependant que ces causes sont d'ordre national en premier lieu, et d'ordre régional voire même international en second lieu.

L'objectif du présent chapitre est de donner un descriptif de la situation des groupes armés actifs dans l'Est du Congo, en particulier dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema, du Katanga, de la province Orientale et de celle du Kasaï Oriental. Elle a également comme ambition de fournir un essai d'analyse sur ce phénomène spécifiquement congolais de prolifération pléthorique de groupes armés semant l'insécurité et empêchant le relèvement économique dans la plupart des territoires et provinces susmentionnés.

2.2. NAISSANCE DES GROUPES ARMES EN RDC

2.2.1. PERSPECTIVES CONFLICTUELLES A L'EST DE LA RDC

L'Est de la RDC a commencé à connaître des situations difficiles d'insécurité depuis les années 1990 avec la création, au Nord-Kivu, des groupes armés à caractère ethniques, dont l'association hutue appelée MAGRIVI (Mutuelle des Agriculteurs de Virunga)34(*). Cette association dès sa création avait des objectifs louables, mais ses dirigeants les avaient déviés en les orientant dans le tribalisme violent et radical, en vue de combattre d'autres tribus de la place telles que les Hunde, les Nande, les Nyanga, les Tembo ; en ce moment ils n'avaient pas visé les tutsis, étant donné que ces derniers étaient au pouvoir à Kinshasa à l'époque du règne de MOBUTU et cela à travers Barthélémy BISENGIMANA qui était la main droite du Maréchal Mobutu. C'est ainsi que ces autres tribus non « hutuphones (Rwandophones) », pour se défendre, ils vont créer leur auto-défense populaire appelée à l'époque NGILIMA et actuellement MAI-MAI, et ceci en territoire de Masisi et de Walikale au Nord-Kivu.

C'est à partir de l'année 1992 que ce mouvement NGILIMA d'auto-défense populaire commença aussi ses opérations contre la philosophie de MAGRIVI constituée en majorité des hutus dans les territoires de Masisi, Lubero et Rutshuru, sans tenir compte de tutsis ou de hutus. Ces derniers ont attaqué tout le monde qui parlait le kihutu (soi-disant kinyarwanda). La cause majeure de ces conflits était l'accession à la terre; les hutus et les tutsis étant considérés comme étant des immigrés par ces autres tribus autochtones du Nord-Kivu, lesquelles ne voulaient pas que ces « Rwandophones » occupent des grands terrains comme propriétaires mais comme locataires en payant les redevances coutumières comme cela est de stricte application sur toute l'étendue de notre pays, en respectant le principe coutumier qui dit que : « le sol ne se vend pas, mais il se loue ». Ces conflits ont dégénéré jusqu'à pousser les tutsi à quitter la RDC, le Zaïre à l'époque pour aller se rallier à la rébellion de KAGAME contre le régime de Kigali sous le règne du feu président Juvénal HABYARIMANA à l'époque, qui fut assassiné dans son avion en provenance de la Tanzanie, dans une réunion avec les responsables de la rébellion de l'APR, actuellement au pouvoir à Kigali, et ceci en 1994.

Cet assassinat fut à la base du génocide au Rwanda et par conséquent des violents combats ont suivi, menés par l'APR (Armée Patriotique du Rwanda) appuyés par le régime de Yoweri MUSEVENI actuellement au pouvoir en Ouganda, contre le régime hutu rwandais de HABYARIMANA qui était au pouvoir. Grâce à cet appui ougandais, L'APR fut en mesure de pouvoir chasser ce régime hutu qui était au pouvoir au Rwanda. Ces hutus se sont réfugiés tous à l'Est de la RDC, l'ancien ZAÏRE, précisément dans les deux Kivus, le Nord et le Sud Kivu, c'était alors le début de la présence des groupes armés étrangers en RDC, étant donné que ces militaires hutus ont franchi la frontière avec leurs armes et munitions.

En même temps, ces groupes NGILIMA créés par les autochtones « non rwandophones » du Nord-Kivu, actuellement appelés MAÏ-MAÏ, étaient encore dans les maquis en territoires de Masisi, Lubero et Rutshuru. Ils s'attaquaient aux autochtones hutus, qui après avoir créé leur mouvement tribalo-ethnique MAGRIVI, et après avoir allumé le feu, n'avaient plus été en mesure de l'éteindre. C'est ainsi qu'ils furent refoulés par ces NGILIMA partout dans les territoires de Masisi et Lubero. Ils sont allés de Rutshuru vers Kinyandonyi à plus de 20 Kms vers l'Est du territoire dans une agglomération appelée Nyongera. Plus des 10 000 hutus congolais furent massacrés dans ce camp des déplacés au même moment que les hutus rwandais qui étaient amassés au nord et au sud de la ville de GOMA, dans les localités de Kibumba, Katale, Kahindo et Kalengera, ici c'est dans le Nord de GOMA et dans la localité de Mugunga au sud de la ville de Goma35(*). Constatons en bref que les conflits terriens, le tribalisme, la guerre au Rwanda de 1994, la guerre de libération du Congo de 1996 et celle de rectification du RCD de 1998, que ces situations sont à la base de tous les maux que la RDC en général, et la partie Est en particulier est en train de connaître jusqu'à nos jours.

2.2.2. L'ECLOSION EXACERBEE DES GROUPUSCULES ARMES A L'EST DE LA RDC

La plupart des groupes armés actuellement présents dans l'Est de la RDC sont le résultat direct des Première (1996-1997) et Deuxième (1998-2003) Guerres du Congo-Kinshasa et de la période de transition qui s'ensuivit (2003-2006), se concluant par les élections de 2006. Cependant, l'origine de nombre des groupes qui se constituèrent pendant ces deux guerres est plus ancienne. En effet, avant 1996, il est possible de distinguer trois grandes périodes de mobilisation armée à savoir la période coloniale, pendant laquelle les exactions des envahisseurs étrangers entraînèrent une résistance; la période des rébellions Simba, dans les années 1960, qui firent suite au processus chaotique d'indépendance et de décentralisation; et la période des troubles du début des années 1990, lorsqu'une tentative de démocratisation bâclée conduisit à une mobilisation ethnique et à des actes de violence.

2.2.3. GENEALOGIE LOINTAINE DES GROUPES ARMES A L'EST DE LA RDC36(*)

La mobilisation armée dans ce qui constitue aujourd'hui l'Est de la RDC est antérieure au colonialisme. En effet, les négociants arabo-swahilis qui, pendant la seconde moitié du XIXème siècle, contrôlaient des grandes parties de l'Est du Congo créèrent des milices quasi professionnelles pour organiser des rafles d'esclaves, ce qui entraîna l'organisation d'une résistance locale. Les tendances expansionnistes du roi rwandais Rwagubiri dans les années 1890 provoquèrent également une contre-mobilisation qui se solda par une prolifération de milices liées aux communautés locales. La fin de l'époque coloniale connut ensuite certaines formes localisées et millénaristes de résistance armée visant en général l'Etat colonial et ses politiques prédatrices de taxation et de travail forcé. Citons à titre d'exemples la rébellion Binji-Binji de 1931 au Sud-Kivu, les différentes révoltes Nyabingi à Rutshuru (1910-1930) et le soulèvement du Kitawala (inspiré du « Watchtower », les Témoins de Jéhovah) de 1944 à Walikale.

Ce n'est toutefois qu'à l'indépendance, en 1960, que la rébellion se propagea à grande échelle. Les premières années du Congo indépendant virent l'émergence de rudes rivalités politiques provoquées par des idéologies concurrentes et une lutte autour de la décentralisation. Les principales fractures opposèrent les défenseurs d'un Etat centralisé puissant, regroupés autour du Premier ministre Patrice Lumumba, aux fédéralistes représentés par le Président Joseph Kasavubu. Petit à petit, les partisans de l'unitarisme devinrent ouvertement anti-impérialistes et les fédéralistes furent perçus comme favorables aux puissances occidentales.

Mais cette dichotomie fondamentale masque la fragmentation qui caractérisa la politique de l'après-indépendance, des dizaines de partis surgissant dans ce nouvel espace politique, souvent en défendant des programmes très localisés et en bénéficiant d'un soutien ethnique bien défini. Le Kivu ne dérogea pas à cette règle: entre 1960 et 1965, cette province sombra dans le chaos, et les affiliations ethniques s'imbriquèrent dans ou prirent le pas sur les clivages politiques et autres, caractéristique de la politique congolaise qui perdure aujourd'hui37(*).

Ces clivages imbriqués furent manifestes lors de la principale rébellion qui éclata dans les Kivus (Nord et Sud) après l'indépendance. Dans le territoire d'Uvira, au Sud-Kivu, le politicien radical Musa Marandura lança un mouvement de protestation contre le gouvernement central et les chefs coutumiers locaux, qu'il considérait comme des conservateurs au service de l'impérialisme occidental. Pour obtenir un appui, Marandura, dont les principaux partisans étaient issus de la communauté Fulero, commença également à faire campagne contre les Rundi, la communauté voisine, affirmant que comme ils avaient émigré du Burundi, ils n'avaient pas droit au pouvoir coutumier. Une dynamique similaire apparut dans les montagnes des Hauts-Plateaux qui dominent Uvira, où des rebelles de la communauté Bembe combattirent les milices Banyamulenge alliées aux forces gouvernementales, perçues comme des immigrants venus du Rwanda. Ainsi, les projets politiques nationaux et locaux commencèrent à se chevaucher, se renforçant mutuellement.

Au Nord-Kivu, dans les années qui suivirent l'indépendance, les considérations politiques d'envergure nationale et internationale furent reléguées au second plan par les antagonismes ethniques locaux. La « guerre Kanyarwanda », qui progressa par à-coups entre 1962 et 1965, opposa les Hutus et les Tutsis, venus du Rwanda pendant ou juste après la période coloniale, aux populations Hunde, Tembo et Nyanga. Ces immigrants, qui représentaient désormais la majorité démographique de certaines régions des territoires de Masisi et de Rutshuru, aux côtés des populations hutuphones qui vivaient déjà dans ces régions avant la colonisation, se virent refuser l'accès au pouvoir coutumier. Etant donné que les élections leur permettraient de transformer leur poids démographique en un véritable pouvoir politique, l'introduction de la démocratie et la refonte simultanée des frontières provinciales conduisirent à une escalade des tensions. On tenta de priver ce groupe de ses droits de représentation, mais cela provoqua de rudes combats avant les élections de 1965 qui laissèrent un souvenir amer parmi toutes les parties38(*).

Pendant cette période, l'ouverture de l'espace politique et la concurrence électorale alimentèrent une violente mobilisation, en partie révélatrice des manipulations des politiciens qui apportèrent l'organisation et les fonds nécessaires pour transformer les griefs locaux en violence. Sous l'influence de révolutionnaires nationaux et internationaux comme « Che » Guevara, certaines de ces violences prirent la forme d'une rébellion. Si, par exemple, Marandura était parvenu à déclencher des protestations au niveau local, ce n'est qu'une fois que les représentants du révolutionnaire Conseil national de libération (CNL) prirent le contrôle et se mirent à organiser les manifestants sous une forme militaire que ce mouvement populaire se transforma en rébellion39(*). Les soulèvements de la période postindépendance furent certes intenses, mais de courte durée. Joseph-Désiré Mobutu, après avoir renversé le gouvernement élu en 1965, réussit à réprimer les insurrections dans les Kivus, même si des poches de résistance persistèrent au Fizi (Sud-Kivu) et dans la région de Rwenzori (Nord-Kivu). Cependant, avant de retrouver sa suprématie coercitive, Mobutu dut attendre l'aide de mercenaires étrangers et un généreux soutien militaire pour pouvoir redresser l'Armée nationale congolaise (ANC), fort fragile, notamment une aide aérienne américaine. L'instauration par Mobutu d'un régime à parti unique et le développement d'un réseau de clientélisme présidentiel marqué, qui dominèrent à la fois l'administration et des composants cruciaux de l'appareil sécuritaire, eurent pour effet d'empêcher une véritable mobilisation armée pendant près de trois décennies.

2.2.4. PROMOTEUR DIRECT DES GROUPES ARMES ACTIFS A L'EST DE LA RDC

Confronté à l'épuisement de ses ressources et à de fortes pressions internationales à la fin de la Guerre froide, Mobutu annonça en avril 1990 une transition vers une démocratie multipartite. Toutefois, il chercha subrepticement à faire échouer le nouveau processus de démocratisation en divisant et affaiblissant l'opposition. L'un des moyens qu'il employa consista à entretenir les antagonismes ethniques. Les divisions ethniques furent aggravées par la perspective des élections, qui mirent en exergue la question de l'octroi de la citoyenneté aux descendants d'immigrants rwandais.

Sous Mobutu, l'érosion progressive des services publics et l'interdiction des partis politiques avaient entraîné la prolifération des groupes communautaires dans les Kivus. Dans les années 1990, ce sont ces groupes d'autodéfense communautaire, appelés « mutuelles », comme déjà susmentionné, qui furent à l'origine de la mobilisation électorale et de la formation des partis politiques. Plusieurs de ces organisations, notamment la Mutuelle des agriculteurs de Virunga (MAGRIVI), une mutuelle Hutue sous l'égide de Mr Muhozi, lancèrent leurs propres milices, témoignant ainsi de la nature communautaire de ces premiers mouvements de mobilisation40(*).

D'autres groupes furent constitués à la même époque pour remettre en question l'ordre politique existant. Au début des années 1990, les Kasindiens, un groupe armé issu de la communauté Nande, dans la région de Rwenzori, s'en prirent à l'autorité de chefs coutumiers. Ce phénomène se propagea jusqu'aux régions voisines de Beni et Lubero, où la milice Ngilima du commandant Kaganga, mêlée à des activités de racket de protection locale, décida de contester le pouvoir de Mobutu. Ces groupes influencèrent la formation d'autres milices rurales, notamment les Batiri (dominés par les Hunde de Masisi) et les Katuku, qui oeuvrèrent d'abord dans le sud du Walikale parmi les Nyanga, puis également parmi les Tembo de Bunyakiri41(*). C'est à cette époque que beaucoup de commandants des groupes armés aujourd'hui actifs débutèrent leurs carrières, notamment le général Padiri Bulenda, Bigembe Turinkino, Akilimali Shemongo et Robert Seninga42(*).

Ces milices furent exploitées par les pouvoirs publics et les hommes politiques locaux dans le cadre de conflits anciens relatifs au foncier et à l'autorité coutumière. Ces conflits furent attisés par des développements socioéconomiques de grande ampleur, comme l'intensification des pressions démographiques et foncières, la hausse de la pauvreté et le déclin des infrastructures et des capacités réglementaires de l'Etat. Des politiciens provinciaux et nationaux prononcèrent des discours incendiaires et lancèrent des initiatives qui revinrent à jeter de l'huile sur le feu. Par exemple, la première vague de violence de grande envergure qui frappa le Nord-Kivu à cette époque éclata deux jours après que le vice-gouverneur du Nord-Kivu eût prononcé en mars 1993 à Ntoto, dans le territoire de Walikale d'où il était originaire, un discours destiné à semer la discorde43(*).

Au bout de plus de six mois de violence, pendant lesquels entre 6 000 et 15 000 personnes furent tuées et des milliers d'autres déplacées, Mobutu ordonna à la garde présidentielle (l'un des derniers composants de l'appareil sécuritaire à lui obéir entièrement) de réprimer ces troubles. Si les conflits continuèrent de couver, ce n'est qu'après la propagation dans les Kivus des guerres civiles burundaise et rwandaise que la violence réapparut à grande échelle.

En 1993, des dizaines de milliers de réfugiés burundais arrivèrent au Sud-Kivu suite à la guerre civile déclenchée par l'assassinat de Melchior Ndadaye, Président du pays élu démocratiquement, issu de l'ethnie Hutu. Vint ensuite le génocide rwandais de 1994, qui poussa 30 000 à 40 000 miliciens Hutus et soldats des Forces armées rwandaises (FAR), dont la plupart avaient été impliqués dans le génocide, à franchir la frontière, aux côtés d'un million de réfugiés civils. Ils apportaient des armes, un esprit de radicalisme et une mentalité axée sur la polarisation ethnique. Regroupés dans les camps de réfugiés, ces combattants commencèrent à lancer des attaques transfrontalières contre le Rwanda44(*). Cette menace sécuritaire poussa le gouvernement nouvellement établi à Kigali, en coordination avec l'Ouganda, l'Angola et d'autres pays de la région, à former une coalition régionale d'insurgés pour dissoudre les camps de réfugiés/garnisons dans les Kivus et renverser le Président Mobutu.

2.2.5. LES GUERRES DU CONGO, MATRICE DE LA MOBILISATION ARMEE A L'EST DE LA RDC

La Première Guerre du Congo éclata en 1996 suite à l'insurrection, appuyée par le Rwanda, de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL). Elle déclencha une mobilisation armée dans tout l'Est du pays. Tandis que certains groupes se mobilisèrent contre l'invasion, d'autres se mirent à soutenir la rébellion de l'AFDL. Bien que ces milices aient provoqué une forte insécurité dans les zones rurales et alimenté des tensions constantes au sein des communautés, elles restèrent morcelées, de faible envergure et repliées sur elles-mêmes, incapables d'influencer la situation au-delà de leurs fiefs locaux.

Ce fut lors de la Deuxième Guerre du Congo qui éclata lorsque les relations se détériorèrent entre le nouveau Président Laurent-Désiré Kabila et ses partisans rwandais, que ces milices se mirent à prospérer, avec le soutien de Kinshasa et des groupes armés étrangers. Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda et l'Ouganda, occupa rapidement des grandes parties de l'Est du pays. La guerre au front se trouvant dans une impasse, Kinshasa envoya des fonds et des armes aux groupes armés qui opéraient dans les zones placées sous le contrôle du RCD, nommant certains leaders Maï-Maï, officiers supérieurs de l'armée nationale. Il forma également des alliances avec les derniers éléments des ex FAR et des Interahamwe (Ceux qui attaquent ensemble), une organisation paramilitaire hutue rwandaise arrivée dans l'Est de la RDC en 1994 et connue par la suite sous le nom de Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ainsi qu'avec le Conseil national burundais pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD)45(*).

Petit à petit, les Guerres du Congo modifièrent la nature des groupes armés, les milices rurales ancrées au niveau local se retrouvant mêlées à des réseaux dirigés par des élites des secteurs politiques et des affaires. Ces réseaux de milices favorisèrent et, en même temps, furent encouragés par le développement d'une économie de guerre stimulée par la taxation illégale, la contrebande et le racket. Si cette économie permit à certains de s'enrichir rapidement, des millions de civils en dépendirent pour leur survie et n'eurent souvent pas d'autre choix que de collaborer avec les groupes armés46(*).

La montée en puissance des dirigeants militaires, qui s'impliquèrent étroitement dans l'administration locale, affaiblit encore davantage les structures de l'autorité et la cohésion sociale. Alors que, dans les années 1990, les milices s'appuyaient sur le soutien des chefs coutumiers et des communautés locales, ces liens s'affaiblirent lorsque les leaders militaires devinrent autonomes dans leur manière de dégager des revenus et furent aidés par leurs relations à Kinshasa, avec des groupes armés étrangers et des réseaux commerciaux régionaux. En même temps, le vaste recrutement de jeunes fit apparaître une génération militarisée de plus en plus détachée des chefs coutumiers, des anciens des villages et des parents. Etant désormais moins dépendants, et moins redevables, à l'égard des autorités locales, le comportement des groupes armés envers les civils se détériora, et les exactions physiques, le travail forcé et la taxation illégale devinrent légion47(*).

2.3. GROUPES ARMES OPERANT AU NORD-KIVU ET AU SUD-KIVU

2.3.1. BREVE HISTORIQUE

En décembre 2002, les principaux belligérants de la Deuxième Guerre du Congo signèrent un accord de partage du pouvoir politique et militaire, l'Accord global et inclusif. Ce processus de paix de trois ans, qui démarra en 2003, laissa sur la société congolaise une trace indélébile, en grande partie positive: des élections crédibles eurent lieu en 2006, pour la première fois depuis plus de 40 ans; le pays fut réunifié; et une nouvelle constitution entérina les droits des citoyens comme jamais auparavant. Les postes au sein du gouvernement de transition, du parlement et d'autres institutions de l'Etat furent répartis entre les différents signataires, et leurs ailes armées furent intégrées dans une nouvelle armée nationale, les FARDC.

Mais le processus de paix introduisit également deux nouvelles dynamiques qui allaient favoriser la mobilisation armée: l'intégration dans l'armée d'anciens belligérants fit des mécontents, qui recoururent à des nouvelles insurrections pour négocier. Ils furent encouragés par la logique de la transition axée sur le partage des pouvoirs qui, pour ainsi dire, « tolérez » que l'on recoure à la violence pour s'arroger des pouvoirs politiques48(*). La seconde dynamique avait l'air anodin: l'existence des rivalités politiques dans un contexte de la démocratie. Cependant, dans un environnement fortement militarisé caractérisé par des antagonismes ethniques, certains politiciens se tournèrent vers la mobilisation armée et ethnique pour veiller directement à maintenir leur influence. Les élections firent également des perdants, dont certains recoururent à la violence.

Ces dynamiques se manifestèrent plus nettement dans le parcours du très impopulaire RCD. Ce groupe, qui avait contrôlé près d'un tiers du pays, se retrouva avec seulement 15 des 500 sièges à l'Assemblée nationale après les élections de 2006. Cette marginalisation se fit particulièrement sentir parmi la communauté Tutsi, qui était devenue extrêmement influente grâce au RCD.

2.3.2. CONGRES NATIONAL POUR LA DEFENSE DU PEUPLE/CNDP : 2007-2009

La principale insurrection de cette période (2007-2009) fut en partie due à cette perte de pouvoir. Menée par le général Laurent Nkunda, un dissident, et plusieurs autres anciens officiers Tutsis du RCD qui refusèrent de s'intégrer dans l'armée, de même que trois brigades qui leur étaient fidèles. Vu les activités permanentes auxquelles se livraient les FDLR et les groupes Maï-Maï, ils craignaient aussi pour la sécurité de la communauté Tutsi, mais ils bénéficiaient aussi du soutien de fonctionnaires à Goma et à Kigali, soucieux de protéger leurs propres intérêts économiques et politiques dans les Kivus. Après avoir fait défection de l'armée en 2003, Nkunda créa à cet effet l'Anti-Genocide Team (devenu par la suite le Comité militaire pour la défense du peuple, CMDP) au lendemain du massacre des Banyamulenge réfugiés dans le camp burundais de Gatumba49(*). Résultant de la fusion, en août 2005, entre le CMDP et l'ONG Synergie Nationale pour la Paix et la Concorde (SNPC), le CNDP s'était doté de statuts en juillet 2006, entérinant ainsi sa création. Son siège politique était situé dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu. Son aile militaire, dénommée « Armée nationale congolaise (ANC) » était dirigée par le général Bosco Ntaganda50(*).

Fort enfin du soutien de Kigali, notamment en logistique et en équipements, il représentait la composante armée la mieux organisée et la plus déterminée de tous les belligérants. Ses effectifs étaient évalués entre 4000 et 7000 hommes.

Dans les zones qu'il contrôlait, estimées au tiers des territoires de Rutshuru et de Masisi, le CNDP s'organisait sur le modèle de l'Etat. Il prélevait divers « impôts » : dîmes sur les productions agricoles, taxes sur le charbon de bois, péages routiers, contributions des commerçants, etc. Il exerçait par ailleurs un contrôle sur le poste frontalier de Bunagana où il prélevait une part des recettes douanières de l'Office des douanes et accises (OFIDA). Ainsi, deux sites web lui servaient de support d'information et de propagande51(*). Quant à la diaspora tutsie, celle-ci avait participé en outre à son financement. Les objectifs de Nkunda se sont élargis depuis 2007, tout comme le rayonnement du CNDP qui recrutait depuis lors au delà du périmètre tutsi pour se donner la stature d'un mouvement national. A l'agenda local protection des Tutsis et lutte contre les groupes armés Hutus considérés comme des acteurs du génocide de 1994, s'ajoute l'ambition de jouer un rôle sur la scène nationale. Nkunda s'était construit un personnage ambivalent, et inquiétant, « la Bible dans une main, une kalachnikov dans l'autre »52(*), tantôt guerrier, tantôt pasteur évangélique, le Général se taillait un costume de chef militaire et de leader politique aux accents d'un prophète.

2.3.3. LES MAÏ-MAÏ

Les Maï-Maï, ou parfois May-May, est un terme général décrivant des groupes armés actifs au cours de la deuxième guerre du Congo en RDC. La plupart se constituèrent pour résister à l'invasion des Forces Armées du Rwanda (dont essentiellement le RCD), ou parfois dans un but de brigandage.

Le terme Maï-Maï provient de Maï ou Maji, eau dans les langues bantoues de la région. Il fait référence à la révolution Maji-Maji intervenue en 1905-1907 au Tanganyika, dont les combattants étaient protégés par les propriétés magiques de l'eau.

Les guerriers Maï-Maï se croient invulnérables aux armes à feu. Ils s'aspergent d'une potion magique censée faire couler les balles sur leurs corps comme de l'eau (« Maï » en swahili). Il y a une importante présence des Maï-Maï au Maniema, dans les deux Kivus, dans le Nord de la province du Katanga et dans la province Orientale.

Cependant, pour leur part, les groupes Maï-Maï rencontrèrent différents défis lors de la transition, qui en incita beaucoup à reprendre les armes. Le gouvernement et les forces armées étaient en grande partie dirigés par le biais de réseaux clientélistes: pour obtenir une promotion ou accéder à des sources informelles de revenus, il était primordial d'avoir des connaissances parmi les leaders militaires ou politiques influents. Or, les différents commandants Maï-Maï qui se braquèrent contre l'intégration, y compris Dunia Lwendama, Delphin Mbaenda et Kapopo Alunda, ne jouissaient souvent pas de telles relations d'élite. Un grand nombre d'entre eux n'avaient reçu qu'une formation militaire rudimentaire; certains n'avaient pas bénéficié d'une instruction de base, ce qui réduisait leurs chances de promotion. Par ailleurs, certains hésitaient à quitter leur secteur vu les problèmes de sécurité causés par des anciens adversaires qui refusaient de démanteler leurs groupes armés53(*). Les rares commandants Maï-Maï qui obtinrent des postes importants, comme le général Padiri Bulenda, se servirent de leur nomination pour récompenser des membres de leurs propres familles ou communautés ethniques, écartant ainsi un grand nombre de leurs anciens collègues commandants. Parmi les délégués Maï-Maï qui participèrent aux pourparlers de paix en Afrique du Sud, les deux qui représentèrent les groupes les plus importants, Anselme Enerunga du mouvement de Padiri, et Bosco Swedy du groupe de Dunia, finirent par être répudiés par leurs commandants sur le terrain.

La marginalisation des réseaux Maï-Maï coïncida avec l'accélération de leur fragmentation, qui les rendit vulnérables à toute tentative de manipulation de la part du gouvernement de Kinshasa, lequel chercha à contrôler ces groupes en cooptant certains de leurs leaders. En tout, les groupes Maï-Maï de tout l'Est du pays reçurent 13 des 620 sièges au parlement de transition, quatre des 63 postes ministériels, et un des 11 postes de gouverneur provincial. Mais cette manière de distribuer les postes au compte-gouttes fit des nombreux mécontents. Un officier Maï-Maï a ainsi expliqué: « Nos délégués sont arrivés à Kinshasa puis se sont mis à vendre les postes auxquels nous pouvions prétendre. Des gens qui n'avaient rien à voir avec les Maï-Maï ont ainsi pu acheter un des postes militaires ou politiques qui nous revenaient. C'est notre propre faiblesse interne qui a permis de tels agissements54(*) ». C'est ainsi que Kisula Ngoy, qui n'entretenait que de vagues relations avec les Maï-Maï, devint gouverneur du Katanga, tandis que Mushi Bonane, un avocat basé à Kinshasa, reçut un siège Maï-Maï au parlement.

Du fait de ces différents développements, des dizaines de commandants Maï-Maï dissidents regagnèrent le maquis entre 2007 et 2009. L'insécurité permanente, due en partie aux groupes armés étrangers comme les FDLR, et la perpétuation des conflits locaux firent qu'ils n'eurent aucun problème à attirer des recrues et à mobiliser un soutien. En l'absence d'une armée solide et impartiale, le sentiment selon lequel l'autodéfense communautaire était justifiée et nécessaire et fut encore renforcée.

2.3.4. CONFERENCE DE PAIX DE GOMA, RECRUDESCENCE DES GROUPES MAÏ-MAÏ

Les élections de 2006 mirent fin à la transition mais ne parvinrent pas à éliminer la violence dans l'Est de la RDC. Des dizaines de nouveaux groupes armés furent formés ou réactivés, soutenus par des officiers et des politiciens qui n'avaient pas recueilli des voix ou obtenu des postes qu'ils convoitaient55(*), à savoir :

1) Congrès National pour la Défense du Peuple, CNDP ; représenté par Monsieur KAMBASU NGEVE ;

2) PARECO/FAP ; représenté par Mme Sophie BWIZA B., Mr MATHE SIKULI et Mr SENDUGU MUSEVENI ;

3) Maï-Maï KASINDIEN ; représenté par Mr VITA KITAMBALA ;

4) Maï-Maï KIFUAFUA (Axe Walikale) ; représenté par Mr BIKOY MUKONGO ;

5) Maï-Maï KIFUAFUA (Axe Ufamandu/Masisi) ; représenté par Mr Didier BITAKI WETESHE ;

6) Maï-Maï VURONDO ; représenté par Mr KAMBILIBAYA SINDANI ;

7) Maï-Maï MONGOL ; représenté par Mr Félicien MIGANDA GARAGA et Mr HABYARA SHOBORA ;

8) UJPS ; représenté par Mr TUMAINI BYAMUNGU ;

9) Maï-Maï RWENZORI ; représenté par Mr KASEREKA MATABISHI ;

10) Maï-Maï SIMBA ; représenté par Mr Hodaf MUNGO KALINDA et Mr KAKURU KIKA.

Le gouvernement ne fit pas grand-chose pour inverser cette tendance. Ceux qui choisirent la voie de la dissidence permanente n'avaient pratiquement rien à craindre: les déserteurs de l'armée n'étaient guère punis et les groupes armés étaient rarement soumis à d'importantes pressions militaires. L'armée étant encore en phase de construction et manquant de cohésion et de capacités, le gouvernement à Kinshasa n'eut d'autre possibilité que de recourir à une stratégie de cooptation, ciblant plus particulièrement les groupes qui ne représentaient pas une menace directe à son pouvoir56(*).

Le CNDP de Laurent Nkunda se trouva au coeur de cette nouvelle série de mobilisation. A partir de 2006, les FARDC lancèrent plusieurs offensives contre ce groupe, ce qui déclencha une avalanche de contre-mobilisation d'autres groupes, notamment la Coalition des patriotes résistants congolais (PARECO), pour deux raisons: premièrement, les FARDC, ne sachant trop si elles pouvaient compter sur les compétences et la loyauté de leurs propres officiers, soutinrent dans de nombreux cas des milices ethniques en leur fournissant des armes et de l'argent. Deuxièmement, les combats répandirent l'insécurité jusque dans les campagnes, entraînant une mobilisation (souvent parmi des soldats démobilisés) au nom de l'autodéfense communautaire57(*).

Une grande partie de cette mobilisation, et de la manipulation cynique des groupes armés, se produisit à l'approche de la conférence de Goma de janvier 2008, dont l'objectif était d'enrayer l'escalade de la violence. Toutefois, paradoxalement, la conférence entraîna une nouvelle prolifération des groupes armés. D'après un haut fonctionnaire du renseignement congolais, « la logique du gouvernement pendant la conférence de Goma était de créer des nouveaux groupes pour diluer le pouvoir du CNDP58(*) ». D'autres politiciens ou leaders rebelles n'attendirent pas que Kinshasa le leur demande: espérant bénéficier d'une intégration anticipée dans l'armée ou des programmes de démobilisation lucratifs, ils créèrent des nouveaux groupes, en rétablirent d'autres qui étaient tombés en désuétude ou accélérèrent leurs campagnes de recrutement. Par exemple, c'est à peu près à cette époque qu'un politicien local de Mwenga créa les Maï-Maï Shikito. D'après un leader du groupe, des armes furent distribuées à des dizaines de jeunes combattants dirigés par des transfuges des FARDC59(*). Parmi les autres groupes qui furent recréés ou ravivés pour l'occasion, figuraient les Maï-Maï Mahoro, les Mudundu 40, les Maï-Maï Rwenzori et l'Union des jeunes patriotes sacrifiés (UJPS). Encore une fois, un accord visant à coopter les groupes en les intégrant dans l'appareil de l'Etat incita à la mobilisation armée, tant parmi ceux qui espéraient en tirer des bénéfices que parmi ceux qui avaient été déçus par les résultats60(*).

Le cessez-le-feu initié par le processus de paix de Goma tourna rapidement court, préparant le terrain pour une nouvelle escalade de la violence. Après plusieurs défaites humiliantes, le Président Joseph Kabila décida fin 2008 de négocier directement avec le gouvernement rwandais, que les bailleurs de fonds observaient de très près vu le soutien qu'il avait accordé au CNDP. En janvier 2009, les paramètres d'un accord de paix furent annoncés: le leader du CNDP Laurent Nkunda fut arrêté par l'armée rwandaise, qui déploya ensuite des troupes dans les Kivus pour pourchasser les FDLR dans le cadre d'opérations menées conjointement avec les FARDC. Un accord fut signé deux mois plus tard, le 23 mars 2009, stipulant que le CNDP devait se transformer en parti politique et que ses troupes devaient être intégrées dans l'armée congolaise. Refusant d'être redéployés dans d'autres régions du pays, de nombreux officiers CNDP restèrent dans les Kivus, où ils constituèrent un réseau influent qui allait jouer un rôle prépondérant lors d'une autre série d'opérations visant les FDLR.

Cet arrangement résolut certes un problème, mais il en créa d'autres. L'accord passé avec le CNDP suscita une grande rancoeur. Le plus gros reproche était que des modalités d'intégration favorables avaient été accordées au CNDP, qui maintint des chaînes de commandement parallèles, un service de renseignement et une logistique au sein de l'armée. En outre, des anciens officiers du CNDP dominèrent les structures de commandement opérationnel nouvellement créées pour les Kivus, et des brigades contrôlées par l'ex-CNDP furent déployées dans les sites les plus riches en ressources, ce qui leur permit d'étendre leur influence militaire et économique bien au-delà de leur fief traditionnel de Masisi. Cela confirma ce dont étaient déjà persuadés de nombreux officiers FARDC et leaders des groupes armés: les Tutsis et les Hutus bénéficiaient d'un traitement de faveur dans l'armée61(*).

Si les opérations lancées entre 2009 et 2011 contre les FDLR et d'autres groupes armés, appelées successivement Umoja Wetu (Notre Unité), Kimia (Le silence) I et II et Amani Leo (La Paix aujourd'hui), réussirent à affaiblir les FDLR, elles eurent des effets extrêmement préjudiciables sur les civils, entraînant une insécurité généralisée et le déplacement de plus d'un million de personnes. En outre, conjuguées au ressentiment dû à la récente domination de l'ex-CNDP, ces offensives eurent pour effet de promouvoir d'autres groupes armés, dont la faction PARECO de Sikuli Lafontaine et l'Alliance patriotique pour un Congo libre et souverain (APCLS) de Janvier Karahiri Bwingo au Nord-Kivu, ainsi que les Maï-Maï Yakutumba au Sud-Kivu62(*).

Un processus de restructuration de l'armée lancé en 2011 pour démanteler une partie de l'influence qu'avait acquise le CNDP dans la hiérarchie militaire provoqua une nouvelle mobilisation. Le retrait provisoire des brigades sur le terrain en attendant qu'elles se transforment en régiments engendra un vide sécuritaire que des groupes armés comme les Raïa Mutomboki s'empressèrent de remplir63(*). Qui plus est, le mécontentement dû à la manière dont avaient été répartis les grades dans les nouvelles unités provoqua de nombreuses désertions, beaucoup de ces déserteurs créant des nouveaux groupes armés64(*). Les élections générales de 2011 accélérèrent cette dynamique, les politiciens recourant aux groupes armés pour obtenir un soutien électoral et, lorsque leurs aspirations électorales n'avaient pas été satisfaites, pour maintenir leur influence. A Fizi, des candidats parlementaires comme Jemsi Mulengwa soutinrent les Maï-Maï Yakutumba65(*), tandis que le mwami (chef coutumier) des Fulero à Uvira, qui s'était lui aussi présenté aux élections législatives, mobilisa pour sa campagne sa propre milice d'autodéfense, les Forces d'autodéfense locale et légitime66(*) (FALL). Ainsi, nous essayerons, dans le cadre de ce travail, d'aborder la cartographie de certains grands groupes armés Maï-Maï, car leur nombre n'étant exhaustif.

2.3.5. ALLIANCE DES PATRIOTES POUR UN CONGO LIBRE ET SOUVERAIN/APCLS

L'Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) est souvent décrite comme un des groupes armés les mieux structurés du Nord-Kivu. Implantée surtout dans le territoire de Masisi, mais aussi dans celui de Walikale et peut être dans celui de Lubero, la majorité de ses membres sont Hunde, un des principaux groupes ethniques du Nord-Kivu. Les quelques estimations disponibles sur ses effectifs varient fortement, entre 500 et quelques milliers de combattants, vraisemblablement entre 1 000 et 2 000. Elle est dirigée par le général autoproclamé Janvier Buingo Karaïri et a pour objectif déclaré de lutter contre « l'invasion rwandophone », en particulier contre les Tutsi présents dans sa zone d'opération. Elle aurait déjà été active dans les années 90 puisque, selon son chef, elle aurait pris part à l'offensive de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) qui a abouti au renversement de Mobutu.

Même si, en novembre 2012, après la déroute des FARDC, elle a tenté de reprendre au M23 la localité de Sake, voisine de Goma, son activité sur le terrain ne correspond que partiellement à ses buts officiels. Entre février et juin 2013, elle a combattu les FARDC dans diverses localités du territoire de Masisi. Mais c'est avec d'autres groupes armés que l'APCLS semblait surtout croiser le fer. Depuis la mi-2012, des combats sporadiques continuaient à opposer, autour de Pinga, une localité à cheval sur les territoires de Masisi et de Walikale, l'APCLS à la Nduma Defence of Congo (NDC), un groupe majoritairement composé de Nyanga, dirigé par un autre général autoproclamé, Sheka Ntabo Ntaberi. Ces combats avaient tendance à s'étendre vers l'est, gagnant les localités de Kalembe et Muhanga (Masisi) en septembre 2013 et impliquaient également des miliciens hutus des Forces pour la Défense des Droits Humains (FDDH)-Nyatura.

Le mois suivant, c'est une trentaine de kilomètres plus au sud, près de la localité de Muhanga, que FDDH et APCLS s'entredéchiraient. Sur le plan des alliances, l'APCLS semble donner la priorité au pragmatisme. Elle paraît avoir rompu une ancienne collaboration avec les FDLR et coopérerait actuellement avec les Nande du Front populaire pour la démocratie (FPD), dirigé par Muhima Shetani. En février 2013, l'APCLS a contribué à créer une coalition regroupant divers groupes armés du territoire de Masisi, dont les FDDH, deux factions locales des Raïa Mutomboki, les FDC et le Mouvement d'action pour le changement (MAC), ainsi que des déserteurs des FARDC ayant pris l'appellation FAC (Forces acquises au changement ou Forces armées congolaises, selon les sources). Cette coalition, dirigée par le « Général » Janvier Karaïra, a été dénommée Alliance des patriotes contre la balkanisation du Congo (APBC ou APCBCO, selon les sources). Si, à l'heure d'écrire ces lignes, cette coalition ne semblait pas s'être complètement effondrée, elle a pour le moins du plomb dans l'aile, comme l'indiquaient les combats opposant deux de ses composantes, FDDH et APCLS, dans le territoire de Masisi.

Par ailleurs, relevons l'échec de l'intégration d'une partie des combattants de l'APCLS dans les FARDC. En effet, vers la mi-2012, pour pallier au vide créé par le déplacement de nombreuses unités des FARDC parties combattre le M23, plusieurs groupes armés ont été invités à rejoindre les FARDC. C'est ainsi que 300 combattants de l'APCLS ont été regroupés à partir de janvier 2013 à Kitchanga, dans le territoire de Masisi. L'échec de cette tentative d'intégration semble être imputable à un commandant local des FARDC, travaillant clandestinement pour le M23 et hostile à la présence de Hunde à Kitchanga. Après l'exécution, fin février, par les FARDC d'un responsable de l'APCLS, des combats ont éclaté dans la localité, causant plusieurs dizaines de morts.

Malgré le déplacement ultérieur de ce commandant et de son régiment, le processus d'intégration a été enterré et les affrontements entre l'APCLS et les FARDC se sont poursuivis pendant les mois suivants en divers lieux du territoire.

Enfin, malgré sa relative cohésion, l'APCLS vient de connaître une première scission, rendue publique début septembre 2013 : une faction, dirigée par un certain colonel Mirimo, rejette le commandement de Janvier Karaïri, lui reprochant des « propos incendiaires » envers la brigade d'intervention de la MONUSCO. Apparemment déployée dans la partie du territoire de Masisi proche du lac Kivu, elle a choisi de s'appeler Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain /Bord du lac (APCLS/BL) et déclare soutenir la MONUSCO dans sa lutte contre le M23 et les FDLR.

2.3.6. MAÏ-MAÏ KIFUAFUA

C'est un groupe armé très actif du Nord-Kivu qui a sa base à Hombo-Nord. Sous le commandement du « Général Delphin ». Il fait la loi sur l'axe Walikale-Itebero-Musenge-Karete-Hombo nord et Sud dans une zone à cheval entre le territoire de Walikale et le territoire de Kalehe à quelques mètres du commandement des FARDC Amani Leo basées de l'autre côté du pont à Hombo-sud. C'est un groupe réfractaire au brassage, responsable de beaucoup d'exactions envers les populations qui fréquentent cet axe. Les plus touchés par ces exactions sont des commerçants ambulants, les artisans miniers, les transporteurs à moto ou à vélo et les femmes marchandes en provenance ou en partance vers le Sud-Kivu.

Ils ont érigé plusieurs barrières sur cette route. Lors de la fermeture du site minier de Bisiye et d'Itebero, tous les exploitants miniers ont été contraints de quitter les sites endéans 3 jours. Ils ont tout abandonné et certains ont déclaré avoir enfoui sous terre leurs stocks de cassitérite qu'ils ne pouvaient pas transporter67(*). Tous ceux qui quittaient le site et qui prenaient la direction de Hombo-Sud étaient l'objet de plusieurs tracasseries de la part des hommes avec armes.

Ils sont d'abord obligés de payer aux FARDC de la 8ème Région Militaire au point d'entrée 2500fc, après une longue marche à pied en forêt dans le centre de Musenge. Juste après, à 7 km de Musenge, ils commencent un calvaire. Plus de 6 barrières de Maï-Maï Kifuafua où il faut payer 2000fc par passant, ils ont leurs taxes forfaitaires sur les vélos, les motos, l'huile de palme.

A la fin, les voyageurs doivent entrer à Hombo-Sud par la rivière Hombo sur un pont coupé et vont rencontrer une autre barrière des FARDC Amani Leo où on exige le droit d'entrée au Sud-Kivu des personnes et des biens.

Chaque passant doit payer 1000fc pour lui-même et pour chaque bidon d'huile de palme de 20 litres, ils doivent payer 500fc, et 2000fc par colis de cassitérite et il y a un tarif forfaitaire sur le vélo et la moto sans oublier la collecte des vivres pour les militaires. Et pourtant, ce sont des milliers des bidons d'huiles et colis de cassitérite qui traversent chaque jour. Lorsque l'on veut savoir pourquoi les Maï-Maï Kifuafua posent des actes sous la barbe du commandement d'Amani Leo à Hombo? Un capitaine chargé des opérations répond sans retenue : « Nous, nous sommes de la 10ème région militaire et eux agissent dans l'aire commandée par la 8ème région militaire. Il nous est strictement interdit de faire des poursuites dans le territoire d'autrui sauf sur ordre de la hiérarchie, ordre qui ne nous a jamais été donné ».

Une autre fraction de cette milice des Maï-Maï Kifuafua est opérationnelle dans les groupements de Ziralo au Sud-Kivu, et dans ceux d'Ufamandu 1er et 2è au Nord-Kivu. Les Maï-Maï Kifuafua, se sont engagés, sous l'égide de leur leader le Colonel Matunguru Katamasyoko, vers le 20 août 2013, à « cesser leur activisme », voire à désarmer. Cependant, les négociations avec des représentants provinciaux butaient sur leur exigence d'intégrer les FARDC et de bénéficier d'une reconnaissance des grades qu'ils s'étaient octroyés.

Ces régions précitées, habitées par de nombreux Hutu, était également un bastion des FDLR, avec lesquelles les Maï-Maï Kifuafua, un groupe armé tembo, entretenaient une ancienne collaboration, dans une coexistence interethnique précaire. L'arrivée des unités de Raïa Mutomboki dans le territoire de Walikale bouleversa ce fragile équilibre. De nombreux Kifuafua décidèrent de se retourner contre leur allié et de créer un nouvel avatar des Raïa Mutomboki, dirigé par leur chef, le colonel Delphin Mbaenda.

L'affaiblissement du M23 semble avoir également entraîné celui des Raïa Mutomboki du territoire de Masisi, comme le montrerait le retour à l'appellation Kifuafua d'une partie de ses combattants.

2.3.7. NDUMA DEFENSE OF CONGO/NDC

Présente essentiellement dans le vaste territoire de Walikale (Nord-Kivu), la milice Maï-Maï dirigée par le Général autoproclamé Ntabo Ntaberi, dit Cheka, la Nduma Défence of Congo (NDC), a commencé à faire parler d'elle en 2010, s'illustrant par des multiples exactions, notamment des viols massifs. Recrutant parmi les Nyanga et initialement allié aux FDLR, Cheka, un ancien négociant en minerais du territoire de Walikale, est devenu, vers la mi-2011, un des hommes de main de Bosco Ntaganda, alors général au sein des FARDC. A l'occasion d'un séjour au Rwanda, il reçoit pour mission d'assassiner son ancien allié, le Lieutenant-colonel des FDLR, Evariste Kanzeguhera, lequel sera exécuté le 20 novembre 2011. A la même époque, il mène campagne en faveur de la réélection de Joseph Kabila au scrutin présidentiel, ainsi que pour lui-même, espérant devenir député à l'occasion du scrutin législatif tenu simultanément. S'il n'est pas élu, son activisme choque nombre d'acteurs congolais et étrangers. Le 28 novembre 2011, le jour même du scrutin, Cheka est ajouté par le Comité de sanctions du Conseil de sécurité à la liste de personnes sous sanctions internationales, en vertu de la résolution 1533 (2004) de l'ONU, ce qui lui interdit notamment de voyager.

En avril 2012, après que Ntaganda lui ait fait livrer armes, munitions et matériel de communication, la NDC liquide un groupe de militaires des FARDC, dont le Colonel Chuma, un ex-CNDP qui refusait de rejoindre le M23, et qui l'empêchait d'accroitre son contrôle sur les mines de la région. En août 2012, la NDC fait une incursion dans le sud du territoire de Masisi, participant à une offensive coordonnée par le M23 visant à détruire des villages hutus.

Au début 2013, la NDC semblait étendre son contrôle sur les mines du territoire de Walikale, au détriment des Raïa Mutomboki. Le contrôle de l'exploitation et du commerce des minerais est sans conteste la principale activité de la NDC, ce que confirment les combats avec les FARDC ou d'autres groupes armés, dans lesquels elle s'engage.

A plusieurs reprises en 2013, autour de Pinga, dans le nord-est du territoire de Walikale, la NDC a affronté les FDLR, les Nyatura et, surtout, l'APCLS, provoquant un exode massif des populations. A la fin avril, elle a pris le contrôle de cette localité, conquise un an auparavant par l'APCLS, suite à des défections massives au sein des FARDC. Les combats avec l'APCLS se poursuivaient au moins jusqu'à la fin septembre, débordant dans le territoire de Masisi. C'est vers cette période que des accusations de cannibalisme ont été portées à charge de combattants de la NDC, qui dévoreraient ceux de l'APCLS. A Luvungi et Kibua, à une quarantaine de kilomètres au nord-est de la cité de Walikale, des combats entre la NDC et les FARDC étaient régulièrement signalés en 2012 et 2013. A l'ouest du territoire de Walikale, dans la région minière d'Angoa, des violents affrontements entre la NDC et les FARDC, se produisaient en juillet-août 2013, puis, en septembre, entre la NDC et les Simba, arrivés du Maniema voisin.

Finalement, notons que cette milice, particulièrement brutale, compterait tout au plus un millier de combattants et qu'elle ne semble avoir manifesté d'intention de démobiliser qu'en octobre 2012, alors que Cheka rêvait d'un mandat de député. Aucune suite ne paraît avoir été donnée à ce vertueux dessein, la NDC développant au contraire ses activités au cours des mois suivants.

2.3.8. RAÏA MUTOMBOKI

En termes de nombre de combattants, les Raïa Mutomboki « citoyens en colère » en swahili, représentent probablement le principal groupe armé actif en RDC. Cependant, ce groupe présent dans les trois provinces constituant l'ancien « Grand Kivu » (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema) apparaît comme extrêmement disparate et éclaté.

Au cours des dernières années, il a réussi à rallier un grand nombre de Maï-Maï mais a aussi connu de nombreuses scissions. Les diverses factions, si elles semblent avoir pour point commun la volonté d'éradiquer les FDLR, n'ont pas de commandement central et privilégient parfois des alliés considérés comme des ennemis par d'autres. Aussi, il serait sans doute plus exact de parler d'un conglomérat de groupes armés.

Né en 2005 au sud du Shabunda au Sud-Kivu, les Raïa Mutomboki sont apparus en 2005, en réaction aux exactions des FDLR. Ces dernières, alliées aux Maï-Maï et soutenues par le gouvernement de Kinshasa pendant l'occupation rwandaise, s'étaient senties laissées pour compte après l'Accord global et inclusif de 2002, prévoyant l'intégration des Maï-Maï dans une nouvelle armée nationale, les FARDC, mais ne concernant pas les groupes armés étrangers. Le départ de ceux-ci vers des centres d'intégration a laissé un vide sécuritaire qu'ont vite comblé les FDLR qui, dans d'autres territoires, étaient la cible d'attaques des FARDC, soutenues par la MONUSCO. Ce sentiment de trahison a alimenté une hargne se traduisant en massacres de civils dans plusieurs localités des Kivus. Dans le sud du territoire de Shabunda, un prêtre kimbanguiste, Jean Musumbu, a prêché l'autodéfense dans les villages, nommant des chefs et mobilisant la jeunesse rega locale. Dotés quasi-exclusivement d'armes blanches, confortés par les « pouvoirs magiques » que leur aurait fournis Musumbu, ces jeunes se sont constitués en milices et ont réussi, en moins de deux ans, à chasser les FDLR, se frottant de temps à autre aux FARDC ou à des groupes armés de territoires voisins.

Très populaires dans cette région, bien que passés pratiquement inaperçus ailleurs, les Raïa Mutomboki sont entrés, à partir de 2007, dans une période de latence. Cependant, plusieurs individus, non mandatés par Musumbu, se sont approprié le label, que ce soit pour s'en prétendre les représentants (par exemple lors de la conférence de Goma sur les groupes armés de 2008) ou pour créer, avec peu de succès, leur propre milice (Misaba Bwansolo, dit « Mwami Alexandre », et Kyatend Dittman). Le 23 mars 2009, les Raïa Mutomboki, ainsi que 21 autres groupes armés dont le CNDP, ont signé l'accord les intégrant dans les FARDC et permettant à ces dernières de concentrer leurs opérations contre les FDLR, ce qui a également déclenché de sanglantes représailles contre les populations civiles dans les deux Kivus.

En outre, début 2011, toutes les unités des FARDC ont quitté le territoire de Shabunda pour y être fondues dans des nouveaux régiments, intégrant notamment les ex-CNDP.

Profitant à nouveau de l'espace laissé vacant, les FDLR ont refait leur apparition dans le territoire et commis diverses exactions. Et à nouveau, Musumbu a mobilisé les siens pour y résister. Mais, cette fois-ci, la mobilisation a trouvé un large écho également dans le nord du territoire, où les FDLR avaient pris le contrôle de sites miniers.

Ø Apparition d'une nouvelle branche au nord-Shabunda et dans les territoires voisins (2011)

Un nouveau groupe des Raïa Mutomboki y a donc été créé par Eyadema Mugugu, un jeune trafiquant de minerais ayant combattu auparavant dans le groupe de Musumbu.

Leur succès fut aussi rapide que celui de la faction originale : au début 2012, ils avaient expulsé les FDLR de la région et se mirent à les poursuivre dans les territoires voisins. Ils allaient ainsi s'étendre dans le sud du territoire de Walikale au Nord-Kivu, communiquant par le parc Kahuzi-Biega, puis s'implantant, fin 2011, dans celui de Kalehe, au Sud-Kivu. Quittant une zone majoritairement rega, le groupe a reçu un bon accueil des Tembo, qui leur ont fourni nombre de combattants afin de se protéger des FDLR. Ceux-ci ont été effectivement expulsés du territoire de Kalehe dans le courant de 2012, mais au prix de plusieurs massacres de civils commis par les deux parties.

Cette succession de victoires allait naturellement engendrer, surtout dans le territoire de Kalehe, une confrontation avec les FARDC et les autorités politiques, considérées comme inaptes à défendre les populations locales. Eyadema est d'ailleurs arrêté en juin 2012 par les FARDC et emprisonné à Kinshasa. Il est remplacé par un de ses proches, Juriste Kikuni. Quelques mois plus tard, en novembre 2012, le groupe n'hésite pas à s'en prendre aux autorités provinciales du Nord-Kivu, fuyant Goma, dont venait de s'emparer le M23, et se dirigeant vers Bukavu. A leur entrée dans la zone sous contrôle des Raïa Mutomboki, les notables et leur escorte sont désarmés et dévalisés.

Signalons que des responsables de cette faction dans le territoire de Walikale, ainsi que des Maï-Maï Kifuafua, se sont engagés, vers le 20 août 2013, à « cesser leur activisme », voire à désarmer. Cependant, les négociations avec des représentants provinciaux butaient sur leur exigence d'intégrer les FARDC et de bénéficier d'une reconnaissance des grades qu'ils s'étaient octroyés.

Par contre, dans le territoire de Shabunda, contrôlé dans sa plus grande partie par les diverses factions Raïa Mutomboki, l'apaisement n'est pas de mise. Malgré un accord de pacification signé avec les FARDC en avril 2012, de nombreux affrontements les ont opposés à la fin de 2012 et durant les neuf premiers mois de 2013. En février, une attaque sur la cité de Shabunda a été repoussée par l'armée gouvernementale, qui a semblé reprendre plusieurs positions au cours des mois suivants. Parallèlement, le soutien populaire initial serait en train de fondre, en tout cas dans les centres urbains.

Ø Formation de deux nouvelles factions au Sud-Kivu et dans le sud-Masisi au Nord-Kivu (2012)

Entre-temps, une troisième mouvance se revendiquant des Raïa Mutomboki apparaissait dans le nord-est du territoire, créée surtout par des officiers mécontents des FARDC de l'ethnie rega, souvent d'anciens Maï-Maï, notamment le lieutenant Musolwa Kangela. Il a été bientôt rejoint par le major Ngandu Lundimu, puis par Wangozi Pascal, dit « Sisawa », un ancien creuseur et proche d'Eyadema. D'autres « sous-factions » étaient initiées par Daniel Meshe, un ancien fidèle de Laurent-Désiré Kabila, ayant trouvé refuge en Allemagne pendant quelques années après son assassinat, ainsi que par un colonel autoproclamé répondant au nom de Maheshe. Cette mouvance allait d'abord s'opposer au retour des FARDC, en particulier des rwandophones, ex-CNDP dans le territoire de Shabunda. Elle allait aussi s'étendre dans le territoire de Kabare, puis dans celui de Walungu. Le groupe a continué à essaimer dans le nord du territoire de Mwenga et même près d'Uvira, autour de la localité de Munanira où il mène régulièrement des combats contre les éléments FDLR et FNL.

Le sud du territoire de Masisi (Nord-Kivu) a vu l'apparition, vers la mi-2012, d'une quatrième faction des Raïa Mutomboki. Cette région, habitée par de nombreux Hutu, était également un bastion des FDLR, avec lesquelles les Maï-Maï Kifuafua, un groupe armé tembo, entretenaient une ancienne collaboration, dans une coexistence interethnique précaire. L'arrivée des unités de Raïa Mutomboki dans le territoire de Walikale bouleversa ce fragile équilibre. De nombreux Kifuafua décidèrent de se retourner contre leur allié et de créer un nouvel avatar des Raïa Mutomboki, dirigé par leur chef, le colonel Delphin Mbaenda. Un phénomène similaire semble avoir affecté un autre groupe de la région, les FDC, composées de Hunde et de Nyanga, qui auraient également adopté le label « Raïa Mutomboki ». Une alliance au nom de la lutte contre l'ennemi commun aurait également été conclue avec des chefs du M23 mais, rejetée par les combattants locaux et les factions du Raïa Mutomboki du Sud-Kivu, elle semble avoir volé en éclats. Les attaques contre les Hutu ont favorisé une alliance entre les FDLR et les Nyatura, une milice hutue congolaise.

Par ailleurs, de nombreuses unités des FARDC avaient quitté la région pour combattre la rébellion du M23, engendrant un vide sécuritaire caractérisé par le déferlement d'une violence extrême dans cette partie de Masisi, causant des centaines de morts et occasionnant la destruction de dizaines de villages. La tension est quelque peu retombée à la fin 2012, ouvrant la voie à un accord, signé le 5 février 2013, par certains des principaux protagonistes de cette vague de violence, dont les Nyatura-FDDH, les FDC, ainsi que l'APCLS, un groupe hunde et un autre ex-allié des FDLR. Par ailleurs, les partisans d'une alliance avec le M23 au sein des Raïa Mutomboki entretenaient des liens surtout avec la faction Ntaganda. Le démantèlement de cette dernière en mars 2013 a probablement encore davantage miné cette alliance. L'affaiblissement du M23 semble avoir également entraîné celui des Raïa Mutomboki du territoire de Masisi, comme le montrerait le retour à l'appellation Kifuafua d'une partie de ses combattants.

Ø Apparition des Raïa Mukombozi (2012)

On le constate, il est parfois difficile d'identifier et de distinguer les Raïa Mutomboki. Si l'ennemi commun des FDLR est une constante, les alliances varient d'une faction à l'autre et ne durent généralement pas longtemps. La situation est encore plus complexe avec la faction créée dans le nord-est du Shabunda par des anciens officiers des FARDC et souvent en opposition à l'armée gouvernementale. Cependant, un de ses leaders, Daniel Meshe, a conclu au début 2012, une alliance avec les FARDC, apparemment surtout pour obtenir armes et munitions afin de s'imposer face aux autres groupes armés contrôlant le territoire de Walungu. Renforcée par la défection du colonel Albert Kahasha, dit « Foka Mike », collaborateur du M23 et un des dirigeants, avec Kakule Sikuli Lafontaine, des Forces populaires congolaises (FPC) au Nord-Kivu, cette nouvelle branche a choisi de s'appeler Raïa Mukombozi « citoyens sauveurs » en swahili.

Malgré le soutien des FARDC, ce nouveau « sous-groupe » n'a pas engrangé les succès espérés et a vite rompu son alliance. Alors que plusieurs factions Mutomboki se muaient en Mukombozi, Meshe créait d'autres groupes armés « anti-FARDC », dont les Raïa Tujigomboe « citoyens, libérons-nous » en swahili, parfois aussi appelée T.P Mazembe; et Congo uni pour la paix et l'intégrité (CUPI). Kahasha était apparemment saisi d'un activisme similaire, puisque son nom apparaît peu après comme cofondateur, avec l'homme politique de Bukavu, Gustave Bagayamukwe, de Dynamique populaire pour le changement (DPC, fondé en décembre 2012) et de l'UFRC (janvier 2013). Ce dernier a été arrêté en février 2013 par les FARDC.

Face à un tel éparpillement, dont on peine parfois à comprendre la succession ou la motivation, il était inévitable que des tentatives de regroupement soient initiées. Ainsi, en juin 2013, la création d'une « coalition politico-militaire contre la balkanisation et le Kabilisme », dénommée « Coalition Raiya Mukombozi » et composée d'une dizaine de groupes, était annoncée. Parmi les signataires, on retrouve notamment Meshe (pour le CUPI), Sisawa (pour l'une des 5 factions Mukombozi signataires), Maheshe (pour une autre faction Mukombozi) et Kahasha (pour les FPC). La Coalition Raiya Mukombozi serait basée à Isezya, dans le territoire de Shabunda et a fait du renversement, par les armes, du pouvoir de Joseph Kabila son objectif prioritaire. Comme d'autres alliances, cette « coalition » semble avoir fait long feu puisque, début octobre 2013, les factions Kahasha et Maheshe s'affrontaient pour le contrôle de carrés miniers près de Nyalubemba dans le nord-est du territoire de Shabunda.

Par ailleurs, à intervalles réguliers, des factions Raïa Mutomboki acceptent de s'asseoir à la table des négociations. Ainsi, toujours au début octobre, dans le territoire de Shabunda, les factions de Sisawa et de Kikuni négociaient séparément un cessez-le-feu avec les FARDC et un arrêt des attaques contre les civils. La première aurait été prête à restituer des biens ravis à des commerçants locaux et la seconde à libérer une vingtaine de soldats détenus prisonniers. De son côté, la « Coalition Raiya Mukombozi » annonçait, vers le 20 novembre 2013, son intention de cesser les hostilités envers les forces gouvernementales, de désarmer et d'intégrer ses combattants dans les FARDC.

Ø Extension au Maniema (2009-2010)

Passées plus ou moins inaperçues, d'autres factions des Raïa Mutomboki ont été, ou sont encore, actives au Maniema. Une d'entre elles, présente dans le territoire de Kabambare pour y contrer les FDLR, a été dissoute en 2009-2010 dans le cadre du Programme de stabilisation et reconstruction des zones sortant des conflits armés (STAREC), soutenu par le PNUD et la MONUSCO. Plus récemment, dans la même province, une faction Raïa Mutomboki dirigée par le colonel Shabani Kingumba et provenant vraisemblablement du Sud-Kivu (territoire de Shabunda) s'est emparée, en janvier, de la localité minière de Kasese, dans le territoire de Punia, puis, en février, de la cité de Punia. Si elle en a été rapidement délogée par les FARDC, elle semble être toujours présente dans le territoire où, vers la mi-juillet, des affrontements l'opposant aux FARDC ont été signalés, tandis que, le 25 août 2010, des éléments Raïa Mutomboki pillaient la localité, également minière, de Kitamuna, provoquant la fuite de la population. Le même groupe, dont certaines actions, comme la prise de Punia, ont été revendiquées par l'UFRC, semble être également actif dans le nord des territoires voisins de Kailo et de Pangi. D'autres groupuscules autoproclamés « Raïa Mutomboki » pourraient aussi y être actifs.

Notons que, alors que dans les deux Kivu les Raïa Mutomboki bénéficient d'un certain soutien parmi les non-rwandophones, cela ne semble pas être le cas au Maniema, où le pillage des minerais et des biens de la population semblent être les principales activités de ce groupe. D'ailleurs, le prétexte de protection contre les FDLR pourrait difficilement être invoqué, puisque celles-ci semblent avoir été totalement éradiquées de la province.

A l'origine une milice de protection des Rega face aux exactions commises par les FDLR, les Raïa Mutomboki ont acquis une grande popularité en expulsant effectivement cette milice d'une grande partie de l'Est du Congo. Cela leur a permis de s'étendre auprès d'autres ethnies, en particulier les Tembo. Rançon du succès, de plus en plus d'individus ou de groupes s'y sont ralliés, de manière spontanée ou par opportunisme, ou se sont purement et simplement accaparés le label. D'un certain point de vue, le terme Raïa Mutomboki est devenu un synonyme de Maï-Maï, l'un et l'autre se basant sur l'autodéfense décentralisée et ayant recours au patriotisme et aux pratiques surnaturelles. La multiplication des scissions et des avatars, basée essentiellement sur des rivalités personnelles, ainsi que le caractère éphémère et opportuniste des alliances, ont rendu la mouvance Raïa Mutomboki de plus en plus difficile à déchiffrer.

Au Sud-Kivu en tout cas, l'hostilité croissante envers les FARDC perçues comme inefficaces et dont les officiers ne seraient mus que par le désir de contrôler des carrés miniers, entraîne une multiplication des accrochages et affrontements. Par ailleurs, avec l'amenuisement de la menace des FDLR, il apparaît que de nombreuses factions se retournent maintenant contre les populations locales, se battent entre elles ou se muent en gangs purement criminels.

2.3.9. MAÏ-MAÏ SHETANI

Les Maï-Maï Shetani est une milice d'autodéfense communautaire du Colonel autoproclamé Kakule Muhima alias Shetani (Satan en swahili). Cette milice autrement appelée « Force Populaire pour la Démocratie/FPD en sigle », était réputée très hostile à l'ex rébellion du M23, contre laquelle elle s'était constituée en septembre 2012.

Cependant, après la défaite militaire du M23, chassé de tous les territoires qu'il contrôlait jadis dans le Nord-Kivu, le gouvernement congolais avait multiplié des appels à l'endroit de toutes les autres milices locales et étrangères pour qu'elles déposent les armes. Allié des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) tout au long de la lutte contre l'ex rébellion du M23, Shetani faisait jusque là la sourde oreille. Les hommes de Shetani colaborent également avec l'Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) du Général autoproclamé Janvier Karahiri Bwingo, un des groupes armés les mieux structurés au Nord-Kivu selon les experts du Groupe de Recherche et d'Information sur la Sécurité et la Paix/GRIP en sigle.

Début décembre 2012, ils ont été soupçonnés d'avoir commis des actes de pillages dans les maisons des civils à Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru, autrefois contrôlé par le M23, et à ces jours étant sous leur contrôle. Accusé d'avoir commandité plusieurs attaques contre les populations civiles dans le Nord-Kivu, Le Colonel Shetani sera arrêté le 23 décembre 2012 selon certaines sources onusiennes, une information qui est restée sans confirmation directe et officielle de la part du gouvernement RD Congolais, du fait que ce dernier était en perpétuelle connivence avec les FARDC lors de l'éradication de l'ex rébellion du M23.

2.3.10. MAÏ-MAÏ KIRIKICHO

Kirikicho et ses hommes qui, dans le temps, ont régné en maîtres aux côtés des FDLR, est aujourd'hui contraint par les opérations Amani Leo à quitter Ziralo centre et de se retirer vers le village de Kalamo dans la localité de Malembe à 20 km de Ziralo en pleine forêt à la limite Kalehe-Walikale. Sur place à Ziralo, Kirikicho n'est plus visible ou n'apparaît plus depuis 4 mois.

Il vit toujours côte à côte avec les FDLR et dans le même axe. C'est seulement une mission du CICR qui a rencontré pour la dernière fois Mr Kirikicho dans son retranchement en Août 2010. Cette visite avait pour but de le sensibiliser à l'intégration dans l'armée régulière et pour lui demander de faciliter l'accès à l'aide humanitaire à la population sinistrée par les différentes guerres. C'est depuis 1995, que les réfugiés rwandais et, avec eux, les FDLR se sont établis à Ziralo fuyant les attaques de la coalition AFDL-Armée patriotique Rwandaise dirigées contre les camps de réfugiés.

Leur stratégie pour survivre est d'organiser en très petits groupes de trois à cinq hommes, des rafles, des attaques-surprise des villages et des embuscades et puis retournent à leur retranchement. Ils sont difficilement repérables car n'apparaissent plus en grands groupes comme ils sont très traqués par les FARDC de Amani Leo.

2.3.11. UNION DES PATRIOTES CONGOLAIS POUR LA PAIX/FORCES POPULAIRES CONGOLAISES/UPCP-FPC68(*)

L'Union des patriotes congolais pour la paix/Forces populaires congolaises est une coalition d'un bon nombre des milices sous le leadership du Général Kakule Sikuli Vasaka alias LAFONTAINE, ancien chef du groupe d'auto-défense populaire jadis PARECO.

Il est à signaler que le mouvement PARECO du Général LAFONTAINE avait cessé de fonctionner au profit de la coalition susmentionnée, dont il va chapeauter et secondé par le Colonel Albert KAHASHA, ex commandant du 808è Régiment FARDC, très connu sous son code de commandement « Delta-Foca ».

En effet, l'opinion se souviendra que le Colonel Albert KAHASHA avait fait défection des FARDC en date du 25 janvier 2012 alors qu'il commandait ce régiment susdit, basé à ERINGETI en territoire de Beni au Nord-Kivu.

Ainsi, LAFONTAINE qui s'était déjà donné l'audace de quitter la brousse et de s'intégrer dans les FARDC, explique en ces mots ce qui lui avait contraint à retourner dans la brousse et reprendre les armes contre ce qu'il qualifie de ses ennemis ou adversaires : « Nous avions pris l'initiative, en 2009, de rejoindre volontairement les FARDC et les autres groupes armés qui venaient de signer l'accord de cessation des hostilités du 23 mars de la même année pour apporter notre contribution à la restauration de la paix dans notre province mais, visiblement, le gouvernement congolais n'a pas voulu de nos services. Ils nous ont abandonné dans la ville de Goma sans nous utiliser, mes hommes et moi, pendant que les FDLR reprenaient les espaces que nous occupions et étaient en train de perpétrer des graves exactions sur nos populations. En fait, j'avais eu la nette impression que le gouvernement n'était pas encore prêt pour donner une paix durable aux congolais, c'est ainsi que j'ai décidé de rentrer dans le maquis pour protéger nos populations ».

Rappelons que c'est en mai 2009 que le Général Kakule Sikuli Vasaka dit LAFONTAINE avait été sensibilisé par le gouvernement congolais pour intégrer les FARDC en vertu des accords de paix qui venaient d'être signés, notamment, le 23 mars 2009 entre le gouvernement et l'ex mouvement politico-militaire CNDP, lesquels accords prévoyaient, entre autres, la cessation immédiate des hostilités de tous les belligérants afin de mener des opérations conjointes pour traquer les FDLR et les autres groupes armés étrangers opérant à l'Est de la RDC et ainsi rétablir la paix et la stabilité dans cette partie du territoire national.

Après une longue période d'attente à Goma, le Général LAFONTAINE remarqua qu'en lieu et place de son intégration dans les FARDC, le gouvernement congolais organisait plutôt son arrestation. En février 2010, il décida de se retrancher vers le secteur de Mbingi-Bunyantenge et Mihanga, dans le Sud du territoire de Lubero, où il évolue jusqu'aujourd'hui.

Observant que les militaires FARDC basés dans la partie nord de la province du Nord-Kivu qui faisaient défection pour rejoindre le mouvement du 23 mars bénéficiaient de l'appui et/ou de la complicité du Général LAFONTAINE, ce dernier le confirma par ce qui suit : « Nous sommes content que les autres partenaires du gouvernement congolais nous ont rejoint car en 2010, on était marginalisé. Il est temps que tous les groupes d'auto-défense s'inscrivent dans une même vision qui est celle de protéger le peuple congolais et lui procurer une paix durable gage du développement durable à laquelle aspirent nos populations qui ne demandent que cela pour se mettre au travail ».

Et comme pour justifier la raison d'être de leur coalition armée, il l'a fait par ces mots : « Nous défendons désormais une même cause et je met à défie tous ceux qui continuent à tirer sur les ficelles de l'ethnicité et qui ne cessent de crier à un éventuel complot contre la nation congolaise, puisque désormais toutes les communautés du Nord-Kivu sont ensemble pour l'auto-défense de nos populations depuis longtemps victimes des manipulations politiciennes des hommes véreux en manque de programme politique constructif et qui pour justifier leurs échecs à répondre aux devoirs de l'Etat continuent à jeter leur dévolu sur un pays étranger au lieu de trouver les solutions aux problèmes endogènes qui rongent vraiment notre pays ».

De tout ce qui précède, il sied de constater que le Général LAFONTAINE ne voulait pas dévoiler clairement le lien qui existait entre sa coalition et le mouvement du 23 mars en termes d'alliance.

2.3.12. PATRIOTES RESISTANTS DU CONGO-NYATURA/PARECO-NYATURA

Apparue en 2010, la milice des Nyatura est composée des Hutus, dont des anciens membres du groupe des Patriotes résistants congolais (PARECO), intégrés en 2009 dans les FARDC avant d'en déserter rapidement. Dirigée par un « Colonel Kasongo », elle est présente dans les territoires de Kalehe (Sud-Kivu) et dans celui de Masisi (Nord-Kivu), bien qu'elle ait conduit des opérations également plus au nord, à proximité de Rutshuru et de Kiwanja. Sa motivation première aurait été de protéger les agriculteurs hutus face à l'expansionnisme des éleveurs tutsis. Mais elle semble s'être développée surtout en 2011, en réaction aux attaques anti-hutues des Raïa Mutomboki. Cela l'a également conduit à s'allier à d'autres groupes hutus, comme le Mouvement populaire d'autodéfense (MPA), ainsi qu'aux FDLR et à accueillir des transfuges de ce dernier groupe. En outre, elle ne dispose apparemment pas de commandement central et ses effectifs sont mal connus, mais ils ne dépasseraient pas le millier de combattants.

Depuis 2011, les Nyatura se sont affrontés à plusieurs autres groupes, dont les Forces de défense du Congo (FDC, branche Hunde-Nyanga des Raïa Mutomboki), les Maï-Maï Shetani (Nande), et l'APCLS (Hunde) faisant craindre, particulièrement au Nord-Kivu, le développement d'une guerre interethnique. Des massacres des civils Nande, Tembo et Hunde par des miliciens Nyatura ont été constatés. Dans le territoire de Kalehe, une alliance éphémère a uni ces derniers au groupe de Kirikicho, un chef maï-maï tembo.

L'apparition du M23 a fortement influencé les Nyatura. Le redéploiement de troupes des FARDC pour combattre le M23 a permis aux Nyatura d'accroître la zone sous leur contrôle, parfois de connivence avec d'autres groupes armés, avant que les nouveaux maîtres des lieux en décousent entre eux. En outre, apparemment en coalition avec les FDLR, les Nyatura sont partis affronter le M23 dans les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo, menant notamment un raid sur la cité de Rutshuru en avril 2013. En juillet, près de Goma, ils ont également tiré sur une patrouille de la MONUSCO qui tentait de protéger des civils fuyant les combats qui les opposaient au M23.

Comme avec de nombreux autres groupes armés du Kivu, les paradoxes sont nombreux avec les Nyatura. A l'instar des Raïa Mutomboki, les Nyatura sont un groupe extrêmement fragmenté. Ainsi, dans une seule localité du territoire de Masisi, Bashali, située près de la cité de Kitshanga dans le territoire de Masisi, cinq groupes armés, dont trois se revendiquant des Nyatura, y auraient été créés en l'espace d'une année, certains ne comptant que quelques individus. Un de ces groupes, la faction Nyatura dirigée par le colonel Noheri, s'est allié au M23 et occupe quelques villages près de Kitshanga. D'autres factions, dans le territoire de Rutshuru, semblent avoir également collaboré avec le M23. Une des principales factions, active dans le nord du territoire de Masisi, se faisant appeler Forces pour la défense des droits humains (FDDH), s'est alliée à l'APCLS, d'abord en créant de concert l'APBC évoquée plus haut, puis en unissant ses forces à cette dernière pour affronter la NDC de Sheka. Mais, presque simultanément, dans le même territoire, des combats meurtriers étaient signalés entre une autre faction Nyatura et cette même APCLS. Les relations avec les FARDC sont également extrêmement complexes. Si des affrontements ont eu lieu sans discontinuer entre 2011 et 2013, le Général Gabriel Amisi, chef d'état-major de l'armée de terre, a été accusé par le groupe d'experts de l'ONU de vendre des armes aux Nyatura, révélation qui a entraîné sa suspension à la fin 2012. En outre, vers la même époque, dans le cadre de la campagne de recrutement des FARDC afin de pallier au déplacement d'unités vers le front du M23, quelques centaines de miliciens Nyatura du territoire de Masisi ont été intégrés dans les FARDC. Par contre, ceux du territoire de Kalehe semblent être rétifs à toute intégration.

2.3.13. MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA

Les Maï-Maï du Général Yakutumba se sont imposés comme le principal groupe armé dans le sud du Sud-Kivu, autrement dit le territoire de Fizi. Depuis l'indépendance, ce territoire bordant le lac Tanganyika, à quelques encablures de la Tanzanie, n'a jamais pu être réellement contrôlé par les autorités centrales. C'est là que se développa en 1964 la rébellion muleliste des Simba et que Laurent-Désiré Kabila reçut, l'année suivante, Che Guevara. De même, pendant l'occupation rwandaise, Kigali et ses supplétifs du RCD-Goma ne réussirent à assurer leur mainmise que sur quelques centres urbains, sans jamais l'étendre sur la plus grande partie du territoire. Un groupe Maï-Maï, dirigé par un ancien combattant Simba, Dunia Lwendama, s'y est développé, même au-delà du territoire de Fizi. Par ailleurs, cette occupation a fortement dégradé les relations, déjà tendues, entre les Bembe, l'ethnie majoritaire vivant essentiellement de l'agriculture, et les Banyamulenge, des éleveurs d'expression rwandaise et assimilés aux Tutsi, vivant sur les hauts plateaux surplombant le littoral fizien.

Après le départ des troupes rwandaises, une partie des Maï-Maï a été démobilisée ou a été intégrée dans les nouvelles FARDC, à l'instar de Dunia, nommé Général. Cependant, certains autres, dont le capitaine William Amuri Yakutumba, un adjoint de Dunia nommé commandant de la brigade basée à Baraka, la principale localité côtière du territoire de Fizi, a refusé d'envoyer ses hommes au centre de « brassage », arguant que les milices banyamulenge (qui allaient devenir les Forces républicaines fédéralistes, FRF, aujourd'hui dissoutes) étaient également réticentes à ce processus.

En janvier 2007, après avoir rencontré Raphaël Looba Undji, un politicien bembe et futur idéologue de son mouvement, il quittait les FARDC, créait les Maï-Maï réformés et s'autoproclamait « Général ». Invité par le Président Joseph Kabila, il arriva à Kinshasa en septembre 2007 en compagnie de Looba Undji, mais dut patienter six mois avant de se voir accorder une audience d'à peine 30 minutes. Il eut cependant largement le temps d'établir des contacts avec des politiciens bembe vivant dans la capitale et de réfléchir à une stratégie, passant notamment par l'établissement d'une branche politique, le Parti pour l'action et la reconstruction du Congo (PARC).

En 2009, le déploiement de troupes rwandaises aux Kivus pour traquer les FDLR, alliées de longue date de Yakutumba, ainsi que, surtout, l'arrivée dans le territoire de nouvelles troupes des FARDC commandées par des officiers provenant du CNDP et du PARECO, c'est-à-dire de groupes armés respectivement tutsi et hutu, mit encore plus d'huile sur le feu. Pour Yakutumba, il s'agissait d'une preuve supplémentaire que le Président Kabila, non content d'accorder la nationalité congolaise aux Banyamulenge, travaillait à l'établissement d'un « empire hima », à la dévotion de Kigali. D'autre part, alors que ses Maï-Maï développaient de plus en plus d'activités lucratives et souvent criminelles (réseau de soutien à Kinshasa et à l'étranger, racket, trafic d'or, piraterie), Yakutumba renforçait son alliance avec les FNL burundaises, dont certains membres rejoignaient son propre groupe. A la fin 2010, il nommait la branche armée de son mouvement « Forces armées alléluia » (FAAL). En 2011, année électorale, Yakutumba a été intensément courtisé par plusieurs hommes politiques bembe, dont un autre point commun était une virulente rhétorique hostile aux Banyamulenge.

Après les élections et l'intégration des FRF dans les FARDC, Yakutumba fut soumis à des pressions accrues pour qu'il en fasse de même avec ses combattants. Ces efforts semblent avoir été abandonnés après l'insurrection du M23, les FAAL profitant en outre des désertions au sein des FARDC pour s'emparer de nouvelles positions. Des négociations en vue d'une alliance se seraient tenues avec le M23, qui aurait transféré des armes aux FAAL.

A la fin 2012, le départ des FNL vers des zones plus proches du Burundi et la reprise des attaques des FARDC semble avoir affaibli le groupe, qui reprenait des négociations en vue de son intégration dans les FARDC. Malgré l'envoi d'environ 250 hommes, environ la moitié des effectifs estimés, bien que Yakutumba prétende en avoir plus de 10 000, dans un camp d'intégration près de Baraka, le processus échouait à nouveau et, à partir de juillet 2013, des combats avec les FARDC étaient signalés en divers lieux du territoire.

Signalons enfin que les FAAL/PARC sont présentes dans d'autres territoires, notamment celui de Kalemie (Katanga) et dans ceux de Shabunda et d'Uvira (Sud-Kivu). Dans ces deux derniers, des alliances ont été forgées avec des groupes armés locaux.

2.3.14. LE MOUVEMENT DU 23 MARS/M23

L'accord d'intégration signé le 23 mars 2009 s'effondra début 2012 en raison d'un différend entre Kinshasa et le leadership de l'ex-CNDP, entraînant une énième phase de mobilisation. Alors que les FARDC tentaient depuis 2009 de redéployer le leadership de l'ex-CNDP à l'écart des régions des Kivus, le fiasco électoral 2011 poussa le Président Joseph Kabila à intensifier ces efforts. En partie du fait des pressions internationales, il essaya aussi d'arrêter le général Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale. Cependant, anticipant la situation, certaines parties de l'ex-CNDP se mutinèrent en avril 2012. Cette dissidence se transforma en une nouvelle rébellion, qui prit le nom de M23, conduisant à une fracture au sein du réseau de l'ex-CNDP. Environ la moitié des officiers de l'ex-CNDP ne rejoignirent pas le M23, résistant ainsi aux pressions des autorités rwandaises qui étaient de plus en plus impliquées dans la gestion de la rébellion69(*).

La crise du M23 se fit sentir dans toute la région, déclenchant la formation ou la consolidation de plusieurs groupes antagonistes dans sa zone de déploiement de Rutshuru, notamment les FDLR-Soki, les Maï-Maï Shetani, le Mouvement populaire d'autodéfense (MPA) et les Forces pour la défense des intérêts du peuple congolais (FDIPC). Cette mobilisation croissante était également le résultat des efforts entrepris par le M23 et ses alliés au Rwanda pour former des alliances ou créer des nouveaux groupes dans tout l'Est de la RDC, tels que l'Alliance pour la libération de l'Est du Congo (ALEC) à Uvira et la Force oecuménique pour la libération du Congo (FOLC) dirigée par le déserteur des FARDC Hilaire Kombi dans la région de Beni, dans la partie nord du Nord-Kivu. Le M23 tenta également d'organiser des coalitions de groupes armés en Ituri, efforts qui pour la plupart furent vains.

Outre les déserteurs de l'armée comme Kombi, des politiciens marginalisés jouèrent un rôle crucial dans ces efforts de mobilisation. Dans le nord du Nord-Kivu, Antipas Mbusa Nyamwisi, député et ancien ministre des Affaires étrangères, organisa un soutien politique significatif en faveur du groupe de Kombi et lui donna des armes70(*). Au Sud-Kivu, le candidat parlementaire malheureux Gustave Bagayamukwe fut l'initiateur d'un nouveau satellite du M23 appelé l'Union des forces révolutionnaires du Congo (UFRC) fin 201271(*). Cependant, la plupart de ces groupes étaient de faible envergure et le M23 ne parvint pas à déstabiliser la région au sens large.

2.3.15. LA THESE DE LA NOUVELLE COALITION M23-RDF, PERSPECTIVES DE PROCHAINS ASSAUTS72(*)

Pour la Société civile du Nord-Kivu, le Rwanda et l'Ouganda n'ont jamais digéré leur défaite face à la coalition FARDC-Brigade spéciale d'intervention de l'ONU, et sont déterminés à perpétuer l'insécurité pour continuer le pillage des ressources naturelles de la RDC. Les autorités congolaises sont prévenues pour non seulement vérifier ces informations, mais aussi prendre des mesures qui s'imposent pour ne pas être surpris.

Des nouvelles en province du Nord-Kivu, spécialement dans les territoires de Rutshuru et de Nyiragongo ne sont pas du tout rassurantes. En effet, la Société civile de la province du Nord-Kivu renseigne que les ex-M23, aidés par certains éléments de la Rwanda Defense Forces (RDF) préparent des assauts sur le territoire congolais.

Pour la population du coin, le Rwanda et l'Ouganda n'ont jamais accepté, voire digéré leur défaite contre la coalition FARDC-Brigade spéciale d'intervention des Nations Unies. Pour ce faire, toutes les stratégies sont mises sur la table afin d'atteindre leurs objectifs. Ceux-ci consistent à semer continuellement l'insécurité dans la partie Est de la RDC, afin d'y provoquer mort d'hommes, violations des droits de l'homme et pillage stratégique des ressources naturelles.

Un autre objectif et non des moindres, c'est la volonté inavouée du Rwanda et de l'Ouganda de concrétiser leur projet de balkanisation de la RDC déjà susmentionné et repris d'ailleurs dans l'accord de Lemera qui donna naissance à l'AFDL. Et ce, à l'exemple du Soudan qui a été obligé de se diviser malgré lui en deux Etats distincts. Une solution qui ne réussira pas en ce qui concerne la RDC, au vu de la détermination des Congolais à demeurer ensemble, en dépit de l'étendue physique du territoire national et d'autres spécificités comme l'homogénéité73(*) par le langage (nos langues nationales), par la coutume et pourquoi pas par l'histoire; sachant que tout racisme est en fait une construction sociopolitique74(*).

Les analystes politiques de la situation de la région des Grands-Lacs sont d'avis que le fait pour le Rwanda et l'Ouganda de ne pas libérer les ex-membres du M23 conformément aux accords signés, est une preuve qu'ils veulent les utiliser à d'autres fins. Certains cadres de l'ex-M23 avaient tenté d'accuser en vain le Gouvernement de la RDC de la lenteur dans l'application de la loi sur l'amnistie. Mais avec les dernières libérations, cette raison ne tient plus debout et dès lors, silence radio du côté du Rwanda ou de l'Ouganda. Et on comprend vite qu'ils sont en train de chercher d'autres raisons.

ð Des faits tangibles :

Pour la Société civile du Nord-Kivu qui a été alertée par la population sur la réorganisation des éléments ex-M23, en perspective des prochains assauts à partir des territoires de Rutshuru et Nyiragongo, il ne fait l'ombre d'aucun doute que la RDC doit de nouveau s'apprêter pour ne pas se retrouver encore une fois embourbée dans des conflits sanglants.

Car en effet, en ce qui concerne le territoire de Nyiragongo, des mouvements suspects sont en ces jours observés dans le secteur de Busasamana, dans le District de Rubavu au Rwanda, à la frontière avec les localités Kabuhanga et Kabagana I, dans le Groupement Buhumba, Territoire de Nyiragongo. Ici, sont stockés des vivres et non vivres dans le Bureau de la Rwanda Reven. Il s'agit des vivres qui transitent nuitamment en direction du parc, du côté de Kasizi Rwanda où sont concentrés depuis plusieurs jours des combattants ex-M23 mêlés aux militaires de la RDF (armée rwandaise).

On fait également état du renforcement de la base logistique militaire de la RDF à la frontière, en préparatif de prochaines hostilités. Ce ravitaillement en vivres et équipements militaires a été également observé la journée et le soir de vendredi 04 novembre 2014.

Dans le territoire de Rutshuru, des sources concordantes nous ont appris également que les ex-M23 seraient entrain de s'infiltrer dans les Groupements de Rugari, Bweza, Kisigari et Busanza. La population de ces entités a fait part de certains indicateurs objectivement vérifiables.

A Mwaro par exemple, dans le Groupement de Rugari, en Chefferie des Bwisha, le dimanche 28 septembre 2014, 130 éléments de la coalition M23-RDF habillés en uniforme de gardes parc pour se déguiser, ont été surpris avant de prendre le large. Alertées par la population, les FARDC du 391e régiment avaient réussi à capturer 3 combattants parmi les infiltrés. A Mbuzi, dans le Groupement de Bweza, en Chefferie de Bwisha, quelques semaines après l'événement de Mwaro, un groupe d'inconnus armés déguisés en éleveurs, ont fait des mouvements nocturnes avec des vaches jusqu'à Kichanga, dans le Groupement Bishusha, dans la Chefferie de Bwito, en passant par Biruma, dans le Groupement Kisigari.

A Katale et à Buvunga, dans le Groupement de Kisigari (Chefferie des Bwisha), la population dénonce une brebis galeuse. L'homme est identifié comme Jean-Félix Shamba, ancien Chef de Poste d'Encadrement Administratif de Rugari et Kisigari avant et pendant l'occupation du M23. Lors de l'occupation du M23, Jean-Félix Shamba avait enrôlé de force plusieurs jeunes du Groupement de Kisigari dans la rébellion; il était l'un des très fideles du mouvement.

A la débâcle de la rébellion, Jean-Félix s'était enfui au Rwanda en passant par l'Ouganda. Ce n'est que vers juin 2014 qu'il rentre au pays en passant par Gisenyi (Rwanda) pour se réinstaller chez lui dans le territoire de Rutshuru. Ce qui avait suscité la peur des habitants. Il avait fait sa rentrée avec celui qui avait été Chef de Cité de Rubare pendant le M23 et la fille de M. Tambour, ancien comptable de l'Hôpital de Rwanguba sur l'axe Bunagana.

Comme les trois ex-M23 sont rentrés sans avoir signé les formulaires de demande d'amnistie, les services de l'ANR (Agence Nationale de Renseignements) ont mis la main sur eux pour les conduire à Goma où ils étaient en détention. Après signature des formulaires de demande d'amnistie, ces anciens M23 ont été relâchés par l'ANR. Cependant, depuis leur retour à Rutshuru, la population dénonce dans le chef de Jean-Félix la sensibilisation et l'enrôlement clandestin des jeunes en faveur d'un mouvement qui ne dit pas encore son nom mais qui, croit-on, serait la nouvelle formule M23. Il serait en train de demander aux jeunes qui l'écoutent de rejoindre un Camp de regroupement à Kichanga (dans la Chefferie de Bwito).

A Shinda, frontalière avec l'Ouganda, dans le Groupement de Busanza, dans la Chefferie de Bwisha, la relève des FARDC avait inquiétée la population si le déploiement ne suit pas le plus tôt. Des bruits courent que des réfugiés déjà armés dans les Camps en Ouganda promettent de traverser la frontière pour s'installer à Shinda.

ð De l'alarmisme au réalisme

Contacté par le Journal L'Avenir, le porte-parole de la Société civile du Nord-Kivu a indiqué qu'en lieu et place de considérer ce message comme alarmiste, il est plutôt important pour le pouvoir de considérer cette information et de mener des enquêtes fouillées. Et ce, lorsqu'on sait qu'à l'Est du pays, tout commence par des rumeurs qui, au fur et à mesure qu'évolue l'actualité, se révèlent comme vraies. Et voilà qu'aujourd'hui on est en train d'enregistrer la gestation d'un nouveau groupe armé qui, d'ailleurs, est le mariage de certains anciens cadres du CNDP et ceux du M23, y compris une bonne partie des éléments RDF que nous évoquons çi-bas.

2.3.16. MOUVEMENT CHRÉTIEN POUR LA RECONSTRUCTION DU CONGO/MCRC

Comme Julien Paluku, le gouverneur de la province du Nord-Kivu l'a dernièrement déclaré à la presse à Goma, les ex M23 ont organisé beaucoup de réunions à Kigali et en Uganda pour mettre en place un nouveau groupe rebelle qui sera soutenu par le Rwanda. Selon les informations très fiables dont nous préférons taire la source, James Kabarebe, le grand planificateur des rébellions rwando-congolaises, a pu réconcilier les ex M23 venant de Masisi ou dans d'autres termes, les Bagogwes, comme Baudouin Ngaruye et ceux de Jomba, dont Sultani Makenga et Laurent Nkunda. Pendant leur dernière réunion du 25 avril 2015, qui s'est tenue à Bunyoni-Kabale en Uganda dans l'hôtel OVALANTE, de 11h00 à 14h00, et présidée par le président du MCRC, le bishop KAHITARI MUMVANEZA, les participants de cette réunion ont mis sur pied les structures politiques et militaires de ce nouveau mouvement rebelle. Ainsi ils ont décidé que l'aile politique du mouvement sera dirigée suivant la hiérarchie dont la liste en annexe.

Cependant, à la fin de cette réunion, les participants (dont leur liste en annexe) ont décidé que la prochaine réunion aura lieu le 05 mai 2015 au couvent des prêtres à Kisoro en Uganda.

2.3.17. CARTE DES PRINCIPAUX GROUPES ARMES FORTEMENT ACTIFS AU NORD ET AU SUD-KIVU

Fig. 4 : G. BERGHEZAN, Les Rapports du GRIP, « Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au 2ème semestre 2013 ».

2.3.1. 2.3.18. TABLEAU SYNOPTIQUE DES GROUPES ARMES ACTIFS AU NORD-KIVU

PROVINCE DU NORD-KIVU

TERRITOIRE DE LUBERO

TERRITOIRE DE RUTSHURU

TERRITOIRE DE MASISI

TERRITOIRE DE BENI

TERRITOIRE DE WALIKALE

UPCP/FPC : Union des Patriotes pour la Paix/Forces des Patriotes Congolais (Nande allié M23, anti-FARDC)

UPCP/FPC : Union des Patriotes pour la Paix/Forces des Patriotes Congolais (Nande allié M23, anti-FARDC)

UPCP/FPC : Union des Patriotes pour la Paix/Forces des Patriotes Congolais (Nande allié M23, anti-FARDC)

FOLC : Force OEcuménique pour la Libération du Congo (Nande)

FDC : Forces de Défense du Congo, se fait parfois appeler Raïa Mutomboki (Hunde-Nyanga anti-FDLR)

URDC : Union pour la Réhabilitation de la Démocratie au Congo ou Maï-Maï Hilaire (Nande anti-Kabila et allié au M23)

FPD : Front Populaire pour la Démocratie ou Maï-Maï Shetani (Nande)

Nyatura (Hutu)

URDC : Union pour la Réhabilitation de la Démocratie au Congo ou Maï-Maï Hilaire (Nande anti-Kabila et allié au M23)

Maï-Maï Kifuafua, se fait parfois appeler Raïa Mutomboki (Surtout Tembo anti-Rwandophones)

FAC : Forces Acquises au Changement ou Forces Armées Congolaises (Composées d'ex-FAZ et ex-FARDC)

PRM : Patriotes Résistants Maï-Maï

FDL : Forces de Défense Locale Busumba (Hutu allié au M23)

Maï-Maï Kenzo (Pourrait être une fraction de l'URDC)

APBC : Alliance des Patriotes contre la Balkanisation du Congo (Coalition de APCLS, FDDH-Nyatura, FDC, MAC-Raïa Mutomboki et FAC anti-Kabila et anti-M23)

FPD : Front Populaire pour la Démocratie ou Maï-Maï Shetani (Nande)

MPA : Mouvement Populaire d'Autodéfense (Hutu congolais et rwandais anti-M23)

Mouvement du 26 Octobre (Hutu ex-Nyature)

MRDC : Mouvement pour la Restauration de la Démocratie au Congo

MAC : Mouvement d'Action pour le Changement, se fait parfois appeler Raïa Mutomboki (Hunde-Nyanga anti-Hutu rwandais et anti-M23)

PRM : Patriotes Résistants Maï-Maï

FDPIC : Forces pour la Défense des Intérêts des Peuples Congolais (Hutu anti-M23)

FDC : Forces de Défense du Congo, se fait parfois appeler Raïa Mutomboki (Hunde-Nyanga anti-FDLR)

 

FND ou FDN : Forces Nationales de Défense ou Forces de Défense Nationale (Nyanga)

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

 

Maï-Maï Kifuafua, se fait parfois appeler Raïa Mutomboki (Surtout Tembo anti-Rwandophones)

 

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

 
 

APBC : Alliance des Patriotes contre la Balkanisation du Congo (Coalition de APCLS, FDDH-Nyatura, FDC, MAC-Raïa Mutomboki et FAC anti-Kabila et anti-M23)

 

MPPC : Mouvement pour la Protection du Peuple Congolais ou Maï-Maï Kirikicho (Tembo)

 
 

PARECO-Fort (Hutu)

 
 
 
 

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

 
 

Tableau 1 : établi par nous même sur base de nos recherches personnelles.

2.3.19. TABLEAU SYNOPTIQUE DES GROUPES ARMES ACTIFS AU SUD-KIVU

PROVINCE DU SUD-KIVU

TERRITOIRE DE KALEHE

TERRITOIRE DE WALUNGU

TERRITOIRE DE SHABUNDA

TERRITOIRE DE MWENGA

TERRITOIRE D'UVIRA

TERRITOIRE DE FIZI

Mbabaye (Hutu anti-Kabila et pro-M23)

Maï-Maï Kahasha (Shi, Rega et Bembe)

Maï-Maï Kahasha (Shi, Rega et Bembe)

Maï-Maï Kahasha (Shi, Rega et Bembe)

RCR : Rassemblement Congolais pour le Renouveau (Banyamulenge, Fulero, Burundais allié au M23)

ALEC : Alliance pour la Libération de l'Est du Congo ou Groupe Armé Hakizimana (Banyamulenge, Burundais indépendantistes allié au M23)

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

Maï-Maï Nyakiliba (Banyindu, Barega allié de Raia Mutomboki)

MCC : Mouvement Congolais pour le Changement (Banyamulenge et Fulero allié au M23)

MCL : Mouvement Congolais de Libération ou Maï-Maï Mayele (Bembe)

MPPC : Mouvement pour la Protection du Peuple Congolais ou Maï-Maï Kirikicho (Tembo)

 
 

UFRC : Union des Forces Révolutionnaires du Congo (Coalition d'une douzaine des groupes armés anti-Kabila et pro-M23)

ALEC : Alliance pour la Libération de l'Est du Congo ou Groupe Armé Hakizimana (Banyamulenge, Burundais indépendantistes allié au M23)

Maï-Maï Kapopo/Maï-Maï La Réforme (Bembe)

 
 
 
 

FRD : Front pour la Restauration de la Démocratie Abanyagihugu (Burundais allié au FNL)

Maï-Maï Mupekenya (Bembe)

 
 
 
 

FPM-ADN : Front du Peuple Murundi-Alliance Divine pour la Nation (Burundais allié au FNL)

MPDC : Mouvement du Peuple pour la Défense du Congo (Veut fédérer Maï-Maï en vue de leur intégration dans les FARDC)

 
 
 
 

Maï-Maï Baleke (Bavira et Bafulero)

Maï-Maï AOKI/Kashologosi (Bembe)

 
 
 
 

Maï-Maï Fujo (Fulero allié au FNL)

 
 
 
 
 

Maï-Maï Mushombe (Fulero allié aux FARDC)

 
 
 
 
 

Maï-Maï Mulumba (Banyindu)

 
 
 
 
 

Twigwaneho, FRF Résiduels (Banyamulenge allié aux FNL et FDLR)

 
 
 
 
 

Groupe Armé Semahurango (Banyamulenge allié aux FNL et FDLR)

 
 
 
 
 

MDP : Mouvement de Défense du Peuple ou Maï-Maï Shikito (Fulero)

 
 
 
 
 

MPDC : Mouvement du Peuple pour la Défense du Congo (Veut fédérer Maï-Maï en vue de leur intégration dans les FARDC)

 
 
 
 
 

Local Defense (Fulero anti-FDLR)

 
 
 
 
 

Maï-Maï AOKI/Kashologosi (Bembe)

 

Tableau 2 : établi par nous même sur base de nos recherches personnelles.

2.4. GROUPES ARMES OPERANT DANS LA PROVINCE ORIENTALE

2.4.1. FORCE DE RESISTANCE PATRIOTIQUE DE L'ITURI/FRPI

La Force de Resistance Patriotique de l'Ituri (FRPI) est une milice armée et parti politique basée dans la cité de Tcheyi au sud-ouest de la cité de Bunia dans le district de l'Ituri au nord-est de la RDC. La FRPI a été créée en novembre 2002 par le groupe ethnique des Lendu de l'Ituri (Ngiti) comme alliée du Front des Nationalistes et Intégrationnistes Lendu (FNI).

Les Walendu Bindi (ou Indru), dirigés par leurs chefs coutumiers, forment ainsi un contre-poids à l'Union des Patriotes Congolais (UPC) dans le conflit d'Ituri, et sont soutenus par la faction Forces du Renouveau repliée en Ouganda du Rassemblement Congolais pour la Démocratie. En mai 2003, la FRPI rejoint les ougandais après une offensive réussie contre l'UPC et occupe la ville conjointement avec le FNI en mai 2003.

En 2005, la direction de la FRPI passe de Germain Katanga, le leader initial, à Baudouin Adirodo, puis au Général Justin Banaloki alias « Cobra Matata » en 2012. En 2006, 15 000 soldats de la FRPI sont démobilisés suite aux accords de paix. En octobre 2007, Germain Katanga est arrêté et déféré devant la Cour Pénale Internationale de la Haye pour répondre aux accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Un autre responsable de ce mouvement, Bernard Kakado, a été condamné en 2010 à Bunia à la prison à vie pour crimes de guerre.

2.5. GROUPE ARME OPERANT DANS LA PROVINCE DU KATANGA

2.5.1. APERCU HISTORIQUE DES GROUPES ARMES AU KATANGA

La Coordination de l'Organisation du Référendum pour l'autodétermination du peuple Katangais (CORAK en sigle) était une organisation née sur les cendres du FNLC (Front National pour la libération du Congo) de Bumba Nathanaël qui avait tenté de s'emparer de la province du Katanga par le district du Lualaba. C'est en 1996 et 1997 que les éléments du FNLC, dits aussi Tigres, ont de nouveau fait leur apparition aux côtés de l'AFDL.

Dans la nuit du 04 au 05 février 2011, la CORAK a revendiqué l'attaque contre l'aéroport international de la Luano, ayant fait trois morts, dont deux parmi les assaillants et un élément de la Garde Républicaine. Plusieurs membres de ce mouvement avaient été arrêtés, jugés pour s'évader par la suite avec le seigneur de guerre Gédéon Kyungu Mutanga. Dans la nuit de samedi à dimanche 27 décembre 2011, ils ont attaqué les dépôts d'armes et munitions du quartier industriel sur l'avenue Kibati et celui du camp Major Vangu. D'importantes quantités d'armes ont été calcinées.

Le mouvement Kata-Katanga pour sa part, ne se reconnaît être ni Maï-Maï, ni CORAK, non plus FNLC. Il demeure vrai cependant que ce mouvement est non seulement trop jeune, mais aussi il recourt aux mêmes méthodes et stratégies d'attaque que les premiers cités à la seule différence qu'il n'est pas impliqué dans des actes comme le cannibalisme. Son leader Ntanda Imena est souvent entre les territoires de Pweto, Manono et Kasenga.

2.5.2. MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA/MUTANGA

La milice Maï-Maï Bakata-Katanga serait née suite à l'invasion du pays par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie en 1998. Cette milice a atteint le paroxysme de ses violences, face à la population civile, suite à l'évasion spectaculaire du 07/09/2011, en pleine journée, à côté d'un camp militaire, du seigneur de guerre Gédéon Kyungu Mutanga de la prison centrale de Kasapa, sans aucune interpellation des services de sécurité commis à la surveillance de cette dernière. Cette fuite va, sans nul doute, raviver le sentiment d'invulnérabilité des Maï-Maï, si bien que quelques semaines seulement après, les miliciens se réclamant de ce dernier ont lancé des attaques dans les territoires de Mitwaba, Pweto et Manono.

La situation sécuritaire reste très volatile et complexe dans cette province, en considérant la multiplicité des acteurs et leurs commanditaires qui se recrutent parmi les dignitaires du régime de Joseph Kabila et l'inexistence de revendication légitime.

Cette milice du nom de « Bakata-Katanga » en swahili, et signifiant littéralement « ceux qui viennent couper le Katanga », est issue de la déclaration de l'indépendance de la province du Katanga décrétée par Moïse Tchombé le 11 juillet 196075(*).

Ø Situation du samedi 23 mars 2013 à Lubumbashi76(*)

Le samedi 23 mars 2013 aux environs de 11h, la ville de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga, était le théâtre d'une panique généralisée qui n'a laissé personne indifférente.

En effet, une colonne des personnes, habillées en tenue civile, avec des bandelettes de couleur verte, rouge et blanche (couleurs de leur drapeau) autour de la tête, chantant, provenant de la commune annexe, traversant les communes de la Ruashi et Kampemba jusqu'en plein centre-ville avec seule référence le magasin du commerçant Kabongo Ngoy en face de la poste. Une fois en ce lieu, ils ont fait des cérémonies avant de hisser leur drapeau après avoir déchiré celui de la RDC. Ces personnes se réclamant du mouvement Kata-Katanga, étaient armées pour l'essentiel d'une lance roquette, d'une trentaine des fusils AK47, de lances javelots, des flèches, des lances pierres et des fétiches.

Le Kata-Katanga est une autre variante du Congrès Progressiste du Katanga (CPK), mouvement rebelle qui serait auteur de certaines autres attaques comme celles de l'aéroport international de la Luano, en janvier 2011 ayant occasionné plusieurs morts. En effet, le jeudi 21 mars 2011 un groupe Bakata-Katanga qui s'étaient évadé de l'ANR s'étaient réfugiés dans la ferme nommée « Beijing » appartenant au Général John Numbi, et après vérification, aucun ordre de les maitriser n'avait été donné. Il s'en est suivi que quelques jours seulement après, il y a eu assaut de la ville de Lubumbashi le samedi 23 mars 2013. Cependant, plusieurs assaillants interrogés par les enquêteurs des organisations de la société civile du Katanga, avaient avoué que leur Chef politique Ferdinand Kazadi Ntanda Imena Mutombo était en contact régulier avec le Général John Numbi qui le fournirait en armes et munitions ainsi que des stratégies d'attaques. S'agissant de leur source des finances, ils ont aussi reconnu que l'ancien gouverneur de la Banque Centrale du Congo, Monsieur Masangu Mulongo est l'un de leurs pourvoyeurs. Ils affirment avoir toujours reçu des nouvelles coupures de billet de banque de 10 000 et 20 000fc à titre d'encouragement pour les différentes attaques opérées77(*).

2.6. GROUPE ARME OPERANT DANS LA PROVINCE DU KASAI ORIENTAL

2.6.1. MOUVEMENT POUR LA REVENDICATION DES ELECTIONS/MRE

Le Mouvement pour la Revendication des Elections du Colonel John Tshibangu est né suite à un objectif de « chasser Kabila du pouvoir et y installer Tshisekedi ».

Chef d'état-major en second de la 4è région militaire (les deux Kasaï), le Colonel John Tshibangu revendiquait le grade de Lieutenant-Général avant de faire défection des Forces Armées de la RDC le jeudi 16 août 2012. Ancien des Forces Armées Zaïroises, John Tshibangu est l'un des « commandos » formés en Israël, dans la lutte contre le terrorisme. Antiterroriste, il assure avoir pris la résolution de rompre les bancs avec les FARDC après avoir pris conscience de l'implication des plus hautes autorités civiles et militaires dans un projet de « balkanisation » du Congo. Après avoir parlé du « Mouvement pour la revendication de la vérité des urnes », John sera maintenant à la tête d'une « Armée du peuple congolais pour le changement et la démocratie ». Objectif du mouvement : « chasser Joseph Kabila du pouvoir et installer le (président élu) Etienne Tshisekedi Wa Mulumba ». Voici ses propos face à cet objectif susmentionné : « Le mouvement que je dirige procède de l'initiative d'un congolais à cent pour cent. Nous espérions que le personnel politique allait trouver une solution politique aux problèmes nés après l'élection présidentielle chahutée du 28 novembre 2011, rien n'a été fait. Nous nous sommes concertés avec les amis avant de prendre notre décision. La population congolaise demande un changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi Wa Mulumba a été élu président de la République. Notre objectif est de l'installer à la tête de l'Etat78(*) ».

Le « Mouvement du 23 mars » initié par des ex-combattants étiquetés CNDP a fait des émules. Quatre mois après le lancement de la mutinerie du CNDP-M23, un nouveau mouvement insurrectionnel a vu le jour. Cette fois, l'initiative émanait d'un officier congolais. Comme au début de toute organisation, il se constate un certain tâtonnement. La dénomination définitive semble ne pas encore être trouvée. Dans un premier temps, il a été question du « Mouvement de revendication de la vérité des urnes ». Dans un second, on parle de « l'Armée du peuple congolais pour le changement et la démocratie ».

Ø Qui est John Tshibangu le chef milicien du Mouvement pour la Revendication des Elections?79(*)

Enrôlé dans les FAZ (Forces Armées Zaïroises) en 1988, John a suivi par la suite une formation à l'EFO (Ecole de Formation des Officiers) à Kananga avant d'être affecté au Service d'Action et de renseignements militaires (SARM). Lorsque l'AFDL prend le pouvoir le 17 mai 1997 à Kinshasa, il se trouvait en poste à Uvira (Sud-Kivu). En 1998, il refusa de rejoindre la rébellion pro-rwandaise du RCD. John Tshibangu aurait été emprisonné à Munzenze à Goma, puis au Rwanda, pour avoir tenté de détourner un avion rwandais. Il se serait évadé du pénitencier avant de rejoindre le RDC-KML de Mbusa Nyamwisi. A l'époque, ce dernier avait déjà engagé des pourparlers avec le gouvernement de Kinshasa. Cet officier connaitra plusieurs affectations à l'Est du pays. Baroudeur, disent ses proches, l'art de la guerre n'aurait plus de secret pour lui. Il a affronté les combattants du CNDP à Mushaki avant la débâcle de la fin de l'année 2008. Il a participé à des combats à Kanyabayonga (Nord-Kivu). Le dernier poste qu'il a occupé au sein des FARDC avant de faire défection c'est celui de Commandant en second de la 4è Région militaire à Kananga.

Le 06 juin 2011, John Tshibangu se trouvait à Kinshasa. En compagnie de 126 autres officiers supérieurs, il participait à la deuxième session du séminaire sur la réforme de l'armée à l'ex Cité de l'OUA. La rencontre s'est terminée par une causerie morale. L'orateur n'était autre que « Joseph Kabila ». Celui-ci avait rappelé aux épaules galonnées qui étaient présentes « qu'ils ont la mission sacrée d'assurer la paix et la sécurité » sur toute l'étendue du territoire national. Et qu'il n'y a pas de place pour des officiers indisciplinés qui pensent qu'au sein des FARDC on peut avoir un commandement parallèle. Enfin, a dit Joseph, « l'officier militaire congolais ne peut pas servir deux maitres à la fois. On ne peut pas être à la fois officier des FARDC et opérateur minier, il faut choisir entre l'armée et les affaires ». Profitant de son séjour kinois, John Tshibangu aurait obtenu une audience auprès du « Commandant suprême » à qui il aurait révélé la proposition lui faite par un « haut gradé ». La proposition consistait à aller livrer des armes et des munitions aux combattants du M23. Tshibangu aurait été stupéfait et dégoûté par l'inertie de « Joseph Kabila » à l'écoute de ce témoignage.

Cependant, concernant le parrainage de son mouvement, il s'exprimant en ces termes : « Je souhaiterais bénéficier du soutien non seulement de l'Angola et de la Belgique, mais aussi de celui de toute la communauté internationale... ». Revenant sur la naissance de la mutinerie du M23, il dit : « Au commencement, les mutins étaient à peine une trentaine d'hommes, curieusement les autorités de Kinshasa ont ordonné un cessez-le-feu alors que les FARDC pouvaient anéantir cette action. Comment ne pas suspecter le gouvernement d'avoir ordonné un cessez-le-feu pour permettre aux insurgés de gagner du temps pour se renforcer en hommes et en matériels? ». Autre grief articulé par le Colonel Tshibangu : « Joseph Kabila devait faire une déclaration de la guerre dès que la communauté internationale a confirmé l'implication du Rwanda dans l'agression contre le Congo. En ne le faisant pas, il a bradé la souveraineté nationale en transformant le Congo en un pays de pleurnicheurs du soutien de la communauté internationale ».

2.7. CARTE DES PRINCIPAUX GROUPES ARMES DE L'EST DE LA RDC

Fig. 5 : J. STEARNS, J. VERWEIJEN, M. ERIKSSON, « Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de l'insécurité », RVI Projet Usalama.

2.8. CONCLUSION PARTIELLE

Ne prétendant pas avoir cartographié tous les groupes armés actifs de l'Est de la RDC, suite à la dynamique de leurs naissances, nous estimons, par contre, avoir épinglé les plus grands voire les plus connus et les plus actifs parmi ces derniers de par leur influence politique tant au niveau national qu'au niveau régional et international.

Cependant, leur nombre étant non exhaustif, signalons qu'ils sont de deux catégories à savoir des groupes armés nationaux (ethniques, ceux des frustrés) et des groupes armés régionaux (rébellions étrangères).

CHAPITRE 3 : RELATIONS ET IMPACTS SOCIOPOLITIQUES DES GROUPES ARMES FACE AUX ENJEUX DU REPOSITIONNEMENT GEOPOLITIQUE DE LA RDC

3.1. BREVE INTRODUCTION

Rappelons que la synergie relationnelle et les impacts sociopolitiques des groupes armés à l'Est de la RDC sont suffisamment complexes à tel enseigne qu'il sied de les analyser avec beaucoup plus de soin pour aboutir à un résultat objectif issu des réflexions nourries cherchant à établir les rapports entre l'observation du terrain et les différentes décisions des acteurs politiques face à ces enjeux du repositionnement géopolitique de la RDC dans la région des grands lacs.

3.2. GROUPES ARMES ETRANGERS OPERANT EN RDC

3.2.1. FORCES DEMOCRATIQUES POUR LA LIBERATION DU RWANDA/FDLR

Bâties sur les restes de l'armée gouvernementale de l'ancien régime rwandais, les Forces armées rwandaises (FAR), et des milices Interahamwe exilées au Congo après le génocide de 1994, les Forces démocratiques pour libération du Rwanda (FDLR) ont été fondées en 2000 dans l'Est du Congo. Leurs objectifs principaux sont la protection des réfugiés hutus rwandais disséminés dans cette partie du pays et la lutte contre le gouvernement en place à Kigali. Cependant, durant l'occupation rwandaise de la région (1998-2002), peu de combats ont opposé directement les FDLR à l'Armée patriotique du Rwanda (APR, actuellement la RDF). De même, les incursions des FDLR en territoire rwandais, fréquentes durant les années 90, ont pratiquement cessé ces dernières années, à l'exception de trois raids menés en novembre et décembre 2012, ainsi qu'en mai 2013. Ces attaques auraient fait, selon Kigali, des dizaines de morts parmi les assaillants et un seul dans le camp gouvernemental. Divers observateurs supposent que les FDLR ont profité du chaos engendré par les combats entre le M23 et les FARDC pour s'infiltrer en territoire rwandais.

Le sigle FDLR fait en réalité référence à la branche politique, implantée en Occident (en Allemagne surtout), tandis que le nom officiel de la branche armée est « Forces combattantes Abacunguzi (FOCA) ». Cependant, parmi la population et les médias, l'appellation FDLR est de loin la plus courante. Par ailleurs, il faut noter qu'une proportion croissante de combattants est de nationalité congolaise, notamment des Hutus, représentant près de la moitié des effectifs totaux de combattants, estimés actuellement à environ 1 500, répartis dans les deux Kivu.

Néanmoins, ce chiffre ne semble comprendre que les effectifs de la branche principale, FDLR/FOCA, auxquels il conviendrait d'ajouter ceux de diverses scissions apparues au cours des années. La principale de ces scissions, se faisant appeler FDLR/RUD (FDLR/Rassemblement uni pour la démocratie), compterait environ 500 combattants et n'a pas été impliquée récemment dans des combats, privilégiant la recherche de profit par des activités illégales. La seconde, les FDLR/Soki, compterait moins d'une centaine d'hommes et a affronté à plusieurs reprises le M23. D'ailleurs, c'est au cours d'un de ces affrontements, en juillet 2013, que son chef Soki a été tué. Une troisième faction, les FDLR/Mandevu, dirigée par le Lieutenant-colonel autoproclamé Gaston Mugasa alias Mandevu, compterait une bonne cinquantaine d'hommes et a été, durant 2012 au moins, un allié actif du M23.

Depuis, elle semble avoir été purement et simplement absorbée par le M23. Ces trois dissidences des FDLR/FOCA sont implantées au Nord-Kivu, en particulier dans les territoires de Rutshuru et Lubero. Le nombre de combattants des FDLR n'a cessé de décroître au fil des années, en même temps que le territoire sous leur emprise n'a cessé de se rétrécir. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Tout d'abord, l'accent mis par la MONUC, puis par son successeur, la MONUSCO, sur le processus de désarmement, de démobilisation, de rapatriement, de réintégration et de réinstallation (DDRRR) des combattants étrangers, en particulier les FDLR considérés comme les plus déstabilisateurs. Ainsi, entre 2002 et juin 2013, plus de 12 000 combattants rwandais, essentiellement des FDLR, se sont rendus aux Casques bleus et ont été rapatriés au Rwanda. Le taux de désertion serait également élevé, même parmi les officiers, dont certains, voulant échapper au rapatriement, ont fui vers le sud, jusqu'en Zambie. D'autre part, les FARDC ont lancé, depuis 2009, de vastes offensives dans les deux Kivu pour tenter d'en venir à bout. Ainsi, l'opération Umoja Wetu (« notre unité ») menée conjointement avec l'armée rwandaise en janvier-février 2009, aurait permis de tuer plus de 150 combattants FDLR.

En outre, à partir de 2005 dans le territoire de Shabunda, et depuis 2011 dans plusieurs autres territoires du Sud-Kivu, les Raïa Mutomboki se sont soulevés contre les FDLR et leur cortège de violations des droits des populations locales, s'en prenant violemment à leurs suspectés sympathisants, ce qui a permis d'éradiquer le groupe de pratiquement tout le nord de la province. De plus, fin 2011 et début 2012, des tueurs à gages, apparemment commandités par Kigali, ont éliminé plusieurs chefs militaires de la milice, contribuant à l'affaiblissement de son commandement, encore accru par l'arrestation en Tanzanie et l'extradition au Rwanda d'un de ses principaux leaders au début de l'année 201380(*). Enfin, des divisions internes entre « modérés » et « radicaux » et l'éparpillement des cellules encore actives relativisent encore davantage l'ampleur de la menace représentée par les FDLR.

Actuellement, les FDLR subsistent encore dans une partie du Nord-Kivu, où ils seraient un bon millier de combattants dirigés en principe par le Colonel Pacifique Ntawhunguka alias Omega, et dispersés dans le nord du territoire de Walikale, dans le sud de celui de Lubero et dans ceux de Rutshuru et Masisi. On en trouve également dans le sud du Sud-Kivu, soit quelques centaines de combattants commandés par le Lieutenant-colonel Hamada Habimana et disséminés dans les territoires de Mwenga, Uvira et Fizi.

Leurs ressources proviendraient principalement de financements de la diaspora hutue rwandaise, de l'extorsion de biens sur les routes, des sites miniers et des marchés, et de la culture et la vente de cannabis. Peu de groupes armés s'aventurent encore à s'allier ouvertement aux FDLR. Au Sud-Kivu, elles collaborent avec les Hutu burundais des Forces nationales de libération (FNL) pour affronter les FARDC soutenues par divers groupes Maï-Maï locaux.

Par contre, au Nord-Kivu, après une forme de pacte de non-agression conclu avec les FARDC, une alliance dirigée contre le M23 semble avoir été nouée. Selon divers témoignages d'ex-FDLR et de soldats FARDC recueillis par le Groupe d'experts de l'ONU, des munitions et des renseignements opérationnels auraient été fournis par les FARDC aux FDLR. Un porte-parole de l'armée congolaise a reconnu, le 12 septembre 2013, que, depuis la création du M23, les FARDC avaient dû ralentir la traque des FDLR.

Par ailleurs, selon ce même porte-parole, la faction Makenga du M23 a eu à faire recours aux FDLR lors des combats l'ayant opposée aux fidèles de Ntaganda. Bien qu'affaiblie, la capacité de nuisance des FDLR ne doit pas être sous-estimée.

La population congolaise subit encore journellement les exactions de ces combattants déracinés et sans perspective de réintégration dans la vie civile, sinon après passage par les « fourches caudines » de Kigali. D'autre part, les diverses rébellions soutenues par le Rwanda, et le gouvernement lui-même, ont souvent justifié leur action par le risque de « génocide » que ferait courir à la population tutsi la simple existence des FDLR. L'élimination de cette milice apparaît donc incontournable pour mettre fin à l'ingérence du Rwanda en RDC, elle-même en grande partie à la base de l'instabilité qui gangrène tout l'est du pays.

3.2.2. ALLIED DEMOCRATIC FORCES-NATIONAL ARMY OF LIBERATION OF UGANDA/ADF-NALU

A l'origine, deux groupes armés ougandais étaient en lutte contre le pouvoir incarné par le Président Yoweri Museveni, les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda (National Army of the Liberation of Uganda/NALU) se sont unies en 1995, à l'instigation des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux d'affaiblir un adversaire commun. Les ADF/NALU sont composées des groupes suivants, Allied Democratic Movement/ADM, Uganda Muslim Liberation Army/UMLA, et par National Army of Liberation of Uganda/NALU. Installées dans le massif des Ruwenzori, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda, elles n'ont jamais réussi à s'implanter dans leur pays d'origine, malgré plusieurs attaques contre des localités frontalières et des attentats à Kampala. Cependant, aucune action d'envergure en sol ougandais ne semble y avoir été enregistrée depuis 2001, bien que les ADF-NALU y recrutent encore régulièrement des combattants, ce qu'elles font également dans d'autres pays d'Afrique orientale.

C'est donc en territoire congolais, en particulier dans le nord-est du territoire de Beni (Nord-Kivu), autour des localités d'Eringeti et Oïcha et dans la zone entre cet axe et la frontière ougandaise, que les ADF-NALU concentrent leurs activités. L'occupation ougandaise de la région ne semble guère avoir gêné le développement du groupe. C'est surtout après le retrait des forces ougandaises et le déploiement des FARDC, soutenues par la MONUC, que les ADF-NALU ont essuyé des revers militaires, en particulier entre 2005 et 2007. Suite à ceux-ci et à des négociations, tant avec la MONUC qu'avec le gouvernement ougandais, la branche NALU du groupe a accepté de se dissoudre et de participer à un programme de DDRRR, tandis que Kampala reconnaissait, en 2008, un « Royaume de Rwenzururu » à l'intérieur de ses frontières, la principale revendication à la base de la création de la NALU.

Quant aux ADF, qui semblent avoir été créées en réaction à la répression des musulmans ougandais entreprise par Museveni après sa prise de pouvoir, elles ne paraissent pas avoir le profil-type d'une organisation terroriste à idéologie islamiste radicale que leur attribue le gouvernement de Kampala. Même si, depuis la disparition de la tendance NALU, tous les combattants des ADF doivent être d'origine musulmane ou se convertir à l'islam, elles n'ont jamais exprimé les objectifs politiques « classiques » des mouvements islamistes (instauration de la charia, d'un califat, etc.).

Quoi qu'il en soit, les ADF encore fréquemment désignées sous leur ancien sigle

ADF-NALU, semblent avoir forgé une alliance durable avec le groupe Al-Shebab « la jeunesse » en arabe, issu des tribunaux islamiques de Somalie et auteur d'attentats sanglants, notamment à Kampala (74 morts en juillet 2010) et à Nairobi (au moins 62 morts en septembre 2013 et plus de 300 en 2014). Des combattants des ADF auraient renforcé Al-Shebab en Somalie, ou se seraient entraînés dans ce pays, et réciproquement des combattants d'Al-Shabab seraient présents en RDC81(*). Toujours est-il que cette situation met particulièrement mal à l'aise la petite communauté musulmane du territoire de Beni, soupçonnée d'être complaisante envers les ADF et se plaignant de tensions accrues avec la communauté chrétienne.

Contrairement à de nombreux groupes congolais, les ADF disposent d'un commandement centralisé. Leur chef, Jamil Mukulu, est à la tête du mouvement depuis 2007, tandis que les opérations militaires sont dirigées par Hood Lukwago. Le taux de désertion serait particulièrement faible, de même que le nombre de candidats à un processus DDRRR. Elles disposent d'une grande variété d'ALPC, y compris d'armes antiaériennes, ainsi que d'un important réseau de soutien et de financement, implanté notamment en Ouganda, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et au Royaume-Uni. En outre, elles tirent des revenus en « taxant » les exploitants de mines d'or, la production de bois et les motos-taxis dans leur zone d'activité.

Selon des estimations minimales, leurs effectifs seraient compris entre 800 et 1 200 combattants, dont de nombreux Congolais d'ethnie Nande, mais pourraient avoir crû récemment en raison d'une campagne de recrutement entamée vers la fin 2012. En tout cas, une recrudescence des activités du groupe a été constatée à partir de juillet 2013 : outre des combats avec les FARDC et même avec la MONUSCO, des civils ont été victimes de meurtres, d'enlèvements et de pillages, qui ont entraîné la fuite de plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont une partie s'est réfugiée du côté ougandais de la frontière.

3.2.3. FORCES NATIONALES DE LIBERATION/FNL

Les Forces nationales de libération (FNL) étaient un des deux principaux groupes armés, tous deux d'obédience hutue, apparus au début de la guerre civile qui a ravagé le Burundi à partir de 1993. Le groupe principal, les Forces de défense de la démocratie (FDD), a déposé les armes et s'est transformé en parti politique en 2003, avant de remporter les élections législatives et présidentielles burundaises en 2005. Les FNL adoptaient un itinéraire similaire, annonçant le renoncement à la lutte armée en avril 2009, puis participant aux élections législatives de mai 2010. Mais le succès n'a pas été au rendez-vous : le parti au pouvoir a renforcé sa mainmise sur le Parlement, tandis que les FNL, bien qu'arrivées en deuxième position, ne rassemblaient qu'environ 15% des voix des électeurs. Estimant le scrutin entaché de fraudes, le président des FNL, Agathon Rwasa, et les quatre autres candidats d'opposition annonçaient leur retrait des élections présidentielles, tenues fin juin 2010. Puis, disant craindre pour sa sécurité, Rwasa prenait le chemin de la clandestinité, se réfugiant peut-être au Sud-Kivu, pour ne réapparaître qu'en août 2013 à Bujumbura.

Depuis 2009, si une pacification précaire semble prévaloir au Burundi où les FNL sont devenues la principale force de l'opposition politique, un groupe armé du même nom a développé ses activités en RDC. Il y est dirigé, depuis février 2012, par le « Général » Aloys Nzamapema et est actif dans les territoires de Fizi et d'Uvira (Sud-Kivu). Ce groupe n'a plus guère d'activité militaire au Burundi, si ce n'est l'un ou l'autre raid dans des régions frontalières pour y voler du bétail ou enlever des jeunes recrues, mais y conserve un solide réseau de soutien. Les FNL semblent également disposer de bonnes connexions avec la Tanzanie, d'où leur parviennent régulièrement, non seulement des jeunes recrutés dans les camps de réfugiés burundais, mais aussi des cargaisons d'armes et de munitions, dont certaines leur servent à entretenir et forger des alliances avec divers groupes actifs dans la région, dont les FDLR, divers petits groupes (hutu et tutsi) burundais et plusieurs groupes Maï-Maï locaux, dont le principal est le groupe Yakutumba. Par contre, d'autres groupes lui sont hostiles, notamment la branche des Raïa Mutomboki établie en territoire d'Uvira : des combats entre cette dernière et une coalition de combattants FDLR et FNL semblent avoir eu lieu en mai 2013.

Cependant, les FNL apparaissent comme sérieusement affaiblies par des dissensions internes. Tout comme Rwasa a été démis de ses fonctions par une fraction de la branche politique au Burundi, l'autorité de Nzamapema est contestée par une partie des combattants FNL vivant en RDC. Une faction, basée apparemment en territoire de Fizi, est dirigée par le « Général » Antoine Shuti Baranyanka. En outre, les opérations militaires des FARDC et de l'armée burundaise, cette dernière n'hésitant pas, occasionnellement, à pénétrer en territoire congolais, leur ont infligé de lourdes pertes.

Les effectifs actuels des FNL sont mal connus, mais ne dépasseraient pas les quelques centaines de combattants.

3.3. ENJEUX DE CES GROUPES ARMES

L'enjeu désigne ce qu'on risque de perdre dans une partie de jeu et que le gagnant récupère. Il s'agit de ce que l'on peut gagner ou perdre dans une entreprise ou dans une affaire82(*).

Ainsi, les enjeux poursuivis par ces groupes armés sont quelques fois complexes à épingler. Cependant, après plusieurs analyses de leurs modes d'opération et leur manière de se comporter vis-à-vis des populations dans les zones sous leur contrôle, nous avons constaté que bon nombre d'entre eux articulent leurs ambitions sur des enjeux de trois secteurs, à savoir les secteurs économique, foncier et socio-culturel; et tout ceci gravitant autour du grand enjeu régional issu des accords de Lemera qui donnèrent naissance à l'AFDL et que nous analyserons plus tard en marge de ce point.

3.3.1. L'ENJEU ECONOMIQUE : EXPLOITATION ILLICITE DES RESSOURCES MINIERES A L'EST DE LA RDC

Les Kivu, à l'instar de l'ensemble de la RDC, sont l'illustration exemplaire de la « bénédiction des matières premières » dénoncée par maintes ONGs. La guerre, l'exploitation des ressources naturelles et la corruption s'y auto-entretiennent. Le secteur minier des Kivu a été dominé par la production de cassitérite, jusqu'à l'effondrement du marché de l'étain en 1985. Un brutal regain d'activité minière a suivi l'explosion de la demande mondiale de tantale83(*) à la fin des années 1990. Ce métal se trouve en effet en abondance dans le sous-sol des Kivu sous la forme d'un minerai composite, le colombo tantalite, en abrégé coltan84(*). Il se trouve que la fièvre du coltan a correspondu à la période d'occupation des Kivu par les militaires rwandais, ougandais et burundais, période durant laquelle toutes les ressources naturelles, bois, or, coltan ont fait l'objet d'un pillage systématique, dénoncé à partir de 2001 par un groupe d'experts mandatés par l'ONU85(*).

Vendu à 80$ le kilo à l'exportation en janvier 2000, il atteint 800$ en décembre la même année. Les rebelles du RCD-Goma flairent alors l'aubaine. Le groupe armé décréta un monopole sur l'exportation du coltan et imposa une taxe de 10$ par kilo. Par la suite, le RCD refusa de traiter avec les comptoirs qui ne pouvaient lui fournir plus de 5 tonnes par mois. Rapidement, le marché tomba entre les mains de la seule Société minière des Grands lacs (SOMIGL). En quelques mois, elle pouvait revendre 236 tonnes soit 2,36 millions de dollars au seul profit du RCD-Goma86(*). Privés de revenus, les anciens exportateurs se démenèrent pour attirer l'attention de l'opinion publique mondiale en jouant sur le sort des gorilles des Kivu.

Mais il n'y avait pas que le coltan. Il y avait également l'or, le diamant, le bois ou le café qui ont constitué les ressources du conflit. Et surtout, le Rwanda et l'Ouganda contrôlaient les recettes commerciales et fiscales générées dans les territoires occupés par les rebelles qu'ils soutenaient. Cependant, bien que partenaires dans l'agression de la RDC à travers leurs armées respectives et les groupes armés qu'ils soutenaient, le Rwanda et l'Ouganda se sont révélés des rivaux lorsqu'il s'agissait de contrôler les rebelles et d'exploiter les richesses congolaises87(*).

Fig. 6 : C. MUSILA, « Economie et géopolitique de la paix dans le Grands Lacs », fiche d'analyse, octobre 2014.

En mars 2001, le WWF (World Wildlife Fund ou le Fond Mondial pour la Nature) et l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), relayés par l'acteur américain Leonardo Dicaprio, appelaient la communauté internationale à suspendre ses achats de coltan RD-Congolais. Au même moment, un rapport de l'ONU dénonçait le pillage illégal des ressources naturelles du pays. Ce premier rapport en appellera d'autres élaborés par un panel d'experts sur les ressources naturelles. Des entreprises comme Nokia et Motorola demandèrent alors à leurs fournisseurs de ne plus s'approvisionner au Congo-Kinshasa mais de se tourner vers le Canada, le Brésil et l'Australie qui disposent aussi de coltan plus cher et moins riche en tantale. Le cours de minerai s'effondrait de 2000$ (décembre 2000) à 330$ le kilo (Avril 2001)88(*).

Ces rapports, des campagnes internationales de dénonciation du pillage des ressources naturelles pour financer la violence armée ainsi que l'insécurité dans l'Est ont découragé toutes formes d'investissements formels dans l'économie minière des Kivu. L'extraction et l'exploitation sont restées informelles et artisanales, contrôlées pour la plupart par des groupes armés.

C'est dans ce contexte économique que se négocièrent les accords de Lusaka. Or, comme le montre la carte ci-haut, tout l'Est de la RDC est commercialement connecté aux ports kenyan de Mombassa et tanzanien de Dar-es-Salaam. Les flux transitent par le Burundi, l'Ouganda et le Rwanda qui, au passage, prélèvent sinon les exportent comme productions nationales. Ces pays ont tiré un profit géopolitique des avantages économiques que leur procuraient leurs appuis aux groupes armés (principalement les différentes rébellions soutenues par le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda) ou leur positionnement dans les réseaux d'acheminement de ces flux pour l'exportation. Ainsi ces rebelles contrôlant des zones minières et les zones d'exploitation du bois ont pu peser dans les négociations pour obtenir des positions de pouvoir. Le revenu des ressources pillées représentaient 280 millions de dollars US89(*). Quant aux évaluations financières, elles représentaient ½ milliard de dollars US90(*). Forts de ce pouvoir économique, leurs parrains quant à eux, ont pesé de tout ce poids sur la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) qu'ils ont politiquement contrôlée. Les accords de paix et la mise en place d'un secrétariat exécutif de la CIRGL à Bujumbura n'ont pas empêché l'insécurité et le soutien de ces pays à des groupes armés. Au contraire, les rébellions du CNDP de Laurent Nkunda (2007-2009) et du M23 (2012-2013) ont vu le jour dans le Nord-Kivu et se sont organisés avec les appuis du Rwanda et de l'Ouganda accusés de parrains.

Quant au Katanga, naguère poumon économique de la RDC sous le régime du président Mobutu, avait vu son poids économique s'éroder et s'effondrer à la suite de plusieurs phénomènes : la chute du cours de cuivre à la fin des années 80, l'effondrement de la GECAMINES pillée et mal gérée ainsi que la baisse vertigineuse de la production minière. Alors qu'on estimait les évaluations financières de l'Est à ½ milliard de US$91(*), celles du Katanga étaient estimées entre 35 et 50 millions à peine. La flambée du cours de coltan et de la cassitérite des Kivu au début des années 2000 se produisait alors que le Katanga se débattait à panser les plaies de son économie causées par la ruine de la GECAMINES. Or le Katanga minier était contrôlé par le gouvernement lui-même appuyé par les Etats de la SADC (Angola, Namibie et Zimbabwe essentiellement). Il y avait donc un déséquilibre économique et financier entre les deux pôles : les Kivu et le Katanga, le bassin Est et le bassin Sud, l'Afrique des Grands Lacs (CIRGL) et l'Afrique Australe (SADC). Mais dès 2006, alors que le groupe armé de Laurent Nkunda menaçait d'hypothéquer les élections législatives et présidentielles et les flux commerciaux des Kivu restent stables faute d'investissements, ceux ci reprenaient dans le Katanga autour des mines de Tenke Fungurume. En effet, le nouveau code minier rédigé en 2004 avec l'appui de la Banque Mondiale encourageait les investissements privés. De son côté l'Angola, entré en guerre pour protéger l'enclave de Cabinda92(*) trop proche du Bas-Congo où l'armée rwandaise pensait attaquer Kinshasa à partir de la base militaire de Kitona (dans le Bas-Congo), réclamait ses intérêts qui se négocieront à travers les renégociations des frontières dans les zones frontalières minières de diamant qu'avait longtemps occupées l'UNITA de Jonas Savimbi.

Les relations entre Kinshasa et Loanda se géraient désormais dans des rapports de frères obligés, tandis que les investissements dans le Katanga connaissaient un essor qui se traduisait par des flux commerciaux sur les corridors central (via la Tanzanie) et austral (via la Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud). L'explosion de la demande de cuivre par la Chine dès 2007 et 2008 avait fait définitivement décoller l'économie du Katanga qui est redevenue le poumon économique de la RDC.

En plus de la société publique, Gécamines, une centaine d'entreprises minières exploitent des gisements miniers du Katanga : Tenke Fungurume Mining (TFM) exploite une des grandes réserves du Cobalt avec un investissement de près de 2 milliards de US$, Chemical of Africa (Chemaf) basée notamment à Lubumbashi et Kolwezi, exporte les minerais à 99% de teneur de cuivre et de cobalt. Plusieurs petites entreprises minières détenues par des Indiens, des Israéliens ou des Chinois exploitent des milliers des carrés miniers.

BASSIN SUD : L'ATTRACTION DE L'AFRIQUE AUSTRALE

Fig. 7 : C. MUSILA, « Economie et géopolitique de la paix dans le Grands Lacs », fiche d'analyse, octobre 2014.

Dès lors, les pays de la SADC où sont acheminés les flux commerciaux katangais inversaient les équilibres et prenaient avantage sur ceux du bassin de l'Est. Et, de plus en plus, la SADC s'intéressait alors aux questions de paix et de sécurité dans les Kivu où des sociétés sud-africaines développent des relations commerciales.

La prise de Goma par le M23 en novembre 2012 avait été vécue comme un traumatisme aussi bien par la RDC que par la MONUSCO. Paradoxalement, elle a été un électrochoc qui a invité l'armée congolaise, la CIRGL et l'ONU à réagir. Ainsi, construite sur des rapports de force régionaux, la CIRGL s'est vue obligée de s'ouvrir à la négociation pendant que les pays de la SADC menaçaient d'intervenir militairement dans la région93(*). Sous cette tension, le Rwanda et l'Ouganda accusés de soutenir et de tirer les bénéfices économiques du M23 s'ouvraient à leurs alliés de l'East African Community tandis que le gouvernement RD-Congolais s'appuyait sur la SADC qui proposait une solution militaire. La constitution de la brigade d'intervention au sein de la MONUSCO et dont les soldats proviennent des Etats de la SADC (Namibie, Malawi, Tanzanie et Afrique du Sud) correspondait à cette proposition. La signature des accords d'Addis-Abeba élargissait ainsi la part de la SADC dans la géopolitique régionale des Grands Lacs à la suite du poids économique du Katanga vers l'Afrique australe.

Cependant, l'économie minière est très réactive au marché mondial. Les cours du tantale dont les Kivu ne sont, au demeurant, qu'un petit producteur en comparaison notamment à l'Australie, se sont effondrés après l'éclatement de la bulle spéculative en 2000. En revanche, le minerai d'étain est aujourd'hui fortement réévalué. Les creuseurs, les négociants et les comptoirs d'achat, acteurs locaux d'une activité essentiellement artisanale s'adaptent aux évolutions d'un marché dominé par quelques grands courtiers internationaux et industriels nord-américains, européens et asiatiques94(*). Pour Global Witness, « la situation actuelle dans l'Est de la RDC illustre le fait que l'on ne s'attaque pas, à l'échelle internationale, aux liens entre le conflit armé et le commerce mondial des ressources naturelles95(*) ».

L'économie minière s'articule étroitement avec la guerre et l'insécurité. Tous les acteurs du conflit participent au pillage des ressources, soit pour financer l'achat d'armes, soit pour des raisons d'enrichissement personnel. Le premier groupe d'experts de l'ONU avait déjà mis en évidence le fait que l'exploitation des ressources naturelles, de moyen de financement du conflit en était devenue la finalité, et donc la cause de sa perpétuation. Les rapports, jusqu'à celui remis le 12 décembre 2008 au Conseil de Sécurité, ne sont rendus que partiellement publics car la dénonciation nominale des acteurs, notamment des proches de Chefs d'Etat, est politiquement délicate. Mais ils sont suffisamment explicites pour confirmer que l'on est toujours dans le même schéma d'exploitation illicite qui, au fond, satisfait tous les acteurs. Une enquête réalisée en juillet-août 2008 par Global Witness aboutit aux mêmes conclusions : « tous les groupes militaires sont impliqués dans l'exploitation illicite des ressources minières ».

Le dernier rapport du groupe d'experts donne des précisions quant au partage de facto des territoires miniers entre les groupes armés illégaux, mais aussi les militaires des FARDC. Les FDLR détiennent les positions les plus importantes; ils comptent parmi eux des grands commerçants qui négocient avec les comptoirs de vente ayant pignon sur rue, y compris au Rwanda96(*). Plusieurs brigades des FARDC ne sont pas en reste et tirent profit de l'exploitation minière, conjointement avec les FDLR ou le PARECO. Pour ne donner qu'un exemple, les FDLR contrôlent l'exploitation minière artisanale dans le parc national de Kahuzi-Biéga; la production est évacuée par l'aérodrome de Lulingu sous contrôle de la 18e brigade des FARDC. Les acheteurs à Goma et Bukavu sont parfaitement au fait de la provenance de ces minerais (cassitérite, coltan), d'autant plus qu'ils préfinancent souvent les négociants qui, eux, sont au contact direct des groupes armés contrôlant la production. L'opacité des réseaux de commercialisation arrange beaucoup de monde. Les circuits de l'or sont particulièrement opaques, les activités illégales profitant aux groupes armés, aux commerçants, aux transporteurs, aux douaniers, etc. avant que l'or s'envole pour Dubaï, désormais sa destination de prédilection.

Dans un contexte d'anomie généralisée, la seule loi qui prévale sur le terrain est celle de la kalachnikov. Mais si le conflit perdure c'est en grande partie par c'est-que beaucoup d'acteurs extérieurs y trouvent leurs intérêts. Pour le Rwanda, la perpétuation de la confusion aux Kivu favorise son entreprise de peuplement, ses positions économiques dans la commercialisation des ressources minières et son influence politique. Pour les multinationales et plus généralement toutes les entreprises mondialisées, les productions extraites du sous-sol des Kivu par une multitude de creuseurs misérables sont une aubaine car mises sur le marché à vil prix, elles permettent des bénéfices considérables tout au long d'une chaîne de commercialisation où les activités réputées licites frayent sans vergogne avec le monde obscur de l'illicite.

Voici un croquis d'un cercle vicieux qui explique le contrôle violent et instable des territoires riches en ressources minières :

Fig. 8 : Cercle vicieux tendant vers le contrôle violent et instable des territoires riches (Source : Liam Mahony, « Des stratégies non militaires pour la protection des civiles en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.11.)

3.3.2. L'ENJEU FONCIER ET L'EXPLOSION DEMOGRAPHIQUE DANS LA REGION DES GRANDS LACS

Les questions identitaires, les ambitions politiques, l'exploitation des ressources naturelles n'explicitent que partiellement un conflit qui renvoie en dernière instance à des causes beaucoup plus profondes.

Les guerres de la région des Grands Lacs peuvent en effet s'analyser comme des violences du trop-plein. Les petits espaces du Rwanda et du Burundi, corsetés depuis la colonisation par des frontières rigides, sont pris au piège d'une nasse démographique. La forte baisse de la mortalité amorcée pendant la colonisation n'a pas été suivie par une baisse significative de la fécondité : celle-ci est encore proche de 6 enfants par femme au Rwanda; et 6,8 au Burundi. Le taux de croissance approche les 3% par an conduisant à un doublement de la population en 25 ans. Or, avec près de 10 millions d'habitants au Rwanda en 2008, sa densité atteignait déjà 380 hab/km2, ce qui est beaucoup pour un pays rural à près de 90 %.

Chaque famille paysanne ne dispose plus en moyenne que de 40 ares de terres à cultiver. Qu'en serait-il demain? La question n'est plus seulement de savoir comment vivront dans une génération future de 20 millions de Rwandais, mais où? Comme les vents, les mouvements migratoires vont des hautes pressions vers les basses pressions, ici démographiques : la migration vers l'ouest, vers les terres moins peuplées des Kivu s'inscrit dans l'ordre des choses et dans le temps long. Elle n'a pas posé de problème tant qu'il y eut d'abondantes disponibilités foncières. Ce n'est plus le cas, même si l'acuité des problèmes est inégale du fait d'une répartition différenciée des densités97(*) : en quelques décennies, la saturation foncière a complètement changé la donne, multipliant les conflits pour la terre, dressant les autochtones contre les étrangers dans un contexte juridique confus où droits coutumiers et droit moderne incarné par l'Etat se chevauchent98(*).

Circonstance aggravante, les migrants tutsis sont principalement des éleveurs qui ont besoin de vastes étendues pour leurs troupeaux. Ils ont trouvé des conditions idéales pour leur activité dans les pâturages d'altitude, mais la constitution de grands domaines d'élevage réduit d'autant les terres de culture99(*). La question foncière constitue le fondement socioéconomique structurel des conflits des Kivu, lieu d'une véritable « conquête foncière » liée à une immigration mal contrôlée depuis les indépendances100(*). La création du vaste parc national de Virunga sous l'administration belge a, en outre, soustrait 800 000 hectares à l'activité agro-pastorale, au coeur de la zone la plus peuplée du Nord-Kivu. Celle de Kahuzi-Biéga, 600 000 hectares au Sud-Kivu.

Pendant la guerre civile, les troupeaux ont beaucoup souffert de la présence de militaires, quels qu'ils soient. Seuls quelques grands ranchs protégés par des milices armées ont pu sauver une partie du cheptel. Après des années de décapitalisation, les éleveurs reconstituent leurs troupeaux : des convois de camions chargés de bovins provenant du Rwanda en direction du Masisi restaurent le patrimoine des Tutsis, réactivant par là même l'hostilité des agriculteurs autochtones qui s'estiment privés des terres nécessaires pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Les restrictions au pacage imposées au Rwanda renforcent cette migration bovine. Selon le rapport des Experts, des transactions foncières ont lieu dans les zones contrôlées par le CNDP : bénéficiaires, des hommes d'affaires proches des rebelles, et des officiers. Les violences récurrentes entre Maï-Maï et Tutsis ont pour principal fondement cette compétition pour une terre de plus en plus rare et donc disputée : elles ne sont pas prêtes de s'arrêter.

La question foncière, principale cause des violences interethniques, ne date pas d'aujourd'hui, mais elle n'a cessé de s'aggraver au rythme d'une croissance démographique qui fait de la terre l'enjeu central des conflits sociaux101(*). Les mutuelles agricoles apparues après l'indépendance eurent d'emblée une forte identité ethnique. L'ACOGENOKI (Association coopérative des groupements d'éleveurs du Nord-Kivu) était à prédominance tutsie, tandis que la MAGRIVI (Mutuelle agricole de Virunga) représentait les intérêts des agriculteurs hutus. On mesure à travers ces mutuelles l'articulation étroite entre enjeux fonciers et crispations identitaires dans un contexte de pression démographique critique. La situation devient chaque année plus insoutenable dans ce petit espace saturé d'Afrique centrale où la guerre semble s'être substituée aux famines comme régulateur démographique. La dernière grande famine, en 1943-1944, aurait fait selon certaines sources un million de victimes au Rwanda-Urundi, dont plus de la moitié au Rwanda pour une population de l'ordre de 2 millions des personnes. Si ces chiffres étaient exacts, cela représenterait une énorme saignée d'environ 25 % de la population102(*). Famine et massacres provoquent de terribles à-coups démographiques qui traduisent un déséquilibre structurel entre population et ressources. Les thèses dites « néo-malthusiennes103(*) » comme celle de l'école de Toronto qui autour du politologue Thomas Homer-Dixon s'intéressent aux conflits environnementaux et aux liens de causalité entre pénurie et conflit, peuvent être sans difficulté appliquées à la situation des Kivu. Sans une politique de population résolue portant sur l'organisation des flux migratoires et surtout sur les moyens de ralentir la croissance démographique dans ces hautes terres africaines qui comptent parmi les plus prolifiques du monde, il n'y a aucun espoir d'apaisement durable des tensions et de disparition des terribles violences périodiques qui rythment l'histoire des Grands Lacs depuis quelques décennies. Quand on connaît les effets d'inertie démographique, on ne peut que s'inquiéter de l'absence des questions de population dans les initiatives visant à restaurer la paix dans la région. Les sommes faramineuses dépensées sans résultat tangible par l'ONU seraient plus utiles si elles étaient consacrées au développement socio-économique et à la résolution de cette question cruciale qui conditionne toutes les autres. Les politiques actuelles, qu'elles soient nationales ou portées par des acteurs internationaux, restent malheureusement à courte vue, car elles ne vont pas au fond en ignorant le lien étroit entre guerre et démographie.

3.3.3. ENJEU SOCIO-CULTUREL : LA DIMENSION IDENTITAIRE ET ETHNIQUE

Dans les mille-feuilles des identités, trois grandes strates d'antagonismes peuvent être identifiées :

Ø Autochtonie/Allogénie

Les Kivu ont longtemps été une terre d'accueil pour les migrants originaires du Rwanda. Moins peuplé que celui-ci, il lui a servi d'exutoire démographique : les migrations spontanées ou organisées par l'administration coloniale belge dans le cadre de la Mission d'Immigration de Banyarwanda (MIB) mise en place en 1937, ont drainé des flux de migrants estimés à 200 000 pour la période coloniale et 100 000 pour la première décennie d'indépendance. Bien qu'il n'y ait pas eu de recensement démographique depuis 1984 et que les comptages ethniques soient l'objet de manipulations, il est avéré que les territoires de Rutshuru et de Masisi sont majoritairement peuplés de hutu « Rwandophones ». Dans le Bwisha (au nord-est de Rutshuru) jadis dépendant du royaume du Rwanda, leur présence a des racines anciennes.

A Masisi, la migration n'a pris toute son importance qu'à partir du mandat belge. Les populations réputées « autochtones » (pour ne pas dire les premiers occupants), c'est-à-dire installées avant l'arrivée des migrants rwandais, se sont senti progressivement dépossédées de leurs prérogatives foncières et des droits symboliques qui s'y rattachent. Les tensions se sont cristallisées autour du foncier et de la question de la nationalité. La révision en 1981 dans un sens restrictif des critères permettant de se revendiquer comme Congolais (à l'époque Zaïrois) a privé des dizaines de milliers de Banyarwanda de la nationalité congolaise104(*), envenimant ainsi les relations intercommunautaires. A partir de 1990, les perspectives d'un retour à une démocratie électorale ont renforcé la crainte des autochtones, là où ils sont aujourd'hui minoritaires, de passer sous la coupe de ceux qu'ils considèrent encore souvent comme étrangers. A Kinshasa, la Conférence Nationale Souveraine avait d'ailleurs fermé ses portes aux Rwandophones sous prétexte de « nationalité douteuse ». C'est dans ce contexte que les tensions interethniques à Masisi ont dégénéré en 1993 en violences armées opposant les présumés autochtones (principalement les Hunde, Nande, Nyanga, Tembo, Kumu, Kano) et les immigrants rwandais (Tutsis et Hutus); elles ont provoqué plusieurs milliers de morts105(*).

Aujourd'hui les tensions sont à nouveau exacerbées, la guerre ayant tendance à bipolariser les antagonismes entre les tutsis et hutus, et les groupes ethniques autochtones du Nord-Kivu récemment regroupés dans le « G7 » : Nande, Hunde, Kumu, Nyanga, Tembo, Kano et Mbuti.

Ø Hutu/Tutsi

Au début de l'année 1994, un terme avait été mis aux massacres de Masisi grâce notamment à l'intervention des autorités coutumières. Quelques mois plus tard une catastrophe d'une toute autre ampleur s'abattait sur les Kivu : le déferlement massif des Hutus fuyant le Rwanda devant l'avancée victorieuse de l'armée du Front Patriotique du Rwanda (FPR). La guerre du Rwanda, sur fond d'exaspération des haines entre Hutus et Tutsis jusqu'au paroxysme du génocide de 1994, étendit alors ses métastases aux Kivu. L'installation durable de plus d'un million de Hutus dans des camps de réfugiés situés à proximité de la frontière rwandaise106(*) contribua à déstabiliser une région déjà fragile, réactivant l'hostilité des autochtones envers les Banyarwanda, mais surtout envers les Tutsis congolais, lesquels ne cachaient pas leur sympathie pour le nouveau régime de Kigali et cela en référence à la théorie de « l'opposition complémentaire » ou « d'anarchie ordonnée » de l'anthropologue Edouard EVANS-PRITCHARD107(*), stipulant que la solidarité et les conflits (fusion et fission) sont le résultat d'un jeu d'oppositions complémentaires; c.à.d. deux groupes reliés au niveau généalogique immédiatement supérieur peuvent s'opposer entre eux mais s'allient contre un groupe de même niveau dont le rattachement généalogique est plus lointain. Ainsi, plusieurs milliers de ces tutsis congolais avaient d'ailleurs rejoint les rangs de l'Armée Patriotique du Rwanda (APR). Beaucoup participèrent à l'opération militaire initiée par le Rwanda pour éliminer les camps des réfugiés hutus rwandais aux Kivu. Ils servirent de couverture à l'offensive de l'automne 1996 et firent le lit de l'AFDL de Laurent Désiré Kabila. Ils prirent part à la destruction des camps et aux massacres massifs des Hutus qui l'ont accompagné. Si les rescapés qui forment aujourd'hui l'ossature du FDLR ont pu maintenir leur présence aux Kivu, c'est avec la complicité de certaines autorités locales hostiles aux Tutsis.

Cette hostilité recouvre souvent des rivalités économiques, comme c'est par exemple le cas parmi les Nande de Butembo et de Béni dont les grands commerçants sont en concurrence avec les Tutsis. On assiste ainsi à des recompositions des antagonismes ethniques, les autochtones pouvant se rapprocher des Banyarwanda hutus dans des alliances de circonstance contre les Tutsis.

Ø Est/Ouest

Dans le kaléidoscope changeant des identités, la géographie joue aussi sa partition. Eloignés de plus de 2 500 km à vol d'oiseau de la capitale, le Nord et le Sud-Kivu entretiennent peu de relations économiques avec l'ouest du Congo. Les échanges sont tournés vers l'Afrique de l'Est et l'Océan Indien. La guerre civile a, par la force des choses, renforcé les tendances centrifuges d'une périphérie coupée de l'heartland108(*) congolais. Les programmes de reconstruction des infrastructures de communication ne sont pas suffisamment avancés pour que l'Est soit à nouveau ancré à l'espace économique Ouest. Pendant les années de gouvernement du RCD-Goma, l'Est du Congo a expérimenté une autonomie de gestion qui a conforté le sentiment « kivutien ». Le rétablissement d'une administration centralisée à partir de 2003 s'est très vite heurté à des résistances envers la lointaine bureaucratie de Kinshasa qui paralyse plutôt qu'elle ne favorise la gestion des affaires locales. La décentralisation, inscrite dans la nouvelle Constitution promulguée en 2006, accorde des larges prérogatives aux provinces, mais elle n'est pas encore en place et se heurte à la question de la répartition des recettes fiscales dont 40 % doivent en principe revenir aux provinces. En attendant, un rejet commun des tracasseries de l'administration centrale conforte l'identité kivutienne. L'attachement au « pays » et une communauté régionale d'intérêts économiques pourraient transcender les clivages ethniques et solidariser les habitants des Kivu dans leur revendication d'une reconnaissance de leur spécificité à l'intérieur du Congo. A condition bien sûr que les armes se taisent.

A ces trois couples dialectiques (Autochtonie/Allogénie, Hutu/Tutsi et Est/Ouest), on pourrait en ajouter un quatrième si on ne craignait pas d'apporter de l'eau au moulin d'une certaine paranoïa concernant la francophonie : en Afrique centrale, les Kivu en représentent le bastion avancé, aux frontières d'une anglophonie qui progresse dans les espaces disputés des Grands Lacs. Au Rwanda, jusqu'alors majoritairement francophone, le groupe minoritaire qui a conquis le pouvoir par les armes est constitué de Tutsis anglophones (conséquence de leur long séjour dans les camps de réfugiés en Ouganda). Paul Kagame se refuse généralement à s'exprimer en français. En octobre 2008, Laurent Nkunda, interrogé sur RFI, s'est exprimé en anglais, alors qu'il est parfaitement francophone : est-ce un signe d'allégeance au pouvoir tutsi-anglophone qui règne à Kigali et à Kampala? Voici une autre question évidente et délicate de la géopolitique sur l'homogénéité109(*) de langage.

Ø Logique d'exclusion réciproque

Ces premières tensions, conséquences des migrations antérieures et de migrations plus récentes dues à la pression démographique, ainsi que la résurgence de plus en plus fréquente des conflits fonciers entre chefs locaux et populations Rwandophones vont aider à exporter de manière durable la logique politique et territoriale d'exclusion réciproque selon laquelle fonctionne déjà le binôme Hutu/Tutsi au Rwanda et au Burundi. Cette logique sera portée à l'échelle supérieure et imposée comme applicable à un binôme Bantou/non Bantou, rendant ainsi la régionalisation du conflit possible.

Cyril MUSILA110(*) fait la même analyse : « la systématisation des antagonismes entre Hutu et Tutsi, au Rwanda comme au Burundi et leur régionalisation progressive sous forme d'ethno-nationalisme à l'échelle de la région renvoie à l'intensification des luttes agraires dans ces pays et surtout dans les Kivu du Congo-Zaïre où il y a encore des terres disponibles. Alors, sur les territoires des trois pays, lorsqu'une de ces ethnies est menacée, ses congénères se sentent en devoir de solidarité pour intervenir ».

Ø Banyamulenge et Banyarwanda

D'autres populations originaires du Rwanda, installées dans la région d'Uvira au Sud-Kivu, bien avant la conférence de Berlin de 1885 qui fixa les limites territoriales des colonies (limites qui deviendront les bases des politiques d'octroi de la nationalité), vivent depuis le 18ème siècle de manière relativement paisible. Ce groupement ethnique dit des Banyamulenge, reste cependant absent de toutes les cartes ethniques coloniales décrivant le paysage humain du Sud-Kivu et cela jusqu'aux indépendances. Ceci s'explique peut être par le fait que le terme « Banyamulenge » ne constituait pas encore, à l'époque, une dénomination ethnique. Il fait plutôt référence aux habitants du village de Mulenge, situé sur le plateau de l'Itombwé à Minembwe au Sud-Kivu.

Le terme se généralise autour de 1967, sur l'initiative propre des Banyamulenge, dans un souci de différenciation avec les groupes d'immigrés venus du Rwanda, dans des vagues d'immigration plus récente, connus sous l'appellation de « Banyarwanda ». Une problématique renvoyant encore une fois à l'idée de Philippe Moreau DEFARGES111(*), selon quoi « tout racisme est une construction sociopolitique ».

Les Banyamulenge feront, comme nous l'avons décrit plus haut et ici bas, cause commune avec les Banyarwanda une fois que leurs intérêts seront menacés, particulièrement sur le dossier épineux de la « congolité » tournant autour du droit à la nationalité congolaise. (Cfr La théorie de l'Opposition complémentaire).

C'est ainsi, tout comme les autres mouvements qui l'ont précédé (l'AFDL, le RCD et le CNDP), le M23 aussi s'est présenté comme un mouvement de lutte contre la discrimination ethnique et pour la défense d'une minorité ethnique (tutsi) menacée par des «génocidaires» (hutus) et étiquetée comme "rwandaise" par les congolais autochtones car, tout en affirmant son identité congolaise, en réalité elle défend les intérêts de son pays d'origine. Cette thèse renvoit d'ailleurs à la théorie du suicide d'Emile DURKHEIM qui fait appel à deux variables, le taux de suicide qui varie selon le degré d'intégration sociale faisant appel à son tour à deux cas, à savoir l'altruisme stipulant que plus on est intégré dans une société donnée, plus on a tendance à se sacrifier pour autrui, et contrairement à l'altruisme, c'est l'égoïsme qui quant à lui stipule que plus on est moins intégré dans une société donnée, plus on a tendance à se recroqueviller et se sacrifier pour soi-même, dont le cas concret dans cette étude est celui de la tribu tutsi de la région des grands lacs en général, et celle de la RDC en particulier.

C'est ce refrain qui, répété mille fois, détermine la vision et les décisions de certains membres de la communauté internationale, y compris l'envoyé spécial des Etats Unis d'Amérique pour la région des Grands Lacs, Russel FEINGOLD qui, dans une interview112(*) accordée à Jeune Afrique, a déclaré que, selon les experts de la région des Grands Lacs, «certains groupes ethniques ne se sentent pas à l'aise dans l'Est de la RD Congo. Il se pose, donc, la question d'une éventuelle discrimination ethnique». Sans le mentionner explicitement, Russel FEINGOLD a certainement fait allusion au groupe ethnique tutsi, en devenant, indirectement, son porte-parole. En réalité, cette tendance du groupe ethnique tutsi à se poser en victime cache un évident complexe de supériorité, qui est l'une des "causes profondes" du conflit dans l'Est de la RD Congo et dans la région des Grands Lacs.

Si la communauté internationale veut vraiment la paix, il faudra qu'elle commence à traiter l'ethnie tutsi de la même manière que tous les autres groupes ethniques de la RDC, sans succomber aux pressions de ses lobbies et sans lui accorder des privilèges (car étant du ressort national), mais l'invitant plutôt à s'engager pour une cohabitation pacifique avec tous les autres groupes ethniques, dans le dialogue et la tolérance et dans le respect de la diversité culturelle et des lois de l'Etat.

Ø De la zaïrianisation à la congolité

La première constitution congolaise de 1964 (dite de Luluabourg) accordait la nationalité congolaise à toute personne dont un ascendant est ou a été membre d'une tribu installée sur le territoire congolais en 1885. Bien que l'implantation des Banyamulenge soit antérieure à 1885, ils n'étaient pas répertoriés par la colonisation belge comme une ethnie jusqu'à l'indépendance en 1960. De ce fait, le droit à la nationalité congolaise va leur être contesté.

C'est sur ce fond que Barthélémy BISENGIMANA, zaïrois d'origine tutsi, directeur de cabinet du président Mobutu de 1969 à 1977, tentera de régler le problème en conférant de manière automatique et collective la nationalité zaïroise aux populations Rwandophones installées dans les Kivu par une loi de 1972. Cette loi compliquera les choses, mettant les populations installées sur le territoire de la RDC avant 1885 (donc congolaises de droit) et celles provenant des flux migratoires plus récents dans la même situation créant la plus grande des confusions. Cette décision, que certains experts considèrent comme prise dans une optique électorale, va brouiller durablement la carte. La situation s'avère d'autant plus difficile vu qu'aucun enregistrement précis des flux migratoires ne pouvait, et ne peut à ce jour, prouver sans équivoque la période réelle de l'entrée en territoire congolais de ces populations. Cette acquisition « en masse » de la nationalité congolaise, couplée avec les effets pervers de la loi foncière promulguée dans le cadre de la « zaïrianisation », permettra à des hommes d'affaires, des politiques et des notables tutsis de récupérer des terres, notamment d'anciennes plantations coloniales, redistribuées par l'Etat. Ces acquisitions de terre vont conférer un caractère légal aux implantations foncières des paysanneries tutsies dans les Kivu, et cela en totale opposition aux usages coutumiers locaux qui gèrent la terre en régime de propriété clanique ou villageoise.

Cette situation provoque l'indignation des populations autochtones qui s'estiment expropriées pour la seconde fois (la première fois par les colons belges) d'une partie de leur territoire par des tutsis qui demeurent venus d'ailleurs dans l'inconscient collectif.

Cette loi de 1972, a eu un impact politique déstabilisant, surtout dans la province du Nord-Kivu, permettant en certains endroits l'acquisition d'une majorité démographique donc politique à des groupements rwandophones113(*), modifiant ainsi les équilibres électoraux locaux.

Jouissant d'un nouveau statut politique, économique et foncier, ces populations, vont peu à peu réclamer plus d'autonomie au détriment des autorités coutumières autochtones. Un climat de tension perdure jusqu'à ce qu'en 1981, par un concours de circonstances facilité par la perte d'influence des politiciens tutsis sur le régime du président Mobutu (Bisengimana ayant dirigé le cabinet jusqu'en 1977), une autre loi reviendra aux dispositions de 1964 et posa durablement la problématique de la « Congolité ».

Cette loi tente de corriger les effets pervers de la loi « Bisengimana » par une application plus orthodoxe du principe d'une nationalité accordable à titre individuel par naturalisation. Mais en versant dans l'extrême inverse, elle plonge dans « l'illégalité » et la « clandestinité » une population qui était devenue par endroit démographiquement majoritaire, notamment des localités du Nord-Kivu114(*). Ces tergiversations politiques et administratives vont offrir un cadre institutionnel à une compétition politico-foncière déjà bien engagée, et exacerber les tensions entre rwandophones et autochtones, avec pour conséquence la pérennisation des difficultés d'administration de la région des Kivu et l'apparition plus ou moins ouverte d'une xénophobie locale. Celle-ci sera marquée par la consécration du vocable de « zaïrois » à la nationalité douteuse pour qualifier tout congolais rwandophone ou qui parle le kihutu communément appelé kinyarwanda. Cette incapacité à administrer les Kivu empêchera la tenue des recensements de 1986 dans cette province (Nord-Kivu) alors qu'ils eurent lieu partout ailleurs au Zaïre cette même année. La crise identitaire entre hutuphones (rwandophones) et autochtones est à l'époque d'autant plus visible que les bureaux d'état-civil ne cesseront d'être incendiés dans le but de détruire les documents administratifs nécessaires à tout octroi de la nationalité. Entre 1991 et 1993, ces tensions vont resurgir de manière violente, notamment sur le fond du problème de représentation des Kivu à la Conférence Nationale Souveraine, comme déjà évoqué, organisée à Kinshasa pour instaurer un régime démocratique au Zaïre. Elles vont conduire à la constitution de milices de jeunes, initiant attaques et meurtres dans les Kivu. Cette situation nécessitera l'intervention de la Division Spéciale Présidentielle, corps militaire d'élites du régime du maréchal Mobutu, pour qu'un semblant d'ordre soit rétabli. Cette « pacification musclée des militaires de la Division Spéciale Présidentielle n'a fait que retarder la déflagration générale que l'onde de choc du génocide rwandais a précipitée. Celui-ci, avec l'afflux des fugitifs encadrés par les Forces Armées Rwandaises en fuite et les cortèges des réfugiés fuyant l'avancée de l'Armée Patriotique Rwandaise, a balayé comme un ouragan les tentatives de réconciliation et de résolution des conflits internes aux Kivu115(*) ».

En effet, les conséquences du génocide Rwandais vont avoir un impact non négligeable, pour ne pas dire déterminant, sur la suite des événements et la régionalisation du conflit. Elles entraîneront la région dans les affres du cercle vicieux d'où elle peine toujours à sortir.

Ø Quelques cercles vicieux expliquant l'intensification de la violence et celle de l'animosité ethnique

Différents cercles vicieux attisent en permanence les flammes de la violence au Congo. Les exemples illustrés sur ces pages donnent une idée de la manière dont les conflits ethniques, les conflits autour des richesses territoriales et la corruption politique se perpétuent en s'autoalimentant. Or, il s'agit même là d'une simplification, car ces cercles vicieux non seulement s'autoalimentent, ils s'alimentent entre eux.

Fig. 9 : L. MAHONY, « Des stratégies non militaires pour la protection des civils en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.11.

Fig. 10 : L. MAHONY, « Des stratégies non militaires pour la protection des civils en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.11.

Cycle infernal de la pérennisation de la violence politique

Fig. 11 : L. MAHONY, « Des stratégies non militaires pour la protection des civils en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.12.

3.3.4. ENJEU REGIONAL DES CONFLITS DES GRANDS LACS

Le Rwanda et l'Ouganda trépignent d'impatience à l'idée d'engager à nouveau leurs armées sur le sol congolais. Les présidents rwandais Paul Kagame et ougandais Yoweri Museveni ont créé une force commune dénommée « Eastern Africa Standby Force (EASF) » dont ils comptent se servir pour envahir ouvertement le Congo, officiellement afin de combattre les FDLR face à « l'inefficacité de la MONUSCO ». Parallèlement, en dépit des démentis, ils parrainent la création d'une nouvelle « rébellion des tutsis » sur les ruines du M23 dont les membres se sont installés dans les deux pays après leur défaite en 2013, entre autre « Mouvement Chrétien pour la Reconstruction du Congo/MCRC en sigle ».

Mais quelle que soit la forme que prendra le nouvel engagement militaire rwando-ougandais sur le sol congolais, les motivations des deux pays n'auront rien à voir avec les justifications officielles. En réalité, les présidents Museveni et Kagame craignent que le départ de Joseph Kabila, leur allié à Kinshasa, soit synonyme d'un coup d'arrêt à leurs prétentions territoriales sur le Congo. Les deux dirigeants envisagent toujours d'annexer les régions de l'Est du Congo en application des accords de Lemera, un dossier qui a fait couler beaucoup d'encre et de sang, et sur lequel nous baserons nos analyses en termes d'enjeu régional des Grands Lacs.

En effet, face aux difficultés de Joseph Kabila à modifier la Constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir, Rwandais et Ougandais prennent des précautions. L'arrivée à Kinshasa d'un président issu du vote des Congolais et non des maquis rwando-ougandais116(*) pourrait compliquer l'application des « pactes secrets » noués entre Kabila, Kagame et Kaguta. Le nouveau président à Kinshasa devrait considérer qu'il n'a pas de comptes à rendre à Kigali et à Kampala. Mais en positionnant leurs hommes sur le sol congolais alors que leur allié est encore au pouvoir à Kinshasa, Museveni et Kagame se mettraient en position de force. Ils pourraient perturber le calendrier électoral à Kinshasa pour permettre à Kabila de poursuivre son règne par la force des choses. Ils pourraient également obtenir, des potentiels successeurs à Kabila, l'engagement qu'ils poursuivront l'exécution de ces accords secrets. Si militairement le Congo n'est pas en situation de s'opposer au déploiement des troupes des deux pays sur son sol, l'affaire pourrait toutefois prendre une tournure politique inattendue. Elle pourrait remettre brutalement dans les débats l'affaire de la balkanisation du Congo et les accords de Lemera, un « brûlot » sur lequel il faut revenir pour comprendre la récurrence des évènements tragiques qui endeuillent l'Est du Congo depuis 1996.

Les accords de Lemera sont un sujet qui déchaîne les passions mais qu'on gagne toujours à aborder parce qu'il constitue la principale explication à l'acharnement des présidents Kagame et Museveni sur le Congo. Il est vrai que les deux présidents tirent de confortables rentes pour leurs régimes respectifs en parrainant le pillage des ressources minières de l'Est du Congo. Mais leur principale motivation est « d'obtenir l'annexion pure et simple de l'Est du Congo à leurs pays », une prétention dont ils ne se cachent pas117(*). En obtenant de Joseph Kabila la nomination de leurs soldats dans les rangs des FARDC et leur cantonnement dans les régions convoitées de l'Est, les deux présidents prennent l'option de mettre un jour les Congolais devant le fait accompli. On estime à environ 35 000 le nombre des soldats rwandais opérant dans l'Est du Congo118(*), quant au Général rwandais Kayumba Nyamwasa, ancien chef d'Etat-major de l'armée rwandaise, aujourd'hui en exil, a reconnu que l'armée rwandaise est toujours engagée au Congo sans fournir de chiffre précis sur les effectifs. Avec le déploiement annoncé des troupes rwandaise et ougandaise sur le sol congolais, la masse critique pourrait être facilement atteinte. Les Kivus tomberaient comme un fruit mur, Kinshasa reconnaissant ne plus avoir le contrôle des troupes déployées dans l'Est. La méthode douce d'application des accords de Lemera aura payé.

Pour revenir au début, les accords de Lemera sont un document par lequel un groupe de Congolais actait le principe de la cession de l'Est du Congo au Rwanda, à l'Ouganda et au Burundi. Il s'agit des représentants des quatre composantes de l'AFDL, la « rébellion » derrière laquelle les armées rwandaise, ougandaise et burundaise ont mené l'agression contre le Congo (alors Zaïre) en 1996. Laurent-Désiré Kabila, le général André Kisase Ngandu, Anselme Masasu Nindaga, et le leader tutsi Déogratias Bugera le seul survivant du groupe, qui par une coïncidence étonnante est tutsi de père et de mère. Les trois autres ayant été tués dans des circonstances diverses119(*). L'article 4 du document stipulerait : « l'Alliance s'engage à céder 300 km aux frontières du pays, pour sécuriser ses voisins ougandais, rwandais et burundais contre l'insurrection rebelle ». Le document a été révélé par l'auteure britannique Claudia Mc Elroy dans son ouvrage intitulé « Search of Power (à la recherche du pouvoir) » et repris par le journal « UMOJA » dans son édition du 4 avril 2000120(*).

Les accords de Lemera seront toutefois difficiles à faire accepter. Le principal signataire, Laurent-Désiré Kabila, sera même obligé de les renier publiquement lorsque le 28 juillet 1998 il lance cette phrase lourde de sous-entendu : « je n'ai pas vendu le pays ». Il venait, la veille, d'ordonner aux soldats rwandais de quitter le Congo. Mais Kagame et Museveni n'accepteront jamais que ce pacte ne fût pas respecté. Le 02 août 1998, ils déclenchent la Deuxième Guerre du Congo qui sera le conflit le plus meurtrier au monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Des milliers de Congolais vont mourir, la moitié étant des enfants et les femmes. L'essentiel des massacres des Congolais a lieu dans les territoires que les deux pays ambitionnent d'annexer. La guerre va toucher à sa fin après l'assassinat du président Laurent-Désiré Kabila et son remplacement par un homme proche de Kagame et Museveni en la personne de Joseph Kabila. Depuis, la politique menée par Kinshasa confirme l'exécution « en douceur » du projet d'annexion des territoires de l'Est du Congo par le Rwanda et l'Ouganda.

Ø Le Modus Operandi pour la conquête de cet enjeu

Concrètement, les deux présidents, Museveni et Kagame, créent des « rebellions congolaises » de façade, derrière lesquelles vont opérer leurs armées respectives. Une fois ces troupes projetées sur le sol congolais, le régime de Joseph Kabila s'arrange pour que les soldats congolais perdent les batailles face aux agresseurs. La plus scandaleuse de ces défaites a été organisée en novembre 2012 lorsque l'armée rwandaise, opérant sous couvert du M23, s'est emparée de la ville de Goma, les soldats congolais ayant reçu l'ordre de ne pas se battre pour ne pas gêner la progression des agresseurs121(*). Certaines trahisons sont toutefois lourdes de conséquences122(*), mais les enjeux sont ailleurs. Vainqueur militairement, le Congo se présente à la table des négociations en début décembre 2012 à Kampala. Le principe de l'amnistie figure en tête des exigences, ce qui permet aux agresseurs d'être continuellement à l'abri de poursuites judiciaires pour les crimes de guerre qu'ils commettent et libres de recommencer les attaques contre le Congo123(*). La dernière fois en date fut le 12 décembre 2013 avec la signature des accords de Nairobi. Ils donnèrent lieu à la loi d'amnistie qu'a promulguée le président Kabila le 11 février 2014124(*).

En plus de l'amnistie, les rebelles (des faux rebelles mais des vrais soldats rwandais et ougandais) obtiennent du gouvernement de Kinshasa le droit d'intégrer l'armée congolaise. La dernière vague s'est opérée en 2009125(*). Le procédé doit être recommencé plusieurs fois. Tout le « génie » derrière est de permettre à Kagame et Museveni de disposer d'un maximum de leurs soldats dans les rangs de l'armée congolaise afin que, le moment venu, ces derniers, positionnés à des postes stratégiques dans la hiérarchie des FARDC et dans les territoires convoités de l'Est, mettent un jour les Congolais devant le fait accompli en proclamant la fin du contrôle de Kinshasa sur ces territoires. Paralysée par les infiltrations, l'armée congolaise sera mise à genou avant le moindre combat et le Kivu tombera comme un fruit mur. Si le Rwanda et l'Ouganda ont réussi le pari des infiltrations, ils restent confrontés à l'hostilité des populations congolaises. Mais grâce aux massacres répétés et à l'impunité dont ils bénéficient de la part du régime de Kinshasa et de la communauté internationale, ils sont à peu près persuadés qu'ils finiront par briser la résistance des populations congolaises. C'est que les deux présidents ne sont pas seuls à la manoeuvre. Le projet visant à faire perdre au Congo ses régions de l'Est semble être déjà acté dans plusieurs milieux occidentaux, comme en témoignent les déclarations, parfois intempestives, de certaines personnalités de premier plan.

La plus spectaculaire des déclarations actant la perte de l'Est du Congo au profit du Rwanda et de l'Ouganda a été faite en 2011 par Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires africaines pour qui au département d'Etat, « le Kivu fait partie du Rwanda »126(*). Quinze ans avant Herman Cohen, c'est un autre dirigeant américain qui mettait une croix sur les populations congolaises de l'Est. En octobre 1996, lors du Forum pour la réglementation internationale, Walter Kansteiner127(*), a défendu la thèse de la création d'un Tutsiland dans l'Est du Congo128(*). Sa nomination par George Bush au poste d'assistant du secrétaire d'Etat pour l'Afrique en 2001 va même susciter l'inquiétude chez plusieurs observateurs, dont Cynthia Mc Kinney, représentante démocrate de Géorgie, qui prendra l'initiative d'écrire au président George W. Bush pour lui exprimer sa « grande préoccupation » face à cette nomination « qui pourrait augurer une diplomatie américaine cauchemardesque pour le règlement de la guerre tragique en RDC »129(*). Le 11 février 2013, dans une intervention devant le Brookings Institute de Washington, le Sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires africaines, Johnnie Carson, a indiqué que la solution pour ramener la paix en RDC devra emprunter les schémas de l'ex Yougoslavie ou du Soudan, voulant dire par là que la balkanisation de ce pays était un passage obligé130(*). Et il n'y a pas que les dirigeants américains militant pour le démantèlement du Congo.

En janvier 2009, le président français Nicolas Sarkozy, a affirmé au cours du voeu au corps diplomatique que « le Congo doit partager son espace et ses richesses avec le Rwanda »131(*). La phrase a provoqué un tollé obligeant le président français à modérer ses propos. En mars 2009, il va effectuer une courte visite à Kinshasa pour tenter de calmer la colère des Congolais, mais le mal était fait. Il effectuera une visite à Kinshasa pour tenter de rassurer les Congolais. Voyage inutile pourtant puisqu'il s'est agi de rencontrer Joseph Kabila dont la politique vis-à-vis du Rwanda et de l'Ouganda consiste, justement, à faire aboutir ce projet. Mais il y a pire. Dans son ouvrage « Le Canada dans les guerres en Afrique centrale », l'analyste des questions géopolitiques Patrick Mbeko pointe du doigt deux autres personnalités de premier plan, a priori au-dessus de tout soupçon : le Secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, et l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner132(*).

En gros, des « gens puissants » travaillent à faire éclater le Congo. On sait que cette entreprise de destruction est synonyme de catastrophe pour la population.

3.4. LES STRATEGIES DEPLOYEES PAR CES GROUPES ARMES

La stratégie couvre deux dimensions. En premier lieu, c'est l'art de faire concourir la force à atteindre (buts de la politique), ensuite c'est l'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit. Ainsi, on ne saurait pas gagner le combat sans la mise en oeuvre des stratégies. De ce fait, la stratégie correspond également à l'art de conduire les armées en vue d'obtenir la victoire. C'est l'art de réfléchir aux voies et aux moyens qui seront nécessaires pour gagner.

3.4.1. LA STRATEGIE DU CHAOS EN RDC

Dans une région riche et convoitée, on choisit d'abord un Etat pivot133(*). Ensuite, à partir de cet Etat, on provoque et on entretient les conflits. On encourage les viols, on occasionne les déplacements des populations, on génère la famine, des maladies, bref, on engendre une atmosphère de désolation. De ce chaos doit émerger un ordre nouveau reposant sur l'anéantissement des peuples et permettant à la minorité des privilégiés constituant le 1% de maintenir leur train de vie princier134(*). Toutes les guerres qui se produisent au Congo ont pour enjeu le contrôle des matières premières, dont les riches gisements miniers du pays135(*). Pour entretenir durablement le chaos, les « stratèges » commencent par remporter la bataille de l'information. Dans le cas du Congo, le contrôle de l'information se traduit par une gigantesque masse des désinformations destinées à dissimuler, non seulement les vrais enjeux de la guerre, mais surtout les personnalités et les multinationales qui se procurent, derrière le chaos entretenu, des profits faramineux.

Pour que perdure cette économie du chaos qui permet aux multinationales anglo-américaines d'engranger des profits toujours faramineux, un dispositif politique a été mis en place. Il est articulé autour d'un triumvirat136(*) associant les trois présidents tutsi/hima de la région et leurs pays respectifs répondant à la formule 3K2, dont Kampala de Kaguta dans le rôle de l'architecte, Kigali de Kagame dans le rôle du maître d'ouvrage et Kinshasa de « Kabila »137(*) dans le rôle du « cheval de Troie ». Les trois hommes, par leurs armées respectives, ont pour mission de maintenir le Congo dans une situation permanente d'Etat raté, avec une armée congolaise continuellement paralysée et mise dans l'incapacité de s'imposer, même face à un banal groupe armé. De ceci, découle la question de savoir Pourquoi? Parce qu'un Congo qui se redresse, et dont les autorités prennent le contrôle effectif du territoire national, serait un frein aux intérêts des multinationales qui gravitent autour des présidents Kagame, Kaguta et Kabila.

Mais dans le cas spécifique du Congo, à côté des intérêts des multinationales anglo-américaines, les désordres fomentés par les trois présidents servent les objectifs d'une élite régionale, l'élite tutsie rwandaise. Cette dernière, bien que n'appartenant à aucune des tribus autochtones congolaises138(*), avaient tout de même revendiqué, dès 1981, dans une lettre adressée au Secrétaire général de l'ONU139(*) dont copie en annexe, l'ambition de détacher la riche région du Kivu pour la rattacher progressivement au Rwanda. Ce qui est quasiment en train de se réaliser grâce au travail destructeur des trois présidents140(*). Le drame pour le Congo est que les ambitions de cette minorité régionale coïncident avec les intérêts de la minorité des privilégiés occidentaux, les fameux 1%, qui maintiennent leur train de vie en entretenant le chaos dans différentes régions riches du monde.

Dans le cas du Congo, les présidents Museveni et Kagame, avec l'appui des Américains et des Britanniques, « fabriquent » des mouvements armés et utilisent leurs réseaux auprès des médias occidentaux pour faire croire à l'opinion internationale qu'il s'agit de « rébellions congolaises ». En réalité, il s'agit de bataillons de leurs propres armées dont les unités sont formées dans les bases de Jinja, en Ouganda; de Gako, de Butotori et de Gabiro au Rwanda par des instructeurs américains et britanniques. Une fois ces bataillons ont franchi les frontières du Congo, Joseph Kabila, qui fait partie de « la bande des 3 » (les trois K), organise la défaite des soldats congolais et laisse les villes congolaises tomber entre les mains des bataillons ennemis, à travers des ordres contradictoires au sein des FARDC, mais aussi à partir de cessez-le-feu et des retraits stratégiques stériles. Viennent ensuite des négociations qui, en réalité, sont une mascarade. Lorsque Joseph Kabila arrive dans ces négociations il est tout heureux de retrouver ses paires Kaguta et Kagame. Ces négociations aboutissent à au moins deux « compromis » : les « rebelles » (faux rebelles mais vrais soldats rwandais/ougandais) obtiennent des amnisties collectives ou individuelles décidées par le gouvernement faible de Kinshasa. Ensuite, ils sont intégrés dans l'armée congolaise.

La dernière vague des troupes rwandaises intégrées dans les rangs de l'armée congolaise s'est opérée en décembre 2009, et dans les mois qui ont suivi, en marge des opérations « Umoja wetu » et « Amani leo ». C'était en application d'un accord secret conclu par le représentant de Joseph Kabila, en la personne du Général John Numbi, et Laurent Nkunda sous la supervision du Général rwandais James Kabarebe141(*). Plusieurs milliers de soldats rwandais avaient passé la frontière congolaise, officiellement pour mener avec les Congolais une lutte conjointe contre les rebelles hutus rwandais des FDLR, qui, à notre humble constat, sont devenus le prétexte dont se servent les élites occidentales et leurs médias pour légitimer l'occupation et le pillage de l'Est du Congo par les hommes de Kagame. Deux mois plus tard, une mascarade fut organisée à Goma pour faire croire à l'opinion internationale que les troupes rwandaises avaient regagné leur pays. Un de ces gros mensonges auxquels les trois présidents et leurs parrains occidentaux ont habitué les Congolais, Patrick Mbeko estime que plus de 12 mille soldats rwandais arrivés sur le sol congolais avaient disparu dans la nature. Pour aller où? Cette opération visait, en réalité, à accroitre le nombre des agents rwandais infiltrés dans les rangs de l'armée congolaise, pour aboutir à une autre stratégie que nous avons qualifiée de stratégie de « LEAK AND LEAD »142(*) ou encore de « L'ENTRISME » voire « DU NOYAUTAGE »; c.à.d. ce que les forces des agresseurs n'ont pas obtenu par la kalachnikov, risque d'être atteint par la politique, au regard des orientations stratégiques actuelles, où nous avons constaté que les intégrations militaires sont imparfaites et se présentent comme un amalgame de militaires où chacun continue à protéger les intérêts de son ancien groupe et où les infiltrations sont encore dominantes, suite à des accords qui permettent, à chaque fin de guerre, de placer au sommet stratégique, tant au sein des forces de l'ordre qu'au sein de l'administration publique, des responsables politiques et militaires dont on a pas la maitrise parfaite de la tendance et la capacité concernant le degré de nationalisme et la défense des intérêts de la nation. Enfin, il y a le risque d'inverser la tendance à partir du sommet, soit par la prise en otage du pays, soit par un manque de liberté d'action des hommes politiques congolais qui seront dans l'obligation de jouer le jeu de l'adversaire. De tout ce qui précède, on enregistre un taux élevé de trahison et des infiltrations des forces congolaises par les hommes à la solde des armées des adversaires et leurs alliés.

3.4.2. LA STRATEGIE DE PARRAINAGE DES ETATS DE LA REGION AUX GROUPES ARMES ETRANGERS OPERANT EN RDC

Tout en opérant contre un gouvernement, les groupes armés bénéficient, cependant, du soutien de certains autres gouvernements.

Ainsi, commençant par les groupes armés étrangers opérant en RDC jusqu'à ceux nationaux, voici à travers certains passages déjà mentionnés, les différents soutiens de gouvernements que bénéficient ces derniers tant en termes de munitions et équipements, qu'en termes de recrutement des éléments au compte de ces derniers à savoir :

× Pour les FDLR, leurs ressources proviendraient principalement de financements de la diaspora hutue rwandaise dont la majorité vit en Allemagne. Par contre, au Nord-Kivu, après une forme de pacte de non-agression conclu avec les FARDC, une alliance dirigée contre le M23 semble avoir été nouée. Selon divers témoignages d'ex-FDLR et de soldats FARDC recueillis par le Groupe d'experts de l'ONU, des munitions et des renseignements opérationnels auraient été fournis par les FARDC aux FDLR. Un porte-parole de l'armée congolaise a reconnu, le 12 septembre 2013, que, depuis la création du M23, les FARDC avaient dû ralentir la traque des FDLR.

× Pour les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces/ADF) et l'Armée nationale pour la libération de l'Ouganda (National Army of the Liberation of Uganda/NALU), ces dernières se sont unies en 1995, à l'instigation des services secrets zaïrois et soudanais, soucieux d'affaiblir un adversaire commun, qui n'est autre que le président Yoweri MUSEVENI. Elles disposent d'une grande variété d'ALPC, y compris d'armes antiaériennes, ainsi que d'un important réseau de soutien et de financement, implanté notamment en Ouganda, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et en Royaume-Uni.

× Quant aux FNL, elles semblent également disposer de bonnes connexions avec la Tanzanie, d'où leur parviennent régulièrement, non seulement des jeunes recrutés dans les camps de réfugiés burundais, mais aussi des cargaisons d'armes et de munitions, dont certaines leur servent à entretenir et forger des alliances avec divers groupes actifs dans la région, dont les FDLR, divers petits groupes (hutu et tutsi) burundais et plusieurs groupes Maï-Maï locaux, dont le principal est le groupe Yakutumba.

3.4.3. STRATEGIE DE L'ANGE BLEU APPLIQUEE PAR LES NATIONS UNIES A TRAVERS SA FILIALE EN RDC : LA MONUSCO

L'ONU à travers la Monusco, joue à la stratégie de « l'ange bleu ». Avec ses effectifs de 19 815 soldats et un budget annuel d'un milliard et demi de dollars, elle est incapable de désarmer ne serait-ce qu'un seul groupe armé. Ceci prouve à suffisance qu'elle n'est pas au Congo dans l'intérêt du peuple congolais. En attestent les massacres et les viols qui se commettent à proximité des camps de la Monusco depuis les 15 ans de sa présence dans le pays. La Monusco travaille pour d'autres missions qui n'ont rien à voir avec la protection des Congolais. Ses intérêts sont même tout à fait contraires aux aspirations du peuple congolais à la paix. Au mieux, l'action des missions onusiennes en RDC se résume à la seule stratégie de « l'ange bleu »143(*). Au pire, elle rend moins visible et légalise la déstabilisation du pays et l'immixtion étrangère dans ses affaires internes144(*). Pour Patrick Mbeko et Honoré Ngbanda, la Monusco fait partie de la stratégie du mensonge destinée à donner aux Congolais l'impression qu'on se préoccupe de leurs souffrances alors que la communauté internationale poursuit au Congo des objectifs sans rapport avec les aspirations du peuple congolais à sa souveraineté et à la paix. Mais tous les onusiens n'acceptent pas de participer à cette mascarade (Cfr pp101-102 de ce travail).

3.4.4. LA STRATEGIE DES ACTIONNAIRES UTILISEE PAR LES MULTINATIONALES MINIERES ET CERTAINS INDIVIDUS

Bon nombre des soutiens que les multinationales et certaines organisations internationales apportent aux groupes armés, c'est basé sur des échanges des munitions contre les matières premières que ces groupes armés exploitent illicitement dans des zones sous leur contrôle.

Ceci, comme nous l'avons d'ailleurs démontré à partir des cercles vicieux d'exploitation illicite des matières premières par les groupes armés, fait à ce que ces derniers (groupes armés) bénéficient des lobbies dans des instances internationales à travers ces multinationales qui alimentent leurs activités industrielles en occident par des ressources qui leur sont fournies par ces réseaux mafieux de ces milices et groupes armés, cherchant exutoires et subterfuges à justifier à tort le pourquoi de l'existence de ces groupes armés, soi-disant qu'ils sont issus des groupes ethniques marginalisés et par ricochet frustrés (ex : l'interview de Russel FEINGOLD en faveur de l'ethnie tutsi), présentant aussi quelques fois le non respect de certains accords de la part du gouvernement Congolais, etc.

Ainsi, à titre illustratif, voici quelques multinationales minières répertoriées dans le cadre du soutien à l'exploitation minière illicite et illégale à l'Est de la RDC par des groupes armés145(*) :

· Consolidated European Venture de Lundin group;

· Barrik Gold Corporation (BGC);

· Anglo American Corporation (AAC);

· American Mineral Field Inc (AMFI);

· American Diamond Bayers;

· CLUFF;

· Bridge;

· Point Averseas Development of British Virgins Island;

· Etc.

Nonobstant ces multinationales ci-haut citées, certains individus, identifiés par le groupe des experts de nations unies, ont joué un rôle crucial en fournissant un appui, en parrainant des réseaux ou en facilitant l'exploitation illégale des minerais des Kivus, entre autres :

· Le Général SALIM SALEH de l'Ouganda;

· Le Général James KAZINI;

· Le Général TIKAMANYIRE;

· JOVIA AKANDWANAHO;

· Le Colonel UTAFIRE;

· Le Colonel MUGENI;

· MKAHALI;

· ATEENYI TIBASIMA;

· MBUSA NYAMWISI;

· NAHIM KIHANAFFER;

· Roger LUMBALA;

· Jean-Yves OLIVIER;

· Jean-Pierre Bemba;

· Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN;

ð Pour les nouveaux venus dans ces circuits de soutien aux groupes armés régionaux :

· Le Colonel MUYOMBO;

· Le Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la prison militaire de Ndolo à Kinshasa).

ð Du côté rwandais :

· Ali Hussein (transfert d'or et diamant à Bukavu et à Kisangani);

· L'ex Général et actuel ministre rwandais de la défense JAMES KABAREBE;

· VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport d'amnistie internationale et de Human Rights Watch);

· MOHAMED ALI SALEM;

· TIBERE RUJIGIRO;

· AZIZA KULSUM GULAMALI;

· Etc.

3.4.5. LA STRATEGIE DES CONTRE-ALLIANCES FASTIDIEUSES ENTRE LES FARDC ET LES GROUPES ARMES LOCAUX MAÏ-MAÏ

Cependant, en ce qui concerne les groupes armés nationaux, nombre d'entre eux bénéficient du soutien du gouvernement de Kinshasa, surtout pour les milices Maï-Maï, lorsqu'il s'agit pour le gouvernement RD Congolais de mener des attaques contre l'un des groupes qu'il qualifie d'étrangers. Ainsi, pour le cas particulier de la rébellion du M23 qui, d'ailleurs, a évolué sous divers noms entre autres RCD-CNDP-M23 et bientôt MCRC, et qualifié injustement d'un groupe armé local, bénéficie, par une évidence qui ne fait l'ombre d'aucun doute, du soutien du gouvernement Rwandais et quelques fois pour des intérêts politico-économiques, de celui du gouvernement Ougandais. Tandis que le gouvernement de Kinshasa formait des alliances opérationnelles avec certains groupes armés, il tenta d'en démanteler d'autres146(*). A grands coups d'instruments financiers et de généreuses promesses relatives à l'octroi des grades et des postes, il fit des offres aux groupes Maï-Maï placés sous les ordres de Yakutumba, Mayele, Nyakiliba et Kifuafua; à plusieurs groupes Nyatura; à la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI) de Cobra Matata; et à une pléthore de milices à Uvira147(*). Mais fin 2013, seule l'intégration d'une partie des combattants Nyatura semblait avoir aboutie; les affrontements avec de nombreux autres candidats à l'intégration se multipliaient, surtout dans les territoires de Fizi et d'Uvira et dans le district de l'Ituri.

En août 2013, une vaste offensive FARDC contre le M23, soutenue par la Brigade d'intervention de l'ONU, récemment mise en place par les Nations Unies, a remporté plusieurs victoires militaires. Mais même si celles-ci ont entraîné le démantèlement du M23, il est probable que les nombreux autres groupes armés présents dans l'Est du pays continueront d'attiser la violence, surtout si les matrices de la mobilisation armée ne sont pas identifiées et anéanties.

3.5. IMPACT SOCIO-POLITICO-ECONOMIQUE DE CES GROUPES ARMES SUR LA STABILITE NATIONALE ET REGIONALE

La guerre qui sévit en République Démocratique du Congo, et ses horreurs, sont souvent présentées comme l'échec du président Kabila et de la communauté internationale. Il s'agit, en réalité, d'une réussite éclatante d'une stratégie dont le Congo et les Congolais sont la cible. Le dernier ouvrage de l'analyste des questions géopolitiques Patrick Mbeko : « Stratégie du chaos et du mensonge », en donne une remarquable démonstration. L'auteur analyse les enjeux qui se trament derrière les souffrances des Congolais depuis l'acquisition du pays par le Roi des Belges Léopold II, en 1885, jusqu'à sa mise sous tutelle actuelle, par les milieux d'affaires occidentaux derrière le triumvirat (3K) Kaguta-Kagame-Kabila et la Monusco.

Lorsqu'on jette un coup d'oeil sur l'holocauste qui se déroule au Congo, avec ses millions de morts, les clichés des reportages sur l'Afrique sont qu'il s'agit de conflits entre tribus africaines au « Coeur des ténèbres ». Patrick Mbeko, qui coécrit l'ouvrage avec un excellent connaisseur des enjeux du Congo, en la personne d'Honoré Ngbanda148(*), va droit au coeur des enjeux et conséquences de la guerre. A l'appui des enquêtes des Nations-Unies, il démontre que l'instabilité chronique à laquelle nous assistons est entretenue à dessein. Il s'agit d'une politique de chaos sciemment organisée qui a pour objectif d'affaiblir durablement le pays, d'en faire un non-Etat, réduit au simple rôle de coffre-fort où les groupes financiers et les élites occidentales puisent d'immenses richesses naturelles sans être importunés. Il s'agit de la mise en pratique de la théorie longuement murie du « chaos constructeur», chère aux stratèges américains.

3.5.1. IMPACT SUR LE BON FONCTIONNEMENT DE L'ARMEE

Il y en aurait plus de 35 milles agents149(*), issus des maquis des agresseurs, infiltrés dans différents niveaux de l'armée, de la police et de l'administration publique congolaise. Leur mission vise à paralyser les actions de l'armée congolaise dans le Kivu. Ils fournissent des renseignements à l'ennemi et détournent les livraisons d'armes au profit du camp ennemi. Ils permettent aux « rebelles » de tendre des embuscades réussies et d'infliger de lourdes pertes aux soldats congolais déterminés à rétablir le contrôle de l'Etat sur le Kivu. La plus terrible des défaites qu'ils ont réussi à faire subir aux soldats congolais s'est produite en décembre 2007 dans la localité de Mushake, près de Goma. Sur les 4.500 éléments des FARDC engagés dans l'opération, 2.300 avaient été tués150(*) par des combattants rwandais dirigés par le général tutsi Laurent Nkunda. L'homme que les médias occidentaux présentaient comme un « Tutsi congolais » avouera, de retour dans son pays, qu'il est citoyen rwandais; un sergent de l'armée rwandaise, membre des services de renseignements rwandais151(*).

Et lorsque, malgré le travail de sape, les soldats congolais parviennent tout de même à prendre le dessus sur les semeurs de troubles, les infiltrés ne désarment pas. Les soldats congolais qui ont brillé sur les théâtres des opérations au Kivu sont rapidement mutés et éloignés des missions opérationnelles. Nombreux sont assassinés quelques temps seulement après les victoires sur les agresseurs. L'ouvrage de Patrick Mbeko cite plusieurs cas d'assassinat. Il évoque le cas du général Mbuza Mabé qui, après avoir libéré la ville de Bukavu des mains des Rwandais, en 2004, a été rappelé à Kinshasa pour y laisser sa peau152(*); mais aussi citons, à titre illustratif, les trois cas récents d'assassinat des Généraux Lucien Bahuma Ambamba et Mamadou Moustapha NDALA ainsi que le Colonel BAWILI. Ce travail permanant de sabotage, mené au coeur même de l'armée congolaise, permet à Museveni et Kagame d'être rassurés. Les deux dirigeants peuvent continuer à entretenir le chaos dans les régions riches de l'Est du Congo, qu'ils ambitionnent d'annexer, sans risque d'être confrontés à une armée congolaise aguerrie.

3.5.2. IMPACT SOCIAL ISSU DE LA DESINFORMATION DES MEDIAS INTERNATIONAUX ET DES PAYS COMME LES ETATS-UNIS DANS CE CHAOS EN RDC

Dès le déclenchement de la guerre en 1996, les Etats-Unis parrainaient les armées rwandaises et ougandaises qui avaient franchi la frontière congolaise sous la fausse étiquette de « rebelles banyamulenge » puis de « rebelles de l'AFDL ». Pour les Américains, le Congo est un trop riche pays pour être laissé aux seuls Congolais. Sa riche région du Kivu doit être annexée au Rwanda, un pays petit et pauvre mais dont l'élite est docile aux yeux des dirigeants américains. Le reste du Congo devrait ensuite s'effondrer en petites « républiques corvéables » et faciles à contrôler par les intérêts anglo-américains. Depuis, les dirigeants américains et leurs alliés soutiennent le projet de balkanisation du Congo. Ainsi, en témoignent leurs déclarations, parfois intempestives153(*). Pour les Américains, les Britanniques et leurs différentes officines, l'Est du Congo appartient ou doit appartenir aux hommes de Kagame avec qui ils réalisent de juteuses affaires, et avec qui ils devraient continuer à réaliser des affaires toujours plus juteuses si la balkanisation devient officielle.

Pour ce qui est de la désinformation consistant notamment à appeler « rebelles congolais » des « soldats rwandais/ougandais », Patrick Mbeko fait remarquer que les principaux médias occidentaux sont détenus par des groupes financiers dont les investisseurs ont des intérêts dans les multinationales impliquées dans la guerre du Congo. Une partie des noms de ces multinationales apparaît dans les rapports des experts de l'ONU et que nous avons susmentionnées au point traitant sur les stratégies déployées par les acteurs impliqués dans les guerres de l'Est de la RDC dans ce travail. Lorsque les journalistes parlent de « rebelles congolais » alors qu'ils savent, du fond de leur conscience, qu'il s'agit de « soldats rwandais/ougandais », ils obéissent à la ligne éditoriale qui leur est imposée par les patrons de leurs organes de presse. Patrick Mbeko qui est lui-même un journaliste, ne s'offusque pas du fait que son ouvrage, bien qu'en tête des ventes sur le site www.amazone.fr, ait été boycotté par les grands médias.

3.5.3. IMPACTS PSYCO-SOCIAUX SUR LES POPULATIONS CONGOLAISES

Les dirigeants tutsis rwandais/ougandais et leurs parrains anglo-américains sont toutefois confrontés à un obstacle : les populations autochtones de l'Est du Congo sont profondément hostiles au projet de balkanisation. Elles continuent de résister malgré la complicité du « président » avec les ennemis. Pour briser cette résistance, le Rwanda et l'Ouganda auraient pris l'option d'attaquer directement ces populations. A force de les massacrer, de les violer et de les humilier, en assurant l'impunité aux agresseurs, ces populations finiront par se persuader qu'elles sont définitivement abandonnées par Kinshasa154(*). Elles n'auront pas d'autre choix que de se soumettre à leurs oppresseurs. L'autre enjeu des massacres a des motivations purement génocidaires. Les populations congolaises tuées, violées et terrorisées fuient et abandonnent leurs terres, en général des terres très fertiles ou riches en gisement miniers. Les terres que ces populations éliminées abandonnent sont réoccupées par des populations en provenance du Rwanda et de l'Ouganda. Ce processus d'élimination des autochtones et leur remplacement par des populations allogènes, devrait mener à un rééquilibrage démographique dans l'Est du Congo. Il devrait permettre l'organisation d'un référendum d'autodétermination. Ce scrutin bénéficiera de l'appui des pays occidentaux, déjà acquis au projet de balkanisation du Congo. Les Occidentaux feront en sorte que le vote en faveur de l'autodétermination l'emporte. Un premier pas vers la balkanisation du pays.

3.5.4. L'INERTIE ET LA STERILITE DES DECLARATIONS DES ONGs DE DEFENSE DE DROITS DE L'HOMME

Patrick Mbeko fait remarquer que la question des droits de l'homme est superbement esquivée dans les instances internationales, lorsqu'il s'agit des victimes congolaises. Les « droits de l'homme » des Congolais doivent être sacrifiés au nom des deux objectifs stratégiques : la balkanisation du Congo et le pillage continu des ressources minières au profit des milieux d'affaires anglo-américains. Arrêter et poursuivre en justice les dirigeants rwandais et ougandais qui organisent les massacres reviendraient, pour les dirigeants occidentaux, à se priver de précieuses mains dont ils ont besoin pour réaliser leurs objectifs sur le Congo. Mais pour ne pas perdre la face, les Occidentaux se partagent les rôles. Les uns continuent d'armer le Rwanda et l'Ouganda, les autres dénoncent les crimes, les condamnent et produisent des rapports tonitruants. Mais ils s'abstiennent d'arrêter les criminels alors qu'ils savent où ils se trouvent, juste de l'autre côté de la frontière, au Rwanda et en Ouganda. Les diplomates occidentaux, quant à eux, doivent montrer aux Congolais qu'ils apportent la paix et la démocratie alors qu'ils travaillent pour les milieux d'affaires qui tiennent à ce que la guerre perdure. La guerre doit perdurer parce qu'elle génère des profits faramineux et reste le meilleur moyen d'amener le Congo à perdre progressivement ses riches régions de l'Est au profit des pouvoirs tutsis du Rwanda, de l'Ouganda et des milieux d'affaires occidentaux.

3.5.5. L'IMPLICITE ROLE ET MISSION DE L'ONU EN RDC

L'ONU n'est pas au Congo dans l'intérêt du peuple congolais. En attestent les massacres et les viols qui se commettent à proximité des camps de la Monusco depuis les 15 ans de sa présence dans le pays. Patrick Mbeko fait remarquer qu'en 2003, l'Opération Artémis, pilotée par l'armée française, avec à peine 1.500 soldats, avait réussi à rétablir la sécurité en Ituri en trois mois155(*). La Monusco, quant à elle, avec ses effectifs de 19.815 soldats et un budget annuel d'un milliard et demi de dollars est incapable de désarmer ne serait-ce qu'un seul groupe armé. En réalité, la Monusco travaille pour d'autres missions qui n'ont rien à voir avec la protection des Congolais. Ses intérêts sont même tout à fait contraires aux aspirations du peuple congolais à la paix. Patrick Mbeko citant l'ancien président tunisien Habib Bourguiba, fait savoir qu'aucun gouvernement sérieux n'accepte le déploiement des troupes de l'ONU sur son territoire. Au mieux, l'action des missions onusiennes se résume à la stratégie de « l'ange bleu »156(*). Au pire, elle rend moins visible et légalise la déstabilisation du pays et l'immixtion étrangère dans ses affaires internes157(*). Pour cet auteur, la Monusco fait partie de la stratégie du mensonge destinée à donner aux Congolais l'impression qu'on se préoccupe de leurs souffrances alors que la communauté internationale poursuit au Congo des objectifs sans rapport avec les aspirations du peuple congolais à sa souveraineté et à la paix. Mais tous les onusiens n'acceptent pas de participer à cette mascarade. C'est ainsi qu'en octobre 2008, le Général espagnol Vincente Diaz de Villegas a démissionné158(*) de son poste de commandant militaire de la mission de l'ONU au Congo, choqué par ce qu'il avait vu. L'Espagne, qui ne fait pas partie des pays impliqués dans le pillage du Congo, ne voulait pas jouer à ce « jeu diabolique ».

3.6. PROPOSITIONS DES CORRECTIONS PERMETTANT D'INITIER LE CHANGEMENT

Le défi stratégique de la réduction des conflits et de la protection des civils est de démarrer ou de renforcer les cercles vertueux pouvant accélérer le changement positif à plus long terme, tout en freinant ou en bloquant les cercles vicieux susmentionnés qui en sapent leur potentiel; tout en se basant sur la noble et illustre pensée d'Emile DURKHEIM qui dit que « la cause d'un fait social doit être recherchée dans d'autres faits sociaux », une pensée qui a été appuyée par celle d'Auguste COMTE qui stipule « qu'il n'est pas possible de comprendre un phénomène social particulier sans le remettre dans un contexte social global ».

Cependant, dans le cadre de proposer certaines pistes de solutions à ces problèmes conflictuels qui ont plongé à feu et à sang la région des Grands Lacs en général et l'Est de la RDC en particulier, il nous est loisible de procéder par donner ces solutions en premier lieu au moyen des croquis des cercles vertueux qui expliquent le plus facilement possible la meilleure voie de sortir notre pays de cette crise, afin de favoriser une cohabitation pacifique des populations à travers une atmosphère de liesse, dont :

Fig. 12 : L. MAHONY, « Des stratégies non militaires pour la protection des civiles en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.12.

Fig. 13 : L. MAHONY, « Des stratégies non militaires pour la protection des civiles en RDC », Fieldview Solutions, mars 2013, p.12

En second lieu, il nous est opportun de faire aussi recours au troisième principe parmi les six principes de la non violence, énoncés par le pasteur noir américain Martin Luther King à savoir : « La lutte doit être dirigée contre les forces du mal plutôt que contre les personnes qui font le mal159(*) », une idée qui fait d'ailleurs référence à la technique « SUN TZU160(*) » qui stipule, à travers plusieurs passages de son ouvrage intitulé « Art de la guerre », « qu'au lieu de s'affronter directement avec votre adversaire, efforcez-vous de détruire l'arme qu'il utilise pour vous combattre »; et soutenue par « la théorie de la dynamique sociale qui consiste à découvrir et analyser les forces qui président à l'évolution d'une société ou d'une chose donnée »; or dans le cadre de la majorité des groupes armés qui sèment la terreur et la désolation dans la région des grands lacs en général, et dans la partie Est de la RDC en particulier, bon nombre sont ceux-là qui ne sont que de simples sous-traitants, et la RDC ne doit pas seulement se contenter de négocier avec ces groupes armés en trouvant des solutions qui s'avèrent toujours vaines et sans effets, mais par contre, elle doit chercher à négocier avec les parrains voire avec les multiples mains noires se trouvant impliquées dans ce désastre politique qui continue à alimenter son instabilité politique et diplomatique, quand bien même cette dernière recommandation fait directement allusion à la première question de Jeune Afrique adressée à l'envoyé spécial des Etats Unis d'Amérique pour la région des grands lacs, Monsieur Russel FEINGOLD, dans une interview du 06 décembre 2013, en marge du sommet Afrique-France, dont copie en annexe.

En définitif, la RDC doit appliquer à la lettre la théorie de la consubstantialité de la violence à l'Etat, qui prône le non détachement de la violence à l'Etat, et qui du reste est soutenue par la célèbre définition de l'Etat de Max Weber, qui reconnaît à celui-ci le monopole de l'usage de la violence physique légitime à travers ses multiples moyens de coercition, dont la police nationale, l'armée nationale et plusieurs autres services de sécurité, dans le vif souci de faire asseoir sa suprématie et rétablir l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national, autorité jadis bafouée par des groupes armés à travers les administrations parallèles.

Quant à la problématique de gestion des minorités ethniques à l'Est de la RDC, surtout celle de tutsis Banyamulenge au Sud-Kivu, et la problématique de la gestion de l'immigration, il serait opportun pour le gouvernement congolais de procéder par promouvoir l'étude et la gestion rationnelle de ces communautés au niveau national de sorte que ces dernières se sentent mieux traitées tout en protégeant tous les autres groupes ethniques minoritaires et majoritaires.

3.7. CONCLUSION PARTIELLE

Constatons en effet que, tout comme la géostratégie, la géopolitique aussi repose sur la connaissance et la maitrise des enjeux et stratégies; sachant que les premiers poussent souvent les acteurs à déployer les secondes pour leur contrôle. Ainsi, dans le cadre de ce chapitre, nous avons démontré les stratégies qui sont déployées par les acteurs, pour s'arroger les enjeux géopolitiques du repositionnement de la RDC dans la région des Grands Lacs.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de cette étude qui a porté sur « Les groupes armés et la position géopolitique de la RDC dans la région des Grands Lacs »; Cette dernière s'est beaucoup plus penché sur la problématique de la dynamique de naissance de groupes armés à l'Est de la RDC tout en cherchant à comprendre les relations qui existent entre ces groupes armés et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs, mais aussi d'analyser les conséquences sociopolitiques des groupes armés opérant à l'échelle régionale et ceux locaux sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la région des grands lacs. Ainsi, trois questions l'ont orientée à savoir :

1) Quels sont les groupes armés nationaux et régionaux qui opèrent en RDC?

2) Quelles sont les relations établies entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs?

3) Quel est l'impact des groupes armés opérant à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et régionale?

En guise des réponses provisoires à cette problématique, les hypothèses suivantes ont été émises :

1) L'identification exhaustive des groupes armés nationaux et régionaux opérant en RDC serait illusoire au regard de la dynamique de leur naissance.

2) Les relations établies entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs seraient l'établissement des administrations parallèles dans l'optique d'alimenter l'exploitation illicite et illégale des ressources minières; le problème foncier et un surpeuplement tacite conduisant à la thèse d'envahissement du territoire national par des populations allogènes donnant lieu à la crise d'identité sociale ainsi qu'à la quête de l'espace au compte des agresseurs.

3) L'impact des groupes armés opérant à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et régionale serait multidimensionnel à analyser sous divers angles à la fois politique, économique et social.

Cette étude a eu trois objectifs à savoir :

v Déterminer et identifier les deux principales catégories des groupes armés actifs en RDC et en produire une cartographie non exhaustive.

v Démontrer les relations qui existent entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs.

v Dégager l'impact sociopolitique des groupes armés opérant à l'échelle régionale sur les groupes armés locaux et sur la stabilité nationale et régionale.

Ainsi, pour réaliser ce travail, nous nous sommes servis de la méthode d'analyse stratégique, utilisée à la lumière de M. Crozier et E. Friedberg, emprunté savamment par Jean OTEMIKONGO MANDEFU, qui nous a permis de nous servir des données recueillies lors des entretiens pour définir les stratégies futures probables que les acteurs vont poursuivre les uns à l'égard des autres.

Ainsi, se basant à cette méthode, voici les résultats auxquels nous sommes abouti : En termes des acteurs du processus étudié, nous avons produit la cartographie non exhaustive des groupes armés nationaux, entre autres le CNDP, les milices MAÏ-MAÏ (APCLS, MAÏ-MAÏ KIFUAFUA, NDC, RAÏA MUTOMBOKI, MAÏ-MAÏ SHETANI, MAÏ-MAÏ KIRIKICHO, UPCP-FPC, MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA, FRPI, MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA), PARECO-NYATURA, le M23, le MCRC ainsi que le MRE. La seconde catégorie a cartographié les groupes armés régionaux à savoir les FDLR, les ADF-NALU, et les FNL.

La troisième catégorie a répertorié les pays impliqués directement ou indirectement dans le système de parrainage des groupes armés à l'Est de la RDC dont le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, les Etats-Unis, ainsi que la Grande-Bretagne.

Quant à la quatrième catégorie, elle a identifié les organisations régionales et internationales qui, loin de se soucier de la situation sociopolitique chaotique en RDC, sont par contre animées par la quête du lucre à savoir la MONUSCO à travers ses composantes, la SADC, et la CIRGL.

Ainsi, l'avant dernière catégorie a ciblé les multinationales Anglo-Saxonnes impliquées dans des réseaux mafieux d'exploitation illicite et illégale des matières premières pour leurs industries, entre autres Consolidated European Venture de Lundin group; Barrik Gold Corporation (BGC); Anglo American Corporation (AAC); American Mineral Field Inc (AMFI); American Diamond Bayers; CLUFF; Bridge; et enfin Point Averseas Development of British Virgins Island.

Pour la dernière catégorie, elle a pointé les personnalités internationales, régionales et nationales impliquées dans des circuits de soutien aux groupes armés à l'Est de la RDC dont nous avons cité le Général SALIM SALEH de l'Ouganda; le Général James KAZINI; le Général TIKAMANYIRE; Mr JOVIA AKANDWANAHO; le Colonel UTAFIRE; le Colonel MUGENI; Mr MKAHALI; Mr ATEENYI TIBASIMA; Mr MBUSA NYAMWISI; Mr NAHIM KIHANAFFER; Mr Roger LUMBALA; Mr Jean-Yves OLIVIER; Mr Jean-Pierre Bemba; Sir Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN;

Quant aux nouveaux venus dans ces circuits de soutien aux groupes armés régionaux, nous avons identifié le Colonel MUYOMBO; le Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la prison militaire de Ndolo à Kinshasa). Du côté rwandais : Ali Hussein (transfert d'or et diamant à Bukavu et à Kisangani); l'ex Général et actuel ministre rwandais de la défense JAMES KABAREBE; Sir VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport d'amnistie internationale et de Human Rights Watch); Mr MOHAMED ALI SALEM; Mr TIBERE RUJIGIRO; Mr AZIZA KULSUM GULAMALI.

Ce premier résultat n'a fait que confirmer notre première hypothèse où on a estimé que la cartographie des différents acteurs impliqués dans le processus de guerres de l'Est de la RDC serait non exhaustive au regard de la dynamique observée dans la naissance des groupes armés et la pluralité des personnalités impliquées à différents niveaux concernant ce chaos.

Pour les relations établies entre les groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région de grands lacs, nous avons constaté que les multiples causes de la création des groupes armés à l'Est de la RDC sont directement ou indirectement liées aux différents enjeux que nous avons épinglé dans ce travail dont l'enjeu économique, qui a confirmé l'hypothèse de l'exploitation illicite et illégale des ressources minières par les groupes armés et soutenue, pour le cas de l'Est, par la CIRGL, et à l'Ouest, par la SADC; l'enjeu foncier qui nous a permis de confirmer, toujours en marge de la deuxième hypothèse, l'idée du problème foncier lié au surpeuplement tacite et à l'immigration illégale des populations allogènes en RDC; Ensuite, l'enjeu socio-culturel qui a appuyé l'hypothèse de la crise d'identité sociale donnant lieu à la nationalité douteuse pour le cas de certaines ethnies et opposant des binômes (Autochtonie/Allogénie, Hutu/Tutsi, Est/Ouest, et Banyamulenge/Banyarwanda); et enfin, l'enjeu régional qui, quant à lui, a confirmé le dernier point de la seconde hypothèse, qui faisait allusion à la problématique de la quête de l'espace par les agresseurs de la RDC, en l'occurrence le Rwanda et l'Ouganda mais aussi le Burundi, animés par une politique expansionniste, confirmant par la suite l'hypothèse de la Balkanisation de la RDC dont beaucoup d'observateurs et citoyens congolais avertis sont persuadés. Nous avons, en outre, annexé à ce travail certaines lettres demeurées secrètes, qui confirment, dans une optique qui ne fait l'ombre d'aucun doute, cette thèse de la Balkanisation qui serait issue des « accords de Lémera ».

Quant à l'impact de l'activisme de ces groupes armés opérant à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et régionale, ce dernier, vue sa complexité, a été analysé sous divers angles à savoir : Impact sur le bon fonctionnement de l'armée, impact social issu de la désinformation des medias internationaux et des pays comme les Etats-Unis, impacts psycho-sociaux sur les populations congolaises, l'inertie et la stérilité des déclarations des ONGs de défense de droits de l'homme, et enfin, l'implicite rôle et mission de l'ONU en RDC.

Tout ceci nous permettant de confirmer notre troisième hypothèse.

Remarquons cependant, qu'à l'issu des investigations, cette étude a débouché sur la confirmation de toutes nos hypothèses, en ce sens que la principale cause qui continue, du jour le jour, à favoriser la prolifération des groupes armés en RDC, c'est la question de matières premières, de la conquête du territoire (pour les groupes armés crées par les agresseurs) et de l'identité sociale (pour les deux « tribus rwandophones » : tutsi et hutu), mais aussi des conflits interethniques (autochtones-allogènes, Banyamulenge-Banyarwanda). Tout ceci étant la résultante du dépérissement de la mission de souveraineté de l'Etat en RDC, qui est incapable d'assumer la sécurité de l'ensemble de son étendue territoriale, et d'user d'une bonne diplomatie tant sur le plan régional qu'international.

Ainsi, sans prétendre avoir épuisé toutes les questions relatives à cette thématique, qui a cadré son champ de recherche sur les relations existant entre les groupes armés et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands lacs ainsi que l'impact sociopolitique de ces derniers sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la région des grands lacs, nous invitons les futurs chercheurs intéressés par elle de nous compléter en abordant certains aspects comme les groupes armés et la construction de l'Etat de droit en RDC.

* 1 E. NTUMBA BUKASA, La RDC et le processus d'intégration des pays des grands-lacs comme voie de sortie de la crise sécuritaire régionale, Mémoire en R.I, Ecole Nationale d'Administration/ENA (Paris), 2008.

* 2 International Council on Human Rights, les fins et les moyens : agir pour les droits de l'homme auprès des groupes armés, in « Conseil International pour l'étude des droits de l'homme », 2000, p.15.

* 3 Georges BERGHEZAN, Groupes armés actifs en RDC : Situation dans le Grand Kivu au 2ème semestre 2013, Rapport du GRIP, 2013.

* 4 J. STEARNS, J. VERWEIJEN, M. ERIKSSON, « Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de l'insécurité », in Institut de la Vallée du Rift/Projet Usalama, 2008-2013.

* 5 UFAREP, Restitution de monitoring sur l'état des conflits en territoire de Rutshuru sous risque d'éclatement des guerres civiles, rapport de monitoring de l'Union de Familles pour la Recherche de la Paix, 10 janvier 2011.

* 6 SADIKI PANDABILIMA, Les guerres d'agression de la RDC et leur impact sur la propagation du VIH/SIDA dans la province du Nord-Kivu : de 1996 à 2003, TFC en R.I, FSSAP, UNIGOM, 2007-2008, inédit.

* 7 H. GANZA RURIHO, Les relations de bon voisinage préalable à la paix et au développement dans la sous-région des Grands Lacs, TFC en R.I, FSSAP, UNIGOM, 2007-2008, inédit.

* 8 C. BRULET et S. FRESS,  Ben LADEN : le milliardaire devenu terroriste, film visualisé à Goma le 17 janvier 2015.

* 9 Multiplication des groupes armés et terroristes au moyen des divisions basées sur des intérêts partisans voire individuels, tout en gardant la même idéologie, les mêmes dogmes, les mêmes manières d'agir et de se comporter. Cette présente théorie est le fruit de notre humble réflexion individuelle.

* 10Al-Qaida au Maghreb Islamique, www.wikipedia.org, consulté le 25 janvier 2015 à 14h.

* 11 Le Mouvement pour l'Unité et le Jihad en Afrique de l'Ouest, www.wikipedia.org, consulté le 25 janvier 2015 à 14h10.

* 12Le Mouvement National pour la Libération de l'Azawad, Op. Cit. consulté le 25 janvier 2015 à 14h15.

* 13Le Boko-Haram, Op. Cit. consulté le 25 janvier 2015 à 14h17.

* 14Les Al-Shabab, www.google.com, consulté le 25 janvier 2015 à 14h20.

* 15La Seleka, Op. Cit. consulté le 25 janvier 2015 à 14h23.

* 16Les Anti-Balaka, Op. Cit. consulté le 25 janvier à 14h30.

* 17 Allied Democratic Forces/National Army of Liberation of Uganda, Op. Cit. consulté le 25 janvier 2015 à 14h33.

* 18 M. GRAWITZ, Méthodes de recherche en sciences sociales, Paris, 3è éd. Dalloz, 1976, p360.

* 19A. A. ESSISO ASIA, Manuel de méthodologie de recherche en sciences sociale, Kisangani, éd. De l'IRSA et Presses Universitaires de Kisangani, 2012, p.

* 20 A. MAINDO MONGANGONGA, Méthodologie de la science politique, Cours ronéotypé dispensé en L1 S.Po, FSSAP, UNIGOM, 2013-2014, inédit.

* 21 J. OTEMIKONGO MANDEFU, Méthodologie et épistémologie de la science administrative, Cours ronéotypé dispensé en L1 S.A, FSSAP, UNIGOM, 2014, pp71-75, inédit.

* 22 D. CHIMERHE MUNGUAKONKWA, Analyse géostratégique et polémologique des guerres du Kivu, Mémoire de DEA en SPA, FSSAP, UNIKIS, 2013-2014, p.14, inédit.

* 23 D. CHIMERHE MUNGUAKONKWA, Op. Cit., p.15.

* 24 Cette dernière stratégie (Leak and Lead : Infiltrer et diriger) est le fruit de notre constat et raisonnement scientifique au regard de ce qui se passe lorsqu'il y a des amnisties (lois d'impunité en RDC) qui sont accordées aux agresseurs, leur permettant, par la suite, d'occuper des postes hautement stratégiques au sein des institutions de la RDC, pour afin paralyser ces dernières et les laisser succomber à leur triste sort. Voilà pourquoi je l'ai encore qualifié de « l'entrisme » ou du « noyautage. Cfr Moïse Mbala Londa.

* 25 J. STEARNS, J. VERWEIJEN, M. ERIKSSON, Armée nationale et groupes armés dans l'Est du Congo : Trancher le noeud gordien de l'insécurité, RVI Projet Usalama, 2014, p.14.

* 26 International Council on Human Rights, les fins et les moyens, agir pour les droits de l'homme auprès des groupes armés, in ICHR, juin 2014, p.14.

* 27F. THUAL et CHAUPRADE, dictionnaire de géopolitique, Paris, Ellipses, 1998.

* 28 A. DELAY, La géopolitique, Paris, PUF, 2005, p.4.

* 29 M. GRARI, Géopolitique, Cours ronéotypé, L2 S.Po, FSSAP, UNIGOM, 2014-2015, p.6, inédit.

* 30 Y. LACOSTE, Dictionnaire de géopolitique, Paris, Flammarion, 1993.

* 31 G. D. MOSAU MBOMBO, La politique extérieure de la R.D.Congo face au pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des grands lacs africains, TFC, FSSAP, U.P.C, 2008.

* 32 E. NTUMBA BUKASA, Op. Cit. p.23.

* 33 M. GRARI, Op.Cit., p.60.

* 34 ONGD PEREXC, Rapport sur la présence des Forces et groupes armés Maï-Maï et la situation sécuritaire en Territoire de Lubero et ville de Butembo, 2007, pp.1-3.

* 35 ONGD PEREXC, Op. Cit. p.5.

* 36 Y. CRAWFORD, Politics in the Congo: Decolonization and Independence, Princeton, NY: Princeton University Press, 1965.

* 37 K. VLASSENROOT, Sud-Kivu: Identité, territoire et pouvoir dans l'est du Congo, Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2013, pp. 25-32.

* 38 S. BUCYALIMWE MARARO, Land, Power and Ethnic Conflict in Masisi (Congo-Kinshasa), 1940-1994, in International Journal of African Historical Studies, 1997, pp. 503-538.

* 39 B. VERHAEGEN,  Rébellions au Congo. Tome 1, Bruxelles/Léopoldville: CRISP, IRES et INEP, 1966, pp. 292-295.

* 40 J-C WILLAME, Banyarwanda et Banyamulenge. Violences ethniques et Gestion de l'identitaire au Kivu, Bruxelles/Paris: Institut Africain-CEDAF/L'Harmattan, 1997, p. 64.

* 41 K. VLASSENROOT, Violence et constitution de milices dans l'est du Congo: le cas des Maï-Maï, In Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2001-2002, éd. Filip Reyntjens et Stefaan Marysse, Paris: L'Harmattan, 2002, pp. 115-152.

* 42 Padiri devint le leader du plus grand groupe Maï-Maï de Bunyakiri et se retrouva à la tête d'un organisme de coordination des Maï-Maï au Sud-Kivu. Bigembe fut le leader d'un groupe armé Hutu au Sud-Masisi où il était chef du secteur de Katoyi. Akilimali était un Nyanga Maï-Maï; il a rejoint Padiri et est aujourd'hui colonel dans l'armée. Robert Seninga était en 1993 l'un des plus importants commandants Hutus. Aujourd'hui député provincial, il participe à la politique des milices.

* 43 J. STEARNS, Nord-Kivu: Contexte historique du conflit dans la province du Nord-Kivu, à l'est du Congo, Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2012, p. 26.

* 44 G. PRUNIER, Africa's World War: Congo, the Rwandan Genocide, and the Making of a Continental Catastrophe, Oxford University Press, 2009, pp. 24-29.

* 45 Le CNDD-FDD était un mouvement politico-militaire dominé par les Hutu et dirigé par Léonard Nyangoma. Peu après sa création en 1994, son aile armée passa dans les territoires d'Uvira et de Fizi au Sud-Kivu, un mouvement actuellement au pouvoir au Burundi.

* 46 K. VLASSENROOT et T. RAEYMAEKERS, Introduction dans Conflict and Social Transformation in Eastern DR Congo, éd. Gand Academia Press Scientific Publishers, 2004, pp.13-38.

* 47 K. VLASSENROOT et F. VAN ACKER, War as Exit from Exclusion? The Formation of Mayi-Mayi Militians in Eastern Congo, Afrika Focus 17, 2001, pp. 51-77.

* 48 D. TULL et A. MEHLER, The Hidden Costs of Power-sharing: Reproducing Insurgent Violence in Africa, African Affairs 104, 2005, pp. 375-398.

* 49 Massacres perpétrés dans ce camp de réfugiés proche de la frontière congolaise par des FDLR et leurs alliés Mai-Mai dans la nuit du 13 au 14 août 2004.

* 50 Le 05 janvier 2009 le Général Bosco Ntaganda avait déclaré s'être débarrassé de Laurent Nkunda.

* 51 www.kivupeace.org et www.cndp-congo.org

* 52 R. JEAN-PHILIPPE, « Le Général Nkunda prêche, la Bible dans une main, une kalachnikov dans l'autre », In Le Monde, 11 décembre 2008.

* 53 M. ERIKSSON BAAZ et J. VERWEIJEN, Between Integration and Disintegration: The Erratic Trajectory of the Congolese Army, New-York: Social Science Research Council, 2013.

* 54 Projet Usalama, personne interrogée n° 814, par téléphone, juin 2013.

* 55 N. BAUMA BAHETE, Centre pour la Paix et les Droits de l'Homme/Peace and Human Rights Center, impact de la prolifération et circulation illégales et illicites des ALPC et de la persistance des groupes armes nationaux et étrangers sur la situation sécuritaire et des droits de l'homme, politico-administrative, socioculturelle et humanitaire et socio-économique au Nord-Kivu : quel serait le rôle de l'OIF/organisation internationale de la francophonie. In CPDH-PHRC, Vendredi 12 au Dimanche 14 Octobre 2012, pp.16-17.

* 56 M. ERIKSSON BAAZ ET J. VERWEIJEN, The Volatility of a Half-cooked Bouillabaisse: Rebel-military Integration and Conflict Dynamics in Eastern DRC, African Affairs 112/449 (2013), pp. 563-582.

* 57 J. STEARNS, PARECO: Questions foncières, hommes forts locaux et politique de milice au Nord-Kivu », Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2013.

* 58 Projet Usalama, personne interrogée n° 811, Bukavu, juin 2013.

* 59 Projet Usalama, personne interrogée n° 837, Bukavu, 26 avril 2013.

* 60 K. VLASSENROOT et T. RAEYMAEKERS, Kivu's Intractable Security Conundrum, African Affairs 108/432 (2009), p.475-484.

* 61 Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2010/596, Rapport final du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 29 novembre 2010, pp. 42-60; Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2011/738, Rapport final du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 2 décembre 2011, p. 89-90.

* 62 International Crisis Group (ICG), Congo: No Stability in Kivu despite a Rapprochement with Rwanda, Nairobi/Bruxelles, 16 November 2010, p. 11-12.

* 63 J. STEARNS et AL., Les Raïa Mutomboki: Déficience du processus de paix en RDC et naissance d'une franchise armée, Londres: Institut de la Vallée du Rift, 2013.

* 64 Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/843, Rapport final du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 15 novembre 2012, p. 33.

* 65 J. STEARNS et AL., Les Maï-Maï Yakutumba, pp. 41-42.

* 66 Centre indépendant de Recherches et d'Études stratégiques au Kivu (CIRESKI), « Étude analytique sur la milice `FALL' », décembre 2012 (rapport non publié, archivé dans les dossiers du Projet Usalama).

* 67 Observatoire Gouvernance et Paix/O.G.P-Asbl, Le Sud-Kivu un véritable far West en RD. Congo : la place des ressources minières dans l'organisation économique des groupes armés nationaux et étrangers pendant l'opération Amani Leo, rapport de janvier 2010-septembre 2010, p.19.

* 68 Union des Patriotes Congolais pour la Paix/Forces Populaires Congolaises : UPCP-FPC, www.urubyiruko.wordpress.com

* 69ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/348/Add.1, Additif au rapport d'étape du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 27 juin 2012, pp. 11-12.

* 70ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 19-27.

* 71ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2013/433, Rapport de mi-mandat du Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo, 19 juillet 2013, pp. 13-15.

* 72 Société Civile Nord-Kivu.

* 73 M. GRARI, Op. Cit., pp.9-10.

* 74 P. MOREAU DEFARGES, La Géopolitique pour les nuls, collection pour les nuls, éd. First, p.4.

* 75 Dossier milice Bakata-Katanga : Un collectif d'ONG vient de produire un rapport circonstancier sur les événements du 23 mars à Lubumbashi, www.kongotimes.info, consulté le 13 avril 2015 à 13h30.

* 76 Idem

* 77 Dossier milice Bakata-Katanga, Op. Cit.

* 78 Baudouin Amba Wetshi, Objectif du Colonel TSHIBANGU : Chasser « Kabila » et installer TSHISEKEDI à la tête de l'Etat, www.kongotimes.info, consulté le 13 avril 2015 à 13h33.

* 79Baudouin Amba Wetshi, Op. Cit.

* 80 G. BERGHEZAN,Op. Cit., p.12.

* 81 G. BERGHEZAN,Op. Cit., p.20.

* 82 D. CHIMERHE M., Géostratégie, Cours ronéotypé, FSSAP, L1 R.I, UNIGOM, 2013-2014, p.47, inédit.

* 83 Le tantale est utilisé pour la fabrication des condensateurs des téléphones portables et des consoles de jeux.

* 84 D. DE FAILLY, Coltan : pour comprendre, in L'Afrique des Grands-Lacs, annuaire 2000-2001 , Centre d'études de la région des Grands-Lacs d'Afrique, Anvers, L'Harmattan, Paris, 2002, pp 280-306.

* 85 Les rapports d'un premier groupe d'experts se sont échelonnés de 2001 à 2003. Face à la dégradation de la situation en RDC, un nouveau Groupe d'experts sur la République démocratique du Congo a été créé en 2007, et reconduit en 2008. Pourtier Roland.

* 86 C. MUSILA, Economie et géopolitique de la paix dans les Grands Lacs, fiche d'analyse, octobre 2014.

* 87 N. KIBEL'BEL OKA, Les marionnettes congolaises. Essai, Les Editions du Panthéon, Paris, 2012, pp.68-69.

* 88 S. MARYSSE et F. REYNTJENS,  L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2000-2001, L'Harmattan, Paris, 2001, p.100.

* 89 Information nous fournie à la 8è Région Militaire/Nord-Kivu.

* 90 M-A LAGRANGE,?Economie de la paix, Conférence au Café Diplomatique - Ecole d'été de transformation des conflits, Chaire Culture de la Paix & Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa, 13 septembre 2014.

* 91 S. MARYSE et F. REYNTJENS, Op. Cit., p.125.

* 92 Idem

* 93 Entre juillet et août 2013, le président tanzanien Jakaya Kikwete a ouvertement critiqué son homologue rwandais Paul Kagame pendant que d'anciens réfugiés rwandais étaient expulsés de Tanzanie. Le président rwandais avait répliqué qu'il était prêt à frapper tout régime qui essayait de le déstabiliser avant que Jakaya Kikwete lui rappelle que la Tanzanie est prête à défaire les dictatures comme elle l'avait fait en son temps pour Idi Amin Dada. Ces échanges avaient menacé la dislocation de l'East African Community (EAC), car la Tanzanie menaçait d'en sortir. La mort d'un casque bleu tanzanien en RDC dans des combats contre le M23 avait fait monter la tension entre les deux Etats membres de l'EAC et de la CIRGL.

* 94R. POURTIER, L'économie minière au Kivu et ses implications régionales, In INICA (Initiative pour l'Afrique Centrale) OCDE, 2004.

* 95 Global Witness, Le pillage des ressources reste le moteur du conflit dans l'Est du Congo, 1er novembre 2008, In www.globalwitness.org, consulté le 20 avril 2015 à 15h.

* 96 Les FDLR contrôlent les mines d'or et de cassitérite principalement au Sud-Kivu dans les territoires de Shabunda, Mwenga, Walungu, Uvira et Fizi.

* 97 H. NICOLAÏ, La répartition et la densité de la population au Kivu, Académie Royale des Sciences d'Outre-mer, Classe des Sciences naturelles et médicales, Mémoire Nouvelle série Tome 24, fasc.2, Bruxelles, 1998.

* 98 M. MATABARO, La crise foncière à l'Est de la RDC, in L'Afrique des Grands-Lacs, annuaire 2007-2008 , Centre d'études de la région des Grands-Lacs d'Afrique, Anvers, L'Harmattan, Paris, 2008, pp.385-414.

* 99 S. BUCYALIMWE MARARO, Pouvoirs, l'élevage bovin et la question foncière au Nord-Kivu, in L'Afrique des Grands-Lacs, annuaire 2000-2001, L'Harmattan, Paris, 2001.

* 100 A. GUICHAOUA, Destins paysans et politiques agraires en Afrique centrale, tome 1, L'Harmattan, 1989. Selon l'auteur 150 000 hectares auraient été accordés aux Banyarwanda.

* 101 M. PAUL ET A. MAFIKIRI TSONGO, Guerres paysannes au Nord-Kivu (République démocratique du Congo) : 1937-1994, in Cahiers d'Etudes africaines, n° 150-152, 1998, p.385-416.

* 102 F. TALLON, Données de base sur la population : Rwanda, CEPED, décembre 1991.

* 103 R. POURTIER, Le Kivu dans la guerre: acteurs et enjeux, in EchoGéo-revues, 2009, p.38.

* 104 J.P PABANEL, La question de la nationalité au Kivu, in Politique africaine, n° 41, mars 1991, pp 32-40. «  La nouvelle loi sur la nationalité stipule, conformément à la Constitution votée par referendum en 2005, que les personnes résidant sur le territoire à la date de l'indépendance étaient congolaises, mais toutes les ambiguïtés ne sont pas levées dans un pays dont le personnel administratif a montré une grande capacité à fabriquer des papiers contre espèce sonnante et trébuchante ».

* 105 En 1965 déjà un conflit violent dit du « Kanyarwanda » avait vu les rwandophones se soulever contre le pouvoir coutumier des Hunde.

* 106 R. POURTIER, Les camps du Kivu ou la gestion de l'éphémère, Déplacés et réfugiés : la mobilité sous contrainte, sous la direction de V. Lassailly-Jacob, J.Y. Marchal, A. Quesnel, in IRD éditions, 1999, pp 451-477.

* 107 J. NZABANDORA, Anthropologie politique, cours ronéotypé, L1 SPA, FSSAP, UNIGOM, 2013-2014, p.35, inédit.

* 108 M. GRARI, Op. Cit., p.39.

* 109 M. GRARI, Op. Cit., p.10.

* 110 C. MUSILA, Les défis de la paix dans la région africaine des grand- lacs après les massacres de 1994, Fiche d'analyse.

* 111 M. GRARI, Op. Cit., p.9.

* 112 Interview accordé par Jeune Afrique à Russ Feingold, dans le cadre du sommet France-Afrique, le 06 décembre 2013, dont copie en annexe de ce travail.

* 113 Cyril Musila op. Cit.

* 114 Cyril Musila op. Cit.

* 115 Cyril Musila op. Cit.

* 116 Joseph Kabila est un ancien maquisard du Front Patriotique Rwandais, le mouvement politico-militaire à la tête duquel Paul Kagame s'empara du pouvoir à Kigali en juillet 1994, sous le parrainage du président ougandais Yoweri Museveni. Devenu Armée Patriotique Rwandaise, ce mouvement envahit le Congo en 1996 sous le commandement du Général James Kabarebe, l'actuel ministre rwandais de la défense. Dans ses rangs, un certain « Commandant Hyppo », qui deviendra, quatre ans plus tard, Joseph Kabila Kabange. Cfr La vérité sur Kabila, film visualisé à Goma le 15 janvier 2015 à 16h30.

* 117 Dans son discours devant l'Assemblée Générale de la Société de droit de l'Afrique de l'Est (The East Africa Law Society Général Assembly) du 04 avril 1997, le Président ougandais déclare : « Ma mission est d'assurer que l'Erythrée, l'Ethiopie, la Somalie, le Soudan, l'Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et le Zaïre deviennent des Etats fédérés sous une même nation. Cela maintenant un choix, mais une obligation que l'Afrique de l'Est devienne une seule nation. Ou nous devenons une seule nation, ou nous périssons. De même qu'Hitler fit pour unifier l'Allemagne, de même nous devrions le faire ici. Hitler était un chic type, mais je pense qu'il est allé un peu trop loin en voulant conquérir le monde entier ». De son côté, le Rwanda a prôné dès octobre 1996 l'organisation d'une « Conférence de Berlin II » en vue d'un nouveau tracé des frontières.

* 118 P. MBEKO et H. NGBANDA, Stratégie du chaos et du mensonge-poker menteur en Afrique des Grands Lacs, Paris, éd. De l'Erablière, 2014, p.37.

* 119 Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001 dans son palais à Kinshasa. Le Général André Kisase Ngandu a été assassiné le 06 janvier 1997 près de Rutshuru. Anselme Masasu Nindaga a été exécuté près de Pweto le 24 novembre 2000 suite à sa condamnation à mort par la Cour d'ordre militaire.

* 120 Ce document est toutefois au coeur de controverses pour des raisons évidentes. Guy de Boeck, après être interrogé sur l'authenticité de ces accords, conclut néanmoins qu'un accord secret a pu être conclu entre Paul Kagame et Laurent-Désiré Kabila. Cfr Guy de Boeck, « 1996 Le Monstre du Lac Tanganyika ou les Accords de Lemera », www.congoforum.be, le 04 février 2009 à 15h32.

* 121 Les FARDC avaient victorieusement repoussé l'offensive du M23, bataille au cours de laquelle 150 assaillants avaient été tués. Mais pour des raisons inexpliquées, le Général Bahuma reçut l'ordre venant de Kinshasa de laisser la conduite des opérations au Général Gabriel Amisi alias Tango Four (un proche du président Kabila et du Général rwandais James Kabarebe). Celui-ci va ordonner aux FARDC de se replier à Sake, facilitant ainsi une entrée triomphale de l'armée rwandaise dans Goma sous les caméras du monde entier. Selon la journaliste belge, Colette Braeckman, l'ordre d'abandonner Goma à l'ennemi fut donné par le Général Didier Etumba, l'actuel chef d'Etat-major général des FARDC. Quelques mois auparavant, le Général Amisi avait ordonné cinq jours de trêve aux soldats congolais qui étaient au point de capturer Bosco Ntaganda. Celui-ci profita de cette trêve pour s'exfiltrer vers la frontière rwandaise. Pour faciliter à l'armée rwandaise d'opérer dans les Kivus, la hiérarchie de l'armée congolaise use d'une panoplie de stratagèmes pour saboter les opérations sur terrain. Certains stratagèmes sont toutefois lourds de conséquences. En 2012, le 322è bataillon des unités de réaction rapide, des soldats bien formés par la Belgique et motivés, a été envoyé au front avec les munitions et la ration pour deux jours seulement. Résultat : la moitié du bataillon est tombée sur le champ ou portée disparu. Pour approfondir la question des trahisons dont les soldats congolais sont victimes dans les Kivus de la part de leur propre hiérarchie, nous nous sommes ressourcé sur Jean-Jacques Wondo Omanyundu, « Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable?, Bilan-Autopsie de la défaite du M23, Prospective, éd. www.desc-wondo.org, consulté le 01 avril 2015 à 9h15.

* 122Plusieurs procédés sont utilisés pour organiser la défaite des soldats congolais. Il s'agit notamment des ordres contradictoires et du sabotage de la logistique. En novembre 2012, les soldats congolais ont reçu l'ordre d'abandonner la ville de Goma à l'armée rwandaise opérant sous couvert du M23.

* 123Les membres du RCD, l'ancêtre du M23, sont à l'abri de poursuites judiciaires aux termes de l'article 8 de l'accord global et inclusif sur la transition signé à Pretoria le 17 décembre 2002 et adopté à Sun City le 1er avril 2003. Ceux qui ont rejoint le CNDP de Laurent Nkunda et Bosco Ntaganda ont été amnistiés au terme de l'article 3 de l'accord du 23 mars 2009 qui ouvrait la voie à la « guerre du M23 ». Ils ont même rejoint le premier cercle de Joseph Kabila et fait partie de la majorité présidentielle de Kinshasa (PPRD). Ils ont ardemment milité pour la réélection de Joseph Kabila en 2011. Ceux qui, plus tard, ont rejoint le M23 sont, de fait, mis à l'abri de poursuites judiciaires en application de la loi d'amnistie du 11 février 2014.

* 124 Mais le président Kabila n'est pas le seul à « oeuvrer » pour que les agresseurs bénéficient continuellement de la totale impunité. On se souvient de l'activisme avec lequel le sénateur américain Russ Feingold (envoyé spécial de Barack Obama dans la région des Grands Lacs) et l'ancienne présidente irlandaise Mary Robinson (représentante du Secrétaire général de l'Onu) ont milité pour que le principe d'amnistie (en fait, d'impunité) soit adopté dans le cadre des pourparlers de Kampala. Il est évident que si les agresseurs sont arrêtés et poursuivis en justice pour les crimes de guerre qu'ils commettent, le projet de balkanisation du Congo tombe à l'eau faute de combattants. Il « faut » donc, à chaque fois, les mettre à l'abri de poursuites judiciaires pour qu'ils soient continuellement en situation de reprendre les armes contre le Congo.

* 125P. MBEKO et H. NGBANDA estiment que les 12 mille soldats rwandais arrivés sur le sol congolais et signalés «disparus » dans la nature ont été, en réalité, infiltrés dans les rangs des FARDC. L'opération conjointe contre les FDLR était, en réalité, une manoeuvre visant à accroitre le nombre des agents rwandais infiltrés dans les rangs de l'armée congolaise.

* 126 « Au département d'Etat, le Kivu fait partie du Rwanda », www.congoforum.be, consulté le 12 avril 2015; L'interview est disponible sur http://www.youtube.com, Face à la réaction des Congolais, le diplomate américain a essayé de minimiser la portée de ses propos en faisant publier une lettre dans la presse de Kinshasa. Cfr « Herman Cohen s'explique à propos de ses déclarations sur le Kivu », www.lardc.net, consulté le 12 avril 2015 à 13h23.

* 127 Fils d'un vendeur de coltan de Chicago, ancien assistant du secrétaire d'Etat américain pour l'Afrique et ancien membre de la Task Force du Département de la Défense pour les minerais stratégiques (Dept. Of Defense Task Force on Strategic Minerais). Walter Kansteiner est, depuis, considéré comme l'idéologue de l'holocauste de l'Est du Congo.

* 128 «Genocide and Covert Operations in Africa, 1993-1999» , Prepared Testimony and Statement of Wayne Madsen, US House of Representatives, Committee on International Relations, 2001, Centre for Research on Globalization (CRG), www.globalresearch.ca, consulté le 24 avril 2015 à 12h00.

* 129 K. JOONEED, Bush nomme à l'Afrique un champion du démembrement du Congo, in La Presse, 3 avril 2001.

* 130 L'Ambassadeur Afro-américain Johnnie Carson sait de quoi il parle. Il fut, de 1991 à 1994, Ambassadeur des Etats-Unis à Kampala et, à ce titre, il a accompagné la consolidation du pouvoir de Yoweri Museveni en Ouganda, l'invasion du Rwanda par les éléments tutsi de l'armée ougandaise et finalement la conquête totale du Rwanda par ceux-ci en 1994. Il n'a pas quitté la région puisque de 1999 à 2003, il était Ambassadeur au Kenya, d'où il pilotait les invasions successives de la RDC, la chasse aux anciens dignitaires rwandais pour qu'ils ne puissent plus se positionner en opposants crédibles et la poursuite de la partition du Soudan, une mission que le président ougandais avait dans son cahier de charge. Ce sera chose faite en 2011. Les troupes rwandaises y sont aujourd'hui déployées. Ayant accompli sa tâche, Museveni charge Kagame d'accomplir la sienne, à savoir détacher les provinces du Kivu de la RDC. Cfr Gislain Mikeno, «Paul Kagame a une mission : la balkanisation de la RDC », 4 mars 2013.

* 131 Sarkozy veut dépecer la RDC, www.courrierinternational.com, consulté le 20 janvier 2015 à 11h45.

* 132 « Nous avons par ailleurs appris de source digne de foi que durant son séjour au Rwanda, en janvier 2008, l'actuel secrétaire générale de l'ONU, le Sud-Coréen Ban Ki-Moon, aurait donné son soutien à l'homme fort du Rwanda dans sa politique d'occupation des riches territoires du Kivu. Les mêmes sources nous ont signalé la tenue d'une réunion à huis clos le 26 janvier 2008 entre le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et les chefs rebelles tutsis Laurent Nkundabatware et Jules Mutebutsi, au cours de laquelle le ministre français aurait demandé à Laurent Nkunda de ne pas s'inquiéter et de faire confiance à l'Union Européenne et aux USA qui auraient, depuis longtemps, signé une convention avec les tutsis, laquelle devrait rassurer tous les tutsis puisqu'elle n'est pas à l'avantage des Congolais mais plutôt à l'avantage de la cause des populations tutsies présentes au Congo ». Cfr P. MBEKO, Le Canada dans les guerres en Afrique centrale : Génocides & Pillages des ressources minières du Congo par Rwanda interposé, Paris, éd. Le Nègre, 2012, p. 469.

* 133En l'occurrence le Rwanda de Paul Kagame et l'Ouganda de Yoweri Museveni.

* 134 P. MBEKO et H. NGBANDA, Op. Cit, p.601.

* 135 Idem, p.569.

* 136 Idem, pp.407-516, Les rôles respectifs des trois présidents sont détaillés tout au long du chapitre VII.

* 137 P. MBEKO et H. NGABANDA, Op. Cit., Après avoir exploré les incohérences et les contradictions entre les biographes de « Kabila » (p.453-473), et analysé des renseignements obtenus au bout de ses recherches personnelles, l'auteur aboutit à la conclusion que « Joseph Kabila » est un nom d'emprunt. Il recommande de le mettre entre guillemets.

* 138 P. MBEKO explique le pourquoi de la création de la fausse ethnie « Banyamulenge » dite « Tutsis congolais ». Elle a servi à prolonger, sur le sol congolais, l'histoire du génocide des Tutsis au Rwanda pour mieux masquer les agressions que menaient les Américains et les Britanniques contre le Zaïre. Il saisit l'occasion pour démonter la distorsion de l'histoire des immigrations des populations rwandaises au Congo, depuis l'époque coloniale, p.321.

* 139 Lettre du 20 juin 1981, adressée par les membres du « réseau tutsi » établis au Zaïre au Secrétaire général de l'ONU dont copie en annexe.

* 140 P. MBEKO ET H. NGBANDA, Op. Cit., pp 395-398.

* 141 Idem, p. 496.

* 142 Cette dernière stratégie (Leak and Lead : Infiltrer et diriger) est le fruit de notre constat et raisonnement scientifique au regard de ce qui se passe lorsqu'il y a des amnisties (lois d'impunité en RDC) qui sont accordées aux agresseurs, leur permettant, par la suite, à occuper des postes hautement stratégiques au sein des institutions de la RDC, pour afin paralyser ces dernières et les laisser succomber à leur triste sort. Voilà pourquoi je l'ai encore qualifié de « l'entrisme » ou du « noyautage. Cfr Moïse MBALA LONDA.

* 143 On donne l'impression de s'occuper d'un problème alors qu'on ne s'en occupe pas.

* 144P. MBEKO et H. NGBANDA, Op. Cit., Cette immixtion peut être lourde de conséquences. Lumumba fut assassiné avec la complicité de l'ONU en 1960. Laurent-Désiré Kabila a subi le même sort en janvier 2001. « Demain, on peut se demander et savoir qui est la victime en ligne de mire », p. 616.

* 145 P. BARACYETSE, L'enjeu géopolitique des transnationales minières au Congo, cité par Chimerhe Munguakonkwa dans « Géostratégie », Op. Cit., p.83.

* 146 ONU, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 29-33.

* 147Idem, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2012/843, pp. 32-34.

* 148HONORE NGBANDA, ancien conseiller spécial en matière de sécurité du président Mobutu, est l'auteur de remarquables ouvrages sur le Congo. Entre autres, Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal Mobutu, Éd. Gideppe, Paris, 1998 ; Crimes organisés en Afrique centrale, Éd. Duboiris, 2004 ;... Il est le Président de l'APARECO (Alliance des Patriotes pour la Refondation du Congo) un mouvement qui prône la « résistance à l'occupation du Congo ».

* 149 P. MBEKO et H. NGBANDA, Op. Cit., pp.487-488.

* 150 Idem, p.488.

* 151 Idem, p.373.

* 152 Idem, « Depuis, il est décédé des suites d'une longue maladie causée, selon certaines langues par un empoisonnement », pp.486-487.

* 153 Idem, Parmi les déclarations citées dans l'ouvrage, celles de Johnnie Carson, sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires africaines durant le mandat Clinton (p.544); Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d'Etat américain aux Affaires africaines (p.560-561), Nicolas Sarkozy (p.531-533) et même, plus surprenant, des dirigeants belges comme Didier Reynders et Jean-Pascal Labille (p.534).

* 154 Idem, L'auteur cite le cas de l'Ituri et lance un cri d'alarme : « ... une bonne partie de la région de l'Ituri est de facto sous contrôle de l'Ouganda. Sans tambour ni trompette. Dans tout l'Ituri (Mahagi, Aru, Ariwara, Watsha...) la monnaie officielle d'échange et de consommation est le shilling ougandais! Certains travaux publics de réfection de route et des bâtiments publics de l'Etat sont assumés par le pouvoir ougandais. Les postes frontaliers d'immigration et de douane sont contrôlés par des agents et des officiers ougandais. Des terres arables sont cédées aux fermiers ougandais qui font venir la main d'oeuvre de l'Ouganda pour occuper le terrain. Plus grave, de plus en plus des congolais autochtones, pour la plupart des commerçants de la tribu Nande, approuvent cette forme « douce » de l'occupation, s'estimant trahis et abandonnés par le pouvoir central et leurs propres députés », p.554.

* 155 P. MBEKO et H. NGBANDA, Op. Cit., pp.611-615.

* 156 On donne l'impression de s'occuper d'un problème alors qu'on ne s'en occupe pas.

* 157P. MBEKO, Op. Cit., Cette immixtion peut être lourde de conséquences. Lumumba fut assassiné avec la complicité de l'ONU en 1960. Laurent-Désiré Kabila a subi le même sort en janvier 2001. « Demain, on peut se demander et savoir qui est la victime en ligne de mire », p. 616.

* 158 Idem, p.617.

* 159 J. M. WASHINGTON, The essential Writings and Speeches of Martin Luther King, Harper, San Francisco, 1991, pp.16-20.

* 160 SUN TZU, Art de la guerre, Vè et VIè Siècle av. JC, traduit « Les Treize articles de Sun-Tse » en 1772 par Joseph-Marie Amiot.






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