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La neknomination : défi d'expression de soi et culture du « share ».

( Télécharger le fichier original )
par Clémence CORDEAU
Institut Français de Presse (Paris 2) - Master 1, Sciences politiques et sociales, mention médias, information et communication 2015
  

Disponible en mode multipage

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Université Panthéon-Assas

Institut Français de Presse (IFP)

Mémoire de master/ Juin 2015

Mémoire de Master 1, Sciences politiques et sociales, mention médias, information et communication

dirigé par Valérie Devillard

La Neknomination :

Défi d'expression de soi et Culture du « Share »

 

Clémence Cordeau

Sous la direction de Colin Robineau

Date de dépôt : 4 juin 2015

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

Avertissement

La Faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises
dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

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Remerciements

Je remercie Colin Robineau sans lequel ce mémoire n'aurait pas pu voir le jour, pour ses conseils, toujours précieux et justes, la méthodologie qu'il nous a enseigné et pour s'être rendu disponible afin de répondre à nos questions.

Merci à Frédéric Lambert et Maëlle Bazin dont j'ai suivi le séminaire de sémiologie au premier semestre. Je les remercie pour leur aide, leurs conseils qui m'ont été précieux afin de constituer et de bien analyser mon corpus de vidéos, objet central et indispensable de cette étude.

Merci aux professeurs de l'IFP pour leurs cours qui m'ont éclairé et servi pour la rédaction de ce mémoire, tant au niveau du contenu que de la méthodologie et de l'écriture qu'un chercheur en sciences humaines et sociales se doit de respecter.

Je voudrais adresser des remerciements à Guillaume Sire dont le cours « Réseaux de communication et innovations sociales » m'a été tout particulièrement utile dans ma réflexion sur le phénomène de Neknomination et dans ma compréhension des différentes recherches sociologiques utilisées.

Un grand merci aux enquêtés qui ont accepté de m'accorder de leur temps afin d'éclairer mon sujet d'étude et d'apporter des preuves empiriques aux différentes théories mobilisées.

Enfin, je remercie les quelques personnes de mon entourage qui ont bien voulu relire ce mémoire afin de clarifier les points sur lesquels je ne m'étais pas assez attardée.

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

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Résumé :

Entre défi d'expression de soi et culture du « Share », la Neknomination, ces chaînes de vidéos où des internautes se sont filmés buvant cul-sec de l'alcool sur Facebook, illustre, de façon significative, les nouvelles pratiques de sociabilisation qui sont encore en train de se faire à l'heure où le numérique a pris une place considérable dans nos quotidiens. L'hypothèse selon laquelle les espaces de socialisation numériques et physiques sont interconnectés, inséparables les uns des autres, constituera le leitmotiv de cette étude, à la fois théorique et empirique. On étudiera ainsi les manières dont les internautes construisent et façonnent leurs identités sur les réseaux socionumériques au travers d'une auto-présentation et d'une mise en scène de soi bien pensées. On analysera la question du défi que sous-tend le phénomène de Neknomination comme matière à se sociabiliser (ou à ne pas se désociabiliser) dans la communauté bien spécifique de ceux qui ont pris part à ce grand jeu d'alcool 2.0. Nous verrons également de quelle manière une pression à différents niveaux s'exerce dans cette communauté. Enfin, comment oublier la question de la viralité, conséquence de cette Culture du « Share », lorsque l'on parle de chaînes de vidéos sur Internet. Véritable réalisation collective, entre individualisme et solidarité ; entre similitude et différence, on verra comment la Neknomination circule dans l'espace socionumérique mais aussi et surtout dans quel but les internautes s'y adonnent.

Mots clés : Neknomination, identités numériques, réseaux socionumériques, réseaux sociaux, culture expressive, défi, alcool, auto-présentation, vidéos, mise en scène de soi, viralité, Social Bragging, besoin de reconnaissance

 

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Sommaire

Introduction 6

Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0 ? 12

Chapitre 1 : La culture expressive 12

Chapitre 2 : Une mise en scène assumée devant un public ciblé 19

Partie 2 -- Le défi comme matière à sociabiliser 27

Chapitre 3 : Un jeu d'alcool en clair obscur 27

Chapitre 4 : La pression sociale du défi 34

Partie 3 -- La nature virale de la Neknomination 41

Chapitre 5 : La culture du « Share » 41

Chapitre 6 : Contagion et propagation de la Neknomination 48

Conclusion 56

Bibliographie 59

Sources 61

Corpus 62

Table des annexes I

 

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Introduction

Les réseaux sociaux, vastes territoires investis par des milliers d'internautes. Ils nous ont conquis et, aujourd'hui, il n'est presque plus possible d'y échapper, surtout lorsqu'on fait partie des Digital Natives ou natifs numériques, ces jeunes de la génération Y, nés avec Internet entre le début des années 1980 et celui des années 2000. Mais qu'est-ce que ces réseaux ont changé à nos vies ?

Ils ont d'abord et surtout modifié comment on s'exprime et à qui on s'adresse. Pour mieux comprendre cette affirmation, il convient de revenir sur la création de ces nouvelles plateformes que sont les réseaux sociaux.

Historique de la réussite des réseaux sociaux

Pourquoi les réseaux sociaux ont pris autant d'importance dans nos vies ? La réponse à cette question tient en une invention simple mais efficace qu'est la mise en place progressive de la liste d'amis comme principal outil de navigation. Inspirée par les travaux de Stanley Milgram sur les « six degrés de séparation » montrant les réseaux d'interconnaissances entre plusieurs personnes totalement inconnues. En bref, le vieil adage qui nous dit que « le monde est petit ». Cette étude fût réalisée en 1967, reprenant une idée développée en 1929 par Frigyes Karinthy. Milgram a ainsi démontré que tout individu est facilement relié à un autre par une chaîne de relations sociales. Grâce à cette expérience empirique réalisée sur 217 individus, une longueur moyenne de ces chaînes de connaissances a été établie, celle-ci étant de 5,2 intermédiaires avant d'avoir une connaissance commune entre deux personnes. Il est donc assez évident que cette étude constitue l'un des principes fondateurs des réseaux sociaux actuels, mais cette théorie a malgré tout été profondément chamboulée par

 

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ces derniers, on dit souvent que les réseaux sociaux, et plus particulièrement Facebook a rétréci le monde. Une étude réalisée en 2011 par quelques chercheurs en partenariat avec le site Facebook a montré que ces six degrés de séparation ont été ramenés à 4,74 en moyenne alors que le site mobilisait 10% de la population mondiale cette année là.

La réussite de ces sites s'appuie sur une forme inédite de navigation qui s'inspire des formes de socialisation dans les espaces physiques, notamment par la mise en place d'un moteur de recherche imparfait où seule la connaissance a priori de l'identité d'une personne, nous permet de la retrouver, ou une exploration des traces d'activité d'amis en amis. Une expérience donc très proche des attentes et des pratiques ordinaires des utilisateurs. « Véritable opérateur de territorialisation, le réseau social transforme l'univers proliférant du Web en un espace familier et navigable. Il impose aussi une contrainte de réalisme pour les participants puisqu'il est beaucoup plus difficile de jouer avec ses caractéristiques identitaires lorsque celles-ci sont soumises au regard des proches »1. C'est ce qui se joue lorsqu'on parle de Facebook, un réseau dans lequel on s'exprime, selon Dominique Cardon, en « clair obscur », « cette zone de familiarité contrôlée dans laquelle les utilisateurs rendent publics des éléments parfois très personnels de leur vie quotidienne tout en pensant ne s'adresser qu'à un réseau de proches » dans lequel deux processus d'individualisation s'observent : le processus de subjectivation, qui témoigne davantage d'une capacité de faire que d'une identité, et un processus de simulation par lequel l'internaute exprime ses multiples facettes afin d'afficher sa différence et accroître ses chances d'être identifié par d'autres. Ce « souci de distinction et de différenciation à l'égard des autres qui s'affiche par la mise en scène de signes identitaires sert avant tout à relier ». « Il traduit ensuite un désir d'individualisation et de singularisation expressive qui fait de plus en plus dépendre l'identité de chacun des signes de reconnaissance qu'il reçoit des autres »2.

1 Dominique Cardon, « L'identité comme stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/ 2009, p. 142

2 Ibid.

 

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Naissance des bravades démonstratives du web

C'est dans ce contexte que ces bravades, appelés Social Bragging, sont nées sur les réseaux sociaux. Des chaînes, des jeux, dangereux ou non, tout y passe et les jeunes en raffolent tout en s'en lassant très vite. Ephémères, ces contenus sont pourtant imperméables, scotchés sur la toile et participent de notre eReputation, de l'expression de soi et des réactions attendues après leur partage. Selon Beauvisage et al., « les médias sociaux du Web opèrent une intrication inédite entre sociabilité et contenus, entre discussion et partage, entre dire et faire ». L'objectif de ces bravades et de toujours faire mieux que son prédécesseur pour marquer sa différence et être reconnu par ses pairs.

La Neknomination

La Neknomination est une de ces nombreuses bravades démonstratives auxquelles s'adonnent, chaque année, de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux. Cette chaîne de vidéos dans lesquelles des internautes se filmaient buvant cul-sec un verre d'alcool (ou tout autre récipient susceptible de contenir un liquide). Le nom est un néologisme qui résulte de la combinaison de « Nek », venant de l'expression anglophone, « To neck your drink » (« boire cul-sec ») et « nomination »3. Effectivement, avant de devoir réaliser leur vidéo, chacun des internautes doit avoir été nominé par un confrère qui a lui-même relevé ce défi. Lorsqu'une personne est nominée, elle doit également nominer à son tour trois autres personnes qui auront un temps limité pour réaliser et publier sa Neknomination sur Facebook. Dans ce mémoire, ceux qui nominent seront appelés « Neknomineurs » et les nominés, « Neknominés ».

Le choix de la Neknomination a été une évidence, défi polémique à cause du rapport explicite à l'alcool, beaucoup de personnes, dont j'étais, n'ont pas compris les internautes qui l'ont pratiqué. Dans mon entourage, une majorité a qualifié de

3 Prononcé à l'anglaise ou à la française selon les personnes

 

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« débile » cette pratique, donnant comme principal argument, le danger de s'exposer sur Internet buvant une grande quantité d'alcool, ou pour certain, leur ivresse. Assez d'accord, lorsqu'en février et mars 2014, ces vidéos ont envahi mon fil d'actualité Facebook. Par ce mémoire, j'ai voulu comprendre ce qui avait poussé certains utilisateurs du réseau social à participer à cette chaîne 2.0. Je ne me doutais alors pas que cette pratique était un exemple symptomatique des transformations qui s'opèrent en terme de socialisation à l'ère du numérique et de ses réseaux sociaux.

Cette étude interroge des problématiques en construction, dynamiques, aucunes d'entre-elles ne sont arrêtées car les réseaux socionumériques, eux aussi, sont en constante évolution et les individus se les approprient dans leur quotidien en créant de nouvelles manières de communiquer. Ils s'en sont imprégnés pour reconstruire leurs espaces de sociabilités. L'hypothèse selon laquelle, espaces, physique et numérique sont interconnectés sera le leitmotiv de cette recherche. On pourra ainsi voir que les internautes construisent leur identité sur l'Internet, plus explicitement que dans l'espace physique, dans la mesure où ces données sont stockés et analysables de manière permanente. Une enquête d'un échantillon d'utilisateurs de Facebook a été réalisée pour mieux montrer cette interconnexion entre ces deux mondes inséparables.

Pour cette étude et afin d'avoir une base théorique solide, différents auteurs scientifiques ont été mobilisés, souvent sociologues spécialisés dans le domaine du numérique. Maintenant incontournable dans les études sur les identités numériques, ou plutôt de ce que le numérique a fait des et aux identités, Dominique Cardon n'a évidemment pas pu être oublié pour questionner la Neknomination. Il en va de même pour son confrère Antonio A. Casilli dont les recherches ont éclairé cette analyse. Les études de Monique Dagnaud sur les jeunes et le rapport à la fête ont été mobilisées pour comprendre la culture de ces jeunes étudiants avides de soirées. Fabien Granjon et Julie Denouël ont permis d'interroger les questions de la reconnaissance par les pairs qui se joue sur ces plateformes. Enfin, Thomas Beauvisage a apporté des analyses solides quant à la viralité des contenus sur le web. Ceci ne constitue pas une liste exhaustive des auteurs mobilisés qui seront, de toute façon, cités en

 

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bibliographie et tout au long de ce mémoire, mais une liste des principaux chercheurs dont les études ont pu éclairer ce sujet.

Ces différentes théories ont ensuite été appliquées à un corpus de huit vidéos. Cinq vidéos4 constituent une partie d'une chaîne de Neknomination dont leurs auteurs5 ont fait l'objet d'une enquête et ont été interrogé indviduellement selon une grille d'analyse précise6.

Le principal problème rencontré a été celui de la récupération de vidéos qui constituaient mon panel d'étude. Certains avaient supprimé leur vidéo de Facebook, d'autres ne voulaient pas me la confier, des négociations se sont entamées, et j'ai pu réussir à récupérer la plupart en me déplaçant dans une autre ville pour les récupérer par souci technique car les fichiers étaient trop lourds pour s'envoyer par mail et la personne qui les avait récupéré ne savait pas comment faire autrement. Pour deux autres vidéos, les personnes n'ayant pas gardé leur enregistrement sur leur ordinateur, il a fallut trouver un moyen de les enregistrer, le téléchargement des vidéos sur Facebook n'étant pas possible, j'ai donc fait une sorte de screenshot vidéo, filmer mon ordinateur de l'intérieur via QuickTime, je m'excuse de la qualité sonore de ces vidéos.

Ainsi, ce mémoire entend avoir une approche à la fois théorique et empirique pour tenter de comprendre de quelle manière les vidéos de Neknomination participent d'un besoin de reconnaissance dans les espaces sociaux, numériques et physiques et comment circulent-elles dans l'espace socionumérique.

Il s'articule autour de trois parties. La première questionne les manières dont les internautes utilisent l'espace de socialisation qu'est le web. Nous verrons comment les internautes construisent et façonnent leurs identités sur ces réseaux

4 Les trois vidéos restantes sont des ratés.

5 Sauf un qui n'a pas voulu répondre à l'étude.

6 Voir Guide d'entretien en Annexes

 

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socionumériques par l'intermédiaire d'une auto-présentation réfléchie dont la Neknomination constitue un bon exemple.

La seconde interroge la question du défi comme matière à sociabiliser ou à ne pas se désociabiliser autour d'une étude sur les internautes qui ont pratiqué la Neknomination, des étudiants fêtards, adeptes des jeux d'alcool. Elle analysera également autour de la question du défi, la pression exercée par les pairs.

Enfin, la troisième partie étudiera la question de la viralité des contenus sur le web, elle montrera comment circulent-ils dans cet espace socionumérique mais surtout dans quel but, car c'est bien en cela que la Neknomination, notamment, prend tout son sens pour ces jeunes.

 

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Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0 ?

L'espace de socialisation 2.0 est virtuel et ne s'oppose en rien à l'espace hors ligne, bien au contraire. Le virtuel, comme il est défini ici, est un prolongement des espaces physiques de socialisations. En effet, les réseaux sociaux « ont été pensés et construits en se rapprochant des techniques de soi développées depuis des siècles »7. Ce n'est donc pas étonnant que dans beaucoup de cas les amis Facebook soient des connaissances ou amis réels. Ceux avec qui on a le plus d'interactions sur Facebook sont bien ceux avec qui on partage dans la vie réelle.

Sur Facebook chacun se présente et dévoile ce qu'il entend valoriser, mais sans jamais mentir car l'internaute est toujours jugé par ses amis 2.0, des connaissances hors ligne, seuls arbitres de cette auto-présentation, cette mise en scène de soi qui constitue l'identité des internautes dans ces espaces que sont les réseaux socionumériques.

CHAPITRE 1 : LA CULTURE EXPRESSIVE

Avec les réseaux sociaux, on remarque le passage d'une intimité non partagée vers une intimité partagée de plus en plus grande. Cette observation est appelée « extimité » par le psychanalyste, Serge Tisseron. C'est un dévoilement d'une partie de l'intimité pour être validé par autrui. Ce dévoilement s'effectue en clair obscur, Dominique Cardon nous dit de ne pas croire au développement d'un « exhibitionnisme généralisé et sans règle », les internautes acceptent de ne rendre leur vie privé accessible qu'à leurs seuls amis, c'est-à-dire, ceux qu'ils ont accepté sur Facebook.

Toutes ces informations sont soumises au regard de ces amis, à la fois On- et Off-line. L'internaute est alors contraint de dire vrai, même s'il entend valoriser certains

 

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traits de sa personnalité, le mensonge n'est pas admis dans les communautés. Cette mise en récit de soi est toujours dans l'attente d'une validation de cet arbitre que sont nos amis. Elle s'exprime par des « J'aime » ou des commentaires sur le réseau Facebook.

Les identités sont alors toujours en quête de validation et l'internaute prend, à chaque publication, le risque de ne susciter aucune réaction de la part de son audience. L'utilisateur est, nous dit le psychanalyste, un « expérimentateur de lui-même ».

A/ Auto-présentation et valorisation de soi

« Le travail de subjectivation, entendue comme processus de création continue de soi, imprime sur les interfaces des plateformes du web 2.0 des traces interactives qui font alors corps avec la personne et désignent aux autres sa singularité »8, c'est de cette façon que Dominique Cardon défini cette auto-présentation. Serge Tisseron9, psychanalyste, émet la possibilité qu'Internet, communément considéré comme un lieu de mensonges et de dissimulations en tout genre, constituerait un lieu privilégié de l'authenticité de chacun. Dominique Cardon appuie cette hypothèse en montrant qu'effectivement, Internet est connu pour les tromperies et les mensonges, mais l'Internet des réseaux socionumériques, de par le fait que les internautes sont amis avec des personnes qu'ils connaissent dans les espaces physiques, « se trouvent (contraints) par le regard et le jugement potentiel des autres »10, le coût de la tromperie est donc fort et il devient « difficile de tricher lorsque les informations que l'on affiche sur soi vont être également lues et entérinées par des personnes qui vous connaissent dans la vraie vie ».

7 Alexandre Coutant, « Des techniques de soi ambivalentes », Hermès, n° 59, 01/2011, p. 57

8 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 100

9 Serge Tisseron, « Intimité et extimité », Communication, n°88, 19/05/2011

10 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 117

 

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Le cogito de Descartes se déplace pour devenir « Je vois et je suis vu donc je suis »11. La présentation de soi, dans la vie ou sur le web est une confirmation de soi par les réactions qu'elle provoque. Sur les réseaux socionumériques, la notion d'extimité est prégnante, ce terme a été proposé par Jacques Lacan, psychanalyste, ensuite repris par Serge Tisseron12 afin de rendre compte d'une dynamique par laquelle « des fragments du soi intime sont proposés au regard d'autrui pour être validés »13. Cette extimité porte sur des parties de soi qui étaient secrètes jusque-là et sur la reconnaissance de leur originalité par les autres. C'est, accéder à la connaissance de soi en se mettant nu face aux autres. Cependant, il est important de mentionner que le désir d'extimité et celui d'intimité fonctionnent ensemble, c'est parce qu'on sait qu'il est possible de cacher certaines parties de soi que l'on entend en dévoiler d'autres que l'on sélectionne. D'ailleurs, les Digital Natives sont connus pour modifier leurs paramètres de confidentialité et ne pas partager leur vie au vu et au su de n'importe qui14.

Dresser son profil sur les réseaux sociaux est une « mise en récit de soi »15, les Digital Natives savent le faire, ils vont même plus loin, ces réseaux sont un moyen de se valoriser, d'insister sur les meilleurs traits de leur personnalité en réponse à ce que ses relations attendent, de se montrer sous son meilleur jour. Serge Tisseron, pour expliquer cette tendance, parle de la théorie du « miroir du soliloque ».

« (Cette théorie) correspond à la tentation de ne chercher que la rencontre avec soi à travers tous les appels lancés à l'autre. C'est la maladie du « moi, je », la consécration d'un espace où l'autre n'est invité qu'à me renvoyer l'image de moi que j'attends. Alors que dans la vie cette posture est difficile à tenir longtemps, Internet la

11 J. Birman, « La visibilité en question : l'espace, le temps, l'histoire », in Voir ; être vu. L'injonction à la visibilité dans les sociétés contemporaines, Acte du colloque organisé les 29, 30 et 31 mai 2008 par l'Association internationale de sociologie (CR 46) et l'Association internationales des sociologues de langue française (CR 19). Cité par Serge Tisseron dans l'article mentionné ci-dessus.

12 Serge Tisseron, L'Intimité surexposée, Ramsay, 2001, Réédition Hachette Littératures, 2002

13 Serge Tisseron, « Intimité et extimité », Revue Communication, n°88, 19/05/2011, pp. 83 à 91. Citation p. 84.

14 La génération Y (18-24 ans), hyper-connectée se heurte à un paradoxe. C'est bien elle qui se méfie le plus des réseaux sociaux, notamment au niveau des paramètres de confidentialité (ils sont 43% à ne laisser accès à leur profil qu'à leurs seuls amis selon une étude IFOP réalisée en 2010, Observatoire des réseaux sociaux), ce chiffre peut paraître faible mais il est très nettement supérieur par rapport aux autres générations, moins connectées et moins connaisseuses de ces réseaux.

15 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 95

 

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favorise. Pour entrer en contact, chacun est en effet invité à fabriquer un espace personnel associant des textes, des photos, des musiques, etc. Le but est d'intéresser l'« absent », de lui faire signe, de l'amener à soi. (É) dans les mondes virtuels, les hommes et les femmes sont invités de la même façon à créer leur « page perso » comme un reflet de l'identité qu'ils veulent offrir à l'échange. » 16

Ainsi l'« absent » fait signe à son tour en likant ou en commentant un lien, une vidéo, une nouvelle photo de profil, etc. Selon Dominique Cardon, « les goûts, les textes, les photos ou les vidéos que l'on aime ou que l'on a faites constituent aussi de puissants instruments de reconnaissance et d'affiliation aux autres. »17

Ainsi, ce désir d'extimité répond également à la théorie de la « pénétration sociale »18 qui décrit un processus de connaissance réciproque dans nos relations interpersonnelles dû au passage d'une intimité non partagée vers une intimité partagée de plus en plus grande. Néanmoins, dans le même temps, le désir d'extimité se fait davantage sentir envers des personnes choisies. Sur les réseaux sociaux, on se dévoile à un grand nombre de personnes mais le désir d'extimité se trouve bien dans une volonté de ne la montrer qu'à ses seuls amis. Selon la « théorie de la facilitation sociale »19 résumée par Serge Tisseron, « la présence - réelle ou imaginée - d'un public influence le processus d'auto-présentation de soi dans le sens d'une conformité à ce qui est attendu ». C'est comme dire « Dites-moi comment vous vous intéressez à moi et je saurai qui j'ai envie d'être »20. Cette quête de validation des identités passe généralement par trois étapes, la première est celle de la création d'un espace personnel proposé au regard et à l'avis des internautes, c'est-à-dire le profil, sur Facebook. La démarche, dit Tisseron, est alors toujours narcissique avant d'être réciproque. La seconde étape s'enclenche lorsqu'un premier visiteur a pris connaissance du profil, nous sommes alors invités à profiter de son regard sur

16 Théorie développée par Serge Tisseron dans Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 67

17 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 95

18 Théorie développée par I. Altman et D. A. Taylor in Social Penetration : The Development of Interpersonal Relationships, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1973

19 Proposée par R. B. Zajone, in « Social Facilitation », Science, 149, 1965, pp. 269 à 274

20 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 39

 

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l'internaute à travers ses commentaires, ses likes et ses publications, dans le cas de Facebook. La troisième commence à partir du moment où le réseau d'« amis » est bien constitué (même s'il évolue toujours). Cette étape représente la « sortie du monde autocentré »21 et chacun est invité à prendre connaissance des identités de son réseau. A chaque publication, l'internaute prend un risque car il publie avant d'être certain de la validation des autres, l'internaute est un « expérimentateur de lui-même »22.

Cependant, dans cet espace socionumérique qu'est Facebook, les Digital Natives ne font pas signe à n'importe qui, ils ont accepté certaines personnes et seuls leurs amis 2.0 sont invités dans l'espace personnel qu'ils ont créé. C'est bien d'une expression en clair obscur à laquelle on a à faire sur Facebook.

B/ Une expression en clair obscur

Avant de faire une analyse des vidéos de Neknomination qui ont affublé les Timelines Facebook de février à mars 2014, il convient de définir ce réseau socionumérique et la manière dont les internautes s'y expriment. Dominique Cardon emploie le terme de « clair obscur » pour le réseau qui nous intéresse, lorsqu'il dresse une typologie des différentes expressions utilisées sur les réseaux sociaux. Selon lui, il serait hâtif de conclure qu'il n'y aurait plus aucune distinction entre les sphères privée et publique et « au développement d'un exhibitionnisme généralisé et sans règle », le chercheur explique que dans cet univers, des ressources sont mis à disposition des internautes pour contrôler « ce qu'ils montrent d'eux et la manière dont les autres y accèdent ». Différentes stratégies sont adoptées suivant le mode d'expression associée à chaque réseau social, « dans le modèle en clair-obscur, on verra les participants dévoiler des caractéristiques souvent très personnelles de leur identité en profitant de l'opacité de plateformes n'autorisant la navigation que par les liens de proche en proche ». On voit donc bien ici l'importance de ne pas accepter

21 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 38

22 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 40

 

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n'importe qui. Un panel d'utilisateurs de Facebook interrogé, âgés de 17 à 23 ans, confirme bien cette hypothèse, les Digital Natives n'acceptent que des connaissances, c'est-à-dire des personnes qu'ils ont vu et à qui ils ont parlé au moins une fois dans un espace relationnel physique. Leurs relations 2.0 (sur Facebook en tout cas) naissent donc d'abord dans la vie réelle. Sur ce type de plateforme en clair obscur, la visibilité des personnes est donc relative, c'est ce que le chercheur appelle, « la navigation à la torche », à l'image d'une lampe de poche utilisée dans le noir qui ne nous permet de voir que le triangle de lumière que l'objet produit. Pour les internautes, la vision de leurs informations est claire pour leurs proches (amis) et en pénombre pour les autres, l'internaute peut en contrôler l'étendue en modifiant ses paramètres de confidentialité. Sur Facebook, il est possible de créer un profil public (par défaut), tout le monde, même les inconnus pourront donc accéder au profil. Lorsqu'on les modifie, on peut rendre accessible le profil qu'aux seuls amis, ou amis d'amis, etc. On peut également le bloquer totalement de manière à ce que personne ne puisse publier sur le mur, même les amis, cependant ces paramètres là sont assez rares. Facebook offre ainsi un panel assez large dans les changements des paramètres de confidentialité, même s'il a pu exister des failles, par exemple, lorsque l'on se mettait sur le Facebook.us on pouvait accéder à tous les profils, il y a également eu l'affaire des conversations instantanées qui se sont retrouvées sur le journal des personnes concernées23. Il n'en reste pas moins que ces plateformes n'offrent pas de moteurs de recherche critériel, sur Facebook, pour trouver une personne, il est nécessaire de connaître a priori, son prénom, nom ou pseudo, ceci « installe une opacité relative face aux risques pris par les utilisateurs qui rendent visibles des traits sensibles de leur identité »24. Les internautes sont donc protégés d'une recherche rapide. Ils s'exhibent alors dans un espace en clair obscur et profitent de « la plasticité de la visibilité sur internet pour constituer des cercles relationnels avec des

23 Huffington Post, Messages privés rendus publics : hallucination collective ou désinformation de Facebook ?, article du 24/09/2012, par Alexandre Phalippou http://www.huffingtonpost.fr/2012/09/24/bug-facebook-hallucination-ou-desinformation-prives-publics n 1910500.html

24 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 109

 

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proches, qu'ils connaissent et rencontrent souvent dans la vie réelle, tout en restant relativement cachés des autres »25.

Le principal problème se situe dans le fait que les internautes, de plus en plus, mêlent différentes sphères de leur vie dans leur profil Facebook. En effet, amis, familles, connaissances et professionnels y sont sans cesse mélangés et « cette capacité à s'exposer tout en contrôlant son exposition réclame des compétences sociales et relationnelles spécifiques et très inégalement distribuées »26.

« Le principe d'extension du réseau relationnel - qui reste limité sur les plateformes en clair obscur - introduit cependant de nouvelles dimensions, la visibilité, la calculabilité et l'exhibition, dans la fabrication des relations sociales. La logique d'accumulation des liens que viennent constamment entretenir de multiples artefacts proposant une métrique relationnelle (compteur d'amis, classement de popularité, notes de pertinence) contribue à réifier la relation amicale. Plus encore, elle invite les participants à endosser des formats de présentation d'eux-mêmes qui les place dans une logique du calcul, de l'exhib' et du rendement. »27

Selon Monique Dagnaud, sur ces espaces, les jeunes travaillent moins une explication de soi qu'une projection de soi, ils ne perdent « jamais à l'esprit que sa subjectivité va être publicisée et qu'elle doit être affinée sous un angle original (É) Cette communication est donc en partie calculée »28. Pour la chercheuse, l'affaire de chaque utilisateur de Facebook est de créer « un fan-club autour de soi », on gagne en popularité en dressant son « roman personnel » dont chaque chapitre est écrit subtilement dans son profil, ses relations, ses partages. Selon Dominique Cardon, « La tyrannie du « cool », l'injonction à accepter les nouveaux « amis », l'invitation à l'exposition de soi, le frottement de cercles de sociabilités différents, les révélations incontrôlées ou le conformisme dans la théâtralisation de son identité peuvent générer

25 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, pp. 109 et 110

26 Ibid., p. 132

27 Ibid.

28 Monique Dagnaud, Génération Y - Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion - 2ème édition, Science Po les presses, 2013

 

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tout une série d'expériences malheureuses »29. Mais la Neknomination est-elle l'une de ces expériences malheureuses ? Toujours est-il qu'elle repose sur ces différents points proposés par Dominique Cardon. C'est une mise en scène assumée devant le public que sont les amis Facebook des Neknominés. Il ne faut cependant pas perdre de vue que « l'exposition de soi ne signifie pas un renoncement au contrôle de son image »30.

CHAPITRE 2 : UNE MISE EN SCENE ASSUMEE DEVANT UN PUBLIC CIBLE

Par l'analyse d'une chaîne de Neknomination et celle d'une série d'entretiens réalisés auprès des contributeurs de cette chaîne, ce chapitre montrera que chacune de ces vidéos ont été réfléchie en amont de leur réalisation. Un paradoxe est soulevé dans la mesure où les Neknominés respectent un schéma narratif précis et co-construisent ces vidéos avec leurs pairs tout en se mettant en scène de manière à se différencier de son prédécesseur par l'originalité de la réalisation et/ou par la quantité d'alcool ingurgitée.

Nous verrons également que ces vidéos sont toujours destinées à un public précis. Le destinataire premier est évidemment la personne responsable de la nomination, mais la Neknomination est aussi adressée à l'audience que le Neknominé entend capter sur les réseaux sociaux, c'est-à-dire les membres de son cercle d'amis.

Néanmoins, cette pratique représente un vrai risque sur Facebook quand on sait que toutes les sphères, amicales, familiales et professionnelles cohabitent dans cet espace. Les discours doivent être adaptés à chacune et la Neknomination est un contenu qui ne devrait pas sortir du cercle amical.

A/ Des vidéos réfléchies et standardisée...

Chaîne (cinq personnes) : Damien - Louis - Antoine - Maxime - Norby Zuman (profil d'un personnage inventé par Lucas)

29 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 132

30 Dominique Cardon, « L'identité comme stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/ 2009, p. 142

 

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Les quatre premières vidéos partent de l'ISMANS31. Cela semble important dans la mesure où l'on constate que cette chaîne a été davantage suivie dans les écoles qu'à l'université. En effet, la Neknomination réunie deux idéaux de ces écoles : la convivialité et les soirées (alcoolisées). Le cinquième maillon de la chaîne ne fait pas partie de l'école mais connaît cependant la personne qui l'a nominé, depuis longtemps. Le cinquième cas est particulièrement intéressant dans la mesure où c'est un homme qui a créé un profil totalement indépendant de sa vraie identité, seules les personnes qui le connaissent ailleurs que sur le web savent que ce profil Facebook lui appartient. De plus, il a fait sa vidéo masqué et sans boire, en dénonçant de manière totalement ironique que cette chaîne est une opération marketing des marques de boissons alcoolisées et qu'elle a été créé seulement dans le but de leur profiter. Damien, Louis, Maxime et Lucas ont tous été interrogés pour comprendre leurs motivations à faire cette vidéo, à relever le défi et la manière dont ils l'ont imaginé.

Damien et Louis ont réalisé leur vidéo l'un après l'autre dans l'appartement du second lors d'une soirée en nombre très restreint (trois personnes), Damien a commencé et a nominé Louis, répondant ainsi à sa volonté.

Damien : « (É) je me suis concerté avec Louis car Louis voulait se faire nominer, il m'a demandé de le nominer. Et après il voulait faire passez ça dans l'ISMANS. »

Alors pour des raisons pratiques, ils ont réalisé leurs vidéos dans la même soirée. Damien a donc commencé, il a fait deux essais.

Damien : « (É) j'suis arrivé entre 21h et 22h et on a du commencer vers minuit. Donc là je commence à boire mon bol de Ricard pur, sauf que Louis, au lieu de filmer, a pris une photo donc moi j'étais un peu vert parce que c'était une grosse dose et ça m'a ... Après Louis a fait sa vidéo, Antoine la sienne, et moi après j'ai refait le truc, pour descendre l'alcool car je pouvais pas le refaire direct après. »

31 Une école d'ingénieur du Mans

 

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Il a voulu choisir un thème pour rendre sa vidéo plus « fun » et plus « cool », car, ils ne voulaient « pas faire un truc basique « bonjour, je bois et tu bois après »32. On voulait mettre un peu d'ambiance là dedans et mon but c'était vraiment ça, mettre de l'ambiance dans la vidéo »33, confie Louis. En ce qui concerne la mise en scène, Damien a fait sur le thème militaire et Louis sur le thème mexicain. Leurs deux vidéos sont construites sur un schéma similaire, ils portent quelques accessoires qui rappellent leur thème.

Damien : « Alors la soirée qu'on a fait chez Maxime où c'était le bordel, c'est le lendemain que j'ai fait la Neknomination. (É) Le mardi on s'était déjà concertés avec Louis. Donc on arrive chez Louis le mercredi soir, mais on boit même pas, on commence à réfléchir sur ce qu'on va faire dans les vidéos parce qu'il y avait plein de trucs chez Louis pour avoir des idées, des chapeaux et tout donc fallait choisir. Et après on a commencé à faire les vidéos, on a du mettre deux trois heures avant, j'suis arrivé entre 21h et 22h et on a du commencer vers minuit. »

On voit bien ici que ces trois vidéos résultent d'une co-construction entre les trois amis, que ce soit dans le thème, la mise en scène des vidéos et les personnes nominées.

Dans leurs réalisations, tous deux commencent par saluer leur auditoire virtuel. Ils remercient ensuite celui qui les a nominé en citant leur nom, ils expliquent, dans un troisième temps, comment ils vont relever ce défi, c'est-à-dire ce qu'ils vont boire, et la quantité. Ils se servent devant leur public pour montrer qu'ils font preuve de bonne foi. On entend de la musique en fond sonore, le volume augmente lorsque Damien dit « Santé ». Ce mot peut alors être considéré comme performatif, c'est une parole illocutoire selon les théories d'Austin, car à partir du moment où il le dit, il boit et il n'a plus le choix. Il boit donc son verre (enfin son bol), d'ailleurs transparent pour insister sur le fait qu'il s'est servi une bonne quantité d'un alcool anisé très célèbre

32 Extrait de l'entretien de Louis

33 Ibid.

 

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sans eau et qu'il ne ment pas. Quand il l'a fini, il montre également par une grimace que l'alcool qu'il vient de boire d'une seule traite est fort. Puis, il essaye de reprendre la parole tant bien que mal pour annoncer ceux qu'il nomine et leur surnom, toujours sur le modèle de « Je tiens à nominer prénom nom, dit surnom » d'une vidéo à l'autre. Il annonce ensuite le temps qu'ils ont pour relever ce défi à leur tour. Damien dans sa vidéo, qualifie de « nouvelle tradition » la Neknomination. Pour lui, c'est plus qu'un défi, ils essaient de faire perdurer le challenge dans leur école d'ingénieur. Enfin, il salut son public en concluant avec le même mot qu'il avait utilisé au commencement, « bonsoir ».

Celle de Louis est donc construite de la même manière, il a choisi un thème, celui du Mexique, en portant quelques accessoires, à savoir un chapeau mexicain, un collier de fleurs et des lunettes. Une musique mexicaine est lancée au moment de boire ses cinq shooters de vodka pure qu'il s'est servi devant nous, internautes.

Louis a nominé Antoine Maillard, pendant plus de deux minutes, celui qui est chargé de filmer laisse tourner la vidéo par erreur en filmant le sol, on entend donc un passionnant débat autour de quand ils commenceront à filmer le dit Antoine et combien de temps la vidéo devra durer avec une musique indienne en fond sonore (celle qu'Antoine utilise pour son thème, comme les deux autres ont fait avant lui). Puis il s'entraine à propos du discours qu'il tiendra et les trois débattent sur la dose d'alcool que se servira le Neknominé. Après, ils regardent les commentaires de la vidéo de Damien postée avant de filmer Louis et Antoine. Tout ceci a été coupé lors de la publication sur Facebook34. Enfin, la vidéo commence avec la musique indienne (qui démarre un peu en retard mais pas intentionnellement), Antoine est assis, un pull enroulé autour de ses cheveux à l'indienne. Il commence par saluer « les amis », remercie Louis qui l'a nominé en ajoutant une insulte amicale35. Il se sert une « petite vodka » dans une verre en plastique dur de 50 cL en commençant par la grenadine. Il

34 La vidéo est disponible dans la clé USB ci-jointe, sous le nom de « Neknomination Antoine »

35 « Cette petite pute »

 

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finit la bouteille (par étape en vérifiant s'il n'y en a pas trop non plus) de vodka remplissant environ la moitié de son verre, en ajoutant « bon bah les amis ! », puis il prend son verre, trinque virtuellement avec les membres de sa communauté Facebook en ajoutant « Santé ! ». Il boit son verre d'une traite, fait la grimace qui nous signifie que c'est fort en rajoutant un « Ouh ! », un « Ah ! » et un « Ouf' », des onomatopées lourdes de sens. Il annonce ensuite ses trois nominés ainsi que le temps qu'ils ont pour relever le défi.

Parmi les nominés d'Antoine, il y avait Maxime, sa vidéo a également une mise en scène très réfléchie mais aussi très différente des deux premières, il a d'ailleurs fait un mini buzz dans son école puisque beaucoup de personnes l'ont trouvé vraiment « cool ». Il l'a fait en plein jour (ce qui n'était pas le cas pour Damien, Louis et Antoine), et dehors (en plein mois de février en short et t-shirt). Il commence par saluer, et remercie celui qui l'a nominé, il ouvre ensuite la bouteille de Vodka devant nos yeux et précise par des mots et comme si l'image n'était pas suffisante pour prouver sa bonne foi que « c'est bien une vraie » et lit le mot « Vodka » écrit en gros sur la bouteille en nous le montrant rapidement du doigt. Il se sert et trinque virtuellement avec Antoine, responsable de sa nomination en disant « Santé » accompagné du geste pour trinquer. Il boit et a son tour nous fait ressentir ce qu'il vient de boire par une grimace qui montre que l'alcool était fort (et donc vrai). Sa grimace est signe de vérité, et on remarque ceci pour les autres décrits précédemment. Il met ensuite ses lunettes de plongée sur les yeux et réalise une sorte de Ice Bucket Challenge36 avant l'heure. Cette vidéo est faite avec beaucoup d'humour, on voit bien tout le travail qui a du être accompli pour obtenir ce résultat, il y a un Slow Motion, un petit message écrit et une mélodie. Il finit par nominer trois autres personnes, toujours selon le même schéma narratif37. Enfin, il remercie tout le monde et enlève son bob.

36 Le Ice Bucket Challenge est une autre chaîne survenue sur Facebook pendant l'été 2014, elle a eu un succès mondial mais en France, s'est presque limitée exclusivement aux célébrités qui la réalisaient pour récolter des fonds et aider certaines associations humanitaires.

37 Il a cependant inversé en disant « je tiens à nominé surnom dit prénom nom » au lieu de l'inverse mais ce n'était pas intentionnel.

 

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Pour terminer cette chaîne, nous allons étudier la vidéo de Norby Zuman, sa vidéo est intéressante dans la mesure où elle provient d'un compte Facebook public mais faux. La personne possède deux comptes sur le réseau, l'un avec son vrai nom, Lucas, et l'autre au nom de Norby Zuman, un personnage qu'il a inventé qui publie des vidéos plus loufoques les unes que les autres. Quasi aucune information relative à sa véritable identité n'est présente sur ce second profil. D'ailleurs, dans sa vidéo il est masqué du début à la fin, il prend aussi une voix étrange pour qu'on ne le reconnaisse pas. Il fait une vidéo décalée et totalement ironique qui dénonce la vraie nature de cette chaîne, celle d'une motivation économique qui viserait à relancer le marché des boissons alcoolisées. Il rompt avec le schéma narratif de la Neknomination, il ne remercie pas la personne qui l'a nominé, ne boit pas d'alcool et ne nomine personne. Ce faisant, la chaîne se termine par lui et prend la forme d'une conclusion et d'une fin.

Pour conclure cette première chaîne, on peut remarquer que toutes ces vidéos suivent la trame narrative précise (sauf la dernière) décrite ci-dessous, tout en essayant malgré tout de se différencier par la mise en scène (celle de Norby Zuman essaye également de se différencier des autres).

« Bonjour » - « merci X pour cette nomination » - service du verre d'alcool - « Santé ! » (Souvent accompagné du geste pour trinquer) - descente du verre - grimace - nomination - annonce du temps attribué pour la relève du défi (24H)

Dans cet univers socionumérique, l'expression humoristique prime, selon Monique Dagnaud38, « elle vise à déclencher une libération émotionnelle, une catharsis », le fun, la bêtise, « elle est « non prise de tête », désinvolture et outrance ». Ces qualificatifs sont prégnants dans le phénomène Neknomination et commun aux

38 Monique Dagnaud, Génération Y - Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion - 2ème édition, Science Po les presses, 2013

 

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personnes interrogées pour l'enquête. On publie du « fun » mais toujours à destination d'une audience que chaque internaute connaît ou du moins, pense connaître, cette audience n'est autre que nos amis de la toile.

B/ ÉA destination d'un public ciblé

Lorsqu'on publie un contenu sur Facebook, on s'adresse toujours à un échantillon de nos amis Facebook afin d'avoir un minimum d'audience et de retour (par un « j'aime » ou un commentaire). Si un internaute sait qu'un contenu qu'il a apprécié n'intéressera que lui, il ne le publie pas. Si le contenu intéresse un ami en particulier, on publie directement sur son mur ou on lui envoie un message privé grâce à l'outil de conversation instantanée rendue possible par le site. Le public est donc toujours ciblé quelque soit le contenu partagé. L'internaute sait plus ou moins qui sera susceptible d'être intéressé par le post selon le groupe d'appartenance de ses amis.

En effet, sur un grand nombre de réseaux sociaux aujourd'hui, dont Facebook, toutes les sphères de nos vies sont mélangées dans nos relations. Familles, amis, travail, trois cercles où nos façons d'être, de nous exprimer diffèrent et doivent être adaptées. Lorsqu'on partage un contenu sur Facebook, l'illusion est telle que nous avons l'impression de nous adresser qu'à l'audience concernée mais ce n'est évidemment pas le cas. L'employeur, ou un membre de la famille peuvent y avoir accès d'autant plus que les profils sont publics par défaut et qu'aujourd'hui encore, les personnes qui réduisent leurs paramètres de confidentialité sont rares. Dans le cas de la Neknomination, ce paramètre est à prendre en compte, alors que réservées aux seuls amis, d'autres sphères, non concernées par ces vidéos et non appropriées au contexte, se retrouvent membres du public a priori ciblé par les Neknominés. La Neknomination est pourtant une réponse directe au Neknomineur (d'ailleurs notifié de la publication39) et un appel à trois autres personnes qui devront par la suite relever le défi. Le reste des amis peuvent être intéressés mais d'autres n'ont rien n'à voir

39 Nous reviendrons sur ce point dans la suite du développement, lorsque sera évoquée la performativité sur Facebook.

 

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avec ces vidéos qui viennent à eux en « push » par l'intermédiaire du fil d'actualités. Les enquêtés confessent ne pas se soucier de se filmer en train de boire de l'alcool sur Facebook, ils sont encore étudiants, s'amusent. Certains d'entre eux n'ont pas modifié leurs paramètres de confidentialité, tout le monde peut alors avoir accès à leurs publications, ils ne savent d'ailleurs même pas comment faire, cause d'un grand manque d'information concernant la protection de sa vie privée sur les réseaux sociaux.

Ainsi, la Neknomination participe bel et bien de ce processus de construction des identités numérique sur l'espace de socialisation 2.0. Par ces images, ces internautes dévoilent une partie de leur intimité et tentent de la faire valider par autrui, c'est ici que ce situe la part de défi, conséquence d'un besoin de reconnaissance dans un groupe. Challenge paradoxal, car la Neknomination est le résultat d'une double volonté : similarité et démarcation. Similarité dans le schéma narratif, sorte de contrat passé entre adeptes de ce défi pour l'inscrire dans une réalisation collective. Démarcation dans la mise en scène et/ou la quantité d'alcool qui s'inscrit dans cette tendance du Social Bragging, qu'Olivier Glassey, sociologue à l'université de Lausanne, appelle « bravades démonstratives ». En ce sens, la Neknomination est bien un challenge soumis au regard et à la pression de ses pairs. Une vidéo qui fera corps avec d'autres, réunies dans une chaîne d'interconnaissances qui se mettent au défi les uns les autres.

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Partie 2 - Le défi comme matière à sociabiliser

La Neknomination s'inscrit dans cette tendance du « toujours plus » désignée par le terme de Social Bragging. Véritable jeu d'alcool physique, puis numérique, elle est pratiquée par de vrais fêtards. Cette partie montrera à quel point les soirées alcoolisées sont routinières chez ces jeunes qui ont participé à la chaîne. Les jeux d'alcool sont pratiqués très souvent lors des fêtes entre amis. Pour eux, bien tenir l'alcool représente une certaine fierté, plus on boit plus on est un héros aux yeux de nos camarades. Ce défi prend forme autour d'un usage collectif qu'ils ont choisi de valoriser. Une certaine pression s`exerce ainsi sur les nominés dans la vie réelle qui les a motivé à relever le défi. Plus encore, une pression numérique s'exerce, montrés du doigt sur Facebook par l'intermédiaire du tag, tous ceux présents sur le réseau savent qu'ils sont mis à l'épreuve et qu'ils ont vingt-quatre heure, ils sauront aussi quand les Neknominés l'auront relevé, s'ils le font, car, heureusement, ils ne sont pas dépossédés de leur libre-arbitre.

CHAPITRE 3 : UN JEU D'ALCOOL EN CLAIR OBSCUR

Cette chaîne, pourtant virtuelle, est un véritable jeu d'alcool en clair obscur40 (accessible qu'aux seuls amis pour ceux qui ont modifié leurs paramètres de confidentialité sur Facebook), ces vidéos sont une manière de s'amuser en soirée pour la majorité d'entre elles. De se désinhiber grâce à l'alcool. On s'amuse en la faisant, on boit sur les réseaux sociaux mais il ne faut pas oublier que d'abord, on a bu chez soi avec un ou des amis. Les enquêtés ont confié qu'ils étaient assez adeptes des jeux d'alcool en tout genre lors des soirées festives, à l'exception de Lucas alias Norby Zuman, qui n'a d'ailleurs pas bu une goutte d'alcool dans sa vidéo.

40 Pour une typologie des modes d'expression sur les réseaux sociaux, voir Dominique Cardon, « le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008

 

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Selon Olivier Glassey, « ces tendances [de défi] ne se forment qu'autour des usages collectifs que l'ont choisi de valoriser », ici, l'alcool est assez significatif dans la mesure où se sont essentiellement des jeunes hommes, étudiants, assez adeptes de soirées alcoolisées entre amis, qui, comme déjà mentionné plus haut, pratiquent régulièrement des jeux d'alcool. Pour eux, boire en grande quantité et bien tenir l'alcool est quelque chose d'important dans leur groupe et participe d'une certaine fierté. Ces vidéos sont des manières d'exposer à leur réseau de connaissances, ce qui, pour eux, est une sorte de talent.

A/ La culture de la fête et des fêtards

La fête : rituel de jeunesse et échappatoire

Ces individus considèrent la fête comme un rituel de leur jeunesse. Monique Dagnaud, chercheuse à l'EHESS, dresse dans son ouvrage, La teuf - essai sur le désordre des générations, trois schémas de fêtards. Le premier concerne les moins fêtards, ceux qui préfèrent les sorties cinéma ou les rencontres « cosy » entre petits groupes d'amis, ils se défoulent quelques samedis soirs mais de manière exceptionnelle. Le second profil comprend les jeunes qui sortent tous les weekends, Monique Dagnaud parle de « rituels festifs de fin de semaine ». Ils savent néanmoins contrôler leur consommation d'alcool ou de cannabis et restent plutôt raisonnables, « ils cadrent avec le scénario de sociabilité juvénile gentille telle que la conçoivent les adultes ». Le dernier schéma est celui de ceux communément appelé « teuffeurs », des soirées toujours dans l'excès où se mêlent avalanche de décibels, renfort de l'alcool et de psychotropes, et ce, plusieurs fois par semaine. Cette dernière catégorie inclue ces jeunes en recherche d'adrénaline pour tenter de bousculer leurs limites, de se mettre l'épreuve. Ce dernier profil est cependant assez minoritaire chez les jeunes, ils ne représentent que 10 à 15% des 18-24 ans41.

Les enquêtés, qui ont pratiqué la Neknomination, ne font pas parti du troisième schéma, le plus extrême. Ils correspondent davantage au deuxième, même s'ils peuvent dépasser leurs limites par des challenges, comme celui du Grand Schelem,

41 Chiffres tirés d'une étude du CREDOC, Le Risque routier chez les jeunes, conduite en 1999

 

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une tradition de l'Ecole d'ingénieur des quatre premiers Neknominés de notre chaîne qui consiste à être ivre tous les soirs pendant une semaine, ils restent néanmoins assez raisonnables et connaissent leurs limites. Ce profil entre donc dans une logique hédoniste qui fait l'apologie de la fête.

Cette hédonisme est consolidé par Internet qui a favorisé l'arrivée de l'homme du « tout et tout de suite », habitué à accéder à tout, de manière rapide et simple.

« Un individu dominé par le besoin de satisfactions immédiates, un individu intolérant à la frustration, un individu qui exige tout et tout de suite, dans un contexte où la satisfaction de ce besoin est rendue possible non seulement par l'hyperchoix permanent de la société de consommation, mais aussi par la quasi-instantanéité avec laquelle ce besoin peut être satisfait. »42

Ceci favorise la recherche du plaisir instantané, surtout chez ces jeunes, Digital Natives, habitués, depuis leur enfance, à cette manière de vivre. Un plaisir auquel la fête peut répondre.

Néanmoins, c'est aussi à cause d'un mal-être développé par notre société auquel ces jeunes tentent d'échapper par ces fêtes alcoolisées. William Lowenstein, médecin spécialiste des addictions, remarque qu'« Aux jeunes, on ne parle pas d'existence mais de réussite ». C'est bien dans ce contexte que la fête trouve son efficacité. Monique Dagnaud affirme qu'« Elle permet de décompresser face à ces pressions, et donc de pouvoir les assumer. Elle permet de s'en évader, et donc de les ignorer, de les oublier »43. Effectivement, les enquêtés, Louis, Damien, Antoine et Maxime, sont en Ecole d'ingénieur, des études compliquées et longues où la pression est omniprésente. Louis, par exemple, a des difficultés de compréhension, il n'est pas rare qu'il obtienne de mauvaises notes lors des interrogations mais confie ne pas avoir le droit au redoublement à cause de la quantité d'argent qu'il a investi pour

42 Nicole Aubert, « L'individu hypermoderne : un individu « dans l'excès » », in Joyce Aïn (dir.), Dépendances, paradoxes de notre société, Paris, Érès, 2005

43 Monique Dagnaud, La teuf - essai sur le désordre des générations, Éditions du Seuil, 2008, p. 23

 

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pouvoir étudier dans cette école. Alors, pour lui, les soirées avec ses amis sont une sorte de libération où il peut se défouler et l'alcool augmente ce sentiment.

D'abord, les virées nocturnes s'inscrivent dans un rituel d'âge, celui du passage de l'adolescence au statut d'adulte, période de transition qui configure ce que les spécialistes de la jeunesse nomment la post-adolescence - caractérisée par l'allongement des études et la désynchronisation entre le moment de départ du foyer familial, l'installation dans l'indépendance économique grâce à un métier et la formation d'un nouveau couple. »44

Avec qui, où et quand fait-on les plus grosses fêtes ?

Ce petit groupe de potes sort toujours ensembles lorsqu'ils sont dans la ville où ils font leurs études. Ils ont confié sortir en moyenne trois ou quatre fois par semaine. A l'occasion, certaines nouvelles personnes sont accueillies avec plaisir, ils n'excluent personne et sont plutôt sociables. Ils disent tous compartimentés leurs groupes d'amis, celui de leur ville d'origine, là où ils retrouvent leurs amis d'enfance et le groupe des camarades de leur promotion. Ils sont un peu caméléons, s'adaptant à chacun de ces deux groupes. Cependant, Lucas confie trouver que Maxime a changé depuis son arrivée dans l'Ecole d'ingénieur. Tous deux sont amis depuis le lycée et Lucas n'est pas adepte des grosses soirées où l'alcool coule à flot, c'est aujourd'hui le contraire pour Maxime. L'explication ressortie de l'enquête est double, il y a évidemment un effet de groupe et de « promo » mais aussi l'effet d'une ville inconnue, territoire vierge où Maxime confie ne pas avoir peur de croiser ses parents ou un de leurs amis. Il se sent libre de toute critique qui aurait pu lui être faite.

Non seulement ces jeunes compartimentent les groupes d'amis et les villes où se produisent ces soirées, mais ils savent aussi quand est-ce qu'il faut être sérieux. Ils « passent sans difficulté d'un état à l'autre, de l'état débridé à l'état concentré, de l'ébriété à l'esprit clair »45. Ils n'oublient pas qu'ils sont aussi là pour étudier, que c'est ici que se joue leur avenir professionnel.

44 Monique Dagnaud, La teuf - essai sur le désordre des générations, Éditions du Seuil, 2008, p. 78

45 Ibid., p. 105

 

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Souvenirs de fêtes comme péripéties héroïques

Lorsque chacun des enquêtés de cette école parlent de leurs souvenirs de fête, c'est comme s'ils racontaient des « faits d'arme », leurs soirées sont faites de péripéties héroïques comme lorsque Damien raconte celles de Maxime qui se tient juste à côté de lui, le visage épris d'une expression pleine de fierté d'avoir saccagé son appartement qu'il appelle « terre d'accueil des soirées ». Maxime décrit d'ailleurs son logement comme un « no man's land » le jour de l'entretien, car il n'a pas eu le temps de nettoyer, une semaine après une grande fête organisée chez lui.

Damien (en s'adressant à Maxime) : Ah et c'est cette semaine où tu as saccagé ton appart' !

Maxime : Ah oui c'est cette soirée là, la plus folle que j'ai vécu !

- Donc racontez moi, Damien était là ?

Maxime : Oui il était là et il s'en souvient d'ailleurs certainement mieux que moi (rires) Damien : En fait on était en soirée, donc dans l'appart' de Maxime, vers minuit, il nous dit « faudrait peut-être partir les gars » donc nous on commence à s'habiller, on met nos manteaux, et là, on voit Maxime qui arrive avec une bouteille de bière, il l'éclate au plafond, comme si il avait remporté un grand prix tu vois, comme au podium ; et après il commence à jeter des verres droite gauche sur les murs (rires), c'était n'importe quoi (rires). Après on va dans la cuisine, on voit un sac de café, il l'appelle Monsieur Café et il lui parle, il fait une conversation après il le balance un grand coup donc ça salit tout son appart'. Et donc pareil avec Monsieur Bière, donc rebelote, conversation avec la bière, et puis Monsieur Poubelle (Rires) avec le sac de poubelle. Après il a pris le sac et il tapait dedans comme dans un punching ball avec l'autre main et le sac s'est déchiré. C'est Louis qui a donné l'idée de faire ça à Maxime donc Maxime ça a percuté. Après d'ailleurs vous vous êtes chamaillés il me semble.

Maxime : Ouais on s'est tombé dessus.

Damien : Et après y a eu la mayonnaise sur les murs et il s'est douché habillé, ça c'était marrant aussi, il s'est douché habillé le mec (rires).

Maxime : Il m'a fallu plus d'une semaine pour tout nettoyé le saccage de cette soirée, y a encore des traces d'ailleurs. J'ai totalement pété un câble.

On voit bien ici l'importance de la désinhibition que provoque l'alcool, ces enquêtés ont tous confiés être adeptes des jeux de boissons. Louis dit passer en moyenne 30% de la soirée à pratiquer ce genre de jeux avec les autres personnes

 

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présentes. Ceci pour deux raisons, se motiver, se lancer et pour faire participer tout le monde. Selon lui, l'alcool est un « lien social », et favorise donc un être ensemble. La Neknomination, d'une certaine manière, en est un.

B/ Un jeu d'alcool physique et numérique

Pour ce petit groupe de futurs ingénieurs, les jeux d'alcool sont là pour motiver tout le monde mais surtout pour les rapprocher et vivre la soirée ensemble, « partager un moment avec d'autres personnes ». Maxime dit ne faire un jeu d'alcool seulement quand tout le monde est autour de la table, si les gens sont éparpillés, le jeu d'alcool ne peut être fait.

Maxime : Alors moi je considère vraiment ça comme un amusement, parce que ces jeux, pour peu que tu sois un petit peu bourré, tu commences à gueuler, tu rigoles, voilà, c'est juste marrant, et puis, c'est vrai que ça soûle plus vite mais c'est pas pour être bourré plus vite qu'on le fait, c'est juste pour nous amuser. C'est pour partager un moment avec d'autres personnes. Souvent, c'est quand les gens sont pas super motivés que ça tombe, il y a toujours quelqu'un qui propose ça, parce qu'après, une fois que les gens sont soit trop bourrés, soit trop motivés, ils partent dans leur coin tatata, ils bougent tatata, et là, c'est impossible de canaliser l'attention pour faire un jeu tous ensemble. Alors que si on est autour d'une table, les jambes entrecroisées, qu'on s'allume des clopes tout le temps, enfin qu'on sait pas trop comment faire évoluer la soirée, Rim ! Jeu d'alcool, tout le monde rigole, ça lance la soirée et puis ça part en cacahuètes après quoi. Donc ouais ça peut lancer une soirée, et puis même quand elle a bien démarré c'est aussi marrant, c'est pas QUE pour lancer la soirée.

Rendre acceptable une transgression des moeurs

« L'assouplissement de certains codes sociaux et la réapparition à la surface de la vie sociale de comportements jusque-là sous contrainte (par exemple en lien avec la nudité) ne sont possibles, précise Elias, que si cette apparente transgression des moeurs est cadrée par un réglage des conduites qui durcit par ailleurs les permissivités allant de pair avec ces nouveaux comportements plus relâchés. Autrement dit, leur déprivatisation n'est possible que si, dans le même temps, on fait en sorte que de plus grandes réserves et une plus importante maîtrise des pulsions soient adoptées face à ces attitudes de relâchement. On renforce ainsi le contingentement des économies affectives par des

 

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formes d'autocontrainte. Ce qui, à première vue, se présente comme une libéralisation des moeurs masquerait en fait une limitation des libertés pulsionnelles individuelles. »46

La Neknomination répond également à cette analyse de Norbert Elias, cette pratique, vue par certains, comme une transgression des moeurs dans l'espace numérique, est cadrée par le schéma narratif abordé précédemment. Puisqu'elles sont réfléchies, ces vidéos ne sont pas pulsionnelles et le schéma narratif le rappelle tout au long de la réalisation, Fabien Granjon et Julie Denouël parleraient de « contrôle du décontrôle »47. Une place à l'improvisation est néanmoins laissée, mais par l'existence et l'imposition de ce discours, les Neknominés sont contraints d'être assez sobres pour pouvoir le prononcer. Cette narration cadre la pratique et fixe ainsi des limites, elle la rend également plus « digeste » pour ceux qui s'y opposent, autrement dit, moins extrême. La mise en scène la plus originale possible participe également d'une dédiabolisation de l'alcool, ce dernier ne devient donc qu'un prétexte pourtant elle n'en reste pas moins un jeu d'alcool partagé entre écrans interposés.

La Neknomination : jeu d'alcool dans son chez soi numérique

Alors que la tradition voudrait que le virtuel sonne le glas de nos corps physiques, il n'en est rien, la représentation du corps est omniprésente dans les réseaux socionumériques. Arrangé sur les photos via des filtres, ou en vidéo comme dans la Neknomination et mis en scène, le corps est partout, rappelé à chaque instant et il en dit long sur la personnalité des internautes. Ne dit-on pas « profil perso » ? Les réseaux sociaux n'ont rien d'impersonnel, c'est une sorte de « chez soi » que chaque utilisateur a aménagé selon ses goûts et les messages qu'il veut faire passer.

La Neknomination est un jeu d'alcool réalisé dans ce « chez soi », cet espace extime qu'est Facebook. Un jeu fait et réalisé entre copains mais visible à beaucoup plus de personnes. C'est un peu comme faire une fête chez soi avec toutes ses

46 Fabien Granjon, Julie Denouël, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux

sociaux », Sociologie, 01/2010, p. 40

47 Ibid.

 

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fenêtres d'ouvertes, en en faisant profiter les voisins sans même forcément s'en rendre compte. Un « chez soi » dont les portes sont ouvertes au monde.

Selon Antonio Casilli, « les ordinateurs se font porteurs d'un imaginaire domestique »48, le chercheur donne plusieurs exemples de termes qui font de l'Internet une métaphore de nos maisons et appartements, « accueil », « adresse » ou encore « fenêtres ». Ce vocabulaire nourrit l'impression d'un chez soi cloisonné et diminue ainsi le sentiment de risque que ces informations soient vues par des personnes non ciblées par la publication sur un réseau social. Antonio Casilli émet l'hypothèse que « les représentations sociales du numérique seraient partagées entre l'infiniment restreint et l'infiniment vaste, tiraillées entre le clos des maisons de particulier et l'ouvert des espaces à explorer en quête de connaissance et de rencontres »49. Internet ne remplace en rien la sociabilité physique, il s'y ajoute. C'est bien le cas de la Neknomination, véritable jeu d'alcool à la fois physique et numérique, plus précisément, physique puis numérique.

Ce n'est qu'une fois le jeu d'alcool devenu numérique qu'il peut être, enfin validé par les pairs.

CHAPITRE 4 : LA PRESSION SOCIALE DU DEFI

Dans la pratique de la Neknomination, s'exerce une double pression sociale. D'une part, une pression hors ligne par laquelle le Neknominé va devoir subir une souffrance pour montrer sa bravoure et triompher du défi. Cette pression est d'autant plus forte dans ce groupe de futurs ingénieurs où, on l'a vu, l'alcool et les soirées ont une place de choix. D'autres part, une pression numérique s'exerce par l'intermédiaire d'une performativité technique sur Facebook.

Le Social Bragging participe de cette pression réelle numérisée. Se rendre visible à tout prix et attirer le plus de likes possible en faisant toujours plus, voilà le but initial

48 Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des

idées », 2010, p. 20

49 Ibid.

 

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de cette tendance du web. Néanmoins, ce mouvement vise aussi à une uniformisation des pratiques dont l'objectif principal est de faire partie d'une communauté.

A/ La pression des pairs

Cette chaîne est un appel à perpétuer un lien, à construire une chaîne ensemble, « nommer quelqu'un c'est le provoquer en duel mais aussi l'exposer aux autres par rapport aux regards des autres et faire jouer la pression des pairs », nous dit Olivier Glassey. Damien montre d'ailleurs, à quel point la pression des pairs joue, une pression qui n'est pas forcément exprimée par le Neknomineur mais ressenti par le Neknominé à cause de l'amitié qui les relie :

- Et quand tu as vu la vidéo de la personne qui t'a nominé, tu t'es tout de suite dit, je vais le faire ?

Damien : Ouais !

- Pourquoi ?

Damien : Je sais pas, je trouvais ça marrant et cool, et puis c'était un pote de prépa, j'avais confiance en lui donc il fait le jeu moi je fais le jeu tu vois, pour pas, je sais pas, pour jouer le truc, jouer le délire. Pour continuer le délire.

- Tu te sentais obligé de le faire par rapport à lui ?

Damien : Ouais mais c'est naturel, c'est mon pote tu vois, pour lui faire plaisir de continuer la chaîne et puis moi je trouvais ça marrant en plus.

Ces vidéos constituent une forme de rituel auxquels ceux qui ont relevé le défi s'attèlent, ce rituel marque « la transition d'un état à un autre en organisant un « avant » et un « après ». Ensuite, ils se déroulent selon un modèle stéréotypé qui associe souffrance, bravoure et triomphe. Le rituel est douloureux, celui qui l'a traversé a souffert, mais il est doublement récompensé : par le changement de son statut bien sûr, mais surtout par la reconnaissance de son mérite à avoir franchi les épreuves »50. Ainsi, la Neknomination est ritualisée, stéréotypée dans son schéma narratif. Le défi est relevé quand il y a transition entre état de sobriété et d'ébriété. La souffrance, associée à la bravoure et au triomphe, est perçue et exagérée par la

50 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, pp 92-93

 

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grimace faite après avoir bu l'alcool d'une traite. Damien a même parlé de « Nouvelle tradition ». Lui et Louis ont tenté d'imposer la Neknomination dans la durée, à l'instar du Grand Schelem, cette tradition ancienne de leur école dont ils ont entendu parler et qu'ils ont souhaité relever. Ce challenge consiste à se soûler tous les jours pendant une semaine. Louis, Damien, et ceux qui les ont accompagné ont résisté six soirs. Pour y arriver, ils avaient décidé de nominer chacun au moins un membre de leur école mais ils n'ont pas insisté par la suite pour que toutes les personnes le relèvent.

Pression de la performativité sur Facebook

La pression se ressent également dans la performativité, notion développée par Austin dans son ouvrage post-mortem de 1955 qui résume ses conférences Quand dire c'est faire. Dans ce défi 2.0, lancé sur Facebook, la nomination est illocutoire, dès qu'elle est prononcée dans la vidéo, le nominé ne peut y échapper. De plus, cette nomination est rappelée dans le message accompagnant la vidéo - initié par le Neknomineur - qui refait la liste des trois personnes défiées. Dans cette liste, les personnes sont marquées sous forme de liens qui redirigent vers leur profil Facebook. On peut alors parler d'une performativité technique dans la mesure où la personne est notifiée par Facebook de sa nomination. Ce lien vers son profil a pour conséquence que le Neknominé ne peut échapper à ce défi, c'est comme une fatalité, il est fiché (qu'il ait un homonyme sur le réseau social ou qu'il ait un pseudo, on sait que c'est à lui, que le défi est lancé car tout le monde peut cliquer sur ce lien). Enfin, il est important de préciser que la vidéo de chaque Neknomineur apparaît sur le journal de chaque Neknominé dans la mesure où il identifie dans le partage la personne nominée. Les amis de la personne nominée peuvent ainsi avoir accès à sa vidéo, même s'ils ne sont pas en relation avec celui qui lance le défi.

Ici, on fait face à un défi à deux vitesses, la première étape est la mise en scène de la vidéo et sa fabrication. La seconde, sa publication, si ces deux conditions ne sont

 

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pas respectées, le défi n'est pas relevé. L'étape de la nomination d'autres personnes entrent aussi en compte sinon la chaîne est inachevée.

Sur la vidéo de Maxime, publié le 15 février 2014, on peut lire quelques commentaires intéressants qui constituent la preuve d'une certaine pression :

Le 16 février, le prénommé Norb publiait sa vidéo (le deuxième commentaire étant la personne qui l'a nominé).

Lucas a confié ne pas avoir tenu compte de ces commentaires, d'autant plus que les 24 heures accordées pour la réalisation de la vidéo n'était pas terminées. Cependant, ceci prouve malgré tout que ses amis attendaient Lucas au tournant et comptaient sur lui pour relever le défi.

Ceci constitue une première école de pensée, cependant, celle-ci s'oppose à une autre composée des internautes ayant publié leur vidéo et nominé des personnes et qui ne font plus attention aux suites. Elles sont « cool » et n'attachent plus vraiment d'importance à ce défi une fois qu'il a été relevé par eux. C'est notamment le cas de la personne interrogée pour l'entretien, Louis, qui a confié :

- Et je pense surtout à ceux qui ne l'ont pas fait suite à ta nomination, est-ce qu'ils t'ont

prévenu qu'ils ne relèveraient pas le défi hors Facebook ?

Louis : Non je crois pas, en fait je l'ai posté et après je m'en occupais plus du tout.

- Ah et il t'en a jamais reparlé en fait ?

Louis : Non il ne m'en a pas parlé et moi je m'en foutais

En fait, cette deuxième école en dit long sur la personnalité de ceux qui la composent, des personnes qui « ne se prennent pas la tête », elles ont pris le défi plus comme un jeu fait entre « potes » pour rire en soirée, cette deuxième école illustre que la Neknomination n'est pas seulement une pression exercée en ligne ou hors ligne mais aussi une compétition de fêtards qui se mettent en scène pour boire la plus grande quantité d'alcool (ou en tout cas faire mieux que le précédent) et de manière la

 

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plus originale possible. Cette volonté de toujours faire mieux que son prédécesseur s'inscrit dans la tendance du Social Bragging.

B/ Les bravades démonstratives de la génération Y

La Neknomination est une compétition de fêtards. Les enquêtés sont en école d'ingénieur, le genre d'établissement où la compétition entre étudiants, majoritairement garçons, est toujours présente. Cette compétition est finalement beaucoup plus visible dans les soirées où celui qui tiendra le mieux l'alcool ou fera les pires folies aura gagné la palme du héros de la fête.

Lors de l'enquête, nous avons pu constater qu'il y a avait une fille, Elise, nominée par Damien, qui a relevé le défi. Néanmoins, il n'a pas été totalement relevé dans la mesure où elle a dépassé les vingt-quatre heures de délai accordé par Damien. Il est aussi important de mentionner qu'elle a fait sa vidéo en binôme avec un ami. Elise est dans la même école que le groupe d'ingénieurs en devenir, elle est ainsi toujours entourée de garçons et fait la fête avec eux. Elle a donc le même rapport à l'alcool que ses camarades.

C'est sur Facebook que s'est joué ce défi, relevé par beaucoup d'étudiants de cette école d'ingénieur.

Mise au défi et auto valorisation

Le terme de « Google
·sation de l'estime de soi »51 développé par Serge Tisseron désigne cette tendance du « toujours plus » que les générations X et Y adopte. Se rendre visible à tout prix, attirer le plus grand nombre de likes possibles, voilà l'objectif que les Facebookers entendent atteindre. Selon Dominique Cardon, « en augmentant la compétition entre des individus en quête de reconnaissance, les réseaux sociaux de l'Internet contribuent aussi à uniformiser les manières de se présenter, de se singulariser et d'agir les uns envers les autres »52. C'est le paradoxe de cette génération qui veut toujours plus se différencier en restant dans l'ère du

51 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008

52 Dominique Cardon, « Réseaux sociaux de l'Internet », Communication, n°88, 01/2011, p. 147

 

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temps, c'est-à-dire en suivant les tendances. La Neknomination rend bien compte de ce mouvement. De par sa mise en scène, de par le choix de l'alcool ingurgitée, et de par la relève même du défi.

La Neknomination suit une tendance de plus en plus forte sur le web, celle du Social Bragging, Olivier Glassey la définit ainsi : « C'est une bravade démonstrative, une manière de mettre au défi quelqu'un, tout en se mettant soi-même en valeur. [Dans le cas de la Neknomination] "Je bois, je me filme et je le montre, pourquoi pas toi ? T'es pas capable ?" »53. Il n'y a rien de nouveau, le Social Bragging est quelque chose qui existe depuis longtemps sur les réseaux sociaux, on peut parler des jeux sur Facebook où l'on partage nos scores à tous nos amis pour montrer qu'on a réussi à passer un niveau compliqué, à Candy Crush par exemple. C'est une manière de dire à ses amis « fais mieux si tu peux ». Cette tendance est prégnante sur les réseaux sociaux depuis 2014, plusieurs chaînes au schéma sensiblement identique que celui de la Neknomination ont ainsi pu défiler sur nos Timelines. On pourrait citer, à l'eau ou un resto, une chaîne dont le nom s'inspire du site de livraison de repas à domicile, Allo Resto, et qui consistait, une fois qu'on était nominé, à se jeter littéralement à l'eau dans les prochaines vingt-quatre heures sinon le nominé devait payer un repas au restaurant à celui qui avait lancé le défi. On n'a pas pu passer à côté du fameux Ice Bucket Challenge, sans doute la chaîne qui a le plus fait parler d'elle, dans la mesure où de nombreuses stars s'y sont adonnées, un jeu où l'on devait se verser de l'eau glacée sur le corps et faire une mise en scène la plus originale possible.

Plus qu'une volonté de sociabilisation, le défi est surtout un moyen de ne pas se désociabiliser ou du moins, de nourrir ce sentiment. Relever le défi répond à cette pression que la communauté, consciemment ou inconsciemment, exerce sur leurs pairs. Si le défi est relevé sans faire mieux que son prédécesseur, la personne ne sera pas rejetée mais elle ne restera pas dans les mémoires. Si le défi est bravement et courageusement relevé, l'internaute, lui non plus, ne sera pas rejeté de la communauté

53 Olivier Glassey, « Le pire et le meilleur des jeux à boire », publié le 13/02/2014 dans le plus.nouvelobs.com, http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1146040-neknomination-le-pire-et-le-meilleur-du-web-en-un-seul-jeu-a-boire.html

 

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mais en plus il acquerra un statut élevé dans la communauté, celui du héros de la soirée correspondant à l'élite des étudiants fêtards.

On l'a vu, la Neknomination est bien un défi dont la relève a pour but une place dans la communauté de pairs. Dans ces vidéos, on peut distinguer trois niveaux de défi, premièrement, le méso-défi qui désigne la vidéo de Neknomination supposant que le défi a été relevé. Puis, vient le micro-défi, la personne a surenchéri dans l'originalité de sa vidéo et/ou dans la quantité d'alcool ingurgitée, etc, il faut alors qu'il dépasse le nombre de likes que le précédent a obtenu. Plus ce nombre de likes et/ou de commentaires est grand, plus il constitue la preuve que le défi a été relevé et, avec succès. Ce micro-défi prend ses racines dans le fait que les réseaux sociaux « constituent une mise à l'épreuve du pouvoir magnétique de chacun, de sa capacité à capter l'attraction de ses semblables ou des groupes qu'il entend séduire È.54 Le macro-défi se situerait donc dans le fait que la vidéo soit reprise ailleurs que sur la plateforme même de Facebook. Cependant, en ce qui concerne la Neknomination, aucune vidéo particulière n'a réellement fait le buzz55, c'est un buzz collectif dont on peut parler pour cette chaîne, virale, dans son essence.

54 Monique Dagnaud in Génération Y - Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, Science Po les pesses, 2011.

55 A part celle du Sud Africain mais cette vidéo constitue un détournement de la Neknomination et le commencement d'une nouvelle chaîne aux règles différentes mais qui suivent néanmoins toujours le même schéma d'énonciation

 

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Partie 3 - La nature virale de la Neknomination

Cette partie constitue une réflexion sur la nature virale du phénomène Neknomination. Elle abordera les éléments constitutifs de la culture du « Share » des réseaux socionumériques en analysant la configuration sociotechnique de ces sites internet qui incitent leurs utilisateurs au partage de contenus et en interrogeant les motivations des individus à partager sur ces réseaux. Dans un second temps, sera étudiée la circulation de cette chaîne en tant que réalisation collective, on conclura sur le besoin de reconnaissance qui a animé ceux qui ont publié une vidéo de Neknomination.

CHAPITRE 5 : LA CULTURE DU « SHARE »

Les internautes ont appris, au fil des années, à tourner les possibilités qu'on leur offrait à leur avantage. Ce chapitre met l'accent sur ce Culte du « Share » que les réseaux sociaux, et le web de manière général ont imposé depuis leur création, des codes et des conduites que les internautes se sont appropriés. Ce partage n'est en aucun cas désintéressé, il a toujours pour but de valoriser celui qui partage un contenu, il est l'outil de cette auto-présentation et valorisation de soi que la première partie de cette étude met en exergue.

A/ Configuration sociotechnique et incitation au partage

Les réseaux sociaux nous incitent-ils au partage ? Internet tout entier est un espace sociotechnique où les algorithmes exercent un pouvoir sur les internautes, Code is Law, disait Lawrence Lessig56. En réalité, l'utilisateur n'est jamais dépossédé de son libre arbitre, Michel Foucault affirme qu'il y a toujours une marge de liberté, les

56 Lawrence Lessig, Code is Law - On Liberty in Cyberspace, 1999

 

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personnes qui exercent un pouvoir incitent les autres à faire quelque chose. C'est la logique du faire-faire, le pouvoir se trouve dans l'action mais il peut toujours y avoir négociation. Le code fonctionne de la même manière, nous sommes toujours, en tant qu'internautes, contraints par le code, la façon dont le site a été agencé pour nous faire-faire des choses : partager une photo, partager un statut, partager une vidéo, réagir sur un partage par un like ou un commentaire (qui n'est autre qu'un partage de point de vue). Vous trouvez que le mot « partage » revient souvent ? C'est parce que le « Share » est omniprésent dans les réseaux socionumériques. Toute la construction de ces sites a été pensée pour faciliter et amplifier les partages de contenus. Aujourd'hui, le pouvoir n'est plus dans l'interdiction d'une action mais dans ce qu'il est rendu possible de faire. Les stratégies élaborées par un site tel que Facebook influencent les comportements de ses usagers à travers des outils techniques, le design est un des résultats de ces stratégies. Puisqu'on décide des caractéristiques par laquelle l'action va être possible, on oriente les comportements. La contrainte n'est plus ce qui limite l'action mais ce qui la rend possible. Pour s'en rendre compte, une analyse de la page d'accueil de Facebook a été faite.

! Accueil du site : en haut, au milieu : barre de statut dans laquelle est inscrit « Exprimez-vous »57 à l'intérieur (phrase qui s'éclairci quand on y met le curseur et s'efface quand on commence à écrire), puis on choisi dans l'onglet de cet encadré si on veut poster un statut (par défaut) ou partager une photo ou une vidéo, trois choix s'offrent alors à nous : « télécharger des photos/vidéos » ; « Ajouter des photos synchronisées » ; « créer un album photo ». Cet encadré est donc destiné à faire partager nos contenues personnels à nos amis.

! Dans la Timeline / le fil d'actualités, s'entremêlent publications d'amis et publications de pages que l'on a aimé.

57 On note ici l'importance de l'usage de l'impératif

 

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- Dans le cas des publications de nos amis, si c'est un statut ou une photo (que ce soit photo de profil ou photo partagée), on peut aimer, commenter et/ou partager. On peut également réagir dans le commentaire avec ce que Facebook appelle un « autocollant » (gros émoticône proposé et fait par le site, des marques ou des studios de production (dessins animés, films mais de toute façon toujours cautionnés par Facebook) ou une photo.

- Dans le cas des publications des pages que l'on a aimé, ce sont en général des liens qui sortent de Facebook lorsque l'on clique sur le lien par ordinateur, si c'est par téléphone via l'application Facebook donc hors web, on reste sur la plateforme Facebook. Le dispositif reste le même, on nous propose d'aimer, de commenter et/ou de partager, si on veut partager une fois que l'on a cliqué sur le lien on peut copier l'adresse URL de la page et la coller dans l'encadré de statut sur Facebook, ainsi la page se charge « aux normes » de Facebook et on peut également partager ce que l'on pense du contenu partagé. Ainsi nos amis seront incités également à réagir et/ou à repartager le lien lorsqu'ils le verront apparaître sur leur Timeline.

A côté des icônes « J'aime », « Commenter », « Partager », dès la première réaction est indiquée le nombre de chacune de ces actions comme sur la capture d'écran ci-dessous :

Ainsi, likes, commentaires et partages font office d'indicateur de popularité sur Facebook. Les liens pour réagir et les indicateurs sont d'ailleurs séparés car les icônes sont simplement là pour indiquer le nombre de réactions. Ce faisant, le site Facebook attire plus de monde, de réaction et de partage, c'est une boucle sans fin dans laquelle l'internaute a intérêt à partager et à réagir pour avoir des réactions en retour. On remarque d'ailleurs que plus un usager est actif, plus il aura un réseau

 

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important de groupes homogènes et par un effet boule de neige, de réactions.

On l'a vu, l'espace socionumérique favorise le partage. Ces outils techniques mis à notre disposition sont des configurations sociotechniques qui favorisent ainsi le partage. En un clic et quelques secondes, un contenu peut faire le tour de tous nos amis voire du monde, c'est la viralité des contenus, conséquence de cette culture du « Share ». Néanmoins, on peut se demander si ces partages sont davantage un généreux don de soi, ou une démonstration c'est-à-dire une construction réfléchie de son identité, pas un mensonge mais une version embellie de sa personnalité, une mise en scène du corps qu'Antonio Casilli appelle un « projet de soi », une quête de soi qui passe par la quête d'un corps idéal. « L'identité numérique est-elle une coproduction où se rencontrent les stratégies des plateformes et les tactiques des utilisateurs ? »58.

B/ Le partage : don ou démonstration de soi ?

Existe-t-il un « communisme de l'Internet » ?

Le réseau sociotechnique que l'on connaît aujourd'hui est situé dans le temps et dans l'espace. Créé aux Etats-Unis dans les années soixante-dix, décennie à laquelle est traditionnellement associée le paroxysme du mouvement hippie, Internet est pensé et construit comme un territoire vierge, signe d'un nouveau départ dans lequel la volonté principale est de créer un espace horizontal habité par différentes communautés qui pourront facilement communiquer.

Richard Barbrook, activiste politique et fondateur du département hypermédia de l'université de Westminster, interrogé par Antonio A. Casilli, parle d'un « communisme de l'Internet ». Pour lui, le don est le mode de circulation des biens et des services propre aux structures sociales en réseaux59. Cette surenchère de partages,

58 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, n° 152, 2008, p. 98

59 Jacques Godbout, Le Don, la Dette et l'Identité : Homo donator versus Homo oeconomicus, Paris, La Découverte, 2000

 

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fermement ancrée dans les technologies et dans les pratiques sociales des réseaux, marque un éloignement de l'esprit mercantile. Selon Antonio Casilli, on ne peut pas nier qu'une envie de partage s'est emparé de nos sociétés face aux millions d'utilisateurs qui, chaque jour, publient d'innombrable photos, vidéos, textes et renseignements sur les réseaux sociaux. Pour Richard Barbrook, « cela trahit une envie d'avoir des contacts, de créer un lien social ». Le don qui se pratique sur ces sites montre une façon de « faire société » tous ensemble. Dans le fait d'échanger un contenu sans intention, d'en récupérer un gain et traduit une volonté de créer des espaces de partage et de communauté.

Ce « communisme de l'Internet » est néanmoins une vision trop utopiste des réseaux sociotechniques, parce que des inégalités existent dans les espaces physiques et se reproduisent sur la toile mais aussi parce que ces dons ne sont pas totalement désintéressés. Effectivement, les internautes, quand ils partagent un contenu, ont un gain à récupérer, il n'est pas matériel mais symbolique, il se mesure par la reconnaissance des pairs et donc par la réputation sur le ou les réseaux sociaux.

Partager pour augmenter son « capital social »

La vraie valeur ajoutée d'une bonne liste d'amis sur Facebook se situe dans le fait que l'utilisateur choisi à qui il donne accès à toutes ses informations, Antonio Casilli explique le modèle du réseau comme une forme de capital social, dont Bourdieu, qu'il cite, donne la définition suivante : « (É) ensemble des relations humaines qui permettent à un individu d'améliorer sa position à l'intérieur d'un contexte social ». Il réalise une expérience sur Facebook durant cinquante jour, du 27 avril au 15 juin 2009, par laquelle le chercheur tente de répondre à la question suivante : « Est-ce qu'en améliorant la présentation de soi et de son corps dans son profil, un utilisateur arrive à maximiser son capital social ? ». Pour tenter de répondre à cette interrogation, le chercheur créé deux profils pour pouvoir ensuite les comparer. Le premier sous le nom de Tony Cas, le second, Ant Cas. Il commence donc à « faire vivre » ses deux profils, tout en essayant de « créer collectivement une identité faite

 

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d'échanges et de capacité à écouter les autres »60. Le sociologue va davantage partager des contenus, des photos, des vidéos, des informations sur lui, ses goûts, ses activités, etc, sur son profil N°1 qui devient bien plus riche que le second en terme d'informations personnelles mais aussi de nombre d'amis. Il se rend compte que « Dans les médias sociaux, les utilisateurs qui réussissent le mieux sont ceux qui révèlent le plus d'informations à propos d'eux-mêmes. Le maître mot ici est « dévoilement », la démarche de s'ouvrir aux autres »61. La retenue du profil N°2 est interprétée, dit le chercheur, comme un désinvestissement, « son réseau d'amis est alors un reflet emblématique de son identité en ligne », « s'il n'y a pas réciprocité dans l'échange d'informations, de suggestions, de narration de soi, les amis ne cautionnent pas l'identité cachée par l'utilisateur »62. Le partage sur les réseaux sociaux est alors davantage un échange, on ne parle plus de don mais de « donnant donnant » par cette réciprocité dont parle Antonio Casilli.

Dominique Cardon parle d'une logique de démonstration de soi.

« Les signes culturels (les goûts, les pratiques, les productions, etc.) deviennent des marqueurs beaucoup plus puissants pour identifier des proximités potentielles avec des inconnus. Ils supplantent la proximitéì locale et conduisent les utilisateurs à se définir de plus en plus fortement par leurs activités culturelles et de loisir. Sous l'effet de l'individualisation et des nouveaux modes de consommation, l'expression de ses goûts (musicaux, cinématographiques, télévisuels, etc.) devient une performance identitaire, permettant de s'affirmer et de se différencier des autres » : « signaler que l'on est « dans le vent » et marquer sa « petite différence ». »63

Quant à Judith Donath cet activisme de la démonstration de soi est « une parade indispensable pour marquer sa « petite différence ». Les personnes se sentent obligées de constamment signaler (i. e. se distinguer) aux autres qu'elles sont en mouvement, en se référant à des goûts, des attitudes, des produits, à l'actualité médiatique ou

60 Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2010, p. 213

61 Ibid.

62 Ibid., p. 218

63 Dominique Cardon, « le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 117

 

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musicale ou encore aux dernières informations virales sur la toile, afin de montrer qu'elles sont à la pointe des tendances »64, et même, qu'ils les créent. « Loin d'être une contrainte, l'exposition de soi apparaît alors comme une ressource permettant de signaler une certaine forme d'aisance sociale, une attitude « cool », transparente et ouverte et une capacité à jouer avec les codes. »65.

Lorsque Maxime partage tout ce qu'il écoute sur Deezer, Soundcloud ou autre Spotify, il confie que c'est surtout pour des raisons pratiques qu'il relie son compte Facebook avec ces sites, logiciels ou applications d'écoute musicale. C'est un partage d'une activité individuel, Maxime est fier de ce qu'il écoute. En vrai mélomane, il est éclectique, arrive à dénicher les sons de demain et le montre. Cette pratique individuelle devient alors collective car « le sentiment d'appartenance éprouvé par chaque membre tient davantage à l'échange avec les autres qu'à son activité solitaire »66. Par là même, il montre ce qu'il est, son identité, mais dans le même temps, il se valorise et anime son profil Facebook régulièrement sans n'avoir rien d'autre à faire que d'écouter de la musique.

Depuis sa création, le web nous incite au partage, sur Facebook, l'analyse à montrer que le « Share » est le maître mot du trombinoscope venu d'outre-Atlantique. Aujourd'hui, et grâce à l'avènement de techniques sophistiquées, l'internaute ne se rend même plus compte qu'il partage un contenu sur Facebook, autorisant une application à utiliser son compte à la première connexion, il lui permet de publier pour lui et en son nom.

Les internautes se sont familiarisés, puis appropriés ces codes et ces conduites 2.0 pour nourrir leur auto-présentation et marquer leur « petite différence ».

Ce culte imposé et voué au partage favorise assez naturellement et logiquement la création de buzz, c'est-à-dire, la circulation importante et rapide d'un contenu sur le web.

64 Dominique Cardon, « L'identité comme stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/ 2009, p. 63

65 Dominique Cardon, « le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 118

66 Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2010, pp. 55-56

 

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La Neknomination est l'un des nombreux buzz de la toile auxquels nous, internautes, avons pu assisté. Cette pratique s'inscrit dans le phénomène de viralité que la toile a intensifié, voire créé.

CHAPITRE 6 : CONTAGION ET PROPAGATION DE LA NEKNOMINATION

La Neknomination est une combinaison de la tendance du Social Bragging et du concept des Chaînes de lettres. Ce phénomène est, par définition, une réalisation collective, si une personne brise la chaîne, l'oeuvre en marche est inachevée. Nous verrons dans ce chapitre comment ces chaînes prennent forme sur Facebook et quelques unes de leurs caractéristiques. Selon Dominique Cardon, ce genre de phénomène montre des modes de collaborations inédits entre internautes, c'est une articulation originale entre individualisme et solidarité. Ce faisant, ces pratiques ont toujours pour objectif de se sentir reconnu par ses pairs. Ils répondent à un besoin de reconnaissance exprimé de manière implicite, parfois inconsciente de la part des internautes mais ceux-là attendent toujours des retours sur leurs publications. La volonté de susciter des réactions positives à des qualités identitaires exprimées.

A/ Une réalisation collective

La culture du « Share » existait avant que les réseaux sociaux n'arrivent, les chaînes que l'on a vu défiler sur notre fil d'actualités Facebook ne sont pas nées avec ce réseau. Sa genèse est celle des « chaînes de lettres ». « Une chaîne de lettres est un courrier (postal ou électronique) demandant au destinataire d'en envoyer une copie à chacun de ses proches ou s'il ne l'envoie pas, un « malheur » lui arrivera »67. La première apparition de cette pratique remonte au Moyen Âge, des lettres qui, sous motifs religieux, incitaient le destinataire à faire copie et envoi de la lettre reçue. Ce phénomène s'est cependant fortement développé au XX° siècle avec l'apparition des

67 Définition de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chaîne de lettres

 

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courriers électroniques. Dans le cas de la Neknomination, aucun malheur68 n'arrive au nominé mais le processus s'inspire de cette pratique.

Schéma théorique et utopique d'une chaîne sur Facebook

La personne n'est pas dépossédée de son libre-arbitre, elle a le choix ou non de continuer la chaîne. Néanmoins, on l'a vu, une certaine pression sociale peut exister pour inciter les nominés à relever le défi et, comme l'a fait remarquer Olivier Glassey, le propre d'une chaîne est de créer une réalisation collective, si la personne brise la chaîne, il n'achève pas l'oeuvre en marche. « Les nouveaux usages des plateformes relationnelles du web 2.0 font ainsi apparaître des modes de collaboration

68 « Si vous n'envoyez pas cette chaîne à tous vos contacts, vous allez mourir »

 

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inédits entre utilisateurs »69, « (É) elles favorisent l'émergence d'une dynamique de bien commun à partir de logiques d'intérêt personnel en articulant de façon originale individualisme et solidarité »70. Le schéma ci-dessus illustre une chaîne idéale et parfaite au sens où elle sera suivie par toutes les personnes nominées qui nomineront à leur tour trois autres personnes, et ce, à l'infini. Bien sûr, empiriquement, ce schéma n'est jamais validé, il y a, dans tous les cas, au moins une personne qui rompt la chaîne à un moment et brise donc la dynamique de la collaboration. D'ailleurs le caractère éphémère de ces chaînes trouvent son explication dans le fait que tous les nominés ne la suivent pas, à chaque fois, le nombre de participants diminue, soit parce qu'ils ne souhaitent pas y participer, soit parce que l'effet de mode, qui doit être pris également en compte, est passé.

Cependant, ce schéma, même s'il illustre le concept des chaînes sur les réseaux sociaux, et notamment Facebook, est trop simpliste et présente des inexactitudes. Puisque ces chaînes fonctionnent selon un réseau d'interconnaissances proches, il est facilement possible d'imaginer qu'A1 peut être également B2 voire même C1, se faisant, la personne a été nominée trois fois par trois personnes différentes qu'elle connaît. Empiriquement, lorsque ce cas se présente, les trois vidéos des Neknomineurs se retrouvent toutes sur le journal du Neknominé mais ce dernier fait d'une pierre deux coups en répondant par une vidéo à ses trois amis, et en les remerciant tous les trois en bon et du forme.

Une autre caractéristique de ce genre de chaîne est le flou du « patient zéro », effectivement, il est quasiment impossible de remonter jusqu'à la personne qui a lancé la chaîne, on ne sait jamais pourquoi elle a d'ailleurs été suivi, c'est le « nobody knows », quelque chose prend ou ne prend pas et si la chaîne fait buzz, elle est toujours éphémère, remplacée par une autre presque immédiatement, comme si des chaînes étaient fabriquées à la chaîne.

On observe dans le cas de la Neknomination une sorte de buzz collectif. Ceci est une des conséquences directes de cette culture du « Share », aucune des vidéos du

69 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Revue Réseaux, 152, 2008, p. 131

70 Ibid.

 

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phénomène de Neknomination n'a fait un véritable buzz71 mais c'est bel et bien une masse de vidéos, toute les chaînes qui ont fait le buzz, le processus lui-même et non quelques vidéos particulières. La Neknomination est cependant un cas atypique de la viralité d'Internet, effectivement, cette viralité repose sur un principe, devenu une maxime du numérique, celle du « public par défaut ». Ce caractère favorise une circulation massive des contenus sur le web et par là même, leur succès. Dans le cas de la Neknomination, on l'a vu, aucune n'a réellement fait le tour du monde, de cette pratique, nous retenons un succès collectif, suivi par des milliers d'internautes, le « public par défaut » ne fonctionne pas systématiquement pour ces vidéos, d'ailleurs beaucoup de Neknominés n'ont permis le visionnage de leur vidéo qu'à leurs seuls amis Facebook.

Une vidéo est virale si « elle est caractérisée par une montée, puis par une baisse, progressives, de l'audience quotidienne avant, et après, le pic de popularité »72. Il est toutefois impossible de mesurer l'audience d'une vidéo de Neknomination, dans la mesure où la plupart d'entre elles ont été publié directement sur Facebook, via l'outil partage de fichier vidéo. Sur le site, il n'y a pas de possibilité de vérifier combien de fois la vidéo a été visionnée comme ce serait le cas sur You Tube, ni quand elle a été visionnée. Le seul indicateur de l'audience est le nombre de likes et de commentaires laissés par les amis, une vision donc incomplète du public que la vidéo a réussi à capter. Ce qui permet de qualifier ce genre de vidéo de « virale » est le fait que cette tendance a été suivie un mois durant et qu'elle ne l'a plus été du jour au lendemain. Selon Crane et Sornette repris dans l'article de Thomas Beauvisage et al., ce type de trajectoire d'un contenu est « le produit d'une influence exercée par le biais du bouche à oreille », et quoi de mieux que les notifications pour recréer ce mode de transmission orale ? La Neknomination relève donc plus de la contagion que du buzz à proprement parler, comme un virus, la chaîne s'est propagée, allant de profil en profil pour s'éteindre et laisser place à une autre.

71 Sauf la reprise par un Sud Africain mais il change le principe pour faire ce qui lui semble être une bonne action

72 Thomas Beauvisage et al., « Le succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés, n° 21, 2/ 2011, p. 156

 

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Réplication et réappropriation des vidéos virales

« La plupart du temps, les messages ne circulent pas selon un strict mécanisme de réplication, contrairement à ce que la métaphore virale laisse entendre : ils sont retravaillés, remixés, distordus voire détournés. Cette perspective conduit ainsi (É) à mettre l'accent sur les contenus culturels, pour comprendre ce qui les rend si perméables Jenkins utilise le terme « spreadable media ». Jenkins présente ainsi l'exemple des LOLcats, les photographies de chats, accompagnées d'une légende humoristique en mauvais anglais. Pour lui, ce qui circule n'est pas le contenu de l'image (la photographie et le texte qui l'accompagne), mais la structure permanente, à savoir la juxtaposition d'une photographie de chat avec une phrase comique, et la succession des LOLcats qui sont partagés les uns après les autres. Ainsi, la circulation virale s'accompagne d'une transformation de l'objet et d'une prolifération des contenus. »73

Il en est de même pour la Neknomination, les vidéos suivent toutes, comme évoqué auparavant, un schéma narratif strict adopté par mimétisme mais retouché paradoxalement par chaque internaute dans la mise en scène de la vidéo. Ainsi, les paroles et le but sont les mêmes mais les images changent pour toujours plus d'originalité. Ce schéma ainsi adopté est une sorte de contrat inconscient respecté par chaque Neknominé et signe l'appartenance à une communauté.

B/ L'appartenance à une communauté

Dans l'expérience d'Antonio Casilli effectuée sur Facebook décrite dans un précédent chapitre, pour laquelle il avait créé deux profils de lui-même, un premier davantage fourni en informations personnelles et un second plus anonyme. Le chercheur avait remarqué, qu'en ajoutant des informations personnelles sur son profil n°1 il attirait beaucoup plus de personnes, ce profil était alors plus attractif. Voici un extrait du carnet de bord qu'il tenait lors de cette expérience :

73 Thomas Beauvisage et al., « Le succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés, n° 21, 02/ 2011, p. 163

 

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« Je propose une mise en scène très précise de son style personnel. Inconsciemment on imagine une apparence physique, des vêtements... C'est encore Pierre Bourdieu qui nous a appris que l'expression des goûts dans la vie de tous les jours participe d'un processus social qu'il appelle « distinction ». Processus complexe, qui consiste à trouver le juste équilibre entre l'envie de se démarquer des autres en affirmant son individualité, et le besoin de se conformer aux goûts dominants de son milieu social. »74

Il en tire ainsi la conclusion que « C'est un besoin de cohésion qui anime les internautes, une envie de resserrement de leurs rapports sociaux »75. Ces rapports online s'entremêlent avec le monde hors ligne. « Les deux univers sociaux sont alors dans un continuum »76. D'autant plus que sur Facebook, le lien d'amitié est bidirectionnel. En effet, alors que sur certains réseaux sociaux ce lien peut être unidirectionnel dans la mesure où une personne peut suivre et avoir accès aux contenus publiés par un utilisateur sans que le second n'ait besoin de le suivre à son tour, comme sur Twitter ; sur Facebook, l'autorisation donnée à accéder aux informations stockées sur le profil est réciproque. L'appartenance à une communauté est d'autant plus vraie que dans l'espace socionumérique, l'acte d'« amitié », désignée par le terme de friending en anglais, est un acte déclaratif fort, selon Antonio Casilli. C'est une requête officielle d'amitié envoyée à quelqu'un d'autre qui doit l'accepter ou la refuser. La réciprocité de départ est ainsi toujours observable dans l'échange des deux amis, elle donne lieu à cette relation « donnant donnant » qui caractérise le partage dans l'espace socionumérique.

Le sentiment de communauté est aussi largement renforcé dans les groupes privés que Facebook permet de créer. Lucas et Maxime en ont d'ailleurs un où tous leurs amis d'enfance de leur ville d'origine sont réunis. Lucas confie d'ailleurs davantage partager de contenus sur ce groupe car il s'adresse à un public bien plus ciblé et qu'il connaît mieux.

74 Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2010, pp. 215 à 216

75 Ibid., p. 229

76 Barry Wellman, « Connectig Community : On- and Off-line », Contexts, vol. 3, n° 4, 2004, p. 22-28

 

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Plus qu'un projet de soi, un projet de nous

Les internautes façonnent leur identité en fonction de ce qui est attendu, comme le rappelle Fabien Granjon et Julie Denouël, « La production de soi en ligne est (É) indissociable d'une exigence communicationnelle, d'échanges et de dialogues avec des tiers car ce sont eux qui vont agréer positivement ou non la demande de reconnaissance ainsi formulée. »77. Et d'ajouter que « (É) c'est cette mise en relation par la monstration de soi et la production d'énoncés valorisants qui conditionne l'accès à la reconnaissance. »78. Par leurs posts ou « textualisation des subjectivités », les internautes fondent une demande de reconnaissance qui doit être approuvée par leurs pairs, c'est-à-dire, susciter une réaction positives à des qualités identitaires. Les commentaires valorisants et/ou les likes participent également de cette approbation, ils sont d'autant plus efficaces qu'ils sont explicitement exprimés sur la plateforme. Ainsi ils constituent des marqueurs importants de reconnaissance publique, et plus ils sont en nombre, plus ils sont la preuve qu'il y a reconnaissance des pairs. Le sociologue Olivier Voirol fait remarquer que « (É) la possibilité que des acteurs parviennent à se constituer un soi, une conception d'eux-mêmes dans un rapport intersubjectif et entrer dans des rapports de reconnaissance avec autrui dépend de leurs capacités à se rendre visibles, à exister et à être vus et entendus »79.

Ainsi, la Neknomination participe bien de ce besoin de reconnaissance, ces vidéos entendent moins mobiliser la réaction d'un grand nombre plutôt que la reconnaissance de leurs pairs, amis Facebook et proches offline. Ils répondent tous d'une même communauté de fêtards, reconnus pour leur capacité à s'abreuver en grande quantité, à faire les plus grandes folies en soirée, ces héros de la fête montrent, dans leur réalisation, cette folie de deux manières, par l'originalité de la mise en scène, mais aussi par la quantité d'alcool bue.

77 Fabien Granjon, Julie Denouël, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux », Sociologie, 01/2010, p. 27

78 Ibid., p. 70

79 Olivier Voirol, « Les luttes pour la visibilité. Esquisse d'une problématique », Réseaux, vol. 23, n° 129-130, 2005, pp. 89121

 

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Ce besoin d'appartenir à une communauté est lié à l'auto-présentation et à la valorisation de soi, selon Antonio Casilli, « le sentiment d'épanouissement éprouvé par chaque membre tient davantage à l'échange avec les autres qu'à son activité solitaire »80, tout notre « chez soi » virtuel est donc pensé et calculé en fonction de cette volonté de plaire aux autres et donc d'appartenir à une communauté. Le chercheur rappelle « l'existence de forces sociales qui façonnent notre manière de vivre la corporéité : dans les habitats en ligne, la présence corporelle cesse d'être simplement un projet de soi pour devenir un « projet de nous » »81. La Neknomination, on l'a vu, est bien un des résultats symptomatiques de ce grand « projet » que les internautes entendent réaliser.

80 Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2010, p.56

81 Ibid., p.224

 

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Conclusion

Toujours dans un souci d'articuler espace numérique et espace physique, car Internet n'annule pas la sociabilité de ses utilisateurs, il la reconfigure82, cette étude est une analyse des techniques de socialisation développées par des individus présents sur les réseaux socionumériques. A travers l'exemple de la Neknomination, on a ainsi pu montrer comment une culture expressive s'est formée dans ces espaces online, entre auto-présentation et valorisation de soi en clair obscur sur Facebook. Ainsi, une analyse empirique d'un échantillon de vidéos a pu être faite afin de montrer cette mise en scène assumée et réfléchie de soi devant une audience que ces internautes entendent capter.

Le principe de défi que sous-tend la Neknomination également être mis en exergue dans une communauté d'étudiants adeptes des fêtes où l'alcool et les jeux qui l'accompagnent sont toujours présents. La culture de ces jeunes a été exposée pour essayer de comprendre leur motivation à s'insérer dans cette chaîne. Une deuxième réponse a été formulée, celle de la pression sociale qui s'est exercée sur certains d'entre eux, tantôt explicite, tantôt implicite pour ainsi expliquer pourquoi le Social Bragging s'est imposé sur les réseaux socionumériques.

Enfin, la question de la viralité a été étudiée afin d'expliquer la propagation et la contamination de ces vidéos sur les réseaux sociaux. On a pu voir que ces sites vouent un Culte au « Share », le partage est omniprésent dans leur configuration sociotechnique. Ce partage qui vise plus a une démonstration de soi qu'à un don, il est toujours intéressé et ne fonctionne que par réciprocité. Ces chaînes alimentent un paradoxe du web où individualisme et solidarité s'articulent constamment. La

82 Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2010, p.248

 

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Neknomination résulte donc d'une réalisation collective de la part des internautes, à la fois similaires et originales, aucunes de ces vidéos n'est totalement différentes ni totalement identiques. Elles expriment une volonté de suivre son camarade dans le « délire » mais en même temps une intention de faire mieux que son prédécesseur afin d'acquérir un statut qui se rapproche du « héros de la fête », celui qui fait les pires folies, et qui constitue une sorte d'élite dans cette communauté bien définie. Ceci exprime un besoin de reconnaissance dans une communauté numérique, prolongement de l'une des communautés physiques d'un individu.

Le phénomène de Neknomination est un exemple emblématique des dynamiques qui s'opèrent sur Internet. Il participe de la fabrique des identités sur les réseaux socionumériques dans le but de satisfaire un besoin de reconnaissance dans une communauté de pairs. A noter qu'il y a des inégalités entre les individus d'une même communauté, certains acteurs auront plus d'influence sur l'acceptation et la valorisation d'un individu que d'autres au sein de ce groupe, c'est toujours la question des dynamiques entre les leaders d'opinions et les personnalités qui s'en inspirent que la sociologie étudie constamment.

Le manque de temps a surtout été une contrainte quant au nombre d'enquêtés qui n'a pas pu être supérieur à quatre individus interrogés (le cinquième ayant refusé de répondre). Le corpus s'en voit alors également réduit dans la mesure où la volonté était de ne pas séparer les vidéos de leurs auteurs. Malgré cela, l'étude est assez complète et montre les enjeux de chaque internaute quant à la réalisation de cette vidéo.

Si le temps et l'espace de ce mémoire n'avaient pas été aussi limités, une étude plus approfondie de plusieurs les chaînes et les défis qui s'opèrent sur différents réseaux socionumériques auraient pu être pertinente et renforcée les hypothèses énoncées.

Ce mémoire s'intéresse à la construction des identités numériques qui s'inscrit

dans un besoin de reconnaissance. Si j'en ai l'occasion plus tard, j'aimerais pouvoir

 

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étudier, dans la même optique, les dynamiques de ces expressions sur Facebook en comparaison à celles utilisées sur Twitter, où les manières de s'exprimer diffèrent ainsi que les communautés dans lesquelles elles s'inscrivent.

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Bibliographie

Ouvrages :

CARDON Dominique, La démocratie Internet : Promesses et limites, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La république des idées », 2011, 102 p.

CASILLI Antonio A, Les liaisons numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées », 2010, 332 p.

DAGNAUD Monique, Génération Y - Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion - 2ème édition, Paris, Science Po les presses, 2013, 208 p.

DAGNAUD Monique, La teuf - essai sur le désordre des générations, Paris, Éditions du Seuil, 2008, 208 p.

DALSUET Anne, T'es sur Facebook ? - Qu'est ce que les réseaux sociaux changent à l'amitié ?, Paris Flammarion Antidote, 2013

MERCKLÉ Pierre, Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2011, 109

p.

TISSERON Serge, L'intimité surexposée, Paris, Hachette Littérature, 2002, 180 p.

TISSERON Serge, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Paris, Albin Michel, 2008, 227 p.

 

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Articles scientifiques :

Dossier sous la responsabilité de ALLARD Laurence avec la collaboration de BLONDEAU Olivier "Cultures numériques, cultures expressives", MediaMorphoses, n° 21, septembre 2007, pp. 19 à 25

BEAUVISAGE Thomas et al., « Le succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés, n° 21, 02/ 2011, pp. 151 à 166

CARDON Dominique, « le design de la visibilité », Réseaux, n° 152, 2008

CARDON Dominique, « L'identité comme stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/2009, pp. 61 à 66

CARDON Dominique, « Réseaux sociaux de l'Internet », Communication, n°88, 01/2011, pp. 141 à 148

COUTANT Alexandre, « Des techniques de soi ambivalentes », Hermès, n° 59, 01/2011, pp. 53 à 58

GRANJON Fabien, DENOUèL Julie, « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux », Sociologie, 01/2010, pp. 25 à 43

TISSERON Serge, « Intimité et extimité », Communication, n°88, 19/05/2011, pp. 83 à 91

 

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Sources

« Le pire et le meilleur des jeux à boire », le 13/02/2014 dans le plus.nouvelobs.com,

par Olivier Glassey, http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1146040-
neknomination-le-pire-et-le-meilleur-du-web-en-un-seul-jeu-a-boire.html

Comment les réseaux sociaux bousculent la théorie de Milgram, par Frédéric Foschiani, le 20 octobre 2010, http://blog-ereputation.com/2010/10/20/comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-theorie-de-milgram/

Facebook a rétréci le monde, ramenant les « six degrés de séparation » à 4,74 en moyenne, par Kimihiro Hoshino AFP.COM, 20 minutes, le 22.11.11, http://www.20minutes.fr/ledirect/828370/facebook-retreci-monde-ramenant-six-degres-separation-474-moyenne

Conférence de Clément Mabi, maître de conférence à l'UTC de Compiègne, chercheur au laboratoire Costech, Pourquoi le design compte ? Analyse critique du design de sites web participatifs, le 08.04.2015

 

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Corpus

Fichiers joints dans la clé USB fourni au dossier

+ Vidéos de Louis :

o Neknomination Louis essai 1.mp4

o Neknomination Louis essai 2.mp4

o Neknomination Louis.mp4 (publiée le 14 février sur Facebook)

+ Vidéos de Damien :

o Neknomination Damien essai 1.mp4

o Neknomination Damien.mp4 (publiée le 13 février 2014 sur Facebook)

+ Vidéo d'Antoine :

o Neknomination Antoine.mp4 (publiée le 14 février sur Facebook)

+ Vidéo de Maxime :

o Neknomination Maxime (publiée le 15 février 2014 sue Facebook)

+ Vidéo de Lucas alias Norby Zuman :

o Neknomination Norby Zuman (publiée le 16 février 2014 sur Facebook)

 

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Table des matières

Introduction 6

Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0 ? 12

Chapitre 1 : La culture expressive 12

A/ Auto--présentation et valorisation de soi 13

B/ Une expression en clair obscur 16

Chapitre 2 : Une mise en scène assumée devant un public ciblé 19

A/ Des vidéos réfléchies et standardisée 19

B/ ...A destination d'un public ciblé 25

Partie 2 -- Le défi comme matière à sociabiliser 27

Chapitre 3 : Un jeu d'alcool en clair obscur 27

A/ La culture de la fête et des fêtards 28

B/ Un jeu d'alcool physique et numérique 32

Chapitre 4 : La pression sociale du défi 34

A/ La pression des pairs 35

B/ Les bravades démonstratives de la génération Y 38

Partie 3 -- La nature virale de la Neknomination 41

Chapitre 5 : La culture du « Share » 41

A/ Configuration sociotechnique et incitation au partage 41

B/ Le partage: don ou démonstration de soi ? 44

Chapitre 6 : Contagion et propagation de la Neknomination 48

A/ Une réalisation collective 48

B/ L'appartenance à une communauté 52

Conclusion 56

Bibliographie 59

Sources 61

Corpus 62

Table des annexes I

 

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- I -

Table des annexes

Annexe 1 II

Annexe 2 IV

Annexe 3 XXI

 

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- II -

Annexe 1

Guide d'entretien

Informations

o Nom, prénom, âge, situation professionnelle, école, lieu d'habitation, milieu social et celui des parents, réseau social, autres espaces de socialisation en dehors de la famille et du milieu pro (lieux de loisir, etc), trajectoire scolaire, niveau d'études.

o Parcours social, vie associative dans l'école ? (BDE, etc)

Utilisation des réseaux sociaux

o Es-tu sur Facebook depuis longtemps ?

o Utilises-tu Facebook régulièrement ? (heures par jour, par semaine passées sur Facebook)

o Dans quel but utilises-tu Facebook ? (Utilisation du chat, veille informationnelle, publication de photo, etc)

o Es-tu présent sur d'autres réseaux sociaux ?

Rapport à la fête

o Sors-tu souvent en soirée ?

o Sors-tu avec des gens de ton école ?

o Sors-tu régulièrement avec la personne qui t'as nominé ?

o Aimes-tu les jeux d'alcool ? Est-ce que tu en fais souvent lors de soirées ?

o Bois tu de l'alcool à chaque soirée ?

o L'alcool et les jeux qui vont avec sont-ils un moyen de lancer la soirée quand elle démarre ? (Moyen de socialisation), un moyen pour se désinhiber ?

La nomination

o Quelle personne t'a nominé ?

o Te souviens-tu du moment où tu as vu la nomination ?

o Combien de temps s'est écoulé entre le moment où tu as vu la publication et le moment où tu as publié la tienne ?

o Connais tu cette personne ailleurs que sur Facebook ? Si oui, d'où ?

o Quelle relation as-tu avec elle ? Est-ce une personne proche ou une simple connaissance ?

o Beaucoup de personnes ont-elles fait une vidéo de neknomination dans ton école ?

o Quelle a été ta principale motivation à accepter de relever ce défi ?

La fabrication (mise en scène)

o

 

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- III -

As-tu filmé cette vidéo par toi même (webcam) ou quelqu'un t'a-t-il filmé ?

o As-tu pensé longuement à comment tu allais te mettre en scène dans cette vidéo ?

o As-tu fait plusieurs prises avant d'avoir une vidéo qui te convenait afin de pouvoir la partager ?

o Que voulais-tu montrer par cette mise en scène ? Voulais tu faire passer un message quelconque aux personnes qui t'ont nominé ?

o Dans quel lieu as-tu fait cette vidéo ? (Chez toi, chez un ami, dans la rue, etc)

o Dans quel cadre as-tu fait cette vidéo ? (Dans une soirée entre amis, tout seul, etc)

La publication

o Pourquoi l'as-tu partagé sur les réseaux sociaux par la suite ?

o Etait-ce la première fois que tu partageais une vidéo de toi ?

o As-tu eu des critiques suite à la publication de cette vidéo ? (hors Facebook et sur Facebook -> commentaires)

o Est-ce que tu pouvais ne pas la faire ? La publier ? En d'autres termes, as-tu hésité à publier ta vidéo ? Si oui, pourquoi ? Et quelles ont été tes motivations à la faire et à la mettre en ligne ?

La mobilisation - « l'audience »

o Te souviens-tu du nombre de « likes » que tu as réussi à mobiliser ?

o As tu eu des commentaires sur votre vidéo ? Si oui, t'en souviens-tu ?

o As-tu eu des discussions à propos de cette vidéo hors des réseaux sociaux suite à sa publication ?

o As-tu nominé une ou plusieurs personnes ? Combien ? La chaîne a t-elle continué après toi ? Sur le nombre de personne(s) nominée(s), combien ont accepté le défi ?

o Quels sont tes rapports hors web avec les personnes que tu as nominé ?

Les dangers du clair-obscur

o (Ce contenu pourrait te porter préjudice dans ta future vie professionnelle (patrons qui naviguent sur Facebook avant l'embauche par ex)), as-tu modifié tes paramètres de confidentialité sur les réseaux sociaux afin que seuls tes amis aient accès aux contenus que tu publies ?

o Limites-tu Facebook aux relations amicales ou est-ce aussi un réseau où ta famille est présente ? (Je pense surtout aux parents qui ne sont pas forcément d'accords avec ce genre de vidéo)

o Ta vidéo est-elle toujours en ligne (même si quasi-invisible sur le fil d'actualité du profil) ? Si non, pourquoi l'as-tu « supprimé » ? Si oui, pourquoi l'as-tu laissé ?

o Utilises-tu un pseudo sur Facebook ou ton vrai nom ?

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- IV -

Annexe 2

Entretien Maxime, le 12 mars 2015

(habillé décontracte, entretien dans son appartement, à mon arrivée, il me prévient, en me montrant la cuisine, qu'il me conseille de ne pas y entrer, il qualifie cette pièce de « No man's land », effectivement, c'est une cuisine ouverte et je m'aperçois des dégâts, rien n'est rangé, la vaisselle déborde de l'évier, Maxime m'explique que ce sont les restes d'une soirée qu'il a fait chez lui (il est un peu la terre d'accueil des soirées de sa promo, selon ses dires) et qu'il n'a pas encore rangé. Je lui demande si c'était hier, il me dit que non, ça datait d'une semaine (nous étions jeudi).

C : Donc je t'explique le but, dans l'idéal il faudrait que ce soit comme une conversation, que tu me racontes ta vie en fait, j'essayerais d'intervenir le moins possible. On va plutôt commencer par le informations générales, ta vie, ton parcours, tes parents, ce qu'ils font, ce que tu as vécu, ton parcours scolaire, ce genre de chose.

Maxime : Moi je suis né à Paris, je suis arrivé à La Rochelle à l'âge de 2 ans et demi, j'ai fait là-bas toutes mes études jusqu'à ma deuxième année de prépa, donc jusqu'à ma L2, j'étais en prépa physique chimie. Pouf, je passe les concours d'école d'ingénieur, je débarque au mans et là j'suis en M1, école d'ingénieur généraliste mais je me suis spécialisé dans les matériaux, tout ce qui est dans la modélisation moléculaire, polymère, tout ça, tout ça. Voilà.

C : d'accord, et tes parents, ils font quoi ?

Maxime : Mon père travaille aux impôts et ma mère est gestionnaire de comptes à La Poste. Voilà.

C : Et tu t'entends bien avec eux, pas de souci particulier ?

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- V -

Maxime : Ah oui nickel, ça a toujours été bien ouais jamais de gros conflit mais je ne dévoile pas toute mon intimité à mes parents, on est souvent dans de bons termes et les problèmes se résolvent de manière calme donc pas de souci à ce niveau là, voilà.

C : D'accord, donc une situation familiale assez confortable, et au niveau financier c'est pareil ?

Maxime : Ouais je n'ai pas à me plaindre, ils ne roulent pas ni en Jaguar ni en Bentley mais oui je n'ai pas à me plaindre.

C : donc après au niveau de l'utilisation des réseaux sociaux ?

Maxime : Ouais ?

C : les réseaux sociaux en général.

Maxime : alors je ne suis pas sur Twitter, euh, j'suis sur Facebook, je l'utilise tous les jours pour rien, enfin à part pour parler mais sinon c'est plus pour passer le temps, voire même, il y a un petit côté addictif quand même, des fois c'est un peu un réflexe d'y aller. J'suis assez mitigé sur les réseaux sociaux, les problèmes d'intimité.

C : t'es que sur Facebook ?

Maxime : Sinon y a quoi d'autre ?

C : Instagram, après les réseaux un peu plus professionnels comme LinkedIn, ou

Viadeo ?

Maxime : Oui j'ai Linkedin

C : J'ai vu qu'il n'y a pas longtemps sur Facebook tu as posté une annonce pour un stage, donc tu t'en sers aussi professionnellement ?

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- VI -

Maxime : Oui je m'en suis servie une fois et j'ai eu deux trois retours donc ça a plutôt fonctionné.

C : J'ai vu que tu avais plus de 500 amis, c'est toi qui demandes en ami en général ou tu acceptes tout le monde, tu parles avec tout le monde ?

Maxime : a priori j'accepte tout le monde, enfin quand je connais les têtes quoi, parce que je trouve que justement c'est la puissance de Facebook, c'est qu'il n'y a pas vraiment de raison de refuser puisque le côté sacré de l'amitié sur Facebook a totalement disparu donc tu vas pas dire à un mec « bah non je t'accepte pas sur Facebook », enfin ça rime à rien c'est pas le but de Facebook. Après oui je demande certaines personnes en ami mais quand j'ajoute des gens c'est dans l'optique de leur parler et de les revoir. J'ai déjà vu au moins une fois chacun de mes amis Facebook.

C : Et au niveau de tes paramètres de confidentialité vue que tu m'as parlé juste avant des problèmes de vie privée etc, t'as modifié quelques trucs ou pas du tout ?

Maxime : Bah en fait le truc c'est que je suis conscient de ces problèmes de confidentialité et tout ça mais j'en ai rien à secouer en fait (rires).

C : Tu pars du principe que tu n'as rien à cacher ?

Maxime : Ouais c'est un peu ça, mais vue que je post pas beaucoup de trucs sur Facebook, quand je post des trucs c'est soit des musiques, soit des trucs faits avec des potes, je fous pas de photos de moi à poil quoi donc je vais pas cacher des photos à certaines personnes.

C : Et même aux gens avec lesquels tu n'ai pas amis ?

Maxime : Ouais, alors si justement, je me suis fait avoir une fois parce que j'avais mis un statut qui disait en gros qu'on avait un partiel de je sais plus ce que c'était,

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- VII -

mécanique je sais plus quoi, et j'avais dit en gros qu'on allait se faire fister et j'avais pas vu qu'il était public et le lendemain, mon prof en question, enfin de cette matière vient me voir en disant « bah dit donc, Mr Guillotte, le fist et tout je sais pas quoi », donc du coup là je me suis dit « ok ! Va peut-être falloir que je fasse attention quand même quand je mets des statuts publics ou juste entre amis. Parce que le prof en fait, il était pas ami avec moi mais vu que mon statut était public il fait des petits espionnages. Et donc voilà, maintenant je sais que sur ça je vais être un peu plus méfiant pour le côté professionnel. Pour pas salir mon image quoi.

C : Et du coup tu vas être plus méfiant par rapport à ce que tu publies ou par rapport aux paramètres de confidentialité que tu as peut-être modifié depuis ?

Maxime : Un peu des deux. A chaque fois que je post un truc, je fais attention à quel paramètre est engagé, après je fais aussi un peu attention à ce que je mets mais je me dis que les paramètres de confidentialité suffisent à filtrer. Voilà.

C : Et du coup tu t'es inscrit quand ?

Maxime : Sur Facebook ? Houlà, euh, moi et la mémoire, euh je crois que c'était en 2008 ou 2009.

C : Et tu te souviens pourquoi tu t'es inscrit ?

Maxime : Oui ! J'étais en colo, dans une colo sportive et y avait une nana, on est resté très potes d'ailleurs, enfin on s'est un peu perdu de vue mais enfin bon bref, et justement elle, elle était sur Facebook et elle m'en parle « Oh tu vas voir c'est génial machin » et puis du coup je me suis dit vas y je m'inscris et puis voilà. Juste pour suivre le mouv' quoi. Tout le monde n'y était pas encore mais ça commençait à émerger beaucoup quoi.

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- VIII -

C : J'ai vu aussi que tu es assez mélomane, tu partages pas mal de musique, les événements auxquels tu participes, des festivals électro pas mal, et puis des soirées, tu sors beaucoup, quel est ton rapport à la fête ?

Maxime : J'ai commencé à sortir en 3ème, bon c'était des sorties avec limite horaire, pas beaucoup d'argent non plus donc pas beaucoup d'alcool.

C : Et pas de permis ?

Maxime : et pas de permis ouais, mais j'habitais à côté d`où je sortais donc c'était pas vraiment handicapant, mais j'ai eu une limite horaire, minuit en général, jusqu'à la première à peu près. Après en Terminal, je sortais tous les samedis ou les deux samedis à peu près. C'était souvent les mêmes genres de sorties. On allait à l'Harmattan, c'est le nom d'un bar, on prenait une ou deux bouteilles de punch et on finissait à la plage de temps en temps. En prépa, je suis pas mal sorti la première année, c'était un peu scandaleux, je sortais quasiment tous les samedis et quelques jeudis. Donc ça a pas été pour les notes quoi, j'étais à Jean Dautet à La Rochelle, j'ai fait mon lycée et ma prépa là-bas, en plein centre ville et ça motivait à sortir, d'autant plus qu'il y avait tous les étudiants qui n'étaient pas de La Rochelle qui avaient tous leur appart' en plein centre et soirée before en appart' et après on sortait dans les bars. Enfin ça c'était pour le jeudi car le samedi j'étais avec mes potes du lycée.

C : Donc tu dissociais vraiment les deux ?

Maxime : Ouais, c'était vraiment deux types de soirée différente. Avec mes potes de lycée c'était toujours un peu la même rengaine, c'était, euh, pas mollasson mais, É parce qu'on se fendait la poire mais on faisait rien en fait, enfin on faisait pas grand chose. Alors qu'avec les mecs de prépa c'était un peu plus actif, on allait dans les bars, on allait danser un peu et tout ça quoi. Mais bon, j'ai quand même validé ma prépa, scandaleusement. Après, j'ai choisi mes écoles d'ingénieur, j'ai d'ailleurs hésité à aller à Paris parce qu'en fait j'étais accepté au Mans en école d'ingénieur et au Magistère d'Orsay et j'ai dû faire un choix qui n'était vraiment pas facile parce

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- IX -

que les deux me plaisaient beaucoup. En fait, le magistère d'Orsay c'était pour faire prof et l'école d'ingé c'était pour faire ingénieur, les études du magistère d'Orsay, a priori, m'auraient plus plu que les études en école d'ingé mais en même temps je me voyais plus ingénieur que prof. Et donc Le Mans, je déboule, première fois que je bouge du cocon familial. Donc changement, patati, patata, très vite, de bonnes rencontres, quelques mois après, en gros, une équipe qui commence à vraiment se souder avec Louis, Hugo et tutti quanti.

C : Damien aussi ?

Maxime : Damien aussi mais moins que Louis et Hugo mais il fait partie de la même tribu quoi. C'est la même tribu mais pour moi il y a un noyau central avec Louis et Hugo, Damien est plus proche de Louis que moi je le suis.

C : Et Antoine qui était également dans la chaîne ?

Maxime : Ouais mais on le voit moins du coup, lui il est dans une autre tribu (rires), mais bon tout le monde s'entend bien et il y a aucun problème de mélange. Et donc, très vite on a enchaîné les soirées avec ce cocon là, avec cette tribu (rires) et mon foie s'est usé depuis que je suis arrivé au Mans, mais vraiment ! Parce qu'on avait pas beaucoup de boulot, moi je sortais de prépa donc ça changeait un peu, le rythme était un peu plus souple. Sauf à certaines périodes en fait, où il y avait quand même des moments de gros rush donc là c'était un peu pas possible de sortir mais y a quand même eu des semaines... Bah on a fait notamment la semaine du grand chelem l'année dernière qui consiste à se mettre un murge tous les soirs. Du lundi au dimanche. Bon on n'a pas fait le dimanche soir, donc j'suis un peu déçu (rires) mais sinon c'était d'une violence extrême c'est-à-dire qu'à partir du mercredi déjà c'est plus ton corps qui répond, t'es comme un robot. A partir du mercredi parce qu'on s'était déjà pris deux cuites, ça commençait déjà à bien tirer sur le foie. Mais c'est une bonne expérience, c'est marrant et puis quand t'as fini la semaine bah t'es content de te reposer.

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

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C : Et pourquoi cette idée ?

Maxime ; Pourquoi cette idée ? Parce que visiblement c'est une sorte de tradition à l'école, bon, personne ne la respecte, mais nous on a trouvé ça super fun du coup on s'est lancé. Mais en plus, on s'est pas dit « tiens cette semaine on fait la semaine du grand chelem », c'est juste qu'on a commencé à sortir le lundi, le mardi et puis on a vu que le mercredi on était encore un peu chauds pour sortir et bah ça s'est fait naturellement, sans se dire on fait la semaine du grand chelem.

C : Et ça représentait un défi de réussir à le faire jusqu'au bout ?

Maxime : Ah bah une fois qu'on était lancés oui, les trois premières soirée c'était pas du tout un défi mais après on s'est dit, vas y on est lancés, c'est parti quoi, et à la fin on était super contents de nous.

C : Et qui vous avait parlé de cette tradition ?

Maxime : Je sais plus trop, ça devait être nos parrains de l'école. Voilà.

C : Et à l'école comment ça se passe pour toi ?

Maxime : On dirait que tu parles à ton petit frère (rires). A l'école ça se passe bien, je m'y sens super bien, bien intégré, je me sens à ma place dans cette école, la formation me plait, la pédagogie c'est autre chose, les profs sont pas... enfin, si, les profs sont biens mais au niveau de l'administration y a eu beaucoup de problème donc c'est un peu galère pour tout ce qui est organisation et tout ça. En ce qui concerne mon projet, l'année prochaine je vais partir au Québec, dès le mois d'août là. En fait, je vais valider un double-diplôme à la fin de l'année prochaine, j'aurais le Master de machin nano technologie à Sherbrooke, au Québec, et j'aurais mon diplôme d'ingénieur en parallèle. Parce qu'il y a eu une sorte de partenariat entre l'Université de Sherbrooke et l'ISMANS.

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

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C : Ok, et tu m'as dit que tu étais bien intégré, on pourrait dire que tu es populaire, si on prend un terme assez américain ?

Maxime : Ouais on pourrait dire ça je pense, parce qu'on sort tout le temps donc on se voit souvent, enfin au moins ceux qui sortent, c'est aussi parce qu'on est une petite école, on est trois fois cinquante, parce que trois promos de cinquante personnes.

C : Et vous sortez tous ensemble, entre toutes les promos ?

Maxime : Non, alors moi quand j'étais en première année, on ne sortait qu'avec les première année, sauf quelques rares fois où ça arrivait qu'on sorte avec les deuxièmes et troisièmes années, notamment chez moi quand je faisais des soirées, parce que c'était terre d'accueil (rires). Et cette année, on est pas mal avec les troisièmes années du coup, et les premières années sont pas mal entre eux. J'ai l'impression que c'est souvent 1 ensemble et 2 et 3 ensemble.

C : d'accord, et vous vous êtes parrains aussi des premières années ?

Maxime : Ouais, et ça se passe bien avec mon fillot, à vrai dire je le vois pas trop, normalement on est censés s'entraider pour l'école et tout mais au final pas du tout. Enfin mon parrain, moi il m'avait filé pas mal d'annales, des cours, il m'a pas mal aidé, parce que je lui avais demandé. Mon fillot, ça a l'air d'être une tête donc il a pas trop besoin de moi. Et sinon, on fait quelques repas de famille de temps en temps, entre parrains et fillots, entre grands parrains et petits fillots. La dernière fois, on était chez mon parrain, donc on était tous les trois avec mon fillot et y avait aussi les collocs de mon parrain donc c'était pas un tête à tête. Donc c'était bière à la main, saucisson et Fifa, le bon trio quoi (rires).

C : Et au niveau des jeux d'alcool ?

Maxime : Alors moi je considère vraiment ça comme un amusement, parce que ces jeux, pour peu que tu sois un petit peu bourré, tu commences à gueuler, tu rigoles,

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XII -

voilà, c'est juste marrant, et puis, c'est vrai que ça soûle plus vite mais c'est pas pour être bourré plus vite qu'on le fait, c'est juste pour nous amuser. C'est pour partager un moment avec d'autres personnes. Souvent, c'est quand les gens sont pas super motivés que ça tombe, il y a toujours quelqu'un qui propose ça, parce qu'après, une fois que les gens sont soit trop bourrés, soit trop motivés, ils partent dans leur coin tatata, ils bougent tatata, et là, c'est impossible de canaliser l'attention pour faire un jeu tous ensemble. Alors que si on est autour d'une table, les jambes entrecroisées, qu'on s'allume des clopes tout le temps, enfin qu'on sait pas trop comment faire évoluer la soirée, Bim ! Jeu d'alcool, tout le monde rigole, ça lance la soirée et puis ça part en cacahuètes après quoi. Donc ouais ça peut lancer une soirée, et puis même quand elle a bien démarré c'est aussi marrant, c'est pas QUE pour lancer la soirée.

C : Et est-ce que par exemple quand il y a quelqu'un d'étranger à votre groupe qui vient à la soirée, vous allez faire un jeu d'alcool pour mieux l'intégrer ?

Maxime : Euh, non, enfin pas pour moi, si y a une autre personne que je connais pas trop, pour moi, la meilleure façon de l'intégrer c'est justement de pas trop lui prêter attention, parce que justement, si on lui dit « oh tu veux faire quoi, qu'est-ce qui t'arranges ? Machin... », il va se sentir gêné donc qu'il soit là ou pas, j'aurais lancé un jeu d'alcool et s'il joue, tant mieux, il s'intègre, mais s'il a du mal à s'intégrer, bah, je sais pas trop comment faire, c'est pas en lui proposant un jeu d'alcool qu'on va l'intégrer, c'est si le jeu d'alcool est lancé, il peut bien s'intégrer.

C : Et du coup vous en faites souvent en soirée ?

Maxime : Quasiment systématiquement, que ce soit en petit comité ou non, on trouve ça marrant quoi, et puis, y en a tellement !

C : Souvent tu sors qu'avec des gens de ton école ? ça n'arrive jamais que ce soit une personne extérieure ?

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XIII -

Maxime : Alors, si, la soirée se lance toujours avec des gens de mon école, mais c'est arrivé fréquemment d'appeler des gens extérieurs pour leur dire de passer ou des trucs comme ça, des gens que j'ai rencontré, pour la plupart, en soirée, enfin qu'en soirée en fait.

C : Donc c'est là que tu fais la plupart de tes rencontres ?

Maxime : Ouais, bah en même temps y a pas d'autre chose à faire au Mans quoi, enfin, je veux dire, c'est pas en allant au cinéma que tu vas faire des rencontres, si à un concert à la limite pourquoi pas mais y a pas grand chose au Mans.

C : Et tu fais souvent des concerts au Mans ?

Maxime : Bah du coup non, y en a pas des masses.

C : Festival ? J'ai vu que vous aviez été à un festival avec Louis y a pas très longtemps ?

Maxime : On devait y aller mais bites comme on est, on voulait acheter les places mais en fait elles étaient complètes dès le lendemain, enfin bref, en plus c'était énorme, c'était The Avener, Synapson, et d'autres, c'était fou, j'suis dégoûté, mais c'était à Alençon, pas au Mans, c'est à quarante minutes d'ici.

C : Alors maintenant on en vient à la Neknomination, je vais faire appel à ta mémoire j'suis désolée, donc est-ce que tu te souviens de la journée où tu as été nominé ?

Maxime : Je me rappelle à peine qui m'a nominé, je pense que c'est Antoine, mais la journée non, je pourrai pas de dire ce que j'étais en train de faire.

C : Et pourtant tu m'as dit qu'Antoine, tu sortais pas énormément avec lui ?

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XIV -

Maxime : Bah oui mais je sais pas c'est... enfin je pense que quand tu nomines quelqu'un c'est pas juste pour le nominer, tu t'attends à ce qu'il le fasse, tu te dis pas « tiens je vais nominer la personne la plus proche de moi », c'est aussi pour voir qui pourrait faire le truc le plus fou, sûrement qu'Antoine s'est dit « tiens Max il pourrait faire un truc marrant donc je vais le nominer ».

C : Est-ce que tu te souvient le temps qui s'est écoulé entre le moment où tu as vu ta nomination et le moment où tu t'es dit « ok je vais le faire » ? Et pourquoi tu as décidé de relever le défi ?

Maxime : Alors le moment entre la prise de décision et la nomination a été très court, entre quelques secondes et quelques minutes je pense. Pourquoi je l'ai fait ? Je pense pour faire rire, c'était vraiment juste pour faire rire et pour aussi me marrer parce que du coup, j'avais pas du tout l'intention de faire le défi genre en gros qui boira le plus, ça ne m'intéressait pas du tout. Alors j'ai cherché un truc légèrement plus original quoi à boire et en même temps à relever le défi donc du coup j'ai appelé Lucas alias Norby Zuman, parce qu'il a une petite caméra tout ça tout ça. Donc je suis allé chez lui et je lui ai expliqué ce que je voulais faire donc c'était mettre des lunettes de piscine, de plongée et en gros, au lieu de boire une bouteille de vodka, je voulais me la vider sur la gueule. Et donc c'est ce qu'on a fait et c'était super marrant, on était dehors en maillot de bain tout ça, et on était avec un autre pote en plus donc ça permettait de passer la journée ensemble, c'était juste pour faire un petit truc quoi. Et donc voilà, c'était pour le fun, et surtout pour montrer que je le ferai sans boire, même si j'ai bu un petit verre pour le geste.

C : Et est-ce que tu penses pas que d'avoir fait une vidéo plus original constitue un défi n lui-même ?

Maxime : Bah le défi de faire rire oui. Le défi c'était faire quelque chose de plus original plutôt que de boire.

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XV -

C : Et quelque chose qui m'a fait rire dans ta vidéo, tu te souviens que c'était quand même au mois de février, tu étais en maillot de bain dehors ! T'avais pas froid ? (Rires)

Maxime : C'était d'autant plus drôle ! Et d'ailleurs avec Lucas on s'est marrés ! On avait des défis au lycée, je crois que c'était tous les lundis, en fait, on devait faire un petit défi en arrivant au lycée et donc, je me rappelle plus très bien mais c'était des petits défis de merde mais c'était par exemple, arriver en plein hiver en tongs ou arriver au lycée sans n'importe quoi. Le genre de défi que j'aime bien quoi. On a fait ça que quelques lundis mais c'était marrant, j'en garde de bons souvenirs. Ou placer des mots incongrus en cours quand on participait, ça je l'ai beaucoup fait aussi.

C : Donc du coup c'est Lucas qui t'as filmé ?

Maxime : Ouais

C : Et ils t'ont aidé sur la mise en scène où tu y avais déjà réfléchi depuis pas mal de temps ?

Maxime : Non, j'avais plus réfléchi à comment je m'habillais, à ce que j'allais faire et puis le reste c'était « on verra bien », mon discours je l'ai improvisé.

C : Et pourquoi cette petite musique et le message ?

Maxime : De souvenir il me semble que c'était Lucas ou Hugo qui avait eu cette idée.

On regarde la vidéo pour que Maxime se souvienne du message

Commentaires de Maxime .
· « Ah oui c'était quand même un grand verre » C .
· t'es au courant que tu as fait un Ice Bucket Challenge avec l'heure ? Maxime .
· Oui carrément ! (Rires)

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XVI -

Maxime : Ah oui je me rappelle ! Bah tout est dit dans le petit écriteau, c'est juste qu'on voulait garder la fin de la bouteille pour la soirée ou pour je sais plus quand, et du coup je voulais pas vider totalement la bouteille mais j'en ai vidé pas mal quand même !

On continue à regarder la vidéo pour voir les gens qu'il a nominé

C : Tu as regardé Lucas quand tu as nominé Norby Zuman non ?

Maxime : Oui parce qu'en fait, il se doutait que Norby Zuman il pouvait très bien y passer et donc quand je l'ai regardé il a fait « Oooooh ! »

C : Parce que j'ai vu qu'il ne postait plus de vidéo sur ce profil, c'était un projet au départ ?

Maxime : Bah c'est un projet qui n'est pas totalement stérile, c'est un projet qui a été fait avec Hugo, la troisième personne qui était là pendant le tournage, ces deux là sont meilleurs potes depuis l'enfance et ils sont tous les deux très créatifs, donc Lucas a inventé le personnage de Norby Zuman et ils sont partis tous les deux pour faire des petites vidéos dans les bois et tout ça, enfin des trucs bien marrants. C'était censé continuer un peu sauf qu'il n'a pas trop eu le temps et ce qui le fait chier aussi c'est qu'il doit se raser pour faire ce personnage et Lucas porte la barbe donc ça l'emmerde (rires).

C : Et du coup, c'est un peu pour relancer sa page que tu la nominé ?

Maxime : Ah non pas du tout, c'est juste que c'était un peu dans la même optique que moi, je me disais que Norby Zuman, vu que c'est un personnage très extravagant, il pourrait nous faire un truc vraiment stylé et il a relevé le défi dignement.

C : Alors maintenant on passe à la publication, donc ta vidéo tu l'as partagé parce que tu la trouvais réussi je suppose ?

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XVII -

Maxime : Ouais ouais ouais

C : Et est ce que tu avais déjà partagé des vidéos de toi sur Facebook ?

Maxime : Non je ne publie jamais rien de moi.

C : C'était la première fois que tu publiais une vidéo où tu te mets en scène ?

Maxime : Euh... La première dont je me rappelle en tout cas, bah en fait je ne fais jamais de photos ou de vidéos de moi, c'est d'autres gens qui postent des vidéos ou des photos de moi. Ah si ! Je me rappelle d'une autre vidéo que j'ai mise ! C'était en Première, quand j'étais dans la classe d'Hugo, on faisait des petites expériences en TP de physique-chimie et du coup c'était assez marrant et c'est les seules vidéos que j'ai publiées. Y en a une qui s'appelle le « goulou goulou », en fait on a accroché une sorte de tyrolienne entre notre rang et le rang d'en face, enfin devant. On a accroché une sorte de ficelle sur le bureau d'en face et on tendait cette ficelle jusqu'à notre bureau on se levait sur les tabourets et on faisait rouler un rouleau de scotch, je sais plus mais un truc comme ça, jusqu'au bureau de devant. Enfin de la merde hein, de la belle merde mais c'était marrant le « goulou goulou ».

C : C'était une sorte de défi aussi un peu (rires) ?

Maxime : Ouais je sais pas c'était pour faire les pitres.

C : Et est-ce que tu as eu des critiques suite à ta vidéo ? Positives ou négatives ? Des commentaires oraux ou sur Facebook ?

Maxime : ça m'a pas marqué, mais en général les gens ont rigolé, de souvenir, y a des gens qui m'ont dit, « ouais mais c'était pas une vraie bouteille de vodka », mais je n'ai absolument pas compris, parce que déjà si, c'en était une c'est évident et en plus, je ne vois pas l'intérêt de prendre une fausse bouteille de vodka, enfin je veux dire, je

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XVIII -

la vois pas vraiment donc j'ai pas trop compris ces commentaires, mais je sais plus qui c'était ces gens.

C : Et à part Lucas, les autres personnes que tu as nominé ont relevé le défi ?

Maxime : non les autres, Bastin et Louis-Dimitrie ne l'ont pas fait et je sais pas pourquoi mais je leur en ai pas reparlé après, je m'en fichais qu'ils le fassent ou non.

C : t'es proche de ces deux autres personnes ?

Maxime : Bastien c'est mon parrain, je le vois assez souvent et Louis, je le vois pas trop, je le vois que à l'école en fait mais il est marrant donc voilà, c'est un adepte de la tortue donc je me suis dit qu'il aurait pu nous en faire une et que ça aurai pu être marrant mais bon il l'a pas fait.

C : Explique-moi ce qu'est la tortue

Maxime : Alors la tortue, c'est exhiber ses parties génitales, mais juste les deux coucougnettes (rires).

C : Ok (rires). Et est-ce que tu sépares ton groupe d'amis d'où tu viens et ceux du Mans, de ta vie d'étudiant ? Ou est-ce qu'il y en a qui se sont rencontrés ?

Maxime : Je distingue vraiment ces deux groupes, c'est pas du tout le même type de personne. Cependant, on a fait le nouvel an avec Louis et Hugo, donc du Mans, et on l'a fait à Bordeaux avec mes potes de lycée et ça s'est très bien passé, ils se sont super bien entendus. Ils se sont fendus la poire comme pas possible.

C : Et tu sors autant avec un groupe ou l'autre ?

Maxime : Non justement je sors davantage avec les gens du Mans. En comparaison à quand j'étais à La Rochelle, je sors plus au Mans.

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

- XIX -

C : Pourquoi ?

Maxime : Euh... Parce qu'alors déjà y a le côté personnel, le fait d'arriver au Mans, je ne connais personne, je suis complètement libéré par rapport à La Rochelle où c'est une petite ville où on croise toujours les mêmes personnes et on fait attention à ce qu'on fait. Donc ça ça stimule pas forcément pour sortir et faire le fou. Un problème d'image à tenir quoi, ça m'est déjà arrivé de croiser mes parents en ville alors que j'étais bourré ou les parents d'un pote, des trucs comme ça, donc ça la fou un peu mal quoi. Alors qu'au Mans c'est free quoi, un terrain vierge, tu t'en fou de ce que tu fais, je pense que Louis et Hugo étaient dans la même optique donc c'est pour ça que ça a été vachement vite et vachement fort en fait. On avait vraiment le même état d'esprit, que ce soit pour les soirées ou autre chose, le rapport au boulot, des trucs comme ça. Et puis les mêmes modes de pensée, vraiment, on est spontané entre nous, y avait un bon feeling. Alors qu'à La Rochelle, c'était beaucoup plus de prise de tête sur « alors qu'est ce qu'on fait » et puis y en a toujours un qui veut pas et paf paf paf, et puis c'était un plus gros groupe aussi à La Rochelle, donc c'est toujours plus compliqué pour réunir tout le monde. Y en a toujours un qui a la flemme et en plus on était vachement soudés, c'est-à-dire que quand il y a en avait un qui voulait pas faire un truc, en général ça plombait tout.

C : Est-ce que tu as tes parents sur Facebook ?

Maxime : Ils sont pas sur Facebook.

C : Est-ce que s'ils y étaient et que tu les avais en ami, tu aurais publié cette vidéo ?

Maxime : Ils l'ont vu la vidéo.

C : Ah donc pas de tabou par rapport à l'alcool, la fête...

 

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Maxime : Y en a eu mais y en a plus. Après c'est pas une histoire de tabou mais je leur dis pas tout et certains états dans lesquels je suis parce que ça les inquiète, donc c'est juste pour eux que je leur dis pas tout mais sinon moi j'ai aucun complexe par rapport à ça. Même si ma vidéo était plutôt soft au niveau de l'alcool j'ai quand même hésité à leur montrer parce que quand je l'ai faite, ils étaient déjà au courant de tous ces trucs, des Neknomination, et ils avaient surtout entendu aux infos patati patata, qu'il y avait eu des morts et tout ça. Donc ça les a inquiété aussi mais bon quand ils ont vu que je buvais rien, ou presque, ça les a pas inquiété plus que ça même s'ils ont été peut-être un petit peu étonnés de moi.

C : Tu te souviens pourquoi tu leur as montré ?

Maxime : Il me semble que c'était justement parce que c'était un phénomène qui faisait beaucoup de bruit et du coup quand on en parlait je leur ai dit « Ah bah oui bah je l'ai fait ça » et de fil en aiguille je leur ai montré.

C : Et ta vidéo est toujours en ligne, pourquoi tu l'as laissé ?

Maxime : Pourquoi je l'aurais supprimé ?

C : Beaucoup l'ont supprimé, par rapport aux problèmes au niveau professionnel, etc.

Maxime : Ouais bah euh... J'y ai même pas réfléchi en fait.

C : Et une dernière question, tu relies toutes les applications que tu utilises avec Facebook ? Soundcloud, Deezer, etc ?

Maxime : Oui mais c'est juste parce que c'est pratique, l'inscription automatique, pas besoin de nouveau mot de passe ou identifiant, tout se fait automatiquement, même le partage du coup.

 

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Annexe 3

Entretien Lucas, le 27 mars 2015

Entretien par Skype, Lucas est dans sa chambre, il vit toujours chez ses parents mais il a une pièce pour lui qu'il a aménagé, il a donc plus d'indépendance. Lors de l'entretien il est sur son canapé, détendu, il revient de cours.

C : On va commencer par les informations un peu générales sur toi, ta situation professionnelle, ta famille, où tu vis, où tu as peut-être vécu avant si tu as déménagé, etc

Lucas : Donc moi, comme tu le sais, je m'appelle Lucas, je viens de La Rochelle et j'y ai toujours vécu, donc je suis 100% Rochelais, je n'ai jamais vécu ailleurs, je suis née ici, maternité de La Rochelle, tout ça tout ça (rires). Euh, j'ai 21 ans et je suis né le 21 août 1993 exactement. Qu'est ce que je pourrais dire d'autre ? Euh... Tu as besoin de savoir mon parcours scolaire ou pas ?

C : Oui oui, tout, même si c'est un détail qui peut te paraître insignifiant, tout m'intéresse.

Lucas : Ok, alors en primaire, j'étais à l'école Paul Doumer, au collège, j'étais au collège Fromentin qui est en Centre Ville à La Rochelle. Et au Lycée, j'étais à Dautet, également en Centre ville de La Rochelle. Donc j'ai fait ES, Economique et Social. Ensuite, j'ai été en Droit, pendant trois semaines je crois, quelque chose comme ça (rires), suite à ça je me suis dit que c'était pas trop fait pour moi, ça m'a pas trop plu donc j'ai changé un peu de parcours, je suis allé en Gestion, à l'IAE, avant c'était l'Institut de Gestion, maintenant, c'est passé IAE de La Rochelle. IAE, c'est une sorte de label qu'ils ont obtenu après. Donc, je suis rentré au second semestre, parce qu'avant j'étais en droit et j'ai pas pu intégrer l'IAE directement après avoir arrêté la fac de droit. Donc, l'année d'après j'ai du refaire une première année comme j'avais

 

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pas tout fait et là donc je suis en deuxième année à l'IAE de LR. Voilà, ça c'est pour mon parcours.

Euh, sinon, dans la vie je fais pas mal de vidéos, donc c'est des sketchs, un peu dans le même genre que Bagel.

C : T'as une chaîne You Tube ?

Lucas : Non pas encore, on va la lancer cet été justement, là on est en train de produire donc j'ai acheté un peu de matériel et tout donc tout ça a quand même un petit coût. Donc il a fallut s'équiper dans le but de lancer notre chaîne You Tube avec ce qu'on a fait. Et voilà, après si t'as des questions.

C : Oui c'est qui « on » ?

Lucas : Ah oui, donc c'est deux potes à moi, y en a un c'est Simon et Charles, donc c'est deux amis, y en a un qui ne fait rien, il a arrêté ses études depuis, officiellement pas beaucoup de temps mais officieusement pas mal de temps quoi. Et l'autre vient d'arrêter ses études pour reprendre par la suite mais voilà il s'est un peu... ça l'a saoulé quoi, on va dire ça comme ça. Et après j'ai des copains qui vont faire de la figuration mais ils sont pas aussi impliqué dans le projet disons.

C : D'accord, et votre but c'est vraiment de devenir aussi important comme les studios Bagel ou Golden Moustache par exemple ? C'est pour gagner ta vie ou simplement un passe-temps ?

Lucas : non pas du tout, c'est pas notre but de devenir aussi connus qu'eux. C'est plus parce que j'ai pas mal d'idées en tête, je les ai mises sur papier et c'est plus de voir ce qu'on imagine à l'écran, enfin réaliser l'objectif. Après, alors bien sûr, si ça plaît, c'est aussi sympa d'avoir de la reconnaissance dans son travail et tout ça mais c'est plus de réaliser ce qu'on a dans la tête et d'avoir un truc qui nous plaît à nous, quand on le regarde, moi qui va me plaire quoi, qui soit fidèle à ce que j'imagine.

 

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C : T'as déjà fait du théâtre ?

Lucas : Vite fait, j'ai fait du théâtre d'impro mais quand j'étais tout petit, j'ai fait juste 1 an mais sinon après non j'ai pas fait de théâtre, je suis pas acteur, je préfèrerai être derrière la caméra mais sinon à l'oral, en impro et tout, j'ai toujours été assez à l'aise.

C : D'accord, et tuas déjà un public préconçu on va dire, des gens qui t'attendent un peu derrière ce projet ?

Lucas : Euh... Ouais ouais, quelques potes on va dire, c'est pas un grand public mais oui quelques copains qui attendent ça avec impatience et puis du coup pour rebondir sur la Neknomination, comme tu as pu le voir dans ma vidéo, je suis entre guillemets, déguisé, et en fait ça c'est, c'est un peu ça aussi qui m'a fait débuter la vidéo, c'est suite à un personnage que j'ai créé quand j'étais en, ah oui j'ai redoublé ma première aussi, j'avais oublié de le mentionner, c'était un choix personnel, j'avais pas trop envie de quitter le lycée quoi (rires), et voilà. Et donc j'ai créé un personnage avec un copain en fin d'année pour déconner, on s'était déguisés en bizut un peu à la Cyprien pour déconner, le film Cyprien, je sais pas si tu l'as vu, avec Eli Semoun. Et donc j'ai créé ce personnage pour déconner et tout le monde a trouvé ça drôle, et donc j'ai fait des petites vidéos avec ce personnage mais vraiment très à l'arrache. Je lui ai créé un compte Facebook pour déconner aussi et c'est un peu ça qui m'a donné envie de démarrer.

C : D'accord, et avec tes parents tout se passe bien, tu n'as pas de conflit particulier ?

Lucas : Non non, je pense qu'on est la famille, enfin, pas la petite maison dans la prairie mais mes parents ne sont pas divorcés déjà, enfin c'est assez rare aujourd'hui, enfin voilà ils s'entendent très bien, après des petits conflits y en a, c'est normal, de parents à enfants quoi, mais pas de situation très compliqué.

 

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C : Et au niveau de la classe socioprofessionnelle de tes parents, t'es dans une situation assez confortable financièrement ?

Lucas : je dirais que je fais partie de la classe moyenne, mon père a un plutôt bon poste, il travaille, je peux dire son métier hein ça me gêne pas, il travaille à La Poste, il est cadre supérieur on va dire, dans le domaine commercial, il est responsable commercial exactement, donc c'est plutôt moyenne classe, assez confort quoi. Et ma mère, elle travaille au conseil général, elle assiste à la création d'entreprise et elle est au secréterait. Ça balance un peu entre les deux. Ma mère a un poste un peu moins important que mon père disons et donc ça fait une moyenne on va dire.

C : Donc ce qui te permets de continuer tes études aussi.

Lucas : Oui c'est vrai que niveau études j'ai pas trop de souci

C : Donc dans l'IAE, en gros c'est l'université c'est ça ?

Lucas : Oui

C : et est-ce que tu es impliqué dans la vie associative, des choses comme ça ?

Lucas : Alors pas du tout, et je rêve de changer de fac en fait. L'année prochaine j'ai comme projet d'essayer de passer en Licence Pro création multimédia, donc toujours avec les caméras, l'animation, la 3D et tout, ce que j'ai fait un peu, par la vidéo quoi. Et donc de changer car la gestion ça ne m'intéresse pas du tout alors je ne m'implique pas du tout, non plus, dans la vie étudiante quoi.

C : C'est vrai que j'allais te demander que par rapport à ta passion de la vidéo, c'est vrai que faire ce que tu fais, la gestion, c'est totalement à part. Comme si aussi tu compartimentais ta passion et ta vie professionnelle future.

 

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Lucas : En fait, moi ça me gêne pas de la compartimenter mais j'ai choisi gestion par défaut parce que c'est plus simple, c'est sur La Rochelle, et je savais pas trop ce que c'était non plus quoi. Quand t'arrives dans les études supérieures, t'es vite balancer dans le truc et puis on sais pas grand chose quoi au final. Et du coup, je me suis retrouvé là, et j'ai fait un stage obligatoire avec la fac en janvier-février, pendant un mois et demi et j'ai réussi à avoir un stage dans le domaine de la communication, donc c'est une agence de communication où on va faire de la création web, de la création papier, logo, tout ça, de la vidéo, etc. Donc moi j'ai fait de la création vidéo pour eux et du coup je me suis dit « putain faut absolument que je change ». Et donc professionnellement, je vais m'orienter plus vers ça, donc dans les agences de communication parce que, déjà y a plus de débouchés je trouve et après ouais continuer derrière la vidéo, parce qu'il y a quand même le côté technique qui est apporté par mes études futures quoi qui pourra être utile aussi pour les vidéos de notre projet et voir après comment ça se passe.

C : Et du coup, au niveau de ton utilisation des réseaux sociaux ? T'utilises quoi ? Tu as que Facebook ? Ou alors Snapchat ou Instagram, Twitter, des choses comme ça ?

Lucas : J'utilise que Facebook et j'ai pas Snapchat, je l'ai installé juste pour voir comment ça faisait, enfin ce que c'était quoi, et non, donc j'utilise que Facebook et je poste quasiment jamais de statut, enfin t'as peut-être vu si tu as fait un tour sur mon profil. Après je partage un peu de liens mais je le fais pas trop non plus, je partage plus sur un groupe entre potes qu'on a qui est privé. Donc on partage entre nous pour déconner mais je suis pas adepte du partage et tout ça et sinon ouais vers des groupes, mais privés, pas trop public.

C : Ce groupe là, privé, donc maxime fait partie je suppose

Lucas : Ouais

C : Et t'as réduit tes paramètres de confidentialité ?

 

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Lucas : Oui je les ai bien réduit.

C : Par contre celui de Norby Zuman est public mais je pense que tu t'en fiches (rires) ?

Lucas : Ah oui je m'en fou ça c'est clair, c'est pas important et puis je l'administre même plus cette page là, je suis plus partie sur autre chose, c'était pour déconner quoi, c'était pour les potes.

C : Mais si tu voulais faire un profil totalement indépendant de toi, tu as quand même laissé ton lieu d'habitation, donc La Rochelle en information du personnage de Norby.

Lucas : Ouais mais ça je me dis que c'est large quoi (rires), je me suis même mis en ami avec Norby.

C : Ah tu es ami avec toi même ? (Rires)

Lucas : Ouais je trouvais ça marrant.

C : Du coup derrière ce personnage, y a toi mais y a aussi quelqu'un d'autre ?

Lucas : Ouais Hugo

C : Et c'est lui aussi qui étais là quand vous avec filmé Maxime pour la Neknomination d'après ce qu'il m'a dit ?

Lucas : Ouais, c'est mon meilleur pote que je connais depuis la maternelle je crois, enfin on se connaissait mais on est vraiment devenus très proche depuis le lycée en vérité. Lui il est pas trop dans ces trucs là mais il avait relevé le challenge avec moi de se déguiser en bizut, y a des photos d'ailleurs où on est tous les deux sur nos profils, y a moi en Norby et lui. Et du coup on s'était motivés et on avait filmé des

 

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vidéos de Norby pour déconner parce que ça nous faisait marrer mais lui il est pas plus impliqué que ça mais c'est mon meilleur pote lui.

C : Et du coup Facebook tu l'utilises aussi pour le chat ?

Lucas : Ouais, en fait Facebook je l'utilise comme (il met les doigts en guillemets) MSN, c'est vraiment comme le chat pour parler un peu. Après je regarde les actus mais vraiment les conneries, ça m'arrive souvent j'avoue, j'ai un peu honte de cliquer sur les liens qui me dirige sur Ohmymad ou Buzzfeed, genre « Oh un homme machin ou je sais plus quoi », des trucs extraordinaires ou je sais pas quoi (rires), des conneries comme ça, mais sinon je m'en sers pas plus que ça.

C : tu te sers aussi de Facebook pour lire les actus ?

Lucas : Ouais, enfin j'en partage, je mets des trucs qui m'ont intéressé mais très rarement, la plupart du temps je postes des trucs un peu cons, mais c'est surtout les groupes dont je me sers pour partager des liens, j'ai le groupe de potes dont je t'ai parlé, là j'en ai créé un autre pour trouver des figurants et aussi des pages, maintenant ça se fait beaucoup, donc nous on en a une, les pages de licence où on partage les cours, les infos. Parce que moi j'ai jamais les cours j'ai jamais rien donc ça m'aide bien aussi quoi (rires).

C : et au niveau de tes « likes » sur Facebook, tu likes quel type de page ? Les pages qui te permettent de te tenir au courant des actualités de chaque média ou personne derrière la page, type Le Monde ou Golden Moustache, etc

Lucas : Alors moi mes likes doivent remonter à la création de mon profil Facebook, donc quand j'étais en Seconde je pense. Après je pense pas du tout à liker des pages, même pour suivre les infos en temps réel. La plupart du temps, je préfère aller directement à la source pour me renseigner. Donc faut pas trop se fier à mon profil Facebook finalement. Je pense pas du tout, c'est bien en plus hein mais j'y pense pas du tout à faire ça, je préfère aller taper des mots clef sur internet, chercher des infos, aller directement sur le site ou aller sur Youtube pour regarder les vidéos. Par

 

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exemple, je vais directement sur la chaîne, je suis même pas abonné en fait, je vais directement chercher la chaîne. J'ai bien un compte parce qu'un jour j'ai du remettre une vidéo je sais même plus pourquoi mais c'est vrai que j'ai pas le réflexe de m'y connecter et j'ai surtout la flemme, en plus je me souvient même plus de mes identifiants, et j'ai même pas d'adresse Gmail, j'en ai pas l'utilité, j'ai une adresse Orange.

C : Alors maintenant on va parler de ton rapport à la fête, les soirées, l'alcool. Donc j'ai besoin de savoir si tu sors beaucoup, avec quels amis, si tu vas plus en bar qu'en appart' ou alors before en appart' et après en bar, des choses comme ça.

Lucas : Ok, alors moi déjà je suis plus bar, j'aime pas du tout les discothèques ou les boîtes de nuit. J'aime beaucoup les bars, j'aime bien en appart' aussi parce que je suis plus en mode cosy, calé et tout, j'suis plus « relax » quoi. En ce moment je sors pas trop parce que je considère que j'ai mieux à faire, et j'ai la flemme aussi, je suis TRÈS flemmard. Et c'est que j'aime bien être tout seul aussi, je suis pas antisocial du tout, parce qu'au contraire je créé très facilement des liens avec des gens, des fois malgré moi, quand j'ai pas forcément envie d'être pote avec quelqu'un mais je me retrouve vite lié. Et ouais donc en ce moment je sors pas beaucoup, j'ai perdu un peu le goût de ça et puis j'aime bien rester chez moi aussi, mater un film tranquille, être posé allongé dans mon canap' et pas mal aussi me documenter sur la vidéo, faire du montage, j'aime bien faire des trucs plus concrets maintenant, plus concrets dans les loisirs quoi. Mais avant je sortais pas mal, tous les weekends, après, j'ai jamais été un « énorme buveur », je me suis jamais mis de grosses races, enfin ça m'est arrivé bien sûr, mais j'ai pas le même rapport à l'alcool que pas mal de mes potes qui se mettent vraiment d'énormes murges.

C : et Maxime ?

Lucas : Ah ouais Maxime ! Putain c'est n'importe quoi ! Oui donc je bois pas comme Maxime, mais Maxime, il était moins... enfin là j'ai l'impression qu'il est devenu très fêtard au Mans. Dernièrement on était à une soirée, il est revenu y a deux semaines

 

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sur La Rochelle et ouais il était vraiment sur bourré et il pissait dans le couloir d'un mec.

C : parce qu'il était pas comme ça avant, enfin pas autant ?

Lucas : je sais pas, il était moins dans l'extrême peut-être, c'était plus soft, enfin ça dépendait des soirs quoi. Je pense qu'il est un peu plus « underground » depuis qu'il est plus avec Zoé.

C : Qu'entends-tu par « underground » ?

Lucas : je sais plus fou quoi, à plus boire, plus à se mettre la race, à partir plus en live dans les soirées. Et puis y a peut-être un effet de groupe car apparemment au Mans y a une bonne ambiance, je pense que c'est les deux qui ont joué. Quand il était sur La Rochelle, à un moment on buvait bien on sortait pas mal mais après les derniers temps où il y a été on était soft, on rentrait pas forcément hyper tard et tout et puis, maintenant quand il revient on voit que ça a redynamisé un peu le truc quoi, au niveau sorties en tout cas.

C : Toi du coup t'es un peu plus casanier on va dire et l'alcool c'est pas non plus ton grand truc contrairement à beaucoup de jeunes, de notre âge en tout cas aujourd'hui ?

Lucas : Oui c'est vrai que moi j'suis un peu plus en marge parce que je suis un peu casanier maintenant, aussi j'aime pas forcément boire dans les bars, je suis plus dans l'optique boire à table, je suis peut-être un peu trop, par rapport à mon âge, un peu trop loin, j'aime bien les alcools un peu nobles, comme le Cognac. Après je m'en fou mais c'est vrai que boire pour boire, maintenant j'ai plus de mal. Et puis c'est écoeurant de boire les vodkas malabar ou je sais pas quoi.

C : Et du coup, par rapport aux jeux d'alcool, est-ce que t'en pratiques beaucoup ? Parce que vu ce que tu m'as dit, je suppose que non

 

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Lucas : Avant ça m'arrivait un peu en soirée, maintenant, c'est rare, ça me fait souvent chier de faire un jeu d'alcool, après on n'est pas obligé de boire pendant un jeu d'alcool, des fois tu peux un peu déroger à la règle et c'est dommage que ce soit un jeu d'alcool parce que c'est vrai que le fait que ce soit un jeu ça redynamise un peu les apéros et tout. Le but du jeu est quand même de se bourrer la gueule mais le fait du jeu remet un peu d'ambiance à la soirée donc j'en pratique mais je vais jamais boire trop dans ces jeux là quoi. Moi je préfère les jeux où l'alcool est un prétexte pour jouer que vraiment pour se mettre la mine, par exemple le Barbu, c'est un peu entre les deux, un peu ambigu, parce qu'il y a un côté marrant avec le truc des règles donc on va pas non plus boire des litres et des litres mais y a d'autres jeux où tu ne fais que boire et ça ça m'intéresse pas quoi. J'aime bien quand c'est un peu ludique, qu'il y a un côté un peu marrant, amusant, des petites règles sympas où on se marre et on boit un peu mais sans trop non plus vraiment tout le temps boire.

C : Donc maintenant on en vient à la Neknomination, donc c'est Maxime qui t'a nominé du coup...

Lucas : Ouais (rires)... Enfin il a nominé Norby

C : Ah oui ! Et d'ailleurs si par exemple il t'avais nominé toi plutôt que Norby, tu l'aurais fait ?

Lucas : C'est pas sûr, je pense que je l'aurais pas fait. Déjà je trouvais ça super con, ça me faisait marrer de les regarder des fois, quand y avait un peu d'originalité à la limite, dans le scénario, je me disais, « Ah tiens là il a essayé d'être original », mais après dans le concept je trouve ça un peu con ouais, de boire comme ça, de se mettre la mine, la première ça m'a fait marrer, je pense comme tout le monde, mais ça m'intéressait pas de le faire vraiment, j'ai pas besoin de prouver quoique ce soit. Et donc non, je ne l'aurais même pas fait s'il m'avait nominé moi. Donc la réponse c'est non du coup.

 

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C : Et s'il t'avait nominé toi, tu l'aurais peut-être quand même fait sur le profil de Norby ?

Lucas : Non parce que je considère que c'est deux personnes différentes en fait, enfin, je suis pas schizophrène ou quoi, c'est juste que Norby c'est Norby et moi c'est moi, enfin c'est un personnage quoi. Un personnage que j'ai inventé mais en aucun cas je veux qu'il soit lié à moi. C'est pour ça aussi que j'ai fait un compte, même mes potes des fois ils rigolent et ils font un événement et l'invitent aux soirées et ils me disent « on n'a pas de nouvelles de Norby » ou des fois ils me demandent des nouvelles, des choses comme ça. Donc c'est un peu ça le délire aussi et j'aime bien faire la part des choses entre les deux. C'est un personnage à part entière.

C : et du coup tu le savais avant qu'il allait te nominer ?

Lucas : non, parce qu'on l'a faite en une prise et donc j'étais derrière la caméra, et cet enfoiré de merde (rires) il a dit les noms des nominés et là j'étais là et je me disais « oh non » et donc oui je l'ai vu au tournage quand je filmais et il m'a nominé et je me disais « l'enfoiré pourquoi il a fait ça », donc c'était la surprise en direct quoi.

C : Ok, alors après j'ai vu un truc assez intéressant sur Facebook, sur la vidéo de Maxime, c'est que DobÉ qui écrit le 16 février : « enfoiré de Norb il a pas joué le jeu » parce que t'avais toujours pas publié ta vidéo, et Maxime, ce même jour dit « Ouais pas encore... j'y crois plus trop mais sait-on jamais », et le même jour, après, tu publies ta vidéo après. Donc est-ce que tu comptais le faire ou est-ce qu'ils t'ont un peu poussé à relever le défi ?

Lucas : donc en fait je comptais le faire dès le départ mais j'étais en train de réfléchir et de la tourner surtout au moment où ils ont posté ces commentaires. En fait ce qu'il faut savoir aussi sur le personnage de Norby, c'est qu'il y a un truc, donc tous mes potes qui ont vu la vidéo ils ont clairement compris, qui me fait absolument chier, c'est que Norby est absolument imberbe et comme tu l'auras remarqué je porte la barbe et ça, ça fait un peu partie de mon identité, donc le coup du sac sur la tête c'est

 

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aussi une façon de détourner le truc quoi, de dire c'est Norby mais je vais pas montrer mon visage, à la fois, je me cache pour pas être reconnu et en plus ça m'arrange parce que j'étais pas obligé de raser ma barbe. Maintenant, donc, je comptais le faire mais j'étais en train soit de tourner, soit de réfléchir.

C : Mais ça t'a motivé à la faire plus vite quand tu as vu ça ?

Lucas : Non en fait j'étais en train de la faire au moment où ils faisaient les remarques mais c'est sûr que j'allais la faire, j'ai pas eu plus de temps et ils étaient juste pas patients, et moi j'ai pris mon temps accordé par le défi, c'était 24h il me semble donc j'étais dans les délais, je crois même que je l'ai posté un peu avant la fin du délai. Après je crois que j'avais vu les commentaires avant de poster ma vidéo mais vu que j'étais en train de la faire et que j'allais la poster après je me suis dit « vas-y je vais pas répondre » enfin ça servait à rien.

C : Et du coup depuis combien de temps vous vous connaissez avec Maxime ?

Lucas : Depuis le lycée. Hugo je le connais depuis la Primaire et il me semble que Hugo avait un petit peu vu Maxime parce qu'ils sont issus du même quartier donc ils avaient un peu les mêmes fréquentations et j'ai connu Maxime de Hugo parce qu'ils étaient dans la même classe en Première il me semble et après on a formé notre groupe de potes, un groupe assez soudé, on est cinq ou six. Donc on est un petit groupe, mais après on voit aussi d'autres gens.

C : Est-ce que dans ta fac, beaucoup de personnes ont fait la Neknomination ?

Lucas : J'en sais rien, tu me l'aurais dit avant j'aurais demandé mais là j'en ai vraiment aucune idée.

C : T'as pas trop de relations à la fac ?

 

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Lucas : (Rires) tu me demandes si j'ai pas d'amis, sincèrement je connais tout le monde à la fac (rires), si tu veux, ma première année de fac, j'ai eu du mal à me détacher du groupe que je te dis, de cinq six là. Ils étaient tous partis à droit à gauche et je me faisais chier quoi, donc ça c'était ma première année de fac, j'étais un peu tout seul, j'avais ma copine et tout et puis dob dont on a parlé tout à l'heure, le mec qui avait commenté la vidéo de Maxime quand j'avais pas encore posté la mienne. Lui, il était resté un peu alors que les autres étaient partis à Bordeaux, Maxime au Mans, c'était un peu la dispersion du groupe, et puis dob est parti au Vietnam quelques mois. Donc je suis arrivé en deuxième année, euh, au deuxième semestre, pardon, dans une fac et c'est pas facile non plus de s'intégrer quand t'arrives au milieu de l'année mais je me suis quand même fait des potes malgré que j'avais pas envie de m'en fait. C'est pour ça quand je dis que j'ai des facilités à créer des contacts avec les gens. Et cette année, je parlais à personne mais tout le monde m'a parlé et maintenant je connais tout le monde, j'ai vraiment de très bonnes facilités à m'intégrer. C'est juste plus le weekend, car avant je bougeais tout le temps et maintenant on me demande « tu fais quoi » et je reste chez moi, je fais rien de spécial, c'est juste que le weekend j'ai envie d'être tranquille un peu. J'aime bien me recentrer un peu sur moi-même, prendre un peu de temps pour moi.

C : Et t'as nominé personne, c'était vraiment une volonté de prendre totalement le contrepied, parce que déjà t'as pas bu d'alcool, tout est dans l'ironie en fait, de ce constat là déjà de dire que c'est un lobbying des boissons alcoolisées, de toutes les marques pour relancer l'économie, et à la fin tu nomines personne pour justement mettre fin à cet espèce de cartel très bizarre des boissons alcoolisées, donc dès le départ tu voulais nominé personne et tu mets fin à la chaîne quoi ?

Lucas : Ouais c'est un peu ça ouais, bon déjà j'ai pas écrit de scénario ou quoi que ce soit, j'ai fait vraiment ça en totale impro, faire ça en une ou max deux prises donc je disais un peu ce qui me passait par la tête et donc oui le but c'était de briser la chaîne, déjà parce que je bois pas d'alcool et c'est une dénonciation de manière un peu ironique parce que le personnage de Norb il est con, enfin il est pas con mais il est simplet, c'est un enfant, il comprend pas trop la vie dehors on va dire. Le but c'était

 

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de dire bon déjà je vais pas faire le jeu, je vais déroger aux règles, pour montrer aussi que je trouve ça con et puis dans tous les cas le personnage de Norby aurait jamais bu d'alcool, donc moi j'aurais jamais bu d'alcool et Norby aurait jamais bu d'alcool parce que lui n'a jamais bu d'alcool de sa vie, ou peut-être une fois sans faire exprès, donc voilà c'est ça un peu le délire quoi.

C : Mais du coup il a quand même un discours qui est quand même assez intellectuel, même si c'est une thèse assez conspirationniste, pour quelqu'un qui est totalement simplet c'est bizarre de tenir ce genre de discours ?

Lucas : Oui oui c'est vrai, là pour le coup la cohérence avec le discours c'est pas top. Bah ouais c'est vrai, là je sais pas trop quoi te répondre pour le coup (rires). En fait je dirai que c'est plus la façon de le dire, enfin plus la forme que le fond qui le rend con. Mais dans le fond, j'ai voulu quand même garder, je pense pas vraiment que c'est les lobby le point de départ, au fond je le pense pas vraiment, je pense que c'est un jeu qui a commencé en connerie et peut-être qu'après ils en ont profité tu vois. Mais je pense pas que c'est les lobby qui ont commencé le jeu ou quoi que ce soit après peut-être. C'est justement le fait que lui il est dans son monde donc il va imaginer des trucs, il est pas con, il est juste un peu enfant immature mais il a quand même des connaissances. C'est pour ça que j'essaye, enfin il dit des trucs qui peuvent paraître un peu intelligentes mais qui sont complètement conne au final quoi.

C : C'est surtout que ça part loin quoi, c'est pas con c'est perché quoi (rires)

Lucas : Oui oui oui totalement oui, bah Norby il est perché un peu, enfin, en fait, ça ça tient de l'histoire du personnage, d'ailleurs il y a un truc que j'ai oublié de te raconter. Enfin je ferais ma parenthèse après, oui le personnage est vraiment super perché parce que déjà il a un ami, un compagnon, disons, un animal de compagnie, ça je l'ai jamais publié parce que je trouvais ça vraiment con mais en gros c'est un spermatozoïde, donc déjà il est vraiment super con, en gros il a trouvé une capote dans les bois, avec du sperme dedans et depuis il l'a mise dans un bocal et il croit que

 

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c'est une sorte d'animal de compagnie qu'il trimbale partout avec lui, parce qu'il a une banane et donc il a toujours son petit préservatif dedans.

C : d'accord ! (Rires), et du coup ta parenthèse c'était ?

Lucas : ma parenthèse c'était que le personnage de norby je l'ai fait réapparaître en vérité lors de ma première année de gestion au deuxième semestre quand j'ai fait ma première première année donc où j'avais pas fait l'année en entier donc en 20122013. Donc je suis arrivée au deuxième semestre après le droit et fallait faire une lettre de motivation qui expliquait le motif et tout et moi j'avais marqué deux mots dessus, parce qu'en fait je savais pas, je pensais qu'à la fac on rentrait comme ça (rires) donc j'avais juste écrit « désintérêt du droit » donc c'est pour ça que je suis pas arrivé au premier semestre, mais j'ai pu arriver au deuxième, et je suis arrivé en même temps que les rattrapages du premier semestre de gestion donc j'ai quand même pu passer les rattrapages sans avoir fait aucun cours ni rien du premier semestre. Et il y avait une matière qui s'appelle PPP, et pour cette matière je savais pas quoi faire et je me suis dit « tiens je vais reprendre le personnage de Norby » donc le but c'était de créer un site web et ensuite, à l'oral, devant une jury et y avait aussi d'autres gens dans la salle, de présenter son site web projeté avec son projet professionnel en même temps. Et donc moi je savais pas du tout quoi faire, je suis arrivé deux jours avant et là je me suis dit « si je reprenais le personnage de Norby et que je fasse la présentation un peu à la sauce Norby quoi. Donc bien sûr j'ai pas utilisé son nom j'ai utilisé le miens parce que c'était pour un exam' la prof me connaissait pas et elle m'aurait pris pour un con. Et donc je suis arrivé au truc sapé en Norby, j'avais créé un faux site avec que des conneries, j'avais dit que mon projet professionnel c'était, et ça au fur et à mesure c'est rentré dans la personnalité de Norby, enfin son histoire, c'était de travailler à Darty, parce que j'adorais vraiment Darty, j'y allais tous les weekends avec mon père, c'était vraiment quelque chose que j'aimais et tout. Que je voulais faire gestion parce que je voulais apprendre comment monter et gérer mon propre magasin Darty, enfin j'étais parti super loin, que je voulais écrire aussi un manga avec les personnages comme supraman, je parlais de superpouvoir, enfin que des conneries quoi. Pour le coup, j'avais créé le site la veille

 

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et après à l'oral je flippais parce que j'y suis allé complètement à l'impro quoi et puis j'ai pris la voix de Norby pendant toute la présentation. Donc déjà j'arrive, ça se projette à l'écran et y avait ma gueule en gros plan avec un onglet sur le front et j'ai déjà failli rigoler et j'ai fait mon exposé comme ça à sortir des grosses conneries et ils étaient tous hilares dans la salle et la prof demandait de garder son calme, elle arrivait plus à parler. Enfin c'était marrant, enfin voilà, c'est juste pour dire que ça a rajouté au personnage de Norby cet épisode quoi.

C : Et finalement elle a aimé ou tu as eu une sale note ? (Rires)

Lucas : Non non j'ai eu 11 donc ça va !

C : Elle a du être déstabilisée je pense

Lucas : Bah ouais et en plus j'ai joué le jeu jusqu'au bout, j'ai rajouté des conneries aussi, franchement, moi-même je me faisais rire quoi, vraiment, tout en impro et tout j'étais content parce que c'était pas l'évidence quoi et changer de voix aussi ça fait bizarre.

C : Et juste tu m'as pas expliqué pour Norby Zuman, pourquoi tu a choisi ce nom ?

Lucas : Ah bah ça tout est dans le nom, parce que je trouve déjà que Norby c'est ridicule et pourquoi Zuman, parce que si tu décompose ça fait Nor et byzuman, le bizut quoi.

C : Donc du coup t'as tout fait tout seul en fait toi pour la vidéo de Neknomination ? Tu t'es pas fait filmer ? C'était avec une webcam ?

Lucas : Ouais ouais je l'ai fait tout seul, c'était un avec un petit caméscope, je crois même que j'ai branché un micro, je sais que j'en ai un sur la vidéo mais je me souviens plus s'il était branché ou pas.

 

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C : Et le petit synthétiseur ? (Rires) ?

Lucas : (Rires) Ah ça c'est un truc que j'ai plus ou moins volé à un copain en fait, c'était un truc qu'il avait quand il était petit et il s'est retrouvé chez un copain puis chez moi et quand je l'ai vu je me suis dit que j'allais l'utiliser parce que ça faisait ridicule donc un peu marrant. Et sinon oui je fais tout tout seul et même pour le matos j'ai tout acheté.

C : et du coup c'était chez toi ? Dans ton appart' où tu es là ?

Lucas : Ouais c'était ici, mais en fait j'habite chez mes parents et ma maison, en haut c'est les pièces à vivre et en bas c'est le garage et dans les maisons des années soixante - soixante-dix ils faisaient des chambres d'amis en bas et moi j'ai réaménagé la chambre d'amis en salon, donc j'ai mis des canap', un écran plat. Enfin, j'ai tout ce qu'il faut, table basse, etc et je fais des apéros ici.

C : Comme ça t'as un peu d'indépendance même chez tes parents quoi

Lucas : Exactement, et puis y a une porte qui se ferme à clef donc c'est vraiment un truc à part, très indépendant de la maison où je suis tranquille.

É Il explique où il habite dans La Rochelle : en plein centre.

C : Est-ce que cette vidéo a marqué le retour de Norby ?

Lucas : Ouais carrément ! ça faisait longtemps que j'avais pas sorti de vidéo et c'est vrai qu'il (Maxime) le ressorte ça a un peu marqué le retour mais en même temps c'était un retour que sur un événement, il vient et il disparaît direct après et beaucoup de mes potes insistent pour que je fasse vivre le personnage, ils me disent qu'il est génial, et se demandent pourquoi je ne fais rien sur Norby alors que je fais plein de choses à côté. Et en fait c'est que pour lui, je n'ai aucune inspiration donc de toute

 

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façon il est voué à disparaître parce que voilà, je peux pas le faire vivre en gros et c'est pas ce que j'ai envie de faire aussi.

C : Est-ce que tu as pris le contre-pied de ta personnalité en le créant ?

Lucas : Oui c'est vrai que c'est complètement l'inverse de moi, c'est un personnage con mais après je trouve qu'il est attachant dans sa simplicité, sa bêtise. C'est un personnage après qu'est venu comme ça, je l'ai inventé sur un coup de tête, j'ai jamais réfléchi à comment il serait, c'est venu au fur et à mesure de mes conneries quoi, j'ai dû développer sa vie alors que je comptais pas le faire au début, il s'est créé tout seul, c'est venu d'un coup, au fur et à mesure des années et des conneries. On s'était déguisés au self une fois, je m'étais déguisé en Norby et il y avait des cantinières qui pensaient qu'on était des gens d l'extérieur, d'une autre école. Donc non ça n'a rien a voir avec moi, c'est un personnage que j'ai créé pour déconner et parce que ça me fait marrer cette simplicité. Et aussi, avec mes potes, on est pas mal dans des délires un peu enfantin, pokémon, un peu « pipi caca », donc finalement ça n'a pas rien a voir avec moi non plus ce personnage (rires). C'est tous ces trucs là qui nous font marrer donc il y a quand même une petite part de ma personnalité sur ce personnage là, accentuée et tournée au ridicule, à la dérision.

C : D'accord, alors je fais une parenthèse parce que depuis tout à l'heure je vois l'affiche que tu as derrière toi sur ton mur et il me semble que c'est ta photo de couverture ET celle de Maxime sur Facebook

Lucas : Et celle de trois autres amis à nous.

C : Donc c'est tout votre groupe ? Celui dont tu me parlais tout à l'heure je suppose, le groupe du lycée, hyper soudé. Donc pourquoi c'est votre photo de couverture ?

Lucas : En fait cette affiche c'est, on a été à Amsterdam avec Hugo et c'est un coffee Shop d'Amsterdam qui est super joli donc on a acheté une carte postale et je la trouvais tellement belle que j'ai voulu m'en faire un poster donc j'ai été sur poster

 

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XXL machin et j'ai eu l'idée d'incruster une photo en fait dans la fenêtre sur l'image pour faire croire que c'était nous dans le coffee, à la fois en mode pas super réaliste, on est dans une cabane en bois en fait sur la photo. Donc ça m'a fait marrer et après je l'ai mise en photo de couverture et après les autres aussi.

C : et du coup ça me permet de te demander si tu fumes du cannabis ?

Lucas : Ouais, je fume assez régulièrement, j'essaye en période scolaire de pas trop fumer, après je fume pas pour la défonce ou quoi, j'aime bien le goût, je fume dans mon canap' devant un film pour me poser, j'aime bien tout ce qui va autour, de se poser, mon joint je le fume pas en cinq minutes comme quand on le fait tourner, ça va prendre des heures tu vois, le temps d'un film quoi, tout le long. Donc c'est vraiment pour me détendre et c'est pas associé à la défonce même si je peux avoir une petite défonce, c'est pas mon but.

C : tu as eu des retours sur ta vidéo ? Des critiques positives ou négatives ?

Lucas : Alors je me souviens d'un truc même si ça fait longtemps, c'est juste Simon qui m'a dit « t'as fait ça (le sac sur la tête) pour pas te couper la barbe » (Rires). Après, au niveau des retours, ils ont trouvé ça plutôt marrant. Après tu pourras regarder les commentaires de la vidéo car je ne m'en rappelle plus.

C : t'as combien d'amis sur le profil de Norby ?

Lucas : Une trentaine je pense, c'est resté un personnage assez intimiste, j'ai pas voulu le « médiatiser » si on peut dire ça comme ça, c'est resté entre potes parce que ça les faisait marrer, même les vidéos, elles étaient pas de bonne qualité, c'était pour nous faire marrer et je les ai même pas mise sur Youtube donc faut aller sur ce profil pour le voir et même si le profil est public, très peu de gens connaissent l'existence de Norby. Y a peut-être juste une ou deux personnes que je connais pas en amis avec lui mais c'est un pote qui a du leur en parler et j'ai pas voulu que ça aille plus loin

 

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parce que de toute façon je l'alimente pas trop. Je m'y connecte d'ailleurs pas beaucoup, peut-être une ou deux fois l'année.

C : Et tu l'as pas lié avec toi ? Je veux dire mis à part le fait que tu l'ai en ami, il y a aucun lien entre toi et lui ?

Lucas : Non aucun lien, justement le fait que je l'ai mis en ami c'est justement pour dire que voilà c'est une autre personne et que limite je le connais moyen, parce que je l'ai pas mis dans « famille », etc. On est deux personnes différentes quoi, un peu pour brouiller les pistes.

A la fin de l'entretien, Lucas et moi discutons et il conclu :

« ça m'intéressait pas ce challenge, en fait on peut dire que je n'ai pas vraiment relevé le défi, je l'ai pas fait, je n'ai pas bu d'alcool, je l'ai fait sur un compte annexe et donc on ne peut pas savoir que c'est moi, et puis je trouvais ça con comme jeu, après y a des gens qui se sentent obligés parce qu'on te nomine sur internet et tout. Mais moi je me dis que c'est pas non plus la honte de ne pas le faire mais tout le monde ne réfléchi pas comme ça ».

 

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Résumé :

Entre défi d'expression de soi et culture du « Share », la Neknomination, ces chaînes de vidéos où des internautes se sont filmés buvant cul-sec de l'alcool sur Facebook, illustre, de façon significative, les nouvelles pratiques de sociabilisation qui sont encore en train de se faire à l'heure où le numérique a pris une place considérable dans nos quotidiens. L'hypothèse selon laquelle les espaces de socialisation numériques et physiques sont interconnectés, inséparables les uns des autres, constituera le leitmotiv de cette étude, à la fois théorique et empirique. On étudiera ainsi les manières dont les internautes construisent et façonnent leurs identités sur les réseaux socionumériques au travers d'une auto-présentation et d'une mise en scène de soi bien pensées. On analysera la question du défi que sous-tend le phénomène de Neknomination comme matière à se sociabiliser (ou à ne pas se désociabiliser) dans la communauté bien spécifique de ceux qui ont pris part à ce grand jeu d'alcool 2.0. Enfin, comment oublier la question de la viralité, conséquence de cette Culture du « Share », lorsque l'on parle de chaînes de vidéos sur Internet. Véritable réalisation collective, entre individualisme et solidarité ; entre similitude et différence, on verra comment la Neknomination circule dans l'espace numérique mais aussi et surtout dans quel but les internautes s'y adonnent.

Mots clés : Neknomination, identités numériques, réseaux socionumériques, réseaux sociaux, culture expressive, défi, alcool, auto-présentation, vidéos, mise en scène de soi, viralité, Social Bragging, besoin de reconnaissance

Nota : cette page, dernière de couverture, sera retournée avant reliure.






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry