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La neknomination : défi d'expression de soi et culture du « share ».

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par Clémence CORDEAU
Institut Français de Presse (Paris 2) - Master 1, Sciences politiques et sociales, mention médias, information et communication 2015
  

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Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0 ?

L'espace de socialisation 2.0 est virtuel et ne s'oppose en rien à l'espace hors ligne, bien au contraire. Le virtuel, comme il est défini ici, est un prolongement des espaces physiques de socialisations. En effet, les réseaux sociaux « ont été pensés et construits en se rapprochant des techniques de soi développées depuis des siècles »7. Ce n'est donc pas étonnant que dans beaucoup de cas les amis Facebook soient des connaissances ou amis réels. Ceux avec qui on a le plus d'interactions sur Facebook sont bien ceux avec qui on partage dans la vie réelle.

Sur Facebook chacun se présente et dévoile ce qu'il entend valoriser, mais sans jamais mentir car l'internaute est toujours jugé par ses amis 2.0, des connaissances hors ligne, seuls arbitres de cette auto-présentation, cette mise en scène de soi qui constitue l'identité des internautes dans ces espaces que sont les réseaux socionumériques.

CHAPITRE 1 : LA CULTURE EXPRESSIVE

Avec les réseaux sociaux, on remarque le passage d'une intimité non partagée vers une intimité partagée de plus en plus grande. Cette observation est appelée « extimité » par le psychanalyste, Serge Tisseron. C'est un dévoilement d'une partie de l'intimité pour être validé par autrui. Ce dévoilement s'effectue en clair obscur, Dominique Cardon nous dit de ne pas croire au développement d'un « exhibitionnisme généralisé et sans règle », les internautes acceptent de ne rendre leur vie privé accessible qu'à leurs seuls amis, c'est-à-dire, ceux qu'ils ont accepté sur Facebook.

Toutes ces informations sont soumises au regard de ces amis, à la fois On- et Off-line. L'internaute est alors contraint de dire vrai, même s'il entend valoriser certains

 

CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin 2015

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traits de sa personnalité, le mensonge n'est pas admis dans les communautés. Cette mise en récit de soi est toujours dans l'attente d'une validation de cet arbitre que sont nos amis. Elle s'exprime par des « J'aime » ou des commentaires sur le réseau Facebook.

Les identités sont alors toujours en quête de validation et l'internaute prend, à chaque publication, le risque de ne susciter aucune réaction de la part de son audience. L'utilisateur est, nous dit le psychanalyste, un « expérimentateur de lui-même ».

A/ Auto-présentation et valorisation de soi

« Le travail de subjectivation, entendue comme processus de création continue de soi, imprime sur les interfaces des plateformes du web 2.0 des traces interactives qui font alors corps avec la personne et désignent aux autres sa singularité »8, c'est de cette façon que Dominique Cardon défini cette auto-présentation. Serge Tisseron9, psychanalyste, émet la possibilité qu'Internet, communément considéré comme un lieu de mensonges et de dissimulations en tout genre, constituerait un lieu privilégié de l'authenticité de chacun. Dominique Cardon appuie cette hypothèse en montrant qu'effectivement, Internet est connu pour les tromperies et les mensonges, mais l'Internet des réseaux socionumériques, de par le fait que les internautes sont amis avec des personnes qu'ils connaissent dans les espaces physiques, « se trouvent (contraints) par le regard et le jugement potentiel des autres »10, le coût de la tromperie est donc fort et il devient « difficile de tricher lorsque les informations que l'on affiche sur soi vont être également lues et entérinées par des personnes qui vous connaissent dans la vraie vie ».

7 Alexandre Coutant, « Des techniques de soi ambivalentes », Hermès, n° 59, 01/2011, p. 57

8 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 100

9 Serge Tisseron, « Intimité et extimité », Communication, n°88, 19/05/2011

10 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 117

 

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Le cogito de Descartes se déplace pour devenir « Je vois et je suis vu donc je suis »11. La présentation de soi, dans la vie ou sur le web est une confirmation de soi par les réactions qu'elle provoque. Sur les réseaux socionumériques, la notion d'extimité est prégnante, ce terme a été proposé par Jacques Lacan, psychanalyste, ensuite repris par Serge Tisseron12 afin de rendre compte d'une dynamique par laquelle « des fragments du soi intime sont proposés au regard d'autrui pour être validés »13. Cette extimité porte sur des parties de soi qui étaient secrètes jusque-là et sur la reconnaissance de leur originalité par les autres. C'est, accéder à la connaissance de soi en se mettant nu face aux autres. Cependant, il est important de mentionner que le désir d'extimité et celui d'intimité fonctionnent ensemble, c'est parce qu'on sait qu'il est possible de cacher certaines parties de soi que l'on entend en dévoiler d'autres que l'on sélectionne. D'ailleurs, les Digital Natives sont connus pour modifier leurs paramètres de confidentialité et ne pas partager leur vie au vu et au su de n'importe qui14.

Dresser son profil sur les réseaux sociaux est une « mise en récit de soi »15, les Digital Natives savent le faire, ils vont même plus loin, ces réseaux sont un moyen de se valoriser, d'insister sur les meilleurs traits de leur personnalité en réponse à ce que ses relations attendent, de se montrer sous son meilleur jour. Serge Tisseron, pour expliquer cette tendance, parle de la théorie du « miroir du soliloque ».

« (Cette théorie) correspond à la tentation de ne chercher que la rencontre avec soi à travers tous les appels lancés à l'autre. C'est la maladie du « moi, je », la consécration d'un espace où l'autre n'est invité qu'à me renvoyer l'image de moi que j'attends. Alors que dans la vie cette posture est difficile à tenir longtemps, Internet la

11 J. Birman, « La visibilité en question : l'espace, le temps, l'histoire », in Voir ; être vu. L'injonction à la visibilité dans les sociétés contemporaines, Acte du colloque organisé les 29, 30 et 31 mai 2008 par l'Association internationale de sociologie (CR 46) et l'Association internationales des sociologues de langue française (CR 19). Cité par Serge Tisseron dans l'article mentionné ci-dessus.

12 Serge Tisseron, L'Intimité surexposée, Ramsay, 2001, Réédition Hachette Littératures, 2002

13 Serge Tisseron, « Intimité et extimité », Revue Communication, n°88, 19/05/2011, pp. 83 à 91. Citation p. 84.

14 La génération Y (18-24 ans), hyper-connectée se heurte à un paradoxe. C'est bien elle qui se méfie le plus des réseaux sociaux, notamment au niveau des paramètres de confidentialité (ils sont 43% à ne laisser accès à leur profil qu'à leurs seuls amis selon une étude IFOP réalisée en 2010, Observatoire des réseaux sociaux), ce chiffre peut paraître faible mais il est très nettement supérieur par rapport aux autres générations, moins connectées et moins connaisseuses de ces réseaux.

15 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 95

 

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favorise. Pour entrer en contact, chacun est en effet invité à fabriquer un espace personnel associant des textes, des photos, des musiques, etc. Le but est d'intéresser l'« absent », de lui faire signe, de l'amener à soi. (É) dans les mondes virtuels, les hommes et les femmes sont invités de la même façon à créer leur « page perso » comme un reflet de l'identité qu'ils veulent offrir à l'échange. » 16

Ainsi l'« absent » fait signe à son tour en likant ou en commentant un lien, une vidéo, une nouvelle photo de profil, etc. Selon Dominique Cardon, « les goûts, les textes, les photos ou les vidéos que l'on aime ou que l'on a faites constituent aussi de puissants instruments de reconnaissance et d'affiliation aux autres. »17

Ainsi, ce désir d'extimité répond également à la théorie de la « pénétration sociale »18 qui décrit un processus de connaissance réciproque dans nos relations interpersonnelles dû au passage d'une intimité non partagée vers une intimité partagée de plus en plus grande. Néanmoins, dans le même temps, le désir d'extimité se fait davantage sentir envers des personnes choisies. Sur les réseaux sociaux, on se dévoile à un grand nombre de personnes mais le désir d'extimité se trouve bien dans une volonté de ne la montrer qu'à ses seuls amis. Selon la « théorie de la facilitation sociale »19 résumée par Serge Tisseron, « la présence - réelle ou imaginée - d'un public influence le processus d'auto-présentation de soi dans le sens d'une conformité à ce qui est attendu ». C'est comme dire « Dites-moi comment vous vous intéressez à moi et je saurai qui j'ai envie d'être »20. Cette quête de validation des identités passe généralement par trois étapes, la première est celle de la création d'un espace personnel proposé au regard et à l'avis des internautes, c'est-à-dire le profil, sur Facebook. La démarche, dit Tisseron, est alors toujours narcissique avant d'être réciproque. La seconde étape s'enclenche lorsqu'un premier visiteur a pris connaissance du profil, nous sommes alors invités à profiter de son regard sur

16 Théorie développée par Serge Tisseron dans Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 67

17 Dominique Cardon, « Le design de la visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 95

18 Théorie développée par I. Altman et D. A. Taylor in Social Penetration : The Development of Interpersonal Relationships, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1973

19 Proposée par R. B. Zajone, in « Social Facilitation », Science, 149, 1965, pp. 269 à 274

20 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 39

 

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l'internaute à travers ses commentaires, ses likes et ses publications, dans le cas de Facebook. La troisième commence à partir du moment où le réseau d'« amis » est bien constitué (même s'il évolue toujours). Cette étape représente la « sortie du monde autocentré »21 et chacun est invité à prendre connaissance des identités de son réseau. A chaque publication, l'internaute prend un risque car il publie avant d'être certain de la validation des autres, l'internaute est un « expérimentateur de lui-même »22.

Cependant, dans cet espace socionumérique qu'est Facebook, les Digital Natives ne font pas signe à n'importe qui, ils ont accepté certaines personnes et seuls leurs amis 2.0 sont invités dans l'espace personnel qu'ils ont créé. C'est bien d'une expression en clair obscur à laquelle on a à faire sur Facebook.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius