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La conservation du dugong en nouvelle- Calédonie. La mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d?une espèce « emblématique » menacée.

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par Audrey DUPONT
Université Aix-Marseille - Master Professionnel Anthropologie et Métiers du Développement durable 2014
  

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II.1.2. Historique des mesures de protection du dugong : des échelles différentes

Nous avons établi un historique des mesures légales mises en place pour protéger le dugong, à l'international puis dans le contexte néo-calédonien, en nous inspirant de celui réalisé dans la monographie sur le dugong (Cléguer, 2010). Cette chronologie a le mérite de montrer comment l'implication de différents acteurs, relevant de compétences juridiques, est répartie sur des échelles allant du global au local. Enfin, nous souhaitons mieux comprendre l'évolution de la prise en compte du dugong en tant qu'espèce menacée dans le monde et en Nouvelle-Calédonie.

Contexte international

Depuis les années 1970, des mesures de protection et conservation du dugong sur le plan international se sont multipliées, se sont étendues et sont devenues plus drastiques. En 1973, la Convention Internationale sur le Commerce des Espèces menacées (CITES) répertorie le dugong dans son Annexe I relatives aux espèces les plus en danger et interdit le « commerce international de leurs spécimens » (CITES, 2009). La convention de Berne, conçue en 1979, vise à favoriser la conservation de la flore et la faune sauvages ainsi que leurs habitats naturels. Si le dugong n'apparaît pas dans l'Annexe I du document, qui d'ailleurs a été ratifié qu'en 1989 par la France, il est présent dans l'Annexe II de la Convention relative aux espèces migratrices appartenant à la faune sauvage. Dans les textes de lois, le dugong est donc affilié aux espèces migratrices. Les politiques le classent parmi les espèces qui ont « un état de conservation défavorable (....) pouvant bénéficier d'une coopération internationale de manière significative» (CMS, 2009).

35 Il s'agit de cette étude en anthropologie, et ce même si elle compte bien plus de sujets de recherche que la simple valeur symbolique accordée au dugong par les différents groupes ethniques.

36 Par « acteurs institutionnels », nous entendons toute personne morale qui appartient à une « structure sociale (ou un système de relations sociales) dotée d'une [...] règle du jeu acceptée socialement. Toute institution se présente comme un ensemble de tâches, règles, conduites entre les personnes et pratiques. Elles sont dotées d'une finalité particulière » (wikipedia).

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Il n'est pas encore reconnu comme une espèce menacée et cette prise de conscience progressive se fera par la signature en 2007 d'un mémorandum d'Entente (MoU) sur la conservation et la gestion des dugongs et de leurs habitats dans l'ensemble de leur aire de répartition. Ce texte marque la volonté de plusieurs pays dont la France de collaborer étroitement pour améliorer l'état de conservation de l'animal. Enfin, depuis 2010, il est inscrit sur la Liste Rouge de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) en tant qu'espèce vulnérable, ce qui contraint les pays dont les bandes côtières sont fréquentées par le dugong à prendre des mesures nécessaires à sa protection.

Contexte régional

Parmi les États concernés par ce document, on compte nombre de pays du Pacifique Sud qui ont fondé des organisations spécialisées dans la définition et la mise en place de programmes de gestion et de conservation comme le Programme Régional Océanien de l'Environnement (PROE). Cet organisme est chargé de « promouvoir la coopération, d'appuyer les efforts de protection et d'amélioration de l'environnement du Pacifique insulaire ainsi que de favoriser le développement durable » (PROE, 2008). Plusieurs plans d'actions quinquennaux ont vu le jour concernant des espèces d'intérêt particulier pour le Pacifique, comme les tortues marines, les cétacés et le dugong.

Grâce à une collaboration entre le PROE et la Convention de la Conservation des Espèces Migratoires Sauvages (UNEP/CMS), le plan d'actions régional dugong 20082012 a organisé l' « Année du Pacifique du Dugong en 2011 ». Elle concrétise les efforts du PROE et de la CMS qui, à la suite de divers ateliers tenus après la signature du mémorandum d'entente (MoU), ont convenu d'un protocole collectif de conservation. L'Australie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Calédonie, les îles de Palau, le Vanuatu et les îles Salomon ont participé à la mise en place ce projet politique et ont appuyé leurs démarches sur la valeur culturelle de l'animal dans leurs territoires (PROE, Lady of the Sea, Dugongs respect and Protect, 2011).

Contexte national

La France a établi un Arrêté national le 27 juillet 1995 fixant la liste des mammifères marins protégés. Il est interdit « sur tout le territoire national (....) et en tout temps, la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement intentionnels, et la naturalisation des mammifères marins » (Légifrance, 2006). Cet arrêté concerne entre autres toutes les espèces de cétacés et de siréniens. Il est modifié par l'Arrêté du 24 Juillet 2006 puis par l'Arrêté du 1er juillet 2011 (Légifrance, 2015).

Ensuite, suite aux conclusions du Grenelle Environnement, la loi Grenelle de 2009 et 2010 ratifie un cadre législatif concernant la protection des espèces végétales et animales en danger critique d'extinction en France métropolitaine et d'Outre-mer. Elle vise la mise en place de plans de conservation ou de restauration compatibles avec les activités humaines d'ici à 2013. Le Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Environnement français a reconnu 72 espèces ou groupes d'espèces correspondant à ce cadre législatif, dont le dugong. Il a établi un protocole d'actions auquel répond le Plan d'actions Dugong Nouvelle-Calédonie 2010-2015, piloté par l'Agence des aires marines protégées, comportant un volet Connaissance, un volet Gestion et Restauration, un volet Protection et un volet Sensibilisation (Plans Nationaux d'actions en faveur des espèces menacées, Objectifs et Exemples d'actions, Ministère de l'Écologie, du Développement

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durable et de l'Environnement français, 2012). De plus, ce plan s'inscrit dans la démarche de l'Agence qui cherche à dynamiser les collaborations entre les divers acteurs dans la construction d'une politique nationale, provinciale et locale efficace en matière de protection de cette espèce.

Contexte provincial

Si la Nouvelle-Calédonie a montré un réel intérêt pour le domaine environnemental en signant diverses conventions internationales comme la Convention Mondiale sur la Biodiversité en 1992 et la Convention Apia en 1993 (qui a abouti à la fondation du PROE), elle a trouvé les moyens de faire appliquer sa politique qu'à partir de la création des Provinces (entretien avec un agent de la Province Nord). Toutefois, elle a reconnu les pressions exercées par le dugong en ratifiant la délibération n°68 de la Loi du 25 juin 1962, qui stipule que « sont interdites sauf autorisation spéciale et exceptionnelle notamment pour des fêtes traditionnelles et coutumières ». Les personnes qui chassent le dugong pour ces occasions sont dans l'obligation de fournir aux autorités locales des informations sur la date et le lieu de la capture, la taille et le sexe de l'animal. (Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, 2006). Ce texte est toujours en vigueur aujourd'hui, notamment dans la Province des Îles Loyauté qui n'est pas encore dotée d'un code de l'environnement comme les autres Provinces.

Les Codes de l'environnement de la Province Nord et Sud de 2008-2009 ont prévu de rassembler et de compléter le cadre législatif antérieur à leur mise en place. En revanche, ils n'ont pas exactement les mêmes exigences concernant la chasse au dugong. En effet, la Province Sud interdit totalement la chasse et le commerce d'espèces menacées comme le dugong. La violation de cet amendement peut être sanctionnée au maximum par 6 mois d'emprisonnement et 1 073 000 francs CFP d'amende, qui est doublée lorsqu'elle est commise dans une aire marine protégée.

La Province Nord n'est pas plus souple concernant ses sanctions pénales de captures et de mutilation envers l'espèce. Toutefois, le code prévoit dans l'Article 341-56 un système de dérogations exceptionnelles pour la pêche du dugong dans le cadre de consommation pour des cérémonies coutumières. Les coutumiers (le chef de clan) peuvent donc faire une demande d'autorisation de pêche, qu'ils adressent au Sénat Coutumier, qui l'envoie ensuite à la Province. A ce moment là, les deux institutions entament une procédure de discussion autour de la légitimité de la demande et de négociation avec les demandeurs. Depuis 2004, la PN s'est engagée avec les représentants coutumiers dans un travail de négociation et de sensibilisation sur la fragilité de l'espèce auprès des demandeurs et de la population locale. Dans les faits, depuis cette date, elle n'a pas répondu favorablement à une seule demande de dugong.

La mise en place des aires marines protégées a été un des leviers utilisés par les institutions et les organismes de protection de l'environnement pour sauvegarder l'espèce. La chasse au dugong est totalement interdite en Province Nord et Sud dans les aires marines protégées intégrant la sauvegarde de l'espèce dans leurs objectifs premiers, comme les aires marines de la côte ouest ou encore l'« Aire de Gestion Durable des Ressources de Hyabé-Lé Jao » dans la commune de Pouébo. Celles-ci peuvent compter sur le soutien de la population locale de ces zones.

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DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et

pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

Enfin, le « Plan d'actions dugong Nouvelle-Calédonie 2010-2015 » est chargé de dynamiser tout ce processus par la valorisation des collaborations entre les divers acteurs liés à la protection de l'animal. Il est élaboré et orchestré par l'Agence des aires marine protégées, et intègre la Province Nord, la Province Sud, la Province des Îles Loyauté, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le Sénat coutumier, l'Etat, le WWF et Opération Cétacés ! dans la construction d'une politique nationale, provinciale et locale efficace en matière de protection de cette espèce.

Toutefois, tous ces organismes ne sont pas actifs dans tous les projets et actions proposés dans la Plan d'actions. En effet, les institutions impliquées dans le programme restent plus ou moins indépendants concernant les choix de financement ou de soutien des actions rentrant dans le plan d'actions. D'après les explications d'un agent provincial, « toutes les actions du plan ne sont pas financées par tout le monde », chacune des structures, en fonction de ses intérêts, de ses priorités, de son budget et de sa disponibilité, s'investit dans tel ou tel projet.

Prenons l'exemple donné par cette personne, celui de la thèse en biologie marine-encadré scientifiquement par l'Université James Cook de à Townsville (Australie), Opération Cétacés ! et l'IRD - qui est intégré au volet « Connaissance » du programme. Elle vise à valoriser les données déjà récoltées par l'Agence des aires marines protégées ou encore l'IRD, mais aussi celles obtenues après un projet-pilote en Nouvelle-Calédonie de balisage des dugongs en 2013. Ce projet a été réalisé par Opération Cétacés ! grâce aux financements de la Province Sud. De fait, les acteurs impliqués dans le projet de thèse sont Opération Cétacés !, l'Agence des aires marines protégées, l'IRD et la Province Sud. Aussi voyons-nous bien qu'autour d'un projet précis, les acteurs institutionnels - qui sont autant de représentants des politiques publiques, des scientifiques de différentes structures ou des partenaires « ressources » d'information - sont interconnectés les uns aux autres suivant des relations complexes de bailleur / exécutant.

Concernant notre étude, nous avons travaillé en collaboration avec certains membres du Groupe Technique Restreint (cf. Annexe I du mémoire), c'est-à-dire l'Agence des aires marines protégées, le WWF, Opération Cétacés !, les Provinces Nord et Sud - et l'IRD. Comment ce projet d'évaluation est-il compris par les divers acteurs impliqués ? Quelles postures adoptent-ils ? En quoi ces intérêts divergents ont-ils influencés l'orientation de cette recherche ? Finalement, quels sont les objectifs réels de ce stage ? Si nous souhaitons établir le portrait et le rôle de chacun de ces « acteurs institutionnels » dans ce projet, nous en profitons aussi pour donner une idée de leurs rapports compliqués qui sous-tendent tout projet de développement.

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