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La conservation du dugong en nouvelle- Calédonie. La mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d?une espèce « emblématique » menacée.

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par Audrey DUPONT
Université Aix-Marseille - Master Professionnel Anthropologie et Métiers du Développement durable 2014
  

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IV.2.5. Utilisation du dugong dans cette stratégie de protection

Dans l'aire marine protégée de Hyabé/Lé-Jao, si les habitants ont accès aux zones de pêches, toutes les pêches ne sont pas autorisées sur l'ensemble de l'AGDR. En effet, à la demande du Comité de Gestion de l'aire, il existe des modalités spécifiques de gestion concernant la tortue et le dugong. Malgré la loi instituée par l'article 341-56 du Code de l'environnement de la PN, le dugong est strictement protégé dans cette zone : aucune pêche n'est autorisée y compris pour des cérémonies coutumières. La raison principale invoquée par les habitants de la tribu d'une telle règlementation sur cette espèce est synthétisée dans une déclaration de l'ancien maire de Pouébo :

« C'est le dugong au service de la coutume et non l'inverse, c'est pour cela que c'est à nous de la protéger. Pour protéger les valeurs etc. En

préservant notre environnement, on préserve notre culture».

Les membres de la tribu se servent donc de la règlementation et des outils de gestion à leur disposition pour sauvegarder l'environnement et pour préserver leur culture. De même, ils mobilisent leurs « savoirs traditionnels » relatifs au dugong, qui possèdent à la fois une dimension symbolique et un aspect pratique de gestion de l'environnement. Cela prouve qu'ils ont parfaitement assimilé les discours environnementaux actuels, mais surtout qu'ils possèdent une conception « patrimoniale » de la nature.

Dans cette étude de cas, le terme « emblématique » affilié au dugong prend tout son sens à travers le jeu de correspondances entre les intérêts des acteurs institutionnels liés à la conservation maritime et ceux de la population de Yambé avec son système culturel. En fait, cet animal est « emblématique » dans le vocabulaire de la conservation puisque les différents acteurs l'utilisent comme un argument pour protéger des zones qui sont fréquentées par de nombreux autres poissons, à la manière d'une « espèce parapluie ». Il est/était aussi particulièrement important pour les clans de la mer, ce qui explique qu'ils cherchent à la protéger afin de préserver les savoirs et pratiques traditionnelles qui lui sont concomitants (le respect des zones taboues, l'image d'un peuple chasseur de dugong) - et ce même s'ils ne peuvent plus le pêcher. Nous pouvons très bien imaginer que, au cours d'une rencontre en bateau avec l'animal, les Vieux assurent la transmission orale de ces techniques par les récits de pêche ou encore de son rôle dans les cérémonies coutumières. Il possède donc une valeur d'ordre du patrimoine pour les populations locales.

En parallèle, cette valeur permet aux acteurs du Plan d'actions dugong présents sur la zone de l'utiliser comme ressource supplémentaire à la protection ainsi que comme justificatif de la pertinence de leurs actions. Grâce à cela, ils sont également capables de mobiliser les habitants dans l'effort de protection et d'assurer leur participation. De plus, la prise en compte des savoirs traditionnels kanak et des pratiques coutumières est essentielle dans les stratégies et de l'attitude politique de la Province Nord. En effet, la Province Nord, dont la majorité des habitants sont kanak, est particulièrement volontaire dans la « réalisation d'une gouvernance considérant les usages coutumiers », et ce afin de les préserver et de les valoriser au même titre que la biodiversité naturelle.68 Il est évident que le WWF implanté sur cette zone suit les mêmes prérogatives.

68 Séminaire de l'IRD du 27 août 2014, Margot Uzan, juriste étudiante en M2 Université de Toulouse, « La Création d'un système d'aires protégées en Province des îles loyauté »

Juin 2015 86

DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et

pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

Cependant, cet objectif d'intégration et même de consultation (assimilé à une démarche « participative »), qui était en bonne voie d'application au début de la création de l'aire marine protégée, est peut-être aujourd'hui quelque peu compromis par le manque de cohérence lié aux projets de développement. A ce propos, un environnementaliste déplore la perte progressive du côté participatif :

« Je pense qu'on perd des gens, pour moi, ça c'est passé quand le dugong a été de nouveau pêché69. Cela illustre vraiment le malaise du moment. Au début, c'était vraiment une demande des Vieux de protéger les vaches marines de la zone, parce qu'ils savent qu'il n'y en avait plus beaucoup et que c'était une espèce très fragile et en même temps très emblématique dans leurs coutumes. [...][Ceux qui étaient en poste] étaient sur le départ quand je suis arrivé. Après tout le staff a changé et on a perdu un peu l'historique du projet et on est passé à une gestion pour moi très provinciale. [...] Aujourd'hui au comité de gestion, il y a souvent une, deux ou trois personnes avant il y en avait dix ou quinze autour de la table, ça prenait la journée mais ce n'était pas grave parce que les gens parlaient librement et c'était vraiment leur projet d'aire marine protégée. Maintenant par contre, on sent bien l'inconfort, ce manque de participatif des gens qui s'éloignent petit à petit doucement mais très sûrement du projet et nous ce qu'on aimerait c'est vraiment remettre en place la gouvernance... ».

Quoiqu'il en soit, le cas de l'aire marine protégée de Hyabé-Lé-Jao démontre que la mobilisation des « savoirs traditionnels » peut susciter, au moins un temps, un compromis entre les acteurs autour d'une espèce « emblématique », à travers la compréhension par les deux parties de cette valeur patrimoniale ajoutée. Mais la convergence des pratiques et des savoirs n'est pas toujours possible, tellement les « cultures » des « développeurs » et des « développés », des acteurs institutionnels et la « population locale » sont éloignées. Tel est notre constat après l'étude des stratégies de protection du dugong dans la Zone Côtière Ouest.

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