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Theme : la vie communautaire et le problème de la déscolarisation des filles dans la commune de Sinendé.

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par Moussa TAMOU YATAOU
Université Nationale dà¢â‚¬â„¢Abomey-Calavi Bénin - Maîtrise es sociologie-anthropologie 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE D'ABOMEY - CALAVI

(UAC)

*********

FACULTE DES LETTRES ARTS ET SCIENCES HUMAINES (FLASH)

*********

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE -ANTHROPOLOGIE

(DSA)

*********

MEMOIRE DE MAITRISE

THEME : La vie communautaire et le problème de la déscolarisation des filles dans la commune de Sinendé.

Présenté et soutenu par : Sous la direction de : Moussa TAMOU YATAOU Dr. Denise SOSOUHOUNTO

Enseignante au Département

de Sociologie-Anthropologie

Année académique : 2007 - 2008

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

1* Problématique

1.1- Le problème

1.2- Les hypothèses

1.3- Approche conceptuelles

2* Revue littéraire

3* Justification du choix du thème et de la zone d'étude

3.1- Justification du choix du thème

3.2- Justification de la zone d'étude

4* Les objectifs de la recherche

4.1- Objectif global

4.2- Objectifs spécifiques

5* Approche méthodologique

5.1- La recherche documentaire

5.2- Champ d'étude

5.3- La population cible

5.4- Les techniques de collecte des données

5.5- Durée de la recherche et difficultés rencontrées

5.5.1- Durée de la recherche

5.5.2- Difficultés rencontrées

ANNONCE DU PLAN D'ETUDE

* 1ère partie

CHAP1 : LE CADRE D'ETUDE

1* CIRCONSCRIPTION DU MILIEU D'ETUDE

1.1- Caractéristiques physiques de la commune de Sinendé

1.2- Milieu humain

1.3- Habitat et mode de peuplement

1.4- L'organisation socio-culturelle

1.5- Caractéristiques économiques du milieu d'étude

GENRE ET EDUCATION EN MILIEU BAATONU : CAS DE SINENDE

- Emploi du temps d'un enfant scolarisé en fonction du sexe du moment de la journée.

CHAP 2 : SITUATION DE L'EDUCATION SCOLAIRE DES ENFANTS DANS SINENDE.

1* La réalité des chiffres

APPROCHE ANALYTIQUE

* 2è PARTIE

Les facteurs déterminants et les fondements socio-anthropologiques du non maintien des filles dans le système scolaire.

CHAP 3 : Les facteurs déterminants du non maintien des filles dans le système scolaire

1* Les facteurs liés aux pesanteurs socio-culturelles

1.1- Les représentations sociales

1.1.1- Les représentations sociales sur le rôle et l'avenir des filles en milieu paysan : cas de Sinendé.

1.1.2- Les représentations sociales des paysans sur l'école en milieu rural baatonu

1.2- L'influence de la religion sur la scolarisation des filles

1.3- Le phénomène du mariage forcé.

a- Le `'kuro damaru''

b- Le `'kuro kanabu''

c- Le `'dokiru''

d- Le `'kuro kparu''

1.4- Le phénomène de l'adoption chez les paysans `'baatombu''

1.5- Le statu et rôles sociaux

1.5.1- Le niveau d'instruction des prents

1.5.2- La division sexuelle du travail.

1.6- Les facteurs économiques et systémiques

1.6.1- Le problème économique des enseignants qualifiés

1.6.2- Les frais de scolarité

CHAP 4 : Les fondements socio-anthropologiques du non maintien de la scolarisation des filles u sein du système de vie communautaire des populations de SINENDE.

1* Les fondements socio-culurels du non maintien de la scolarité des filles.

2* Les fondements économiques du non maintien des filles dans le système scolaire.

3* Les fondements liés au système scolaire.

IMPACTS DU NON MAINTIEN DE LA SCOLARITE DES FILLES SUR LE DEVELOPPEMENT LOCAL.

* APPROCHE ANALYTIQUE

CONCLUSION

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

I- OUVRAGES GENERAUX

II- OUVRAGES SPECIFIQUES

III- MEMOIRES ET THESES

IV- RAPPORTS DE SEMINAIRE, SYMPOSIA et COLLOQUES

V- PERIODIQUES, REVUES et PUBLICATION DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES.

DEFINITION DES SIGLE

CBRST : Centre Béninois pour la Recherche Scientifique et Technique

EDUCOM : Education et Communauté

CI : Cours d'Initiation

CP : Cours préparatoire

C.E 1 : Cours Elémentaire 1ère Année

C.E 2 : Cours Elémentaire 2è Année

C.M 1 : Cours Moyen 1ère Année

C.M 2 : Cours Moyen 2è Année

O.N.G : Organisation Non Gouvernementale

FLASH : Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines

C.C.F : Centre Culturel Français

C.E.P.E : Certificat d'Etude Primaire et Elémentaire

S.B.E.E : Société Béninoise d'Electricité et d'Eau

CARDER : Centre Régional pour le Développement Rural

CeRPA : Centre Régional pourla Promotion Agricole

E.P.P : Ecole Primaire Publique

B.E.P.C : Brevet d'Etude du Premier Cycle

A.P.E : Association des Parents d'EL7VES

O.U.A : Organisation de l'Unité Africaine

IFESH : International Foundation for Education and Self-Help

UNESCO: Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture

UNICEF : Fonds des Nations unies pour l'Enfance

DEDICACE

A mon cher père Tamou CHABI YATAOU et à ma très aimable mère Afsatou Baké TOURÉ ZAKARI. Trouvez à travers ce modeste travail l'expression de ma profonde gratitude pour l'éducation que vous m'avez donnée. Qu'Allah le tout puissant vous comble de ses bienfaits et de sa miséricorde.

A mon épouse Sylvie Magazia OROU DOUAROU et à mes enfants pour leur réconfortante affection.

LES REMERCIEMENTS

Au Dr. Denise SOSSOUHOUNTO, enseignante au Département de Sociologie-Anthropologie à l'Université d'Abomey-Calavi, pour sa disponibilité à encadrer ce travail.

A tous mes éducateurs, particulièrement ceux du département de Sociologie et Anthropologie de l'Université d'Abomey-calavi.

Au Dr Aimé GNIMADI du CBRST pour nous avoir soutenu et orienté.

A tous les frères et soeurs TAMOU YATAOU, particulièrement Séro, Abraham, Issa dit Toussaint, Inoussa dit Innocent et Fati pour leur participation à l'aboutissement de ce travail.

A mes cousines Manou CHABI, Zalia BIO SANA, mon cousin Yacoubou KORA SERO et mon neveux Ludovic YORO pour leurs conseils, leur assistance et louables contributions tout au long de nos travaux.

A Mr. Sahadou ALI ZATO, au nom de notre bien fraternelle amitié.

Aux amis Théophile SEKOSSOUNON, Goyi SERO, Bio ZIME MORA, Sanni Fidèle SINAGOURIGUI, Bakary CHITOU SERO, Tchitou BABA IBRAHIM, Moussa ABOUDOU ZATO pour leur contribution et leur soutien à divers niveaux de ce parcours universitaire.

A toutes les enseignantes ainsi que tous les enseignants de la commune de Sinendé, les parents d'élèves, les écolières et écoliers et les déscolarisés pour leur disponibilité.

A tous ceux qui d'une manière ou d'une autre ont contribué à la réalisation de ce mémoire. Recevez tous le témoignage de notre sincère reconnaissance pour vos louables services.

CARTE DU DECOUPAGE TRRITORIAL DU BENIN

Le Bénin mon beau pays

CARTE DE LA COMMUNE DE SINENDE

Sinendé est enclavé

INTRODUCTION

L'éducation, qu'elle soit traditionnelle ou moderne et classique, constitue un besoin fondamental pour l'homme. C'est un fait social qui permet l'intégration sociale d'une personne en lui transmettant le savoir être et le savoir faire. Elle s'acquiert aussi bien spontanément par des pratiques routinières dans l'environnement social que par des pratiques méthodiques et formelles au sein d'une institution appelée école.

Depuis l'indépendance du Dahomey devenu aujourd'hui République du Bénin, l'éducation a été au centre des préoccupations des différents gouvernements. Des efforts ont été jusque là déployés pour améliorer la qualité de l'enseignement en général, et particulièrement celle de l'enseignement primaire, au moyen des différente réformes qu'a connu le système éducatif national. Au nombre des ces réformes, nous pouvons citer celles liées à la réduction de l'inégalité des chances au niveau de l'accès à l'éducation. La présente étude se focalise sur les inégalités de chance liées au sexe. En effet, depuis 1960 à nos jours, l'histoire de la politique éducative du Bénin a connu trois grandes périodes ayant toutes évolué, au moins jusqu'en 1994 (cas de la commune de Sinendé), avec des disparités flagrantes dans les effectifs des salles de classe. Et ceci en défaveur des filles. Selon certaines statistiques: « le taux brut de scolarisation sur le plan national est passé de 60 à 69%, avec de fortes disparités entre les garçons (85%) et les filles (52%), entre les régions (Atlantique : 112% ; Borgou : 42%) et entre le milieu urbain des grandes villes (74%) et le milieu rural (32%). » (Source : Recherche-action en faveur de l'éducation des filles ; Cotonou - juin 1998 / UNICEF). La commune de Sinendé est l'une des communes où le taux de scolarité est le plus bas au Bénin. On y constate une quasi absence des filles dans le système scolaire jusqu'en 1994 où le projet Education et Communauté (EDUCOM) a démarré ses activités en faveur de la scolarisation des filles dans cette commune. Mais malgré les efforts déployés par cet projet, moins du quart des filles inscrites en première année du primaire (CI), parviennent en fin de cycle (CM2). Cette situation nous fait penser que si la communauté a accepté inscrire massivement les filles CI afin de bénéficier des avantages du projet (matériels et équipements scolaires, crédits sans intérêt, etc.), force est de constater que, entre le parcours du CI au CM2 qu'il existe des obstacles empêchant ces filles d'évoluer normalement, comme garçons. Dans ce contexte, les recherches ont été menées au sein de la communauté afin d'identifier les facteurs de l'environnement social ayant un impact défavorable sur l'évolution de la fille au primaire. Le cadre des recherches est circonscrit à la commune de Sinendé qui est une parcelle de l'aire socioculturelle baatonu. Cette dernière est caractérisée d'une façon générale par une prédominance des pratiques culturelles traditionnelles dans le vécu quotidien des communautés. Il importe aussi de signaler que Sinendé est commune enclavée et compté parmi les pauvres du Bénin. Le présent document qui est un essai d'explication du phénomène de déperdition scolaire des filles comporte trois grandes articulations à savoir : la problématique et l'état de la question, la présentation des résultats et enfin la conclusion.

Dans la première partie divisée en quatre sous parties, on retrouve le problème ; l'état de la question ; les objectifs de la recherche ; l'hypothèse de la recherche ; la clarification conceptuelle et la méthodologie qui présente le cadre et la nature de l'étude ainsi que sa durée. Cette sous partie présente également les groupes cibles, le type d'échantillonnage adopté, la collecte et l'analyse des donnés. On y retrouve également le chronogramme, les limites et difficultés dans les recherches. Dans la troisième partie, la présentation des résultats des enquêtes ont permis d'interpréter, de commenter et d'analyser les données recueillies et d'identifier au sein des communautés rurales, les mécanismes sociaux qui sou tendent le phénomène de la déperdition scolaire des filles au primaire. Enfin, la quatrième partie qui est la conclusion, présente de façon succincte une synthèse de la présente étude.

I/ PROBLEMATIQUE ET ETAT DE QUESTION

1/ LE PROBLEME

Dans les communautés traditionnelles « BAATONU » du Bénin et particulièrement dans la commune de Sinendé, la fille/femme, dans son double rôle d'épouse et de mère reconnue, est soumise aux effets d'un certain nombre de représentations socio-culturelles. Ces représentations qui sont de nature incompatibles aux normes de l'école prédisposent les filles à déperdition.

Les premières observations ont permis de constater que les communautés traditionnelles ont toujours établi des relations entre la scolarisation d'une fille et son statut de femme au sein de ces communautés :

- La scolarisation de la fille perturbe le processus devant la conduire au mariage coutumier.

- La scolarisation de la fille rend difficile la création ou la consolidation des liens familiaux.

- La scolarisation de la fille défavorise les activités de production des ménages. C'est un investissement à l'avance perdu pour ses parents etc.

Ce sont ces genres de représentations sociales de la fille/femme qui, d'une façon générale concourent au non maintien des filles dans les écoles.

Au Bénin et particulièrement dans la commune de Sinendé, l'offre officielle à l'éducation formelle ne tient pas compte du sexe. Cependant, la commune de Sinendé est classée parmi celles qui, sur le plan national, possèdent les plus faibles taux de scolarité. Elle connaît également les plus grandes disparités sexuelles dans les classes au moins jusqu'en 1994, où le projet Education et Communauté (EDUCOM) a démarré ses activités en faveur de la scolarisation des filles dans cette commune. Mais malgré les efforts déployés par ce projet, moins du quart des filles inscrites en première année du primaire (CI) , parviennent en fin de cycle ( CM2) . Cette situation peut s'expliquer par le fait que les parents acceptent envoyer leurs filles à l'école, mais leur offrent très peu de chance de parvenir à la fin du cycle. Où encore, que ces parents leur accordent très peu d'intérêt au sein du système scolaire. Car les communautés restent encore attachées aux normes socio-culturelles traditionnelles, conservées et sauvegardées par une autre forme d'éducation : l'éducation traditionnelle.

Nous avons alors en présence, dans un environnement à très forte majorité paysanne, deux différentes formes d'éducation, et donc deux différentes formes d'écoles entre lesquelles la fille écolière est différemment perçue sur les plans social et culturel. Dans ce contexte de dualité culturelle, le tableau est alarmant lorsqu'il s'agit de parler de la scolarisation des filles.

2/ ETAT DE LA QUESTION

La question de la déscolarisation encore désignée sous les termes de déperdition scolaire ou de non maintien de la scolarité a fait l'objet de plusieurs recherches à divers niveaux.

Au niveau régional, elle constitue une préoccupation majeure de grandes organisations sous régionales qui s'associent dans la recherche de solutions appropriées au phénomène. Ainsi, depuis 1990 à la conférence de Jomtien (Thaïlande), la scolarisation des filles mobilise les différents acteurs impliqués dans les systèmes éducatifs. Des programmes pour la promotion de la scolarisation des filles ont été mis en oeuvre dans maints pays. Au Forum mondial de l'éducation organisé par l'UNESCO et tenu à Dakar (Sénégal) en avril 2000, le rapport des travaux fait remarquer la marginalisation des filles par rapport à la scolarisation. Ce rapport précise que 60% des enfants non scolarisés des pays en développement sont des filles.

A l'échelon national, chaque gouvernement est conscient de l'ampleur prise par le phénomène de la déscolarisation, particulièrement celle des filles, et veille à l'application des mesures prises pour le freiner. La Table ronde du secteur de l'éducation tenue à Cotonou en décembre 1996 indique qu'au niveau national, et en 1996, l'effectif total des élèves au primaire, était de 719 130 dont 457 178 garçons contre 261 952 filles avec un ratio par rapport au total de 0,36(MENRS-DAPS-SSGI & PROJET CLEF).

Au plan local, plusieurs recherches de terrain menées par des chercheurs de tous ordre ont permis de suivre l'évolution du phénomène dans l'espace et dans le temps. Cela a également permis de mieux appréhender quelques facteurs et fondements socio-anthropologiques de la déscolarisation dans leur spécificité géographique et culturelle. En 2001 par exemple, en comparant les départements du Bénin, il ressort que le Mono vient en tête avec un taux brut de 96,95%, l'Atlantique avec un taux de 85,69%, ensuite le Zou avec 82,57%, l'Ouémé 80,40%, l'Atacora 65,55% et le Borgou vient en dernière position avec un taux de 58,04%(SSGI/DPP/MEPS 2002). Tous les chercheurs dans ce domaine s'accordent sur le fait que la déperdition scolaire concerne aussi bien les garçons que les filles. Mais les différents résultats d'enquêtes révèlent que les abandons scolaires sont plus nombreux chez filles et varient d'une localité à une autre. En général lorsqu'il est question de scolarisation, les écarts entre les chiffres sont défavorables au sexe féminin. Au cours des années 2002 - 2004, il a été recensé au Bénin, 1 233 214 écoliers dont 717077garçons et 516137 filles (41,85%). Le taux net de scolarité pour la même période était de 83,6% pour les deux sexes, 96,69% pour les garçons contre 70,51% pour les filles (UNESCO-iipe/2005/O. AKPAKA et A. GNIMADI).

A la rentrée 1994-1995, la commune de Sinendé comptait 2700 écoliers dont 1838 garçons et 862 filles (32%). Le taux brut de scolarité était de 24,5% pour les deux sexes, 32,8% pour les garçons et 14,9% pour les filles. (UNESCO-iipe/2005/O. AKPAKA et A. GNIMADI). Signalons que, même si ces chiffres, n'expriment pas clairement le phénomène de déscolarisation des filles, ils représentent des indicateurs qui font ressortir l'aspect genre de la problématique de scolarisation et de sa variation dans l'espace et dans le temps.

Toujours dans la commune de Sinendé, et dans la période 1999-2000, on avoisinait déjà la parité dans les effectifs des classes dans les écoles : globalement 45% de filles contre 55% de garçons. Entre les classes de CI et celles du CE2, cette tendance est renversée dans le rapport-billan intitulé  "scolarisation de la fille : la réussite de Sinendé au Bénin"(UNESCO-iipe/2005/ O. AKPAKA et A. GNIMADI). Mais dans cette même période le seul collège de la commune comptait pour la classe de 6èm, 244 élèves dont 55filles soit 22,5%.(circonscription scolaire de Bèbèrèkè-Sinendé. Sept-2000). Sur les 55 filles, seulement 04 filles soit 1,64% de l'effectif total et 7,27% du total des filles (enquête de terrain), provenaient des écoles des localités environnantes du chef lieu de la commune.

On remarque ainsi qu'il existe vers la fin du cycle primaire un écart d'effectif non seulement entre les filles et les garçons mais aussi entre les filles du centre de la commune et celles de ses localités périphériques. Pour mieux comprendre cette déperdition importante dans les effectifs féminins à la fin du cycle primaire, l'hypothèse suivante servira de fil conducteur. 

3- HYPOTHESE DE LA RECHERCHE

La déscolarisation d'une fille trouve ses fondements dans son environnement social dont l'influence détermine les comportements et les perceptions communautaires sur la fille et sur l'école.

4- LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

4-1 Objectif Global :

Rechercher au sein de la communauté les facteurs sociaux ayant une influence sur l'école et établir un lien entre ces facteurs sociaux et la déperdition scolaire des filles.

4-2 Objectifs spécifiques :

1°) Identifier par enquêtes les représentations sociales des communautés rurales sur la fille /femme, et sur l'école dans le cadre de vie traditionnels des écolières.

2°) Identifier et étudier les comportements sociaux qu'impliquent ces représentations sociales sur la vie scolaire d'une fille.

3°) Déterminer par analyse une relation entre l'environnement social et ces représentations sociales d'une part, et d'autre part entre les comportements sociaux et la déperdition scolaire de la fille au primaire.

5- CLARIFICATION CONCEPTUELLE

Nous nous efforcerons avant tout développement, de définir quelques termes relatifs au cadre logique de notre étude. Celle-ci inscrit l'éducation au centre d'une dynamique sociale nécessitant une appréhension des concepts tels que le système éducatif et ses terminologies associées, la communauté, ainsi que les représentations sociales propres aux milieux de vie communautaire caractéristique des sociétés paysannes.

Le champ de compréhension du concept d'éducation est très vaste pour que nous puissions en aborder ici tous les aspects. Généralement le terme "éducation" recouvre toute activité sociale visant à transmettre à des individus l'héritage collectif de la société où ils s'insèrent. Ainsi, si de façon formelle, informelle ou non formelle, on se trouve dans une situation institutionnalisée ou non, dans le but de la transmission d'un savoir être ou d'un savoir faire, on peut parler d'éducation. Nous nous contenterons d'aborder l'aspect institutionnel de l'éducation encore appelé éducation formelle qui fait intervenir plusieurs types d'acteurs en interaction permanente formant un ensemble fonctionnel reconnu sous l'appellation de système éducatif. Ce système comporte une sous représentation dénommée système scolaire qui fonctionne au nom de l'institution qu'est l'école. Elle est une partie intégrante de la communauté locale. L'éducation qui y est dispensée concerne l'ensemble des connaissances visant une intégration sociale rigoureusement planifiée et rationalisée.

L'éducation non formelle regroupe toutes les autres formations organisées dans le cadre extrascolaire (formation professionnelle, alphabétisation etc.)

L'éducation informelle quant à elle est l'ensemble des connaissances acquises par l'expérience de la vie quotidienne. Cette dernière forme d'éducation est généralement la plus adoptée en milieu rural. Elle constitue un support pour l'éducation traditionnelle des collectivités "baatombu" menant une vie communautaire. Une vie analogue à celle de la société paysanne selon la typologie sociale de Henri MENDRAS dans Eléments de sociologie. Ce dernier caractérise ces types de sociétés par «  un système économique agencé selon la logique de l'autosubsistance qui ne distingue pas la production et consommation... ». Dans ces société on note « une confusion famille / entreprise donnant un rôle central au groupe domestique ». La collectivité locale forme une société d'interconnaissance au sein de laquelle la tradition commande tous les actes. Cette collectivité locale est incluse dans une société englobante et jouit d'une autonomie relative à l'égard de celle-ci. Par conséquent, les fonctions de médiation avec l'extérieur sont très importantes. Le système scolaire joue un rôle fondamental dans cette médiation sociale à travers les normes de l'éducation formelle transmises dans les écoles aussi bien aux garçons qu'aux filles selon les principes de la parité.

Mais dans la réalité cet équilibre entre les sexes à l'école n'est pas jusque là concrètement atteint. Les effectifs scolaires féminins, sont frappés de déperditions considérables qui se caractérisent par l'évolution nettement décroissante de l'effectif des filles au fur et à mesure que les promotions évoluent. Ce phénomène est dû à l'abandon scolaire progressivement massif des filles sous le poids de certaines pratiques et comportements traditionnels inculquant à la communauté des représentations sociales sur les filles et leur scolarisation. Cette situation favorise le non maintien de l'éducation de celles-ci jusqu'à la fin du cycle primaire. Ce phénomène est exprimé dans la présente étude par le taux d'abandon obtenu en divisant le nombre total de celles qui ont abandonné les classes avant la dernière évaluation de l'année par le nombre total des filles inscrites dans cette même classe en début d'année. Ce rapport est ensuite multiplié par 100. On peut également l'appeler `' taux de non maintien `' ou taux de déperdition.

Il n'est pas pris en compte les abandons dus au changement d'école, aux divers cas de force majeurs (maladies, décès, etc.).

De la même manière le taux de redoublement est obtenu en divisant le nombre total des filles qui reprendront la même classe par insuffisance de travail par le nombre total ayant commencé ensemble l'année scolaire. Le rapport est ensuite multiplié par cent (100).

5- REVUE LITTERAIRE

Au nombre des quelques ouvrages et autres rapports consultés sur la problématique de la scolarisation des filles, il faut citer : le rapport de la tenue des Etats Généraux de l'Education en Octobre 1990 à Cotonou, suivie six ans plus tard de l'organisation en Décembre 1996 de la Table Ronde du Secteur de l'Education. Ces deux travaux ont relevé l'absence d'équité au niveau de l'accès à l'éducation en défaveur des filles surtout celles des zones rurales. On note une disparité qui varie selon les aires socio-culturelles. A ce titre, les résultats des recherches de mémoire de maîtrise de OUASSA KOUARO Monique sous le thème : "Scolarisation des filles en milieu rural : approche socio anthropologique (cas de la sous-préfecture de Matéri)" se sont focalisé sur les freins à l'éducation des filles en société `'Berba `'. Ces freins qui sont liés à l'influence des comportements, des pratiques traditionnelles et les difficultés d'adaptation du système scolaire. Dans le même contexte, SOULEYMANE Boubacar sous le thème de : l'Echec scolaire des jeunes filles dans la communauté urbaine de Niamey a relevé les causes de l'échec scolaire dans l'environnement socio urbain de Niamey. En plus des comportements sociaux à l'égard de la fille qui sont encore évoqués par ce dernier, il a été également fait remarquer l'existence des causes particulières à ce type d'environnement social. Il précise que ces causes sont liées à l'adaptation du système aux conditions de survie des populations.

Actuellement, le préjudice que les comportements et pratiques traditionnelles causent à la scolarisation des filles dans la commune de Sinendé, est beaucoup plus le non maintien celles-ci dans le système que la non inscription. Ce dernier aspect (refus de la première inscription) est largement combattue et améliorée au début du cycle primaire par le projet EDUCOM, les ONG ainsi que les autres projets. Actuellement le problème du maintien de la scolarité des filles constituent une préoccupation majeure de tous les acteurs du système scolaire. Ainsi, dans cette nouvelle optique de promotion de l'éducation de la fille, Odile AKPAKA et Léa GABA dans leur recherche sous le titre : les aspects socio-culturels de la fréquentation scolaire des filles au niveau primaire au Bénin ; ont d'une façon générale, mis en exergue les causes fondamentales qui portent obstacle à la scolarisation des filles au Bénin avec un accent particulier sur les comportements des différents acteurs de notre système éducatif face aux questions de l'éducation de la fille. L'échantillonnage qui leur a permis d'arriver à la généralisation des résultats de leurs études ne permet pas de pénétrer l'intimité des comportements sociaux qui sont le reflet des diverses formes de représentations que chaque société a de l'école et de ses acteurs à différents niveaux.

Aux termes de ses recherches pour le mémoire maîtrise sous le thème : les déterminants de la sous-scolarisation des filles dans l'aire culturelle Baatonu : cas de la commune de Gogounou, Sanni Fidèle SINAGOURIGUI écrit : « Pour ce qui est de la société baatonu l'inadéquation entre leurs réalités sociales et l'éducation moderne pèse lourdement sur les parents dans leur décision d'envoyer les enfants principalement les filles à l'école. D'où le faible taux d'inscription des enfants des deux sexes qu'on enregistre dans tout le Baruwu (Borgou-Alibori) en général et dans la commune de Gogounou en particulier ». Les recherches de S. F. SINAGOURIGUI ont porté sur la problématique de la scolarisation chez baatombu de Gogounou avec un accent mis sur la sous-scolarisation des filles. C'est-à-dire le faite de ne pas inscrire beaucoup de filles à l'école. La présente étude quant à elle met l'accent sur les abandons massifs des filles qui ont eut la chance d'être inscrites à l'école chez les baatombu de Sinendé.

En Mars 2001, sous la direction de M. Aimé GNIMADI, le rapport de la Recherche-action sur la scolarisation des filles à Sinendé a clairement défini les différentes sortes de représentations sociales liées à la scolarisation à Sinendé, particulièrement celle des filles. Les différents aspects de ces représentations ont été occultés et mis en relation avec le phénomène de non maintien des filles dans le système scolaire primaire dans la commune de Sinendé. Mais il est à noter que l'impact de ces représentations sociales sur la déscolarisation des filles est variable selon plusieurs contextes dans la même commune. Il varie par exemple d'un milieu à un autre, d'une école à une autre dans le même milieu, d'une classe (promotion) à une autre et surtout d'un ménage à un autre.

II- METHODOLOGIE

1 - LE CADRE DE L'ETUDE

Le champ d'étude est circonscrit à la commune de Sinendé créée en 1978 par le Conseil Exécutif National (C.E.N).

Cette commune est limitée au Nord par la commune de Gogounou ; à l'Est par celle de Bembéréké ; au Sud par celle de N'dali et à l'Ouest par les communes de Péhunco et de Kèrou dans l'Atacora.

Elle a une superficie de 2350km². Le chef lieu Sinendé est situé à 145km de Parakou, la commune compte 35 villages répartis dans quatre arrondissements : Sinendé, Sikki, Sèkèrè et Fô-Bouré .

Au recensement de 1992 la population de Sinendé comptait 40.769habitants avec une densité de 17,8 habitants/ km². (source : atlas monographique des communes du Bénin-D.G.A.T.-MISD)

L'habitat à Sinendé est groupé. On rencontre un type d'habitat dispersé adopté par les peulh.

En dehors des cultes traditionnelles (`' Bucacari'' et `' Sanbuanu''), on note la prépondérance de l'Islam (58 %) qui a d'ailleurs valu le nom de `'Maka-Barougou'' à Sinendé par les Houassa d'alors en raison de la bonne foi musulmane des populations.

Les villages sont composés de l'ensemble des familles et des clans. On y distingue ainsi d'une façon générale deux types de familles : la famille nucléaire et la famille étendue.

Au niveau de chaque village, les bariba s'identifient par leur appartenance à un clan( il s'agit par exemple des Waba, des Kénu, des Séko, des Sési, des Tosu, des Yari, des Mwaro etc. Quand aux groupes ethniques assimilés (les Peulh et les Gando), ils s'identifient par rapport à leur richesse matérielle et à leur `'protectorat''. La transmission du pouvoir politique se fait à l'intérieur d'un clan donné par génération et de père en fils ou petits-fils.

L'agriculture est la principale activité économique des populations suivie de l'élevage des bovins majoritairement tenu par les éleveurs peulh et Gando.

Les activités agricoles sont semi mécanisées par la traction bovine venant en appui à la main d'oeuvre familiale. L'élevage est rudimentaire et caractérisé par un pâturage extensif.

Le coton est la principale culture commerciale suivie du maïs, de l'igname, du manioc, du sorgho, du niébé et de l'arachide. Le maraîchage réservé aux femmes qui en font une activité génératrice de revenus.

2- NATURE DE L'ETUDE

La présente étude sous le thème : La vie communautaire et le problème de la déscolarisation des filles dans la commune de Sinendé est une contribution aux multiples études socio-anthropologiques menées sur la problématique de la déperdition scolaire des filles. Elle vise à mettre en exergue le taux d'abandon des filles par rapport aux garçons, et de dégager les facteurs socio-communautaires qui prédisposent les filles à la déscolarisation.

3- GROUPES CIBLES ET ECHANTILLONNAGE

Les groupes cibles sont composés de deux (02) catégories d'acteurs sociaux sélectionnées selon les trois principaux critères suivants :

- Etre un adulte résidant depuis la naissance au sein de la communauté. Ou encore être une fille ou une femme ayant fait au moins la classe de CE2.

- Etre bien intégré à la communauté traditionnelle du cadre d'étude.

- Etre reconnu comme étant une personne bien informée sur les moeurs et pratiques culturelles de la tradition baatonu.

a- Les personnes ressources : ce sont des acteurs sociaux adultes qui de part leur fonction, leur statut social et / ou leurs expériences vécues, sont susceptibles de détenir sans avoir été enseignants des informations dans le domaine de l'éducation scolaire en général et particulièrement celle des filles. Il s'agit par exemple des notables, des sages, des élus locaux, des cadres féminins de la localité, des membres du bureau de l'Association des Parents d'Elèves etc.

b- Les filles/femmes déscolarisées : Cette catégorie comprend les personnes de sexe féminin résidant à Sinendé, ayant fréquenté l'école et l'ayant quitté sans avoir obtenu le Certificat d'Etude Primaire et Elémentaire (C.E.P.E) ou tout autre diplôme équivalent,

Signalons que le prélèvement de l'échantillon qui à tenu compte du genre à raison 50% , a été réalisé par sondage empirique avec la méthode des quotas pour les personnes ressources, quant aux filles/femmes déscolarisées (peu nombreuses parce que faiblement scolarisées), le choix a été systématique.

La taille de l'échantillon fait environ 10% (200 personnes) de la population total des parents d'élèves (1974 personnes selon les archives IFESH/Circonscription scolaire/ Bèmbèrèkè-Sinendé). Cette proportion de 10% permet d'avoir une bonne représentativité des différentes couches socio-professionnelles de la population cible. Le choix pour la répartition des 200 personnes s'est basé sur le quota de 10% des parents d'élèves par arrondissement. Ce qui a donné à Sinendé-centre 72 personnes, Fô-Bouré 52personnes, Sikki 47personnes, et Sèkèrè 39personnes.

4- DUREE DE LA RECHERCHE 

La présente étude a duré 8 mois 17 jours. Les recherches se sont déroulées du 14 octobre 2004 au 31janvier 2005 pour la phase de pré-enquête. L'enquête proprement dite a été réalisée dans la période mars à juillet 2005. Au cours des recherches la méthodologie adoptée a observé une alternance entre les descentes sur le terrain et les recherches documentaires à Sinendé, à Parakou, à Bembèrèkè et à Cotonou.

La phase de pré-enquête a permis de faire les toutes premières observations sur l'ensemble de l'environnement social du cadre d'étude. Ce qui a conduit au constat selon lequel la communauté paysanne de Sinendé organise sa vie sociale sur la base des considérations socio-culturelles traditionnelles. Il a été aussi constaté que l'école était plus fréquentée par les garçons que par les filles.

La phase de l'enquête proprement dite a permis à l'aide des outils d'investigation appropriés de collecter des informations sur le terrain. Ces informations ont favorisé une analyse du phénomène des abandons scolaire des filles dans la commune de Sinendé.

L'aboutissement de cette recherche a connu tout au long du processus des difficultés dont nous énumérons ci-après les plus importantes.

5- DIFFICULTES RENCONTREES :

Dans la problématique de l'éducation scolaire à Sinendé, le phénomène de déscolarisation des filles est très amplifié. Cependant, il n'existe pratiquement pas au niveau local, des statistiques issues des recherches antérieures sur le phénomène pouvant ainsi permettre d'observer son évolution dans le temps et dans l'espace. Les quelques documents sur lesquels nous avons pu mettre la main, comportent des données globales avec plus d'accent sur les taux de scolarisation des filles. Ce qui a compliqué les démarches dans la collecte des données statistiques locales. Il y a aussi les problèmes de communication liés à l'enclavement technologique de la zone d'étude, ainsi que l'éloignement et le difficile accès des villages qui ont limité les efforts dans la recherche.

4- COLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES :

4-1/ Collecte des données

Au cours de la collecte des données les trois approches (qualitative, quantitative et statistique) ont été utilisées.

Pour l'approche qualitative, trois techniques, à savoir : l'observation directe, les entretiens individuels et les réunions de groupe, ont permis d'avoir les informations suivantes :

Avec l'observation directe qui a été libre et participative, les informations recueillies font état du harcèlement sexuel et d'une surcharge des filles par les activités de production dans les ménages. Cette technique a également permis de comprendre que la condition de vie des ménages est basée sur le respect de la tradition et la solidarité entre les membres de la communauté. Il a été aussi noté que, en matière de perception et de traitement, la communauté ne fait pas une distinction entre les filles scolarisées et celles qui ne le sont pas.

Des entretiens ont été réalisés à l'aide d'un guide pour les enfants afin d'éviter à cette catégorie d'enquêtés de multiples questions auxquelles ils ne sont pas habitués. L'avantage du guide est sa flexibilité et l'autonomie accordée aux interviewés. En plus il permet d'obtenir assez d'informations avec peu de questions.

La collecte des données à l'aide d'un guide d'entretien présente toutefois l'inconvénient de faire perdre du temps à l'enquêteur lorsque l'enquêté fait digression même si elle nécessite moins d'investissement financier. Signalons aussi qu'il fait prendre plus de temps pour le dépouillement.

Les réunions de groupe quant à elles ont permis d'avoir des débats libres et contradictoires avec les écoliers du CM1 et CM2 d'une part et les membres des Associations des Parents d'Elèves d'autre part. Ces réunions ont permis de relever entre autres informations, l'influence négative de certaines pratiques locales de l'Islam sur le maintien des filles dans le système éducatif.

La technique du questionnaire écrit pour l'approche quantitative a été utilisée afin d'aborder la catégorie lettrée de l'échantillon. Ce procédé, permet, contrairement à la première, à l'enquêteur de gagner plus de temps en déposant les questionnaires aux enquêtés. Le dépouillement ici est plus aisé mais nécessite plus de dépenses financières. La principale information que cette technique a permis de collecter est que les abandons scolaires sont importants chez les filles. Ces abandons interviennent entre l'âge de 9 à 12ans et entre la classe de CE1 et celle du CM1. Le mariage coutumier a été accusé comme l'une des principales causes de la déscolarisation des filles à Sinendé.

Enfin, l'approche statistique a permis de collecter les données statistiques déjà disponibles et de calculer les taux d'abandon en comparaison des taux bruts d'inscription en début de cycle. Il ressort ici une prépondérance des abandons scolaires des filles issues des écoles des localités reculées, par rapport aux filles des écoles du chef lieu de la commune.

4-2/ Approche analytique :

La population de Sinendé est une société paysanne au sein de laquelle la tradition culturelle influence les comportements et les pratiques des habitants. C'est une société d'interconnaissance dans laquelle la création et la consolidation des liens interfamiliaux et la solidarité mécanique entre membres de la communauté régissent la vie quotidienne. La fille/femme constitue la pièce maîtresse dans la création et la consolidation de ces liens par le biais du mariage coutumier. C'est ce qui explique la perception communautaire des écolières comme étant prédestinées au rôle d'épouse pour les fonctions reproduction biologique et celles de production de biens et de services.

Le système de production en vigueur, nécessite une nombreuse main d'oeuvre familiale. Ainsi, dans cette logique d'économie d'autosubsistance, la société donne un rôle central au groupe domestique à l'intérieur duquel la fille/femme occupe d'importantes responsabilités aussi bien dans sa famille qu'au sein de la communauté. Si le nombre des filles qui abandonnent très tôt l'école est plus important que celui des garçons, c'est parce qu'elles sont beaucoup plus sollicitées dans d'autres rôles que leur a assigné la communauté. Elles subissent des pressions social/harcèlement afin de les contraindre à remplir la fonction de reproduction biologique incompatible à la fréquentation de l'école. Elles sont aussi abusivement sollicitées pour l'accomplissement de la fonction de reproduction de biens et de services dans les ménages et au sein de la communauté.

Cette menace du maintien des filles à l'école est une conséquence de la perception communautaire sur leur place et leur rôle dans la société. Leur place est secondaire dans le foyer aux côtés des hommes où elles sont prédestinées aux rôles d'épouse. Les pressions sociales dans ce domaine interviennent quand la fille approche l'âge de la puberté (entre 9 à 11ans). Dans cette tranche d'âge les filles sont généralement entre la classe du CE1 et celle du CM1 où les abandons sont plus prononcées.

Il faut signaler au passage que, les pratiquants locaux de la religion musulmane, qui sont bien écoutés et respectés par la population, participent au renforcement de cette perception sur l'avenir de la fille. Les maîtres des enseignements coraniques, généralement appelés "alfa", adhèrent aux perceptions sociales de la communauté afin d'avoir en retour l'adhésion massive des populations à l'Islam. C'est une situation qui empêche les filles de s'occuper de leurs études comme les garçons.

La fille baatonu dans la société paysanne de Sinendé est assujettie à ces exigences sociales dans le processus de socialisation qui constitue en fait son éducation. On lui enseigne traditionnellement dans le cadre familial, tous le savoir socioculturel, les comportements et pratiques de sa société. Tout commence dès la naissance par les attouchements et comportements envers le bébé selon son sexe et son clan et aussi selon beaucoup d'autres considérations. Le processus est continu et comporte plusieurs stades qui sont inhérents à la vie de l'individu au sein de ce cadre de vie social.

Mais, il sera pris en compte pour le cas de cette étude le 1er stade où l'enfant commence par jouer avec ses semblables. Précisément entre l'âge de 18 mois environ à 6 ans et le 2nd stade situé entre 6 et 12 ans.

Au 1er stade, chez les paysans, la différenciation des rôles sociaux se fait déjà sentir. Car les jeunes garçons commencent par être traités dans les blagues et les jeux comme des "Hommes", des responsables de demain, des courageux, des chefs de ménage. Les jouets qu'on leur offre ou qu'on conseille sont des objets en miniature semblables à ceux qu'utilisent les adultes-hommes (la houe, la machette, le tam-tam, la trompette, des gourdins, des arcs, des flèches etc.). Il en est de même pour les rôles que les enfants garçons s'attribuent dans les jeux (grand agriculteur, griot, chef de village, éleveur, chasseur etc.).

Ces jeux se font dans l'harmonie avec l'environnement socioprofessionnel immédiat de l'enfant-garçon. La communauté l'aide à s'identifier de façon progressive à son père, à son clan et à l'homme, `'sexe fort'' de sa société.

Par contre, la fillette s'identifie à sa mère. Elle est éduquée de façon à ce qu'elle soit douce, aimable, coquette et surtout serviable pour l'homme, utile pour le ménage, ainsi que pour l'entretien de la maison et toujours prête pour la reproduction. La femme est éduquée en milieu paysan bariba particulièrement à Sinendé, pour servir dans toutes les activités de production. Ce qui n'est pas le cas chez les garçons qui ne doivent pas intervenir à la cuisine, à la corvée d'eau, à l'entretien des petits enfants et beaucoup d'autres rôles qui sont spécifiques aux filles dans les activités de production.

L'enfant vit plus ou moins exclusivement ce type d'éducation jusqu'à l'âge scolarisable. C'est-à-dire autour de 6 ans où il est récupéré par l'école, et fait l'apprentissage d'une autre éducation formalisée qui s'ajoute à celle donnée par les parents et la communauté villageoise.

A l'âge de 6 ans environ l'enfant est confronté à deux types d'éducation :

D'un part l'éducation traditionnelle avec comme modèle ses parents et la collectivité paysanne. Et d'autre part l'éducation moderne formelle avec comme seuls modèles les quelques enseignants et parfois l'encadreur du Développement rural de la localité. Car, l'ensemble de la commune est pauvre en modèle de réussite scolaire résidant.

Le modèle paysan est donc dominant dans l'environnement social des enfants. C'est une référence qui détermine l'avenir des membres de la communauté et fixe les repères pour les activités quotidiennes. C'est ce qui explique une prédominance des abandons dans les écoles des localités périphériques au chef lieu de la commune. Ces localités rurales présentent un très faible niveau d'adoption de la culture scolaire et les perceptions traditionnelles sur la fille/femme y sont plus fortes. Cela se confirme par le contenu de l'emploi du temps quotidien des enfants.

Tableau 1 : Emploi du temps quotidien d'un enfant scolarisé en fonction du sexe du moment de la journée.

Activités

filles

garçons

6h à 7h45'

12h15 à

14h45'

18h15 à

21h30'

6h à

7h45'

12h15 à

14h45'

18h15 à

21h30'

Corvée d'eau

 
 
 

0

0

0

Balayage

 
 
 

0

0

0

Vaisselle

 
 
 

0

0

0

Lavage du linge

Tous les jours de repos

0

0

0

Transformation

 
 
 

0

0

0

Cuisine

 
 
 

0

0

0

Marchandise

 
 
 

0

0

0

Corvée de bois

Tous les jours de repos

0

0

0

champêtres

Tous les jours de repos

Tous les jours de repos

- Source : Enquête de terrain (décembre 2003)

- Légende : exécute l'activité

0 n'exécute pas l'activité

L'analyse des données de ce tableau donne un aperçu de la nature de la division sexuelle du travail dans le milieu d'enquête ainsi que le rôle joué par une fille / écolière dans les activités de production au sein d'une famille baatonu.

En effet la fillette dès l'âge de cinq ans participe aux travaux ménagers en aidant sa mère ou l'épouse du chef de ménage dans ses activités. Dans le même temps un garçon de cet âge apprend à jouer avec ses semblables. L'aide d'une fillette pour la ménagère prend de l'importance avec son âge. Cette aide que la fille apporte à la femme adulte, prime sur toutes les autres activités de sa vie. Car la société perçoit ce travail de la fille comme un apprentissage à leur fonction de reproduction biologique. Cette situation est de nature à compromettre l'évolution normale des filles à l'école ainsi que le réel développement de la commune.

III°/PRESENTATION DES RESULTATS.

1-INTERPRETATION DES RESULTATS

Les enquêtes couvrent la période allant de l'année scolaire 2000-2001 à 2003-2004. Au cours de ces quatre années scolaires la commune de Sinendé a bénéficié des actions du projet de Recherche-action sur la scolarisation des filles. Ces actions du projet se sont focalisées sur le phénomène de non maintien des filles dans le système scolaire primaire. Cela a permis d'avoir des données de référence ressentes pour les comparaisons dans le cadre de la présente étude.

Les données de deux années consécutives sont comparées par classe du (CI au CM2) en considérant les variables Genre, localité, classe, et l'Ethnie. Par école il été prévu deux tableaux de données d'enquête. Soit au total 16 tableaux confectionnés selon les données qui ont été disponibles. La synthèse de ces tableaux a permis d'obtenir les tableaux et graphiques ci-après :

 
 
 
 
 
 

Tableau 2 des Abandons par école

 
 
 
 
 

ECOLES

TYPE DE ZONE

ENSEMBLE

Chef lieu d'arrondissement

Autres localités

GARCON

FILLE

GARCON

FILLE

EF

Ab

TAb (%)

EF

Ab

TAb (%)

EF

Ab

TAb (%)

EF

Ab

TAb (%)

EF

Ab

TAb (%)

Bouro

 
 
 
 
 
 

65

1

1,54

33

9

27,27

98

10

10,20

Diadia

 
 
 
 
 
 

344

31

9,01

383

67

17,49

727

98

13,48

Fô-Bouré Centre

569

5

0,88

434

5

1,15

 
 
 
 
 
 

1 003

10

1,00

Sèkèrè-Centre A

554

20

3,61

621

35

5,64

 
 
 
 
 
 

1 175

55

4,68

Sèkèrè-Gando

465

9

1,94

279

47

16,85

 
 
 
 
 
 

744

56

7,53

Séko- Kparou

 
 
 
 
 
 

531

8

1,51

183

37

20,22

714

45

6,30

Sikki-Centre

699

25

3,58

683

68

9,96

 
 
 
 
 
 

1 382

93

6,73

Sikki-Gando

369

13

3,52

177

39

22,03

 
 
 
 
 
 

546

52

9,52

Sikki-Peulh

 
 
 
 
 
 

107

27

25,23

164

62

37,80

271

89

32,84

Sinendé Centre A

803

37

4,61

725

37

5,10

 
 
 
 
 
 

1 528

74

4,84

Sokka

 
 
 
 
 
 

482

12

2,49

254

27

10,63

736

39

5,30

Toumè

 
 
 
 
 
 

139

0

0,00

85

25

29,41

224

25

11,16

Wari

 
 
 
 
 
 

451

15

3,33

232

57

24,57

683

72

10,54

Total

3 459

109

3,15

2 919

231

7,91

2 119

94

4,44

1 334

284

21,29

9 831

718

7,30

Source : Enquête de terrain (mai-2005)

Légende: EF= Effectif ; Ab=Abandon ; Tab=Taux d'Abandon

Ce tableau 2 des abandons par école fait remarquer que le phénomène de l'abandon scolaire est plus prononcé chez les filles d'une façon générale. Le tableau permet d'avoir une moyenne de 14,6% pour les filles contre une moyenne de 3,80% chez les garçons et 7,30% pour l'ensemble des abandons. On note aussi que les abandons sont plus importants chez les filles des écoles en zone rurale (autres localités 21,29%) que celles des localités relativement urbaines (les chefs-lieux des arrondissements 7,91%).

Dans les écoles des chefs lieux des arrondissements le taux d'abandons des filles varie entre 1,15% et 22,03% avec un taux global de 7,91%. Dans les écoles des autres localités (rurales) ce taux varie entre 10,63% et 37,80% avec un total de 21,29%.

Le tableau suivant permet suivre l'évolution des abandons par classe.

Tableau 3 des abandons par classe.

CLASSE

TYPE DE ZONE

ENSEMBLE

Chef lieu d'arrondissement

Autres localités

GARCON

FILLE

GARCON

FILLE

EFF

Ab

TAb

EFF

Ab

TAb (%)

EFF

Ab

Tab

(%)

EFF

Ab

Tab

(%)

EFF

Ab

TAb (%)

CI

662

30

4,53

650

27

4,15

472

28

5,93

392

59

15,05

2 176

144

6,62

CP

579

23

3,97

551

29

5,26

419

29

6,92

321

48

14,95

1 870

129

6,90

CE1

568

15

2,64

565

36

6,37

402

11

2,74

269

49

18,22

1 804

111

6,15

CE2

631

15

2,38

557

40

7,18

303

16

5,28

199

58

29,15

1 690

129

7,63

CM1

558

11

1,97

374

52

13,90

294

6

2,04

106

53

50,00

1 332

122

9,16

CM2

461

15

3,25

222

47

21,17

229

4

1,75

47

17

36,17

959

83

8,65

Total

3 459

109

3,15

2 919

231

7,91

2 119

94

4,44

1 334

284

21,29

9 831

718

7,30

Source : Enquête de terrain (mai-2005)

Légende: EF= Effectif ; Ab=Abandon ; Tab=Taux d'Abandon

En considérant ces taux d'abandons par classe (Tableau 3), on constate à partir des graphiques correspondants, que les abandons s'accroissent de façon très sensible à partir de la classe de CE2. La courbe qui présente un pic au CM1, tend à se stabiliser voire s'abaisser légèrement en classe de CM2. Il est clairement observable sur l'histogramme1 que le phénomène atteint son sommet en classe de CM1 pour les filles des zones rurales.

Source : Enquête de terrain (mai-2005)

Légende: EF= Effectif ; Ab=Abandon ; Tab=Taux d'Abandon

Le tableau3 et les graphiques correspondants nous permettent d'observer clairement l'importance de l'abandon scolaire et le moment où ce phénomène est plus prononcé.

Le tableau suivant montre que le problème de déscolarisation des filles varie aussi d'une ethnie à une autre.

 
 
 
 
 
 

Tableau 4 des abandons par ethnie et par zone

 

ETHNIE

TYPE DE ZONE

ENSEMBLE

Chef lieu d'arrondissement

Autres localités

GARCON

FILLE

GARCON

FILLE

EFF

Ab

TAb (%)

EFF

Ab

TAb (%)

EFF

Ab

TAb (%)

EFF

Ab

TAb (%)

EFF

Ab

TAb (%)

Bariba

2 625

87

3,31

2463

145

5,89

2 012

67

3,33

1 170

222

18,97

8 270

521

6,30

Peulh

834

22

2,64

456

86

18,86

107

27

25,23

164

62

37,80

1 561

197

12,62

Total

3 459

109

3,15

2 919

231

7,91

2 119

94

4,44

1 334

284

21,29

9 831

718

7,30

Source : Enquête de terrain (mai-2005)

Légende: EF= Effectif ; Ab=Abandon ; Tab=Taux d'Abandon

En prenant en compte la variable ethnie représentée sur le tableau 4, nous constatons que dans n'importe quel cas de figure, le taux d'abandon est plus élevé chez les filles peulh. On note un taux global de 18,86% en zone urbaine et 37,80% en zone rurale, contre respectivement 5,89% et 18,97% chez les Bariba (voir Tableau 4).

L'histogramme 2 permet de bien ressortir ces écarts.

Source : Enquête de terrain (mai-2005) Légende: EF= Effectif ; Ab=Abandon ; Tab=Taux d'Abandon

2- COMMENTAIRE

Ces chiffres et graphiques dévoilent l'aspect genre de la déscolarisation et confirment le caractère géographique du phénomène. Il ressort que ces abandons sont plus importants chez les filles, particulièrement chez celles des localités rurales. Pour ces dernières, le taux d'abandon scolaire est élevé, avec une prépondérance dans certaines classes du cycle scolaire (CE2 et CM1). Rappelons que les filles qui parviennent en classe de CE2, de part leur âge (généralement entre 9 et10 voire 11ans) sont fortement sollicitées dans les activités de production des ménages (corvée d'eau, cuisine, travaux champêtres, entretien des petits enfants, vente de marchandises, etc.). Aussi, c'est surtout à cet âge qu'elles sont victimes des convoitises des garçons pour le "kuro kanabu" (demande de main). La communauté les perçoit déjà comme de futures épouses et les parents, en ce moment là, commencent à penser à leur vie conjugale. C'est ce qui explique l'accroissement de la déscolarisation des filles au CE2 et CM2.

D'une façon générale, la déscolarisation des filles avant la fin du cycle varie de façon croissante, non seulement d'un milieu urbain à un milieu rural, mais aussi d'une ethnie plus ouverte à la culture occidentale à une ethnie plus conservatrice des valeurs socioculturelles locales. Lors des enquêtes il a été relevé que l'école est perçue en milieu rural comme une innovation culturelle qui provient des centres urbains supposés être à un niveau plus élevé d'adoption de cette culture. Les bariba étant de très loin majoritaire dans les chefs lieux d'arrondissement par rapport aux peulhs, ils apparaissent alors mieux adaptés à cette culture. C'est ce qui explique les écarts observés plus haut sur plan ethnique.

Il faut aussi signaler que lors des différentes réunions de groupe, les communautés locales ne se sont jamais plaintes du phénomène de la déscolarisation des filles. Ce sont les partenaires au développement de ces localités (agents de projets, ONG, etc....) qui attirent leur attention sur le problème.  

L'identification et l'analyse quelques facteurs déterminants du phénomène permettront une meilleure compréhension de la déperdition scolaire des filles. Il s'agit des facteurs locaux inhérents au système de vie communautaire qui ont un impacte certains sur l'école en général et particulièrement sur l'évolution de la fille au primaire.

2-1- Les facteurs liés aux pesanteurs socioculturelles

2.1.1- Les représentations sociales :

MOSCOVICI (1963), cité par Aimé GNIMADI (Rapport 2001/Recherche-action sur la scolarisation des filles à Sinendé.) a défini la représentation sociale comme l'élaboration d'un objet social par une communauté avec l'objectif d'agir et de communiquer. De façon plus explicite, Elejabarrieta (1996) indique que « une représentation sociale est l'activité collective d'interprétation et de construction produisant une connaissance dont les contenus cognitifs, affectifs et symboliques jouent un rôle primordial dans la façon quotidienne de penser et d'agir des personnes constituant un groupe social ». C'est, la connaissance de sens commun. Pour être fonctionnelle et pratique, permettre une compréhension de la réalité et orienter les comportements quotidiens, la connaissance apportée par les représentations sociales doit être publique, circuler collectivement et s'inscrire dans le discours quotidien des personnes. Il sera évoqué ici, dans le cadre de la présente étude, deux types de représentations sociales à savoir :

2.1.1.1- Les représentations sociales sur le rôle et l'avenir des filles en milieu paysan.

Dans les milieux paysans baatonu, la fille, à l'image de ses consoeurs d'ailleurs, dès sa naissance est prédestinée à un certain nombre de rôles sociaux que lui assigne la communauté dans un esprit collectif de servitude à l'égard de l'homme, (le sexe masculin). Elle a donc le devoir non seulement d'assurer son rôle primordial et biologique de reproduction, mais aussi et en même temps d'assurer celui de production à travers les travaux champêtres, les activités ménagères telles que, la cuisine, l'entretien de la maison, des enfants (grands comme petits) et de son mari. Tout cela, dans le respect des moeurs et coutumes traditionnelles des `'baatombu''. Partout et dans toutes les familles le meilleur souhait qu'un paysan puisse formuler à sa fille, même si cette dernière est écolière, se résume généralement à cette phrase : « Que Dieu te donne un bon mari et t'exhorte à lui rester serviable et respectueuse avec beaucoup d'enfants ». Lorsqu'il s'agit d'un garçon élève on lui souhaite très souvent de devenir un haut cadre, un grand fonctionnaire qui peut à l'avenir défendre les intérêts du village. Dans tous les cas le paysan n'a jamais souhaité un modèle paysan à son garçon élève. On lui prévoit généralement un avenir radieux à l'école, contrairement aux filles pour qui l'espoir selon eux n'est souvent pas reluisant en raison de leur statut de future épouse et mère. Pour la majorité des personnes que ont été enquêtées, l'avenir pour les filles à l'école ne promet pas grand-chose et est perturbateur des normes sociales préétablies. Ainsi la répartition des réponses par rapport à ce point se présente comme suit :

Seulement 16 personnes soit 08% des 200 enquêtés à ce sujet prévoient un avenir de cadre supérieur pour les filles contre 154 personnes soit 77% en faveur des garçons pour la même question. Cette tendance est renversée lorsqu'il s'agit de la question liée aux avantages incertains de la scolarisation. A ce niveau 133 soit 66,5 % des personnes interrogées se sont prononcées pour une réussite incertaine des filles à l'école contre 2 personnes soit 1% pour les garçons.

S'agissant de l'avenir des filles liées aux fonctions des catégories moyennes (institutrice, agents d'encadrement du développement rural, sage-femme, animatrice de projet, etc.) exercées dans leur localité, 22personnes soit 11% se sont prononcées en faveur des filles contre 20personnes soit 10% pour les garçons.

2.1.1.2-Les représentations sociales des paysans sur l'école en milieu rural

La communauté paysanne `'baatonu'' reconnaît à l'école sa fonction éducatrice avec pour mission non seulement d'assurer l'émancipation et l'épanouissement de l'individu, mais aussi de garantir le développement de la localité. Selon les paysans, l'école est une institution qui éclaire les esprits, qui offre l'emploi et qui transforme l'être humain aussi bien physiquement que psychologiquement en changeant son comportement et sa mentalité originelle. Elle lui inculque des habitudes et pratiques du monde moderne. Cette perception de la communauté paysanne sur l'école est dans le même temps couplée de celle selon laquelle l'école contrarie le système d'éducation traditionnelle déjà en place. Cela signifie que l'école est source de rupture avec les origines et d'abandon ou de dénaturation des moeurs et coutumes traditionnelles.

Selon ces paysans, même si l'école a une mission sociale bienfaisante, elle participe à la perturbation d'un ordre social pré-existant et aussi, pour ce qui est de la situation actuelles du rapport éducation/emploi, au désoeuvrement des jeunes. Cette position des paysans indique que l'école ne tient pas compte des réalités socio-culturelles des apprenants.

2.1.2- L'influence de la religion sur la scolarisation des filles

Si certaines pratiques religieuses des chrétiens tels que le catéchisme et la lecture de la bible sont favorables à l'école formelle française, il n'en est pas de même pour celles de la religion musulmane pratiquée par la majorité de la population de Sinendé (58% selon l'Atlas Monographique des Communes du Bénin). Dans cette religion, tous les enseignements sont donnés en langue arabe et en langue locale dans des cadres restreints non formels. Dans ces écoles coraniques, la différenciation sociale de la fille et sa subordination au sexe masculin sont claires et rigoureuses. L'objectif visé pour les filles dans ces écoles à emploi du temps nocturne (entre 19h-30' et 21h-30'), c'est d'amener celles-ci à devenir de bonnes épouses, fidèles, serviables et dignes de leur religion. Etre une bonne épouse suppose, selon la déclaration de la plupart des 200 personnes enquêtées (83%), être sous le toit d'un mari dès l'âge de la puberté sans avoir commis un acte sexuel avant le mariage et rendre heureux son mari en lui restant fidèle, en lui donnant des enfants et en lui accordant une soumission totale.

2.1.3- Le phénomène du mariage forcé

Le phénomène du mariage forcé, bien que progressivement délaissé par les parents dans les chefs- lieux d'arrondissement, est toujours en vigueur dans les villages environnants et dans toutes les petites agglomérations. Le fait social qui le justifie est le mariage coutumier appelé `' Kuro kparu `' par les `'baatombu''. Le processus qui conduit au `'Kuro kparu'' comporte généralement quatre (04) étapes, à savoir : le "kuro damaru", le "kuro kanabu", le "dokiriru" et le "kuro kparu".

a- Le "kuro damaru" : Il consiste, pour les parents du futur mari, à identifier une fille qui répond à leur convenance (bien éduquée et de bonne famille) et à déléguer une tante pour aller vers les parents de la jeune fille afin de leur faire la cour. `'kuro damaru'' qui signifie faire la cour à une fille est adressé aux futurs beaux parents et dans la plupart des cas à l'insu des deux futurs conjoints. C'est l'une des tantes du futur mari accompagnée d'une ou deux autres femmes qui forment la délégation chargée d'aller faire cette avance en posant leur problème à une tante de la fille convoitée. Les courtisanes présentent à la tante de cette fille, une petite somme d'argent variant entre 500F et 2000F au plus. Après leur départ, leur hôte informe les autres parents en conseil de famille restreint. Elle rend compte ensuite à ses courtisanes de l'avis du conseil restreint de famille. Si l'avis est favorable, les courtisanes peuvent passer à la seconde étape du processus.

b- Le `'kuro kanabu'' : c'est la seconde étape qui consiste à toujours responsabiliser la délégation de la tante du jeune garçon pour aller officiellement demander la main de la jeune fille auprès de ses parents en passant par la même personne intermédiaire de l'étape précédente. A cet effet, la délégation des courtisanes présente aux futurs beaux parents au moins une quarantaine de noix de cola et une somme d'argent variant entre 2000F et 5000F au plus. Une fois ce présent accepté, il est distribué partout, même hors du village à toute personne ressource de la famille à titre d'information pour `'KURO KINRU'' qui signifie `'don de femme `'.

Signalons que c'est à l'issue de cette étape que si l'avis est favorable, qu'on informe les deux futurs conjoints qui peuvent ne pas être préalablement mis au courant des tractations. Leur avis est sans importance surtout celui de la fille dont l'âge est souvent bas (entre 10 et 18 ans) pour pouvoir susciter une quelconque objection à ce processus qui suivra son cours normal par l'étape suivante  (Le `'Dokiriru'').  C'est particulièrement au niveau du`'kuro kanabu''  que réside le caractère forcé de ce type de mariage.

c- Le `'Dokiriru'' : c'est l'étape capitale à laquelle le jeune garçon, aidé de sa famille ainsi que de ses amis, se montre correcte et inconditionnellement serviable envers ses beaux-parents. Il leur garantit son assistance en toute circonstance et leur offre ses faveurs à chaque occasion par des cadeaux en nature et en espèce. Signalons que ce devoir du jeune garçon envers ses beaux-parents, même s'il continue après le mariage, est plus prononcé pour la période d'avant mariage.

d- Le `'Kuro kparu'' : c'est le mariage coutumier proprement dit qui est amorcé par la présentation du trousseau de mariage aux beaux-parents. Ce trousseau qui tient lieu de dot et constitué d'objets de parures, de vivres et d'argent, est variable selon les moyens des demandeurs. Mais, avec toutefois une présence de façon invariable de certains constituants tels que : la cola, le sac de sel, l'argent, les pagnes etc.

C'est donc la rigueur sociale dans l'aboutissement de ce processus qui explique la nature forcée du mariage coutumier en milieu paysan baatonu. C'est un processus qui implique toute la communauté. Ce n'est souvent pas aisé à une petite fille de s'en dérober à un âge donné même si elle est scolarisée, surtout que bon nombre d'entre-elles ne sont souvent pas gardées par leurs parents géniteurs .

2.2- La division sexuelle du travail.

Comme nous l'avons dit plus haut, en dehors des heures de classe, l'emploi du temps de la fille dès l'âge de 6 ans est le même que celui d'une femme adulte qui la considère comme une aide dans toutes ses activités de production (assistance des nourrisses et gardes de bébés). En milieu Baatonu, une femme qui ne dispose pas en permanence à ses côtés de l'assistance et de l'aide d'une fillette ne tarde pas à négocier voire exiger l'adoption d'enfant auprès des autres parents surtout auprès de ses frères. Le rôle des filles dans le ménage est très capital aussi bien pour le père qu'elles aident dans les activités agricoles que pour la mère qu'elles aident à faire les travaux ménagers de toutes sortes et à rentabiliser les activités économiques de cette dernière.

Contrairement aux filles, les garçons eux, de retour des classes, ont le temps de s'amuser, de jouer avec leurs camarades ou réviser les leçons en attendant le repas familial et l'heure de retour pour les classes. Les garçons sont sollicités seulement les jours de repos pour aider les parents au champ.

2.3- LES FACTEURS ECONOMIQUES

La commune de Sinendé n'est pas en marge de ce phénomène national du manque d'enseignants qualifiés qui perdure depuis plus d'une décennie suite au gèle du recrutement dans la fonction publique. Les premières victimes de cette situation sont les écoles des contrées rurales. Dans ces localités, les acteurs locaux de l'éducation se battent non seulement pour avoir l'autorisation de création d'une école, mais aussi pour doter les écoles déjà existantes en enseignants qualifiés de la fonction publique. La commune compte 29 écoles dont deux (02) disposent chacune de 02 enseignants titulaires permanents et les 27 restantes, soit plus de 93% ne disposant chacune que d'un seul enseignant permanent émargeant au budget national . Autrement dit, en dehors du Directeur d'école, le reste de l'effectif des enseignants est composé de contractuels de l'Etat ou d'enseignants communautaires prêts à rompre le contrat à tout moment, dès qu'une meilleure situation s'offre à eux. La contribution des Associations des Parents d'Elèves (A.P.E) est déterminante dans le recrutement et la prise en charge des compléments d'effectifs d'enseignants. Ceci nécessite la mobilisation de fonds communautaires dont la collecte n'est très souvent pas aisée.

Les frais de scolarité.

La principale conséquence de cette déficience d'enseignants est l'instauration de diverses et fréquentes cotisations et souscriptions par les parents d'élèves. Or, le revenu financier de la quasi totalité de la population (99,44% selon le rapport-2005-2006 du CeRPA-Borgou/Alibori) est annuel et dépend de l'agriculture qui est une activité économique aléatoire. Signalons que de façon officielle, les filles sont épargnées de la contribution scolaire, mais elles ne sont pas pour les fréquentes cotisations et souscriptions oscillant entre 200 et 500 CFA et variant d'une école à une autre. Dans une même école, ces cotisations varient d'une classe à une autre selon la qualité intellectuelle de l'enseignant et aussi selon l'effectif des élèves inscrits dans la classe considérée. A ces souscriptions, il faut ajouter les frais d'inscription en début d'année, les fournitures scolaires et l'argent pour le repas de la récréation tenant lieu de petit déjeuner. A Sinendé le nombre moyen d'enfants par ménage est de sept (Recherche-action sur la scolarisation des filles à Sinendé Rapport technique n°2). Dans ces conditions, il est aisé de comprendre pourquoi cette charge financière est difficilement supportée par un ménage paysan.

Les acteurs communautaires de l'école attendent de voir à ce niveau, l'impacte de la gratuité de l'enseignement maternelle et primaire sur la motivation des parents à maintenir les filles à l'école. Car face aux réelles et persistantes difficultés matérielles et financières de ces écoles la contribution de tous les parents est impérativement sollicitée. Dans certaines localités de la zone d'étude (à Sékokparou et à Kossia par exemple), 13 sur 35 parents questionnés par rapport à la gratuité ont avoué que face aux problèmes urgents de leur école, ils prennent l'initiative de continuer à souscrire. « Nous faisons sans demander l'avis du directeur de l'école. Car les aides du gouvernement tardent à venir pendant que nos enfants sont en difficulté.»

La vie scolaire des filles dans cette communauté se trouve confrontée à ces principaux facteurs qui viennent d'être énumérés et qui selon toute analyse constituent les bases des fondements socioculturels de la déperdition scolaire des filles en milieu de vie communautaire.

3-APPROCHE ANALYTIQUE

La commune de Sinendé appartient à l'aire socioculturelle `'baatonu `'. C'est une société paysanne au sein de laquelle les comportements sociaux sont fortement influencés par les habitudes et pratiques traditionnelles. Cette situation inculque à la communauté des formes de pensées et d'actions collectives qui sont des références symboliques des comportements quotidiens. Pour être plus explicite on parlera de représentations sociales. De façon plus précise c'est « le savoir du sens commun, socialement élaboré et partagé, construit pour et par la pratique et qui concourt à la structuration de notre réalité. Connaissance du réel qu'elles contribuent à édifier, les représentations sociales sont donc produits et processus d'une élaboration tant psychologique que sociale. » (Gilles Ferréol/Dictionnaire de sociologie p-242). Cette définition permet de dire que les représentations sociales influencent l'éducation de membre de la communauté. Elles demeurent les supports cognitifs dans l'éducation traditionnelle des enfants en marge de l'éducation scolaire. Ce sont ces représentions qui déterminent les perceptions communautaires évoquées plus haut par rapport à la fille/femme et aussi par rapport à l'école.

La représentation sociale de la communauté sur la femme se fonde sur le faite que les collectivités paysannes sont des sociétés d'interconnaissance. La structure sociale de ces sociétés reste dominée par les relations de parenté. Dans ces types de relations, la fille/femme constitue un enjeu majeur de part son rôle social d'épouse. Ce rôle social de la femme est lié au principe de l'exogamie qui est réalisé par le biais du "kuro kparu" chez les baatombu. Le "kuro kparu" unit ou réconcilie des familles, des clans et des lignages. La communauté et aussi les parents, accordent beaucoup plus d'intérêt à cette fonction du "kuro kparu" et n'hésitent pas pour cela d'interrompre la scolarité de leur fille afin satisfaire ce besoins social.

Le `'Kouro-Kinrou'' (don de femme) est un fait social qui mobilise toute la communauté environnante en ressources humaine, financière et matérielle jusqu'à la célébration du mariage proprement dite. La famille donneuse reçoit en retour et à vie, par le biais de ce mariage les avantages honorifiques et matériels : respect total à tous les membres de la belle famille, serviabilité et solidarité inconditionnelles à cette famille, don d'objets et d'aliments divers à chaque cérémonie et à l'occasion de chaque fête pour la belle famille. Ces avantages du mariage confèrent à la fille / femme un rôle social qui la prédestine au ménage et à la procréation. Cette représentation sociale de la population sur la fille / femme ne tient pas compte des normes de l'éducation scolaire. Ainsi, les avances des prétendants et les premières négociations des parents commencent quand la fille a un âge compris entre 9 et 12 ans. C'est ce qui explique cette déperdition massive des filles à partir de la classe CE2. La communauté intervient à ce moment précis pour leur imposer leur futur rôle d'épouse mettant ainsi en évidence leur retrait du système scolaire.

Il est également important de rappeler que la population de Sinendé est majoritairement rurale. Et que l'agriculture est l'unique et principale source de revenu des habitants. La main d'oeuvre familiale est généralement le seul recours pour la réalisation des activités champêtres. Tous les enfants, filles comme garçons participent équitablement aux travaux champêtres. Mais, lorsqu'il s'agit des travaux ménagers, seules les filles sont concernées. Le mode traditionnel de division du travail surcharge les filles de multiples et importantes tâches dans les ménages. Elles peuvent supporter cette condition et tenir jusqu'en classe de C.E2. Mais à partir du C.M1 où les leçons deviennent plus nombreuses et relativement plus complexes, nécessitant de ce fait des exercices personnels, la fille se trouve accablée par les activités de production de biens et de services. Cette situation met en exergue l'influence et la prééminence de la culture traditionnelle sur la scolarité des filles. Les éducateurs des écoles coraniques dans ces localités ont bien compris ces principes des sociétés communautaires. Et c'est pour quoi ils programment leurs cours les soirs et très tôt les matins. Aussi ils encouragent la communauté dans l'entretien et le renforcement des représentations sociales et participent au processus des mariages. Ils sont ceux qui enseignent les vertus du mariage et de ses bienfaits au paradis pour les filles qui y accèdent à temps (dès la puberté) en respectant les comportements de bonne épouse. Ils favorisent de ce fait la déscolarisation des filles au profit de la vie conjugale.

En abordant cette analyse par rapport au système scolaire béninois, on retient qu'il est fondamentalement calqué sur la culture occidentale. Les diverses réformes pour l'adapter à nos réalités socio-culturelles n'ont jusque-là pas été concluantes. Au départ, on allait à l'école pour servir dans l'administration coloniale. Le recrutement était généralement forcé. Sauf cas exceptionnel, on n'offrait aux blancs rien que des garçons en situation d'adoption ou de servitude. On notait déjà une quasi absence des filles dans le système. Les rares filles scolarisées étaient issues de parents ayant déjà adopté à l'époque, la culture scolaire. Les enquêtes ont révélé que l'entrée des filles dans le système scolaire souffrait déjà d'un retard originel par rapport aux garçons. C'est ce qui explique l'absence de modèle de réussite scolaire pour les femmes en milieu rural. Ensuite, avec l'avènement de la crise des années quatre-vingt, le chômage, la recrudescence des violences scolaires et la délinquance juvénile ont réduit chez les parents les quelques élans à la scolarisation et au maintien des filles dans le système. A cela s'ajoute le coût actuel de la scolarité qui au départ était entièrement gratuite.

On retiendra d'une façon globale que la déperdition scolaire des filles dans la commune de Sinendé est dû à plusieurs facteurs qui trouvent leur fondement premier dans les traditions culturelles `'baatonu''. Cette situation se traduit dans la vie quotidienne à travers des comportements collectifs à l'égard des filles en apprentissage de la culture scolaire. Le phénomène de déperdition scolaire des fille nous situe donc dans la dynamique du changement socioculturel issu du brassage entre la culture `'baatonu'' et la culture scolaire française visant le développement des communautés. Or dans le contexte actuel du développement local décentralisé, toutes les compétences et ressources disponibles doivent être prises en compte. Car un développement n'est jamais sectoriel ni exclusif. Un vrai développement induit tous les domaines de la vie quotidienne avec la participation et un véritable épanouissement de toutes les couches et catégories socioprofessionnelles de la population qui en est la garante.

Aussi, le niveau de développement est très dépendant du niveau d'instruction globale des populations dans la gestion des ressources et des compétences locales. A ce niveau l'éducation scolaire joue un rôle de premier rang et par conséquent universellement indispensable.

Dans cette perspective, le faible niveau d'instruction des femmes ne peut que rendre difficile leur participation au processus de développement. Dans le domaine de la santé par exemple, il a été constaté que le niveau d'instruction de la mère influe sur le taux de la mortalité infantile. « On a ainsi constaté au Bénin, que le décès des enfants était plus fréquent chez les mères analphabètes, en milieu rural (autres facteurs : mères jeunes, faible poids à la naissance). » selon UNICEF: (Laetitia BAZZI-VEIL). Les enquêtes ont aussi révélé que les femmes analphabètes sont plus réticentes aux prescriptions des programmes de santé communautaire. Car elles restent attachées aux valeurs traditionnelles qui sont leurs seules références cognitives.

Sur plusieurs plans, les conséquences de cette logique sociale sont préjudiciables au développement local :

-Au plan social, le très faible niveau de scolarisation des filles précipite l'âge au premier mariage, réduit les probabilités pour une femme d'être dans une union monogamique. Cela entraîne une réduction de son pouvoir de négociation et de décision au sein de son ménage.

-Sur le plan économique, la gestion de leurs divers projets leur échappent parce qu'elles sont contraintes de solliciter l'assistance des hommes. Et cette assistance n'est jamais ni aisée ni désintéressée. Cette situation diminue considérablement leurs capacités à produire des richesses ainsi que leur nécessaire participation aux importantes prises de décision en faveur du développement de la localité.

Enfin, et eu égard à tout ce qui a été évoqué plus haut, il faut signaler que le non maintien de la scolarisation des filles réduit de façon globale leur potentialité de participation au développement local et affecte négativement leurs conditions de vie et / ou leur statut à cause de la non maîtrise et/ou la méconnaissance des outils actuels de développement. Alors que l'exigence de soutenir la participation des femmes au processus de développement a été reconnue par l'ensemble des gouvernements africains comme un objectif national de nature économique et social, une priorité dans la lutte contre la pauvreté et la dégradation de l'environnement. Elle est désormais considérée comme une exigence majeure pour faire face à la crise socio-économique que traverse le continent. C'est ainsi que "le Plan d'Action de Lagos de 1980, adopté par l'ensemble des Chefs d'Etats africains et le Programme Prioritaire pour le Redressement Economique de l'Afrique ont recommandé la pleine intégration des femmes dans les efforts de développement et la suppression des entraves limitant cette participation. Par la suite, la Déclaration de Khartoum, en 1988, a vivement préconisé qu'une attention particulière soit accordée aux questions de genre (féminin/masculin) dans la conception des programmes d'ajustement structurel."(OUA ? Addis-Ababa, 1980). Cela n'est possible que si l'on participe activement au rehaussement du niveau d'instruction des femmes qui présente actuellement un tableau alarmant.

IV- CONCLUSION

La présente étude consacrée à certains aspects de la vie communautaire en rapport avec la déscolarisation des filles dans la commune de Sinendé, s'est focalisée sur les perceptions du sens commun. Ces perceptions communautaires désignées sous le terme de représentations sociales, ont été présentées comme étant des clichés propres à chaque type d'environnement social. Particulièrement dans les milieux paysans, les représentations sociales qui sont des produits de la pensée collective, déterminent la nature des comportements humains face à une situation sociale donnée. Il a été ainsi mis en exergue à travers l'étude de ces représentations sociales, les comportements des communautés paysannes face au maintien des filles dans les écoles.

L'étude révèle que la déscolarisation des filles est un phénomène qui prend de l'ampleur dans les milieux paysans en zone rurale. Quelques facteurs sociaux basés sur les principes du mode de vie communautaire des sociétés paysannes `'baatonu'' ont fait l'objet d'une analyse approfondie. Cela a permit d'établir des liens entre ces facteurs sociaux et la déperdition scolaire des filles au primaire. Il ressort ainsi que le poids des traditions culturelles influe sur les comportements quotidiens des membres de la société et crée dans les mentalités des représentations sociales au nombre desquelles, ont été évoquées celles liées à l'éducation scolaire des filles.

En effet, le présent ouvrage relate comment les activités de survie des ménages priment sur la scolarisation des enfants et particulièrement celle des filles. Ces dernières sont perçues à partir d'un certain âge comme n'ayant plus leur place à l'école. Aussi, la communauté se représente cette école comme étant devenue chère, inadaptée aux réalités locales et ne répondant plus aux attentes classiques de pourvoyeuse d'emploi certain. Ainsi, les filles sont retirées de l'école avant la fin de leur cycle primaire pour servir dans les activités de production, de reproduction et communautaires.

Cette situation apparaît à notre avis comme un indicateur de marginalisation des femmes car elle contribue à réduire considérablement la participation de celles-ci dans le processus de développement local. Dans la mesure où leur bas niveau d'instruction les empêche de mieux apprécier et de s'approprier la gestion leurs affaires.

Or l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1977, fait remarquer qu' « un pays ne peut atteindre un développement intégral et total qu'avec la pleine participation des femmes, sur une base d'égalité avec les hommes » (Genre et Développement P-4). Comment pourrons-nous concrétiser cette pensée si les populations de nos zones rurales doivent continuer à penser qu'il suffit d'être né de sexe masculin pour être sûr de réussir dans la vie et d'être utile à sa société ? Pour éviter cette situation aux futures générations, il est nécessaire que la lutte soit orientée sur une vision consistant à faire de la génération d'aujourd'hui, victime du phénomène, une génération plus éclairée faite d'élites instruites, équitablement réparties du point de vu genre.

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36-/ UNICEF, le Progrès des Nations, New York, 1999.

1

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 2

DEFINITION DES SIGLE 6

DEDICACE 8

LES REMERCIEMENTS 9

CARTE DU DECOUPAGE TRRITORIAL DU BENIN 10

CARTE DE LA COMMUNE DE SINENDE 11

INTRODUCTION 12

1/ LE PROBLEME 15

2/ ETAT DE LA QUESTION 17

LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE 20

4-1 Objectif Global : 20

4-2 Objectifs Spécifiques 20

5- CLARIFICATION CONCEPTUELLE 20

6- REVUE LITTERAIRE 23

II- METHODOLOGIE 27

1- Le Cadre de l'étude........................................................................... 27

2- NATURE DE L'ETUDE 28

3- GROUPES CIBLES ET ECHANTILLONNAGE 29

5- DUREE DE LA RECHERCHE 30

6- DIFFICULTES RENCONTREES : 31

4- COLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES : 32

4-1/ Collecte des données 32

4-2/Approche analytique..................................................................... 33

III/ PRESENTATION DES RESULTATS................................... 39

1- Interprétation................................................ 39

Tableau 2 des Abandons par école 40

Tableau 3 des Abandons par classe et par..................................... 42

Histogramme1 des Abandons par classe et par sexe............... 43

Courbe des Abandons par classe et par sexe............................... 43

Histogramme2 des Abandons par ethnie, zone et sexe............45

2- Commentaire............................................................. 45

2-1 les facteurs liés aux pesenteurs socio-culturelles............47

2-1-1 Les représentations sociales.................................... 47

2-1-1-1 Les représentations socials sur le rôle et l'avenir des filles en milieu paysan......................................................... . 47

2-1-1-2 Les représentations sociales des paysans sur l'école......... 49

2-1-2 L'influence de la religion sur la scolarisation des filles...... . 50

2-1-3 Le phénomène du mariage forcé.................................... 51

a- le "kuro damaru"......................................................... 51

b- le "kuro kanabu".............................................................. 52

c- le "dokiriru"..................................................................... 52

d- le "kuro kparu".................................................................. 53

2-2-1 La division sexuelle du travail....................................... 53

2-3 LES FACTEURS ECONOMIQUES................................... 54

* Les frais de scolarité.................................................. 55

3-APPROCHE ANALYTIQUE 57

IV- CONCLUSION 64

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 67






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo