WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif.

( Télécharger le fichier original )
par Morgane LONGUEPEE
Sciences du langage, de là¢â‚¬â„¢information et de la communication de Limoges - Master 1 Sémiotique et Stratégies 2015
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES DÉPARTEMENT DES SCIENCES DU LANGAGE, DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

 

2015-2016

est etique du titre de fiction

érielle vers

un système

criptovisuel di

enre narratif

Mémoire de master 1 Sémiotique & Stratégies

sous la direction d'Isabelle Klock Fontanille

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

Morgane Longuepee.

Sous la direction d`Isabelle Klock Fontanille

Ce mémoire de recherches intitulé « L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif » entend dépeindre la pluralité et l`hétérogénéité des typographies à travers l'expérience cinématographique en tant qu'objet culturel et décrypter les aptitudes sémiotiques qu`elles formulent ; et ceci en tenant compte des genres cinématographiques, des scénarii exploités et des pratiques graphiques qui les influencent. Cette recherche d`ordre sémiotique s`est articulée autour de trois thématiques de production sérielle : « le genre historique », « le genre fantastique» et « le genre policier ». Nous offrirons une piste de réflexion sur l`apport de la forme du texte à l`écran. Nous nous intéresserons aux rôles et caractéristiques du flux textuel, ainsi qu`aux conditions culturelles et techniques de l`usage du texte à l`écran.

SOMMAIRE

Introduction 7

1. L'esthétique textuelle dans le genre cinématographique historique 13

1.1. Définition et délimitation du genre cinématographique historique 17

1.2. Analyse de corpus filmique historique 19

1.2.1 Le haut moyen âge illustré par la fiction sérielle Game of Thrones 20

1.2.2. Le moyen âge central illustré par la fiction sérielle Vikings 24

1.2.3. Le moyen âge illustré par la fiction sérielle Kaamelott 29

1.2.4. La renaissance illustrée par la fiction sérielle Reign 33

1.2.5. L'époque moderne illustrée par la fiction sérielle Versailles 38

1.3. Vers un système typographique propre aux fictions sérielles historiques 43

2. L'esthétique textuelle dans le genre cinématographique fantastique 46

2.1. Définition et délimitation du genre cinématographique fantastique 47

2.2. Analyse de corpus filmique fantastique 49

2.2.1. Le genre fantastique d'épouvante illustré par la fiction sérielle American Horror

Story 50

2.2.2. Le genre fantastique illustré par la fiction sérielle Salem 56

2.2.3. Le genre fantastique d'anticipation illustré par la fiction sérielle The 100 62

2.2.4. Le genre fantastique folklorique illustré par la fiction sérielle The Vampire Diaries 66

2.3. Vers un système typographique propre aux fictions sérielles fantastiques 71

3. L'esthétique textuelle dans le genre cinématographique policier 74

3.1. Définition et délimitation du genre cinématographique policier 75

3.2. Analyse de corpus filmique policier 76

3.2.1. Le genre policier à énigme illustré par la fiction sérielle The Mentalist 77

3.2.2. Le genre policier à énigme illustré par la fiction sérielle Bones 81

3.2.3. Le genre policier du polar illustré par la fiction sérielle Criminal Minds 85

3.2.4. Le genre policier du polar illustré par la fiction sérielle Dexter 89

3.2.5. Le genre policier du suspense illustré par la fiction sérielle How To Get Away With

Murder 93

3.3. Vers un système typographique propre aux séries télévisées policières 97

4. Conclusion 100

Bibliographie 102

7

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

INTRODUCTION

Afin de comprendre la nature de l`objet de ce mémoire, il convient tout d`abord d`identifier le rôle de l`écriture et ce faisant, d`admettre l`hypothèse que sa conception ne se résume pas seulement à une transposition de la parole.

En effet, il existe une conception étroite de l`écriture qui divise celle-ci en deux codes ; le code « discret » qui s`apparente à la langue « parlée » et le code « substitutif ». Pour le linguiste Eric Buyssens, la langue retranscrite à l`écrit résulte d`un code substitutif puisque « lorsqu`on lit... On substitue les sons de la parole aux caractères écrits, et c`est à partir de la parole qu`on passe à la signification »1. En outre, ce rôle substitutif serait en mesure de combler les lacunes qui incombent au langage oral ; soit son caractère volatil et son faible rayon d`action. Les auteurs de l`ouvrage Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité, Louis Hébert et Lucie Guillemette, affirment que la fonction substitutive du langage permettrait « aux productions linguistiques de se jouer des frontières : elle les rend permanentes (et Derrida fait de cette permanence un des traits définitoires de l`écriture) et transmissibles dans un vaste rayon d`action; elle permet de stocker et de faire circuler les informations, sans plus tenir compte des contraintes de temps et d`espace, ni des limites et des faiblesses de la mémoire »2. De fait, cette permanence évoquée par Derrida aurait été décuplée et renforcée notamment par l`imprimerie qui a permis une démultiplication de l`écrit. Les nouvelles technologies permettent la diffusion et le partage d`innombrable textes ; invalidant ainsi la prophétie de Marshall Mc Luhan et à celle des Cassandre qui avaient prédit sa disparition devant les techniques audiovisuelles, « l`écrit est plus présent que jamais dans nos cultures »3.

Ainsi, l`écriture aujourd`hui omniprésente, subirait toutefois les dommages d`une transposition de sa forme orale à sa forme scripturale. Lionel Orient Dutrieux dans son ouvrage Typographie et cinéma, déclare que ce préjudice serait atténué par la typographie qui se poserait comme une « tentative de restaurer potentiellement les particularités perdues »4 de l`écriture.

Notre conception sémiotique voit dans l'écriture et la typographie un moyen d'enrichir la signification. Francis Thibaudeau, en 1924 avait défini la typographie comme « l`art de reproduire les textes au moyen de types mobiles, de grouper ceux-ci et de les accompagner d`une ornementation appropriée à leur disposition et à leur usage. Par extension, on comprend sous le nom de Typographie la réunion de tous les arts qui concourent à l`Imprimerie »5. Par ailleurs, la

1 E. BUYSSENS, Les langages et le discours, Bruxelles, Office de publicité, 1943, p. 49.

2 L. HEBERT, L. GUILLEMETTE ; Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité, Canada, Presses de l'Université Laval, 2009, p. 18.

3 J. M. KLINKENBERG, « Le sens et sa description », Précis de sémiotique générale, Paris, Seuil, 1996, p. 92-100.

4 L. ORIENT DUTRIEUX, Typographie et cinéma, Gap, Atelier Perrousseaux éditeur, 2015, p. 35.

5 F. THIBAUDEAU, Manuel de typographie moderne, Paris, Bureau de l`Édition, 1924, p. 1.

8

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

typographie « fait référence au dessin et à la mise en forme des caractères »6, c`est un procédé d`impression qui utilise les éléments en relief ; mais c`est aussi l`art de composer et de mettre en page les textes.

Inspirée de la calligraphie, un art de l`écriture scripturale, l`influence de l`art typographique s`est étendue parallèlement à sa présence sur différents supports. Ces multiples définitions font apparaître une caractéristique essentielle de la typographie. En effet, celle-ci ne se limite pas à une mise en forme de caractères, mais s`étend à la mise en forme du texte sur tous supports confondus. Les auteurs Lewis et Walker en 1989 ; évoquent l`idée que la typographie aurait le pouvoir d`influer sur le sens du mot7. De fait, la typographie permettrait de faciliter l`interprétation du message véhiculé par celle-ci, en confirmant ou en infirmant son sens.

Si à l`origine, l`usage de la typographie était synonyme de pratique « impersonnelle et mécanique », servant uniquement le texte et ayant pour objectif premier d`optimiser la lisibilité en jouant son rôle fonctionnel ; à présent, la typographie en tant que vecteur de valeurs dispose d`un fort pouvoir connotatif. Nous tenterons de déterminer l`importance de la forme textuelle dans l`oeuvre cinématographique.

Présent du titre, passant par le générique jusqu`aux sous-titres, le texte vient compléter et ajuster la compréhension et la réception du message. En effet, le flux textuel fait partie intégrante des productions audiovisuelles ; l`image, le texte et le son sont interdépendants et interagissent en permanence à l`écran. Ces trois composantes constituent les fondements mêmes de l`art cinématographique. Par ailleurs, nous verrons que certaines productions filmiques ne prennent pas en compte les incommensurables possibilités de la typographie en termes d`image ; relayant son utilisation à une simple formalité d`usage. « Cet effet est accentué lorsque le texte est séparé de l`image. C`est le cas des génériques sur fond noir. Le texte se dissocie du flot audiovisuel et commente le film, sa diégèse, ou l`identifie. Le titre est alors supplétif à l`oeuvre filmique. Certains cinéastes considèrent même que le film se situe uniquement entre le générique de début et le générique de fin, faisant l`impasse sur l`expérience du spectateur - qui, lui, aura perçu l`ensemble de l`emballage cinématographique » 8 . Pourtant, dans notre culture l`écrit dispose d`un caractère solennel, il vient valider notre vision des choses et structurer notre pensée. Dutrieux illustre l`apport du texte dans la diégèse9, notamment avec son exemple du mandat d`arrêt régissant la vie de certains personnages. Cela démontre que « l`écrit est un moyen d`affirmation, de coercition, voire

6 J. LALIBERTE, Formes typographiques, SaintFoy, Les Presses de l`Université Laval, 2004, p. 27.

7 C. LEWIS, P.WALKER, Typographic Influences on Reading, British Journal of Psychology, 1989, p. 241-257.

8 L. ORIENT DUTRIEUX.L, Typographie et cinéma, Gap, Atelier Perrousseaux éditeur, 2015, p. 37.

9 Le terme diégèse est directement emprunté à Étienne Souriau par Gérard Genette qui lui donne un sens différent de celui que Platon et Aristote lui assignaient : ceux-ci opposaient mimésis et diégésis, couple « boiteux » pour Genette qui nie la pertinence de la notion d'imitation artistique. « La diégèse est l'univers spatio-temporel désigné par le récit » (Gérard Genette, Figures III). Dans la terminologie propre à la narratologie, il s'est avéré utile de distinguer le contenu du récit, l'histoire et l'acte par lequel le récit « se narre ». Véronique KLAUBER, « DIÉGÈSE, poétique », Encyclopædia Universalis, disponible sur http://www.universalis.fr/encyclopedie/diegese-poetique/ [consulté le 11.04.2016].

9

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

d`omnipotence. Il transcende l`homme, car il se situe à un niveau supérieur ou différent. Cette caractéristique influence considérablement notre perception de l`écrit au cinéma »10.

Nous nous intéresserons au rôle de la typographie et à la mise en forme du texte à l`écran. Je me propose d`envisager ici la sémiotique des rapports possibles entre le texte et l`image dans le titre de fiction sérielle, un art présent sur un marché hautement concurrentiel qui engendre un fort besoin d`appartenance de la part de ses usagers.

À travers une réflexion sur l`apport de la forme typographique à l`écran, nous aborderons les rôles et caractéristiques du flux textuel et graphique. Nous verrons également les connotations et symbolismes culturels exploités à partir de techniques et usages du texte à l`écran et déterminerons le contexte externe qui les influence.

Le premier objectif de cette recherche sémiotique à l`origine de ce mémoire sera de démontrer que les titres de séries télévisées spécifient certaines valeurs à travers leur typographie et leur jeu graphique, en admettant l`hypothèse que ces typographies permettraient d`appréhender le titre comme une identité visuelle soit un véritable logotype. Si tant est que cela soit avéré; le second sera de faire transparaître un système typographique composé de code scripturaire, et/ou iconique capable d`être apparenté à une typologie cinématographique.

La fiction sérielle est par définition, le fruit d`une oeuvre de fiction télévisuelle sectionnée en plusieurs parties, d`une durée généralement équivalente, nommée « épisodes ». « Elle fait l`objet d`une planification quant à son créneau (de positionnement et de concurrence) et quant à son pouvoir d`attraction (cotes d`écoute et revenus publicitaires). Comme la durée du récit est renouvelable (de saison en saison), la fin du récit demeure toujours temporaire et ouverte, c`est-à-dire que ses intrigues et ses personnages sont toujours extensibles (de saison en saison) ». Ce récit a recours à des intrigues premières et secondaires et se compose de personnages principaux et secondaires. C`est une fiction originale ou bien le fruit de l'adaptation d`une autre oeuvre existante, réalisée par des scénaristes employés par un télédiffuseur public ou privé, ou par une maison de production indépendante. « Le traitement réaliste de l`action ou des personnages peut créer une représentation vraisemblable de certains évènements ou personnes bien réelles, ce qui peut donner lieu, premièrement, à une identification de la part des usagers et, en deuxième lieu, faire l`objet d`appropriation de plus en plus manifeste (site, fanfiction -- une projection qu`exercent ces personnes réelles sur les personnages et les évènements --, fanart)11.

Comme nous l`avons évoqué précédemment, le flux textuel dans notre société est prépondérant. Si auparavant le texte évoquait une retranscription sémantique du langage oral, il est aujourd`hui

10 Idem 8

11 A. ALOUI, « Internet et la définition de la fiction télévisuelle sérielle », Communication, Vol. 27/2 | 2010, 31.07.2012, disponible sur http://communication.revues.org/3199 [consulté le 02.06.2016].

10

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

représentatif d`une expérience visuelle et sensible porteuse de nombreuses connotations. Dans l`art cinématographique, le caractère visuel du texte fait partie de ces fondements. Néanmoins, le texte, même perçu comme objet visuel, est porteur d`un discours émis par l`oeuvre. Désormais, les techniques graphiques permettent aux oeuvres cinématographiques, même lorsque le discours investit l`espace fictionnel, de fournir le signe visuel d`une forme de réflexion théorique de la diégèse.

En effet, l`identité visuelle va venir représenter l`interrogation des producteurs sur leur oeuvre mise en scène de façon visuelle, et non pas une réflexion sur le langage lui-même. Dans ce sens, l`art de la typographie dans l`espace fictionnel sériel s`inscrit dans la tradition des arts visuels. Par ailleurs, les stratégies communicationnelles de nos jours, privilégient l`interaction entre médias. D`innombrables textes et images sont ponctués d`éléments iconiques et textuels, dans les supports publicitaires, les génériques ou bien les logotypes. Cette omniprésence d`iconicité montre la difficulté à communiquer un message sans passer par des signes iconiques.

Le titre de fiction sérielle occupe une place toute particulière. En effet, celui-ci constitue une forme de communication ambiguë. L`identité visuelle dont usent les fictions sérielles ne dispose pas d`une intention communicationnelle explicitée. Le message est toujours indirect et son sens peut facilement échapper au destinataire. Le destinataire peut à tort ou à raison se considérer comme visé ou non par le message, qui peut être mal interprété.

La question du traitement du titre est centrale dans l`art cinématographique. En 1923, le critique et poète Robert Desnos déclare que « tout ce qui est projeté sur l`écran appartient au cinéma, les lettres comme les visages. Tous les moyens sont bons qui donne de bons films et c`est dans l`esprit plutôt que dans une technique accessoire qu`il convient de rechercher la pureté »12.

Le titre remplit différentes fonctions simultanées, correspondant à deux types de messages: le plan de l`expression et le plan du contenu. Dans le premier cas, il joue un rôle esthétique et remplit des fonctions, des objectifs et un rôle « métacommunicatif » 13. Dans l`autre cas, il est un objet sémiotique véhiculant un message qui peut être déchiffré par sa fonction métalinguistique. En règle générale, les deux types de messages coïncident dans la situation de communication originale, soit celle du positionnement de la fiction et de son genre cinématographique. Mais, il y existe d`autres situations de communication où ils ne coïncident pas. Les titres sont parfois mal travaillés ou connotent des valeurs éloignées du genre dont il est question. Peut-être, par simple erreur ou par objectif de provoquer un choc visuel et susciter l`interrogation.

Pour la cible, la valeur de la fiction peut s`évaluer à travers la situation de communication, à savoir la création artistique d`une oeuvre graphique reproduite sur une identité visuelle. D`après le type de

12 R. DESNOS, « Musique et sous-titres », Cinéma, Paris, Gallimard, 1966, p. 148.

13 Terme introduit par l'anthropologue, psychologue et épistémologue américain Gregory Bateson en 1935, selon lui la métacommunication est une communication qui se prend elle-même pour sujet.

11

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

message et d`après la valeur accordée au titre, celui-ci fait l`objet d`un acte de communication remplissant des objectifs cognitif, conatif ou affectif.

En termes d`objectif cognitif, le titre et la typographie vont se mettre au service du texte dans un but informatif. La communication sera symbolique, car le titre peut être choisi par l`émetteur en fonction de récepteurs particuliers. Certaines typographies évoquent un genre et sont destinées à une cible définie. À travers elles, se transmet un besoin de sécurité, de fait de l`approbation accordée par la forme textuelle. Il s`agit d`une démarche de raisonnement logique.

En matière d`objectif affectif, la typographie devra établir un contact d`ordre émotionnel dans un but plutôt esthétique. La communication d`ordre esthétique est indépendante de la valeur informative originelle. La valeur esthétique implique aussi une valeur économique ; celle-ci illustre la rareté de l`oeuvre, ainsi que de sa condition matérielle et ses moyens en termes d`effets spéciaux ; c`est une indication qualitative. On suscitera alors un besoin d`estime.

Lionnel Orient Dutrieux évoque le rôle connotatif dans l`univers cinématographique, selon lui, « le texte est aussi une image. Si l`écrit a apporté l`immortalité au discours oral, il lui a aussi ajouté nombre de connotations. La forme du texte, c`est-à-dire sa typographie, ancre l`écrit dans une histoire, une époque et dans un contexte culturelle et sociale. On parle de connotation lorsque la typographie véhicule un sens secondaire au sens premier du texte. La connotation dépend du contexte : un caractère aura un sens différent en fonction de son emplacement, de sa taille, de sa couleur et des autres caractères environnants »14. Ici, la communication tiendra de l`idéologique, le titre sera envisagé comme un instrument de transmission de normes et de valeurs sociales. On parlera alors d`un besoin d`appartenance. En effet, la fiction sérielle est un récit qui « se déroule au gré de son appropriation par le public usager et cette appropriation dépend de la qualité de l`adaptation de son écriture (scénario), de sa réalisation, de sa promotion, de sa programmation au média de diffusion et aux jeux de la concurrence inter et multimédia de la culture populaire locale (ou nationale), c`est-à-dire à son marché. La fiction sérielle demeure ouverte, car la fin du récit dépend du succès immédiat et tangible des mises en oeuvre des rapports d`identification et de projection entre les intrigues et les personnages et leurs publics usagers, de la qualité de l`écriture du scénario, mais aussi de la qualité de la réalisation, de la promotion et de la programmation, et de l`appréciation des échotiers (presse, émissions de variétés et opinion publique : lettres ouvertes, lignes ouvertes, clavardage et forums) »15.

Nous tenterons de mettre en évidence le fait que la typographie tend à s`imposer en véritable logotype, tandis que la série se hisse au rang de marque. Nous déterminerons à travers un corpus quels sont les codes textuels et iconiques utilisés dans les titres de séries télévisées ; afin

14 L. ORIENT DUTRIEUX, Typographie et cinéma, Gap, Atelier Perrousseaux éditeur, 2015, p. 65.

15 A. ALOUI, « Internet et la définition de la fiction télévisuelle sérielle », Communication, Vol. 27/2 | 2010, 31.07. 2012, disponible sur http://communication.revues.org/3199 [consulté le 02.06.2016].

12

L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif

d`être en mesure de démontrer que le genre cinématographique influence l`esthétique du texte. Ainsi, nous verrons en quoi les codes scriptovisuels interviennent-ils dans l`esthétique textuelle et enrichissent la signification du titre dans les fictions sérielles ?

Afin de répondre à cette problématique, nous élaborerons un corpus composé de titres de fictions sérielles appartenant au genre historique dans une première partie, au genre fantastique dans une deuxième partie et au genre policier dans une troisième partie.

Les genres historique, fantastique et policier seront définis dans leurs parties respectives. Quant à la méthodologie, chacune des fictions sérielles du corpus sera introduite par un synopsis. Puis, chacune des typographies sera analysée en fonction de trois invariants ; le plan de l`expression, le plan du contenu et le niveau fonctionnel.

Nous tirerons des conclusions à la suite de l'analyse du corpus afin de dégager un système scriptovisuel propre au genre narratif historique, fantastique et policier.

Enfin, nous conclurons ce mémoire de recherche dans le but de répondre à la problématique précédemment évoquée.

13

1. L`ESTHETIQUE TEXTUELLE DANS

LE GENRE CINEMATOGRAPHIQUE

HISTORIQUE

14

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique historique

Isolée de sa situation de communication, la typographie de fiction sérielle perd tout son sens et ne saurait être analysée de façon pertinente, « La question de l'identité visuelle... Qui est ici posée, et surtout celle des conditions sémiotiques de sa production...Un logo n'existe pas en soi, qu'il ne saurait s'analyser ni s'interpréter hors de l'univers sémantique qui lui donne sa valeur est sa signification »16.

En outre, les fonctions communicatives que peut remplir une identité visuelle sont assujetties par les différents types de signes qu`elle comporte. Toute identité visuelle où presque comprennent des signes indiciaires, iconiques et symboliques. Le statut sémiotique du titre de série est nébuleux et équivoque à cause de cette triple fonction référentielle en tant qu`indice, icône et symbole.

En tant qu`indice, le titre a pour fonction fondamentale d`identifier la série et de marquer la valeur nominale de la série. C`est là le rôle primitif et primordial de toute typographie, et particulièrement du titre de productions culturelles.La fonction indiciaire du titre de série est rehaussée par deux autres types de signes, iconiques et symboliques.

En tant qu`icône, le titre présente une image de la fiction comme un véritable logotype. Les titres de fictions sérielles comme nous allons le voir, présentent en outre une image supplémentaire. Celle-ci peut représenter un personnage, une période de l`histoire, une communauté, des armes, des symboles mystiques... Le rôle iconique est à l`origine un rôle secondaire, mais, au cours des années, il est devenu de plus en plus important. En tant que symbole, le titre ou identité visuelle présente en principe simultanément les trois types de signes pour éviter tout amalgame. Ces trois fonctions peuvent être plus ou moins présentes.

Le titre de série en tant qu`identité visuelle constitue ainsi un exemple parfait d`intermédialité entre le texte et l`image, parce qu`il offre l`exemple d`un genre iconotextuel complexe, répandu en très grand nombre à une échelle internationale.

Explorer les rapports entre textes et images, expriment certaines interrogations dans la pratique esthétique par des phénomènes d`intermédialité ; soit par la recherche d`une forme de transgression, ou d`une fusion entre les arts. Le concept est énoncé au début des années 1960 par l`artiste Fluxus Dick Higgins sous le terme d`« intermedia », littéralement, « entre les médias », et « se définissent par le mélange inédit des médias entre eux : les techniques intermédiaires impliquent une fusion conceptuelle de l`élément visuel avec le texte ; d`où la calligraphie abstraite, la poésie concrète, et la poésie visuelle »17.

16 J. M. FLOCH, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010, p. 78.

17 B. THIERS, « Penser l`image, voir le texte. L`intermédialité entre histoire de l`art et littérature », La Vie des idées, 29.06.2012. ISSN : 2105-3030, disponible sur : http://www.laviedesidees.fr/Penser-l-image-voir-le-texte.html [consulté le 01.06.2016].

15

L'esthetique textuelle dans le genre cinematographique historique

À travers notre corpus, nous distinguerons différentes formes de jeux typographiques comme l`idéogramme dans Vikings (l`agencement des lettres sur la page formant une image), le typogramme dans American Horror Story (jeu avec la typographie), le pictogramme dans The 100 (texte prenant la forme d`une image). L`intermédialité comme concept poétologique et théorie des médias s`oppose à des conceptions traditionnelles de média isolé. Le concept renvoie à une dynamique d`échanges et transferts de procédés et structures médiales. La définition retenue ici est celle du théoricien des médias Jürgen E. Müller. Elle comprend l`intermédialité non seulement comme une multimédialité - juxtaposition de média -, mais encore comme un procédé conceptuel dans lequel les relations entre médias sont interrogées et suscitent de nouvelles formes d`expériences médiales pour le récepteur. Il s`agit d`un mouvement de transferts de techniques entre les médias18.

Ce concept d`intermédialité vient corroborer l`idée d`une esthétique textuelle « genrée ». Jacques Fontanille explique que l`intermédialité est régie par le genre « c`est le genre qui définit la hiérarchie entre les médias assemblés, et qui permet de décider lequel accueille les autres ; c`est ainsi que le genre « représentation théâtrale » peut accueillir une projection vidéo ou cinématographique ; de même, le genre « peinture » peut accueillir des écritures »19. Il évoque également que la notion de style, sous-catégorie du genre, permet d`atteindre l`intermédialité « les types d`associations entre médias varient en continu depuis les combinaisons les plus figées (la musique et le dialogue théâtral dans le genre « opéra », ou la danse et la chanson dans le genre cinématographique « comédie musicale ») jusqu`aux plus inattendues, aux « collages » les plus incongrus (des excréments humains dans une « installation » artistique) »20. De ce fait, l`esthétique textuelle associée aux fictions sérielles sert également une forme d`intermédialité régie par le genre et les codes typographiques, exprimant un système de valeurs en corrélation ou non avec la trame narrative. « Tout comme le discours rapporté autorise la cohabitation de points de vue conflictuels et dialogiques, l`intermédialité peut donc aussi être utilisée pour des confrontations, des négociations et des collusions, toute une dialectique a inventé » 21 . Nous tenterons alors de déterminer quels codes graphiques sont prédisposés à servir tel ou tel genre de fictions sérielles.

Par ailleurs la diégèse, apparais comme le point de départ d`une création graphique et permets de fournir les critères distinctifs de l`intermédialité. « En effet, ce qui distingue celle-ci de toutes les autres formes d`insertion (l`intertextualité, par exemple), c`est la présence du support, solidaire du texte visuel inséré, à l`intérieur du médium d`accueil ; les deux réunis, objet-support et texte visuel, constituent en effet le niveau de pertinence qui permet de définir et distinguer les médias entre eux »22. En effet, l`identité visuelle « se conçoit ou s'apprécie selon les deux axes du

18 Ibidem

19 J. FONTANILLE, Intermédialité : l'affiche dans l'annonce-presse, Université de Limoges, Institut Universitaire de France, disponible sur http://www.unilim.fr/pages perso/jacques.fontanille/articles pdf/visuel/Intermediaannonceaffiche.pdf [consulté le 01.06.2016].

20 Ibidem

21 Ibidem

22 Ibidem

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique historique

"système" entre (l'axe paradigmatique) et du "procès" (l`axe syntagmatique) »23. L`identité visuelle constitue un ensemble de code, scripturaire et/ou iconique ; répondant à un schéma actanciel qui comportera un destinateur (émetteur) ; un objet (objectif) ; un destinataire (récepteur) ainsi qu'un adjuvant (aidant) et un opposant (adversaire).Quant au niveau fonctionnel, celui-ci sera primordial, il constituera la viabilité sémiotique de l`ensemble graphique.

Nous pourrons ainsi observer cette intermédialité entre les caractéristiques du flux textuel et celle de la diégèse. Pour ce qui est du flux textuel, plusieurs techniques graphiques participent à la création d`un plan de l`expression et à un plan du contenu qui pourront indiquer le contenu de la diégèse. En cela, que la typographie et l`ensemble des codes scriptovisuels qui peuvent l`accompagner vont servir une stratégie de marque, qui viendra illustrer le positionnement de la fiction. Dans son ouvrage intitulé classification des caractères Jean Claude Siegrist, dit que « La lettre sert non seulement à la lecture, mais provoque chez le lecteur des réactions rythmiques ; elle exprime une idée, contribue à créer l`ambiance, donne les nuances »24.

En effet, le traitement typographique permet de faire transparaître le positionnement de l`oeuvre en tant que marque. Ainsi, le positionnement va inclure une image mentale dans l`esprit de la cible qui verra la série comme un produit, une marque. Ce positionnement affirme l`identité de la série, en marketing on peut identifier celui-ci à travers la base line ; mais à l`écran celui-ci est plus subtilement illustré. Le positionnement va permettre une stratégie de différenciation. Le positionnement de la série perçu à travers son identité visuelle pourra être « objectif », c`est-à-dire baser sur des caractéristiques rationnelles et vérifiables associées à la fiction. Il pourra être « psychologique », la typographie et ses choix graphiques seront davantage suggestifs qu`informatifs. Enfin, le positionnement pourra être « symbolique », et suscitera un besoin d`appartenance à travers la fiction. On parlera d`un phénomène d`auto expression, afin que celui-ci réponde au besoin d`affiliation ou de différenciation sociale de la cible. Une fois le type de positionnement défini, celui-ci devra être attractif, crédible, durable et distinctif.

16

23 J. M..FLOCH, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010, p. 43.

24 J. C.SIEGRIST, Classification des caractères, Eracom, 2008, p. 33.

17

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique historique

1.1. DEFINITION ET DELIMITATION DU GENRE CINEMATOGRAPHIQUE HISTORIQUE

Les séries télévisées, en tant que forme narrative longue, permettent de raconter des évènements passés dans leur durée. Ces fictions traduisent les besoins d'une nation donnée de revisiter son histoire, et souvent un plan particulier de cette histoire, pour y chercher ou lui donner un sens bien précis, en rapport avec l'époque contemporaine. Dans la production de fiction ancrée dans l'histoire, il est des sujets de prédilection. Certaines périodes, personnages ou évènements représentent des sources d'inspiration très riches pour les scénaristes. En fonction de l`origine du pays, la trame narrative jouera en faveur d`une période héroïque de celui-ci.

Le western illustre parfaitement ce phénomène ; en effet, la conquête de l`Ouest fut revisitée à outrance par les Américains jusqu`en 1970. Effectivement, pour les Américains, le western représente leur passé, mais aussi leur idéal de conquête. Dans le cadre de l'Amérique des pionniers, entre 1860 et 1890, il raconte la quête d'un individu ou d'une communauté. Dans la culture américaine, le western joue le même rôle que le roman d'apprentissage du XIXe siècle dans la culture européenne.

Il en est de même pour les Britanniques qui ont pris pour habitude de narrer l`époque victorienne à l`apogée de sa puissance et de son rayonnement culturel.

En revanche, redonner vie au Moyen Âge et ressusciter les châteaux et aristocrates du XVIIIe siècle est quant à lui, un art réservé aux Français.

Ce qui motive principalement l'intérêt d'un créateur de série pour une période donnée, c'est la question que lui pose cette époque et ce sont les réponses qu`il cherche comme l'a dit Tom Fontana à propos de Borgia25, sa dernière création et première fiction historique26.

La chaine câblée HBO a joué un rôle important dans ce tournant artistique en faisant de la fiction historique sa marque de fabrique. Si auparavant les scénaristes revisitaient le passé pour célébrer la grandeur nationale par une vision angéliste des évènements, le XXIe siècle change la donne. Insistant sur des scénarii violents et des décors plus sombre pour souligner la brutalité, les rapports de force et les inégalités de l`époque. « Comme tous les autres genres de fiction télévisée, les séries historiques sont donc avant tout le reflet de l'époque qui les produit, de ses interrogations ou de ses certitudes, bien plus que celles qu'elles sont supposées reconstituer. Le « décrochement temporel » pour les séries fantastiques n'est en fait qu'un moyen de dépayser le spectateur, d'obtenir son adhésion et son engouement pour l'histoire qu`on lui raconte, et pour lui délivrer sans heurt un

25 Série télévisée dramatico-historique reprenant les aventures de la célèbre famille Borgia.

26 P. LANGLAIS, Tom Fontana, «Avec Borgia?, j'ai compris que chaque culture voit les séries différemment», 15.09.2014, disponible sur http://www.telerama.fr/series-tv/tom-fontana-avec-borgia-j-ai-compris-que-chaque-culture-voit-les-series-differemment,116672.php [consulté le 22.02.2016].

18

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique historique

message souvent bien plus politiquement orienté et bien plus critique que beaucoup de fiction située à l'époque contemporaine »27.

Toute production filmique possède son identité propre, son genre, son titre et sa typographie. Ces éléments vont constituer le positionnement de l`oeuvre. Par conséquent, certains critères axiologiques et historiques vont orienter le choix de la police de caractères. Dans un objectif cognitif, la série télévisée sera en mesure de partager l`histoire et le cadre d`une époque en commençant par son identité visuelle, soit sa typographie. En effet, la typographie a toujours été ancrée dans l`histoire, dans la culture d`une époque donnée. L`écriture a évolué au rythme des années, elle est par conséquent caractéristique d`une période donnée et des tendances qui la façonnaient à l`époque.

En 1954, Maximilien Vox a permis de classifier les typologies de caractères, et de les regrouper en classifications historiques. « Chacune de ces familles correspond à la fois à un style graphique, à un moment de l`histoire, à un fait intellectuel »28.

Le passé est composé de différents épisodes qui ont forgé notre histoire et qui, en fonction de l`époque, disposent d`une typographie représentative. Les typographies illustrant une production filmique ancrée dans l`histoire puisent parfois leurs inspirations dans les ouvrages datant de l`époque en question.

Ainsi, il est des codes typographiques qui sont déjà rattachés dans notre inconscient collectif à une époque donnée. « Chaque famille de caractères selon la classification de Lure [la classification Vox fut proposée lors de la retraite graphique internationale de Lure en Haute Provence] possède son passé, son présent, son avenir »29.

Certaines familles de caractères sont même célèbres pour leurs connotations culturelles comme la police Papyrus en référence à l`Égypte ancienne.

Les séries télévisées vont parfois respecter ces codes typographiques rattachés à l`époque ou, au contraire, casser les codes esthétiques dans une dynamique de diversification et de modernité. Et c`est ce que nous allons analyser à travers une analyse de corpus filmique historique.

27 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Ellipses, Paris, 2011, p. 459.

28 Typographie et Civilisation, « Classification Vox », 2006, disponible sur http://caracteres.typographie.org/classification/vox.html, [consulté le 15.02.2016].

29 Ibidem

19

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique historique

1.2. ANALYSE DE CORPUS FILMIQUE HISTORIQUE

Parmi toutes les séries historiques, celles consacrées au Moyen Âge retiennent l`attention par le mélange qu`elles proposent. Elles allient aspects légendaires et une forte connotation religieuse en insistant sur l`influence réelle de l`église à cette époque.

20

1.2.1 LE HAUT MOYEN ÂGE

ILLUSTRÉ PAR LA FICTION

SÉRIELLE GAME OF THRONES

21

22

Le haut moyen âge illustré par la fiction sérielle Game of Thrones

Le récit s`apparente à un sous-genre de « dark fantasy », il retrace la quête d`un héros ou d`un groupe en la situant dans un monde imaginaire dans lequel les distinctions entre le bien et le mal s'effacent au profit d'histoires au ton plus réaliste et dur, parfois violent. Laissant généralement une grande part aux manipulations et intrigues politiques, la dark fantasy entame également une réflexion sur les côtés les plus sombres de l'être humain. Installée dans des territoires fictifs, l`histoire fait penser à la période du haut Moyen Âge en Europe et adopte de nombreux codes propres à la fiction historique. En effet, « Game of Thrones, qui a par moments des accents shakespeariens, parle de ce jeu qu`engendre le pouvoir, sa conquête, sa conservation, les convoitises qu`il nourrit en tous et en chacun, la folie qu`il peut inspirer et les vengeances qu`il alimente »30. Adaptée de la saga littéraire A song of ice and fire de George R.R Martin, Game of Thrones est une série télévisée, produite par la chaine HBO. À une époque oubliée, une force a détruit l'équilibre des saisons. Dans un pays où l'été peut durer plusieurs années et l'hiver toute une vie, des forces sinistres et surnaturelles se pressent aux portes du royaume des sept couronnes. La confrérie de la garde de nuit, protégeant le royaume de toutes créatures pouvant provenir d'au-delà du mur protecteur, n'a plus les ressources nécessaires pour assurer la sécurité de tous. Après un été de dix années, un hiver rigoureux s'abat sur le royaume avec la promesse d'un avenir des plus sombres. Pendant ce temps, complots et rivalités se jouent sur le continent pour s'emparer du trône de fer, le symbole du pouvoir absolu.

Plan de l'expression

Game of Thrones utilise la typographie Trajan, créée en 1989 par la typographe Carol Twombly, celle-ci s`est inspirée de la célèbre colonne Trajane érigée au coeur de Rome en 106 après Jésus-Christ. Une monumentale bande dessinée de 38 mètres de haut, un triomphal outil de propagande en marbre à la gloire de la victoire de l`empereur Trajan. Cette typographie fait référence aux capitales monumentales et tient la promesse d`un véritable frisson. Trajan appartient aux incises, qui regroupent les polices évoquant la gravure des caractères dans la pierre ou le métal. Elle dispose d`empattements petits et triangulaires.

Plan du contenu

Afin de personnifier Game of Thrones, Le Trajan s`est vu quelque peu modifié. Les caractères ayant subi une modification par rapport à la typographie originelle sont le « T » et le « O ». Ce

30 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Ellipses, Paris, 2011, p. 505.

23

Le haut moyen âge illustré par la fiction sérielle Game of Thrones

dernier est rempli de trois barres verticales. Ces barres feraient symboliquement référence aux épées valériennes qui emplissent le mysticisme de la série.

L`acier valyrien serait forgé avec l`aide de magie et de souffle de dragon, dans une tradition forgeronne ancienne issue de l`antique Valyria. Cet art oublié donnerait aux armes des qualités exceptionnelles. Combinant légèreté, solidité et tranchant les lames valyriennes seraient des armes sans égales. On reconnaît ces épées par leur apparence caractéristique : un aspect généralement fumé, d`un gris sombre tirant sur le noir, avec des striures et la présence de couches sombres et moirées. Par ailleurs, la prolongation de la barre latérale du « T » renforce cette analogie avec les épées. Ce « T » triomphal met la cible dans « l`expectative ».

Niveau fonctionnel

Trajan est la police de caractères des blockbusters américains, de Titanic en passant par Entretien avec un vampire jusqu`au Seigneur des anneaux. Le cinéma commercial américain surfe sur les connotations épiques rattachées à la police de caractères.

Le Trajan s`est alors imposé comme la typographie « grand spectacle ». Une fiction dont le titre porte cette police permet au spectateur de s`attendre à de l`action, de grands moyens et des effets spéciaux.

L`enjeu de cette typographie est complètement pragmatique. Guidé par un enjeu pragmatique, l`utilisation répétitive de la police dans les fictions de grands frissons, pose le Trajan comme un choix pertinent et un gage d`efficacité. « La symbolique qu`il impose est forte, solennelle, dramatique même »31. La police Trajan connote une certaine élégance, car cette famille de caractères incarne un sentiment d`intemporalité et de classicisme, cependant elle ne permet pas d`apporter une forme de distinction flagrante. En effet, cette police est tellement célèbre qu`elle a été mise à disposition du plus grand nombre via les logiciels de mise en page.

L`usage abusif de ce caractère pourrait traduire un manque d`originalité. Mais, pour le professeur David Lewis, « les consommateurs ont une préférence pour les produits familiers ; en utilisant une fonte commune, les producteurs tenteraient donc de ne pas froisser le public. C`est peut-être aussi parce que de nombreux longs métrages utilisent un mélange des genres et rechignent à être catégorisés »32.

31 D. RAULT, Guide pratique de choix typographique, Paris, Perousseaux, 2008, p. 164-166.

32 D. LEWIS, The Brain Sell, Nicholas Brealey Publishing, Londres, 2013, p. 22.

24

1.2.2. LE MOYEN ÂGE CENTRAL

ILLUSTRÉ PAR LA FICTION

SÉRIELLE VIKINGS

25

26

Le moyen âge central illustré par la fiction sérielle Vikings

Scandinavie, à la fin du VIIIe siècle. Ragnar Lodbrok, un jeune guerrier viking, est avide d'aventures et de nouvelles conquêtes. Lassé des pillages sur les terres de l'Est, il se met en tête d'explorer l'Ouest par la mer. Malgré la réprobation de son chef, il se fie aux signes et à la volonté des dieux, en construisant une nouvelle génération de vaisseaux, plus légers et plus rapides. La série Vikings est basée sur le personnage de Ragnar Lodbrok, ayant réellement existé, et qui, de paysan, est devenu un explorateur, un marin qui voulait découvrir les richesses que le monde (au-delà de celui qu'il connaissait) avait à lui offrir.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie adopte un style épuré. En effet, les linéales selon la classification Vox ou « Antiques » selon la classification Thibaudeau regroupent les typographies aux formes plutôt mécaniques et modulaires. La typographie de Viking sans empattement arbore des largeurs uniformes et une silhouette écrasée. Par ailleurs, certains caractères sont traités comme des ascendantes et comportent une finition en forme de biais. Nous sommes donc en présence d`une police sans empattement et non grasse. Cela signifie que le dessin des lettres est peu contrasté reflétant une forme d`opposition avec le « V » présent et assez chargé. C`est aussi pour rajouter une forme de caractère à la police que les trois stries ont été ajoutées sur les lettres. Par ailleurs, les caractères sont indépendants les uns des autres, ils possèdent chacun leurs propres espaces qui leur confèrent des propriétés modulaires.

Plan du contenu

L`analyse typographique démontre que sur le plan du contenu se pose une idée de contraste entre un style typographique épuré et l`élément iconique chargé de symboles. On est dans une sorte d`expérimentation conforme au générique qui confronte des images et des sensations comme le froid des abysses versus la terre qui s'embrase, le silence face au chaos, la tranquillité des profondeurs par opposition aux vagues qui s'écrasent contre les rochers.

La police dispose d`un aspect modulaire à caractère monochasse. La stylisation amenée par la modularité repose sur la clarté, la lisibilité et l`impact visuel. La lettre doit revêtir une forme internationale, universelle et se libérer des connotations culturelles restrictives.

Cependant, l`élément iconique prédomine. La lecture du titre ne peut se faire de manière traditionnelle, de gauche à droite. En fait, on lit ce titre comme un logo, comme un idéogramme, dans sa globalité. Le « V » au centre du titre pose tout de même un problème de lecture d`autant plus qu`il est teinté de rouge, une colorie qui permet de le relayer au premier plan.

27

Le moyen âge central illustré par la fiction sérielle Vikings

La typographie de Vikings, malgré une forme d`empattements en biais peu traditionnelle, possède des similitudes avec les linéales dans son univers connotatif. En effet, les linéales ont été liées à la nouveauté, mais également à la conquête et à la mondialisation ; des valeurs elles aussi véhiculées par la fiction.

Le « V » s`impose au centre du titre « Viking » reprenant donc la première lettre du mot, mais on peut penser à une référence au « V » de Victoire. Le « V » de Viking raconte l`histoire de ce peuple. En effet, « la "tranche" droite évoque la guerre, le sang et l'aspect émoussé de la lame renforcent cette analogie. Le côté gauche, plus détaillé, représente la famille et le quotidien, de la construction des bateaux à la fraternité qui unit ce peuple, pour finir, tout en bas, par le symbole de la vie à la ferme et les récoltes qui rythment les saisons ». 33 Jean Marie Floch avait traité l`identité visuelle comme un ensemble de signes qui « forme une série de catégories sémantiques qui reste complémentaire ».34 Vikings illustre ces catégories sémantiques dans son générique de présentation comme étant ; terre versus mer, force versus faiblesse, construction versus démolition, vie versus mort et fraternité versus trahison.

TRIBUS ET VIE EN COMMUNAUTÉ

VIOLENCE ET CONFLITS

Technologie et construction navale

Fraternité

Marque de conflit

Croissance et vie

En matière de choix chromatiques, on retrouve sur la police et sur le « V » une texture effet métal, gris acier représentant les armes. La tache de sang (rouge) fait référence au conflit, à la lutte, une conquête du Nouveau Monde. Par ailleurs, Michel Pastoureau évoque cette notion de lutte de pouvoir à travers la symbolique de la couleur rouge qui selon lui est « associée à la mise en scène du pouvoir et du sacré, celle du sang et du feu, celle de la vie et de la vigueur, celle de l`autorité et de la

33 King and Country Creates Bold and Iconic Logo for History Channel`s Epic Vikings? Series, 20.03.2013, disponible sur http://adland.tv/adnews/king-and-country-creates-bold-and-iconic-logo-history-channel-s-epic-vikings-series/136373966 ,[consulté le 02.01.2016].

34 J. M. FLOCH, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010, p. 97.

Le moyen âge central illustré par la fiction sérielle Vikings

28

beauté. C`est une couleur ambivalente : à l`époque romaine, le rouge, qui est à la fois la couleur de la guerre et celle de l`empire, participe à toutes les victoires et solennités »35.

Niveau fonctionnel

La stratégie des graphistes est de mettre en avant le caractère victorieux des Vikings. Les Vikings étaient un de ces peuples profondément liés aux éléments de la nature : la mer, forcément, mais aussi le vent, le feu, les tempêtes, la glace et la terre. On peut alors évoquer la notion de « métadiscours »36 dont parlait Jean Marie Floch. Un mysticisme omniprésent, les batailles, la violence et ces eaux glacées qui parfois rappelaient à elles les guerriers tombés au combat. On part dans l`exploration mythologique de ce peuple.

`enjeu de ce choix typographique est clairement axiologique, car il se sert volontairement de tous s éléments qui font vivre encore de nos jours la légende des Vikings, ces images que nous avons ous en nous, ces légendes nordiques, logées dans l'inconscient collectif. La typographie en est émoin puisque celle-ci est très étudiée notamment dans les droites horizontales et verticales. On econnaît notamment des formes celtiques ainsi que des symboles nordiques forts de sens sur le

V ». Le Jormungand qui « dans la mythologie nordique, Jormungand, également connu sous le om de serpent de Midgard, ou serpent du Monde, est un serpent de mer, et le cadet de la géante Angrboda et du dieu Loki. Selon l'Edda en Prose, Odin prit les trois enfants de Loki, Fenrisulfr, Hel et Jormungandr, et jeta Jormungandr dans le grand océan qui encercle Midgard. Le serpent evint si grand qu'il fut capable d'entourer la Terre et de saisir sa propre queue. Quand il la lâchera, e sera la fin du monde »37. Il y a donc une analogie par rapport à l`histoire Ragnar Lodbrok qui est n quête de dépassement de soi et de besoin de réalisation38. Quant au Gungnir, « Dans la mythologie nordique, Gungnir est la lance magique d'Odin ; elle atteint toujours son but »39. Il faut bien reconnaître ici une forme d`absence de neutralité de la figurativité, celle-ci avait été démontrée par Greimas dans la création d`identités visuelles « la dimension figurative et celle où s'actualise, dans la production dans la saisie du sens, les significations secondes : les connotations »40. La typographie s`imprègne pleinement des symboles mythologiques nordiques et ancre la série dès la lecture du titre dans l`atmosphère de l`époque. Comme l`avait souligné Jean Marie Floch, « La figurativité d'un logo dote celui-ci d'une certaine épaisseur culturelle aux yeux de tel ou tel public ou de telle ou telle cible, et rend plus efficace son message dénotatif »41.

35 M. PASTOUREAU, Dictionnaire des couleurs de notre temps, Paris, Bonneton, 1999, p. 189-193.

36 J. M. FLOCH, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010, p. 92.

37 Ancient-Symbol, 2014, disponible sur http://www.ancient-symbols.com/french/norsesymbols.html [consulté le 14.03.2016].

38 Voir A. MASLOW, L?accomplissement de soi, Paris, Eyrolles, 2004.

39 Ibidem 38

40 J. M. FLOCH, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010, p. 70.

41 Idem, p. 71.

29

1.2.3. LE MOYEN ÂGE ILLUSTRÉ

PAR LA FICTION SÉRIELLE

KAAMELOTT

30

31

Le moyen âge illustré par la fiction sérielle Kaamelott

« Les séries traitant du Moyen Âge s`articulent souvent autour de la légende arthurienne avec une fidélité plus ou moins grande aux écrits parcellaires qui la fondent. La version la plus libre à ce jour est celle de la série télévisée française Kaamelott »42. Avec une thématique humoristique et dramatique d'historique fantaisie, la fiction s`inspire donc de la légende arthurienne tout en apportant une vision décalée de celle-ci. Deuxième moitié du Ve siècle, île de Bretagne, alors que l`Empire romain s`effondre et que le christianisme s`impose peu à peu face aux dieux païens, le royaume de Kaamelott s`organise autour de son souverain. Le roi Arthur ; entouré de ses fidèles chevaliers, peine à être à la hauteur de la tâche que les dieux lui ont confiée : rechercher le Saint Graal. Accablé de chevaliers de la Table ronde passablement incompétents, confrontés à la chute de l`Empire romain et aux incessantes incursions barbares, il doit pourtant trouver le calice tant convoité. Une quête qui s`annonce plus que difficile, un combat de tous les jours où le roi légendaire va connaître bien des déboires.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, les caractères de la typographie de Kaamelott présentent une police à empattements épais et rectangulaires caractérisée par un faible contraste entre pleins et déliés ; renforcée par un choix chromatique mettant en scène des lettres de feu offrant alors des reliefs quasiment animés.

Cette typographie présente des similitudes avec la police Papyrus. Créée par l'Américain Chris Costello en 1983. Le Papyrus est une police de caractères calligraphique romaine avec des allures humanes, des bords bruts, et des courbes irrégulières. Papyrus est une typographie qui évoque l`aspect rustique et intemporel des siècles passés.

Par ailleurs, Kaamelott présente des similitudes avec la police Folkard également, pour son aspect plus fantaisiste.

Plan du contenu

42 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Ellipses, Paris, 2011, p. 499.

32

Le moyen âge illustré par la fiction sérielle Kaamelott

Sur le plan du contenu, la fiction met en scène druides, forêt de Brocéliande, korrigans, fées et magiciens. À travers cette typographie Kaamelott, renoue avec notre mythologie bretonne et celtique. Voir ressurgir, couplé à sa typographie, un symbole emblématique du mythe arthurien permet donc de provoquer un choc visuel diffusant les valeurs de l`époque. En effet, dans les légendes arthuriennes, les anneaux borroméens sont souvent associés aux chevaliers de la Table ronde. On retrouve ce symbole borroméen formé par les descendantes du double caractère « A ». La typographie est soulignée de la tranche d`une épée, celle du roi Arthur, fonction référentielle à la thématique de la fiction.

Niveau fonctionnel

La typographie révélée par la fiction est baignée dans les mythes et légendes celtiques. La stratégie de celle-ci est d`immerger immédiatement et totalement le spectateur dans l`univers mythique qu`encadre la quête du Graal.

L`enjeu est à la fois axiologique et ludique, dans le sens où la répétition des « a » et des « t » démontre l`autodérision de la fiction. La typographie évoque les valeurs d`une époque lointaine, le tout surplombé d`un symbole « assigné » au roi Arthur. À l`origine une production humoristique, la série prend une tournure orientée comédie dramatique à partir de sa quatrième saison, avant de basculer plus significativement dans le dramatique lors de la suivante.

Au cours de cette évolution, la série modifie son identité visuelle. Cela dans le but d`ajuster les nouvelles ambitions de la série et sa nouvelle orientation vers le genre dramatique. L`identité visuelle se renouvelle, car l`univers change, cela se passe à Rome 15 ans avant Kaamelot, les producteurs véhiculent alors une ambiance plus dramatique. Le symbole celtique disparaît, la typographie décide d`exclure l`aspect humoristique au profit d`un aspect représentatif de la guerre et du Moyen Âge. Ici, l`iconique et le scripturaire sont entremêlés, si bien que l`on peine à les distinguer. La lettre « T » se couple à la garde de l`épée qui vient souligner le titre. La lettre « a » est iconisée sans qu`on puisse identifier le symbole qu`elle érige. En effet, ici le scripturaire prend tout en charge, on ne reconnaît plus la référence aux anneaux borroméens qui s`enveloppent autour de la lame de l`épée.

33

1.2.4. LA RENAISSANCE

ILLUSTRÉE PAR LA FICTION

SÉRIELLE REIGN

34

35

La renaissance illustrée par la fiction sérielle Reign

Reign est une série inspirée du règne de plusieurs monarques du XVIe siècle à une époque en proie aux troubles religieux. Cette production dévoile le destin non pas d`une seule reine, mais de plusieurs comme Élisabeth 1ere, Catherine de Médicis et Marie Stuart. Il est question d`une vision plus féministe où les hommes font office de second rôle ; la fiction s`organise autour du point de vue des femmes, l`histoire est reconstruite de manière à faire d`elles les narratrices de celle-ci. On illustre une version différente de la femme du XIVe siècle, une époque où même les femmes de haut rang ne peuvent s`imposer qu`avec un « bon mariage » afin d`élever leur position, leur rang et leur pays. Si l`histoire n`est pas respectée à la lettre, elle décide néanmoins de mettre en avant des personnages féminins aux caractères bien trempés dans un monde où le machisme fait loi.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie choisie est symbolique d`une époque bien précise. En France, vers le milieu du XVIe siècle, les garaldes ont été conçues pour simplifier le dessin des humanes. Si ce détail de l`histoire n`a rien à voir avec les passions entre rois et reines, il nous plonge tout de même dans l`époque en question.

En effet, les Garaldes sont typiques de la Renaissance du XVIe siècle. Reign bénéficie ainsi des mêmes valeurs transmises par les Garaldes, soit l`aspect classique et intemporel qu`évoque notamment l`histoire de France. Par ailleurs, cela évoque une certaine élégance ; soit la qualité première des monarques de l`époque. Les Garaldes véhiculent les valeurs liées à l`humanisme et à la Renaissance, valeurs qui viennent d`Italie. Selon la classification Vox ou « Elzévir », elles regroupent les polices typographiques à empattements présentant des empattements triangulaires et créant un contraste net entre les pleins et les déliés. Cet aspect constitue un critère important pour la visibilité. Les caractères arborent des empattements lapidaires supérieurs et inférieurs selon la classification d`Aldo Novarese.

Plan du contenu

La typographie de Reign est destinée à mettre en avant les alliances et les mariages entre les monarques des différentes nations. Même si la soif de pouvoir est présente, Reign est une version qui met l`accent sur le côté passionnel de l`histoire de France.

En effet, avec une trame narrative centrée sur l`aspect passionnel de l`histoire de la royauté, Reign ne retranscrit pas l`histoire de France, mais les alliances stratégiques qui y sont nées. Afin de découvrir cet héritage, nous nous apercevons qu`en actualisant les modalités graphiques, et au vu de certaines techniques utilisées par les marques pour inscrire leur image dans l`imaginaire collectif. Le traitement de la première lettre de Reign est un exemple édifiant. Il est intéressant de constater comment le premier caractère est stylisé. Comme dans un manuscrit médiéval celui-ci rappelle la

36

La renaissance illustrée par la fiction sérielle Reign

forme des lettrines, ceci augmente l`envie de lire l`identité visuelle dans son intégralité. Cela constitue une accroche de départ pour la cible.

Ce premier caractère, le « R » majuscule se pose alors comme une descendante à la limite de l`écriture cursive, dans le but de se coupler à un élément iconique. Cette prolongation du « R » forme une arabesque ou une sorte de ruban. De manière subjective, ce ruban pourrait évoquer la symbolique des mariages et des alliances qui rythment l`intrigue de la série, en faisant écho à la cérémonie des mains liées « handfasting » qui est un très ancien rituel de mariage, originaire de l'Écosse. Cette référence n`est pas sans rappeler le personnage phare, Marie Stuart, reine d`Écosse.

Niveau fonctionnel

La typographie de Reign expose alors des enjeux clairement axiologiques en référence à l`Écosse et au mariage entre Marie Stuart et François Valois ; les valeurs qui en découlent s`apparentent au drame et à l`amour. Cette forme calligraphique est teintée de rouge, une couleur utilisée lors des mariages de l`époque selon Michel Pastoureau, « Au Moyen Âge, le bleu est féminin, le rouge est masculin, cette tendance s`inverse au XVIe siècle... la robe de mariée est rouge jusqu`au 19e siècle »43. Ce choix chromatique vient corroborer le fait que la fiction mettra davantage en avant les caractères féminins. Le rouge accentue cette passion et cette force que souhaitent faire transparaître les scénaristes. Cela dit, le rouge apparaît progressivement comme un avertissement sur les lourdes pertes que vont subir les personnages. « Depuis des époques très anciennes, la couleur rouge a été en Occident associée à la mise en scène du pouvoir et du sacré, celle du sang et du feu, celle de la vie et de la vigueur, celle de l`autorité et de la beauté. C`est une couleur ambivalente : à l`époque romaine, le rouge, qui est à la fois la couleur de la guerre et celle de l`empire, participe à toutes les victoires et solennités »44. Dans son ensemble, la typographie arbore un imprimé d`acier pour nous rappeler les duels à l`épée symbolisant une lutte, des confits et une thématique cinématographique de cape et d`épée.

La forme en arrière-plan semble quant à elle, inspirée d`une broche écossaise appelée « Luckenbooth ». On reconnaît la broche « Luckenbooth » à son motif en coeur, composé d`un coeur simple ou de deux coeurs entrelacés, souvent surmontés par une couronne stylisée. La broche Luckenbooth généralement en argent, est une broche traditionnelle du mariage écossais, donnée en gage d`amour par le marié à sa promise le jour des noces, les coeurs symbolisant bien sûr l`amour, et la couronne la loyauté. Cette broche est un bijou fortement associé à Marie Stuart, car selon certains dires, elle serait un

43 M. PASTOUREAU, Dictionnaire des couleurs de notre temps, Bonneton, Paris, 1999, p. 189-193.

44 Ibidem

La renaissance illustrée par la fiction sérielle Reign

symbole d`amour et de dévotion donné par la reine Marie d'Écosse à Lord Darnley. D`autres « légendes » racontent que c'était une broche de fiançailles qui lui aurait été offerte par le dauphin de France. De nombreux traits connotent l`entrelacement entre la passion, la passion du pouvoir et la passion amoureuse, ils jouent le rôle de fonction référentielle institué par Jakobson dans son modèle des fonctions du langage. Il est relativement simple d`appréhender ce travail typographique comme étant chargé de référence à l`histoire exploitée par la fiction. Dans son premier ouvrage, Lionnel Orient Dutrieux avait évoqué le rôle séquentiel endossé par le générique d`une fiction, qui d`une certaine manière « présente un condensé de l`action à venir »45.

À travers ces éléments fortement connotatifs, la typographie de Reign tend également à jouer ce rôle séquentiel. De plus, ce rôle séquentiel va de pair avec le rôle indexical qui permet d`identifier, mais aussi de catégoriser la série dans un genre. « L`écrit a un rôle indexical lorsque, en présence de l`objet désigné, il qualifie cet objet ou établit le facto de la diégèse »46.

37

45 L. ORIENT DUTRIEUX, Typographie et cinéma, Gap, Atelier Perrousseaux éditeur, 2015, p. 50.

46 Idem, p. 60.

38

1.2.5. L?ÉPOQUE MODERNE

ILLUSTRÉE PAR LA FICTION

SÉRIELLE VERSAILLES

39

40

L?époque moderne illustrée par la fiction sérielle Versailles

1667 est une année charnière pour les scénaristes. La série met l`accent sur un point de vue nouveau du règne de Louis XIV qui dépasserait les clichés du roi absolu et tout-puissant, elle revient sur les difficultés connues par Louis XIV dans la progression de ses projets. Notamment face à sa noblesse, face à ses conseillers pour faire construire le château, face aux difficultés économiques qui apparaissent à ce moment du règne. Versailles n`est alors qu`un pavillon de chasse, il va en faire une véritable résidence royale.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie de cette série se veut très géométrique. Celle-ci s`apparente à la famille des réales selon la classification Vox ou « elzévirs », qui regroupe les polices typographiques à caractères plus rationnels, aux formes plus épurées et plus précises. Versailles montre des empattements plus discrets et linéaires selon la classification d`Aldo Novarese, avec un axe quasiment vertical. Ainsi que des pleins et déliés plus contrastés pour une visibilité et une lisibilité optimale. Les valeurs retranscrites par cette typologie de lettrages dénotent une certaine modernité.

Plan du contenu

Au niveau du plan du contenu, la typographie de Versailles est extrêmement riche de sens. En effet, l`enjeu est clairement axiologique : Versailles décide de faire passer des valeurs de modernité celle de la construction d`un monument historique et de ceux qui l`ont édifié ! Les producteurs ont fait appel à l`agence de publicité BETC pour la création de leur identité visuelle ; une pratique commune pour la chaine Canal + qui dispose d`importants moyens financiers pour leurs créations originales. Versailles est une série historique, mais elle est davantage une production moderne axée sur l`arrière-plan du règne d`un roi. C`est pourquoi la police de Versailles décide de sortir des « sentiers battus » comme l`a évoqué Olivier Apers, directeur de création de la campagne.47 Dans l`inconscient collectif, Versailles est synonyme d`enluminures et d`extravagance. L`agence a pourtant décidé de réaliser une prise de position en évoquant des outils de maçon plutôt que des caractères en forme de bijoux ou encore des lettres à plusieurs carats. Versailles arbore une police plutôt « tiers état » et l`illusion référentielle permet d`évoquer des valeurs à travers les choix typographiques ; comme les empattements triangulaires pour symboliser la noblesse.

Les coloris évoquent l`artisanat, en référence aux plans de construction et aux outils de maçon. Les ascendantes par exemple, forment des équerres, car, rappelons-le, la thématique est la construction

47 E. GAVARD, Pour la série Versailles, tout est dans le logo, 03.11.2015, disponible sur

http://www.strategies.fr/actualites/marques/1027079W/pour-la-serie-versailles-tout-est-dans-le-logo.html [consulté le 16.01.2016].

41

L?époque moderne illustrée par la fiction sérielle Versailles

d`un roi. Des demi-cercles, des hachures et des angles droits encadrent les caractères prenant ainsi des airs de plans d`architecte. L`apparition des tracés architecturaux peut être qualifiée de forme scripturale, car ces tracés représentent la main de l`homme.

Ainsi, la récurrence de ces motifs de figures géométriques empruntés à la construction, aux mathématiques, au calcul, et à l`art développe une « dimension figurative » comme l`a évoqué Jean Marie Floch. En effet, ces éléments iconiques sont constitutifs de la dimension figurative d`une forme de liberté et de modernité qui renvoie à la construction et à la définition d'un roi. Si l`on peut considérer que la sémiotique figurative s`applique à la typographie de Versailles, nous sommes en mesure d`assurer d'une part que cette typographie évoque un discours qui définit une certaine modernité exaltée par un paradoxe qui installe par lui-même le sujet « Versailles » et le mythe qui l'entoure. Et d'autre part, celle-ci retranscrit un discours sur la liberté propre à ce siècle difficile pour Louis XIV. Il convient alors d'interpréter narrativement cette liberté comme l'objet de valeur recherché par le roi, et défini par le premier discours. En effet, les différentes figures géométriques de la typographie parlent d'un sujet ; Versailles et de sa quête ; la liberté moderne. La typographie de Versailles en tant que sémiotique figurative48 comme l`a qualifié Jean Marie Floch, a pour contenu narratif l`ascension d`un roi, d`une dynastie, d`une époque.

Plus qu`une écriture iconique, c`est une scénarisation de l`écrit qui nous plonge dans la thématique exploitée par les scénaristes : la construction de Versailles. Le château de Versailles n`existe pas encore. La série traite de « l`avant » et du « pendant » la construction, on suit alors l`ascension d`un homme. Cette typographie prend à contre-pied l`époque évoquée. Si à l`époque la tendance allait au grand volume, ici on simplifie ; nous sommes dans la suggestion et la modernité des formes épurées.

Cette typographie met donc en avant les rouages de l`histoire et les secrets des coulisses plutôt que la grandeur des soirées de l'époque. Les clichés gravitant autour de la noblesse sont mis de côté pour privilégier l`intrigue et l`envers du décor.

Niveau fonctionnel

Les éléments visuels ajoutés aux caractères participent activement au processus de production de sens, car c`est ainsi que l`on peut affirmer que la série ne traite pas de l`âge d`or de Versailles, c`est-à-dire ce que représente Versailles dans l`imaginaire collectif, mais bien de ce qui est en amont de son prestige de renommée mondiale. Versailles parle de la construction de cet édifice et de celles des hommes qui l`ont habité. Pour rester dans cette dynamique de modernité, les choix chromatiques rejoignent cette position. Comme l`a démontré Michel Pastoureau dans son ouvrage le dictionnaire des couleurs de notre temps ; « le noir est synonyme de tempérance,

48 J. M. FLOCH, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010, p. 113.

L?époque moderne illustrée par la fiction sérielle Versailles

humilité, austérité, il est symbole de l`autorité et représente chic et élégance dans la mode actuelle »49. C`est ainsi que l`iconographie des lettres fait office de valeurs ajoutées et connote un véritable univers : celui de la trame narrative. Si les caractères à empattements ont pour habitude d`évoquer le contraire même de la modernité, ici les empattements se joignent aux éléments iconographiques comme pour tracer le chemin de l`ascension du château.

L`enjeu de cette typographie se veut donc plutôt esthétique ; afin d`évoquer l`innovation. La stratégie tend à sortir des codes de la série historique et s`illustre parfaitement à travers l`ensemble de la campagne publicitaire. En effet, les affiches de la campagne par exemple tendent plutôt vers la couverture de magazine de mode plutôt que vers une série télévisée. Des cinémagraphes ont été imaginés pour les réseaux sociaux ; mettant ainsi en avant les personnages emblématiques ou seul un détail : le feu s`animait. Ceci dans le but de provoquer un accident visuel caractérisant la série dans la modernité. Cela exprime une volonté de matérialiser la modernité et sortir des codes de la série historique.

42

49 M. PASTOUREAU, Dictionnaire des couleurs de notre temps, Bonneton, Paris, 1999, p. 158.

43

1.3. VERS UN SYSTÈME

TYPOGRAPHIQUE PROPRE

AUX FICTIONS SÉRIELLES

HISTORIQUES

44

Vers un système typographique propre aux fictions sérielles historiqyes

À travers ces différentes analyses, il est intéressant de se demander s`il est possible de dégager un système, sur les caractéristiques typographiques à même de faire transparaître le genre historique.

Les capitales monumentales semblent aller de pair avec la thématique historique. Les pleins et les déliés de la typographie dite « historique » auront tendance à être contrastés.

On remarque l`omniprésence d`empattements dans ces typographies du genre historique. La neutralité n`est pas de mise, puisque chaque série illustre une époque particulière qui véhicule des valeurs dans l`imaginaire collectif. À travers la classification d`Aldo Novarèse basée sur la forme des empattements, nous pouvons remarquer la présence d`empattements lapidaires à plusieurs reprises.

En effet, les typographies de Game of Thrones, Kaamelott, Reign et Versailles comportent cette typologie d`empattements. Les empattements lapidaires semblent transmettre les valeurs des siècles passés.

Certaines typographies alternent avec différents empattements entre fantaisies et linéaires, sans doute par souci de modernité et de personnalisation. La typographie de la série Vikings fait partie de ces exceptions. Cela s`explique par le fait que la série gravite autour d`un personnage central Ragnar Lothbrok, un chef de clan viking qui fait preuve d'innovation et de modernité ; des caractéristiques propres aux typographies linéales.

Époques

Séries télévisées

Empattements
lapidaires

Empattements
linéaires

Empattements
fantaisies

Le haut Moyen
Âge

Game of
Thrones

X

 
 

Le Moyen Âge
central

Vikings

 

X

X

Le Moyen Âge

Kaamelott

X

 

X

La renaissance

Reign

X

 
 

L`époque
moderne

Versailles

X

X

 

Par ailleurs, nous avons pu distinguer l`importance de la texture dans la typographie. En effet, celle-ci fait souvent référence aux matières et aux armes de l`époque.

45

Vers un système typographique propre aux fictions sérielles historiqyes

Dans une thématique de « capes et d`épées », l`acier, sous ses différents aspects plus ou moins soignés, vient corroborer cette omniprésence du genre historique. On illustre l`action de forger ses outils de combats par le feu, d`en user par le sang et de triompher grâce à eux.

L`iconographie est également significative et s`intègre complètement à la typographie. À plusieurs reprises, les caractères se sont couplés à un élément iconique représentatif de l`époque et des personnages au coeur de la narration.

En définitive, nous avons pu démonter qu`une forme de système typographique existe dans les identités visuelles étudiées à travers le corpus historique. Cette cohérence graphique s`explique notamment par les références entre époques et les connotations culturelles présentent dans notre patrimoine ; mais qu`en est-il des légendes et mythes propres au genre fantastique ? Est`il possible d`adopter des codes scriptovisuels à des fictions sérielles traitant de l`irrationnel et de l`anormalité ?

Nous allons nous y intéresser dans une deuxième partie consacrée à l`identité visuelle de fictions sérielles du genre fantastique.

46

2. L`ESTHÉTIQUE TEXTUELLE

DANS LE GENRE

CINÉMATOGRAPHIQUE

FANTASTIQUE

47

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique fantastique

2.1. DEFINITION ET DELIMITATION DU GENRE CINEMATOGRAPHIQUE FANTASTIQUE

Le genre cinématographique fantastique tire son origine de la littérature du même genre. Celui-ci voit le jour en adaptant les plus grands classiques de la littérature fantastique comme Frankenstein ou le Prométhée moderne ou encore Dracula. Le fantastique se définit par rapport à l'irrationnel et à l'anormalité. Pierre-Georges Castex écrit dans Le Conte fantastique en France que c'est « une intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle »50. Cette intrusion se fait toujours dans un environnement donné pour réel, dont l'irruption d'un élément anormal fait contraste et justifie son caractère fantastique, sans pour autant que l'élément en question appartienne au surnaturel.

Le genre fantastique résulte de la notion de différence. En effet, distinguer ce qui relève du « fantastique » c`est tout d`abord dissocier un autre être de manière à s`interroger soi-même sur sa propre condition.

Au cours de son histoire, l'homme a peuplé son imaginaire d'un grand nombre d'êtres lui permettant de représenter ce principe de différence. Le genre fantastique voit naître des personnages disparates ayant pour points communs de réunir en une seule entité des caractéristiques propres à l'humain et des aspects purement allégoriques qui les distinguent et leur fournissent une identité.

Répondant à une forme de behaviorisme51, les personnages de l`univers fantastique disposent d`un panel de représentations capables d`illustrer certaines croyances et possèdent une multitude de moyens leur permettant d`avoir un point de vue critique sur l`humanité et sur le mode de fonctionnement de celle-ci.

Le genre fantastique et les personnages qui l`illustrent assument une fonction « miroir ». « C'est en les observant, ou en les affrontant que les humains prennent conscience de leur propre particularité et peuvent bâtir un discours critique. Toutes les fictions et a fortiori, les séries télévisées mettant en scène des personnages fantastiques proposent une réflexion sur la condition humaine »52.

Le fantastique ne se définit pas selon un contexte particulier, un récit fantastique peut concerner n'importe quelle époque, et se dérouler dans un lieu réel ou imaginaire, mais dont la dimension est cohérente.

50 P. G. CASTEX, Le Conte fantastique en France de Nodier à Maupassant, Paris, Corti, 1951, p. 8.

51 Le behaviorisme est une méthode psychologique fondée sur l`observation objective du comportement déterminé par l'environnement et l'histoire des interactions de l'individu avec son milieu.

52 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Ellipses, Paris, 2011, p. 579.

48

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique fantastique

« Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un évènement qui ne peut s`expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l`évènement doit opter pour l`une des deux solutions possibles : ou bien il s`agit d`une illusion des sens, d`un produit de l`imagination et les lois du monde restent alors ce qu`elles sont ; ou bien l`évènement a véritablement eu lieu, il est partie intégrante de la réalité, mais alors cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. Ou bien le diable est une illusion, un être imaginaire ; ou bien il existe réellement, tout comme les autres êtres vivants : avec cette réserve qu`on le rencontre rarement. Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu`on choisit l`une ou l`autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l`étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c`est l`hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un évènement en apparence surnaturel »53.

Les frontières du fantastique au cinéma sont nébuleuses. En effet, le genre avoisine avec le merveilleux, la fantasy, la science-fiction et l'horreur.

Dans un article publié en mars 1982 dans L'Écran fantastique intitulé « Tentative de définition du fantastique », Jean-Claude Romer comprend le genre dans six catégories54.

Tout d`abord, le fantastique stricto sensu qui est rattaché au folklore et à la tradition, autour des légendes, des fantômes, des vampires, des loups-garous et des sorcières. Selon sa définition « on peut parler de Fantastique lorsque, dans le monde réel, on se trouve en présence de phénomènes incompatibles avec les lois dites "naturelles" » ; la science-fiction gravite autour de thèmes en rapport avec l'« intervention d'une intelligence dans le processus de phénomènes incompatibles avec les lois dites "naturelles" » ; l'anticipation, quant à elle se distingue de la science-fiction, car tout en se situant dans un monde futur, les phénomènes sont « compatibles avec les lois dites "naturelles" » ; l'insolite est retranscrit à travers des fictions illustrées « dans le monde du réel, on se trouve en présence de phénomènes inhabituels, mais compatibles avec les lois dites "naturelles" » ; l'épouvante base son intrigue « dans le monde du réel ou de l'imaginaire, on se trouve en présence de phénomènes qui tendent à susciter chez le spectateur certaines réactions psychiques ou viscérales dans le registre de la peur » ; et pour finir, le merveilleux qui appartient au domaine des contes de fées, de la fantasy et de la mythologie. « On peut parler de Merveilleux lorsque, dans le monde de l'imaginaire, on se trouve en présence de phénomènes incompatibles avec les lois dites "naturelles" ».

53 T. TODOROV, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970, p. 29.

54 E. DENIS, Qu'est-ce que le « Fantastique », disponible sur

http://www.devildead.com/indexdossier.php3?langage=1&maindossier=21&page=18 [consulté le 17.01.2016].

49

L?esthetique textuelle dans le genre cinematographique fantastique

2.2. ANALYSE DE CORPUS FILMIQUE FANTASTIQUE

Nous allons analyser l`identité visuelle à travers les fictions sérielles appartenant au genre fantastique. L`art de choisir la bonne typographie dépend de nombreux paramètres qui sont parfois subjectifs. De l`histoire des polices de caractères aux connotations actuelles, nous allons voir comment les polices d`écritures servent des projets spécifiques comme l`esthétique textuelle ou d`autres finalités de séries télévisées fantastiques.

50

2.2.1. LE GENRE

FANTASTIQUE

D?ÉPOUVANTE ILLUSTRÉ

PAR LA FICTION SÉRIELLE

AMERICAN HORROR STORY

51

52

Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story

American Horror Story est une série horrifique d'anthologie. En effet, celle-ci aborde chaque saison de manière à illustrer une intrigue, un lieu, une époque et des personnages différents ; dont le dénouement vient mettre fin à l`histoire pour laisser place à une tout autre intrigue indépendante dans la saison suivante. À travers les saisons, le casting est quasiment identique cependant, les acteurs endossent des rôles dont les caractères et les identités varient. Cette série tient sa particularité en cela, puisque même si un fil conducteur relie les saisons entre elles, l`ambiance, la thématique fantastique et les personnages sont changeants. Comme si l`on observait les différentes vies antérieures de cette tribu de personnages inexorablement liés par un passé, un présent et peut-être un futur.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie utilisée pour American Horror Story, est le résultat d`un assemblage de deux polices de caractères soit, Rennie mackintosh et Willow.

La typographie Rennie Mackintosh s`inspire des travaux d`écriture et des dessins du designer et architecte écossais Charles Rennie Mackintosh, un artiste réputé pour ses constructions, intérieurs et meubles très avant-gardistes, créés au tournant du siècle à Glasgow en Écosse. La Rennie Mackintosh fut créée en 1993 par George R. Grant pour le Willow Tea Room en Écosse qui appartient à la Charles Rennie Mackintosh Font Company (CRMFontCo). La police Rennie Mackintosh est une police sans sérif qui possède un style tout à fait unique, dont les caractères majuscules et minuscules inclus sont traités comme des capitales. Les majuscules « A » et « H » disposent d`une double barre transversale et leurs minuscules d`une triple barre transversale. Les caractères « Q » et « O » sont très intéressants lorsque l`on met en parallèle le traitement des majuscules et des minuscules. En effet, alors que le « Q » majuscule détient un grand bol ainsi qu`une descendante prolongée qui atteint le niveau de référence, le « Q » minuscule quant à lui possède un bol plutôt réduit et une descendante qui s`arrête au-dessus du niveau de référence.

La police d`origine Willow regular a été conçue par Joy Redick en 1990, et fait partie de l'Adobe Originals Woodtype Collection. ITC Willow a été conçu par Tony Forster en 1990. Une police contemporaine, telle que Willow, évoque le style Arts and Crafts écossais rendu populaire par le peintre et réformateur social Jessie Marion King (1875 à 1949), ainsi que l'architecte et designer

53

Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story

Charles Rennie Mackintosh (1868-1928) de l'école de Glasgow. La typographie s`inspire de la devanture du Willow tea Room, un des trois salons de thé à Glasgow conçu par Mackintosh. La police de caractères se distingue par ses barres doubles transversales sur les majuscules « A » et « H » et le design inhabituel de la majuscule « O », qui est soulevé au-dessus du niveau de base, avec deux points centrés au-dessous du bol.

Ces typographies ont été entremêlées et retravaillées en 2011 afin de servir l`image de la série d`anthologie. Ainsi, la typographie d`American Horror Story est une police sans empattement de la famille des antiques. Elle présente de faibles contrastes entre pleins et déliés. Il y a un contraste intéressant entre un oeil relativement petit comparativement à de longs jambages inférieurs ou encore une certaine inclinaison de l`axe des lettres.

La police se distingue par les doubles barres transversales sur la majuscule « H », et la conception inhabituelle de la majuscule « O », qui est soulevée au-dessus du niveau de référence, avec un point centré sous le bol. L`oeil du caractère « O » s`est élargi, mais reste pourtant petit en comparaison avec les autres caractères. Ce caractère se pose maintenant en dessous du niveau de référence, une caractéristique qui n`existait ni dans Willow ni dans Rennie Mackintosh.

 

On remarque également que le « A » a perdu sa seconde barre et que les barres du « E » sont maintenant toutes de la même largeur. Comparativement à Willow et Rennie Mackintosh.

De plus, le « C » trop lourd, qui était si atypique dans la Rennie mackintosh, est maintenant plus conventionnel.

Le « R » quant à lui, présente une alternance des largeurs au niveau des déliés qui contrastent avec les pleins. Ces déliés contrastent avec l`apparence linéale des autres caractères afin d`appuyer la différenciation de cette police de caractères.

Plan du contenu

La typographie est basée sur l'écriture de Charles Rennie Mackintosh. Celle-ci fut travaillée en 1904 pour le Willow Tea Room. Mackintosh s`est inspiré du nom « Sauchiehall » qui, en vieux

54

Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story

Écossais, se traduit par « à l'Allée des Saules »55. La signification celtique du saule possède une longue histoire associée au symbolisme des pratiques métaphysiques et rituelles. Le saule, depuis les temps antiques, a toujours été associé à la mort. En Europe du Nord, le mot « witch » (sorcière) et « wicked » (mauvais) sont dérivés du nom « willow » (saule). En effet, l`origine du mot « witch » vient de "wei" qui signifie « pour tordre » et provient du latin « vicis » qui veut dire le « changement ». « Witch » est aussi quelque chose fait d'osier; quelque chose qui pourrait être plié facilement, comme une branche de saule. On le considère comme un arbre d'enchantement.

Dans la mythologie celte, il est associé au mythe de la création de deux oeufs écarlates d`un serpent de mer, qui contenaient le soleil et la terre. Ces oeufs ont été cachés dans les branches du saule jusqu'à ce qu'ils aient éclos, de ce fait apportant la vie terrestre. Le saule est également associé à la mort, car c'est la conclusion évidente à la naissance et à la vie. Il représente aussi la santé et la fertilité.

Une autre caractéristique du saule est sa grande flexibilité. Le saule est l'un des rares arbres qui peuvent se plier dans des poses extravagantes sans rupture. Ceci constitue une métaphore puissante pour ceux d'entre nous sur un chemin spirituel. Le message ici est de s`adapter à la vie plutôt que de la combattre. Outre sa capacité d'adaptation, le saule est capable non seulement de survivre, mais aussi de prospérer dans certaines conditions des plus difficiles. Le saule est un producteur prolifique, il est capable de prendre racine à partir d`une seule branche56.

À travers ces références mythologiques celtes, la typographie du Willow Tea Room de la même manière que celle de la série American Horror Story s`imprègne de ces valeurs associées à la vie, à la mort, mais aussi à la renaissance ; des thématiques au coeur de la trame narrative de la série.

Ainsi, la réédition de la police de caractères Charles Rennie Mackintosh correspond parfaitement à American Horror Story. En dehors du contexte de la fiction, ces lettres sinistres ne semblent pas seulement donner au lecteur un sentiment d'élégance ou de distinction. En effet, les barres horizontales du A et du H sont toutes les deux très proches du niveau supérieur. Ce qui les rend inégales, mais également menaçantes du fait de leur hauteur de jambage comme si elles se tenaient debout prêtes à bondir. Par ailleurs, dans American Horror Story les caractères pourraient métaphoriser des maisons, des asiles et l'autorité incontestable de cette force supérieure qui exerce constamment son emprise sur les personnages.

La typographie de la fiction arbore un style appelé « all-caps ». Alice Robb s'est penchée sur la question pour le magazine américain The New Republic. Redirigée par un linguiste vers des groupes de discussion Usenet, précurseurs des forums, elle cite, entre autres, le message posté par

55 The willow tea rooms, History, disponible sur http://www.willowtearooms.co.uk/ [consulté le 02.03.2016].

56 Celtic Meaning of the Willow Tree, disponible sur http://www.whats-your-sign.com/celtic-meaning-willow-tree.html [consulté le 02.05.2016].

55

Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story

un certain Dave Decot, en 1984, qui définit l'usage des lettres capitales. Selon lui, « il y a trois façons de mettre en exergue son discours. La première serait d`utiliser les lettres capitales pour que les mots sonnent plus fort, la deuxième serait d`entourer d'astérisques les mots sur lesquels on voudrait mettre l'accent. Et enfin, la troisième serait d`espacer les caractères »57. Pour la typographie de la série, la sobriété et la discrétion ne sont pas de mise. En effet, en décidant de mettre en exergue son titre avec ce style all-caps, American Horror Story adopte une position de supériorité hiérarchique, créant non en s'excusant des situations inconfortables pour le téléspectateur.

Dans l'univers fantastique et horrifique, il y a des irrégularités entre le réel et l`irréel. Dans la police de caractères d`American Horror Story, l`exemple parfait est celui de la lettre « O ». Contrairement aux autres caractères, il semble être parfaitement circulaire; une perfection qui, dans le contexte, semble hors de propos. Contrebalancer cette lettre circulaire, d'une taille disproportionnée et d`un petit point carré qui le soulève, inverse cette notion de normalité typographique. À l`envers, on peut remarquer que le « O » a un signe diacritique.

Les traverses du « E » sont alignées et le terminal supérieur du « S » est prématurément attaché. Ceci ajoute un aspect disproportionné aux caractères. Le jambage inférieur du « R » est semblable à une faucille, répété à cinq reprises dans le titre. Bien qu`il ait de l`espace entre chaque caractère, le « O » mentionné ci-dessus semble être compressé entre les caractères environnants, créant une claustrophobie légère. Ces caractères disproportionnés, la structure irrégulière, les crénages serrés et des caractères aiguisés, cette police de caractères particulière évoquent la singularité de la fiction.

Niveau fonctionnel

L`enjeu de la typographie de cette série est tout autant esthétique que pragmatique. Esthétique tout d`abord, car, elle met en avant un style innovant et précurseur. En effet, cette typographie élégante est en adéquation avec l`art nouveau, les influences japonaises, les formes naturelles, et les lignes courbées qui ont inspiré Charles Rennie Mackintosh.

Tin second enjeu d`ordre pragmatique est également en cause, car ces caractères novateurs vont susciter l`intérêt et la curiosité de la cible. Celle-ci sera donc dans une démarche introspective au regard de cette série arborant une typographie d`un nouveau genre.

57 A. ROBB, How Capital Letters Became Internet Code for Yelling, And why we should lay off the all-caps key, 17.04.2014, disponible sur https://newrepublic.com/article/117390/netiquette-capitalization-how-caps-became-code-yelling [consulté le 03.05.2016].

56

2.2.2. LE GENRE

FANTASTIQUE ILLUSTRÉ

PAR LA FICTION SÉRIELLE

SALEM

57

58

Le genre fantastique illustré par la fiction sérielle Salem

Cette série télévisée reprend le mythe de la chasse aux sorcières dans la célèbre ville du Massachusetts. L`intrigue se déroule au XVIIe siècle, où la célèbre communauté puritaine de Salem est confrontée à la multiplication des cas de sorcelleries. Alors que George Sibley dirige d'une main de fer la communauté, le puritanisme, la chasteté, la piété, la torture et les humiliations publiques sont monnaie courante pour les habitants. Après sept ans d'absence, le capitaine John Alden revient à Salem où il retrouve son ancienne maîtresse Mary Sibley. Rongée par le désespoir, celle-ci a abandonné son âme aux sorcières de l`Essex dont l`ambition est de prendre leur revanche sur les puritains. Au fil des épisodes, la présence des forces occultes devient de plus en plus sensible parmi les habitants. Assujettie à une oppression délétère, à la fois menacée par les Amérindiens, par les Français et par des forces occultes, la ville de Salem est en proie à un huis clos oppressant. L'angoisse monte crescendo grâce aux réactions imprévisibles des habitants, susceptibles de jeter n'importe quel innocent à la vindicte populaire.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie de la série présente des similitudes avec la famille des antiques, dû à son absence d`empattements traditionnels. Selon la classification d`Aldo Novarese, cette police de caractères est tout de même pourvue d`empattements fantaisies très peu marqués, voire quasiment floutés. Ce tracé de lettres « dépouillé », caractéristique des antiques, donne un aspect brut à la typographie, un aspect renforcé par une alternance d`épaisseur entre les pleins et les déliés. Son dessin s`apparente aux capitales grecques et s`inspire des inscriptions retrouvées sur les façades des anciens temples grecs.

Ses formes géométriques, libres d`ornementation, semblent être gravées dans la pierre. Il y a également une absence de jointure entre les pointes du « A » et du « M », ainsi qu`une absence de barre transversale dans le « A ».

Plan du contenu

La ville de Salem est porteuse d`un mythe ancestral, « le procès des sorcières de Salem est un épisode fameux de l'histoire coloniale des États-Unis qui entraîna la condamnation et l'exécution de personnes accusées de sorcellerie en 1692 dans le Massachusetts. Généralement analysé comme découlant d'une période de luttes intestines et de paranoïa puritaine, ce procès se solda par l'exécution de vingt-cinq personnes et l'emprisonnement d'un bien plus grand nombre »58. Par ailleurs, dans l`inconscient collectif, Salem est rattachée à un univers peuplé de légendes en rapport avec la sorcellerie. Le mythe va alors amorcer l`image surnaturelle du schéma narratif profilé par la série.

58 Les Sorcières de Salem, pièce de théâtre écrite par Arthur Miller en 1953.

59

Le genre fantastique illustré par la fiction sérielle Salem

 

La typographie expose un aspect brut évoquant l`assemblage de brindilles. Selon les légendes, la force des sorcières résiderait dans leur environnement. Elles puiseraient leur force dans la nature. Ainsi, mettre en scène des brindilles de bois va renforcer la mystification de la typographie. Afin d`appuyer la fonction référentielle au mythe des sorcières, le générique illustre l`alphabet cryptographique alchimique. C'est essentiellement un alphabet à but cryptographique qui va renforcer cette analogie et ponctuer le générique de mystères et de signes en tous genres.

Quant au choix iconographique, celui-ci évoque la « trinité occulte » apparentée aux pratiques de sorcellerie. La sorcellerie utilise les symboles comme support du pouvoir magique par la puissance des ondes de forme qu'ils dégagent ainsi que par « l'égrégore » ou inconscient collectif auquel un symbolisme occulte est traditionnellement lié. « Dans sa signification, le triangle symbolise le feu, il est associé au chiffre 3. Il est symbole de divinité et par conséquent c`est un symbole de puissance. Le triangle est le principe du masculin et du féminin qui s'unissent pour donner naissance à un troisième principe (comme le père et la mère donnent naissance à un enfant) c`est une notion d`union et d`harmonie »59. Le triangle est parfait s'il est équilatéral, car il représente l'équilibre entre l'intellect, le coeur et la volonté. Le triangle peut aussi représenter les trois attributs de la Divinité: Puissance, Amour et Sagesse, ou pour prendre un parallèle divin chrétien, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ou encore chez l'homme, toujours dans la conception chrétienne, le corps, l'âme et l'esprit. Les occultistes ont eux aussi leur trinité : les groupes trinitaires « soleil, lune, étoiles » et « cercle, triangle, pentagramme ». Le triangle est d'ailleurs le symbole principal du mouvement occulte « Nouvel Âge ».

Niveau fonctionnel

Ici, l`enjeu de la typographie est axiologique : on cherche à évoquer la thématique empreinte de spiritisme qui encadre la série. Le scripturaire est mis en relief par une iconographie qui illustre les personnages principaux de la série sous un angle psychologique et symbolique.

59 Magie des symboles, 2016, disponible sur http://legrimoire.sitego.fr/symboles.html [consulté le 14.04.2016].

60

Le genre fantastique illustré par la fiction sérielle Salem

En effet, le « triangle relationnel » constitue une dimension archétypale de la vie humaine. Les triangles évoquent généralement des émotions très douloureuses, quel que soit le point du triangle sur lequel nous nous retrouvons. Comme des sentiments de jalousie, d`humiliation et de trahison. Comme si nous devions vivre avec le sentiment d`être un traître - d`être malhonnête, de blesser quelqu`un. Les émotions impliquées dans une relation triangulaire sont souvent déchirantes, et entament l`estime de soi.

Le personne trahie (une apparente victime)

Le triangle

Le traître:
une âme
divisée

L'instrume
nt de la
trahison: le
prédateur

La sorcière Mary Sibley aussi nommée « samhain » se tient en haut du triangle relationnel. « On représente le traître qui est une âme divisée. Il éprouve un amour, une attraction ou un besoin pour deux objets différents. La plupart d`entre nous présument que l`amour doit être exclusif, même si, à un niveau conscient, nous professons une perspective plus libérale »60.

Le capitaine John Alden se tient en bas à gauche du triangle relationnel. « La personne trahie, qui est apparemment la victime non consentante de l`incapacité du traître à aimer de manière exclusive. Les trois points du triangle sont secrètement interchangeables. Ils ne sont pas aussi différents qu`ils le paraissent à première vue. Mais la personne trahie est généralement persuadée d`être loyale, et que c`est l`autre personne qui se montre déloyale »61.

Enfin, le puritain John Sibley, qui est aussi l`instrument de la trahison, est illustré en bas à droite du triangle relationnel. « Il s`agit de la personne qui intervient apparemment dans une relation déjà existante entre deux personnes et menace de la détruire ou de la modifier »62.

60 L. GREENE, Relationships and how to survive them, L'Éternel Triangle, CPA Press, London, 1999, disponible sur http://www.astro.com/astrologie/intrianglef.htm [consulté le 16.04.2016].

61 Ibidem

62 Ibidem

61

Le genre fantastique illustré par la fiction sérielle Salem

Cette série repose sur la montée de l'hystérie collective des habitants. Les rôles ne sont pas figés entre les « bons » et les « méchants ». Chaque chasseur est susceptible de devenir une proie. Ainsi, l'intrigue ne se réduit pas à une simple confrontation entre les fanatiques de Dieu et ceux du Diable. La discorde est semée de manière occulte par le clan des sorciers qui détient le pouvoir dans la ville. Chaque habitant finit donc par soupçonner son voisin et par vouloir s'entretuer. Salem parvient à renouveler le mythe de la sorcellerie tout en exploitant de manière convaincante ce qui fait partie du folklore des sorcières.

62

2.2.3. LE GENRE

FANTASTIQUE

D?ANTICIPATION ILLUSTRÉ

PAR LA FICTION SÉRIELLE

THE 100

63

64

Le genre fantastique d?anticipation illustré par la fiction sérielle The 100

The 100 est une série télévisée américaine post-apocalyptique dont le concept est développé en parallèle du roman éponyme de Kass Morgan par Jason Rothenberg. L`intrigue débute 97 ans après qu`un holocauste nucléaire ait décimé la population de la Terre, faisant disparaître ainsi toute forme de civilisation. Au même moment, douze stations spatiales étaient en orbite, faisant de leurs 4000 occupants les seuls survivants. Afin de faire perdurer l`espèce humaine, ces douze stations se sont rassemblées afin de garder leurs habitants en vie, elles sont rebaptisées l`Arche. Trois générations se sont succédées dans l'espace ; on compte désormais 2 237 survivants, mais leurs ressources s`épuisent. Les dirigeants de l`Arche prennent alors des mesures draconiennes pour assurer leur futur. Notamment, exiler un groupe de 100 prisonniers mineurs à la surface de la Terre pour découvrir si celle-ci est redevenue viable. Pour la première fois depuis près d'un siècle, des humains retournent sur la planète Terre. Pour les 100 survivants, la Terre est une planète étrangère dont ils ignorent tout, un endroit mystérieux pouvant être magique un instant et mortel l'instant suivant. La survie de l'espèce humaine repose sur les 100, ils doivent parvenir à cohabiter avec les natifs de la Terre dont ils ne soupçonnaient pas l`existence.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie de The 100 n`est composée d`aucun empattement et fait partie de la famille des Antiques. Celle-ci a été retravaillée à partir de la deuxième saison de la série afin d`illustrer au mieux la thématique de la série. Les modifications apportées portent en grande partie sur la texture de la typographie et sur ses choix chromatiques qui, à l`origine, arboraient uniquement du noir.

En effet, l`évolution de la police montre maintenant des lettres construites, inspirées des lettres gravées sur pierre. C`est d`ailleurs l`aspect « fissuré » et « craquelé » de la typographie qui permet d`évoquer les vestiges d`une autre civilisation. Les approches très serrées des lettres disparaissent dans le nombre 100 pour devenir un tout iconique.

65

Le genre fantastique d?anticipation illustré par la fiction sérielle The 100

La police utilisée pour la fiction est composée de traits assez arrondis. L`effet produit est un aspect lisse qui apporte une sensation de chaleur, aussi le texte arrondi est perçu d'une manière logique et naturelle pour son lecteur.

Plan du contenu

Au lancement de la série, la typographie ne comportait pas de grandes indications sur le genre cinématographique, c`est alors le générique qui s`en chargea. Lors de cette présentation rythmée par une musique épique, on nous montre, après un plan dans l`espace et le détachement de l`arche, des paysages de la planète terre et des schémas qui évoquent à la fois l`armée et la science. La question du genre est centrale pour une identité visuelle, et le choix des réalisateurs se porte alors sur l`aspect « armée » et « science » de la fiction. En effet, la série repose essentiellement sur une thématique de survie, sur l`Arche, comme sur Terre, dans une déclinaison dystopique post-apocalyptique. La typographie, qui était alors peu révélatrice, se voit modifiée pour la deuxième saison afin de rejoindre cette thématique.

L`aspect de la police est riche de sens et évoque l`armée par ses teintes « camouflages ». Les formes hexagonales font référence à la dimension scientifique semblable à un algorithme moléculaire. Ces formes font référence à la génétique, à l`évolution de l`espèce humaine et son adaptation face à l`environnement toxique sur terre.

La lueur qui apparaît au coeur des deux zéros forme un flash évoquant ainsi la rencontre de deux civilisations ; celle de l`arche et des natifs de la terre. Les deux chiffres expriment une forme de collision qui n`est pas sans rappeler une forme d`explosion, celle de la bombe nucléaire qui a entraîné une fin, mais aussi un renouveau.

Niveau fonctionnel

L`enjeu de cette typographie relève de l`esthétique. En effet, la typographie maintenant revisitée ajoute un côté épique qui contribue à donner un côté grandiose et aide à établir correctement l`atmosphère de la série.

L`objectif de cette identité visuelle est avant tout cognitif, car elle révèle deux informations contextuelles et informationnelles, soit les personnages et le contexte post-apocalyptique.

66

2.2.4. LE GENRE

FANTASTIQUE

FOLKLORIQUE ILLUSTRÉ

PAR LA FICTION SÉRIELLE

THE VAMPIRE DIARIES

67

68

Le genre fantastique folklorique illustré par la fiction sérielle the Vampire Diaries

La série télévisée américaine The Vampire Diaries appartient au genre dramatico-fantastique créée par Julie Plec et Kevin Williamson. Celle-ci s`inspire des romans éponymes de L. J. Smith. La fiction raconte l`histoire d`Elena Gilbert, une adolescente de 17 ans qui vit et étudie au lycée de Mystic Falls en Virginie. Elle et son frère, Jeremy, 15 ans, vivent avec leur tante Jenna Sommers, depuis la mort de leurs parents, décédés dans un accident de voiture quatre mois auparavant. Elena trouve alors du réconfort dans son journal intime. Elle y raconte son histoire d`amour naissante avec un mystérieux jeune homme qui partage cette habitude à coucher sur papier les aventures de ses journées. Celui-ci s`adonne à cette passion depuis bien plus longtemps que la jeune femme puisque, en réalité, ce garçon ténébreux va se révéler être un vampire né en 1847.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, on remarque que la typographie est sans empattement. Celle-ci rappelle la police Helvetica light. « L`Helvetica fut créée en 1957 sur la base de la police Neue Haas Grotesk de Max Miedinger, graphiste suisse, pour répondre à un besoin précis : dessiner un caractère qui colle à l`époque naissante, une époque moderne, en pleine accélération des techniques et des modes de vie »63.

Ici, la police reflète le modernisme via l`illusion référentielle dont parlait Courtés, celle-ci « est soumise aux règles en usage dans un groupe social donné. Elle repose sur des marques productrices d'effets de sens dont dépend la véridiction de l'énoncé, et non son rapport à la vérité qui ne relève pas du champ de la sémiotique, mais renvoie au contrat fiduciaire entre l'énonciateur et l'énonciataire »64.

En effet, il y a une véritable isotopie/allégorie entre la thématique vampirique qui traverse les siècles, et la typographie Helvetica perçue comme étant indémodable. À travers des lignes pures, la police représente un idéal typographique de perfection et de lisibilité, elle se met au service du texte.

63 C. POULOT, Helvetica, la petite robe noire de la typo, 13.10.2007, disponible sur

http://www.lemodalogue.fr/2007/10/helvetica-la-petite-robe-noire-de-la-typo/ [consulté le 05.05.2016].

64 J. COURTES, Analyse sémiotique du discours de l'énoncé à l'énonciation, Hachette, Paris, 1991, p. 40-43.

69

Le genre fantastique folklorique illustré par la fiction sérielle the Vampire Diaries

Par ailleurs, la capitale « V » est iconisée et fusionne avec une arabesque rouge. La plus « fortement connotée des couleurs » selon Michel Pastoureau, va renforcer l`objet de la fiction, soit la passion entre humain et vampire ; sans parler de la référence évidente au sang, qui se rapporte à la thématique vampirique. Les points du caractère « i » sont manquants ce qui renforce cette idée de nouveauté et de modernité.

Plan du contenu

Les caractères linéaires sont plutôt éloignés de l`idée que l`on peut se faire des éléments qui composent la série. En effet, les vampires s`éloignent des valeurs de modernité portées par la police Helvetica. Dans la littérature fantastique, ils font partie intégrante d`un folklore qui aurait tendance à évoquer le passé. Dracula de Bram Stoker publié en 1897, est le premier roman à apporter suffisamment de renouveau, de détails précis sur le vampire. Il permet alors de créer une identité propre en inventant le vampire originel : le comte Dracula. Stoker s`inspire de récits mythologiques comme d`inspirations historiques pour créer son personnage. Dracula crée un véritable engouement qui marque une étape cruciale dans la littérature fantastique. Il devient même le vampire de référence pour les générations suivantes, il continue aujourd`hui de fasciner le public et d`inspirer les auteurs. Il incarne, comme ses prédécesseurs, la figure de l`altérité ; il est l`aristocrate venu de l`Est, symbolisant ainsi l`étranger venu asservir et corrompre la société victorienne.

Ainsi, une thématique qui aborde un mythe ancien tel que le vampirisme aurait tendance à appeler une typographie à empattements qui, par illusion référentielle, évoquerait une forme de noblesse par des empattements triangulaires et de grandes ouvertures.

À ce titre, l`élément contextuel du journal intime aurait tendance à mettre en avant une typographie d`ordre scriptural pour évoquer des aventures couchées sur papier. La typographie de la série surprend alors en utilisant le « V » comme symbole. Ce caractère est couplé à un autre élément en forme d`arabesque pour finir en une goutte de sang, car, comme on peut l`imaginer, les épisodes risquent d`être sanglants.

Le vampire moderne est donc un beau jeune homme, une sorte de héros au coeur pur, aux antipodes du mort-vivant traditionnel. Il n`est plus aristocrate décadent, mais intégré dans la communauté. En définitive, le vampire actuel vit plutôt des histoires d`amour hétéro centrées, monogames et très platoniques. Finalement, le vampire d`aujourd`hui est devenu un héros romantique, démythifié et idéalisé, en somme assez loin de Dracula. Il n`incarne plus l`altérité terrifiante, mais un alter ego supérieur, une sorte de super héros ou de demi-dieu.

En effet, la perception du vampire dans la fiction sérielle est très éloignée de celle des premiers aux teints cadavériques. Jean Marigny, spécialiste du genre explique dans son essai La fascination des

Le genre fantastique folklorique illustré par la fiction sérielle the Vampire Diaries

vampires que « cette vision aseptisée permet aux vampires de devenir des héros à part entière que l`on peut même envier ou admirer : ils ne sont pas nuisibles, ils sont pratiquement invulnérables et la vieillesse et la maladie n`ont aucune prise sur eux »65.

Niveau fonctionnel

L`enjeu de cette typographie est avant tout pratique, car les caractères Helvetica permettent une très grande lisibilité.

L`utilisation de cette police Helvetica traduit également un enjeu pragmatique. En effet, la typographie bénéficie d`un gage d`efficacité et de pérennité. Elle permet d`inciter la cible à regarder la série, car l`utilisation répétée de la typographie fait partie de son environnement.

« L`Helvetica, de par ses caractéristiques intrinsèques, peut être utilisée pour tout type de communication... On la retrouve sur les panneaux signalétiques du Code de la route, les enseignes de magasins, en 1964 pour la signalétique des J.O de Tokyo, mais aussi pour des marques aussi variées que Lufthansa, Nestlé ou Evian...L`Helvetica accessible à tous fait partie de notre paysage quotidien »66.

Ce choix typographique moderne s`explique aussi par l`évolution de l`image du vampire tant en littérature qu`en audiovisuel. Le vampire s`adresse à un public cible composé d`adolescents et de jeunes adultes. L`auteure Stephenie Meyer a lancé le nouvel âge d`or des vampires à travers la saga Twilight. Depuis, les ouvrages vampiriques foisonnent au rayon Young Adults et font émerger un nouveau genre ; la littérature bit-lit : soit la contraction de « bit » qui signifie mordre en anglais et de « lit » le diminutif de littérature.

70

65 J. MARIGNY, La fascination des vampires, Klincksieck, 2009, p. 63.

66 Idem 64

71

2.3. VERS UN SYSTÈME

TYPOGRAPHIQUE PROPRE AUX

FICTIONS SÉRIELLES

FANTASTIQUES

72

Vers un système typographique propre aux fictions sérielles fantastiques

Le genre fantastique s`apparente à la typologie fictionnelle relevant de l`imaginaire dont les éléments contextuels s`éloignent de la réalité telle qu`on la connaît. Les séries gravitant autour de cette thématique doivent donc relater une image qui s`éloigne du réel tant dans sa trame narrative que dans sa représentation en matière d`image.

Ce genre devrait alors faire émerger des typographies nouvelles, toujours dans l`objectif de s`éloigner de ce qui se fait déjà en la matière.

À travers ces différentes analyses, nous pourrions tenter de déceler un système typologique en termes de représentation visuelle. Ce corpus fait transparaître des similitudes en matière de choix graphiques ; ces similitudes pourraient alors évoquer le genre en lui-même.

En effet, l`absence d`empattements dans ces polices évoquant le modernisme pourrait permettre de caractériser le genre fantastique ; un genre qui ne se définit pas selon un contexte particulier, un lieu ou une époque. Ainsi les caractères modernes et linéaires apporteraient une dimension cohérente à la fiction qui se pose à mi-chemin entre l`anormalité et l`irrationnel.

Aussi les éléments iconiques couplés aux typographies des fictions sérielles fantastiques vont alors accentuer ce caractère distinctif, voire mystique. À ce titre, certaines formes aux connotations surnaturelles et propices aux mystifications vont alors s`accoler aux typographies, afin de plonger d`emblée le spectateur dans l`imaginaire lugubre et mystérieux de chacune des productions cinématographiques. C`est le cas par exemple pour les fictions Salem et The Vampire Diaries.

Genres

Séries télévisées

Caractères
linéaires

Textures neutres

Éléments
iconiques

Fantastique
d`épouvante

American Horror Story

X

X

X

Fantastique
folklorique

Salem

X

 

x

Fantastique
d`anticipation

The 100

x

 

X

Fantastique
folklorique

The Vampire
Diaries

X

X

x

73

Vers un système typographique propre aux fictions sérielles fantastiques

En matière de choix chromatique, les typographies auraient tendance à miser sur la neutralité en utilisant du noir pour une texture tout aussi neutre. Et cela, pour renforcer la thématique lugubre et horrifique abordée par le fantastique.

D`autre part, l`utilisation de police existante comme la Rennie Mackintosh ou encore l`Helvetica, démontre une prise de position pragmatique de la part des graphistes. En effet, l`Helvetica est une police dont les qualités et l`efficacité ne sont plus à démontrer.

Aussi, la Rennie Mackintosh est une police d`écriture avant-gardiste voir destroy, elle attire le regard et les interrogations. Susciter la curiosité et l`intrigue se rapporte au genre fantastique, dont la trame narrative est rythmée par des éléments irrationnels, ou irréalistes.

De fait, ce corpus démontre que les fictions appartenant au genre fantastique permettent d`utiliser une large palette d`éléments scriptovisuels. En effet, les identités visuelles de ce genre « irrationnel » revisitent des typographies comme Helvetica qui fait pourtant partie intégrante de notre environnement et de la réalité telle qu`on la connaît. D`autre part, le genre fantastique autorise une forme d`excentricité aux graphistes. Le genre fantastique est certainement le plus approprié pour faire émerger de nouvelles formes typographiques.

Dans une troisième et dernière partie, nous parlerons d`un univers plus rationnel, celui du genre policier.

74

3. L`ESTHÉTIQUE TEXTUELLE

DANS LE GENRE

CINÉMATOGRAPHIQUE

POLICIER

75

L?esthétique textuelle dans le genre cinématographique policier

3.1. DEFINITION ET DELIMITATION DU GENRE CINEMATOGRAPHIQUE POLICIER

Le genre policier tient son origine du roman du même nom, il est reconnu également sous l`appellation « polar » en argot. Ce genre littéraire base sa trame narrative sur l`élucidation d`un crime. En règle générale, il s`agit d`une enquête policière ou bien d`une enquête réalisée par un détective privé. « Le roman policier est le récit rationnel d`une enquête menée sur un problème dont le ressort principal est un crime »67. Ce genre narratif se concentre sur un crime au sens juridique du terme. Celui-ci est structuré en fonction de six invariants que sont le crime, le mobile, le coupable, la victime, le mode opératoire et l`enquête.

À travers la typologie du genre policier, on recense plusieurs catégories de romans policiers dont les caractéristiques diffèrent en fonction de leurs manières d`aborder l`enquête. Dans son ouvrage poétique de la prose, Tzvetan Todorov met en évidence trois genres à l'intérieur du roman policier ; le roman à énigme, le roman noir et le roman à suspense68.

En effet, le roman à énigme implique deux versions de l`histoire, l`une racontant le crime et ce qui y a conduit et l`autre illustrant la reconstitution et le cheminement de l`enquête. Ce ne sont pas deux histoires différentes, mais deux aspects, deux points de vue d'une même histoire. « L'histoire du crime raconte « ce qui s'est effectivement passé », alors que l'histoire de l'enquête explique « comment le lecteur (ou le narrateur) en a pris connaissance »69. L'histoire de l'enquête sert de médiateur entre le lecteur et l'histoire du crime. Le détective examine indice après indice, piste après piste.

Ce sous-genre met l`enquête au premier plan, la focalisation narrative se fait sur les procédures professionnelles de cette enquête, et moins sur sa finalité ; le mobile se pose en arrière-plan pour faire la lumière sur le mode opératoire et le crime en lui-même, l`intrigue s`articule davantage sur la question du « comment » que du « qui ».

Pour ce qui est du roman noir, celui-ci ne montre pas le crime d`un point de vue antérieur. En effet, le récit coïncide désormais avec l'action. « Le roman noir moderne s'est constitué non autour d'un procédé de représentation, mais autour du milieu représenté, autour de personnages et de moeurs particuliers; autrement dit, sa caractéristique constitutive est thématique »70. Ici, le mystère possède une fonction secondaire, subordonnée et non plus centrale, comme dans le roman à énigme.

67 J. SADOUL, Anthologie de la littérature policière, Paris, Ramsay, 1980, p. 10.

68 T. TODOROV, « Typologie du roman policier », Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1980, p. 9-19.

69 Idem p. 9.

70 Idem p. 13.

76

L?esthétique textuelle dans le genre cinématographique policier

Le roman noir se concentre sur le coupable, la victime ou l`enquêteur et met en premier plan la société. La narration est principalement orientée sur des personnages insérés dans une société réduite à ses aspects négatifs.

En revanche, la structure de ce roman est bien souvent marquée par l`élément « victime » qui peut se voir multiplié tandis que l`élément « mode opératoire » sera ritualisé. Tous les éléments sont surdéterminés par une approche psychologique.

Quant au roman à suspense, il combine les propriétés des deux autres genres. « Du roman à énigme, il garde le mystère et les deux histoires, celle du passé et celle du présent ; mais il refuse de réduire la seconde à une simple détection de la vérité »71.

Tout comme dans le roman noir, le présent prend la place centrale. Le mystère est un point de départ, mais l'intérêt principal vient de la seconde histoire, celle du présent. Il y a la curiosité de savoir comment s'explique les évènements passés, mais il y aussi le suspense de voir ce qui va arriver aux personnages principaux.

Le roman à suspense se divise en deux sous-catégories. La première, « l'histoire du détective vulnérable » où le détective s`intègre à l'univers des autres personnages au lieu d'être réduit à un observateur indépendant et la seconde ; « l'histoire du suspect-détective » où le personnage principal doit s`efforcer de prouver son innocence en enquêtant lui-même.

3.2. ANALYSE DE CORPUS FILMIQUE POLICIER

Les sous-catégories du genre policier évoquées sont répertoriées à partir de trois transformations du schéma narratif. Tout d`abord, la modification de l'élément initial. En effet, si l`intrigue démarre par la représentation du crime, du coupable ou de la société le sous-genre ne sera pas la même. Autre transformation possible ; la hiérarchie des informations. Lorsque l`on décide de mettre au premier plan telle ou telle étape du processus policier, le sous-genre mettra en avant le ou les protagonistes en rapport avec l`étape en question. Enfin, la multiplication des éléments est également déterminante. En multipliant les victimes, par exemple, on aboutit aux romans mettant en scène un serial killer. En multipliant les coupables, on obtient un crime collectif et une brigade spécialisée comme un groupe de profileurs. Nous allons tenter de constituer un corpus à même de représenter chacune de ces sous-catégories du genre policier afin d`analyser leurs identités visuelles.

71 T. TODOROV, « Typologie du roman policier », Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1980, p. 17.

77

3.2.1. LE GENRE POLICIER À

ÉNIGME ILLUSTRÉ PAR LA

FICTION SÉRIELLE THE

MENTALIST

78

79

Le genre policier à énigme illustré par la fiction sérielle The Mentalist

The mentalist est une série télévisée américaine créée par Bruno Heller, diffusée depuis 2008. Cette fiction raconte les enquêtes de l'unité des crimes majeurs du California Bureau of Investigation (CBI), dirigée par Teresa Lisbon. Celle-ci travaille en étroite collaboration avec Patrick Jane, consultant doté de facultés de mentalisme. Il possède un savoir-faire aguerri en matière de psychologie. Hypnose, prestidigitation ou encore manipulation, l`ensemble de ses talents font de lui un mentaliste dont le sens de déduction est très efficace et très utile aux enquêtes du CBI. Cependant, celui-ci a d`abord exercé ses talents en tant que voyant, une expérience qui lui a également permis d'acquérir des connaissances pointues en matière d'analyse psychologique. À cette occasion, il s`est attiré les foudres d`un tueur en série en l`humiliant sur un plateau de télévision. Ce tueur se fait appeler « John le Rouge », un surnom qui fait écho à sa signature qui n`est autre qu`un smiley sur un mur peint du sang de ses victimes. L`intrigue démarre à ce point précis, lorsque le tueur en série décide de donner une leçon à Patrick Jane en décimant sa famille.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie de la série télévisée présente des caractères géométriques et linéaires, sans empattements semblables à la police Helvetica Neue Medium. Helvetica, une police qui porte des valeurs de modernisme et d`efficacité en termes de lisibilité. Comme évoqué précédemment, l`Helvetica fut créée dans la finalité d`obtenir un caractère en adéquation avec l`époque de sa création. 1957 est une époque moderne, dont les pratiques et les modes de vie sont en pleine progression.

Par ailleurs, un élément iconique de forme rectangulaire encadre le nom « mentalist » et met ainsi de côté l`article défini « the ». En matière de choix chromatique, la couleur utilisée met d`autant plus en avant le mentaliste. En effet, le rouge vient servir la thématique fictionnelle par divers moyens ; le rouge, une couleur riche en connotation selon Michel Pastoureau72. Cette couleur établit donc des interprétations plurielles, elle permet de faire ressortir le texte et de le mettre en avant en l`avançant au premier plan ce qui optimise la visibilité. Une visibilité doublée d`une lisibilité établie par le choix de la police. D`autre part, le rouge fait référence à la trame narrative qui gravite autour de la traque du tueur en série John le rouge.

72 M. PASTOUREAU, Dictionnaire des couleurs de notre temps, Bonneton, Paris, 1999, p. 189-193.

80

Le genre policier à énigme illustré par la fiction sérielle The Mentalist

Plan du contenu

Sur le plan du contenu, l`utilisation de la police Helvetica concède une sorte de valorisation au message. En effet, l`identité visuelle de la série télévisée reflète une forme d`avancée et de modernisme dans l`illusion référentielle73. Le mentalisme est un terme nouveau à l`époque de la diffusion de la série, une capacité inconnue et impressionnante qui est mise en lumière par la fiction.

La forme rectangulaire tend à promouvoir la capacité de mentalisme de Patrick Jane. Cette mise en forme d`encadrement du terme « mentalist » est semblable à un tampon, « approuvé », ici, on vient confirmer les qualités professionnelles de Patrick Jane, et par conséquent l`efficacité de la fiction. En effet, la symbolique de la forme rectangulaire s`apparente à la construction humaine et évoque une réflexion cartésienne. Cette mention encadrée possède une fonction référentielle qui d`après Jakobson, permet de centrer le message sur le contexte « ce qu'on appelle aussi, dans une terminologie quelque peu ambiguë, le référent »74. La fonction référentielle, contrairement à toutes les autres, « ne fait pas l'objet d'une présentation détaillée et semble aller de soi »75.

Niveau fonctionnel

La stratégie illustrée par cette typographie est de mettre en avant le détective et ses capacités propres. En effet, The mentalist tient du registre de la fiction à enquête, du récit à énigme. Cette typologie du genre policier implique deux versions de l`histoire, l`une racontant le crime et ce qui y a conduit et l`autre illustrant la reconstitution et le cheminement de l`enquête ; comme dans d`autres séries policières telles que Elementary76 ou encore Lie to me77 qui centre la narration sur les capacités et le caractère du détective. La typographie de The mentalist relève de l`enjeu pragmatique puisque l`on souhaite tout d`abord justifier, voire même approuver les qualités professionnelles du protagoniste Patrick Jane. Affirmer l`efficacité de celui-ci revient à affirmer la réussite de l`intrigue et par conséquent de la fiction. D`autre part, nous pouvons déceler un enjeu pratique rempli par la police utilisée qui permet une visibilité optimale grâce à des formes de caractères mises au service du texte.

73 J. COURTES, Analyse sémiotique du discours de l'énoncé à l'énonciation, Paris, Hachette, 1991, p. 40-43.

74 R. JAKOBSON, Le modèle des fonctions du langage de Jakobson, Paris, Éditions de Minuit, 1963, p. 213.

75 Ibidem p 214.

76 Série télévisée qui revisite l`histoire du grand détective Sherlock Holmes.

77 Série télévisée qui vante les capacités d`un certain Cal Lightman, psychologue expert en détection de mensonges par l'analyse de « micro-expressions ».

81

3.2.2. LE GENRE POLICIER À

ÉNIGME ILLUSTRÉ PAR LA

FICTION SÉRIELLE BONES

82

83

Le genre policier à énigme illustré par la fiction sérielle Bones

Celle qui ne tarde pas à être surnommée bones (ossements) se nomme en réalité Tempérance Brennan. Cette spécialiste en anthropologie est capable de déceler une infinité de détails dans un squelette. Ainsi, les détails les plus intimes d`un cadavre n`ont aucun secret pour elle : sexe, origine ethnique, régime alimentaire ou encore activité sportive. Une capacité d`observation hors du commun qui va être sollicitée à maintes reprises par le FBI, dès qu'un cadavre fortement décomposé et donc difficilement identifiable est retrouvé. La scientifique redonne alors vie au corps tout en découvrant la cause de sa mort. Autour d`elle, une équipe de scientifiques composée de chimistes, d`entomologistes et d`experts en reconstitution.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie de Bones est composée de traits géométriques plutôt rectilignes. La police arbore des caractères dont les jointures ne sont pas reliées entre elles. D`autre part, les pleins et les déliés sont peu contrastés du fait du caractère linéal de la police utilisée. L`identité visuelle est soulignée d`un trait afin d`appuyer sur l`importance du titre. Par ailleurs, il y a un jeu graphique sur le « O » qui est iconisé en forme octogonale. En termes de coloris, les éléments scripturaires sont blancs tandis que l`élément iconique est ocre.

Plan du contenu

Sur le plan de contenu, la typographie est fortement connotée dans l`esprit de la thématique fictionnelle. En effet, les caractères linéaires qui ne présentent aucune jointure accentuent cette allégorie aux ossements, « bones » en anglais. D`autre part, l`identité visuelle est soulignée comme pour souligner une évidence ou, pour aller plus loin, des preuves accablantes. En effet, l'apport des sciences et des technologies est venu accréditer l'idée d'une justice qui reposerait sur des preuves irréfutables et ne pourrait donc commettre d`erreur en condamnant un innocent. « Alors que sous la monarchie, la justice était rendue suivant l'arbitraire royal, avec l'avènement de la république, cette même justice exige une pratique impartiale et aveugle légitimée par le soutien des sciences, discipline présentée comme objective puisque se fondant sur d`autres sciences »78.

Le jeu typographique sur le « o » vient corroborer cette idée d`une approche scientifique liée à la génétique. La symbolique de cette forme géométrique symbolise « la pluralité et la complexité... Ces formes peuvent aussi être utilisées pour les métiers scientifiques en rapport avec la chimie, les mathématiques ou encore la physique. Ce type de forme permet de mettre en avant des « atouts

78 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Ellipses, Paris, 2011, p. 380.

84

Le genre policier à énigme illustré par la fiction sérielle Bones

techniques ou technologiques »79. Les choix chromatiques sont également révélateurs de la trame narrative. L=omniprésence de blanc vient appuyer l`idée d`une science exacte et d`une forme de neutralité et d`impartialité de la part du cadavre, mais aussi de l`anthropologue. « Le blanc est aussi associé à la matière indécise (spectre, fantôme), à la vieillesse, à la mort (linceul), mais aussi à l`innocence (blanc comme neige, montrer patte blanche), le berceau »80. Par ailleurs, la forme octogonale connote déjà l`idée d`une preuve irréfutable démontrée par une référence génétique. Cette forme arbore une couleur ocre, qui dans les cultures traditionnelles, se rattache à la « Terre Mère ». Elle est utilisée lors de rituels liés à la mort (retour du corps à la terre) ou à la chasse. En Afrique, les couleurs rouge et ocre sont les couleurs de l`initiation. Chez les Amérindiens, l`ocre est la couleur de l`origine de l`Homme.

Niveau fonctionnel

« Dans la plupart des séries policières des années 2000, les connaissances scientifiques sont appliquées pour démasquer les meurtriers. Cette tendance à l'intervention des spécialistes dans le travail d'investigation est allée croissante au fil du temps jusqu'à occuper une place prépondérante »81. La série Bones base son intrigue sur le mode opératoire. Celui-ci met le mobile en arrière-plan pour faire la lumière sur le crime en lui-même. La forme typographique rejoint cette idée de mettre en avant l`enquête comme à travers le roman procédurier ; l`enquête est au premier plan, la focalisation narrative se fait sur les procédures professionnelles de cette enquête, et moins sur sa finalité. C`est une dynamique courante dans les séries policières à caractère scientifique comme Les experts82 ou encore Body of proof83.

La stratégie de cette identité visuelle est d`installer le spectateur dans l`expectative. Dans cette typologie de fiction sérielle, l`innovation narrative s'est accompagnée d'une mise à nu du corps de la victime présenté dans les plus infimes détails, parfois même invisible à l'oeil nu. La typographie illustre alors les ossements, la génétique. Le spectateur est plongé dans l'immense complexité du corps qui fascine toujours plus. L`enjeu de la typographie est de retranscrire cette volonté de mise à nu du corps humain, nous avons une double prise de position, esthétique d`une part et pragmatique

d`autre part.

79 R.ANDRIAMANANTENASOA, La symbolique des formes, couleurs et polices en vue de la création d?un logo, 16.02.2015, disponible sur http://www.newave.be/blog/2015/02/la-symbolique-des-formes-couleurs-et-polices-en-vu-de-la-creation-dun-logo/ [consulté le 15.05.2016].

80 I. COUSSERAND, Le petit livre des couleurs, Communication et organisation, 21.06.2012, disponible sur http://communicationorganisation.revues.org/3500 [consulté le 16.05.2016].

81 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Paris, Ellipses, 2011, p. 380.

82 Les Experts est une série télévisée américaine illustrant les enquêtes d`une équipe de criminalistique créée en 2000.

83 Body of proof est une série télévisée américaine racontant les enquêtes d`une femme médecin légiste diffusée depuis 2011.

85

3.2.3. LE GENRE POLICIER DU

POLAR ILLUSTRÉ PAR LA

FICTION SÉRIELLE

CRIMINAL MINDS

86

87

Le genre policier du polar illustré par la fiction sérielle Criminal minds

Depuis 2005, la série télévisée Criminal minds raconte comment une équipe de profiler du FBI démasque les innombrables serials killer qui semblent peupler les États-Unis. À l`aide non pas des sciences « dures », mais des sciences humaines ; psychologie, sociologie, victimologie, géographie, anthropologie, etc. Cet aspect « littéraire » de la série est accentué par une citation d`auteur (scientifique, homme politique, écrivain, philosophe) qui ouvre et ferme, chaque épisode et commente ce qui s'est déroulé. Criminal minds illustre une équipe d'élite de profileurs du FBI qui analysent les esprits criminels les plus tordus du pays, anticipant leurs prochains mouvements avant qu'ils ne frappent à nouveau.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie utilisée appartient à la famille des linéales ; celles-ci possèdent une apparente neutralité. Elles permettent de faire prévaloir le contenu textuel sur sa forme. Aucun empattement n`est présent et les pleins et les déliés sont peu contrastés pour une lisibilité optimale. Les caractères de cette police bold sont uniquement en capitales, cela permet de transmettre des valeurs de sérieux et d`importance, pour optimiser l`impact du message à transmettre. Il y a des différences de taille de police, le nom de la série prédomine sur les autres éléments textuels. De plus, un élément iconique vient mettre un point au titre, une forme rectangulaire de couleur rouge. En matière de choix chromatique, on observe une alternance de rouge et de blanc, le rouge faisant ressortir les caractères, toujours dans une dynamique de mise en avant.

Plan du contenu

La police bold en capitales et linéale met l`accent sur l`aspect procédurier de la fiction. Une forme de sérieux en lien avec la justice transparaît notamment à travers la mise en forme de l`identité visuelle de Criminal Minds. Celle-ci rappelle le format habituellement utilisé pour les cartes de visite. En effet, on présente la série comme une entreprise qui vend un service en étroite collaboration avec de véritables professionnels. Il apparaît alors plusieurs informations complémentaires comme la localisation « quantico » l`appellation du service « FBI » et leurs profils professionnels « unité d`analyse du comportement humain ». Par ailleurs, c'est en cela que se distingue la série, Criminal Minds est un travail d'équipe, les enquêteurs fonctionnent de manière coordonnée et synchronisée comme s`ils étaient les organes d'un même corps. Chaque membre de cette unité d'élite possède sa propre personnalité, son histoire, mais aussi sa spécialité. Ils sont dépendants les uns des autres et leurs résultats dépendent aussi de cette complémentarité.

Les policiers aiment s`identifier à travers un logotype qui symbolise leur service, comme l`esquisse d`une philosophie en toile de fond de chaque affaire criminelle réussie. La forme iconique vient corroborer cette idée. En effet, la symbolique du rectangle qui possède des caractéristiques similaires au carré évoque la construction humaine. « Cette forme véhicule la notion d`entreprise, de

88

Le genre policier du polar illustré par la fiction sérielle Criminal minds

fabrication humaine et le sérieux. Le carré a tendance à refléter des idées/actions structurées, organisées »84.

D`autre part, le choix d`une police en partie rouge vient rejoindre la thématique abordée par la série, soit les meurtres, les victimes, mais aussi l`enquête et la justice rendue à travers la symbolique du blanc. « Avec le noir et le rouge, il compose même la base du système antique des couleurs. Il s'oppose peu à peu au rouge qui symbolise la guerre alors qu'un drapeau blanc agité signifie une demande de paix lors de la guerre de Cent Ans... Le blanc possède un symbolisme solidement ancré dans le temps et quasi universel avec l'innocence, la lumière divine ou la pureté... le blanc représente le cycle de la vie »85.

Niveau fonctionnel

À travers cette typographie, on met en avant la dimension intellectuelle de la fiction. En effet, « les années 2000 ont été pour les séries procédurales celles du triomphe de la science. Après des décennies pendant lesquelles le flair, l'intelligence, la force de la déduction ou la force physique ont servi à la résolution d`énigmes et à l'arrestation de meurtrier, les flics sont passés au second plan pour laisser la place aux experts en scène de crime, au légiste et aux scientifiques en général »86. L`identité visuelle est en corrélation avec l`évolution du genre policier, un enjeu pragmatique est mis en cause. En effet, la série souhaite démontrer les caractéristiques scientifiques de son équipe de profileurs, mais aussi démontrer son efficacité.

La stratégie ici engagée est d`illustrer un aspect sombre de l`humanité et un contexte social en crise comme dans le roman noir. La fiction sérielle gravite autour du mobile, on se concentre sur le coupable, la victime et les profileurs. « Le polar voit le mal dans l`organisation sociale transitoire. Un polar cause d`un monde déséquilibré, donc labile, appelé à tomber et à passer. Le polar est la littérature de la crise »87. La narration est principalement orientée sur des personnages insérés dans une société réduite à ses aspects négatifs. En revanche, l`enquête, le mode opératoire et le crime servent d`éléments de décor. Quant au mobile, il est surdéterminé par sa relation à la société. De même, la typologie des comportements a été détaillée avec force de précisions pour établir le portrait psychologique et social de tueur en série dans Criminal Minds. Ce qui est important est moins leur culpabilité que l'ensemble de comportements constitutifs de leur pathologie.

84 R. ANDRIAMANANTENASOA, La symbolique des formes, couleurs et polices en vue de la création d?un logo, 16.02.2015, disponible sur http://www.newave.be/blog/2015/02/la-symbolique-des-formes-couleurs-et-polices-en-vu-de-la-creation-dun-logo/ [consulté le 17.05.2016].

85 I. COUSSERAND, Le petit livre des couleurs, Communication et organisation, 21.06.2012, disponible sur http://communicationorganisation.revues.org/3500 [consulté le 16.05.2016].

86 P. SERISIER, M. BOUTET, J. BASSAGET, Sériescopie, Paris, Ellipses, 2011, p. 380.

87 J-P. MANCHETTE, Interview dans « Charlie mensuel n°126 de juillet 1979.

89

3.2.4. LE GENRE POLICIER DU

POLAR ILLUSTRÉ PAR LA

FICTION SÉRIELLE DEXTER

90

91

Le genre policier du polar illustré par la fiction sérielle Dexter

Dexter Morgan, le personnage principal de la série télévisée Dexter, est un personnage aussi complexe que contradictoire. Expert en médico-légal spécialisé dans l'analyse de traces de sang dans la police le jour, tueur en série la nuit. La série est inspirée du livre Ce cher Dexter de l'écrivain Jeff Lindsay devenu un best-seller en la matière. Dexter Morgan n'est pas exactement un citoyen américain comme les autres. Il porte, en effet, un lourd secret. Traumatisé dans sa plus tendre enfance par le meurtre de sa mère, il a été ensuite recueilli par un officier de police de Miami. Il se dit incapable de ressentir la moindre émotion. Incapable, si ce n'est lorsqu'il satisfait les pulsions meurtrières que son père adoptif lui a appris à canaliser. De ce fait, Dexter ne tue que les autres tueurs qui sont parvenus à échapper au système judiciaire. Dexter opère toujours avec le même mode opératoire. Il commence par choisir sa victime, il la suit et s'assure qu'elle est bien coupable d'un ou de plusieurs meurtres non punis. Il l'attire ensuite dans un lieu isolé préalablement recouvert de film plastique du sol au plafond et décoré de photos de ses victimes ou des victimes elles-mêmes. Bien que sa soif de tuer lui pèse, il parvient à mener une existence relativement normale et à sauver les apparences auprès de ses collègues, amis et petite amie.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, la typographie de la série utilise la police Soda script bold. Le titre de la fiction est en capitales et présente des pleins et des déliés légèrement contrastés du fait de sa forme fantaisie.

La typographie est mêlée à des formes iconiques, ressemblant à des tâches qui envahissent le code scripturaire. En matière de coloris, la thématique policière est encore une fois partisane du rouge.

Plan du contenu

Le choix chromatique est révélateur, il va de pair avec les formes iconiques ; soit les taches de sang puisque le protagoniste tueur en série a une double vie et sa couverture de personne lambda est un expert en tache de sang travaillant à la criminelle de Miami. En effet, Dexter Morgan, est spécialiste en traces de sang à la police de Miami le jour, tueur en série la nuit. Une routine journalière sanglante qui va dès lors prendre une couleur métaphorique, celle du crime, de la mort, de la torture, de la chair et du sang ; le rouge.

D`autre part, dans l`identité visuelle, il apparaît progressivement des taches de sang. Il y a une gradation de violence. On peut alors déceler une forme de dualité chez Dexter, un garçon sans histoire pour son entourage, un monstre sanguinaire pour ses victimes. Ces taches de sang

92

Le genre policier du polar illustré par la fiction sérielle Dexter

permettent entre autres d`attester de l`humanité du sociopathe, car il peut saigner. Tin individu aussi méticuleux que Dexter ne permettrait pas d`afficher des taches de sang négligemment réparti. Mais cette maladresse prend alors un sens si on l`a perçoit comme la preuve de la faillibilité de Dexter, de son humanité.

En outre, le caractère « T » se retrouve iconisé et évoque un indice sur le mode opératoire du criminel. En effet, celui-ci a pour arme de prédilection un couteau qu`il plonge dans le coeur de ses victimes.

Niveau fonctionnel

Pour cette série, la typographie sanglante permet une réflexion pragmatique, la thématique est claire Dexter est un meurtrier.

Cette fiction peint le portrait d`un anti héros, un tueur en série dont les victimes vont se multiplier tandis que son « mode opératoire » va être ritualisé. Tous les éléments sont surdéterminés par une approche psychologique. Il y a périodiquement focalisation sur l`assassin en train d`accomplir ses forfaits. Dexter appartient à une typologie fictionnelle policière de psychopathe comme pour les séries télévisées Hannibal ou encore Bates motel. La typographie présente alors un enjeu pragmatique en faisant transparaître le caractère du personnage principal.

93

3.2.5. LE GENRE POLICIER DU

SUSPENSE ILLUSTRÉ PAR

LA FICTION SÉRIELLE HOW

TO GET AWAY WITH

MURDER

94

95

Le genre policier du suspense illustré par la fiction sérielle how to get away with Murder

How to get away with Murder aussi appelée plus simplement Murder est une série qui retrace l`histoire d`un professeur et avocate de droit pénal. Annalise Keating, avocate de la défense, représente les criminels, des plus violents jusqu`à ceux suspectés de simple fraude. Son objectif est de faire presque tout ce qui lui est possible pour gagner leur liberté. De plus, chaque année, Annalise sélectionne un groupe d`élèves, qui se révèlent être les plus intelligents et les plus prometteurs, à venir travailler dans son cabinet en tant que stagiaires. Car apprendre auprès d`Annalise est l`occasion d`une vie. Seulement ses stagiaires vont être impliqués dans un assassinat, Annalise Keating va tout mettre en oeuvre pour leur éviter d`être inculpés pour meurtre. Ainsi, l`intrigue montre tous les stratagèmes qui garantissent d`éviter une condamnation pour meurtre.

Plan de l'expression

Sur le plan de l`expression, on remarque que cette identité visuelle est composée de deux typographies distinctes. Cette identité visuelle est délimitée en deux parties par une différence de style typographique, mais, aussi de choix chromatique.

La première partie « how to get away » en blanc, semble similaire à la police Old style Century Hotel créée par Linn Boyd Benton et Morris Fuller. Cette police à empattements permet une optimisation de la lisibilité, elle est caractérisée par des empattements triangulaires, des pleins et déliés contrastés appartenant à la famille des réales.

La seconde partie de l`identité visuelle en rouge, pour « Murder » rappelle la police saissant. Tin style fantaisie plutôt scriptural qui évoque une écriture rapide et agitée, voire nerveuse, du fait de ses capitales bold et de ses minuscules cinétiques. Saissant arbore une forme typographique moderne. Cette police comprend des ligatures pour donner l`impression d`une liaison entre les caractères afin de renforcer l`idée d`une pratique scripturale et authentique.

96

Le genre policier du suspense illustré par la fiction sérielle how to get away with Murder

Plan du contenu

Sur le plan du contenu, la première partie de l`identité visuelle « how to get away » possède un aspect dactylographié. Tin style typographique propre à ceux utilisés dans les romans. Ceci démontre que la fiction va raconter une histoire digne d`un roman policier, l`histoire d`un crime. Au fil des épisodes, le suspense avance tandis que l`étau se resserre autour du meurtrier.

La couleur blanche utilisée pour cette police évoque la mort liée à l`intrigue de la série, qui consiste à échapper à une condamnation pour meurtre. La typographie à empattements rejoint cette idée en usant de caractères utilisés par la presse, l`identité visuelle amorce une mise en garde ; celle de figurer fait dans la rubrique faits divers.

La seconde partie du titre de cette série télévisée interpelle par son aspect calligraphique à l` opposé de la police précédemment utilisée.

Pour « Murder », la couleur rouge est en corrélation avec le sujet, soit le meurtre et le sang. La typographie composée d`un style scripturaire évoque une forme de signature et fait référence au commendataire, mais, surtout au crime en lui-même. On donne ainsi un nom à la situation afin d`éviter toute ambiguïté ; c`est un meurtre.

Niveau fonctionnel

La stratégie de ce double choix typographique est de mettre l`accent sur la préoccupation principale, voire obsessionnelle, de cette fiction sérielle qui est de couper le fil qui relie le crime au meurtrier. Cette rupture entre meurtre et meurtrier est illustrée à travers ce dégroupement typographique.

L`enjeu typographique est d`ordre esthétique, il tend à provoquer un choc visuel de par la différence des typographies et des choix chromatiques totalement éloignés. La typographie illustre parfaitement l`intrigue de la série, soit le crime ou comment commettre le crime parfait.

97

3.3. VERS UN SYSTÈME

TYPOGRAPHIQUE PROPRE

AUX SÉRIES TÉLÉVISÉES

POLICIÈRES

98

Vers un système typographique propre aux séries télévisées policières

De nombreuses fictions sérielles souhaitent faire des promesses en matière de scenarii à travers leur identité visuelle, des promesses qui restent difficiles à dépeindre explicitement.

Il est cependant possible d`y faire référence en recourant adroitement à des perceptions collectives relatives aux couleurs, formes, textures, motifs ou tout autre dispositif perçu comme universel ou propre à une certaine culture. Pour obtenir une représentation iconique efficace d`un concept de fiction abstrait, le concepteur doit être compétent en symbolisme, en iconographie et en conventions culturelles.

À travers ce corpus d`identité visuelle du genre policier, nous avons pu remarquer que certains codes et usages comportent des similitudes.

En effet, à plusieurs reprises, les typographies sont couplées à des éléments iconiques de formes géométriques pour évoquer l`ordre, la rigueur et le contexte policier. La symbolique de cette typologie de forme géométrique fait transparaître des actions structurées et bien souvent un travail en équipe, un format représenté dans les fictions policières.

D`autre part, il y a une omniprésence de caractères linéaires pour appuyer un aspect érudit et moderne afin de mettre en avant les capacités des enquêteurs, ceci dans l`objectif de se rapprocher de la conception de la réalité et de s`éloigner de la « fiction ».

Sous
catégories
du genre
policier

Séries
télévisées

Choix
chromatique :
rouge

Polices
graisses

Présence
d`éléments
iconiques
géométriques

Typographies linéales

Typographies scripturales

Énigme

Mentalist

X

X

X

X

 

Énigme

Bones

 
 

X

X

 

Noir

Esprits
criminels

X

X

X

X

 

Noir

Dexter

X

X

 

X

 

Suspense

Murder

X

X

 
 

X

99

Vers un système typographique propre aux séries télévisées policières

Par ailleurs, les typographies du corpus policier usent de capitales monumentales et de polices bold. Des choix qui permettent d`évoquer un message impactant, mais aussi d'illustrer un besoin d`estime assouvi de la part des enquêteurs qui représentent quelque chose de supérieur ; les forces de l`ordre.

En termes de choix chromatiques, le rouge prédomine, sans doute pour évoquer le fil conducteur qui relie les enquêteurs à l`enquête soit le crime. La couleur rouge, fais gage d`impact visuel, car elle fait ressortir les caractères et attire ainsi l`attention. Celle-ci possède une fonction référentielle au contexte, au référent.

Pour conclure, notre analyse du corpus policier prouve que de la trame narrative va être déterminante dans la forme typographique adoptée par l`identité visuelle. En effet, le genre fantastique privilégiait l`excentricité, le genre policier est davantage réaliste et pragmatique tant dans sa trame narrative que dans ses choix typographiques. Nous l`avons vu, des polices linéales, des graisses et des formes géométriques ; les typographies évoquent la rigueur assimilée au contexte policier.

En définitive, les analyses sémiotiques de la forme textuelle des titres de fictions sérielles évoquées démontrent le pouvoir typographique et sa capacité à enrichir la signification.

100

4. CONCLUSION

101

Si à l`origine la typographie était exclusivement réservée à servir la mise en page, c`est un art qui est couplé à l`art cinématographique/sériel pour optimiser son pouvoir et son impact interprétatif. Dans un environnement hautement concurrentiel où l`art du spectacle est prépondérant, la typographie tend à hisser la série télévisée au rang de marque. En effet, la perception du public dépend de l`image de marque et celle-ci doit être porteuse d`un message et de valeurs et adopter un positionnement. En véritable produit marketing la série télévisée doit servir une copy stratégie complète, la promesse à ses téléspectateurs, la preuve, le bénéfice et le ton. Cette évolution marketing intégrée à l`industrie cinématographique a mis du temps pour concevoir la forme textuelle comme un vecteur de valeurs et de connotations. Selon John Halas, un réalisateur hongrois, celle-ci aurait mis 50 ans pour « admettre l`utilité des arts graphiques dans la production de films... Auparavant, la cohérence visuelle des supports liés à la promotion du film n`était pas primordiale pour les productions... L`intervention de la publicité dans la création même de la forme filmique deviendra pourtant inéluctable, c`est une idée nouvelle, imposée par la prolifération du marché »88.

La cohérence graphique est un usage important dans les séries télévisées, car c`est une production récurrente tout comme les acteurs que l`on peut associer typographiquement à la série dans le générique ce qui renforce l`identification. La typographie de série devient alors un moyen de différenciation cohérent, pour sa récurrence à chaque début d`épisode. Ces logos sont gage de « qualité d`une expérience cinématographique qui se destine à être renouvelée. « S'ils adaptent leurs formes pour se fondre dans la diégèse de la série, c`est pour mieux faire partie du spectacle et en acquérir l`aura... aborder le texte au cinéma, c`est le replacer dans un contexte : une expérience temporelle cadrée et composée de multiples signaux en interaction. Le dessein des caractères a la capacité d`influencer radicalement la perception du texte, mais aussi des images et des sons. Dépassant les limites de l`écran, la typographie participe tant à la forme qu`au fond du message filmique. Elle offre aux réalisateurs et designers un champ de possibilités fascinant »89.

C`est un fait, nous sommes dans un environnement en perpétuelle mutation rythmé par l`avant-garde et les nouvelles technologies. Les techniques de communication ayant évolué, l`industrie filmique se doit de s`armer des mêmes techniques publicitaires que les marques. Aujourd`hui, les séries télévisées conservent les mêmes caractères typographiques sur leur multiplicité de supports pour permettre une reconnaissance immédiate portée par la cohérence. Cette cohérence permet au public d`identifier la série télévisée comme un tout, une unité voir une communauté ; et cela dans une perspective de mémorisation et de fidélisation liée à l`assouvissement d`un besoin d`appartenance.

88 L. ORIENT DUTRIEUX, Typographie et cinéma, Gap, Atelier Perrousseaux éditeur, 2015, p. 107.

89 Idem p. 113.

BIBLIOGRAPHIE

102

103

Bibliographie :

BARTHES.R, Rhétorique de l'image, Communications, 1964.

BUYSSENS. E, Les langages et le discours, Bruxelles, Office de publicité, 1943.

CASTEX. P. G, Le Conte fantastique en France de Nodier à Maupassant, Paris, Corti, 1951.

COURTES. J, Analyse sémiotique du discours de l'énoncé à l'énonciation, Paris, Hachette, 1991.

DESNOS.R, « Musique et sous-titres », Cinéma, André Tchernia, Paris, Gallimard, 1966.

DUNCAN HARRIS.A, op.cit.,pp.7-8 c

FLOCH J-M, Identités visuelles, Paris, Puf, 2e édition, 2010.

FLOCH J-M, Sémiotique marketing et communication, Paris, Puf, 4e édition, 2003.

HEALEY.M, Logos et identités visuelles, Dunod, 2011.

HEBERT. L, GUILLEMETTE. L ; Intertextualité, interdiscursivité et intermédialité, Canada, Presses de

l'Université Laval, 2009.

JAKOBSON. R, Le modèle des fonctions du langage de Jakobson, Paris, Éditions de Minuit, 1963.

KLINKENBERG. J. M, Précis de sémiotique générale, Paris, Seuil, 1996.

LEWIS. C, WALKER. P, Typographic Influences on Reading, British Journal of Psychology, 1989.

LEWIS. D, The Brain Sell, Nicholas Brealey Publishing, Londres, 2013.

MANCHETTE. J.P, Interview dans « Charlie mensuel n°126 de juillet 1979.

MARICH.R, Marketing to moviegoers, Southtern Illlinois Univesity Press, Carbondale, 2013.

MARIGNY. J, La fascination des vampires, Klincksieck, 2009.

MASLOW. A, L'accomplissement de soi, Paris, Eyrolles, 2004.

MITCHELL.R, Everything You Wanted To Know About American Film Company Logos But Were Afraid

To Ask

ORIENT DUTRIEUX. L, Typographie et cinéma, Gap, Atelier Perrousseaux éditeur, 2015.

PASTOUREAU. M, Dictionnaire des couleurs de notre temps, Paris, Bonneton, 1999.

RAULT. D, Guide pratique de choix typographique, Paris, Perousseaux, 2008.

SADOUL. J, Anthologie de la littérature policière, Paris, Ramsay, 1980.

SERISIER. P, BOUTET. M, BASSAGET. J, Sériescopie, Paris, Ellipses, 2011.

SHAUGHNESSY.A, Graphic Design : A user's manual, Laurence King, Londres, 2009.

SIEGRIST. J. C, Classification des caractères, Eracom, 2008.

THIBAUDEAU. F, Manuel de typographie moderne, Paris, Bureau de l`Édition, 1924.

TODOROV. T, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970.

TODOROV. T, « Typologie du roman policier », Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1980.

104

Sitographie :

ALOUI. A, « Internet et la définition de la fiction télévisuelle sérielle », Communication [En ligne], Vol. 27/2 | 2010, 31.07.2012, disponible sur http://communication.revues.org/3199 , [consulté le 02.06.2016].

ANDRIAMANANTENASOA. R, La symbolique des formes, couleurs et polices en vue de la création d'un logo, 16.02.2015, disponible sur http://www.newave.be/blog/2015/02/la-symbolique-des-formes-couleurs-et-polices-en-vu-de-la-creation-dun-logo/ [consulté le 15.05.2016].

COUSSERAND. I, Le petit livre des couleurs, Communication et organisation, 21.06.2012, disponible sur http://communicationorganisation.revues.org/3500 [consulté le 16.05.2016].

DENIS. E, Qu'est-ce que le « Fantastique », disponible sur

http://www.devildead.com/indexdossier.php3?langage=1&maindossier=21&page=18 [consulté le 17.01.2016].

FONTANILLE. J, Intermédialité : l'affiche dans l'annonce-presse, Université de Limoges, Institut Universitaire de France, disponible sur http://www.unilim.fr/pagesperso/jacques.fontanille/articlespdf/visuel/Intermediaannonceaffic he.pdf [consulté le 01.06.2016].

GAVARD. E, Pour la série Versailles, tout est dans le logo, 03.11.2015, disponible sur http://www.strategies.fr/actualites/marques/1027079W/pour-la-serie-versailles-tout-est-dans-le-logo.html [consulté le 16.01.2016].

GLEDHILL. R, King and Country Creates Bold and Iconic Logo for History Channel`s Epic

Vikings? Series, 20.03.2013, disponible sur http://adland.tv/adnews/king-and-country-creates-bold-and-iconic-logo-history-channel-s-epic-vikings-series/136373966 ,[consulté le 02.01.2016].

GREENE. L, Relationships and how to survive them, L'Éternel Triangle, CPA Press, London, 1999, disponible sur http://www.astro.com/astrologie/intrianglef.htm [consulté le 16.04.2016].

KLAUBER. V, « DIÉGÈSE, poétique », Encyclopædia Universalis, disponible sur http://www.universalis.fr/encyclopedie/diegese-poetique/ [consulté le 11.04.2016].

105

LANGLAIS. P, Tom Fontana, «Avec Borgia?, j'ai compris que chaque culture voit les séries différemment», 15.09.2014, disponible sur http://www.telerama.fr/series-tv/tom-fontana-avec-borgia-j-ai-compris-que-chaque-culture-voit-les-series-differemment,116672.php [consulté le 22.02.2016].

LOUBET DEL BAYLE. J.C, Typographie et Civilisation, « Classification Vox », 2006, disponible sur http://caracteres.typographie.org/classification/vox.html , [consulté le 15.02.2016] .

POULOT. C, Helvetica, la petite robe noire de la typo, 13.10.2007, disponible sur

http://www.lemodalogue.fr/2007/10/helvetica-la-petite-robe-noire-de-la-typo/ [consulté le 05.05.2016].

ROBB. A, How Capital Letters Became Internet Code for Yelling, And why we should lay off the all-caps key, 17.04.2014, disponible sur https://newrepublic.com/article/117390/netiquette-capitalization-how-caps-became-code-yelling [consulté le 03.05.2016].

THIERS. B, « Penser l`image, voir le texte. L`intermédialité entre histoire de l`art et littérature », La Vie des idées, 29.06.2012. ISSN : 2105-3030, disponible sur : http://www.laviedesidees.fr/Penser-l-image-voir-le-texte.html [consulté le 01.06.2016].

VENEFICA. A, Celtic Meaning of the Willow Tree, disponible sur http://www.whats-your-sign.com/celtic-meaning-willow-tree.html [consulté le 02.05.2016].






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe