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Jeux, enjeux et contraintes des grandes puissances au cours du printemps arabe. Le cas des membres du CSNU.

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par Ange Joachim MENZEPO
Université de Dschang-Cameroun - Master en Sciences politiques 2015
  

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DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX ET CONTRAINTES STRUCTURANT LES ACTIONS ET INTERACTIONS DES GRANDES PUISSANCES

Dans une relation organisationnelle, chaque acteur dans le jeu est libre et veut faire prévaloir ses intérêts, gagner, satisfaire ses objectifs, défendre ses ressources. L'on se retrouve au coeur d'« une situation dans laquelle chaque acteur se comporte stratégiquement dans la perspective d'atteindre son ou ses objectifs en présence d'autres acteurs qui se comportent exactement de la même manière »551(*).

C'est dans cette logique d'interdépendance que les grandes puissances interviennent au cours du printemps arabe. Dès lors, la participation de ces acteurs internationaux dans une crise locale est sous-tendue par une diversité d'enjeux (chapitre III). Cependant, en fonction de ces enjeux, ces acteurs font face à « des éléments de fait et des données qui vont être défavorables à la progression de leurs objectifs »552(*) . Il s'agit là des contraintes auxquelles ils sont soumis (chapitre IV).

CHAPITRE III 

UNE INTERVENTION SOUS-TENDUE PAR DES MULTIPLES ENJEUX

Les grandes puissances qui interviennent au cours du printemps arabe suivant les différentes logiques (unilatéralisme, bilatéralisme ou multilatéralisme), agissent dans un contexte d'interdépendance stratégique553(*) où ils se comportent en acteurs stratégiques, c'est-à-dire « des acteurs empiriques dont les comportements sont l'expression d'intentions, de réflexions, d'anticipations et de calculs et ne sont en aucun cas entièrement explicables par des éléments antérieurs »554(*). Ce qui signifie que ceux-ci recouvrent des enjeux (spécifiques ou collectifs) qui structurent les interactions entre les acteurs. L'appréhension de ces enjeux nécessite une compréhension explicative, c'est-à-dire la détermination par interprétation de la motivation, du « sens visé » par les différents partenaires555(*) .

Pour J. ROJOT, « les acteurs ont toujours des objectifs. Il n'y a pas d'acte gratuit, le comportement de chacun dans une situation interactionnelle est toujours orienté vers des buts précis. En d'autres termes, le comportement humain est stratégique. Chacun est actif dans une direction qu'il suit vers ses propres objectifs »556(*). Autant il est vrai que J. ROJOT parle dans son texte des êtres humains qu'il est également vrai que cette affirmation peut être transposée à la réalité des Etats. Dans ce sens, on peut affirmer que le comportement des Etats est stratégique. Chaque Etat est actif dans une direction qu'il suit vers ses propres objectifs.

Ainsi, dans leurs interactions, les grandes puissances sont mues par des enjeux qui structurent leurs actions. Ces enjeux peuvent être soit manifestes (section I) soit latents (section II).

SECTION I : LES ENJEUX MANIFESTES

Selon J. ROJOT, les enjeux manifestes sont « ceux que l'acteur avance pour expliquer son action »557(*). L'intervention des grandes puissances au cours du printemps arabe révèle une diversité d'enjeux. Selon que les puissances étaient pro ou anti-intervention étrangère, elles sont guidées par des enjeux différents. Nous nous attèlerons à présenter les enjeux poursuivis par les puissances très actives (Paragraphe I) puis suivra la présentation de ceux poursuivis par les moins actives (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES ENJEUX POURSUIVIS PAR LES PUISSANCES TRES ACTIVES.

Que ce soit la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, les buts de leurs interventions individuelles ou collectives sont doubles : la protection des civils (A), et l'instauration de la démocratie dans le Maghreb (B).

A. La protection des civils.

La protection des civils a été mise en avant pour justifier l'intervention des grandes puissances dans le printemps arabe.

La protection des civils en Libye comme enjeu poursuivi par les grandes puissances dans ce pays relève de la quintessence même de la résolution 1973 du CSNU qui en son article 4 dispose que « le Conseil de Sécurité autorise les Etats Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre national ou dans le cadre d'organisme ou d'arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les populations et les zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe libyenne y compris Benghazi (...) ». Il s'agit de l'ingérence humanitaire que Charles ROUSSEAU définit comme « l'action exercée par un Etat contre un gouvernement étranger dans le but de faire cesser les traitements contraires aux lois de l'humanité qu'il applique à ses propres ressortissants »558(*).

La crainte des Occidentaux étant de se voir reprocher une non-assistance à peuple en danger, non seulement à l'heure des premières représailles contre l'opposition, mais aussi dans la suite du conflit qui peut, tant que M. KADHAFI n'a pas perdu, réellement détruire le pays et le conduire à un éclatement tribal qui l'empêcherait de pouvoir se reconstruire un jour559(*). La France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis se sont appropriés cet article et l'ont abondamment réitéré dans leurs discours tout au long de la crise libyenne. C'est ainsi qu'afin de renouveler cet engagement, le premier ministre britannique D. CAMERON au cours de sa visite à Benghazi en septembre 2011 a pu rappeler que « le mandat de l'OTAN se poursuivra jusqu'à ce que les civils soient protégés et le travail accompli »560(*). Aussi, les Etats-Unis seraient, même seuls, garants de la paix dans le monde et de la prévention des conflits561(*). Cette réalité énoncée par COURMONT Barthélémy, NIQUET Valérie et NIVET Bastien nous permet de nous rendre compte de ce que cet objectif est traditionnel aux Etats-Unis.

Les présidents N. SARKOZY et B. OBAMA l'ont réaffirmé à Deauville. En marge du sommet du G8 de mai 2011, ils avaient en l'occurrence déclaré que « la réalisation du mandat de l'ONU portant sur la protection des civils libyens ne pourra pas être complétée tant que KADHAFI cible ses armes contre les populations civiles sans protection »562(*).

Aussi, lors d'une tripartite France-Grande-Bretagne-Etats-Unis, les présidents N. SARKOZY et B. OBAMA et le premier ministre D. CAMERON réaffirmant leur engagement militaire en Libye n'ont pas manqué l'occasion de répéter le mobile de celui-ci en ces termes : « aux termes de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, notre devoir et notre mandat sont de protéger les civils »563(*).

Il convient de préciser que cet objectif a été évoqué par le gouvernement français pour justifier sa forte implication dans le processus ayant abouti à l'adoption de la résolution 1973. Alain JUPPE avait alors précisé « nous ne pouvons abandonner à leur sort des populations civiles victimes d'une brutale répression »564(*) . Devant l'assemblée nationale française, cette position a été ravivée : « nous ne conduisons pas une guerre contre la Libye, mais une opération de protection des populations civiles, une opération de recours légitime à la force, placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies. Nos objectifs sont précis et ils sont, je veux le dire solennellement ici devant vous, strictement conformes aux paragraphes 4 et 6 de la résolution 1973»565(*).

Davantage les Etats-Unis ont placé cette intervention dans un cadre de devoir. En effet, les Etats-Unis sont des habitués de ce genre d'interventions dites de « protection » des droits humains. On les a vus au Kosovo, en Irak, en Somalie. « La liberté constitue un pilier de la société américaine »566(*) . A cet égard, les Etats -Unis pensent être le gardien du monde. Pour John Fitzgerald KENNEDY567(*), « la cause de l'humanité est la cause de l'Amérique. (...) Nous sommes responsables du maintien de la liberté dans le monde »568(*). Théodore ROOSEVELT avait déjà eu à préciser que « l'Amérique peut se voir forcée, bien qu'à contrecoeur, dans des cas flagrants d'injustice ou d'impuissance, à exercer un pouvoir de police internationale »569(*). L'intervention au cours du printemps arabe s'inscrit dans la logique de ces propos puisque, au moins officiellement, ils y sont intervenus pour protéger les libertés.

Il existe une idée de messianisme chez les Américains570(*). Cette idée se vérifie allègrement dans les propos de Woodrow WILSON lorsqu'il déclare « l'Amérique est la seule nation idéale dans le monde. (...) L'Amérique a eu l'infini privilège de respecter sa destinée et de sauver le monde. (...) Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice. (...) Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté »571(*). John Fitzgerald KENNEDY déclarait en son temps «  nous appuierons n'importe quel ami et nous nous opposerons à n'importe quel adversaire pour assurer la survivance et la victoire de la liberté »572(*).

L'intervention américaine pour cause de défense des populations civiles attaquées, afin de leur donner la liberté, est donc le fruit de leur culture. Toutes les puissances impliquées dans l'intervention en Libye n'ont pas hésité à répéter le but dans une perspective de « répétez, répétez, il en restera toujours quelque chose »573(*), ceci pour se justifier.

En Tunisie comme en Egypte d'ailleurs c'est la violation des Droits de l'Homme par les gouvernements en place au cours de la crise manifestée par une répression des manifestants qui a amené les grandes puissances à faire pression sur les dirigeants afin que celle-ci cesse. Nous pouvons par exemple rappeler l'intervention des Etats-Unis auprès de l'armée égyptienne574(*) afin que celle-ci permette des manifestations sans incidents.

Tout compte fait, la protection des civils a été l'enjeu premier de l'intervention des grandes puissances, dans le Maghreb, placé sous le signe de la R2P575(*). Toutefois, ce n'est pas l'unique.

* 551 LAMBORN (C.A.) /LEPGOLD (J.), op. cit., p. 485.

* 552 ROJOT (J.), op.cit, p. 220.

* 553 FRIEDBERG (E.), op. cit., p. 25.

* 554 Ibid.

* 555 Pour en savoir plus sur la méthode compréhensive, voir Max WEBER, Economie et société 1. Les catégories de la sociologie, Paris, Plon, 1995, p28-52.

* 556 ROJOT (J.), op.cit, p. 217.

* 557 ROJOT (J.), op.cit, p. 127.

* 558 ROUSSEAU Charles, Droit international public, Paris, Sirey, Tome IV, 1980, P.49.

* 559 DELAGE Caroline, « La Libye, la France, l'OTAN : un triangle complexe aux enjeux multi scalaires », Lycée Docteur Lacroix, Narbonne avril 2011.

* 560 Cameroon Tribune 16 septembre 2011, p. 30.

* 561 COURMONT (B.) et al., op. cit., p. 42.

* 562 Déclaration à la presse du Président SARKOZY et du Président OBAMA, Sommet du G8 à Deauville, 27 mai 2011.

* 563 Tribune conjointe du Président SARKOZY, du Président OBAMA et de M. CAMERON, op.cit.

* 564 Ibid.

* 565 Déclaration du chef gouvernement français à l'Assemblée nationale, 22 mars 2011.

* 566 NGUYEN (E.), op.cit., p. 21.

* 567 John Fitzgerald KENNEDY est président des Etats-Unis de 1961 à 1963.

* 568 John Fitzgerald KENNEDY cité par NGUYEN (E.), op.cit., p. 7.

* 569 Théodore ROOSEVELT cité par NGUYEN (E.), op.cit., p.18.

* 570 ZANG Laurent, «Le messianisme dans la politique étrangère américaine : entre destin manifeste et dessein implicite » dans PONDI (J.E.) (dir.), Une lecture africaine de la guerre en Irak, Paris, Maisonneuve et Larose/ Afrédit 2003.

* 571 Woodrow WILSON cité par NGUYEN (E.) op.cit.

* 572 John Fitzgerald KENNEDY cité par NGUYEN (E.), op.cit., p. 67.

* 573 Joseph GOEBBELS cité par DOUNKENG ZELE Champlain, Cours d'Analyse du Discours Politique, Master II Science Politique année académique 2011-2012.

* 574 Voir chapitre 1 de ce travail.

* 575 Responsabilité de Protéger.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery