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Le processus décisionnel dans la politique étrangère du cameroun: le cas du recours au règlement judiciaire dans le conflit de Bakassi


par Zoulica RANE MKPOUWOUPIEKO
Institut des Relations Internationales du Cameroun/Université de Yaoundé II - Master en Relations Internationales 2011
  

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Section 2 : Les atouts de la voie judiciaire

L'option judiciaire avait plusieurs atouts210. Le Cameroun était assuré par le biais de cette voie d'avoir non seulement une solution définitive, mais encore, la solution la plus objective possible basée sur le droit211 (Paragraphe 2). Qui plus est, il existait des conditions qui permettaient aux autorités de Yaoundé d'être sûr d'atteindre l'objectif fixé en faisant recours à la C.I.J.212 (Paragraphe 1).

Paragraphe 1 : L'existence de conditions favorables

La décision de recourir au règlement judiciaire n'aurait pas été envisageable si le Nigeria n'avait pas souscrit des années auparavant à la clause facultative de juridiction obligatoire213. L'existence de cette déclaration offrait la possibilité au Cameroun d'attraire unilatéralement le voisin occidental devant la C.I.J. (A). Cette option lui était d'autant plus favorable que, les autorités Camerounaises pouvaient se prévaloir devant la Cour d'arguments juridiques pertinents à propos de la « camerounité » de la péninsule de Bakassi (B).

209 Narcisse MOUELLE KOMBI, 1996, op. cit., p. 187.

210 En effet, il convient de rappeler que l'un des principes fondamentaux de la politique étrangère du Cameroun est le règlement pacifique des différends, au rang desquels on retrouve le règlement judiciaire.

211 Entretien avec le Professeur Maurice KAMTO, Co-agent du Cameroun devant la C.I.J., Ministre délégué auprès du Ministre de la Justice, Garde des sceaux, et Chef de la Délégation camerounaise au Comité de mise en oeuvre de l'Accord de Greentree, Yaoundé, le 24 juin 2011.

212 Entretien avec le Professeur Joseph OWONA, Secrétaire Général de PRESICAM à l'époque de la prise de décision, Yaoundé, 29 Juillet 2011.

213 La C.I.J. ne peut connaître d'une affaire que si les Etats en cause ont consenti à être partie à cette affaire devant elle (principe du consentement). Le consentement des Etats peut s'exprimer de trois manières : par compromis ; par le biais de traités comportant des clauses stipulant que les litiges sur l'interprétation ou l'application du traité en question seront soumis à la Cour ; et par déclaration unilatérale (Voir Département de l'information des Nations Unies, 2000, op. cit., pp. 27-28). (Il convient de relever que la pratique de la C.I.J. a ultérieurement consacré une quatrième voie : le forum prorogatum. C'est une acceptation non formaliste de la compétence de la Cour). Le Cameroun était conscient que le Nigeria, qui avait toujours manifesté une réticence en faveur d'un règlement judiciaire du problème, n'aurait jamais accepté la conclusion d'un compromis à l'effet d'une saisine conjointe de la Cour. Qui plus est, il n'existait pas de clause conventionnelle à laquelle le Cameroun pouvait se prévaloir pour la saisine de la Cour.

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A. La souscription nigériane à la clause facultative de juridiction obligatoire

L'article 36 paragraphe 2 du Statut de la C.I.J. stipule que les Etats parties au Statut peuvent, par déclaration unilatérale faite à n'importe quel moment, « reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur les différends d'ordre juridique ». Ce système dit de la clause facultative de juridiction obligatoire, revient à créer un groupe d'Etats ayant mutuellement donné compétence à la Cour pour régler tout différend qui pourrait surgir ultérieurement entre eux. En principe, chaque Etat de ce groupe a le droit de citer un ou plusieurs autres Etats du même groupe devant la Cour214. La souscription nigériane à ladite clause était un argument crucial en faveur du choix du règlement judiciaire du conflit de Bakassi215.

En effet, en 1965, le Nigeria avait fait une déclaration qu'il n'avait assorti d'aucune réserve. Il pouvait ainsi citer ou être citer à tout moment, quel que soit le différend, par tout Etat ayant fait ou venant à faire la même déclaration. Cette information était d'autant plus positive pour le Cameroun, que le Nigeria (qui avait manifesté des réticences vis à vis du règlement judiciaire) n'aurait jamais accepté la signature d'un compromis à l'effet d'une saisine conjointe de la Cour. Toutefois, afin d'exploiter cet avantage, il était nécessaire pour le Cameroun de souscrire au plus vite à ladite clause. Car dans la pratique, il arrivait que des Etats, pour éviter d'être cités devant la Cour par d'autres avec qui ils étaient en conflit, modifient ou retirent leur déclaration. Cela a été le cas du Royaume Uni216 qui avait mit fin à sa déclaration en Octobre 1955 pour exclure un litige avec l'Arabie Saoudite ; de l'Australie qui en avait fait de même pour éviter que le Japon ne recourt à la Cour au sujet d'un différend concernant la pêche des perles. La souscription camerounaise à ladite clause le 3 mars 1994, consacrait la réunion des conditions de recevabilité d'une requête contre le Nigeria devant la C.I.J.

B. La pertinence des arguments juridiques du Cameroun

A l'époque, le Cameroun disposait d'arguments juridiques pertinents lui permettant de faire valoir la « camerounité » de la péninsule de Bakassi devant la C.I.J. Ces arguments étaient d'ordre conventionnel et factuel.

214 Département de l'Information des Nations Unies, 2000, op. cit., p. 27.

215 Entretien avec le Professeur Joseph OWONA, op. cit.

216 A l'heure actuelle, le Royaume Uni est le seul des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à avoir fait une déclaration d'acceptation de la juridiction de la C.I.J. toujours en vigueur.

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Sur le plan conventionnel, il pouvait se prévaloir de l'Accord anglo-allemand du 11 mars 1913217 établissant sans équivoque, dans ses articles 18, 19, 20 et 21, l'appartenance de la péninsule de Bakassi au territoire camerounais. L'article 20 en particulier précisait que « la péninsule de Bakassi restera camerounaise même si le cours de la rivière Akwa Yafe vient à changer d'embouchure et à se jeter dans le Rio del Rey »218. Le 12 avril 1913, le Protocole d'Obokum (autre Accord important) complétant en matière de démarcation l'Accord du 11 mars 1913 avait également été signé entre l'Allemagne pour le « Kamerun » et la Grande Bretagne pour les colonies du « Northern Nigeria » et du « Southern Nigeria ». En outre, comme le relève Martin Zachary NJEUMA, « il était spécifié qu'en cas de litige frontalier, le tracé figurant sur les huit cartes qui faisaient partie intégrante des accords (série 2240 des cartes de l'Amirauté britannique) ferait foi »219. Ces huit cartes situaient Bakassi du côté allemand, donc aujourd'hui du côté camerounais.

Après l'indépendance, le Premier Ministre Nigérian Tafawa BALEWA dans un échange de notes avec la Grande-Bretagne avait reconnu, au nom du Gouvernement Fédéral du Nigeria, toutes les obligations et responsabilités, de même que les droits et bénéfices découlant de toute Convention internationale valide qu'avait conclu le Royaume Uni pour le compte du Nigeria220. A titre illustratif, le 27 mars 1962, la Note diplomatique n°570 adressée au Cameroun par le Ministre Nigérian des Affaires Etrangères, reconnaissait que « le cours de la frontière de la Cross River à la mer, est déterminé par l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913, faisant ainsi de Bakassi une partie du Cameroun »221.

La création de l'O.U.A. en 1963 et surtout l'adoption de la Résolution 16.1 du Caire de 1964 étaient venues consolider cet état de droit. En effet, l'article III paragraphe 3 de la Charte de l'organisation panafricaine affirmait le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence indépendante. Cette Charte avait été ratifiée par le Nigeria. En outre, en 1964, le voisin occidental du Cameroun approuvait la Déclaration du Caire - prise dans le cadre de l'O.U.A. - qui consacrait le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation222.

217 Comme le relève le Dossier sur le différend frontalier de la péninsule de Bakassi, dans sa seconde édition publiée en 1998 par le Gouvernement de la République du Cameroun, l'accord anglo-allemand du 11 mars 1913, est l'instrument de référence de la délimitation et de la démarcation de la frontière entre le Cameroun et le Nigeria (p. 29). C'est précisément sur la base de cet Accord que la C.I.J. a reconnu la nationalité camerounaise de la péninsule de Bakassi.

218 Gouvernement de la République du Cameroun, 1998, op cit, p. 29.

219 Martin Z. NJEUMA, 1999, op cit, p.166.

220 Nowa OMOIGUI « The Bakassi story », [En ligne], http://www.omoigui.com, consulté le 15 avril 2011, p. 14. 221Guy Roger EBA'A, 2008, op cit, p. 71. Voir également Nowa OMOIGUI, Idem.

222 Donc l'intangibilité de la frontière méridionale entre le Cameroun et le Nigeria définit par l'Accord Anglo-allemand du 11 mars 1913, qui consacre la « camerounité » de la péninsule de Bakassi.

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Par ailleurs, de nombreux faits étaient en mesure de témoigner de la « camerounité » de la péninsule de Bakassi. Le plébiscite des 11 et 12 février 1961 faisait partie de ces faits. En effet, en 1961, Bakassi faisait partie de la fraction du British Cameroon (en l'occurrence le Cameroun méridional ou Southern Cameroons) qui avait choisi le rattachement à la République du Cameroun. Comme le montre la figure ci-dessous, la zone de Bakassi était dénommée sur la carte du plébiscite « Victoria South West ». La Grande-Bretagne et la République du Cameroun avaient signé le 30 septembre 1961 l'instrument transférant le Cameroun méridional à la République du Cameroun223. Ce plébiscite n'avait fait l'objet d'aucunes contestations nigérianes et avait été reconnu par

l'ONU224.

Carte 1 : Localités du Southern Cameroons où se sont déroulés les votes pour le référendum du 11 février 1961. Carte établie par l'ONU.

 

Source : Archives SOPECAM, Cameroon Tribune

N° 5564 Mercredi 30 mars 1994.

En outre, durant la guerre civile nigériane (1967-1970), le Général Yacubu GOWON, alors Président du Nigeria, avait sollicité et obtenu l'autorisation d'utilisation provisoire de Jabane, localité de la péninsule de Bakassi, pour surveiller le ravitaillement du port de Calabar et étouffer

223Un échange de notes similaire entre la Grande-Bretagne et le Nigeria consacrait, le 31 mai 1961, la cession au Nigeria du Cameroun septentrional, rebaptisé par la suite province de Sardauna.

224 A travers la résolution 1608 (XV) du 2 avril 1961 des Nations Unies.

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ainsi la tentative de sécession du Biafra ; ce qui prouve que, les autorités nigérianes étaient au fait de la « camerounité » de la presqu'île.

Déjà en 1972, le Dr Teslim OLAWALE ELIAS, alors Chef du corps judiciaire de la République Fédérale du Nigeria, écrivait au Ministre des Affaires Etrangères dudit pays, Okoi ARIKPO, une lettre qui réaffirmait l'appartenance de la péninsule litigieuse au Cameroun. Dans ladite lettre, il conseillait à son pays d'honorer un certain nombre de Traités signés avant son indépendance et hérités de la Grande Bretagne le 1er Octobre 1960. Selon lui, l'Accord anglo-allemand précité démontrait que la péninsule de Bakassi était camerounaise ; car, la frontière internationale passait par le thalweg du fleuve Akpa Yafe et plaçait la péninsule du côté camerounais de la frontière225. En 1998, durant le conflit de Bakassi, le Professeur Okoi ARIKPO déclarera qu' « il convient cependant de faire valoir que le traité germanique de 1913 avait clairement établi que la zone litigieuse (de Bakassi) se trouvait en territoire camerounais bien qu'elle fut en majorité occupée par des Nigérians »226.

La valeur des arguments juridiques du Cameroun aurait été diminuée si les jugements de la Cour ne disposait ni d'autorité ni d'effectivité.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote