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Quelle image le cinéma renvoie-t-il de la femme?


par Noor Ben Addi
Lycée Maria Assumpta -  2020
  

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1.5. LA REPRESENTATION DES FEMMES DE COULEURS ET SES

CONSEQUENCES.

Regardons nos classiques et réfléchissons, y'a -t-il un personnage féminin de couleur ? Nous ne pourrions pas en citer beaucoup. Les femmes et les personnes de couleurs sont déjà sous-représentées, alors imaginez les femmes de couleurs. Il est difficile de trouver une femme noire, magrébine ou issue d'autre minorité dans un film. Lorsqu'il y en a une, elle est souvent caractérisée par des stéréotypes raciaux. Nous allons parcourir ensemble les différents tropes dans lequel sont enfermées ces femmes.

Commençons avec la minorité la plus présente aux Etats Unis. Par conséquent, elle a plus de représentation que les autres. Nous allons nous pencher sur la « Strong Black Women » ou la femme noire forte. Elle a été initialement créée par les femmes noires afin de démanteler les trois autres tropes fortement réducteurs qui régnaient sur le cinéma américain. Le premier étant « The Mamy », en français, la Mama est une esclave ou une servante pour une famille blanche. Elle est toujours souriante et elle aime servir cette famille.

Suivie de près par « The Jezebel » ou Jezabél, selon l'histoire biblique, est sexuellement insatiable et elle éprouve des désirs animaux. Ce cliché a donc souvent été utilisé pour justifier les abus sexuels que les propriétaires d'esclaves faisaient subir aux femmes noires.

Arrive ensuite « The Angry Black Women » ou la femme noire en colère, représentée comme masculine, elle s'exprime fort et s'énerve vite. Ce trope reflète la peur de la société de cette colère que peut éprouver la femme noire. Ce qualificatif est utilisé à tort et à travers.

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Notamment pour la réduire chaque fois qu'elle tente de mettre la lumière sur les discriminations auxquelles elle fait face au quotidien. Ce qui la pousse à devoir supprimer ses émotions pour éviter d'être catégorisée et invalidée.

Shuri dans « Black Panther »

Vers les années 50- 60, prend place la femme noire forte en même temps que la fin de l'apartheid américain. Elle est de nature nourricière, elle aide les autres jusqu'à ignorer ses propres besoins et elle a un grand sens de la morale. Durant sa vie, elle a subi toutes sortes de traumas et a su surpasser tous les obstacles. Représentée comme femme surhumaine voire fantastique. Nous pouvons parfaitement lui appliquer le slogan « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Nous pensons donc aux femmes noires immunisées contre la peine. Alors nous n'avons pas besoin de changer le système car elle peut tout endurer et elle ira toujours bien. Cette manière de penser en plus d'être moralement fausse à de graves conséquences sur la santé mentale et physique des femmes noires. En effet, elles ont le taux le plus élevé de dépression tout en étant sous-traitées. Elles n'ont pas le même accès aux soins qu'une personne blanche. Beaucoup de médecins ont cette idée erronée, perpétuée encore plus par ce trope, que les personnes noires sont plus résistantes. Malgré cela, ce trope plait. L'audience aime voir la femme noire représentée de cette façon. La preuve, sur douze femmes noires nominées pour l'oscar de la meilleure actrice depuis la création de la cérémonie, huit l'étaient pour des rôles de « Strong Black women ». Ce trope est un second personnage qui est là pour épauler le premier rôle blanc. Son personnage n'est pas traité en profondeur ni dans toute sa complexité. Elle nous est présentée pour ce qu'elle fait et non pour ce qu'elle est. Nous ne connaissons jamais ce qui se passe dans sa vie personnelle. Finalement bien que cette représentation renvoie une bonne image de la femme noire, elle n'a pas fait beaucoup pour améliorer la condition de celle-ci.

Vers 2010, nous avons eu droit à une autre représentation beaucoup plus positive de la femme noire. « The Quirky/ Awkward Black Girl » ou la fille noire excentrique/ bizarre. Ce trope, lui aussi créé par des femmes noires, pour se libérer des trois autres tropes originels, fait son apparition avec la websérie « The Mis-Adventure of Awckward Black Girl » d'Issa Rae qui est

Issa Dee et Molly Carter dans « Insecure ,,

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d'ailleurs aujourd'hui devenue réalisatrice. Cet archétype dépeint les femmes noires de manières multidimensionnelles. Il ne les laisse plus dans le rôle de personnage solidaire au protagoniste principal blanc. Il n'est donc pas comparable au trope de la meilleure amie noire. La femme noire excentrique appartient à la classe moyenne et elle a grandi dans un quartier

majoritairement blanc. Elle sera souvent la seule personne noire de son groupe d'amis, ce qui n'exclut pas qu'il y ait quand même de la diversité. Elle a des centres d'intérêts qui ne sont pas habituellement attribués aux noirs. Elle offre une représentation plus inclusive et réaliste.

Marisa Ventura dans « Coup de foudre à Manhattan ,,

La « spicy latina », ou l'exotique femme d'Amérique latine, incarne la femme volatile et sexuelle. Elle est voluptueuse, porte des vêtements moulants et peu couvrant. Elle a des cheveux foncés, une peau olive et une bouche pulpeuse. Elle a un fort caractère, parle sans filtre, elle est bruyante. Elle représente un fantasme de l'homme blanc, américain. La rumeur est qu'elle volera ton homme juste parce qu'elle en a le pouvoir. Le mythe de la « spicy latina » a commencé dès le XIXe siècle avec le film « Carmen ». Carmen est une jeune femme libre et intense qui séduit un soldat américain. Cette passion va amener la jeune fille à le tuer. Cette image sera ensuite perpétuée avec la montée du Vaudeville et des salles de bal. Les femmes latines seront surnommées « Spicy Senoritas » ou « Hot Tamales ». Sous-entendu, qu'elles sont agréables mais douloureuses à aimer car elles ne sont pas dignes de confiance. Les grandes actrices qui ont joué ce rôle à répétition se sont retrouvées marginalisées lorsque ce personnage a cessé d'être à la mode. Elles se sont retrouvées sans autre proposition de film. Elles sont mortes jeunes, d'alcoolisme ou en se suicidant, accentuant une autre caractéristique de la « spicy latina » qui se sabote. Bien plus tard, nous avons vu apparaitre une variante de ce trope la « life changing bombshel latina ». Celle-ci, souvent issue de la classe ouvrière apparait dans la vie d'un homme blanc plus fortuné. Par exemple, sous l'apparence d'une femme de ménage invisible qui attend d'être

Rosa Diaz et Amy Santiago dans « Brooklyn 99 »

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sauvée. Elle apparait souvent en opposition avec la femme blanche de celui-ci qui est froide et fausse. Elle représente le désir de l'homme. Malgré sa personnalité imposante, la « spicy latina » est le plus souvent un second rôle, là pour encourager les autres et les inciter à se défendre eux même. Le problème de ce type de trope c'est qu'il pousse toutes les femmes d'une même origine à s'identifier à un personnage qui pose des standards impossibles. Il pousse les femmes latines à s'hyper sexualiser à un très jeune âge. Elles apporteront une forte importance à leur apparence ce qui peut provoquer des problèmes d'anxiété, de dysmorphie et d'alimentation de type anorexie et boulimie. Ils poussent aussi les hommes à les réduire à leurs corps. 77% des femmes d'origine latine déclarent avoir subi des agressions sexuelles sur leur lieu de travail. Si cette femme reste sous représentée, nous pouvons voir des évolutions quant aux rôles qui lui sont présentés comme dans « Brooklyn 99 » avec Rosa Diaz et Amy Santiago.

La « model minority » ou la minorité exemplaire, ce trope-ci vise les personnes asiatiques mais concentrons-nous sur les femmes. La « model minority » travaille dure. Elle est naturellement intelligente, souvent mal à l'aise en société. Elle suit les règles qui lui sont imposées. Mais malgré ses aptitudes, elle ne représente jamais une menace pour le premier rôle blanc. Elle lui apporte plutôt un soutien. Ce trope ne challenge pas la hiérarchie raciale et promeut l'idée erronée que le racisme peut être surmonté en travaillant dur. Ce qui offre une justification aux discriminations que peuvent subir d'autres minorités ethniques. Représentant les asiatiques comme les bons immigrés, cela créé un fossé entre ceux qui sont perçus comme des voyous, membres de gang comme les noirs ou les latinos aux Etats Unis. Malgré leur bonne image, nous constatons que ces minorités exemplaires ne tendent pas à évoluer professionnellement. Elles restent coincées sous un plafond de verre. Ce trait de soumission se retrouve chez un autre trope qui colle aux femmes asiatiques. « The Asian Hooker » ou la prostituée asiatique, celui-ci n'a aucun découlé positif sur les femmes asiatiques. Il est même

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une des causes des violentes agressions auxquelles font face les femmes asiatiques surtout aux Etats Unis dernièrement. Ce stéréotype fait son entrée dans les années 1960-1970 avec l'arrivée des forces militaires américaines en Asie. Les soldats allaient chercher du réconfort chez les femmes de ces

« Full Metal Jacket »

Devi Vishwakumar dans « Never Have I Ever »

pays en développement qui vendaient leurs corps afin de subvenir à leurs besoins. La femme asiatique est réduite à son appareil génital et tous les clichés qui l'entourent comme sa petitesse. Quarante-et-une femmes asiatiques vivants dans une société occidentale sur soixante-six ont déjà subi des violences physiques ou sexuelles par un partenaire. Il est difficile d'améliorer le trope de la prostituée asiatique. Par contre, nous avons vu une large amélioration quant à la « model minority » qui a eu droit à ses propres séries ou films. Comme dans « Never Have I Ever », où Devi Vishwakumar, le personnage principal vit sa vie de lycéenne. Même si, elle rêve d'aller à Princeton, une grande université, sa personnalité ne se résume pas à ça. Nous voyons le personnage dans toute sa complexité et contrairement à ses prédécesseurs, elle est triste, en colère et a les mêmes centre d'intérêts que les filles de son âge.

La dernière femme de couleur que nous allons passer en revue est la femme arabe/ maghrébine/ musulmane, car le cinéma occidental ne fait pas la différence entre les cultures ou la religion. Comme nous avons pu le voir avec la princesse Disney, Jasmine, où le moyen orient et la culture arabe se mélangent. Les repères spatio-temporels et identitaires sont confondus. Le seul point commun entre ces cultures est le rattachement à l'Islam. Nous remarquons que toutes ces femmes, pratiquantes ou non, tombent dans le trope de la femme musulmane opprimée. L'histoire se déroule en général de cette façon : tout allait bien, puis cette femme va rentrer dans un milieu majoritairement blanc que ce soit une école ou simplement le pays. Elle rencontre un homme blanc, si elle porte le foulard elle le retira pour

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celui-ci, si elle ne le porte pas elle se rebellera d'une autre manière. Dans les deux cas, c'est présenté comme une volonté de s'émanciper puisqu'auparavant, elle était soumise aux hommes de sa famille et sa religion. Ce trope a des conséquences directes sur notre société. Nous l'avons vu dernièrement en Belgique avec l'arrêt autorisant les hautes écoles et universités à prohiber le

Nadia dans « Elite »

port du voile. Ce qui pousse les femmes musulmanes qui ont décidé de se voiler à choisir une école, non pas en fonction de leurs études mais en fonction de la liberté d'exister. La femme musulmane oppressée permet une justification à l'islamophobie de nombreux dirigeants politiques. Ils prétendent protéger les jeunes filles de la pression familiale excluant l'idée que cela pourrait simplement être un choix religieux.

Finalement, le cinéma doit contrôler les différentes images qu'il renvoie de la femme car celles-ci ont des conséquences au quotidien. Le but n'étant jamais de supprimer ces tropes mais toujours de les nuancer et de permettre un développement aux personnages qui les incarne. Un seul cliché perpétué par le cinéma influence toute la vision d'une société sur une femme d'une certaine ethnie et dicte les comportements à adopter avec celle-ci.

DEUXIEME PARTIE

2.2.1. LE CINEMA VU PAR LES HOMMES

A ce stade-ci, nous nous demandons sûrement pourquoi les femmes sont-elles si mal dépeintes ? Pourquoi l'image renvoyée est souvent très éloigné de la réalité ? Pour faire court, la réponse est le « male gaze », traduit par le regard masculin. Ce concept a été théorisé en 1975 par l'écrivaine Laura Mulvey. Il s'agit de la manière dont l'homme va regarder puis filmer la femme comme un objet du désir. Les hommes étant plus présents à tous les niveaux du cinéma. Le regard masculin est posé comme la base, le regard neutre. Ce qui participe au renforcement de la domination masculine générale. Les personnages féminins sont regardés à travers trois visions : celle du personnage masculin, celle de l'homme derrière la caméra et

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celle du spectateur masculin. Le « male gaze » se caractérise par de longues scènes de sexe injustifiées, des plans se concentrant sur une seule partie du corps de la femme. Son corps est toujours montré avant son visage. Nous précisons que seules les femmes sont sexualisées, la caméra ne s'attarde pas sur les atouts des acteurs masculins. Les corps représentés sont toujours conventionnellement attirants ; pas de bourrelets, pas de poils ni de vergetures. Même lorsque le personnage féminin est au plus bas, elle sera toujours présentable et même maquillée. Ce qui pousse certaines femmes à mépriser leur corps qui n'atteint pas ce niveau de perfection irréaliste. Au sein d'un même film deux femmes ne seront pas filmées de la même manière, le premier rôle sera montré comme belle tandis que sa meilleure amie sera dépeinte comme banale. Un autre trait propre au male gaze est la scopophilie, le plaisir de voyeurisme. L'homme regarde la femme sans que celle-ci le voit, à travers une serrure ou grâce à des jumelles. Cela nous apprend à prendre du plaisir en objectivant les femmes. Dans cette position, l'homme à le pouvoir, cela fait partie de notre intégration de la domination masculine. Tous ces réflexes qu'ont les réalisateurs ont tendance à déshumaniser la femme.

 

Le réalisateur enchainé au male gaze est Abdelatif Kechiche qui relance le débat à la sortie de chacun de ses films. Les corps de femmes ont toujours été présents dans son travail, ils sont devenus son empreinte. Ses dernières oeuvres peuvent se résumer à une masse de courbes féminines. Nous découvrons le

Abdelatif Kechiche et Hafzia Herzi

corps de Hafzia Herzi qui effectue une danse du ventre de seize minutes dans « La Graine et le Mulet ». Puis, il y a aussi les nombreuses scènes de sexes entre Léa Seydoux et d'Adèle Exarchopoulos dans « La Vie d'Adèle ». Les deux actrices avaient critiqué les conditions difficiles de tournage. Kechiche obtient ses plans naturels grâce à la stratégie de l'épuisement. Une fois fatigués par les nombreuses prises, les acteurs ne font plus attention aux caméras et se laissent aller dans leurs jeux. Une manière de faire souvent questionnée, et sur laquelle il ne souhaite plus s'exprimer. Le deuxième reproche fait à ce film est le regard trop présent du réalisateur pour une histoire de femmes. En effet, La Vie d'Adèle raconte un amour entre deux jeunes filles et pourtant nous le regardons du point de vue de l'homme derrière la caméra. Les scènes de sexes nous mettent mal à l'aise puisqu'elles ne représentent pas vraiment deux femmes prenant du plaisir mais plutôt comment un homme voudrait les regarder. Ce « male gaze » reste omniprésent dans la suite de ses oeuvres comme avec « Mektoub My Love : Canto

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Uno », en 2017. Cette manière de filmer les femmes nous parait logique au début du film puisque nous les regardons du point de vue de Amin, le personnage principal. Pourtant, cette caméra s'éloigne de son regard tout en continuant de sexualiser celles-ci (sauf les mères) .Nous ne savons plus à qui nous identifier à part à un regard d'homme en général. Les caméras de Kechiche filment au plus près chaque mouvement des formes féminines. Trop près, c'est ce qui est reproché au second volume de la saga ; « Mektoub My Love : Intermezzo », dans lequel nous comptons une totalité de 178 plans de fesses. Il a fait beaucoup de bruit lors de son avant-première au festival de Cannes de 2019. En partie à cause de la scène de sexe oral d'une longueur de douze minutes. Ce film ne verra jamais le jour en dehors du festival. Au cours de sa carrière, Abdellatif filme de plus en plus de femmes en les sexualisant toujours plus mais refuse systématiquement de filmer le corps masculin de cette façon. Le patriarcat est toujours plus présent au point que les femmes du film ne savent plus parler entre elles, si ce n'est d'hommes. Elles sont incapables de prendre des décisions pour elles-mêmes lorsque l'une d'elle se retrouve face à une grossesse non-désirée et elles sont incapables de jouir lors de ce fameux cunnilingus. Globalement, le film représente bien le peu d'importance accordé au consentement mais n'a pas pour but d'approfondir plus que ça. Le film effleure les ennuis des femmes sans plus les développer. Beaucoup décrivait le visionnage de « Mektoub My Love : Intermezzo » comme éprouvant. Il réussit à transmettre une forte émotion d'étouffement, de malaise et d'épuisement. Est-ce que cela résulte du génie du réalisateur ou de la lourdeur des images telles qu'elles nous lavent le cerveau ?

2.1.2. L'AVENIR DU « MALE GAZE ».

Gardons l'exemple du film jamais distribué d'Abdellatif Kechiche. Les avis le concernant étaient complètement divisés entre l'ébahissement face au génie et le dégoût face à tant de misogynie. Selon les uns, la présence de tant de fesses et de seins garde un aspect esthétique et brut à l'exécution. Ses défenseurs parlent d'art radical, allant à l'encontre des règles de la bienséance puisqu'il s'agit de cinéma presque pornographique. Abdellatif dit dans la conférence de presse s'être inspiré de toutes les statues de femmes bien en chaire présentes dans Paris et du code couleur présent dans les toiles de Picasso (rouge, bleu et magenta). Ses détracteurs quant à eux s'offusquent de la violence du « male gaze », sexualisant et

Ophélie Beau

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deshumanisant les femmes. Mais surtout de la différence des prises de plans de femmes et d'hommes. Quand celles-ci sont filmées jusque dans leur intimité, nous n'apercevons pas plus que le torse d'un homme. La différence entre ces deux points de vue dépend de notre interprétation. Bien sûr que le « male gaze » est présent et il est d'autant plus dérangeant que nous ne connaissons pas les conditions de travail des actrices. L'actrice Ophélie Beau, qui recevait ce cunnilingus, n'est pas restée dans la salle lors de la projection, pour une affaire de contrat non respectée, elle n'était pas d'accord avec ce qu'elle allait voir. C'est cela qui dérange le plus.

Le « male gaze » n'est pas si détestable à condition de savoir l'identifier. Les réalisateurs et réalisatrices ont tendance à le reproduire sans même s'en rendre compte car c'est cette façon de filmer qui leur est inculquée. Cela reste une manière de voir le monde et une valeur esthétique non- négligeable dans le cinéma. Malheureusement, le « male gaze » n'est pas sans effets secondaires. Justement quels sont ces conséquences sur nos comportements ?

2.1.3. QUELLES SONT LES REPERCUSSIONS SUR NOS COMPORTEMENTS?

A force de regarder des histoires racontées d'un point de vue masculin, nous finissons par inconsciemment internaliser ce regard. Nous nous regardons sans cesse à travers un spectre et performons l'image que nous avons appris comme plaisante pour l'homme. Nous agissons comme si nous étions en permanence observés par un regard masculin. Nous sommes conditionnés à rechercher la validation des hommes puisque celui-ci à plus de valeur aux yeux de la société. Laura Mulvey dit que se détacher de ce regard de spectateur masculin et de se remettre dans sa peau de spectatrice, nous permet de prendre une distance, d'avoir un regard critique sur le film et sur cette façon sexuelle qu'ont les réalisateurs de filmer les femmes. Souvent cette distanciation laisse place à du dégoût.

La domination du « male gaze » affecte aussi les hommes lorsqu'ils vont tenter d'agir comme les personnages des films pour attirer les femmes. Les hommes les voient comme des êtres unidimensionnels et s'ils se comportent assez bien, elles tomberont amoureuses. Pourtant dans la réalité, les femmes ne réagissent pas comme les réalisateurs l'ont décidé. Elles ont d'autres priorités que l'amour ou ne sont tout simplement pas intéressées par le garçon en

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question. Ces règles d'attraction des femmes aussi été fixées par des hommes alors qu'ils sont loin d'être les principaux concernés. Ceux-ci sont aussi influencés par le « male gaze » mais au dépend des femmes. Ils vont tenter de les blesser pour impressionner les autres hommes de leur entourage. Nous nous retrouvons à devoir déconstruire ce que les médias nous ont appris surtout en terme de relation homme-femme si nous voulons avoir des rapports plus sains.

2.1.4. QUEL REGARD PORTE LA SOCIETE SUR LES ROLES FEMININS ?

 

Les femmes continuent à être sexualisées car la société aime les voir dans cette position. En 2015, sort le film « Mustang » de Deniz Gamze Ergüven, réalisatrice franco-turque. Il raconte l'histoire de cinq soeurs qui évoluent en Turquie, où à partir d'un certain âge, chacun de leur mouvement et de leur parole sont vus comme sexuels. Les

Deniz Gamze Ergüven

actrices sont très belles et ne sont pas toujours fort couvertes mais la caméra ne les sexualise jamais. Durant les interviews françaises, la réalisatrice devait sans cesse se justifier. Elle voulait éviter les étiquettes politiques car la dénonciation de la situation des femmes en Turquie n'était pas son but recherché. Elle voit son film comme un conte. Les journalistes ne semblaient pas comprendre qu'une femme puisse faire un film pour l'art. Ils pointaient sans cesse l'érotisme et la sensualité des actrices qui sont pourtant toutes mineures dans le film et certaines dans la réalité. Les chroniqueurs la coupaient lorsqu'elle parlait, la prenaient de haut, essayaient de la convaincre que seul leur vision est la bonne. Au final, il s'agissait d'un discours de sourds où on ne laisse pas la chance aux femmes de se défendre ou de s'exprimer.3 Même lorsque le film est réalisé par une femme, sans sexualiser ses actrices. Si elles rentrent dans les critères de beauté, les gens auront tendance à les érotiser et feront tout pour trouver une justification à cela. Nous pouvons comprendre par cela que nous n'avons pas besoin d'être sexy pour être sexualisée puisqu'une femme est avant tout vue comme un objet du désir.

3 (Erguven, 2015)

2.2. LE CINEMA VU PAR LES FEMMES.

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Comme nous l'avons vu dans l'historique, les femmes ont toujours été présentes dans le septième art, par déduction le regard des femmes aussi. Le « female gaze » a lui aussi été étouffé au profit du « male gaze » bien plus présent. Ce terme, comme son confrère, a été introduit par Laura Mulvey. Le « female gaze » ne doit pas forcément être créé par des femmes. Il adopte pleinement le point de vue et l'expérience du personnage féminin. Comme dans le Titanic, réalisé par James Cameron, le film est raconté d'un point de vue féminin. Le « female gaze » n'est pas là en opposition au « male gaze », il est là pour apporter une nouvelle forme de cinéma. Les spectatrices ne veulent pas que les rôles féminins remplacent ceux des hommes dans leurs histoires, elles veulent avoir les leurs, où elles sont écoutées et elles peuvent juste exister. Le « female gaze » dépend énormément de la mise en scène, les corps ne sont pas des objets fixes, ils sont en mouvement. La caméra ne se concentre pas sur une partie sexuelle comme les fesses mais joue avec les plans et nos sens. Le spectateur est actif dans son visionnage, là où dans le male gaze on lui impose le plaisir scopophile. Il va participer à l'expérience cinématographique par des techniques qui activent le regard tel que l'adresse directe à la caméra, la voix off ou encore la caméra subjective qui prend le point de vue directe de l'héroïne. Selon Iris Brey, pour savoir si un film participe au « female gaze », nous devons nous poser les questions suivantes : Est-ce que le personnage principal s'identifie en tant que femme ? Est-ce que l'histoire est racontée du point de vue du personnage principal féminin ? Est-ce que l'histoire remet en question l'ordre patriarcal ? Est-ce que la mise en scène permet au spectateur ou, à la spectatrice de ressentir l'expérience féminine ? Si les corps sont érotisés, est-ce que le geste est conscientisé ? Est-ce que le plaisir des spectateurs est produit par autre chose qu'une pulsion scopique ?

 

Récemment, nous avons vu plusieurs films réalisés avec un regard féminin. Des oeuvres comme « Insecure », « Booksmart », « Le portrait de la jeune fille en feu » et bien d'autres. Nous voyons à quel point deux histoires peuvent être racontées différemment en fonction du regard. Comme le personnage de Harley Quinn qui est présent dans « Suicide Squad », film réalisé avec un regard masculin. Puis, elle a droit à sa propre oeuvre

cinématographique dans « Birds of Prey », réalisé avec un regard féminin. Les deux interprétations sont complétement différentes. Dans « Birds of Prey », Harley Quinn a la possibilité d'être complètement elle-même, d'exprimer sa bizarrerie sans être sexualisée et d'être sujette au voyeurisme. Le « female gaze » permet aux jeunes filles de se construire par un regard de femme et non dans le but de plaire aux hommes comme le pousse le male gaze.

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Harley Quinn dans « Birds of Prey " Harley Quinn dans « Suicide

Squad "

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984