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Déforestation et dégradation de l'environnement au Cameroun 1960-2010.


par Marcel Koviel Songo
Université de Youndé I - Master en histoire 2012
  

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2 - Les besoins industriels

Les industries du secteur bois ont aussi une grande partie de responsabilité dans la déforestation au Cameroun. Beaucoup d'études indiquent que l'exploitation forestière afflige d'énormes dégâts aux forêts. L'exploitation forestière qui serait une ancienne activité économique comme l'agriculture, affectait dangereusement les forêts du pays dès leurs premières heures. Elle est dévastatrice depuis l'implantation de la société d'exploitation des essences forestières.

L'installation d'une société forestière dans une forêt d'exploitation exige l'aménagement d'un site destiné à l'habitat, d'une scierie si c'est une société de pointe, et plusieurs parcs à bois. Ces nombreux espaces exigent de la réquisition de plusieurs hectares de forêts vierges.

Le site d'habitat est l'endroit où sont implantés le ou les différents camps où doivent habiter les ouvriers et les cadres.

Dans son étude sur `'les techniques d'exploitation à faible impact en forêt dense humide camerounaise'', Luc Durrieu de Madron pose le problème de l'impact environnemental de l'implantation du site ou ce qu'il appelle campement d'une société dans une forêt. Il s'appuie sur l'implantation de la base de la société forestière et industrielle de Dimako (SFID) dans la forêt de Dimako. Il dit dont que pour cette implantation, il a fallu raser 117 hectares pour le campement et le site industriel. Le projet API au Cameroun concernant les implantations des sociétés partenaires de la SFID sont du même ordre0.

0 Ibid.

0 L. D. De Madron, E. Forni et al, Les techniques d'exploitation à faible impact en forêt dense humide camerounaise, Campus international de Baillargnet, 1998, p. 4.

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A la SFID de Mbang, 25 hectares de forêt ont été détruits pour l'exploitation d'un massif de 60 000 hectares. Au Cameroun, Lumet cite un chiffre de 0,03 à 0,1% du couvert forestier défriché pour la base vie0. Par exemple, voilà une minime partie du site d'habitat des ouvriers de la société SFIL de Deng.

Photo n°9 : Le site d'habitat des ouvriers de la SFIL

Source : Photo prise par Marcel Songo, le 21 janvier 2007.

La grandeur de ce genre de camp varie selon l'importance de la société. Autant une société est grande, autant elle a un ou plusieurs sites plus grands que celui-ci.

Par ailleurs, le site d'une scierie est l'endroit où se trouvent les machines qui servent au sciage du bois et parfois les structures bureautiques0. Comme le site d'habitat, son importance dépend aussi de la grandeur de l'entreprise. La photo suivante illustre mieux cet endroit.

0 Ibid.

0 De Madron, Forni et al, Les techniques d'exploitation à faible, 1998, p. 5.

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Photo n°10 : La Scierie de la SFIL de Deng

Source : Photo prise par Marcel Songo le 21 janvier 2007

Contrairement à l'espace réservé pour l'habitat, l'endroit où est installée la scierie n'est pas souvent aussi grand en tant que tel. Il est constitué d'un grand hangar à l'intérieur du quel se trouvent plusieurs machines servant à scier le bois0. Ce même hangar sert souvent de dépôt du bois scié. Et dans les alentours, on trouve les bâtiments de bureaux.

0 Ibid.

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Les parcs à bois sont des espaces rasés à l'intérieur des forêts qui servent à parquer le bois rond. Il existe les parcs destinés au chargement des grumiers et les parcs à bois destinés à la scierie. Une seule société peut avoir plusieurs parcs. La création de ceux-ci entraine toujours le déboisement d'un espace où les billes sont toujours stockées avant leur transport0. Ils auraient une superficie moyenne de 1000 m3. Selon une étude menée en forêt semi-décidue du Sud-Est du Cameroun, ces parcs représentent 0,3% de la surface exploitée0.

Lumet pense qu'au Cameroun, 2,5 à 5 m2 de parcs par m3 de bois exploité, soit en moyenne 30 hectares pour un chantier produisant 100 000 m3 de bois0. Quant à Steve, il cite le chiffre 2000 m2 de surface pour 100 hectares exploités pour les parcs principaux destinés au chargement des grumiers0. Ces espaces sont les plus grandes clairières créées par la société en pleine forêt. Pourtant à côté d'elles, il y a les routes, et les pistes de débardage.

Les routes sont des embranchements qui relient les parcs à la scierie et la société elle-même à la route publique. Dans la forêt d'exploitation, la société utilise souvent des centaines de kilomètres de routes pour relier ses différents sites. Par exemple lors de notre entretien avec Bernard Ndoumba, celui-ci nous confiait qu'en ce qui concerne la Transformation Tropicale du Sud (TTS), `'le tronçon qui relie le premier village des riverains le plus proche à la société est de 15 kilomètres, celui partant du camp des travailleurs à la scierie mesure 7 kilomètres et la dernière qui part de la scierie à la forêt s'étend sur 22 kilomètres''0.

Dans les études menées toujours par le projet API en forêt semi-décidue passant en deuxième ou troisième exploitation, riche en bois blanc, la largeur moyenne des pistes principales est de 16,7 mètres, la largeur en moyenne des pistes secondaires est de 8 mètres, 1,7% de la surface est occupée par les pistes principales d'après une étude de Mbolo en 19940.

Alors les routes principales et secondaires représentent en général 1 à 2% de surface perturbée. Il faut entre 5 et 10 mètres de route par hectare. Dans ce sens, Laurent et Maître en 1992 déclarent une largeur de 30 à 45 mètres défrichée0. L'image suivante présente un tronçon de cette route.

0 Ibid. p. 6.

0 Ibid. p. 9.

0 Ibid.

0 Ibid.

0 Entretien avec Bernard Ndoumba, 35 ans environs, opérateur radio à TTS, Masséa, 06 novembre 2010.

0 De Madron, Forni et al, Les techniques d'exploitation à faible, 1998, p. 5.

0 Ibid.

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Photo n° 11: Le tronçon de route reliant la scierie de TTS à la route publique (22 km)

Source : Photo prise par Marcel Songo le 18 janvier 2010.

La forêt est parsemée des tronçons de route de ce genre qui jouent un grand rôle dans le déboisemen. Kelodjoué affirme que l'ouverture d'une route nécessite le déboisement le long de celle-ci de deux bandes de forêt larges d'environ 50 mètres de part et d'autre de la route. Ainsi, la création d'un kilomètre de route forestière entraine le déboisement de 10 hectares de forêt0. L'auteur indique que cette estimation est celle de la route de Ngona-Ngossé construite par la SABM dont il a personnellement été témoin0. Un autre exemple vient des études menées par le projet API (Aménagement pilote intégré) de Dimako en forêt semi-

0 Kelodjoué, `'l'évolution de l'exploitation industrielle», 1985, p. 268. 0 Ibid.

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décidue passant en deuxième exploitation, riche en bois blanc (exploitation de 0,77% d'arbres à l'hectare soit 10,8m3/hectare), la largeur moyenne des pistes secondaires est de 8 mètres, 1,7% de la surface est occupée par les pistes principales. En forêt dense sempervirente et semi-décidue, pour une première exploitation ayant prélevé 0,35 arbres par hectare, on observe que 1,3% de la surface est occupé par les pistes0.

Les pistes de débardages sont les ouvertures à l'intérieur de l'assiette de coupe qui servent à évacuer la bille abattue par les ouvriers. L'aménagement des routes (layons, piste de débardage, routes qui relient les parcs aux scieries) est responsable à 2% de la destruction de la forêt0. Dans les études menées par le même projet API, 0,5 et 1 tige à l'hectare (5 à 15 m3/ha), 3% de la surface au sol est couvert par les pistes de débardage, soit la moitié des dégâts causés par l'exploitation0.

Hormis l'installation de la société, d'autres actes de la société pendant l'exploitation contribuent aussi à la déforestation. Au nombre de ceux-ci, l'on peut citer l'exploitation anarchique des essences, le gaspillage du bois abattu.

L'exploitation anarchique est l'expression qui désigne l'abattage des bois en marge de la réglementation. Elle peut se faire dans les limites d'exploitation ou hors de cette zone. Pour mieux comprendre le terme limite, il faut d'abord le définir dans son contexte.

Ainsi, Roger Tene parle de limite spatiale et limite temporelle. Les limites spatiales sont les espaces prévus pour l'exploitation, clairement définis pendant l'octroi du titre d'exploitation. Quant à la limite temporelle, elle est le nombre d'années de validité du titre d'exploitation0.

Dans l'exploitation anarchique à l'intérieur des limites, il s'agit des fraudes à l'intérieur de la zone cédée pour l'abattage des bois et dans les délais prévus dans le contrat d'exploitation. Elles sont quantitatives et qualitative. Pour ce qui est des fraudes au niveau de la quantité et la qualité de bois à exploiter, certaines entreprises abattent les bois au-delà des nombres et les espèces exigés. Pourtant, dans les années 1970, le nombre d'essences à abattre était précisé dans le permis. On avait par exemple le permis ordinaire et le permis spécial. Le permis ordinaire était délivré pour l'exploitation de 10 essences au maximum0.

0 Ibid.

0 Verbelen, `'Exploitation abusive des forêts», 1999, p. 17.

0 De Madron, Forni et al, Les techniques d'exploitation à faible, 1996, p. 9.

0 Tene, `' aspect juridique de la gestion», 1978, p. 72.

0 Ibid. p.73.

64

Cette fraude n'a pas disparu dans le secteur forestier, car de nos jours, certaines sociétés continuent d'utiliser ces méthodes destructrices de la forêt. L'exemple nous vient du Sud-Ouest du pays où les Malaisiens font une exploitation intensive et anarchique0. Ainsi, d'après le guide de Ben N'diaye : `'Les Malaisiens travaillent 24/24 heures, sans se fatiguer. Ils coupaient tout, même les petits arbres»0. Le cas de la SABM est identique, car selon Ekomi Amoka, cette société abattait dans la décennie 1980 les arbres qui ont un sous diamètre d'abattage0.

Cette fraude est très pratiquée par les sociétés. Pour ce faire, celles-ci surestiment pendant l'inventaire le nombre d'essences présentes à l'intérieur de l'UFA 0. C'est le cas des sociétés Malaisiennes dans le Sud-ouest. Une autre fraude de même nature est l'entrée du bois destinés au sciage à l'intérieur de l'usine sans subir de contrôle. Amoka rapporte que c'étaient les jours fériés, aux heures de repos ou les jours de dimanche quand le garde forestier était absent, que les camions de la société choisissaient d'entrer avec le bois dans l'usine0.

L'exploitation abusive hors des limites est celle qui va au delà de la zone d'exploitation. Cette pratique est prisée par les exploitants de bois. A titre illustratif, la Camerounaise du bois (CAMBOIS) exploitant à Campo a étendu ses activités hors des limites de son assiette de coupe plusieurs fois0. Il s'agit là des fraudes en dehors de limites spatiales. Le tableau suivant apporte des informations intéressantes sur des infractions en dehors et à l'intérieur des limites de concession.

Tableau n°5 : Nombre d'infractions relatives à l'exploitation illégale du bois dans les provinces de l'Est et du Centre du Cameroun entre 1995 et 1998

Type d'infractions

Province de l'Est

Province du Centre

En dehors des limites de concession

9 infractions

34 infractions

A l'intérieur des limites de concession 24 infractions 24 infractions

Total

33

58

Source : Bikié, Collomb. Et al (eds), Aperçu de la situation de l'exploitation, 2000, p. 46.

0 B. N'diaye, `'Le mirage asiatique», le magazine de l'écologie et du développement durable, `'filière bois à

l'aube d'un grand sinistre écologique ?», n° 17, octobre-décembre 1998, p. 5.

0 Ibid.

0 Ekomi Amoka , `' Exploitation et production du bois », 2004, p. 95.

0 Ibid. p. 73.

0 Ibid.

0Labrousse, Verschaves, Les pillards de la forêt : exploitation, 2002, p. 27.

En ce qui concerne les infractions hors des limites temporelles, il semble qu'entre 1997 et 1998, certaines licences étaient exploitées hors délais0.

Le constat est clair, l'exploitation illégale est une pratique exercée par la majorité des exploitants forestiers. A côté d'elle, on rencontre le gaspillage du bois. Cette pratique s'observe à travers l'abandon des billes de bois et l'importance des rebuts lors du sciage par les sociétés. Ce gaspillage cause préjudice à la survie de la forêt au Cameroun.

Dans les activités forestières, certaines sociétés abandonnent des billes pour plusieurs raisons. Ceci arrive souvent dès qu'elles constatent que le tronc est en partie pourri, d'autres abandonnent les troncs qui tombent dans les terrains accidentés et pour beaucoup plus pour des raisons qu'on ignore.

Samuel Wafo nous fait constater dans ce sens que toutes les sociétés concernées par l'exploitation forestière dans le Sud ne transportent pas la totalité du bois abattu. Il insiste en présentant un cas d'espèce. Ainsi, il dit que dans le département de la Mvilla, la SOFAC a abattu en 1997 5970,556 m3 et n'a transporté que 373,267 m30. Voici ce que Samuel Essono nous présente sur cet aspect des choses. Il illustre par les images les billes de bois abandonnés par la SFID de Mbang lors de l'exploitation. Cette pratique s'accompagne de rebuts importants de bois.

Photo n° 12: Les billes de bois abandonnées dans la concession de la SFID de Mbang

65

Sourc e : E. M. S. Essono, `'Etat des rebuts d'exploitation et de transformation du bois de la SFID de Mbang : enjeux économiques et impacts sur le processus de certification», mémoire de DEES en sciences forestières, Université de Yaoundé I, 2011, p. 27.

0 Ibid. p. 54.

0 S. Wafo, `'La clairière au détour du sentier», le magazine de l'écologie et du développement durable, n° 17, octobre-décembre 1998, p. 5.

L'importance des rebuts pendant le sciage reste une très grande perte dans l'exploitation durable des forêts. Pourtant plusieurs sociétés au Cameroun sont championnes dans cette pratique pour des raisons capitalistes qui ne riment pas avec le développement durable. La photo ci-après tirée du le travail de Samuel Essono est assez illustrative. Elle présente un tas de rebuts de bois de sciage de la même société.

Photo n° 13 : Tas de rebuts provenant du sciage de la SFID de Mbang

Source : Essono, `'Etat des rebuts d'exploitation», 2011, p. 27.

A travers cette image, nous pouvons comprendre l'importance des rebuts de bois de la SFID et rapprocher cela avec le cas des autres sociétés. Quand on se penche sur le cas de la SFID, on se rend compte que les pertes sont énormes. Ce que le tableau suivant nous révèle.

Tableau n°6 : Evaluation des rebuts de transformation de la SFID entre 2007 et 2009

66

Années 2007 2008 2009

67

Volumes grumes

 

133 060 m3

135 889 m3

1250249 m3

Volumes débités

43 057 m3

40 660 m3

37 168 m3

Volumes rebuts

90 003 m3

95 229 m3

88 082 m3

Rendement matière

32,24%

29,92%

29,68%

Source : Essono, `' Etat des rebuts d'exploitation'', 2011, p. 27.

Nous constatons donc qu'à travers l'abandon des billes et le prélèvement d'une infime partie du bois pendant le sciage, les sociétés forestières gaspillent assez de produits ligneux qui peuvent profiter aux autres fins. Alors quand on ajoute à ce dégât celui causé par l'implantation de la société, on se rend compte que les industries forestières sont en partie à l'origine de la déforestation. Ces mêmes sociétés portent la responsabilité de la déforestation issue des activités agricoles des villageois ou des ouvriers en bordure des routes forestières. A cette responsabilité des sociétés forestières dans la déforestation s'ajoute celle de l'Etat et de ses partenaires.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984