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Déforestation et dégradation de l'environnement au Cameroun 1960-2010.


par Marcel Koviel Songo
Université de Youndé I - Master en histoire 2012
  

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B-L'IMPACT SOCIOCULTUREL DE LA DEFORESTATION

Ces effets de la déforestation sur le plan socioculturel touchent aujourd'hui certaines populations de l'Est et de la région de l'Océan.

1- Les populations de l'Est désarticulées par la déforestation

En ce jour, ces communautés sont en train de perdre leur source de biens et de services. Les grands arbres de leur forêt sont abattus tous les jours. Et dans les villages, on ressent déjà petit à petit cet impact. Il se traduit par la rareté des fruits sauvages, les chenilles, les escargots ; etc. Ce qui porte un coup dure à la ressource alimentaire forestière au Cameroun. La forêt commence même à manquer pour l'agriculture de subsistance. La preuve est qu'aujourd'hui, les populations de Madjoué font des longues distances avant de trouver des parcelles cultivables0. Les espaces forestiers disparaissent à un rythme plus rapide sans tenir compte des générations futures. Phénomène qui est à l'origine des conflits sociaux. Par exemple, le principe de délimitation des zones agricoles et de chasse engagée par le WWF et mise en application par le Ministère des forêts et de la faune camerounais avait suscité en 2008 à Zoulabot-ancien, Maléa-ancien et Ngatto-ancien, une vive contestation de la part des habitants de ces villages. En effet, ces populations reprochaient au gouvernement et au WWF d'avoir délimiter la forêt pour protéger les parcs nationaux de Boumba-Bek et de Nki, sans tenir compte de leur forêt d'exploitation agricole0. Les industries forestières d'une part et les populations autochtones d'autre part se battent comme elles peuvent pour survivre et faire entendre leur voix. Dans le village de Nomedjoh, les exploitants sont même venus en 2000 couper des vieux moabi, pourtant situés dans les champs et les cacaoyers des villageois. En 2002, environ 300 moabis ont été coupés à moins de deux kilomètres du village de Bapilé0. Ceci entrave la bonne exécution de la médecine traditionnelle et met en danger la survie des populations concernées.

Pour Filip Verbelen, sur le plan social, l'installation d'une société d'exploitation forestière n'entraine pas forcement un développement durable dans la région. Elle est plutôt

0 Entretien avec Pkama théophile, 60 ans environ, paysan, Madjoué, 14 novembre 2010.

0 Louis Defo and Olivier Njounan Tegomo, `'Ingenous people's participation in mapping of traditional forest resources for sustainable livelihoods and great ape conservation», rapport d'exécution du projet WWF jengi south East forest programme, September, 2008, p.7.

0 Deravin, `'Projet Coeur de Forêt Cameroun», 2010, p.10.

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un facteur de problèmes sociaux0. Les exploitants forestiers ne respectent pas les valeurs traditionnelles que les populations locales accordent à certaines essences. Par exemple le moabi et le bubinga sont très utiles pour les populations riveraines. Soit pour les rites traditionnels, soit pour le prélèvement des médicaments ou encore pour l'alimentation0.

Aujourd'hui dans la région de l'Est, la forêt est répartie entre plusieurs acteurs, les exploitants forestiers ont la part du lion et interdisent aux populations qui n'ont qu'une minime partie de s'approvisionner dans leur zone d'exploitation. Cette situation ne plait pas aux riverains qui engagent souvent des conflits avec ces sociétés0. L'exemple est celui du village de Masséa dans la Boumba et Ngoko où en 2003, les dirigeants de la CFE de la place ont subi des atrocités venant des populations de ce village, sur un litige forestier0.

Des exemples comme celui là, on les rencontre partout où il y a des entreprises qui exploitent le bois. En plus, les sociétés forestières sont à l'origine des autres problèmes sociaux liés à leur installation0. Dans son étude, Filip Verbelen montre qu'elles sont à l'origine des problèmes de santé, de famine, d'alcoolisme, de la prostitution et du grand banditisme. S'agissant des problèmes de santé, les médecins en fonction dans l'Est Cameroun ont établi en 1999 un lien très net entre l'expansion de l'industrie du bois et le développement de la prostitution, ainsi que l'accroissement du taux de prévalence du SIDA0. L'exploitation industrielle des forêts affecte la tradition des populations locales ; elle les sèvre de leurs grands arbres, qui étaient hier, leur source culturelle.

La plus frappante de ces conséquences sociales est la destruction du milieu de vie des peuples pygmées. Ceux-ci assistent impuissants à la destruction de leur précieux environnement0. Ils représentent les couches les plus vulnérables au Cameroun.

Pour les Pygmées-Bakas (population estimée à 25 000 et 40 000 hts)0 de l'Est Cameroun, l'exploitation industrielle des forêts est venue désarticuler leur mode de vie. Les forêts que l'Etat attribue aux sociétés sont des forêts permanentes et sont celles dans lesquelles vivent les Pygmées. Que deviennent ces populations qui d'ici peu se retrouveront

0 Verbelen, `'Exploitation abusive des forêts», 1999, p. 28.

0 Ibid.

0 Entretien avec André Kallo, 45ans environ, chef du village Masséa, Masséa 8 novembre 2010.

0 Entretien avec Dieudonné Etom, 35 ans environs, Planteur originaire de Masséa, Masséa, le 8 novembre 2010.

0 Verbelen, `'Exploitation abusive des forêts», 1999, p. 29.

0 Ibid.

0 Ibid. P. 30.

0 A K Barume, Etude sur le cadre légal pour la protection des droits des peuples indigènes et tribaux au

Cameroun, Génève, Organisation Internationale du Travail, 2005, p. 24.

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sans leur biotope ? Inquiet de cette situation, un Pygmée de Nomedjoh disait que : `'L'huile de moabi, c'est notre seule richesse. Nous n'avons plus de moabi. Même les arbres de moins de un mètre de diamètre sont abattus et rien n'est fait pour la régénération''0. Pour ces populations, `'Abattre un moabi en Afrique, c'est comme dévaliser une banque et détruire une pharmacie''0.

En 1993, dans le district de Mbang (région de l'Est), un tiers des moabi protégés par les Pygmées depuis plusieurs siècles a été exploité par la SFIL0. C'est semblablement ce que vivent les populations de l'Océan.

2- Les Bulu et les Bagyeli face à la menace des agro-industries

Dans le département de l'Océan, ce sont plutôt les agro-industries qui déboisent. L'impact de cette déforestation entraine les conflits sociaux avec les riverains. Les communautés de ce département (les Bulu et le Bagyeli) sont en conflit depuis plusieurs décennies aujourd'hui avec la SOCAPALM et HEVECAM. Elles prétendent qu'elles ont été chassées de leurs terres en 1939 par les Français0. Ces derniers ont brûlé leurs maisons, leurs biens et les tombes des ancêtres ont été abandonnées, les chefs et les notables ont été jetés en prison pendant trois semaines0. Il s'agissait des chefs des tribus Bulu d'Assakotan du village Afan-oveng et des Yemon de Zingui et de Bifa0. Et en 1973, lors de la création de ces deux agro-industries par l'Etat, elles se sont vues à nouveau déguerpir. Ces populations revendiquent haut et fort ces terres où se trouvent les anciennes tombes, leurs traces0. Dans les villages de Nko'olong, afa-oveng, Mitzen, Bidou III au bord de la route Kribi-Adjap où vivent les tribus Assakotan et Yemon toutes Bulu, la contestation est forte0. En décembre 2005, les villageois d'Afa-oveng écrivent une lettre au directeur d'HEVECAM pour faire respecter leurs droits sur toutes les terres de Niété que la société exploite. En aout 2006, constatant qu'elle est restée sans réponse, ils écrivent une autre qu'ils adressent au Ministre de l'économie0.

0 Deravin, `'Projet Coeur de Forêt Cameroun'', 2010, p. 8.

0 Ibid.

0Ibid. p. 10.

0Gerber, `'Résistance contre deux géants industriels'', 2008, p. 26.

0Ibid. p. 27.

0 Ibid.

0 Ibid. p. 28.

0Ibid.

0 Ibid.p. 27.

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A Mitzen, les villageois ont été invités de partir. Ils disent qu'en 2003, le chef de district de Niété et le Directeur de la société d'hévéa leur ont demandés de déguerpir en avançant que le gouvernement avait cédé cette parcelle inclus leur village à la société d'hévéa pour son extension. Restées indifférentes, ces populations ont vu le 20 décembre 2006, certains de leurs maisons et leurs champs détruits par les bulldozers de la société d'hévéa0. Ce qui a suscité une réaction qui s'est soldé par un affrontement entre les conducteurs d'engins et ces populations0.

A Bidou III en janvier 2003, un affrontement a opposé les gens de ce village aux gardes de la SOCAPALM. Le bilan était lourd. Les blessés graves du coté des gardes et les arrestations chez les villageois0. Les Bantou ont les droits de revendiquer leurs terres. Pourtant, ce n'est pas le cas des Bagyeli (population indigène estimée à 3500 et 40000)0 qui sont les peuples qui habitaient depuis les siècles la zone où se trouve HEVECAM et d'autres zones adjacentes0. Leur statu de peuples indigènes ne leur permet pas d'être mis au même enseigne que les Bantou0. Donc, cette situation marginale ne leur donne pas les droits de revendication. Ce peuple déclare avoir été victime d'une injustice historique grave, celle d'avoir été dépossédé des droits et libertés sur des terres qu'il considère avoir hérité des ancêtres0. Pourtant on peut lire dans la constitution de 1996 du Cameroun que : `'L'etat assure la protection des minorités et preserve les droits des populations autochtones conformement à la loi''0. Ces populations se retrouvent prises en sandwiche entre les agro-industries et la réserve de campo-ma'an.

Le campement Nyamabandé est un exemple de cette situation. En effet, ce campement bagyeli se retrouve coincé entre la réserve campo-ma'an et HEVECAM. Cette situation ne leur permet pas de vivre dans les conditions normales. Ils n'ont aucun espace pour faire la chasse et la cueillette. Interdits depuis 19950 d'extraire les produits dans la réserve, ils ont aussi la prohibition de le faire dans la plantation d'HEVECAM0. En outre, grâce à

0 Ibid. p. 28.

0Ibid. P. 30.

0 Ibid.

0 Barume, Etude sur le cadre légal pour la protection, 2005, p. 24

0 Ibid.

0 Ibid. p. 38.

0 Barume, Etude sur le cadre légal pour la protection, 2005, p. 24

0 AAN, `'Constitution camerounaise de 1996'', Titre I.

0 En 1995, les décrets n°-95/531 et 95/466 du Ministre de forêts et de la faune ont institué l'interdiction

d'extraction de quoi que ce soit dans les zones protégées.

0 Ibid. p. 38.

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l'intervention des ONG qui travaillent sur le terrain, certains compromis ont été faits, malgré qu'ils n'apportent rien0.

Un autre cas d'espèce est le village de Kilombo I aujourd'hui coincé entre la SOCAPALM et HEVECAM. La situation des habitants est difficile due à leur isolement et la destruction de leur forêt. En 2006 selon certains témoignages, la société de palmiers à huile leur a demandé de quitter leur lieu de vie forestier contre un dédommagement pour la destruction de leurs tombes et la construction des maisons modernes pour céder la place à l'extension de la plantation0. Chose que les intéressés ont fait, mais les promesses n'ont pas suivi0. Aujourd'hui, ils vivent dans une zone marécageuse inondable où pullulent moustiques et maladies. Ils ont les problèmes de santé dûs à la mauvaise alimentation, à l'eau contaminée et à l'insalubrité du site dans lequel ils vivent, qui s'aggrave à cause de la perte de leur pharmacopée traditionnelle. Le constat est ainsi fait.

Les Bagyeli vivaient bien avant sur leur territoire qui comprenait ce qui est aujourd'hui d'HEVECAM ainsi que d'autres zones adjacentes. La forêt n'existe plus et ils sont perçus comme les intrus sur leur propre territoire, aujourd'hui sous le contrôle de l'entreprise (...) il en résulte aujourd'hui que c'est un groupe humain démoralisé, appauvri, mal nourri, exploité et opprimé, acculé par la plantation et sans avoir nulle part où aller0.

R. Carrere en 2007 estimait que les Bagyeli ont été les principales victimes de la venue d'HEVECAM0. Alors à travers ces deux communautés, nous avons la preuve concrète que les plantations d'Hévéa et de palmiers à huile posent d'innombrables problèmes dans la vie de celles-ci. Nous pensons que les principaux problèmes que posent les plantations découlent de la disparition d'une grande étendue de forêt sur laquelle ils vivaient et dont leur mode de vie dépend entièrement. Leur cas est le plus inquiétant, car en dehors des forêts elles n'ont plus un autre milieu de vie favorable à leur épanouissement. Ainsi, un adulte pygmée de Bipindi révélait que : `' La forêt est tout ce que nous avons. Nous sommes incapables de survivre en dehors d'elle''0. En conclusion, la déforestation est une menace pour les populations riveraines ou autochtones. La disparition des forêts tropicales touche les populations

0 Cette situation a connu un changement en 2007, grâce à l'intervention du centre pour l'environnement et le

développement (CED), qui a convaincu les responsables de campo-ma'an et du WWF d'accorder un droit

d'usage aux Bagyeli. Du côté d'HEVECAM, les adultes ont droit d'aller chercher les escargots, mais parc celui

de chasser. Les enfants y sont interdits.

0 Gerber, `'Résistance contre deux géants'', p. 39.

0Ibid.

0 Ibid.

0 Ibid.

0 Barume, Etude sur le cadre légal pour la protection, 2005, p. 24

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riveraines qui sont entre autres les plus pauvres et tributaires de leur environnement naturel0. Ainsi, pour Ismail Serageldin :

Jusqu'à une date récente, ce sont les populations vivant dans des airs géographiquement relativement circonscrits qui ont subi la plupart des conséquences de la dégradation de l'environnement. La baisse de la fertilité des sols à la suite de l'érosion ou du surpâturage, et la pollution des eaux d'un fleuve ou d'un lac ne touchait que des populations humaines qui en étaient directement tributaires pour leur subsistance0.

Au Cameroun, ces populations sont les Bantous (Konabembé, Maka, Bulu, Eton, Douala, BAkweri ; etc.) et Pygmées (Baka, Bakola, Bagiyeli) des régions de l'Est, du Sud, du Centre, du Littoral et du Sud-Ouest qui dépendent plus des faveurs de la forêt que les autres communautés0. A ces conséquences socioculturelles de la déforestation s'ajoutent celles qui sont environnementales.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci