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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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Chapitre 2. Les modes et techniques de sujétion de la femme dans le corpus

La représentation de la femme dans les deux romans de Djaïli Amadou Amal est une réponse à un certain nombre de principes du patriarcat. Ce système est omniprésent dans l'univers romanesque. Les personnages homme ou femme, d'une manière ou d'une autre sont concernés. Ainsi, ces principes se manifestent dans les comportements des personnages. Dans ce contexte, au-delà de la représentation des femmes dans une situation de victime, l'analyse dans ce chapitre s'attèle à comprendre les procédés qui permettent aux protagonistes masculins de tenir en laisse les personnages féminins.

2.1. L'éducation discriminatoire

La société traditionnelle africaine considère le masculin et le féminin comme des identités fixes correspondant à la distinction biologique du sexe.On privilégie l'éducation informelle de la jeune fille au détriment de l'éducation formelle. On dirait que l'école n'est pas faite pour les filles. Ce qui leur sied mieux c'est l'éducation qu'elles reçoivent d'une mère qui leur apprend à faire la cuisine. A garder un ménage etc. bref, on la prépare pour une vie conjugale à venir. L'éducation traditionnelle de la jeune fille met un point d'honneur sur l'obéissance, ce qui est une qualité. Ce qu'on déplore, c'est la soumission aveugle face à laquelle elle est mise, excluant toute possibilité d'initiative et de développement de sa personnalité, facteur clé par lequel tout être humain s'affirme. Ce genre d'éducation ne prodigue à la femme qu'un système d'acquisition de valeur qui la cantonne dans son gîte de dominée et de tutellée, construit par le phallocrate. On apprend très tôt aux filles : « Accepte avec humilité ce qu'Allah t'impose comme épreuve(...)le mari est celui qui te commande, ton maître, ton seigneur tout puissant. Et s'il était permis à un être humain de se prosterner devant un autre, alors, la femme devrait se prosterner devant son époux » (MLP : 59).

Les règles de la phallocratie veulent que tout individu mâle soit reconnu supérieur à la femme sans considération d'âge ou de classe linéale (ou de moralité ou de talent ou d'intelligence...). Ainsi, le petit garçon dominera sa grande soeur ou même sa mère. Pierre Bourdieu explique que la domination masculine est principalement assurée par trois instances : la Famille qui répartit les taches sur la base de l'identité sexuelle des membres, l'École qui ne s'est pas détachée vraiment de la tutelle de la religion, et enfin l'État qui légitime le pouvoir du père, consacrant de fait la prééminence de l'homme sur la femme (Bourdieu, 1998 : 92). Cette association du genre au pouvoir se remarque dans toutes les sphères de la vie, en particulier dans les relations du couple. Dans Walaande. L'art de partager un mari, l'auteure présente des femmes contenues dans la sphère familiale ; tandis que les garçons jouissent de leur liberté de mouvement. Dans Les membres de la famille évoluent dans deux mondes distincts. Bien qu'il n'y ait pas de séparation visible entre le groupe des femmes et celui des hommes, chaque membre du groupe connaît son domaine d'action et l'espace qui lui est circonscrit. Dans la description de la vie de la famille, il n'y a pas vraiment d'interaction privée entre les garçons et les filles. En fait, la partie extérieure, celle où tous les visiteurs ont accès, est réservée aux garçons. Elle leur octroie plus de liberté. Les filles quant à elles, doivent se contenter de la partie intérieure de la concession, à l'abri des regards. Les membres de la famille doivent garder ces espaces aux limites psychologiques infranchissables. (WAPM : 82).

L'éducation de la jeune fille est axée sur le code féminin. La discrétion, le sens du secret, le respect de la confidence et de la tradition sont les points important, la domination masculine commence dès le bas âge. L'auteure le démontre à travers une petite dispute au sujet de la télécommande, qui oppose les petits enfants, Nasser le fils de Djaïli et Halima, la fille de Sakina. Lorsque la fille demande au garçon de lui donner la télécommande, Nasser lui répond par la suivante : « c'est moi le garçon, donc c'est moi qui commande » (WLPM: 54). Cette idée est déjà fossilisée malheureusement. Un petit garçon qui sait qu'il a plus de droit que la fille.

Sur le plan religieux, il parait que la religion soit même le principal obstacle à l'éducation des filles. Puisqu'elle est catégorique sur le fait que les filles ne doivent pas fréquenter l'école occidentale sous prétexte que les enseignements véhiculés poussent au paganisme, à la non croyance, à l'existence d'un Dieu unique. En effet, les romans de notre corpus baignent dans l'univers islamo-peul. C'est la religion islamique qui domine alors tout se rapporte à Mohamed. Ainsi, lorsque Djaïli exprime son souhait de se rendre aussi à l'école comme sa camarade du quartier Aminata, sa mère lui recommande d'étudier le coran. Précisément parce que les saintes écritures enseignent des lois relatives aux devoirs de l'épouse et à l'autorité de l'homme. Pour éviter de sombrer dans les interdits des normes peules et de brûler dans les flammes de l'enfer ainsi que ses parents, la fille est censée rester à la maison, se faire inculquer des valeurs éthiques et spirituelles par ses parents.

Le fragment du dialogue suivant en dit tout :

- Mère, je veux aussi aller à l'école comme Aminata

- Non ! Etudie plutôt le coran. C'est mieux pour toi.

- Mais je veux aussi aller à l'école, pourquoi je ne pourrais pas y aller aussi ??

- Arrête de me déranger Djaïli !

Va demander à ton père !

Elle n'avait pas hésité, la petite.

Elle arrêta son père qui montait dans sa voiture un matin.

-Baaba, j'aimerais aussi aller à l'école avec mes frères.

- Les filles ne vont pas à l'école !

répondit son père avec un sourire.

-Pourquoi alors Aminata y va ?

- Quand une fille va à l'école, elle devient païenne et elle ira en enfer ainsi que ses parents.

Tu ne veux pas que j'aille en enfer ? (WAPM : 40).

Dans Munyal, on retrouve également un cas similaire au sujet de l'instruction scolaire du personnage féminin. La vie de la femme ne se résume que pour plaire à l'homme, sa vie ne se résume qu'aux fins de l'homme. Le personnage Ramla qui est si différente de ses soeurs dans le sens où elle était la seule dans sa famille à poursuivre ses études est découragé par sa mère et ses marâtres qui lui font comprendre que l'école ne lui servira à rien. Lorsqu'elle les parle de ses ambitions et rêves, elles se moquent de Ramla et lui demande de redescendre sur terre car la finalité d'une femme ce n'est pas de grande étude, non. Mais le mariage surtout être marié à un homme riche. Le fragment suivant est très éloquent :

Quand j'expliquais aux femmes de la famille mon ambition d'être pharmacienne, elles riaient aux éclats, me traitais de folle et vantaient les vertus du mariage et de la vie d'une femme au foyer. Quand je renchérissais sur l'épanouissement qu'il y aurait pour une femme d'avoir un emploi, de conduire sa voiture, de gérer son patrimoine, elles coupaient sévèrement que de toutes les façons peu importait à quoi je rêvais, il valait mieux pour moi redescendre sur terre et vivre dans la vraie vie. Une vie différente de celle que je lisais dans mes romans où de celles que je regardais dans les séries télévisées. Pour elles, le summum du bonheur était d'être marié à un homme riche. (MLP: 42).

Dans la religion islamique, c'est un péché d'envoyer sa fille à l'école. C'est un fait grave qui mériterait l'enfer. La fille doit seulement apprendre ses fonctions classiques qui sont nécessaires à l'accomplissement de son destin de femme.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon