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La victimisation du personnage féminin dans Walaandé, l'art de partager un mari et Munyal, les larmes de la patience de Djaili Amadou Amal


par Germaine DANGA MOUDA
Université de Maroua - Master2 2021
  

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3.2. L'influence de la culture dans le foyer

Dans le contexte traditionnel africain, certains principes tels que l'obéissance et la soumission relèvent d'une perception particulière, car elles sont considérées comme une des qualités les plus appréciées chez la femme. Ainsi selon les traditions, l'épouse idéale se distingue par sa docilité, son obéissance et sa soumission. Une attitude qui se conforme aux normes culturelles observées par tout le monde. Dès le bas âge, toutes les formations que la jeune fille reçoit visent à enraciner chez elle ces principes culturels. Dans cette formation participent non seulement la mère ou les parents proches mais également les parents éloignés : les tantes, les oncles, etc. Dans cette structure traditionnelle de la société, dans laquelle la femme éternellement mineure et soumise, l'homme est toujours dominant. Ainsi, à l'opposition de la soumission féminine se pose la domination masculine. L'homme est maître et seigneur. La vie lui donne tous les droits. Il fait ce qu'il veut : lui, il ordonne et elle, elle exécute ses ordres sans la moindre résistance, même les plus capricieux. Comme le constate LilyanKesteloot : « Il était le maître et le seigneur. Il se déshabillait où il voulait, s'installait où il voulait, mangeait où il voulait, salissait ce qu'il voulait. Les dégâts étaient aussitôt réparés sans murmure. Dans ce foyer, on prévenait ses moindres désirs » (LilyanKesteloot, 2001 : 129).

3.2.1. Le poids de la culture peule

Les romans de Djaïli Amadou Amal, esquissent le portrait des femmes dont la soif de liberté se heurte à la réprobation de la société et de leur entourage (tabous persistants à l'encontre de l'émancipation féminine, parents lésés réclamant et exerçant l'autorité qui leur appartenait traditionnellement de droit), mais ils expriment également le face-à-face de ces femmes avec elles-mêmes et avec leurs désirs.

En effet, « l'islam, comme on le sait, a trouvé naissance dans une société patriarcale. L'autorité du père, qui avait sa source dans la coutume et qui était plus au moins adoucie par les liens familiaux, fait transmise, dès l'avènement de la nouvelle religion, à une puissance inflexible : la divinité ».Bien souvent tiraillées entre leur libre choix et le respect dû à la famille et des principes religieux, confrontées à une liberté nouvelle et pourtant empreintes, par la force de la pression sociale, elles n'entrevoient aucune solution viable qui leur garantirait, sinon le bonheur, un semblant d'apaisement et de tranquillité d'esprit. Illustrant parfaitement ce dilemme, Djailidépeint dans son roman Walaandé. L'art de partager un mari, le désespoir de la jeune Yasmine, soumise à une pression familiale trop forte et à un cas de bouleversement d'une identité : « Une fille masquée » par la volonté du père. Il en est de même de Hindou, dans Munyal.Les larmes de la patience. Garant de la morale traditionnelle et religieuse, les deux parents confinent leurs filles, préférant les voir sombrer dans le désespoir que rompre le bouleversement de leurs vies en laissant la latitude pour chacune de faire le choix de leurs conjoints. Pour eux, accepter la volonté de sa fille est une chose impensable, tant il est vrai qu'un peul, croyant, honorable, préférait voir mourir sa fille, quitte parfois à la tuer lui-même, que d'être plongé dans le déshonneur, le scandale.

À travers le parcours des personnages de Yasmine et Hindou, les romans présentent des « héroïnes » en train de s'élever comme femmes, incapables de changer le monde dans lequel elles vivent et vivre pleinement leur féminité avec les hommes qu'elles aiment. La situation de Yasmine et Hindouillustre le drame des femmes peules de la ville de Maroua, dans un univers caractérisé par des anciennesmentalités où la femme est tiraillée entre la modernité et les lourdes fondations de la tradition et de la religion : l'homme reste le seul maître.

Les deux romans de Djaïli Amadou Amal, à travers les personnages féminins clament la foi de l'auteure en la libération future des moeurs et des esprits faits d'isolement. Textes à la fois récit amer d'une souffrance mais plaidoyer plein d'espoir. Suivre le chemin de l'émancipation, rester et se contenter de son sort, ou mourir pour mettre fin à une existence sur laquelle elle n'a plus de contrôle sans avoir à faire un choix déchirant : telles sont les options qui s'offrent à Yasmine et Hindou, et partant à toutes les femmes du roman.

Tout d'abord celle de la morale et des traditions, qui pèsent sur une société à l'évolution palpable mais lente et imparfaite. Une femme victime de la tradition qui, dans l'ombre, n'a d'autre choix que de souffrir de la situation. La colère de la jeune femme à l'encontre des vieilles mentalités, qui ne lui permettent pas de vivre comme femme, d'un côté, la jeune femme pleine de piété filiale sacrifiant sa félicité à son devoir familial et social pendant son enfance, de l'autre, la femme individualiste libre poursuivant son propre bonheur comme femme. Conscientes de se trouver dans une période de l'histoire qui fait jonction entre deux mondes : l'ancien au cadre rigide et le moderne ouvrant de nouvelles perspectives d'épanouissement personnel, elles accusent une société encore trop rétrograde d'être la cause de leur malheur : « Ils invoquent la religion pour écraser et dominer » (MLP : 133). « En vérité, tout ce que les hommes nous racontent sur la religion est faux » (WAPM : 63). C'est alors que chacune des deux optera pour une solution qui convient le mieux à sa situation : Yasmine refusera de se nourrir et se faire soigner; Hindou quant à elle, s'en fuira du cadre conjugal.

Les différentes familles, elles-mêmes apparaîtront divisées après les options choisies. Ces deux personnages et leurs choix, constituent le symbole de l'univers dans lequel elles évoluent, tiraillé entre une nouvelle réalité sociale et des valeurs morales et culturelles millénaires. Leurs proches, les soeurs et frères, aux aspirations sans doute semblables aux leurs, comprennent les désirs d'émancipation de nos « héroïnes ». Pourtant, l'hypothétique fuite que la jeune Hindou a faite ne constitue en rien une solution pour s'échapper du giron de sa famille et vivre sa féminité au grand jour. En effet, déchirée entre la volonté familiale et ses désirs, elle ne sortira de cette lutte ni indemne, ni réconciliée avec elle-même :

Je ne déroge pas à la règle : je deviens égoïste. Je ne vais pas bien, les autres non plus, mais je ne me préoccupe que de moi. Mes insomnies se multiplient, et le manque de sommeil me donne des migraines. J'ai beau prendre des médicaments prescrits par les médecins, des filtres recommandés par des guérisseurs, rien n'y fait. La lassitude me ronge et j'éprouve une angoisse que rien ne peut atténuer [...] Je m'enfonce peu à peu dans la déprime et fais parfois des crises de spasmophilie, pendant lesquelles, la gorge serrée, je n'arrête pas de suffoquer. L'estomac noué, la mort me semble de plus la seule échappatoire. (MLP : 106-107)

Cependant, le mérite de cette fuite est d'avoir fait de son drame personnel un exemple, afin que chacun sache qu'il ne devrait plus être permis de confronter quiconque à ce genre de masque.

Il est notable que les oeuvres de Djaïli, mettent en scène des femmes soumises à des injonctions de genre dont elles ne peuvent se départir, ainsi qu'avec une société dans laquelle les traditions pèsent encore très lourd. De la même façon, les mêmes oeuvres dépeignent des temps révolus. Elles livrent une version de la longue histoire des femmes du sahel et les anciennes mentalités et pratiques non désirantes, soulignent explicitement l'asservissement des femmes par une société traditionnelle patriarcale.Dans les mêmes romans, la romancière revient sur les préjugés culturels bien ancrés qui soumettent les femmes à la tradition. Le récit illustre l'éternelle solitude de la femme face aux questions qui relèvent traditionnellement de leur sexe - féminité, identité, traumatisme et mariage forcé.

L'écriture de Djaïli Amadou Amal, pourrait être qualifiée de « nouvelle littérature », car elle offre de fait de nombreux personnages de femmes résolus, malgré les obstacles et les sacrifices que cela suppose, à affirmer leur individualité et gagner en autonomie. Les femmes, dans un contexte social brutal exacerbé par la tradition et les idées culturelles, apparaissent avant tout comme des proies, victime de la violence des hommes et des femmes et excitant leur concupiscence. Le caractère éphémère de leur existence, qui brûle aussi vite qu'un bâtonnet d'encens et dont il ne reste rien une fois qu'elle est consumée, apparaît d'autant plus tragique quand cette dernière est malheureuse. Le champ lexical utilisé par l'auteur est surprenant de brutalité, s'apparentant davantage à l'acharnement sauvage auquel un être peut se livrer sur un autre être dominé, plutôt qu'à une passion charnelle intense partagée.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci