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L'analyse de l'Etat et de l'Etat démocratique dans la Philosophie politique d'Eric Weil


par Davy Dossou
Faculté de philosophie saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2006
  

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Chapitre 3 : Les faiblesses de la démocratie

En voyant mes analyses ci-dessus, beaucoup doivent se demander si je n'affiche pas un optimisme bien naïf, et donc dangereux, en exaltant ainsi les valeurs de la démocratie. Serais-je

assez idéaliste pour ignorer qu'entre affirmation de valeurs et fidélité concrète à celles-ci, il y'a souvent et toujours un abîme ? En effet, un auditeur avisé, attentif n'aura pas été dupe. La démocratie n'est pas un système politique parfait. Elle a ses limites et ses faiblesses. Et nous savons tous combien nos démocraties sont fragiles, et travaillées par des éléments de corruption qui peuvent signer leur arrêt de mort. L'une des façons pour expliquer cette situation consiste à se placer au niveau des institutions pour analyser les dysfonctionnements. Dès lors que l'on parle

des « valeurs » comme il m'était donné de le faire dans les pages précédentes, on parle d'entités suprêmement friables, fragiles, sans cesse menacées de dégradation et même de disparition. Une valeur en effet n'est pas une chose qui serait là, donnée une fois pour toutes, acquise définitivement parce qu'on en aurait, individuellement ou socialement, reconnu la pertinence ou la beauté. Une valeur, c'est aussi une visée, comme un idéal qu'on se donne mais qu'on ne réalise jamais pleinement. Parler en termes de valeurs, c'est nécessairement penser hors des conforts des théories qui croient qu'une fois bien perçue l'objectivité du réel, du bien, de la vérité, l'assise de l'action est alors assurée. Parler de valeurs, c'est se situer à un entrecroisement entre un principe et une volonté : il n'est de valeur que voulue et assumée par une liberté, donc par un sujet, par un sujet forcément situé en un moment de l'histoire et de sa société. Dès lors qu'une valeur n'est plus voulue, plus comprise, plus assumée, dès lors qu'un sujet se détourne de cet univers de sens ou refuse d'y adhérer, le monde des valeurs se trouve atteint de décadence ou se voit même menacé de mort. Dans les parties précédentes, je montrais que la démocratie n'est pas un fait de nature, mais elle découle d'une culture. Il est donc le produit d'une éducation hautement élaborée, d'un travail des volontés sur elles-mêmes pour qu'elles soient persuadées de la grandeur des valeurs à elles proposées. Or il peut se faire en effet que les volontés se désagrègent, désespèrent de leurs valeurs et donc que les plus belles références se dégradent et se pervertissent. Les valeurs démocratiques n'échappent pas à ce possible déclin au risque d'être elles mêmes dévaluées par ce que Nietzsche appelait le nihilisme.

Faut-il faire ici un long tableau des vices de nos systèmes démocratiques, et évoquer la corruption, les impuissances des pouvoirs à décider, la démagogie exagérée de nombreux acteurs politiques, la complaisance envers l'opinion, la manipulation de cette opinion par mille et un moyens dont disposent nos sociétés armées de média et de sondages ? Surtout comment ignorer le sentiment largement partagé selon lequel les citoyens n'ont plus la certitude de contrôler réellement les pouvoirs (ce contrôle étant la base de toute démocratie), donc d'être les jouets plus que les acteurs de nos systèmes représentatifs ? Comment ne pas reconnaître que ces vices viennent compromettre les discours démocratiques, et détourner les volontés de vouloir les valeurs, les faisant même apparaître comme de pseudo valeurs ou comme des alibis, des masques idéalistes maquillant des pratiques tout à fait opposées ? Il faut en convenir qu'un système démocratique est structurellement dégradable, exposé sans cesse à la dévalorisation, car les valeurs qui le portent doivent être entretenues, inculquées, désirées comme bonnes et souhaitables de préférence à l'abandon, au destin ou à la fatigue devant l'engagement. Le goût de la justice et de la solidarité, le sens, la dignité de la personne humaine, la volonté de contrôler les pouvoirs peuvent disparaître, et qui niera qu'en ce tragique XX è et XXI è siècles en effet, bon nombre de démocraties ont capitulé devant les contre-valeurs de la force, de la violence, de la démagogie ou devant les illusions d'avenirs radieux qui pouvaient dispenser temporairement des chemins malaisés de la démocratie. Pas de démocratie, sans les démocrates convaincus des valeurs de la démocratie. Le pire vient quand la volonté manque. Pour rappel, la démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Or, depuis quelques décennies, les démocraties sont confrontées à un paradoxe. Alors que ces régimes ne voient plus leur autorité contestée, les études de sociologie électorale soulignent une désaffection grandissante des citoyens pour le jeu démocratique, en particulier pour les élections (locales ou nationales). C'est une défiance croissante des représentés pour les représentants qui se manifeste notamment par des taux d'abstention élevés aux élections. La démocratie a eu raison de ses ennemis jurés, les systèmes totalitaires. Seul type de régime dorénavant acceptable, modèle indépassable, elle n'en est pas pour autant exempte de tout reproche.

Cependant le péril qui la menace n'est plus de nature extérieure, mais plutôt endogène : séparation fictive des pouvoirs, conflits insoluble de la liberté et de l'égalité, défaillances du parlementarisme et du sectarisme des partis, assujettissement choquant du citoyen à l'administration, du droit à la politique, complaisance obstinée des « clercs » pour des idéologies, corruption généralisée trahissant une crise magistrale de l'esprit civique et un recul sans précédent de l'éthique. La démocratie n'est sans doute pas le régime le plus facile à faire fonctionner. L'homme rêve parfois d'un monde aux contours nets, d'une régression dans le giron d'un système paternaliste et autoritaire dont il pourrait dépendre comme le petit enfant dépend de ses parents. Ainsi, il serait délivré du fardeau consistant à prendre des décisions, à s'engager, à revendiquer et il serait de plus délivré de la mauvaise conscience que l'on peut plus ou moins éprouver dans un système démocratique lorsqu'on « laisse faire » quand bien même on pourrait agir ; car l'action demande beaucoup d'énergie et d'abnégation et peut-être une forme de foi. La tentation d'un régime fort, d'un despotisme plus ou moins éclairé est sans aucun doute latente. Le grand frisson des dernières élections présidentielles en France en 2002 nous l'a rappelé. On a frôlé l'abîme dans lequel une partie non négligeable des Français était prête à plonger. L'originalité de la démocratie tient sans doute beaucoup plus au pouvoir que se donnent les hommes de décider collectivement de leur avenir en agissant ainsi sur eux-mêmes. Mais la démocratie ne doit pas se résumer à des apparences formelles, elle doit pour exister réellement être une pratique.

La question des limites et des paradoxes de la démocratie n'est pas une question nouvelle, mais de nouveaux problèmes qui lui sont inhérents se posent aujourd'hui avec une acuité toute particulière. Ayant vaincu les totalitarismes, la démocratie triomphante se trouve confrontée à elle-même, à ses propres démons, à ses limites. La crise de la démocratie vient, selon certains observateurs de la « perte de sens ». Pour Marcel Gauchet52(*), les trois piliers que sont la religion, l'éducation, la politique sont en crise et entraîneraient une véritable désagrégation anthropologique préjudiciable au fonctionnement de la démocratie. Luc Ferry, s'appuyant sur Marcel Gauchet, estime pour sa part que ce qui plus que tout autre trait spécifique à nos espaces démocratiques, ce qui fait obstacle au bon fonctionnement de la démocratie, c'est la fin de l'enracinement des normes et des valeurs collectives dans un univers théologique.

Par ailleurs, il sied de dégager d'autres éléments plus nombreux qui expliquent que nos démocratie soient en crise. Il y a quelques années (en1990), un processus électoral démocratique a été interrompu par le pouvoir algérien, car selon toute probabilité, il allait porter au pouvoir u parti islamiste radical. On se souvient qu'Hitler lui-même a accédé au pouvoir par les élections... On sait ce qu'il est advenu par la suite... L'année 1989 a été marquée par la chute du mur de Berlin. Deux ans après, la démocratie avait théoriquement triomphé dans toutes les nations de l'Est européen et dans toutes les républiques de l'ex-URSS. Mais les rêves entourant l'accès à la démocratie dans les pays de l'Est ne se sont-ils pas transformés pour beaucoup en cauchemars ? En 2002, la France s'est offert une grande frayeur quand un certain Jean-Marie Le Pen, leader populiste d'extrême droite dont les valeurs semblent bien éloignées de l'idéal démocratique est parvenu au second tour des présidentielles. La démocratie peut-elle, doit-elle tolérer en son sein des mouvements qui cherchent à la détruire et qui peuvent arriver au pouvoir en utilisant les opportunités offertes par la démocratie elle même ? Ce que Charles Benoist traduira par le « n'importequisme ». On sait qu'en Angleterre, pays de l'habeas corpus des mouvements islamistes radicaux pouvaient en toute impunité et en toute légalité développer leur propagande anti-démocratique et leurs discours poussant à la haine et au terrorisme. Aujourd'hui, la nation phare de la démocratie, les Etats-Unis, se sont lancés dans une offensive militaire en Irak, sans l'aval de l'ONU et sans avoir réussi à convaincre ses alliés au bien fondé de cette action. De même, les opinions publiques sont désormais majoritairement opposées à un conflit dont on comprend mal les raisons. En fonction de quelle légitimité cette décision est-elle prise ? On pouvait pourtant s'imaginer que dans un pays démocratique, la participation des citoyens au calcul des coûts et des bénéfices d'une solution violente allait freiner les ardeurs belliqueuses et que les contraintes institutionnelles - notamment la séparation des pouvoirs législatif et exécutif - ainsi que la complexité des processus de prise de décision tendraient à limiter l'autonomie et la marge de manoeuvre des dirigeants et donc les risques de débordements arbitraires. Enfin, on pourrait espérer que la culture politique qui est celle des démocraties inciterait à rechercher une solution négociée transposant au niveau international les normes, les règles et les procédures reconnues comme valides privilégiant la tolérance, la négociation de compromis et la recherche de consensus plutôt que la menace ou l'usage de la force.

Ce fut la déception de plus d'un. On pouvait penser que la guerre en Irak, allait faire émerger des personnes désireuses de débattre sur le thème de la démocratie, sur ses problèmes, ses paradoxes et ses limites...Mais malheureusement, le sujet n'a pas fait déplacer les foules. Si l'on en croit les réactions des uns et des autres, des constats plus ou moins pessimistes voire désabusés, montreraient la démocratie est en crise. Démocratie de quelle forme ? Démocratie directe ou démocratie représentative ? Nous constatons que dans les pays qui se disent démocratiques, qu'ils soient de l'Occident ou du TIERS-MONDE, le pouvoir du peuple doit nécessairement être délégué. Mais quelle est la marge de manoeuvre des hommes politiques, des élus ? Certains pensent que le vrai pouvoir est ailleurs, au niveau des décideurs économiques, financiers, des experts... Entre pessimisme absolu et optimisme relatif, il convient de rappeler cette phrase de Churchill qui considérait la démocratie comme le pire des systèmes... à l'exception de tous les autres. Si la démocratie porte en elle de tels malaises, n'est- ce pas là tôt ou tard un mauvais signe annonçant son requiem et le retour en force des vieux démons de l'autocratie ?

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

L'Etat démocratique est cette organisation historique de la communauté où le gouvernement se considère, et est considéré par les citoyens, comme tenu à l'observation de certaines règles légales qui limitent sa liberté d'action par l'intervention obligatoire d'autres institutions et définissent ainsi les conditions de la validité des actes gouvernementaux. En d'autres termes, dans l'Etat constitutionnel, la loi règle et limite la liberté d'action du gouvernement. Il n'est pas un système politique né ex nihilo. Il est un système qui tire son origine des vieilles autocraties. La démocratie est, à mon humble avis, le dépassement et le souci d'amélioration, de rejet des caprices et autres inepties des autocraties. Son mode de fonctionnement est centré sur le respect des lois et des règlements en vigueur. Car dans la démocratie, nul ne peut prétendre être au-dessus de la loi. Du gouvernement jusqu'aux simples citoyens, tous sont tenus au respect et à l'application de la loi fondamentale. De par ses caractéristiques propres, la démocratie est un système politique qualifié de moindre mal. Comme tout système de valeurs, la démocratie se constitue dans une opposition à un mal qu'elle refuse et qu'elle tente par conséquent de repousser. Il s'agit bien entendu de l'arbitraire, du pouvoir despotique, de la dépendance envers les caprices ou les volontés obscures des puissances en place. La démocratie veut, de par ses principes, redonner à l'homme sa dignité, une dignité longtemps bafouée par les régimes autocratiques. Les conséquences de la démocratie sont la liberté d'opinion, de parole, de pensée, de religion, la libre entreprise, la stabilité politique fondée sur des élections régulières, libres et transparentes. Le souci majeur de l'Etat démocratique, c'est de favoriser l'esprit créateur en chaque individu et de respecter ses droits naturels ainsi que la recherche, la bonne gestion et la distribution équitable du Bien commun. Mais à côté de ce souci, demeurent d'innombrables difficultés auxquelles la démocratie est appelée à faire face et à se corriger si elle veut assurer durablement son existence.

* 52 Marcel Gauchet est l'auteur d'un livre dont le titre est : La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera