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Lotissement et dynamiques foncières dans la conurbation d'Abomey-Bohicon

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par Hygin KAKAI
Université d'Abomey-Calavi, Centre de Formation et de Recherche en matière de Population - DESS en populations et dynamiques foncières 2004
  

Disponible en mode multipage

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RESUME DE MEMOIRE DE DESS POPULATIONS

ET DYNAMIQUES URBAINES

La présente recherche conduite dans une perspective d'apprentissage professionnel auprès d'une organisation engagée (Centre Béninois pour l'Environnement et le Développement Economique et Social/Programme Ecocité de l'Union Européenne) dans une opération de recherche-action sur le phénomène de l'urbanisation et de ses effets sur le foncier, l'agriculture, l'environnement et le développement économique est intitulée « Lotissement et Dynamiques Foncières dans la conurbation d'Abomey-Bohicon »1(*).

En effet, dans les théories sociologiques du fait urbain en rapport avec la ruralité, on peut distinguer deux approches qui se controversent : la fin de la ruralité selon laquelle le fait rural est appelé à disparaître et laisser place au fait urbain et la survivance d'une réalité rurale transformée selon laquelle une survie du fait rural est une nécessité pour le monde contemporain. Cette dernière approche semble être empirique sur nos sites de recherches où, on assiste aujourd'hui à une transformation de l'espace qui, plutôt, qu'une urbanisation stricto-sensus, affiche les allures d'une rurbanisation et présente des éléments de ruralité. Il se produit donc des dynamiques sociales dans lesquelles les deux entités (urbaine et rurale) s'imbriquent et s'influencent mutuellement.

L'un des enjeux autour duquel s'affrontent ces deux thèses est le ``livelihood'' (les modes et façons de vivre au quotidien et dans le futur), au centre duquel on place l'espace et son corollaire au sens physiocratique, le foncier. Dans ces contextes de rurbanisation et de ruralisation, le foncier qui avait un statut de terre agricole change, pour devenir une terre habitée. De ce fait, les espaces ruraux deviennent de plus en plus des centres urbains. Avec le croît démographique et l'extension spatiale des villes d'Abomey et de Bohicon dus à l'urbanisation, il s'est produit de profondes mutations notamment aux plans morphologique, économique et socio-anthropologique du foncier. A travers donc, l'outil d'urbanisme qu'est le lotissement, on est en présence de sociétés mutées entre les faits rural et urbain ; les espaces agricoles et naturels sont maintenus, réduits et transformés en habitations ; en un mot, les modes de vie économique et sociale habituels des acteurs sociaux sont touchés dans leur essence, etc.

On peut alors se poser les questions de savoir : comment se fait-il, qu'on note une présence rurale dans les franges périurbaines surtout loties, malgré les différents changements induits par les opérations de lotissement à Abomey et Bohicon ? Quelles sont les dynamiques qu'engendre le lotissement sur les espaces agricoles périurbains et sur le patrimoine foncier ?

Une réponse anticipée à ces questions a été donnée à travers les hypothèses de travail : (i) La ruralité est prégnante dans les franges périurbaines loties et non loties ; (ii) Le lotissement entraîne une réduction des espaces agricoles périurbains et enfin; (iii) Les opérations de lotissement mutent la configuration du patrimoine foncier familial.

Les objectifs poursuivis par la présente recherche sont donc : (i) Identifier et catégoriser les modalités de la coexistence des faits urbain et rural dans la conurbation Abomey-Bohicon, en particulier dans les franges périurbaines ; (ii) Analyser les phénomènes de réduction des espaces agricoles périurbains qu'engendre l'urbanisation et caractériser leur ampleur et leur vitesse ; (iii) Faire ressortir les implications des opérations de lotissement sur la configuration du patrimoine foncier familial.

Du point de vue méthodologique, la présente étude a été menée suivant les règles de l'art en sciences sociales. Elle comporte les points suivants : (i) la revue de littérature qui a permis de faire l'état de la question et de définir les hypothèses de travail, (ii) le cadre conceptuel qui donne une définition à la fois intentionnelle et opératoire des concepts clés, (iii) l'identification de la population concernée et des outils de collecte de données (guides d'entretien et questionnaires standardisés), (iv) l'échantillonnage au niveau duquel les critères de choix des sites d'enquête et de la taille de l'échantillon ont été précisés, (v) la collecte des données sur le terrain et enfin, (vi) le traitement des données qui est de deux types à savoir : un traitement quantitatif à l'aide des logiciels tels que Epi Info et SPSS et un traitement qualitatif basé sur un modèle d'analyse (transcription et triangulation des données) afin de mettre en exergue le sens, les perceptions des acteurs sociaux sur le foncier.

Le dépouillement de ces données empiriques et celles issues de la revue de littérature sont à la base de l'analyse des résultats et des données de la recherche.

Cette analyse révèle que :

A la période précoloniale, le fait urbain dans le royaume de Danxomè qui excluait toute pratique formelle de lotissement était le produit de la politique expansionniste (La plupart des zones ont été conquises à partir des razzias organisées par les rois ; cf. carte n°2) et de la politique d'occupation du sol qui avait une forme spirale dont le centre était le palais royal public (musée historique appelé Singbodji en fon) avec ses 7 quartiers historiques de reflet urbain (cf. Carte n°III).

A la période coloniale, cet urbanisme précolonial avait connu un déclin car les idéologies coloniales et son mode de domination ne s`inscrivaient pas dans les logiques des Aboméens du fait urbain. On a pour preuve, l'introduction du droit foncier moderne et du capitalisme à côte de celui du droit foncier traditionnel, la modification de la structure de la forme de l'habitat, la perte de l'hégémonie de la royauté, ce qui se traduisait par un affaissement du tissu urbain qui était fortement sous l'emprise de la cour royale et la naissance de nouveaux centres urbains tel que Bohicon au XXème siècle. Cet urbanisme colonial dans la région d'Abomey-Bohicon bien qu'étant un facteur d'expansion urbaine pour la ville de Bohicon ne visait pas les objectifs de développement urbain que sont : la planification urbaine, la gestion urbaine, le développement de la voirie, l'aménagement du territoire mais plutôt la délimitation d'un espace public et d'un espace rural pour le contrôle du territoire.

A la période postcoloniale, du point de vue démographique, Abomey et Bohicon ont les taux d'urbanisation (76,16% pour Abomey et 58,34% pour Bohicon ) les plus élevés du Département du Zou, selon le RGPH3. Les travaux de lotissement entrepris depuis les années 70 à nos jours dans les deux communes, sont des facteurs explicatifs du développement des centres urbains et de la concentration de la population dans certains quartiers urbains et périurbains. De par les pratiques de lotissement dans les deux communes depuis les années70, on peut dire le lotissement "tout azimut", c'est-à-dire répondant aux seules normes urbanistiques, n'est pas l'apanage de toutes les villes. C'est le cas d'Abomey mais, paradoxalement, les nombreux succès des opérations de lotissement dans la commune de Bohicon peuvent s'expliquer par le caractère ouvert de son système foncier, le caractère moins sacré de la terre et les contraintes urbanistiques mineures (site présentant moins d'accident). La ville de Bohicon s'est donc développée non seulement à l'intérieur mais aussi en absorbant les franges périurbaines suivant le réseau des routes notamment celui allant d'Abomey vers Bohicon, ce qui concourt à l'explication de leur conurbation (Cf. carte n° IV sur les champs urbains dans la conurbation d'Abomey et de Bohicon). Une conurbation qui demeure physique et non traduite dans les pratiques de développement.

En ce qui concerne, l'appréciation du degré d'urbanisation des zones loties et non loties, le calcul de l'indice synthétique de modernité des unités d'habitation des ménages des sites de recherche révèle que les acteurs sociaux apprécient différemment le type de milieu (urbain ou tohounnoukoun ; rural ou glétoxo) dans lequel il se trouve. Détohou et Tovigomè, deux milieux ruraux non affectés encore par les opérations de lotissement et très peu urbanisés sont désignés comme `'glétoxo''. Saclo et Séhoun respectivement en cours de lotissement et non loti peuvent être classés comme semi-urbains. Djègbé et Djognangbo sont, d'après les acteurs enquêtés, deux milieux urbains (tohounnoukoun). Si Djognangbo, une zone rurale (il y a 5 ans) est devenue urbaine du fait du lotissement, il faut noter que Djègbé doit son titre de `'tohounnoukoun'' plus à l'implantation de l'espace vert de la place de Goho `'la statue du roi Béhanzin'' ; à l'installation du palais royal privé du Roi Glèlè (1858-1889) qui a insufflé un dynamisme urbain à cette localité. Toutefois, nombre d'habitations existantes dans les maisons familiales présentent des caractéristiques de ruralité telles que définies dans la présente étude. Mais, il s'agit plutôt d'une ruralité qui doit être relativisée car même si, elle est toujours de mise dans les franges périurbaines loties, des acteurs sociaux pensent que l'urbanisation n'est pas en contradiction avec l'intégration des éléments du milieu naturel ou des pratiques traditionnelles dans les constructions modernes (utilisation de la terre de barre).

S'agissant de la gestion des espaces agricoles, la raison majeure qui emmène les enquêtés à faire de l'agriculture est la recherche permanente d'une autosuffisance alimentaire que l'on soit en milieu `'tohounnoukoun'' ou en milieu `'glétoxo''. De plus, pour la majorité des acteurs sociaux enquêtés, l'agriculture urbaine permet d'assainir le milieu urbain et participe à la lutte écologique. A cet effet, elle induit très peu, une ruralisation de la ville. La variation relative calculée suivant l'évolution des champs cultivés entre 2001-2005 montre que sur tous les sites (loti et non loti), la réduction des espaces agricoles est un fait tangible. Ces superficies ont baissé moyennement de 62,12% à Goho2 (site loti en 1995), de 25,60% à Goho1 (site loti en 1974). Djognangbo, une localité lotie à peine, il y a 5 ans a connu également les mêmes changements (réduction de 42,95%). Les champs cultivés à Sèhoun et à Saclo, ont perdu le tiers de leurs espaces agricoles tandis qu'ils ont été réduits d'au moins 50% à Détohou et à Tovigomè. Cette réduction des superficies cultivées est essentiellement due en zones loties au morcellement des parcelles et à l'ampleur du marché foncier tandis qu'en zones non loties, elle est liée à la vente de terres conséquente à l'expansion urbaine. La conséquence majeure est qu'il y a, une baisse significative des activités agricoles suivie d'une diminution des actifs agricoles et de la reconversion des agriculteurs dans de nouveaux métiers. Peut-on continuer à faire les lotissements sans tenir compte des enjeux économiques de la ressource « terre » des communes rurale et urbaine à vocation agricole ?

Du point de vue des transactions foncières, l'étude a révélé qu'il existe sur les 5 dernières années : (i) Un prix du mètre carré urbain dont la variation est comprise entre 1000F et 2000F à Djègbé (Goho1 et 2, Abomey). Tandis qu'à Djognangbo (Bohicon), il est compris entre 400F et 1500F (de nos jours) et peut s'expliquer par le fait, qu'il s'agit d'un site nouvellement loti (2001) et qui est actuellement, objet de convoitise ; (ii) Un prix du mètre carré périurbain dont la variation est comprise entre 100F et 350F à Sèhoun (Abomey) alors qu'elle est dans l'intervalle de 200F à 500F à Saclo (Bohicon) et enfin, (iii) Un prix du mètre carré rural dont la variation est comprise entre 90F et 170F à Détohou (Abomey) tandis qu'elle est dans l'intervalle de 100F à 350F à Tovigomè (Bohicon). On peut donc tirer la conclusion, qu'au moment où la superficie des champs diminue, le marché de la terre connaît un accroissement assez remarquable. Toutefois, on pourrait s'étonner de la dynamique du marché foncier en milieux périurbain et rural mais, cela peut s'expliquer par le fait qu'avec, le morcellement des domaines opéré par le lotissement, les propriétaires terriens par crainte de se voir déposséder de leurs terres, procèdent à un morcellement privé et les vendent.

A propos de la configuration du patrimoine foncier familial, l'application de coefficients de réduction assez élevés dans les zones loties (50% à Zakpo à Bohicon, 48% à Goho1 par exemple) a fait que la structure très ancienne de l'espace familial a connu des modifications : des domaines familiaux sont réduits de moitié; des domaines familiaux sont morcelés en parcelles, avec fiches et numéro; des `'kpatin'' sont transformés en carrés, vendus à une tierce personne alors que dans la tradition `'on n'achète, ni on ne vend pas le kpatin ; c'est le hennu qui le donne''; le kpatin ne se donne même plus dans certaines zones urbaines telle que Goho1; un propriétaire terrien ou un acquéreur de parcelles peut être recasé sur le kpatin d'une autre collectivité; des voies traversent des kpatin voire des xolihennu; des lieux sacrés, de culte et d'inhumation sont saccagés, déplacés du fait du lotissement; la déstabilisation des structures familiales; la morphologie du domaine des collectivités familiales est profondément déstructurée; etc.

Dans le contexte actuel de la décentralisation, un impératif des opérations d'urbanisme de nos jours est la prise en compte de ces réalités endogènes du foncier.

Par ailleurs, si les acteurs sociaux ont pu intérioriser cette pratique du lotissement au point où en langue Fon, elle est diversement désignée (Xwe mima, Xwé mima bo axosu do nu dé min, Ezè ali gbo tohounounkoun, etc.), il n'en reste pas moins que les avantages attendus ne semblent pas toujours se réaliser. Le lotissement donne alors lieu à des conflits fonciers, qui se propagent même au-delà, des zones loties. On parlera de conflits de lotissement en latence dans les zones non encore loties. Il est donc urgent de trouver des solutions à ces conflits pour que le lotissement puisse être un moyen de socialisation du genre humain.

Des recommandations ont été donc formulées en vue d'une viabilisation des espaces fonciers pour une gestion urbaine conséquente ; des stratégies de maintien des espaces agricoles dans un contexte de lotissement ont été définies de même que pour une urbanisation respectueuse de l'environnement social.

La lecture même du rapport de recherche peut permettre à la communauté scientifique, à la configuration développementiste et aux acteurs sociaux de mieux apprécier la pertinence de cette étude et de mettre en relief l'analyse qui est faite des pratiques de lotissement face aux dynamiques foncières dans les deux villes (Abomey et Bohicon) qui ont des réalités économique, sociale, politique, culturelle, etc. différentes mais qui peuvent s'imbriquer.

Mots et expressions clés : urbanisation, urbain, périurbain, ruralité, rural, lotissement, urbanisme, agriculture urbaine et périurbaine, conurbation, espace, foncier, famille.

Hygin KAKAI,

Diplômé en Education culturelle

Maître Socio-anthropologue

hyginfaust@gmail.com

* 1 Ce mémoire est soutenu devant un jury au Centre de Formation et de Recherche et matière de Population (CEFORP) de l'Université d'Abomey-Calavi (BENIN), le 29 décembre 2005 avec une mention Bien.

Il a été dirigé par le Dr Ir Roch MONGBO, Ph.D socio-anthropologie, Maître-assistant au CAMES, Enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Agronomiques de l'UAC, membre de l'Association Internationale des Sociologues de la Langue Française (AISLF) et de l'APAD.






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus