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Concurrence et Innovation, peut-on parler de corrélation ?

( Télécharger le fichier original )
par Pierre PREISSER
Université Paris 1 - DEA economie industrielle 2007
  

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Université Paris 1 « Panthéon Sorbonne » Octobre 2007

UFR 02 ÉCONOMIE

« Concurrence et Innovation »

Peut-on parler de corrélation ? De quelle nature ?

Mémoire présenté et soutenu par :

Pierre PREISSER

Dans le cadre du :

M2 RECHERCHE « ÉCONOMIE INDUSTRIELLE ET POLITIQUES ÉCONOMIQUES »

Sous la direction de M. David ENCAOUA

« L'université de PARIS 1 PANTHEON-SORBONNE n'entend donner aucune approbation ni désapprobation aux opinions émises dans ce mémoire, elles doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. »

Remerciements :

Avant d'introduire ce mémoire, je souhaiterais tout d'abord remercier tous les professeurs que j'ai pu rencontrer durant ces cinq années d'université.

J'aimerais également remercier tout particulièrement mon directeur de mémoire M. David Encaoua pour son enseignement enrichissant durant ces deux dernières années et également pour son aide précieuse. Si j'ai pu travailler efficacement et réaliser ce mémoire, je le dois en partie grâce à sa disponibilité et son implication.

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement toute ma famille qui m'a soutenu tout au long de ce mémoire.

Résumé :

L'innovation est le moteur de la croissance de l'économie, cette affirmation n'est plus à prouver. Cependant il faut la préserver afin que les économies continuent de croître. Pour cela, nous avons créé les autorités de la concurrence. Ces dernières ont pour principal objectif de maintenir la concurrence sur le marché car selon elles, celle-ci est nécessaire pour l'activité d'innovation. Elle encourage l'entrée de concurrents et parce qu'elle maintient des firmes actives, elles les obligent à innover pour survivre à la compétition. Tout le monde ne partage pas ce point de vue, notamment Schumpeter qui, en 1943 stipulait déjà à cette époque, que la concurrence était néfaste pour l'activité de R&D, puisqu'elle dissipait la rente qu'espérait obtenir l'innovateur. Qui a tort et qui a raison ? Peut-on adopter un point de vue clair et définitif ? Cette analyse étudiera l'impact de la concurrence sur l'innovation dans différents cadres d'analyses, comme le cas d'une firme en place qui fait face à l'entrée de concurrents, de firmes asymétriques, de processus de découverte déterministe et stochastique. Pour aboutir à la conclusion suivante qu'il n'existe pas de forme définitive de la relation entre concurrence et innovation, tout dépend des hypothèses retenues.

Mots clés : processus d'innovation, incitation à innover, concurrence, croissance

Abstract :

The innovation is the mainspring of the growth of the economy, it is not to be any more proved. However it is necessary to protect it so that savings continue to grow. For it we created the authorities of the competition. These last ones have for objective to maintain the competition on the market because according to them the competition is necessary for the activity of innovation. It encourages competitor's entrance and because it maintains of active firms, they oblige them to innovate to survive the competition. Everybody does not share this point of view, notably Schumpeter who, in 1943 already, stipulated that the competition was fatal for the activity of R&D because it dissipated the rent that hoped to obtain the innovator. Who is wrong and who is right? Can we adopt a clear and definitive point of view? This analysis will study the impact of the competition on the innovation in various frames of analysis, as the case of a firm in place which faces competitors' entrance, of asymmetric firms, of process of determinist and stochastic discovery. To end in the following conclusion: there is no definitive shape of the relation enter competition on the product market and innovation.

Key words: innovation's process, innovation's incentives, competition, growth

Classification JEL : O31, O47, L11, L20

Table des matières

Introduction page 7-8

Première partie  page 9-43

Les premiers travaux d'économie industrielle page 11

I. Schumpeter, le processus de création destructive page 12

II. Arrow : « l'effet de remplacement » page 13

i. Planificateur social page 13

ii. iMonopole page 13-14

iii. Concurrence page 14-15

Firme en place et nouvel entrant page 16

1ère PARTIE : « Preemptive Patenting and the Persistence of Monopoly »... page 17

I. Brevet anticipé page 18-20

II. Commentaire sur le modèle page 21-22

i. Les dépenses en R&D du monopole page 21

ii. Anticipation et « sleeping patents » page 21-22

iii. Désavantage économique dû à une mauvaise gestion page 22

III. Développements page 23-24

i. Comportement stratégique page 24

ii. Incertitude page 24

iii. Plusieurs concurrents page 25

IV. Conclusion page 26

2ème PARTIE : «Uncertain Innovation and the Persistence of Monopoly »... page 27

I. Résultats précédents page 28

II. Un modèle incorporant l'incertitude page 28-30

III. Conclusion page 31

Firmes asymétriques page 32

I. Introduction page 33

II. Pression concurrentielle page 34-35

III. Effet de la concurrence sur une firme page 36-38

IV. Effet de la concurrence sur l'ensemble de l'industrie page 39-40

V. Théories de la concurrence page 41

VI. Conclusion page 42

Synthèse 1 page 43

Deuxième partie  page 44-106

Première classe de modèle page 46

I. Introduction page 47

II. Logique de la relation en U-inversé page 48

i. Les principales théories page 49

ii. Cadre théorique page 48-50

iii. L'effet « Schumpeter » et l'effet « échapper à la concurrence » page 50-53

iv. Prédictions supplémentaires page 53-54

v. Testons ces nouvelles prédictions page 54

III. Conclusion page 55

Deuxième classe de modèle  page 56

I. Introduction page 57

II. Évidence page 59

III. Le modèle page 60

i. Agents et production page 60

ii. Progrès technique et croissance de la productivité page 61

iii. Contrats, problème d'incitation et contrainte de crédit page 63

IV. Équilibre page 65

i. Définition de l'équilibre page 65

ii. Investissement d'équilibre et décision de refinancement page 65

iii. Équilibre dynamique page 68

iv. Stratégie de maximisation de la croissance page 71

V. Conclusion page 72

Troisième classe de modèle  page 73

I. Introduction page 74

II. Littérature... page 76

i. L'économie industrielle page 76

ii. La croissance page 76

III. L'incitation à innover lorsque l'innovation est séquentielle page 77

IV. Intensité de la concurrence et incitation à innover page 79

i. Résultats préliminaires page 79

ii. Principaux résultats page 82

V. Modèle de croissance page 84

i. Préférence et technologie page 84

ii. Progrès technologique page 84

iii. État stationnaire page 85

iv. Équilibre sur le marché des biens page 85

v. Équilibre dans l'industrie de la recherche page 86

vi. Concurrence et croissance page 87

VI. Remarque conclusive page 89

Quatrième classe de modèle  page 90

I. Introduction page 91

II. Le modèle basique page 92

i. Production et consommation page 92

ii. Décision de production de bien intermédiaire page 92

iii. Taux de croissance à l'état stationnaire page 93

iv. Équilibre sur le marché du travail page 94

III. Comportement des entrepreneurs page 95

i. Maximisation du profit des firmes page 95

ii. Déviation de la maximisation du profit page 96

IV. Analyse du modèle page 100

i. Un argument intuitif page 98

ii. Analyse générale page 101

V. Le rôle disciplinant du marché des capitaux page 102-103

VI. Remarques conclusives page 103

Synthèse 2 page 104

Troisième partie page 105-116

I. Modèle page 107

II. Protocole page 108

III. Benchmark page 109

IV. Résultats page 110

i. Comportement régulier d'investissement page 111

ii. Déterminants du taux investissement page 112

iii. Distinction d'investisseurs audacieux et prudents page 115

V. Discussion page 116

Conclusion page 117

ANNEXES page 119-139

DÉFINITIONS page 140

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES page 141-142

Introduction

Selon l'Organisation de Coopération et de Développement Économique, l'économie mondiale est en passe de réaliser une trajectoire de croissance sans précédent. Avec un taux de croissance annuelle de près de 3.2 % depuis 2000, elle a affiché ces cinq dernières années une progression plus forte que durant toute autre période de cinq ans depuis la Deuxième Guerre mondiale. La croissance étant estimée à près de 5 % pour 2006 et 2007. Cette expansion s'est produite en dépit d'un certain nombre de chocs économiques et politiques : l'éclatement de la bulle boursière en 2000 ; les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ; les guerres en en Irak ; la flambée des prix du pétrole et des produits de base; des déséquilibres mondiaux préoccupants et la performance médiocre de certains des moteurs de croissance traditionnels. Malgré tout cela, la machine économique va de l'avant. Ce qui apparaissait récemment comme un ralentissement de l'activité économique mondiale s'est révélé être un "rééquilibrage".

La baisse du rythme de l'activité aux Etats-Unis, et au Japon, est compensée par une reprise apparemment robuste dans la zone euro. De surcroît, l'économie mondiale est désormais entraînée par les économies émergentes. Selon plusieurs experts, la Chine et l'Inde, comme d'autres pays en développement, sont en mesure de donner à l'économie mondiale sa plus forte impulsion depuis la révolution industrielle.

Mais comment l'économie mondiale est-elle parvenue à croître dans une période d'incertitude internationale et de menaces économiques récurrentes ? L'accroissement du bien-être matériel que les économies développées ont connu, depuis la Révolution industrielle, repose en grande partie sur l'innovation. La quantité et la qualité des biens mais surtout leurs diversités ont augmenté. Les économies modernes se construisent avec des idées autant qu'avec du capital et du travail. On estime que près de la moitié du PIB des Etats-Unis, par exemple, repose sur la propriété intellectuelle. Dans le cadre de l'objectif de Barcelone", l'Union européenne entend porter son activité de R&D à 3 % du PIB à l'horizon 2010 pour devenir "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde". Voyez la Chine : selon des estimations de l'OCDE, en 2006 elle a pour la première fois consacré d'avantage de ressources à la R&D que le Japon, devenant ainsi le deuxième investisseur mondial en R&D après les Etats&-Unis.

Convertir une idée nouvelle, la développer et faire des bénéfices n'est pas chose aisée. Les connaissances nécessaires pour concevoir, développer et produire tous ces biens sont devenues un moteur essentiel de l'expansion économique. L'innovation a aussi suscité une collaboration féconde entre les universités et les entreprises dans de nombreuses régions du monde. Mais l'innovation ne tombe pas du ciel. L'activité d'innovation dépend des lois, des institutions, des marchés financiers, de l'organisation et de l'intensité de la R&D, mais également d'autres paramètres. L'ensemble de ces paramètres affecte l'incitation à innover.

Plus que tout, l'innovation est devenu le moteur de la croissance. Il est donc important de la préserver afin que l'économie continue à croître. Cependant quant est-il de l'impact de la concurrence sur l'activité d'innovation. Est-on sûr que la concurrence favorise toujours l'innovation dans les pays développés ? En fait nous entendons surtout le contraire, ne serait-ce qu'en prenant l'exemple de Microsoft. La concurrence décourage l'innovation et inhibe la croissance, en réduisant le profit que l'on espère obtenir de l'innovation, les économistes nomment cela « la dissipation de la rente ». Si, comme un entrepreneur, j'anticipe l'entrée de concurrent sur mon marché, pourquoi devrais-je investir plus dans la R&D, si le profit que je retirerai de l'innovation s'amenuisait au fur et à mesure de l'entrée de concurrent ? Cependant, les autorités de la concurrence stipule que la concurrence est nécessaire pour l'activité d'innovation. Elle encourage l'entrée de concurrent et parce qu'elle maintient de firmes actives, elles les obligent à innover pour survivre à la compétition. Qui a tort et qui a raison ? Peut-on adopter un point de vue clair et définitif ?

L'objectif de cette analyse est d'expliquer la manière dont l'innovation est affectée par la concurrence, dans différents cadres d'études, afin de pouvoir s'accorder ou non sur la forme de la relation entre concurrence et innovation.

On commencera par se placer dans un cadre d'équilibre partiel afin de mieux analyser l'impact de la concurrence sur l'incitation à innover. Dans cette première partie, on analysera grâce aux modèles de Gilbert et Newberry et de Reinganum l'incitation à innover d'une firme en place, sur un marché, qui fait face à l'entrée potentielle de concurrent. Nous démontrerons ainsi que selon le processus de découverte retenu, le monopoleur sera plus ou moins incité à innover. Pour clore cette partie nous présenterons le modèle développé par Boone. Il se place dans le cas de firmes asymétriques en concurrence, et prouve que la motivation des sociétés en concurrence à se lancer dans une activité de R&D dépend leurs comportements.

Ma deuxième partie place l'analyse dans un cadre d'équilibre général afin de considérer l'effet de la concurrence sur l'innovation donc sur la croissance. Dans ce cadre nous étudierons quatre modèles différents. Nous présenterons le modèle d'innovation « step-by-step » d'Aghion qui démontre l'existence d'une relation en U-inversé entre la concurrence sur le marché des produits et l'innovation. Dans son modèle, il aborde la question de l'incitation à innover des firmes selon leurs distances à la frontière technologiques mondiales. Ceci nous place dans notre deuxième cadre d'analyse, dans lequel nous développerons le modèle d'Acemoglu. Cette dernière montre à quel point des institutions appropriées sont nécessaires pour converger vers la frontière technologique. Le troisième type de modèle développé est le modèle Néo-Schumpétérien développé par Denicolò et Zanchettin, il est présenté afin de réconcilier le point de vue Schumpétérien et l'évidence empirique. Le dernier modèle présenté est le modèle d'agence développé par Aghion et al. Ce modèle démontre que l'incitation à innover est différente selon le comportement adopté par le manager.

Le dernier modèle présenté est le modèle d'agence développé par Aghion et al. Ce modèle démontre que l'incitation à innover est différente selon le comportement adopté par le manager.

Pour clore cette analyse, j'ai décidé de vous présenter une expérience dont l'objectif est de tester la relation entre concurrence et innovation. Depuis quelque temps, on observe l'essor de l'économie expérimentale qui est très utilisée. Pourquoi ne pas faire appel à l'économie expérimentale pour voir si on peut déboucher sur des comportements d'innovation robustes. En annexe, seront présentées les principales démonstrations (en anglais).

PREMIÈRE PARTIE

La relation entre «concurrence sur le marché des produits et l'innovation« en équilibre partiel

Notre analyse de la relation entre concurrence et innovation débute dans le cadre d'un équilibre partiel. En effet, nous essayerons de comprendre l'effet d'une intensification de la concurrence sur l'incitation à innover, avant de comprendre son impact sur la croissance.

Nous savons que les économistes ne s'accordent pas sur la forme de la relation. Leurs divergences proviennent du fait qu'ils ne retiennent pas les mêmes hypothèses. Ainsi, pour mener à bien cette étude nous devons nous placer dans différents cadres d'analyse.

Nous commencerons par un rappel des deux premières grandes théories d'économie industrielle sur cette relation, que l'on doit à Schumpeter et Arrow. En effet, c'est Schumpeter le premier économiste à s'être prononcé sur la forme de la relation, en stipulant que la concurrence était néfaste pour l'innovation. À partir de là, le débat est lancé. Arrow rétorque en démontrant que l'incitation à innover est plus forte dans un cadre concurrentiel.

Ceci étant, nous poursuivrons notre étude par l'analyse de l'effet de la concurrence sur l'incitation à se lancer dans une activité de R&D lorsque sur le marché, il y'a déjà une firme en monopole qui fait face à des entrants potentiels. Dans ce cadre, Gilbert et Newberry prouveront que le monopole est incité à innover afin de maintenir son pouvoir de marché, alors que J F. Reinganum démontre le contraire : pour elle, c'est l'entrant qui est le plus incité à innover.

Avant de conclure, on se placera dans le cadre de firmes asymétriques, en présentant l'article de J. Boone. Ce dernier partage la vision d'Arrow, mais va plus loin dans l'analyse considérant le cas de firmes asymétriques sur un marché où l'entrée se fait simultanément et où il n'y a donc pas de firme en place initialement.

Les premiers travaux d'économie industrielle :

La concurrence favorise t-elle l'innovation ? Cette question est au coeur de mon étude. On ne peut pas décider de mettre en place une politique de concurrence dans le but de favoriser l'innovation, moteur de la croissance depuis les années 90, s'il s'avère que la concurrence inhibe cette dernière.

Il est d'autant plus difficile d'y répondre puisque selon les auteurs, la forme de cette relation diverge. Pour certains, on aurait une corrélation positive, pour d'autres une corrélation négative.

Le débat débute en 1943 avec la thèse de Schumpeter, qui stipule que la concurrence réduit la rente de monopole donc l'incitation à innover. Cependant, de nombreux économistes sont contre cette théorie, notamment Arrow qui, vingt ans plus tard, démontre que l'incitation à innover est plus forte dans un marché concurrentiel.

Pour débuter notre analyse de la relation entre concurrence et innovation, nous allons étudier ces deux théories.

I. Schumpeter : « le processus de création destructrice »

Il considère que l'innovation est temporaire. Une fois son cycle finit, une innovation fondamentale apparaît, et autour d'elle se développe une grappe d'innovations incrémentales, qui ainsi associées permettront de créer un nouveau bien ou un nouveau procédé. Ceci explique bien le terme de « création destructrice ». Autrement dit, une innovation en remplace une autre.

L'innovateur qui investit dans la recherche et le développement, le fait espérant ainsi obtenir une rente de monopole, lui permettant de recouvrer les coûts engagés et de faire un bénéfice. Aussi pour Schumpeter, la concurrence est néfaste pour l'innovation car elle va réduire la rente de monopole et donc l'incitation à innover.

La vision de Schumpeter « légalise » en quelques sortes le monopole et va ainsi à l'encontre de la politique de la concurrence. Pour lui, le monopole est la forme d'entreprise qui permet d'inciter le plus les entrepreneurs à innover.

Il argumente sa vision en précisant que l'activité de R&D est une activité dans laquelle il existe des rendements d'échelle. Aussi, une innovation sera plus facilement diffusée au sein d'une grande entreprise.

Cet argument peut être complété par un argument de course à l'innovation. En cas de course à l'innovation entre un monopole et son concurrent, si le monopole innove en premier, il conserve son pouvoir de monopole. Si, au contraire le rival potentiel innove en premier, le marché se transforme en duopole. Par conséquent, le monopole a donc plus à perdre que son rival s'il n'innove pas, étant donné que le profit de monopole est supérieur à la somme des profits en duopole.

Un dernier argument qui vient renforcer la thèse de Schumpeter, consiste à dire que puisque les marchés financiers sont imparfaits, les entreprises doivent financer en partie leurs investissements en R&D sur leurs ressources propres. Les grandes entreprises qui disposent de ressources propres plus importantes ont donc plus de capacités à innover que les entreprises de moindre taille.

La concurrence ne favorise pas l'innovation car l'entrée de concurrents réduit la rente de monopole qu'espère acquérir un innovateur afin de recouvrir ses coûts et de dégager un bénéfice.

II. Arrow : « l'effet de remplacement »

Selon Schumpeter, l'incitation à innover provient de l'espoir d'obtenir la rente de monopole. Il est intéressant de se poser la question de la réelle motivation pour l'activité de R&D.

En 1962, Arrow s'intéressait aux gains de l'innovation pour une entreprise qui est seule à faire de la R&D, sachant que son innovation est protégée par un brevet d'une durée illimitée 1. L'objectif étant d'isoler l'incitation à innover pure, c'est-à-dire celle qui est indépendante de toutes considérations stratégiques, comme la préemption. On laisse ainsi l'analyse des coûts liés à l'innovation.

Dans ce dessein, nous considérons une innovation de procédé, c'est-à-dire une innovation permettant d'abaisser le coût de production du bien. Cette innovation permet de réduire le coût moyen d'un bien d'un niveau initial élevé à un niveau . Nous cherchons à déterminer la valeur d'une innovation, c'est-à-dire combien une entreprise est prête à payer l'acquisition de cette technologie sachant qu'aucune autre firme ne l'achètera. Pour avoir un point de repère, nous commencerons par considérer l'incitation à innover d'une firme gérée par un planificateur.

i. Planificateur social

Supposons que l'incitation à innover d'un planificateur social soit égal à l'accroissement de surplus social net généré par l'innovation. Le planificateur cherche à maximiser le surplus du consommateur, aussi il fixe un prix égal au coût marginal, c'est-à-dire avant l'innovation et après .

Le surplus social net additionnel par unité de temps vaut :

Si le taux d'intérêt est constant, la valeur actualisée à l'instant 0 de l'innovation est donnée par :

ii. Monopole

Ayant un benchmark, c'est-à-dire une mesure théorique, nous pouvons maintenant analyser la valeur d'une innovation pour une firme en monopole aussi bien sur le marché des produits que sur celui de la R&D. Nous savons que , où est le prix de monopole, fonction du coût .

La valeur de l'innovation pour le monopole correspond au différentiel de profit actualisé qu'il fait avec les deux technologies différentes. Autrement dit, l'incitation à innover d'un monopole est égal à :

__________________

1 le cas plus réaliste d'un brevet limité ou d'une innovation obsolète s'analyse de la même manière.

Puisque, pour tout , il est clair que l'incitation à innover du monopoleur est inférieure à celle du planificateur . En effet, quel que soit le coût, le prix fixé par le monopole implique une production inférieure à celle de l'optimum social. Ainsi la réduction des coûts ne s'applique qu'à un petit nombre d'unités. Le monopole ne peut pas s'accaparer tout le surplus social.

iii. Concurrence

Considérons une situation initialement concurrentielle. Un grand nombre d'entreprises produisent un bien homogène avec une technologie caractérisée par un coût marginal . Ces entreprises sont engagées dans une concurrence en prix à la Bertrand, de sorte que le prix du marché est , ainsi les entreprises font un profit nul. La firme qui détient la nouvelle technologie caractérisée par le coût se voit accorder un brevet.

Soit le prix de monopole, il existe deux possibilités : et.

Dans le second cas, la firme innovante fixe son prix de monopole et les autres entreprises, moins efficientes, ne produisent rien ; on dit que l'innovation est drastique.

Dans le premier cas, l'innovateur est obligé de fixer le prix , parce qu'il y'a une offre concurrentielle de la part des entreprises. On dit alors que l'innovation est non drastique. Dans ce cas, l'incitation à innover en situation de concurrence est égal à :

Notons que par hypothèse, et donc pour tout , d'où l'on déduit que .

D'autre part, pour tout , et donc .

Ainsi dans les deux cas, .

En dehors de toute considération stratégique, le monopole est moins enclin à innover qu'une firme en concurrence.

En innovant, le monopole gagne moins qu'une entreprise concurrentielle parce que le monopole se remplace lui-même quand il innove, alors qu'une société concurrentielle devient un monopole.

Autrement dit, Arrow démontre, contrairement à ce que stipule Schumpeter, que l'incitation à innover est plus grande dans un marché concurrentiel que dans un marché en monopole. En effet, plus l'intensité de la concurrence sera élevée, plus les entreprises seront incitées à innover pour survivre et rester sur le marché.

Il définit ainsi la notion d' « effet de remplacement », ou d' « effet de cannibalisation », qui mentionne que l'incitation à innover provient du différentiel de profit. Si ce différentiel est positif, l'entrepreneur a intérêt à innover et continuer à produire son bien. L'incitation qu'une entreprise a à innover ne dépend pas de la valeur du brevet dans l'absolu, mais de ce qu'elle gagne à innover.

Une entreprise qui a un profit très faible a donc une incitation privée plus forte à innover qu'un monopole qui a déjà un profit plus important.

En effet, l'innovation est un processus de "destruction créatrice de valeur". Chaque innovation va créer une externalité négative pour le détenteur de l'innovation détruite.

Un monopole qui innove se voit donc contraint à détruire sa précédente innovation. Par conséquent, il sera moins enclin à innover.

L'effet de « remplacement » présenté par Arrow, stipule que le monopole est moins incité à innover qu'une entreprise en concurrence, car le différentielle de profit est moindre. Autrement dit, la concurrence favorise l'innovation. Cette vision est opposée à celle de Schumpeter.

Le débat est lancé, nous allons poursuivre notre analyse de la relation entre concurrence sur le marché des produits et innovation dans différents cadres d'études afin de savoir si on peut conclure ou non sur une forme unique de cette relation. Nous commencerons par étudier l'incitation à innover d'une firme en place, qui fait face à des entrant potentiels dans le cas où l'innovation est un processus déterministe ; mais également lorsque le processus de découverte est stochastique.

Firme en place et nouvel entrant :

Pour mieux comprendre le rôle de la concurrence sur l'incitation à innover, nous analyserons le cas où une firme en monopole sur le marché fait face à l'entrée de concurrents potentiels.

Nous verrons ainsi comment la menace de l'arrivée de la concurrence affecte le comportement stratégique de la firme en place.

Pour étudier cela, nous allons développer le modèle présenté dans l'article :

Richard J. Gilbert and David M. G. Newbery (1982): « Preemptive Patenting and the Persistence of Monopoly ».

Cet article démontre, contrairement à la vision Schumpétérienne, qu'une firme en monopole menacée par la concurrence sera incitée à se lancer dans une activité de R&D anticipée.

Cependant, ce résultat ne fait pas l'unanimité au sein des économistes. Les résultats de Gilbert et Newberry tiennent à l'hypothèse que le processus de découverte de l'innovation est déterministe. D'autres économistes, comme J F. Reinganum supposent que l'innovation n'est pas certaine et démontrent que le monopoleur est moins incité à innover que les entrants potentiels.

Ainsi, nous analyserons également le modèle développé dans l'article :

Jennifer F. Reinganum (1983): «Uncertain Innovation and the Persistence of Monopoly ».

1ère PARTIE : Richard J. Gilbert et David M. G. Newbery (1982): « Preemptive Patenting and the Persistence of Monopoly ».

Les firmes dominantes ont reçu beaucoup d'attentions dans la littérature économique. Par exemple, George Stigler soutient que les forces de la sélection naturelle sont puissantes, aussi les firmes qui restent dominantes sont des sociétés performantes dans la gestion ou dans l'activité de recherche et développement. D'autres, tels que O.Williamson, pensent que les imperfections du marché sont responsables, en partie, de la persistance des entreprises dominantes.

Ce papier prend une tournure différente. Il nous fait se demander si les institutions, misent en place comme le système de brevet, créent des opportunités pour des firmes en monopole de maintenir leur pouvoir de marché.

Gilbert et Newberry démontrent que plus tôt est anticipée une action, plus fort peut être son impact (négatif) sur le concurrent potentiel. Ils établissent que sous certaines conditions, une firme en monopole est incitée à maintenir son pouvoir de marché en faisant breveter des nouvelles technologies avant ses concurrents potentiels. Cette activité peut déboucher sur des brevets qui ne seront jamais utilisés ou dont les licences ne seront jamais cédées. Ce type de brevet est appelé « sleeping patents ». Le brevet anticipé n'est pas sans intérêt. La société SCM a d'ailleurs réclamé plus de cinq cents millions de dollars en dommages et intérêts à la Société Xerox pour avoir (entre autre comportements anticoncurrentiels) maintenu une « forêt de brevets » contenant des innovations jamais utilisées ni concédées par des licences.

Dans une première section, nous chercherons à comprendre l'incitation à se lancer dans une activité de R&D anticipée, dans un marché où se trouve un monopoleur sortant et une seule technologie de remplacement brevetable. Ce cadre très simple permet d'identifier l'incitation à innover dans une invention novatrice. Puis, dans une deuxième partie, nous étudierons différentes questions, dans le cadre que l'on aura défini, notamment la question de la crédibilité et des « sleeping patents ». La troisième section développe un modèle plus général. Il permet d'analyser l'interaction stratégique de l'activité d'investissement et du brevet ; la conséquence d'une protection limitée des brevets et de plusieurs technologies potentiellement brevetables et les effets de l'incertitude sur l'anticipation de la décision.

III. Le brevet anticipé

L'incitation à se lancer dans une activité de R&D pour aboutir à un brevet anticipé, émerge clairement dans le modèle développé par Gilbert et Newberry, que nous allons reprendre.

Supposons qu'une firme en place sur le marché soit en monopole dans la vente ou la production d'un produit (le bien 1). Ce monopole peut être la conséquence d'un brevet déposé plus tôt, ou dû simplement au fait qu'il est le seul à avoir accès aux facteurs de production ou de distribution.

L'entrée dans une industrie monopolisée peut exclusivement avoir lieu à travers l'invention et le dépôt du brevet du seul produit brevetable, qui est un substitut du bien du monopoleur. Le coût d'invention du substitut (le bien 2) dépend seulement du retard espéré avant qu'une conception brevetable puisse être produite.

Dans leur représentation simpliste, la date de l'invention T est une fonction déterministe. La fonction de coût C(T), qui est identique pour toutes les firmes engagées dans l'activité de R&D pour produire le substitut est une fonction décroissante de la date de succès. Autrement dit, la date de succès est certaine et est d'autant plus rapprochée que l'effort d'investissement est élevé.

è L'agent qui valorise le plus l'innovation est assuré d'être le vainqueur de la course.

L'espace des stratégies de chaque firme est restreint par la dépense en R&D du bien 2 et le prix du bien proposé par les firmes. Posons Pj le prix du bien (j=1,2). Le bien 1 est uniquement vendu par la firme en place (i.e le monopole). Tandis que le monopoleur (i = m) ou un entrant (i = e) peuvent faire breveter le bien 2. La demande est connue avec certitude et elle est invariable dans le temps.

Avant que le substitut soit breveté, le monopoleur fait un profit m (P1). Si le monopoleur fait breveter le substitut, son profit sera m (Pm1, Pm2). Si par contre, c'est l'entrant qui dépose le brevet du bien 2, le bénéfice de l'ancien monopoleur devient m (Pm1, Pe2) et celui de l'entrant est e (Pm1, Pe2). Les profits sont indépendants du temps, ce qui suppose implicitement que toutes les dépenses d'investissement sont incluses et entièrement amorties.

Dans tous les cas, Pij (j = 1, 2 ; i = m, e) correspond au prix qui maximise le profit de la firme i qui produit le bien j , étant donné la structure dominante du marché.

Le monopole a le choix entre breveter la technologie de remplacement afin de retarder la concurrence ou bien autoriser l'entrée. Gilbert et Newberry permettent au monopoleur de choisir une date de brevet, sous l'hypothèse que les concurrents feront breveter le substitut à la date déterminée par la condition de libre entrée dans la course au brevet.

Le retour sur investissement attendu du brevet par le monopoleur correspond à la différence entre le profit de monopole avec le brevet et le profit lorsque l'entrée est autorisée. La firme devrait breveter le produit de remplacement et anticiper des participants potentiels chaque fois que cette différence excède le coût du brevet car elle y gagne.

Une simple comparaison des profits courants montre que, sous certaines conditions, le monopoleur gagnera toujours en dépensant plus dans l'activité de R&D que la valeur actualisée qu'un rival peut espérer gagner avec le substitut.

è Le monopoleur dépensera toujours plus que ses rivaux dans l'activité de recherche et développement, si l'entrée aboutit à une réduction des profits totaux en dessous du niveau de maximisation commun.

La démonstration de ce résultat est la suivante. Laissons r représenter le taux d'intérêt (le même pour toutes les firmes). La récompense de l'entrant potentiel dépend du prix pratiqué par l'ancien monopole qui produit le bien 1, Pm1, du prix pratiqué par l'entrant, Pm2, aussi bien que de la date d'entrée T. La condition de libre entrée dans la course au brevet a comme conséquence de dissiper les profits, aussi :

Si l'équation (1) est satisfaite pour plus d'une invention à la date T, la concurrence pour le brevet sélectionnerait le premier déposant.

Lorsque l'entrée se produit, le profit de l'ancien monopoleur devient :

Supposons maintenant que le monopoleur prenne la date d'invention définie par la condition de libre entrée comme celle décidée par l'équation (1) et envisage d'inventer avant cette date. Si le coût d'invention est continu à la date T, le monopoleur peut anticiper sur ses rivaux, c'est-à-dire, inventer à une date T-, avec arbitrairement petit, en dépensant une somme. La firme reste en monopole et gagne :

.

La différence entre les profits avec anticipation et profit avec entrée est lorsque et tendent vers zéro :

Notons que le prix de monopole du bien 1 avec entrée peut différer du prix de monopole de ce produit lorsque l'entrée est anticipée. En effet, le monopoleur n'a pas besoin de breveter le substitut technologique dans le cas où ce serait l'entrant qui le produit.

En remplaçant C(T) par sa valeur, on obtient :

Le profit de monopole provenant du brevet anticipé est strictement supérieur au profit de monopole réalisé avec entrée si :

Ø Le membre de gauche de l'équation (6) représente le profit maximum que peut atteindre le monopoleur en produisant les deux biens.

Ø À l'inverse, le membre de droite correspond au profit total de l'industrie lorsque le rival dépose le brevet du substitut.

Le profit du monopoleur excédera celui de l'entrant chaque fois que l'entrée aboutira à une réduction des profits totaux, pourvu que le monopoleur ne subisse aucun désavantage économique dû à la production du substitut par une société rivale.

è Il est clair que si la production du bien 2 par l'entrant n'a aucun effet sur les profits que réalise le monopole en produisant le bien 1, ce dernier n'est pas incité à se lancer dans une activité de R&D anticipé.

Le même argument est valable si la concurrence pour le brevet est moins intense. Dans ce cas, l'entrant potentiel anticipe un profit positif plutôt qu'un profit nul, comme le stipule la condition de libre entrée (1).

Kenneth Arrow a observé qu'avec une protection du brevet, l'incitation à investir dans la recherche et le développement est plus faible pour un monopole que dans un cadre de concurrence ; ce qui suggère que des firmes en monopole soient plus lentes que leurs concurrents pour développer de nouveaux produits ou procédés. Cela ne contredit pas les arguments développés dans la section I, étant donné qu'Arrow a supposé que l'entrée était bloquée dans le cas d'un monopole.

è Cette étude montre qu'autoriser l'entrée peut inciter le monopole à se lancer dans une activité de R&D anticipée s'il prévoit que la concurrence réduira le profit de l'industrie.

IV. Commentaires sur le modèle

Le modèle développé dans la section I nous a permit de comprendre ce qui pousse une firme en monopole à se lancer dans une activité anticipée de R&D. Contrairement à ce qu'a pensé Williamson, cette motivation n'est pas le résultat des imperfections du marché. Dans notre cas, le marché est efficace excepté pour expliquer l'existence initiale du monopole.

è La firme peut maintenir son monopole si l'entrant potentiel anticipe le fait que la concurrence érodera les profits de l'industrie.

Cela requiert de la part des entrants potentiels la capacité de prévoir les actions futures, mais suppose également que les concurrents sont capables d'influencer les profits totaux de l'industrie.

L'exemple étudié précédemment ignore plusieurs complications que nous allons développer dans cette section.

i. Les dépenses en R&D du monopole

Le monopole anticipe l'entrée de concurrents potentiels, en déposant le brevet avant la date décidée par la condition de libre entrée. Si un concurrent sait que cette stratégie est rationnelle pour le monopoleur, l'entrée à travers l'activité de recherche et développement ne se fera pas.

L'anticipation des dommages que peut causer l'entrée d'un concurrent serait crédible si le monopoleur pouvait accélérer l'activité de R&D, en réponse aux dépenses de R&D du rival sans entraîner des coûts supplémentaires ou des retards significatifs. Dans ce cas, l'entrée potentielle n'affecte pas le comportement du monopoleur et, ce dernier innove si l'entrée est bloquée.

è L'entrant potentiel n'investira pas dans la R&D parce qu'il sait qu'il est rationnel pour la firme en monopole d'accélérer ses recherches si des concurrents entrent dans la course au brevet.

Si l'accélération des recherches du monopole en réponse à l'activité de R&D de ses rivaux entraîne une augmentation des coûts, la firme en monopole peut se retrouver forcée d'anticiper les dommages.

Cela serait rationnel si le coût d'attente d'un concurrent pour lancer son programme de R&D excédait le profit espéré. Autrement dit, l'entrant potentiel commencera à innover afin d'entrer sur le marché. Ainsi le monopoleur ne se sera pas incité à débuter une activité de R&D, étant donné que l'accélération de son activité aura un coût trop élevé et le profit espéré sera moindre. Dans ces circonstances, la recherche est planifiée et son intensité est déterminée par le degré de la concurrence.

è Dans ces circonstances, la concurrence influence négativement l'innovation (argument de Joseph Schumpeter). L'anticipation est l'équilibre de Nash de ce jeu.

ii. Anticipation et « sleeping patents »

Un « sleeping patents » est une invention qui n'est pas développée. On a simplement déposé le brevet. Dans un monde certain, un monopole protégé de l'entrée refusera d'investir des fonds pour produire un « sleeping patents », ou alors ce dernier constituera une étape de développement d'une meilleure technologie. Gilbert et J. Stiglitz montrent que le « sleeping patents » n'est pas réservé uniquement à la firme en monopole.

En effet, la condition de libre entrée peut mener les concurrents à déposer ce type de brevet. Ce dernier peut résulter d'un brevet anticipé. Si l'entrée d'un rival est profitable, le monopoleur choisira de ne pas produire le bien substituable, car même en supposant que les coûts et la demande soient identiques pour les deux biens, le développement et la production de l'innovation ont un coût élevé. Aussi, une fois que les coûts de R&D sont déduits du profit, on obtient :

Cependant, rien n'empêche la firme en place de déposer le brevet et de ne pas l'utiliser. Le monopoleur anticipera de déposer le brevet du bien substituable, dès lors qu'il prévoit que l'entrée d'un concurrent aura pour conséquence de réduire le profit total de l'industrie.

è La firme en place doit déposer le brevet avant les concurrents afin de dissuader l'entrée, déterminant ainsi la date d'invention. Utilisé ou pas, ce brevet dépend des caractéristiques de la nouvelle technologie et du stock de capital. Dans notre cas, le monopoleur n'utilisera jamais son brevet car il gagne plus en ne produisant que son bien.

Plus généralement, Y. Barzel ainsi que Dasgupta et al. montrent que la date optimale pour le monopoleur d'utiliser sa nouvelle technologie brevetée est plus éloignée que la date déterminée par la condition de libre entrée.

iii. Désavantage économique dû à une mauvaise gestion

Le désavantage économique dû à une mauvaise gestion a lieu si le monopole ne peut développer un programme de recherche ou un plan de production aussi efficace que n'importe quel rival. Ce désavantage dans la gestion ne change rien au problème de décision de la firme en place.

L'anticipation est une stratégie rationnelle si le coût de protection par le brevet est moins important que la différence entre le profit du monopole avec le brevet et celui ou l'entrée est autorisée.

è Il apparaît évident que si les désavantages du monopole dans la gestion sont significatifs, une stratégie d'anticipation est moins probable.

V. Développements

Le modèle développé dans la section I nous a permit de comprendre ce qui pouvait pousser un monopole à maintenir son pouvoir de marché.

En pratique, le problème est plus complexe. Le monopole peut poursuivre des activités stratégiques qui diminuent la profitabilité du brevet d'un entrant potentiel. La valeur du brevet et sa date d'invention sont incertaines. L'hypothèse d'un seul produit substituable est extrême.

Dans cette section, on va montrer que toutes ces considérations ne détruisent pas l'incitation qu'a le monopole de se lancer dans une activité de R&D anticipé.

i. Comportement stratégique

Leur modèle ne considère pas les stratégies du monopole ayant pour objectif de dissuader l'entrée de concurrents ou de réduire la concurrence comme celle d'augmenter les capacités de production.

Dans le cas d'une concurrence simple, c'est-à-dire qu'on suppose qu'il n'y a qu'un seul produit substituable brevetable, ces comportements stratégiques n'altèrent pas l'incitation à anticiper. Il est prouvé dans leur article qu'une augmentation des capacités de production du monopole a pour conséquence de réduire le profit que peut faire un concurrent s'il décide d'entrer.

Aussi, ce dernier est moins incité à entrer et le monopoleur n'est pas obligé d'investir énormément pour déposer le plus vite possible son brevet (la date d'invention est une fonction déterministe).

è Une stratégie visant à réduire le profit des concurrents potentiels rend l'anticipation plus attractive en abaissant les coûts des programmes de R&D. Généralement, ces deux types de stratégies vont de paire.

ii. Incertitude

De nombreuses sources d'incertitudes peuvent affecter la décision d'anticiper.

· L'incertitude sur le processus d'innovation signifie que la date du brevet n'est pas une fonction déterministe de la dépense de R&D.

Si on suppose que la date du brevet est une fonction stochastique, c'est-à-dire que cette dernière est aléatoire, l'agent qui investit le plus dans la R&D aura simplement une probabilité plus élevée à innover le premier. Cela aura pour conséquence de rendre moins probable la décision de se lancer dans une activité anticipée de recherche et développement.

· L'incertitude sur les caractéristiques de l'invention et sur les stratégies utilisées par le concurrent après son entrée, affecte la valeur de la technologie après que le brevet eut été déposé.

Si tous les agents sont neutres vis-à-vis du risque, l'analyse précédente reste inchangée. L'anticipation est désirable seulement si la réduction du profit dû à l'entrée de concurrence est positive. La présence d'aversion au risque, comme le suggèrent Spence et M.Porter, altère l'incitation à se lancer dans une activité de R&D anticipée.

L'aversion au risque à la même conséquence que les désavantages dans la gestion, c'est-à-dire qu'il est moins probable que le monopoleur se lance dans une activité de recherche anticipée.

iii. Plusieurs concurrents

L'hypothèse que l'entrée peut être possible à travers un seul bien substituable brevetable est une grande simplification.

Pour de nombreuses raisons, comme le fait qu'il existe différentes façons de concevoir un produit avec des caractéristiques de marché équivalentes, le brevet ne peut pas être efficace dans la prévention des entrants potentiels. De plus, les concurrents sont dépendants les uns des autres pour utiliser les brevets et développer leurs produits. Cela encourage la pratique du « cross licensing »1 et décourage le renforcement des restrictions du brevet.

è Aussi n'importe quel monopole maintenu par un brevet est éphémère si la firme ne continue pas à développer de nouveaux produits nécessaires pour capturer une part de marché, étant donné que le brevet est inefficace comme barrière à l'entrée.

__________________

1« Cross licensing » : c'est une entreprise A qui octroie une licence de son brevet à une entreprise B à condition que cette dernière lui concède une licence sur le brevet qu'elle détient.

VI. Conclusion

De nombreuses conditions limitent l'efficacité de l'activité d'anticipation. L'analyse effectuée dans cette étude montre qu'une firme en place peut maintenir son pouvoir de monopole en dépit de l'entrée de concurrents potentiels. Cette conclusion est en accord avec Williamson, mais les raisons sont différentes. Pour ce dernier, la persistance du monopole est due aux imperfections du marché.

Gilbert et Newberry démontrent qu'en l'absence d'imperfection du marché (excepté pour avoir un monopole au début), l'incitation à maintenir le pouvoir de monopole est présente. En effet, un marché parfait pour les inputs de la R&D donne à la firme en place une crédibilité : il peut anticiper l'entrée des concurrents, déposer un brevet avant leurs entrées, produire le bien substituable et réduire ses coûts, devenant ainsi doublement attractif.

Les brevets anticipés ont des conséquences indésirables. Une firme peut maintenir son pouvoir de monopole en déposant un brevet avant ses concurrents. Cependant on a vu qu'il n'était pas profitable pour le monopole de produire le deuxième bien puisque le brevet ne sera pas utilisé. Les fonds engagés ont servi à produire un « sleeping patents » dont l'utilisation n'est cédée à aucune firme, ce qui peut être néfaste pour la croissance et le développement d'autres technologies dans le sens ou si le « sleeping patents » est une innovation fondamentale, le développement des innovations incrémentales est arrêté par la protection du brevet. Les gains de la société résultant des nouvelles technologies se font à un taux plus faible que s'il y'avait eut de la concurrence. Aussi, interdire l'activité d'anticipation peut mener à une augmentation du surplus économique et les ressources seront dépensées pour dissuader l'entrée plutôt que pour investir dans la recherche. Selon J. Bain, l'anticipation dans la R&D est la seule action qui peut retarder l'entrée de rivaux. Cela demeure difficile à identifier en pratique.

Cette conclusion n'est valable que si l'innovation est certaine, ce qui en réalité reste une hypothèse forte. C'est pourquoi, nous allons passer à l'analyse de l'article de J F. Reinganum qui reprend cette étude en supposant que le processus de découverte est stochastique plutôt que déterministe.

2ème PARTIE : Jennifer F. Reinganum (1983): «Uncertain Innovation and the Persistence of Monopoly ».

J. Reinganum développe un modèle dans lequel la firme en place et le challenger s'engagent tous deux dans une course à l'innovation, dans laquelle le processus de découverte est une fonction stochastique. Elle démontre ainsi que lorsque le premier innovateur capture une part suffisamment élevée du marché de l'innovation précédente et que la nouvelle technologie est révolutionnaire, à l'équilibre de Nash, la firme en place investit moins que le nouvel entrant dans ce projet. Avec d'autres spécifications, elle démontre qu'à l'équilibre de Nash, la firme en place conduit en parallèle moins de projets de recherche qu'un challenger.

Dans ces deux cas, il est moins probable que la firme en exercice dépose le brevet de l'innovation. L'intuition de ces résultats est évidente, au moins pour le cas où le premier innovateur capture le marché entier de l'innovation précédente. Quand le processus d'invention est stochastique, la firme en monopole continue de percevoir un flux de profit durant la période précédant l'arrivée de la nouvelle technologie. Cette période est d'une durée aléatoire, elle dépend du montant investi par les firmes dans la R&D ; étant donné que plus une firme a investi une somme importante, plus la période est courte. Si le monopole remporte la course, il ne fait que maintenir son pouvoir, bien qu'il produise un bien plus profitable, en conséquence la firme en place à une plus faible incitation marginale à innover qu'un nouvel entrant potentiel.

Cette étude présente un modèle théorique qui incarne les observations empiriques de Scherer, à savoir que les entrants stimulent le progrès technique à travers leurs comportements d'innovation et leurs provocations envers le monopole. De plus, à l'équilibre, ils contribuent disproportionnellement à une part importante de l'innovation. J. Reinganum essaye aussi d'isoler la cause de la divergence entre ses résultats et ceux de Gilbert et Newberry afin de les intégrer les deux dans une théorie en accord avec les observations empiriques.

La section I reprend les résultats développés par Gilbert et Newberry. À la section II, un modèle simple incorporant l'incertitude sur l'innovation est développé. Il nous permet de démontrer que pour une innovation drastique, la firme en place investit toujours moins que l'entrant potentiel afin que la période de fonction change de main le plus souvent.

I. Résultats précédents

Pour simplifier, considérons le cas où l'innovation réduit le coût de production dans une industrie avec des rendements d'échelle constants. Posons le coût, initial, unitaire de production de la firme en place, et laissons représenter le coût unitaire associé à la nouvelle technologie. Le flux de revenue actuel de la firme en exercice, correspond à  ; représente la valeur actualisée du profit de monopole réalisé en utilisant l'innovation, c'est également la valeur actualisée des profits du monopole actuel, si ce dernier dépose le brevet de la nouvelle technologie ; représente la valeur actualisée du profit obtenu à l'équilibre de Cournot-Nash par le monopole si c'est le challenger qui dépose le brevet ; et correspond à la valeur actualisée du profit obtenu à l'équilibre de Cournot-Nash par le challenger, si ce dernier obtient le brevet de l'innovation.

§ Hypothèse 1 :

Les fonctions , et sont continues et différentiables par intervalle. De plus, et sont des fonctions décroissantes de , tandis que est une fonction croissante de .

Si le monopole dépose le brevet de la nouvelle technologie, ses profits seront d'autant plus élevés que les coûts associés à l'innovation seront faibles. Par contre, si le challenger innove alors que la firme en place utilise toujours son ancienne technologie, les profits de l'entrant seront d'autant plus élevés que les coûts associés à l'innovation seront faibles ; tandis que le profit du monopole sera plus élevé si les coûts du challenger sont élevés.

· Définition 1 :

L'innovation est qualifiée de drastique si , où existe et est définis comme la valeur maximum de telle que . L'importance de l'hypothèse des rendements d'échelle constants est que si les profits sont nuls, la production l'est aussi. Ainsi si , alors la production de l'actuel monopoleur sera nul dès lors que l'entrant à breveté l'innovation. Dans ce cas le challenger devient le monopoleur et. Notons que avec l'inégalité est stricte si l'innovation est non drastique.

Autrement dit, le profit du monopoleur est supérieur si l'innovation est non drastique.

Gilbert et Newberry argumentent que si le processus d'innovation est déterministe, n'importe qui est enclin à offrir le plus pour acquérir la nouvelle technologie, obtenant ainsi le brevet de l'innovation avec la probabilité 1. Le challenger sera prêt à offrir jusqu'à, tandis que la firme en place serait disposée à investir, c'est-à-dire la différence de profit qu'il fait avec et sans innovation. Dès lors que, avec l'inégalité stricte pour, le monopole se lance dans une activité de R&D anticipée. Le monopoleur et l'entrant investiront le même montant dans la R&D, seulement si l'innovation est drastique. Par conséquent, l'anticipation est un équilibre de Nash de ce jeu, ainsi l'industrie restera contrôlée par la firme en place.

è Lorsqu'il n'y a pas d'incertitude sur l'innovation, il est plus probable que le monopoleur innove plutôt que le challenger.

II. Un modèle incorporant l'incertitude

Le modèle développé dans cette section est une généralisation de celui de Tom Lee et Louis Wilde, lequel est lui-même fondé sur le modèle de Glenn Loury.

Une firme en place et un entrant potentiel vont simultanément tenter de perfectionner une technologie permettant de réduire le coût de production. L'incertitude technologique prend la forme d'une relation stochastique entre le taux d'investissement et la date éventuelle de succès.

è Le processus de découverte est stochastique, autrement dit plus on investit plus grande est la probabilité de succès.

Si représente le taux d'investissement dans la R&D du monopole, et la date aléatoire de succès de la firme en place, alors la probabilité de succès est égal à , pour .

De la même manière, si représente le taux d'investissement dans la R&D du challenger, et la date aléatoire de succès de l'entrant potentiel, alors la probabilité de succès est égale à , pour .

La date de succès espérée d'une firme est , où est le taux de hasard qu'on utilise dans la course au brevet.

§ Hypothèse 2 :

La fonction de hasard est deux fois continûment différentiable, avec et pour tout . De plus,

Supposons que la nouvelle technologie est brevetable et que la course prenne fin avec le premier succès. Le profit espéré par la firme en place pour n'importe quelle paire de taux d'investissement est :

Le monopoleur obtient à la date, si l'entrant n'a pas encore innové et la firme en place innove à la date. Cet événement se produit avec une densité de probabilité . Par contre, la firme en place obtient à la date , si la firme en place n'a pas réussi à innover et que le challenger innove à la date. Finalement, le monopoleur reçoit le flux de profit et paye un flux d'investissement tant qu'aucune firme n'a découvert l'innovation ; cela se produit avec la probabilité .

Le profit espéré du challenger suit le même raisonnement.

La différence entre ces récompenses résulte d'un flux de bénéfices de l'occupant actuel et du fait qu'il partage le marché en cas d'innovation couronné de succès par le challenger.

· Définition 2 :

La stratégie de la firme en place (challenger) est d'investir un montant . La récompense attendue par le monopoleur (challenger) est .

· Définition 3 :

La fonction de meilleure réponse du monopoleur est la fonction définie de telle manière que, pour chaque , pour tout .

De la même manière, La fonction de meilleure réponse du challenger est la fonction définie de telle manière que pour chaque, pour tout .

è La fonction de meilleure réponse dépendra uniquement des paramètres (c, R).

· Définition 4 :

La paire de taux d'investissement est un équilibre de Nash si et . Ainsi, chaque firme investit un montant correspondant à sa meilleure réponse en fonction de l'investissement du concurrent.

o PROPOSITION 1

Si , alors il existe une fonction 1 de meilleure réponse pour la firme en exercice qui satisfait les conditions du premier ordre et du second ordre . La fonction est continûment différentiable en et continue en c,R. Respectivement, il existe une fonction de meilleure réponse pour l'entrant qui satisfait également la condition du premier et du second ordre.

De la même manière, est continûment différentiable en et continue en c. De plus, il existe une paire de stratégie, et , correspondant à un équilibre de Nash, chacune d'entre elles est continue en c,R.

____________________

1 L'hypothèse implicite de cette proposition stipule que la fonction de profit de la firme est initialement croissante avec le niveau d'investissement. Sans cette hypothèse, il est possible que la firme puisse avoir plusieurs fonctions de meilleure réponse.

La condition du premier ordre, qui définit implicitement la fonction de meilleure réponse, nous permet d'écrire :

v Remarque 2 :

Dès lors que la récompense d'une firme doit être non négative, en particulier lorsque la firme joue sa fonction de meilleure réponse, il s'en suit que et .

o LEMME 1 :

et . Ainsi, l'existence d'un challenger incite la firme en place à investir plus qu'elle ne l'aurait fait dans la recherche et le développement.

è L'intensification de la concurrence encourage la firme en place à se lancer dans une activité de R&D.

o LEMME 2 :

Si l'innovation est drastique et , alors pour tout .

o PROPOSiTION 2 :

Si l'innovation est drastique et , à l'équilibre de Nash, la firme en exercice investit moins dans la R&D que le challenger puisque .

è Lorsque l'innovation est drastique, la concurrence incite la firme en place à innover mais moins que le challenger.

J. Reinganum conclut donc que pour une innovation suffisamment radicale, c'est précisément l'hypothèse du certain contre l'incertain responsable de la divergence de ses résultats et de ceux de Gilbert et Newberry, le monopole est moins incité à innover que l'entrant potentiel.

Pour voir l'issue de l'économie, considérons ce qu'il arrive dans le modèle de J. Reinganum avec une innovation drastique si la firme en place devait envisager d'investir moins. Elle aurait donc une probabilité légèrement accrue de perdre la course au brevet au profit du challenger, mais le monopoleur dépenserait moins et recevrait ainsi le flux de profit plus longtemps.

L'entrant potentiel en investissant un peu moins subit une probabilité légèrement accrue de perdre la course au brevet au profit de la firme en place. Étant donné que le challenger n'a pas de revenu supplémentaire, il investira plus que le monopoleur afin d'avoir une plus grande chance d'obtenir la récompense.

Considérons la même question avec l'hypothèse de la certitude de l'innovation (processus déterministe). Si l'occupant actuel investit toujours plus que le challenger, il obtiendra le flux de revenus avec la probabilité 1 et n'aura aucune menace de perdre la course au brevet face à l'entrant potentiel. Si par contre, le monopoleur décidait d'investir moins, cela n'aurait aucun impact sur leurs profits. En effet, lorsque le processus de découverte est déterministe, la firme en place est toujours plus prédisposée à innover que le challenger.

III. Conclusion

Il semble clair que l'hypothèse de certitude dans le processus d'innovation n'est pas inoffensif, en particulier lorsque l'on compare les implications des politiques de ces deux modèles. Le modèle de Gilbert et Newberry suggère qu'il faille s'inquiéter du développement de pouvoir de monopole maintenu par le sleeping patent. Cette étude montre que l'on doit beaucoup moins s'inquiéter si l'on suppose que le processus d'invention est stochastique.

Il semble raisonnable de penser que le degré de réduction de coût et le degré d'incertitude sont reliés. Autrement dit, des innovations plus radicales peuvent être soumises à une incertitude plus grande. On peut ainsi réconcilier l'étude de Gilbert et Newberry avec les observations empiriques de Scherer, en suggérant que le modèle avec certitude est le plus approprié pour des innovations incrémentales. Bien sûr, les modèles discutés dans ce papier ont été simplifiés. Pris ensemble, cette étude et celle de Gilbert et Newberry indiquent que l'incitation à maintenir un pouvoir de monopole apparaît plus compliquée que nous semblons le suggérer.

Boone, comme Reinganum, partage la vision d'Arrow en démontrant que la concurrence favorise l'innovation. Boone se place dans un cadre d'analyse différent. Il suppose que les firmes sont asymétriques, et contrairement à Gilbert et Newberry ou encore Reinganum, il ne considère pas le cas où il y'a une firme en place initialement présente sur le marché. Il nous permet de comprendre comment les firmes régissent face à la concurrence, selon leurs comportements.

Firmes asymétriques :

Nous venons d'étudier l'impact de la concurrence sur l'incitation à innover d'une firme en place et d'un entrant potentiel. Il semblerait intéressant d'aller plus loin dans l'analyse, en étudiant l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover de firmes asymétriques dans un marché où l'entrée se fait simultanément, il n'y a donc pas de firme en place. Nous savons que si les entreprises sont identiques, une concurrence plus intense conduira à une réduction de leurs niveaux de profits.

Jan Boone présente une étude incorporant les effets de « sélection » et d'adaptation » de la concurrence sur le marché des produits et sur l'efficacité des firmes. Dans son modèle, les firmes sont asymétriques, dans le sens ou elles ont des comportements différents. Le comportement de la firme est déterminé par son niveau d'efficacité relatif à celui de ses concurrents. L'effet de la concurrence sur l'incitation à innover est différent selon que la firme est plutôt confiante, impatiente, combative, ou bien découragée. Finalement, il démontre qu'une augmentation de la pression concurrentielle ne peut pas inciter les entreprises à innover dans des innovations de procédés et de produits.

Pour étudier ce cas précis, nous allons présenter le modèle développé dans l'article de :

Jan Boone (2000): « Competitive pressure: the effects on investments in product and process innovation ».

I. Introduction

Cet article analyse l'impact de la pression concurrentielle sur des firmes asymétriques qui peuvent investir dans des innovations de produits ou de procédés. Boone démontre qu'un déterminant important de l'effet de la concurrence sur l'incitation des firmes à acquérir une innovation de produits ou de procédés est le niveau d'efficacité productive de la firme par rapport à celui de l'industrie, autrement dit son comportement (dans le modèle de Boone).

Il pose (+ ; -) le cas où une augmentation de la pression concurrentielle augmente l'incitation des firmes à innover dans une innovation de produits, mais réduit l'incitation à innover dans une innovation de procédés. Il est clair que quatre cas peuvent se produire. Les quatre cas sont ordonnés par le niveau du coût de la firme par rapport à celui de l'industrie. Si le coût d'une firme est nul au départ et progressivement s'élève, on obtient l'ordre suivant : (+ ; -), (+ +), (- ; +), (- ; -). Ces quatre cas correspondent respectivement aux comportements impatients, confiants, combatifs ou bien découragés de la firme.

Il démontre que si une élévation de la pression concurrentielle implique une amélioration de la productivité de l'industrie (effet d'adaptation), elle a également pour conséquence le fait de réduire le nombre de variétés de biens (effet de sélection). L'effet de « sélection » stipule que la concurrence poussera les firmes les moins efficientes à sortir du marché. L'effet « d'adaptation » correspond au fait que la concurrence encourage les firmes à améliorer leurs productivités plutôt que développer un nouveau bien.

L'intuition est la suivante, si la concurrence augmente, la firme la moins efficiente du marché fait face à une concurrence plus intense (effet direct), ce qui implique une réduction des coûts de production de ses concurrents (effet indirect). Ces deux effets réduisent le profit de cette firme ce qui induit sa sortie du marché et par la même occasion l'arrêt de la production de sa variété de bien.

La prochaine section définit la notion de « pression concurrentielle ». La section III analyse l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover d'une simple firme, tandis que la section IV étudie son impact sur celle de l'ensemble de l'industrie. Enfin, nous verrons comment la littérature abonde dans le sens de Boone à la section V avant de conclure par la section VI.

La pression concurrentielle

L'intensité de la concurrence est définie en fonction de son effet sur l'incitation des firmes à entreprendre une innovation de procédé ou de produit.

Le résultat d'une innovation de produit est un nouveau bien que l'on introduit dans le marché. Par conséquent, l'incitation pour une innovation de produit est déterminée par le niveau de profit associé à ce nouveau produit.

La conséquence d'une innovation de procédé est la réduction des coûts de production. Si la pente de la fonction de profit de la firme par rapport à son niveau de coût est plus raide, l'incitation de la firme à réduire ses coûts de production sera d'autant plus grande que la pente de la fonction de profit, par rapport à son niveau de coût, est raide.

Laissons représenter le profit de la firme qui dépend de son coût marginal (constant) de production , avec , de celui de ses concurrents , et du paramètre , ce dernier est choisi de façon à maintenir l'idée qu'un surcroît de concurrence rend les firmes plus exposées aux actions de leurs concurrents.

Autrement dit, les firmes ne diffèrent que par leurs niveaux d'efficacité productive , elles sont donc asymétriques. Par conséquent, la fonction de profit n'est pas indicée par puisque les firmes sont symétriques, excepté pour leurs efficiences.

Considérons l'effet du paramètre sur le niveau de profit, , de la firme et celui de la pente de la fonction de profit, . Puis, restreignons nous à l'étude des signes, il y'a quatre cas présentés ci-dessous :

 
 
 
 

Confiante

(+ ;-)

Découragé

(- ;-)

 

Impatiente

(+ ;+)

Combative

(- ;+)

Autrement dit, une firme est dite confiante si un accroissement du paramètre implique une élévation du profit de sans pour autant accroître la pente de la fonction de profit de . Une firme avec un tel comportement préféra investir dans une innovation de produit plutôt que dans un nouveau procédé.

Les comportements « découragés », « impatients », et « combatifs » sont définis de la même manière.

Le paramètre mesure la pression concurrentielle de la firme s'il vérifie la définition suivante :

· Définition 1 :

Pour une fonction de profit donné, le paramètre mesure la pression concurrentielle de la firme s'il existe des valeurs et et sont fonctions de et de telle manière que :

(i) et

implique que la firme est confiante,

implique que la firme est impatiente,

implique que la firme est combative, et

implique que la firme est découragée.

(ii) si la firme est la firme la moins efficace du marché, dans le sens ou pour chaque firme active.

Cette définition restreint le passage du comportement confiant à celui de découragé, puisque cela suppose une augmentation des coûts de production de la firme . Elle exclut également la possibilité qu'un surcroît de concurrence puisse augmenté le profit de la firme la moins efficace.

La restriction du changement de certains comportements est importante pour l'interprétation de comme mesure de la pression concurrentielle.

Si une modification de mène à réduction des profits pour une firme low-cost, tandis qu'elle implique une hausse des bénéfices pour les entreprises high-cost, il semblerait contre intuitif de nommer cela : « un renforcement de la concurrence ». La seconde restriction implique l'idée bien connue qu'une élévation de l'intensité de la concurrence dans une industrie où les firmes sont symétriques, c'est-à-dire que pour toutes les firmes et actives, réduit le niveau de profit de chaque firme.

Cependant, lorsque les firmes sont asymétriques, un accroissement de la concurrence peut évincer les firmes les moins efficaces du marché et accroître le profit de la firme la plus efficace.

è L'effet de sélection permet aux firmes actives de faire un profit plus élevé.

Notons que la définition ne requiert pas que les quatre cas apparaissent, tout dépend du paramètre retenu. Le seul cas où les quatre comportements sont présents a lieu lorsque correspond à la mesure de la substituabilité des biens.

Dans les autres cas, il n'y a pas de firmes confiantes. Cela suggère qu'une firme confiante apparaît seulement dans un environnement très concurrentiel ( proche de 1).

Effet de la concurrence sur une firme

Nous allons reprendre le modèle développé par Dasgupta et Stiglitz (1980) auquel Boone a rajouté deux caractéristiques importantes. Premièrement, les firmes sont asymétriques dans leurs capacités à réduire leurs coûts de production. Deuxièmement, Boone analyse l'effet d'une modification de la pression concurrentielle plutôt que de regarder la corrélation entre la concentration et l'intensité de la recherche.

Considérons un agent qui a une idée pour introduire un nouveau bien (aussi noté ) dans le marché et un processus d'innovation . Ce processus correspond à l'investissement que l'agent doit faire pour réduire le coût marginal de production de son bien à un niveau .

Le jeu est constitué de deux périodes. À la première période, chaque agent décide ou non d'entrer sur le marché avec un nouveau bien, s'il entre, combien doit-il investir pour améliorer l'efficacité de son procédé de production. À la seconde période, le nombre de firme dans le marché et leurs niveaux de coût sont connaissances communes. Les firmes produisent leurs biens et choisissent leurs variables stratégiques (prix ou quantité) indépendamment et simultanément.

À l'équilibre de Nash de la deuxième période, l'agent dont le coût de production est peut obtenir la récompense que l'on note , où représente le nombre de firmes présente dans le marché. Ainsi, trois sources de pression concurrentielles sont explicitement introduites comme argument de la fonction de profit. En effet, plus faible est le coût de production des concurrents, plus intense est la concurrence. Il en va de même pour le nombre d'entreprises, plus il y'en a, plus la concurrence est intense. La troisième source de pression concurrentielle est , qui mesure l'agressivité des interactions entre les firmes.

Boone fait l'hypothèse suivante sur la fonction de profit et le processus d'innovation :

§ Hypothèse 1 :

Les fonctions et satisfont les propriétés suivantes :

(i) est deux fois différentiable en et satisfait , , et pour tout 

Ê Ce qui suggère que la réduction des coûts marginaux requiert un grand effort d'investissement ;

(ii) est une fonction non décroissante en et est une fonction non croissante en  ;

Ê Les agents low-i ont une meilleure idée que les agents high-i, dans le sens où ils doivent investir moins pour obtenir leurs innovations.

(iii) est deux fois différentiable en , , et ;

Ê Cela permet de s'assurer que la dérivée première est une fonction continue et que la dérivée seconde existe ;

(iv) et pour  ;

Ê Ceci suppose que la firme fait un profit plus élevé lorsque son coût de production est plus faible que ceux de ses concurrents;

(v) pour chaque , , , et  ;

Ê Ce qui garanti la concavité de la fonction objectif ; et

(vi) il existe une valeur telle que pour chaque valeur de , , et , on vérifie que .

Ê Autrement dit, l'incitation à réduire les coûts de production n'est pas infinie, elle s'arrête pour une valeur des coûts proche de zéro.

Focalisons nous maintenant sur la manière dont le paramètre affecte l'équilibre de Nash de première période, appelé équilibre connecté.

· Définition 2 :

Pour une fonction de profit et un niveau de concurrence donné, l'équilibre connecté de première période est défini par les quatre propriétés suivantes :

(i) Le niveau de coût optimal : le niveau de coût de chaque agent qui entre sur le marché, satisfait  ;

(ii) Connexion : si l'agent entre sur le marché, alors l'agent entre également ;

(iii) Récompense : le dernier agent, indicé par , fait un profit positif (ou nul) s'il entre sur le marché, ; et

(iv) La condition de libre entrée : tous les agents feront un profit négatif.

è En d'autres termes, à l'équilibre connecté, chaque agent choisit le niveau de coût qui maximise son profit moins son coût d'innovation, en considérant le nombre de firmes actives sur le marché et leurs coûts de production comme donnés.

Cet équilibre est dit connecté parce que tous les agents sont actifs sur le marché. Le dernier agent qui rentre sur le marché fait un profit non négatif, tandis que l'entrée n'est pas profitable pour l'agent. Puisque l'équilibre est connecté, mesure le nombre de firmes actives dans le marché. Cette définition suppose implicitement que les récompenses sont décroissantes en , le lemme suivant montre que c'est effectivement le cas.

o LEMME 1 :

est (faiblement) décroissante en .

On va considérer l'effet de la pression concurrentielle sur l'incitation d'une firme à investir dans une innovation de produit ou de procédé, sachant que les décisions d'investissement des autres firmes sont fixées. Autrement dit, on considère et pour et donné.

o Corollaire 1 :

Pour et fixé, nous savons que :

(i) Une firme est confiante dans le cas où et  ;

(ii) Une firme est impatiente dans le cas où et  ;

(iii) Une firme est combative dans le cas où et , et

(iv) Une firme est découragée dans le cas où et

è Pour une firme combative ou découragée, une élévation de la pression concurrentielle réduit l'incitation des firmes à investir dans une innovation de produit.

è Pour une firme confiante ou impatiente, une telle augmentation améliore l'incitation à entreprendre une activité de R&D dans une innovation de produit, puisque cette augmentation leur permet d'exploiter au mieux leurs avantages de coûts.

Les firmes confiantes et impatientes ont un coût de production plus faible que celui des firmes combatives et découragées (définition 1), cela peut s'interpréter comme l'effet de « sélection » décrit par Vickers (1995).

Puisque l'incitation à innover est réduite par l'intensité de la concurrence pour des firmes combatives ou découragées,, cela signifie que le pouvoir de monopole et les profits sont réduits. C'est en ce sens, qu'Aghion et Howitt (1992) identifient l'argument Schumpétérien.

Pour des firmes impatientes ou combatives, un surcroît de concurrence mène à un investissement plus élevé dans une innovation de procédé . C'est ce que l'on nomme par effet « d'adaptation ». Les firmes s'adaptent à la concurrence en augmentant leur productivité.

è Aussi, les effets d'adaptation et de sélection suggèrent qu'une élévation de la pression concurrentielle améliore l'efficacité moyenne de l'industrie.

Effet de la concurrence sur l'ensemble de l'industrie

Nous allons étudier dans cette section l'effet de la pression concurrentielle dans le cas où toutes les firmes ajusteraient leurs décisions d'innovations. Cette généralisation est motivée par les questions de politiques économiques : que se passe t-il sur les innovations de produits et de procédés de l'ensemble de l'industrie lorsque la concurrence s'intensifie ?

La proposition 1 montre qu'une augmentation de la concurrence ne peut pas faire croître le niveau des innovations de produits et celui des innovations de procédés dans l'industrie. La proposition 2 stipule que sous certaines conditions, un surcroît de concurrence augmente le niveau d'efficacité de l'ensemble de l'industrie, dans le cas où toutes les firmes seraient symétriques.

o PROPOSITION 1 :

À l'équilibre connecté, une amplification de implique une réduction du niveau d'efficience d'au moins une firme, et/ou évince un certains nombre de producteurs introduis dans le marché.

Ainsi, en augmentant l'intensité de la concurrence au mieux, cela provoque un changement de stratégie entre l'amélioration de l'efficacité de chaque firme ou l'accroissement du nombre de nouveaux biens présents sur le marché. La clé de ce résultat est la deuxième condition (ii) de la définition 1. Si la pression concurrentielle réduit le niveau de coût de chaque firme, alors la firme la moins efficace fait face à une intensification de la concurrence, qui provient de deux sources : directement de et indirectement de. La définition 1 (ii) stipule que la hausse de et la diminution de, provoque la baisse du profit de la firme et par conséquent le bien pourrait ne pas être introduit sur le marché. Au contraire, si la hausse de est compensée par une baisse de la pression concurrentielle sur la firme due à l'augmentation des coûts de production de certaines firmes, le profit de la firme va croître, entraînant ainsi l'élévation du nombre de bien produits sur le marché.

è La proposition 1 montre qu'une intensification de la concurrence ne peut augmenter le taux d'innovation de produits et en même temps celui d'innovation de procédés.

Intéressons nous maintenant aux politiques qui, comme Porter (1990), clament que la concurrence améliore l'efficacité de l'industrie. Pour simplifier l'analyse, considérons le cas où toutes les firmes ont le même processus de découverte noté, pour tout . De plus, on se focalise sur les équilibres où toutes les firmes qui entrent sur le marché choisissent le même coût marginal de production .

L'équilibre de première période sera similaire à l'équilibre connecté, caractérisé par la définition 2, excepté que la connexion est hors de propos avec des firmes symétriques.

· Définition 3 :

Une configuration d'industrie est appelée un équilibre symétrique si, est seulement si :

(i) ;

(ii) pour tout ;

(iii) ; et

(iv) pour tout ,  ;

Une des conditions pour qu'un tel équilibre symétrique existe est que les sociétés soient découragées si la pression concurrentielle est mesurée par .

Cela ouvre la possibilité à des équilibres multiples comme on peut le voir dans le cas suivant. Pour une valeur donnée de , commençons à un équilibre initial et augmentons . Puisque les profits des firmes augmentent avec le coût de leurs concurrents (hypothèse 1 (iv)), cette hausse de attire plus de firmes dans l'industrie, augmentant ainsi . Parce que les firmes sont faibles, en accord avec , cette hausse de diminue leurs incitations à réduire leurs coûts, aboutissant à un nouvel équilibre avec un et plus élevés. Étant donné qu'il existe de multiples équilibres, il semble naturel de se demander si une hausse de la pression concurrentielle peut améliorer le niveau de coût de chaque société à l'équilibre le plus efficace. Aussi, concentrons nous sur l'équilibre le plus efficient qui est définit comme suit :

· Définition 4 :

Pour un donné, un équilibre symétrique est dit l'équilibre symétrique le plus efficient si et seulement si il n'existe pas un équilibre symétrique avec .

Notons que si on se focalise sur les équilibres symétriques, la définition 1 (ii) implique que les firmes ne peuvent pas être confiantes ou impatientes, autrement dit, les firmes considérées investissent dans des innovations de procédés.

o PROPOSITION 2 :

Laissons et représenter les deux équilibres symétriques les plus efficients avec . Supposons que pour chaque et , les deux conditions suivantes, évaluées pour et sont vérifiées :

(i) Chaque firme est combative en accord avec la pression concurrentielle mesurée par ;

(ii) Chaque firme est découragée en accord avec la pression concurrentielle mesurée par. Ce qui est le cas lorsque .

Une hausse de l'intensité concurrentielle, de à , améliore (faiblement) l'efficacité productive de chaque firme (qui a survécu), si les firmes sont combatives, respectivement découragées, lorsque la pression concurrentielle est mesurée par , respectivement par .

è La proposition 2 considère le cas où une hausse de la concurrence améliore l'efficacité agrégée mais réduit le nombre de biens présents sur le marché.

L'intuition de ces conditions est la suivante. D'une part, la hausse de devrait augmenter l'incitation des firmes à réduire leurs coûts marginaux, sachant que les firmes devraient être combative si la concurrence est mesurée par. D'autre part, la proposition 1 implique que dans ce cas, où toutes les firmes deviennent plus productives, il est moins probable que la firme entre dans le marché. La condition stipulant que les firmes sont découragées si la pression concurrentielle est mesurée par, garantit que cette chute de ne peut pas renverser l'incitation grandissante (due à ) des firmes à réduire leurs coûts.

è En résumé, il est possible qu'une hausse de l'intensité de la concurrence provoque une amélioration de l'efficacité productive des firmes restantes sur le marché. Cependant, il n'y a aucune raison de penser que ce sera toujours le cas.

Les théories de la concurrence

L'analyse présentée ci-dessus fait référence à deux éléments de littérature théorique sur la concurrence. Premièrement, Boone discute des théories sur la concurrence et l'innovation, puis il parle brièvement de la littérature sur la concurrence et l'incitation à innover des managers lorsque l'impact de la concurrence sur la fonction de profit joue un rôle important.

Les travaux théoriques d'Arrow (1962) sur l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover sont fondamentaux. Arrow compare la situation où une firme en monopole peut réduire son coût marginal de production à , , avec le cas où un laboratoire de R&D peut vendre des licences de sa technologie à des firmes produisant un bien homogène qui se font concurrence à la Bertrand, où au moins deux firmes ont accès à la meilleure technologie actuelle . Arrow démontre que l'incitation à innover est plus forte dans le cas où les entreprises seraient en concurrence à la Bertrand.

Si l'innovation est drastique cela est dû à l'effet de remplacement, qui stipule qu'un profit initial plus élevé réduit la valeur que l'on attribue à l'innovation. Cet effet est absent de l'analyse de Boone, car ce dernier suppose que toutes les firmes entrent simultanément, par conséquent, il n' y a pas de firmes actives avec un profit initial positif.

Si l'innovation est non drastique, cela est dû à ce que notre auteur appelle l'effet d'adaptation.

La littérature sur l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover des entrepreneurs débute par l'observation suivante : l'incitation des managers n'est pas directement liée aux profits puisqu'ils ne possèdent pas (forcément) la firme qu'ils dirigent. Nous ne rentrerons pas dans les détails étant donné que le modèle d'Aghion, Dewatripont et Rey, que nous allons présenter dans une deuxième partie, reprend explicitement ce cadre d'analyse. Nous dirons simplement qu'ils montrent que la concurrence sur le marché des produits crée une discipline sur les dirigeants, elle est donc favorable à l'innovation.

Conclusion

Cet article a analysé l'impact de la pression concurrentielle sur l'incitation des firmes à innover pour une certaine mesure de la pression concurrentielle. Nous avons distingué deux types d'innovations : les innovations de procédés et les innovations de produits.

L'effet d'une intensification de la concurrence sur l'incitation à innover des firmes, dans de telles innovations, dépend du comportement de ces dernières, c'est-à-dire si elles sont confiantes, impatientes, plutôt combatives ou bien découragées. Le comportement d'une firme est déterminé par son niveau d'efficacité relatif à celui de ses concurrents. Boone démontre l'existence de l'effet de sélection et d'adaptation de la concurrence sur l'innovation et celui de l'argument Schumpétérien pour les firmes en monopole.

Autrement dit, une hausse de la pression concurrentielle augmente l'investissement de chaque firme active dans une innovation de procédés, afin d'améliorer leurs productivités et rester compétitives. Cependant, si la concurrence induit plus d'innovations de procédés dans l'industrie, elle réduit le nombre d'innovations de produits présentes dans l'ensemble de l'industrie.

Finalement, en partant de l'idée que les managers ne sont pas motivés par la maximisation du profit, il semblerait possible d'argumenter qu'un surcroît de concurrence puisse stimuler l'incitation à innover dans une innovation de produits et de procédés.

Synthèse 1:

La vision de Schumpeter est simple : la concurrence ne favorise pas l'innovation car l'entrée de concurrent réduit la rente de monopole qu'espère acquérir un innovateur afin de recouvrir ses coûts et de dégager un bénéfice. Arrow ne partage pas sa vision, pour lui l'incitation à innover provient du différentiel de profit. Ce dernier est positif pour une firme en concurrence puisqu'elle peut espérer obtenir la rente de monopole, en remportant la course au brevet. Il nomme cela, l'effet de remplacement. Cet effet stipule que la concurrence favorise l'innovation.

Gilbert et Newberry, ainsi que J. Reinganum ont montré qu'une hausse de l'intensité concurrentielle avait pour effet d'augmenter le taux d'innovation dans un marché où une firme en place fait face à des entrants potentiels. De ces deux articles, il ressort que l'hypothèse de certitude/incertitude, dans le processus d'innovation, n'est pas inoffensive. Dans le modèle développé par Gilbert et Newberry, où l'innovation est certaine, le fait que la concurrence puisse s'intensifier sur le marché de la firme en place, incite cette dernière à se lancer dans une activité de R&D anticipé, pour pouvoir déposer le brevet du bien, afin de dissuader l'entrée, sans pour autant le produire. Cette vision du monopole incité à innover est contraire à la vision Schumpetérienne, bien que le monopoleur soit prêt à innover pour dissuader l'entrée car il sait que l'entrée aura pour conséquence de réduire le profit. Cependant, lorsque le processus de découverte est stochastique, et que l'innovation est drastique, J F. Reinganum prouve qu'un challenger est plus enclin à innover qu'une firme en place. Étant donné que le challenger n'a pas de revenu supplémentaire, il investira plus que le monopoleur afin d'avoir une plus grande chance d'obtenir la récompense. Elle rejoint donc le point de vue d'Arrow.

Boone se place dans un cadre d'analyse différent. Il considère des firmes asymétriques, elles diffèrent par leurs niveaux d'efficacité productive (leurs comportements). Il démontre qu'une augmentation de la concurrence ne peut inciter les entreprises à innover dans des innovations de produits ou de procédés. Il identifie deux effets, l'effet de sélection stipule qu'une hausse de l'intensité concurrentielle évincera les firmes les moins efficaces du marché, et l'effet d'adaptation nous dit que les firmes s'adaptent à la concurrence en investissant dans des innovations de procédés. Autrement dit, Boone démontre que la concurrence a pour effet d'augmenter le niveau d'efficacité productive de l'industrie.

Nous remarquons déjà que selon les hypothèses retenues, l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover est différent. Nous allons poursuivre notre étude dans un cadre d'équilibre général afin d'analyser l'impact de la concurrence sur la croissance. Peut-être que dans un cadre général, nous pourrons aboutir à une relation unique.

DEUXIEME PARTIE 

La relation entre «concurrence sur le marché des produits», l'innovation et la «croissance», en équilibre général

Après avoir étudié l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover dans un cadre d'équilibre partiel, on réitère cette étude mais cette fois en équilibre général. Nous allons essayer de comprendre les effets de la concurrence sur le taux de croissance, dans différents cadres théoriques.

En effet, nous commencerons par analyser la relation entre concurrence et croissance dans un modèle où l'innovation se fait « step-by-step » donnant à cette dernière une forme en U-inversé.

Nous passerons, ensuite, à un autre type de modèle, avec celui développé par Acemoglu, Aghion et Zilbotti, qui met en évidence l'importance de l'innovation sur la croissance et le rôle crucial des politiques économiques quant à leur impact sur la concurrence.

Ceci étant, nous étudierons un modèle « Néo-Schmpétérien » afin de réconcilier le point de vue Schumpétérien et l'évidence empirique. Denicolò et Zanchettin démontrent que dans un modèle Néo-Schumpétérien, l'incitation à innover augmente avec l'intensité concurrentielle impliquant ainsi une élévation du taux de croissance de l'économie.

Pour conclure, on cherchera à savoir si la concurrence affecte l'efficacité productive, notamment dans des modèles d'agences. Une étude récente, d'Aghion, Dewatripont et Rey, a montré que la concurrence sur le marché des produits créait une discipline sur les dirigeants et était favorable à l'innovation.

Première classe de modèle:

Nous débuterons notre analyse de la relation entre concurrence et croissance en équilibre général, en se plaçant dans un cadre théorique où l'innovation se fait «step-by-step», autrement dit, un follower peut rattraper le leader technologique en imitant sa technologie avant d'innover. Nous présenterons le modèle développé par Aghion et al. qui démontrent que cette relation prend la forme d'un U-inversé.

En effet, ils développent un modèle où la concurrence décourage les firmes, en retard, à innover. En revanche elle incite les firmes identiques à se lancer dans une activité de R&D. La combinaison de ces deux effets génère ainsi la relation en U-inversé. À cela s'ajoute deux prédictions : la distance technologique moyenne qui sépare les leaders des followers augmente avec le degré de concurrence et la pente de la relation en U-inversé est plus raide lorsque les industries sont identiques.

Pour ce faire, nous développerons l'article de :

Aghion, P et al, (2005), «Competition and Innovation: An inverted U Relationship».

I. Introduction

Les économistes s'intéressent depuis longtemps à la relation entre la concurrence et l'innovation. Il faut dire que l'innovation est devenue le moteur de la croissance dans les années 90, aussi il ne faudrait pas que les politiques de la concurrence misent en place inhibent l'incitation à innover et par conséquent, soit un frein à la croissance.

Il est donc crucial de déterminer la nature de cette relation, mais ce n'est pas évident. En effet, de nombreuses théories économiques semblent se contredire à ce sujet. Les théories de l'économie industrielle prédisent une corrélation négative, alors que les travaux empiriques démontrent l'existence d'une corrélation positive1.

Ce papier démontre l'existence d'une relation non linéaire en forme de U-inversé. En 1967, Scherer a ainsi fait allusion à l'existence possible d'une relation en U-inversé entre la concurrence et l'innovation. Il a montré une corrélation positive entre l'activité de R&D et la taille des firmes. A notre connaissance, aucun modèle de concurrence existant prédit une forme en U-inversé.

Dans ce modèle les leaders technologiques actuels ainsi que leurs followers peuvent débuter un programme de R&D. Les firmes innovent «step-by-step». L'incitation à innover ne dépend pas tant des profits post-innovation, comme c'est le cas dans des modèles de croissances endogènes, mais du différentiel de profit post-innovation et pré-innovation. Ainsi, plus de concurrence peut favoriser l'innovation et la croissance, parce que cela peut réduire le profit pré-innovation d'une firme plus que cela réduit son profit post-innovation. Le différentiel de profit s'accroît et l'incitation à innover en fait autant. Ils nomment cela l'effet « échapper à la concurrence ». Cela devrait être particulièrement le cas dans des secteurs où les sociétés en exercice sont "au coude à coude". Dans ces secteurs où les firmes sont identiques, le profit pré-innovation devrait être particulièrement réduit par la concurrence de marché.

D'autre part, dans des secteurs où les innovations sont faites par des sociétés à la traîne avec des profits initiaux déjà bas, la concurrence affectera principalement les profits post-innovation et donc l'effet « Schumpeter » devrait dominer. Les firmes voient leurs profits futurs se réduire et elles ne sont plus incitées à innover.

La logique de la forme en U-inversé est la suivante : l'effet « échapper à la concurrence » domine pour un niveau faible de concurrence, ce qui signifie que toutes les firmes vont participer à la course au brevet pour devenir leader. Aussi l'incitation à innover augmente. Ceci est dû au fait que l'intensification de la concurrence se traduit par une diminution de la différence du degré technologique des firmes. Autrement dit, avec l'élévation du degré de concurrence, les firmes deviennent identiques. Or, c'est dans ce type de secteur que l'effet « échapper à la concurrence » est le plus fort. Cela se traduit par une décroissance de la part de firmes identiques dans l'économie, ce qui renforce l'effet « Schumpeter ». Lorsque la concurrence est trop intense, le traînard n'a aucune chance de rattraper le leader technologique et l'incitation à innover diminue. La nature de cette relation est confirmée par leurs études empiriques sur les données anglaises.

L'analyse se structure comme suit. Dans la section II, nous présenterons le modèle qui démontre l'existence de la relation en U-inversé entre la concurrence et l'innovation et nous expliquerons la logique de cette dernière. Puis, nous conclurons cette étude dans la section III.

____________________

Aghion et Griffith dans « competition and growth » réconcilient la théorie et les observations empiriques en considérant le profit pré-innovation comme déterminant de l'incitation à se lancer dans une activité de R&D.

Logique de la relation en U-inversé

i. Les principales théories existantes sur la concurrence et l'innovation

Dans cette section, nous résumons brièvement quelles sont les théories qui étudient le rapport entre la concurrence et l'innovation, ou encore entre la concurrence et la croissance. Il en ressort qu'aucune de ces théories ne peut expliquer la forme de la relation en U-inversé décrit précédemment.

La progression en économie industrielle des modèles de concurrence monopolistique ainsi que de différentiation des produits développés par Salop (1977) et Dixit et Stiglitz (1977) prédit qu'une intensification de la concurrence1 réduit le profit post-entré, réduisant ainsi le nombre de participants à l'équilibre. Ainsi, ces modèles représentent seulement la partie décroissante de la courbe en U-inversée : une concurrence de marché accrue décourage l'innovation en réduisant les profits post-entrée.

Cette prédiction est partagée par la plupart des modèles de croissance endogène (par exemple, Romer (1990), Aghion et Howitt (1992) et Grossman et Helpman (1991)), dans lequel une augmentation de la concurrence, ou du taux d'imitation a un effet négatif sur la croissance de la productivité, en réduisant la rente de monopole qui récompense l'innovation. Dans ce type de modèle, une politique de concurrence a des effets néfastes sur la croissance ; tandis que la mise en place d'une protection de la propriété intellectuelle, comme un brevet, protège la rente de monopole donc la croissance.

Dans tous les papiers mentionnés ci-dessus, le programme des sociétés est une simple maximisation du profit individuel. Par ailleurs, Hart (1983) tient compte dans son modèle des considérations des agents en supposant que les managers ne sont pas motivés par le profit en soi, mais retirent des bénéfices privés en maintenant l'entreprise à flot ; gardant ainsi leur travail. Aussi, une concurrence accrue peut inciter des managers, généralement réticents à faire plus d'effort dans la réduction des coûts pour éviter la faillite.

ii. Cadre théorique

Il y a une masse de consommateurs identiques, chacun fournissant une unité de travail, avec un taux constant d'actualisation, intertemporel, et une fonction d'utilité instantané logarithmique

Le bien est produit à chaque date en utilisant les services d'un continuum de secteurs intermédiaires, selon la fonction de production :

Ø Dans laquelle xjt est un agrégat de deux biens intermédiaires produit par un duopole dans le secteur , par la fonction suivante :

____________________

1 l'intensification de la concurrence est modélisée par une réduction des coûts de transports dans le modèle de Salop (1977), et par l'augmentation de la substitualité des biens différenciés dans celui de Dixit et Stiglitz (1977).

La structure logarithmique de (1) implique qu'à l'équilibre, les individus dépensent le même montant pour chaque panier de bien xj. Ils normalisent cette somme commune en utilisant comme numéraire les prix pAj et pBj à chaque date.

Ainsi, un ménage représentatif choisit chaque xAj et xBj de façon à maximiser xAj + xB j sous la contrainte de budget : pAj xAj + pBj xBj = 1.

Chaque firme a une fonction de production utilisant le travail comme seul input et considère le taux de salaire comme donné. Ainsi, les coûts unitaires de production cA et cB des deux sociétés dans une industrie sont indépendants des quantités produites.

Maintenant, posons k le niveau technologique de la firme i en duopole dans une industrie j, c'est-à-dire qu'une unité de travail actuellement employé par la société i produit un flux de production égal à :

Ø Où > 1 est un paramètre qui mesure la taille de l'innovation.

De la même manière, on déduit qu'il faut -ki unités de travail pour qu'une firme i produise une unité d'output .

L'état de l'industrie est donc caractérisé par deux variables (l,m), où l est la technologie du leader et m représente la distance technologique qui sépare le leader du follower.

Ils définissent m (respectivement -m) comme le profit d'équilibre d'une firme ayant m étape d'avance (respectivement, de retard) sur sa rivale.

Pour simplifier, ils supposent que le spillover* de la connaissance entre le leader et le follower dans n'importe quelle industrie intermédiaire est tel que le gap maximal soutenable est . C'est-à-dire que si une société a déjà une étape d'innovation d'avance, la firme à la traîne apprendra automatiquement à copier la technologie précédente du leader et aura seulement une étape de retard. À n'importe quel moment, il y aura deux types de secteurs intermédiaires dans l'économie :

Ø Des secteurs dit : « leveled » ou « neck-and-neck », où car les firmes sont identiques, elles ont donc le même niveau de technologie.

Ø D'autres appelés : « unleveled », dans lesquels les firmes ne sont pas identiques. Dans de tels secteurs, on observe un leader en avance sur son rival, aussi, (le aussi est nouveau).

En dépensant un coût de R&D (n) = n2/2 en unité de travail, une firme leader obtient une avance technologique d'une étape, avec un taux de hasard (distribution de Poisson) n. Ils nomment n le « taux d'innovation », ou encore « l'intensité de la R&D », d'une firme. Aghion et al. supposent qu'une firme follower peut gagner une étape d'avance avec un taux de hasard h en copiant la technologie du leader, à condition que l'entreprise ne dépense rien dans une activité de R&D. Autrement dit, n2/2 est le coût de R&D d'une firme follower prenant de l'avance avec un taux de hasard n + h.

____________________

* terme définit précisément en annexe.

Ils posent n0 comme l'intensité de R&D de chaque firme dans une industrie « neck - and - neck ». Ainsi, n-1 représente l'intensité de la R&D d'une entreprise follower dans une industrie dite : « unleveled ». Si n1 correspond à l'intensité de la R&D d'une firme leader dans une industrie « unleveled », notons que n1 = 0, puisque ils ont fait l'hypothèse que le follower rattrape le leader, étant donné que ce dernier ne gagne pas de nouveaux avantages en innovant.

Ils modélisent le degré de concurrence par le degré inverse de collusion entre deux firmes identiques dans une industrie. Elles ne peuvent pas s'entendre lorsque l'industrie est « unleveled », l'asymétrie rend difficile la coordination. Ainsi, le traînard dans une industrie « unleveled » ne fait aucun profit. Seul le leader a un revenu qu'ils ont normalisé à 1 et son coût vaut -1 fois son revenu.

Aussi : -1 = 0 et 1 = 1- -1.

Chaque firme dans une industrie de type « leveled » fait un profit nul si elles sont incapables de s'entendre, puisque qu'elles sont identiques, elles vendent le même bien et son en concurrence à la Bertrand. Elles peuvent gagner, chacune, 1 / 2 au maximum si elles mettent en place une entente. Ils posent que :

,

Et ils paramètrent la concurrence par = 1 - , c'est-à-dire un moins la fraction du profit d'un leader qu'une firme identique peut atteindre à travers la collusion. Notez que est aussi le bénéfice progressif d'un innovateur dans une industrie « neck-and-neck », normalisé par le revenu du leader.

Nous analyserons, par la suite, comment une intensité de recherche d'équilibre n0 et n-1 et, par conséquent le taux d'innovation global, varient avec notre mesure de la concurrence.

iii. L'effet « Schumpeter » et l'effet « échapper à la concurrence »

Les taux d'innovation d'équilibre n0 et n-1 sont des conditions nécessaires pour avoir un équilibre Markovien*, symétrique et stationnaire, dans lequel chaque société cherche à maximiser son profit espéré, avec un taux d'intérêt r = 0.

o PROPOSITION 1 :

L'intensité de recherche d'équilibre de chaque firme identique, dans une industrie « leveled », est :

Ø n0 augmente lorsque la concurrence s'intensifie (croît).

Tandis que le taux d'innovation d'équilibre d'une firme à la traîne est :

,

Ø n-1 décroît lorsque le degré de concurrence augmente (croît).

____________________

* terme définit précisément en annexe.

L'effet sur n0 fait référence à l'effet " échapper à la concurrence " à savoir que plus de concurrence incite les entreprises identiques (neck-and-neck) à innover pour échapper à la concurrence, puisque le bénéfice que l'on retire à être en avance augmente avec l'élévation du degré de la concurrence.

Le dernier effet (sur n-1) est l'effet « Schumpeter » qui résulte de la réduction de la rente qui peut être attribué à un follower qui aura réussi à se mettre au niveau de son rival en innovant.

è En moyenne, une augmentation de la concurrence aura ainsi un effet ambigu sur la croissance. Cela incite plus rapidement la croissance de la productivité dans des secteurs actuellement au « coude à coude » et, conduit à une croissance plus lente dans des secteurs « unleveled ».

L'effet complet sur la croissance dépendra de la fraction de secteur « leveled » contre ceux « unleveled ». Mais cette fraction est endogène, puisqu'elle dépend des intensités d'équilibre de R&D dans les deux types de secteurs.

Ils poursuivent en nous montrant sous quelle condition cet effet global est un U-inversé et, en même temps tirent des prédictions supplémentaires à tester empiriquement.

Posons 1 (respectivement, 0) représentant la probabilité qu'un état bascule dans une industrie de type « unleveled » (respectivement, « leveled »). Durant un intervalle de temps, la probabilité qu'un état passe de type « unleveled » devienne « leveled » est 1 (n-1 + h), et la probabilité qu'il bascule dans la direction opposée est 20n0 . À l'état stationnaire, ces deux probabilités doivent être égales, aussi :

Sachant, de plus, que 1 + 0 = 1, cela implique que le flux global d'innovation vaut :

Passons maintenant à l'analyse de la variation des flux d'innovation induit par la concurrence, afin d'établir la possibilité d'une relation en U-inversé.

La proposition 1 stipule que est une fonction croissante de , nous pouvons utiliser n0 comme une mesure de la concurrence. Notez que n0 prend ses valeurs dans un intervalle correspond au maximum de collusion (0=/2), et correspond au maximum de concurrence (0=0).

o PROPOSITION 2 :

Chaque fois que la valeur est comprise dans l'intervalle le taux global d'innovation v (n0) suit un modèle de U-inversé : il croît avec la concurrence n0 pour tout et décroît pour tout .

Si , alors le taux d'innovation augmente avec n0 pour tout , donc l'effet « échapper à la concurrence » domine toujours.

Si, par contre, on observe une diminution de l'intensité de l'activité de R&D avec n0 pour tout, et c'est l'effet « Schumpeter» qui domine.

On peut expliquer la forme en U-inversé de la façon suivante. Quand la concurrence n'est pas trop intense, il est difficile d'inciter des firmes identiques à innover. Aussi le taux d'innovation global sera plus élevé dans un secteur de type « unleveled », parce que la concurrence n'est pas rude donc le follower a beaucoup plus de chance de rattraper le leader. Celui-ci est donc plus motivé à poursuivre une activité de R&D. Ainsi, l'industrie quittera rapidement l'état « unleveled » (ce qu'elle fait aussitôt que le traînard innove), mais quittera lentement l'état « leveled » (ce qui n'arrivera pas jusqu'à ce que une des firmes identiques décide d'innover). Par conséquent, l'industrie passera la plupart de son temps dans un état « leveled », où l'effet « échapper à la concurrence » domine.

è Autrement dit, si le degré de concurrence est initialement très bas, une augmentation de la concurrence devrait aboutir plus rapidement au taux d'innovation moyen.

D'autre part, lorsque l'intensité de la concurrence est initialement élevée, il y a relativement peu d'incitation pour un traînard dans un état « unleveled » d'innover. L'industrie tardera à laisser l'état « unleveled ». En effet, le follower n'est pas incité à innover car sa probabilité de dépasser le leader est faible. En conséquence, le leader n'est pas inquiété de voir son avance se réduire et il n'est donc pas forcer d'investir dans la R&D. Cependant, le différentiel de profit 1 - 0 donne aux sociétés de l'état « leveled » une grande incitation à innover pour que l'industrie soit relativement rapide pour quitter l'état « leveled ». Résultat : l'industrie passera la plupart du temps dans l'état « unleveled » où l'effet « Schumpeter » est au travail sur le traînard, tandis que le leader n'innove jamais.

è Autrement dit, si le degré de concurrence est initialement élevé, une intensification du degré de concurrence devrait aboutir plus lentement au taux d'innovation moyen.

v Remarque :

Dans leur article, Aghion et al. testent empiriquement la relation entre la concurrence et l'innovation dans l'industrie britannique. Ils ont un panel de 311 sociétés pendant la période 1973-1994. Le nombre moyen de brevets déposés par les entreprises, pondéré par le nombre de citation par d'autres innovateurs, constitue la mesure de l'intensité de l'innovation. Leur principal indicateur de concurrence est l'indice de Lerner ou la marge faite sur les prix. Ils vérifient empiriquement leurs résultats théoriques.

La figure 1 montre que les données sont dispersées entre le 10ième et le 90ième décile de la distribution des brevets pondérés par leurs citations et forment une courbe exponentielle. On voit clairement une forme en U-inversé. Les coefficients évalués pour le modèle démontrent une forme en U-inversé significative.

iv. Prédictions supplémentaires

En plus de fournir un raisonnement sur la relation en U-inversé, le modèle livre deux prédictions supplémentaires qui sont récapitulées dans les deux propositions suivantes.

o PROPOSITION 3 :

Le gap technologique, que l'on peut définir comme la distance qui sépare les concurrents de leurs frontières technologique, espéré dans une industrie augmente avec la concurrence de marché.

L'intuition est simple : nous savons qu'une concurrence plus intense a pour effet d'élever le niveau de l'activité de R&D dans des secteurs « leveled » et au contraire de l'abaisser dans des secteurs « unleveled ». Or, il s'avère qu'une industrie passera une fraction plus grande de son temps étant « unleveled » pour qu'en moyenne le gap technologique entre les firmes de ce secteur soit plus élevé. D'après la loi des grands nombres, cela est vrai pour l'ensemble de l'économie.

La proposition suivante est également intuitive : elle suppose l'existence d'une corrélation positive entre l'effet « échapper à la concurrence » et la distance moyenne de l'industrie à sa frontière. En effet, dans les industries où les sociétés sont plus proches de leurs frontières technologiques, l'effet « échapper à la concurrence » a tendance à être plus fort, c'est-à-dire que la partie croissante de la relation en U-inversé sera plus raide.

Plus précisément, supposons qu'il y ait des industries avec un paramètre de spillover élevé h et d'autres avec un h faible. Celles avec un h élevé tendront à être plus identiques en moyenne au cour du temps. Maintenant, on peut comparer l'ampleur de l'effet « échapper à la concurrence », à travers l'industrie selon les différentes valeurs de h.

Aghion et son équipe établissent ainsi que :

o PROPOSITION 4 :

Le sommet du U-inversé, est plus grand et, est atteint pour un degré de concurrence plus élevé dans les industries « neck- and- neck ».

v. Testons ces nouvelles prédictions

Pour évaluer empiriquement ces nouvelles prédictions, nous avons tout d'abord besoin de définir le gap technologique entre les firmes dans une industrie. Nous le calculons en prenant la distance proportionnelle d'une firme à sa frontière technologique, mesuré par la productivité totale des facteurs (TFP).

Plus formellement :

Ø Où F correspond à la frontière de la firme, avec la plus grande productivité des facteurs, et i représente les autres firmes. Aussi mit >0, et mFt =0.

Nous posons mjt, comme la mesure du niveau de croissance de l'activité de recherche dans une industrie. Cette mesure correspond à la moyenne des différents niveaux des firmes composant l'industrie concernée. Une valeur faible de mjt indique que les firmes de l'industrie j sont proches de leurs frontières technologiques et que se sont plutôt des firmes identiques. À l'inverse, une valeur élevée de mjt suppose que ces firmes sont plus éloignées de leurs frontières, il s'agit alors plutôt de firmes traînardes dans un secteur « unleveled ».

§ La première prédiction que nous puissions établir est qu'à l'équilibre, le taux de croissance moyen de l'activité de R&D entre un leader et un follower devrait être une fonction croissante du niveau global de la concurrence dans l'industrie.

Ce résultat est peut-être surprenant parce qu'intuitivement, dans un cadre statique, on pense qu'une élévation du degré de la concurrence aurait tendance à réduire la différence des TFP en augmentant le taux de sortie des firmes avec une TFP basse. Mais empiriquement, nous constatons que cet effet statique de la concurrence semble être dominé en faveur de l'effet dynamique pour augmenter le taux d'innovation. Comme les sociétés innovent pour essayer d'échapper à la concurrence, ils augmentent la différence des TFP dans l'industrie.

§ La deuxième prédiction théorique est que la relation en U-inversé, entre la concurrence sur le marché des produits et la croissance, devrait être plus raide dans des industries « leveled ». Premièrement, il apparaît qu'une industrie « neck-and-neck » a un taux d'innovation plus élevé que les autres industries et cela est vrai pour n'importe quel degré de concurrence.

II. Conclusion

Cet article étudie la relation entre la concurrence sur le marché des produits et l'innovation, donc la croissance. Pour comprendre ce qui conduit à cette forme en U-inversée, ils étendent la littérature théorique actuelle sur l'innovation « step-by-step » pour produire un modèle qui livre une prédiction en U-inversé.

Dans ce modèle, la concurrence peut augmenter le bénéfice progressif de l'innovation, ce qu'ils nomment par l'effet « échapper à la concurrence", mais la concurrence peut aussi réduire l'incitation à innover des traînards, ce qu'ils ont appelé l'effet « Schumpeter ». Le solde entre ces deux effets est différent selon que le degré de concurrence soit élevé ou non, générant ainsi la forme de U-inversé.

L'extension de cette théorie conduit à deux nouvelles prédictions. La première stipule que le niveau de technologie d'équilibre entre des firmes identiques est une fonction décroissante de la concurrence. La seconde démontre que la relation en U-inversé est plus raide lorsque les firmes sont identiques.

Cette approche empirique et théorique fournit des résultats utiles sur l'impact de la concurrence et de la proximité dans l'espace technologique de l'innovation, mais aussi un modèle pour mieux comprendre et expérimenter des politiques.

L'analyse théorique et empirique d'Aghion et son équipe, dans un cadre d'innovation « step-by-step » ont démontré que la concurrence favorise l'innovation, indirectement la croissance, jusqu'à un certain seuil, avant de l'inhiber. Dans leur article, ils abordent la question de l'effet de la concurrence sur la proximité des firmes à leurs frontières technologiques. Acemoglu, Aghion et Zilibotti se placent dans ce cadre d'analyse.

Deuxième classe de modèle :

L'article précédent d'Aghion aborde la question de l'impact de la concurrence sur une firme par rapport à sa distance à la frontière technologique. Nous avons peu développé cette partie étant donné que nous allons l'aborder avec l'article d'Acemoglu. Son étude nous montre que l'innovation, aussi bien passée (technologie existante à la frontière) que future, est le moteur de la croissance. Sans elle, aucune convergence n'est possible. Il montre également la présence de deux effets (appropriation et bouclier de la rente) dont les impacts sont inverses sur la stratégie d'investissement, démontrant ainsi la nécessité d'avoir des politiques économiques adaptées pour continuer à converger. En effet, il établit que trop de concurrence empêche les économies de modifier leurs stratégies à temps ; de même qu'un marché protectionniste conduit les nations dans une trappe de non convergence.

Pour plus de détails, étudions l'article de :

Acemoglu, D., Aghion, P. et Zilibotti, F., (2004) « Distance to Frontier, Selection, and Economic Growth».

I. Introduction

Dans son essai célèbre, Economic Backwardness in Historical Perspectieve, Gerschenkron argumente que les économies relativement en retard (comme ce fut le cas pour la France, l'Allemagne et la Russie pendant le dix-neuvième siècle) pourraient rapidement rattraper des économies plus avancées en entreprenant de nombreux investissements et en adoptant des innovations présentes à la frontière technologique. Il donne de l'importance à certains arrangements « anti-concurrentiels ». Des relations de long terme entre les firmes et les banques ainsi que l'intervention de l'État pourraient faciliter une telle convergence.

Si cette évaluation est correcte, les institutions politiques des nations relativement en arrière devraient encourager l'investissement et le développement de nouvelles technologies, même si cela implique un marché plus rigide et moins concurrentiel.

Pour comprendre le principal mécanisme de leur modèle, imaginons une économie composée de trois agents : (i) les firmes sont à fortes compétences (high skill) ou à faibles capacités (low skill) ; (ii) il y`a des contraintes sur les crédits restreignant le montant d'investissement ; et (iii) les firmes s'engagent dans une activité de R&D et dans l'adoption de technologie existante provenant de la frontière technologique mondiale. Si une firme est couronnée de succès et se révèle être de type high skill, elle pourra continuer à opérer sur le marché. Par contre, si elle est de type low skill, elle peut être évincée du marché et être remplacée. Aussi bien qu'en moyenne, il n'y aura que des entreprises high skill. À cause des imperfections du marché des crédits, les bénéfices conservés permettent aux sociétés existantes (insiders) d'entreprendre de meilleurs investissements. Par conséquent, la décision d'évincer les firmes qui ont échoué, crée un compromis entre investissement et sélection.

Il est également plausible que les compétences et la sélection des « bonnes » firmes soient plus importante pour l'activité d'innovation plutôt que pour l'adoption de technologies existantes : adoption et imitation sont des activités relativement simple comparé à celle de l'innovation. Cela mène à une implication clé de leur modèle : la conservation de sociétés qui ont échoué et de leurs entrepreneurs est plus coûteuse et surgira moins probablement à l'équilibre, lorsque l'activité d'innovation est importante. Un corollaire est que comme l'économie approche de la frontière technologique mondiale et qu'il reste moins de place pour l'adoption et l'imitation, conserver des firmes inefficaces devient moins probable.

Une succession d'équilibres probables serait pour une économie de commencer une stratégie à base d'investissement, comptant sur des firmes existantes afin de maximiser l'investissement. Intuitivement, cette stratégie correspond à un équilibre où la sélection est moins importante, les firmes actives sont protégées, et les économies sont conservées par les entreprises existantes pour tenter de réaliser une croissance rapide de l'investissement et de l'adoption de technologie. Comme l'économie s'approche de la frontière technologique mondiale, le manque de sélection devient plus coûteux, il se produit donc un changement de stratégie. On passe à une stratégie à base d'innovation, où des firmes moins efficaces et leurs entrepreneurs sont évincés.

En outre, comme suggéré par Gerschenkron, l'intervention des gouvernements pour encourager la stratégie à base d'investissement pourrait être utile, puisque cette stratégie pourrait ne pas émerger même lorsque cela est favorable à la croissance et au bien-être social.

Cela est dû à l'effet standard d'appropriation dans des modèles avec une concurrence monopolistique : un investissement plus grand mène à une meilleure productivité et une production plus forte, mais les monopoleurs s'approprient seulement une part de ces gains, car ils supportent les dépenses d'investissement. Cela crée une tendance contre les grands investissements et par conséquent contre la stratégie à base d'investissement.

Les subventions pour l'investissement ou bien les politiques anti-concurrentielles, qui permettent d'augmenter le montant des gains de productivité que le monopoleur peut s'approprier, encouragent la stratégie à base d'investissement et peut élever le taux de croissance à l'équilibre.

Néanmoins, leur analyse révèle aussi que la stratégie d'investissement peut être socialement coûteuse à long terme. Résistant à l'effet d'appropriation, il y'a l'effet bouclier de la rente. En effet, la rente obtenue par les firmes efficaces, leur permet de résister à l'entrée de nouveaux concurrents encore plus efficaces. Cet effet peut dépasser l'effet d'appropriation ayant comme conséquence la poursuite de la stratégie d'investissement. Cela peut retarder le changement de stratégie, ce qui aura comme conséquence de réduire la croissance, parce que l'économie ne fait pas les bonnes opportunités d'innovations. Mais plus important encore, il existe un niveau de développement (la distance à la frontière) tel que, si une économie ne modifie pas sa stratégie avant ce seuil, elle sera coincée dans une trappe de non convergence, où la convergence vers la frontière s'arrête.

Cette étude se poursuit de la façon suivante. La section II présente quelques motivations évidentes. La section III présente le modèle de base, tandis que la section IV caractérise l'équilibre. Nous finirons par conclure à la section V.

II. Évidence

La principale hypothèse de notre analyse est que l'innovation et la sélection deviennent plus importantes quand l'économie approche de la frontière technologique mondiale. Nous allons d'abord enquêter sur la plausibilité de cette hypothèse, en regardant la corrélation entre la distance à la frontière et l'intensité de R&D pour un niveau d'industrie, utilisant des données de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) précédemment analysées par, entre autres, Griffith, Redding et Van Reenen (2003).

Pour estimer la distance d'une industrie à la frontière technologique, on utilise définit par la productivité totale des facteurs de l'industrie dans le pays à la date divisé par la la plus haute de l'industrie à la date dans l'échantillon. Ils obtiennent les évaluations de la proximité de la frontière technologique, aussi bien que des données sur l'intensité de R&D, (R&D divisé par les ventes), pour la période 1974-1990.

è Les résultats démontrent une corrélation significativement positive entre la proximité à la frontière et l'intensité de R&D. Les industries proches de leurs frontières respectives ont une activité d'innovation plus importante.

Cette analyse implique également que les barrières de la concurrence devraient limiter les dépenses, voir même les bénéfices, quand les pays sont loin de la frontière technologique mondiale, mais devenir plus coûteuses près de la frontière. Ces implications apparaissent compatibles avec l'expérience de beaucoup de pays d'Amérique Latine, aussi bien qu'avec ceux de la Corée ou du Japon.

Pour faire un premier pas dans cette direction, ils font une autre étude empirique. Ils considèrent un ensemble de pays n'appartenant pas à l'OCDE, incluant ceux qui l'on rejoint dans les années 90 comme la Corée ou le Mexique, mais excluant les anciens pays « socialistes ». L'échantillon est choisi de manière à évaluer les pays follower qui sont significativement derrière la frontière technologique. Ils divisent l'échantillon en deux catégories de pays, ceux avec des « low-barrier » et les autres qui ont des « high-barrier », en définissant l'intensité des barrières à l'entrée par le nombre de procédures pour ouvrir une entreprise. Les estimations de cette étude montrent qu'il existe une forte corrélation négative entre la proximité de la frontière et la croissance des pays ayant de fortes barrières à l'entrée. Cette relation est beaucoup plus faible pour des pays avec de faibles barrières.

è Autrement dit, les pays high-barrier convergent rapidement quand ils sont loin de la frontière, mais ralentissent significativement près de la frontière. Tandis que les pays low-barrier croissent aussi bien près que loin de la frontière.

Ceci est compatible avec l'idée que les barrières à l'entrée sont plus nuisibles à la croissance lorsque le pays est proche de la frontière.

III. Le modèle

i. Agents et production

L'économie du modèle se compose d'un chevauchement de générations d'agents neutres aux risques vivant durant deux périodes et actualisant le futur au taux . La population est constante. Chaque génération est composée d'une masse de « capitalistes » avec des droits de propriété sur des « sites de productions » mais sans aucune autre compétence ou richesse, et d'une masse d'ouvriers qui sont nés sans richesse, mais dotés de compétences. Les droits de propriété sont transmis dans les dynasties. Tous les ouvriers fournissent leurs travaux et sont productifs dans des tâches de production, mais ils ont une productivité hétérogène dans le management. En particulier, nos auteurs supposent que chaque ouvrier a une probabilité d'avoir de grandes compétences dans la gestion et donc une probabilité d'avoir une faible habilité au management.

Il y'a un unique bien final dans l'économie, également utilisé comme input pour produire les biens intermédiaires. Nous prenons ce bien comme numéraire. Le bien final est produit grâce à la compétitivité du travail et à un continuum de biens intermédiaires utilisés comme input. La fonction de production agrégée est :

Ø Où est la productivité dans le secteur à la date , est le flux de bien intermédiaires utilisé dans la production de bien final à la date , est le nombre d'ouvriers employés dans la production à la date , et .

Dans chaque secteur intermédiaire, un site de production a accès à la technologie la plus productive, , donc cette firme « meneuse » bénéficiera d'un pouvoir de monopole. Chaque firme meneuse a accès à la technologie qui transforme une unité de bien final en une unité de biens intermédiaires de productivité . Certaines firmes peuvent « voler » cette technologie, et produire le même bien intermédiaire avec la même productivité , sans utiliser de site de production ou un entrepreneur. Cependant ces sociétés font face à des coûts de production plus élevés et ont besoin de unités de bien final pour produire une unité de biens intermédiaires, avec (naturellement, ces sociétés ne seront pas actives à l'équilibre). Le paramètre capture tant les facteurs technologiques que les régulations gouvernementales affectant l'entrée (paramètre de mesure anti-concurrentielle). Un plus haut correspond à un marché moins concurrentiel. Le fait que implique que ces sociétés sont moins productives que le producteur en exercice, tandis que implique que le gap de la productivité est suffisamment petit pour forcer le monopoleur à fixer un prix limite afin de prévenir l'entrée de ces sociétés. Naturellement le prix limite sera égal au coût marginal des entrants potentiels :

Le secteur du bien final est compétitif, aussi chaque producteur de bien intermédiaire à la date fait face à la demande inverse : .

Cette équation combinée avec l'équation nous donne la demande d'équilibre : , avec le profit de monopole égal à :

Ø Où est monotone croissante en (dès lors que ).

Ainsi un plus élevé suppose un marché moins concurrentiel et implique des profits plus grands pour les firmes meneuses.

L'équation nous donne les quantités agrégées de bien final quand

Il s'agit du niveau moyen de technologie de l'économie à la date . Le niveau de salaire du marché est égal à la productivité marginale du travail dans la production :

.

Finalement, la production nette du bien final,, correspondant à la production de bien final moins le coût de production du bien intermédiaire, vaut :

Ø Où est monotone décroissante en.

Ainsi, pour un niveau de technologie donné, tant la production totale que la production nette diminuent avec le pouvoir de monopole, ceci est dû aux distorsions standards du monopole. Notons aussi que la production nette et les profits ont des formes similaires, bien que la production nette ait le terme , . Cela reflète l'effet d'appropriation : le monopole capture seulement une fraction plus grande de la productivité dans le secteur du bien final (ou du surplus du consommateur) créé par leur production.

ii. Progrès technique et croissance de la productivité

Chaque firme meneuse (capitaliste) requiert un entrepreneur pour qu'elle fonctionne. Cela suppose que le nombre d'ouvriers de production est égal . Ceci implique que pour tout et .

La productivité des firmes est déterminée par les compétences managériales et la taille du projet que l'entrepreneur exploite. Pour simplifier la discussion, nous supposons qu'il y'a deux tailles possibles de projets : « petites » et « grandes ». Lancer un projet requiert un investissement supplémentaire, lequel est naturellement plus élevé si le projet est grand qu'il ne l'est si le projet est petit. Le coût de cet investissement peut être financé par les gains conservés par les entrepreneurs, ou bien par les capitalistes qui possèdent les firmes.

Au début de la période, les capitalistes peuvent emprunter à un ensemble d'intermédiaires financiers compétitifs des fonds collectés aux consommateurs. L'intermédiation se fait sans coût et il y'a libre entrée dans cette activité.

Les compétences managériales qui affectent la croissance de la productivité sont initialement inconnues et sont révélées aux agents après qu'ils eurent travaillé comme entrepreneur pour la première fois. Un management performant se définit en deux tâches :

· Ils s'engagent dans une activité d'innovation, les compétences managériales sont importantes pour le succès de cette activité.

· Ils adoptent également des technologies provenant de la frontière. Dans ce cas, leurs compétences jouent un rôle plus faible.

è Cette hypothèse capture la notion que des économies relativement en retard peuvent croître en adoptant des technologies déjà développées. La sélection des entrepreneurs sera donc moins importante pour l'adoption que pour l'innovation.

Autrement dit, le taux de croissance de la frontière technologique, , est :

Retournons à la détermination de ce taux de croissance. Tous les pays ont un taux de croissance de leur technologie, , définit par , inférieur à celui de la frontière. Nous avons donc, .

La productivité du bien intermédiaire à la date est définit comme suit :

Ø Où représente la taille du projet, avec correspondant à un projet de faible envergure, et représentant un grand projet. indique le niveau de compétence du manager.

L'équation capture les deux dimensions de la croissance de la productivité : l'adoption et l'innovation. En adoptant des technologies existantes, la firme bénéficie de l'état de technologie mondiale de la période précédente, , indépendamment du niveau de compétence. Tandis que la croissance de la productivité due à l'activité d'innovation dépend des capacités du manager, mesuré par le terme .

è Cela introduit l'hypothèse que les capacités managériales sont plus importantes pour l'innovation qu'elles ne le sont pour l'imitation. L'innovation repose sur la sélection des entrepreneurs.

Finalement, l'équation implique aussi qu'un meilleur investissement (un grand projet) mène à une meilleure croissance de la productivité. En combinant cette équation avec l'équation , on obtient le taux de croissance agrégée de la technologie :

L'équation indique l'importance de la distance à la frontière capturée par le terme. Quand ce terme est large, cela signifie que la nation considérée est loin de la frontière technologique mondiale et que la meilleure source de croissance est l'adoption. À l'inverse, lorsque ce terme est proche de 1 cela stipule que le pays est proche de la frontière et dans ce cas l'activité d'innovation qui dépend des compétences managériales est meilleure pour la croissance.

Pour simplifier on suppose que pour des faibles capacités au management, et on présume que pour un manager ayant de fortes capacités. Pour garantir la décroissance de la vitesse de convergence de la frontière technologique mondiale, on pose que , en rappelant que est la part des entrepreneurs à fortes capacités.

Finalement, les coûts d'investissements pour un petit et un grand projet sont respectivement :

,

Ø Où .

L'hypothèse que le coût d'investissement est proportionnel à  garantit une croissance équilibrée. Intuitivement, un composant important de l'activité managériale est d'entreprendre une activité d'imitation et d'adaptation des technologies déjà existantes à la frontière mondiale. Seulement cette frontière croît, ce qui à pour conséquence une augmentation des coûts des entrepreneurs. Ainsi, le coût d'investissement augmente avec .

iii. Contrats, problème d'incitation et contrainte de crédit

Les capitalistes peuvent emprunter de l'argent à des intermédiaires financiers au taux d'intérêt exogène , et offrent des contrats de manager à un sous ensemble d'ouvriers, spécifiant le montant emprunté aux intermédiaires et le salaire des entrepreneurs, aussi bien que le niveau d'investissement.

Le coût d'investissement est financé à travers les gains conservés par les entrepreneurs ou les capitalistes. Pour simplifier la discussion, nos auteurs supposent qu'un jeune capitaliste (une nouvelle firme) ne peut pas engager un entrepreneur expérimenté, car il ne peut pas s'adapter aux nouvelles technologies, aussi elle emploiera un jeune manager.

Les entrepreneurs engagés dans une activité d'innovation sont difficiles à observer. Cela crée un problème de hasard moral. Nous supposons qu'un manager peut détourner une fraction du retour sur investissement pour sa propre utilisation et qu'il ne sera pas poursuivit en justice. Le paramètre mesure l'étendue des problèmes d'incitation résultant des imperfections du marché du crédit. Le hasard moral joue deux rôles importants dans ce modèle :

· Il crée des contraintes de crédit restreignant les investissements, notamment pour les jeunes entrepreneurs qui n'ont pas encore fait d'économie.

· Il offre un bouclier aux entrepreneurs expérimentés contre les dommages qu'ils peuvent subir face à l'entrée de nouveaux managers.

Pour spécifier l'incitation compatible avec la contrainte, définissons comme le profit ex-post généré par la firme à la date comme une fonction de la taille du projet, , et de l'âge des entrepreneurs, , et du niveau de compétence . Le profit est déterminé par l'équation . Pour un entrepreneur qui ne détourne pas de revenus, l'incitation sous contrainte suivante doit être vérifiée :

Ø Où est le paiement d'un entrepreneur d'âge et de compétence , menant un projet d'envergure.

Cette incitation requiert que le manager soit prêt à payer une certaine fraction de son profit ex-post. Définissons comme les gains conservés injectés par un entrepreneur pour financer une partie du coût d'investissement, et représente les économies totales. On notera qu'elles sont positives et que pour un jeune entrepreneur, elles sont nulles.

On peut maintenant définir la valeur d'un capitaliste avec un projet d'envergure, un entrepreneur d'âge et de compétence  :

Avec :

Ø comme le choix optimal de la taille du projet selon la maximisation du profit, quand l'entrepreneur est d'âge et de compétence , et que est l'opérateur d'espérance à la date (cela s'applique dans le cas de jeunes entrepreneurs dont les compétences sont inconnues).

Les capitalistes maximisent leurs retours espérés sur investissement définit par l'équation , sous la contrainte d'incitation et d'un ensemble de contraintes de participation pour l'entrepreneur que nous ignorerons. La valeur maximale pour un capitaliste est donc de :

Ø Avec le paiement du manager satisfaisant la contrainte d'incitation.

Si les contraintes de participations sont relâchées, nous aurions un excès d'offres de jeunes entrepreneurs et un excès de demande de managers expérimentés qui révèle de fortes capacités managériales. La concurrence entre les capitalistes expérimentés implique que :

Ø Un capitaliste expérimenté offrira un salaire plus élevé pour attirer les entrepreneurs expérimentés qui ont de fortes compétences.

____________________

*terme définit en annexe

IV. Équilibre

i. Définition de l'équilibre

Pour définir l'équilibre, nous devons définir, auparavant, la notion de proximité à la frontière technologique. Pour cela, nous utilisons la mesure suivante :

Autrement dit, cette équation mesure l'inverse de la distance qui sépare la nation concernée de la frontière technologique mondiale. Cette variable sera résumée comme l'état de l'économie.

La décision clé, dans cette économie, est le niveau d'investissement (la taille du projet) selon les différents types de managers. Il est clair qu'un manager à fortes compétences conservera des économies pour investir, mais le choix crucial est de savoir si un entrepreneur peu doué le fera ?

On représente la décision de soutenir l'entrepreneur par , avec correspondant à l'évincement du manager et correspondant à son maintient.

Un équilibre statique (donnant l'état de l'économie ) qui satisfait les différentes conditions (prix, salaire, contrainte,...etc.) est tel que :

Ø quand , le capitaliste évince son manager, lorsque le retour sur investissement qu'il espère obtenir avec un jeune entrepreneur, peu importe ses compétences, est supérieur aux bénéfices qu'il fait avec un entrepreneur expérimenté mais de faibles compétences.

Ø quand , le capitaliste maintient son manager, lorsque le retour sur investissement qu'il espère obtenir avec un jeune entrepreneur, peu importe ses compétences, est inférieur aux bénéfices qu'il fait avec un entrepreneur expérimenté mais de faibles compétences

La question de l'équilibre dynamique sera abordée dans les sections suivantes.

ii. Investissement d'équilibre et décision de refinancement

Nous allons caractériser l'investissement d'équilibre (taille du projet) et la décision de refinancement. Même quand, les problèmes de hasard moral sont absents, il serait profitable pour les firmes de payer le coût d'investissement et d'opérer un projet de grande envergure. En effet, les imperfections du marché des crédits et le hasard moral peuvent mener à un sous investissement à l'équilibre, c'est-à-dire que les firmes choisissent des projets de faible envergure même si les projets plus grands sont socialement optimaux. Pour comprendre pourquoi, notons que, puisque l'incitation est contrainte, les profits devront être partagés ex post entre les capitalistes et les entrepreneurs avec les parts et . Cependant, les entrepreneurs sont contraints par le marché des crédits et cela pousse les capitalistes à supporter la majeure partie des coûts d'investissements, bien qu'ils ne s'approprient qu'une fraction des retours sur investissements. Par conséquent, le sous investissement est possible à l'équilibre.

Le problème de sous investissement tend à être plus sévère lorsque les firmes évincent de jeunes entrepreneurs puisqu'ils n'ont pas de richesse, forçant les capitalistes à supporter tous les coûts d'investissements. Les managers expérimentés, au contraire, peuvent supporter une part des coûts en injectant les gains économisés.

Malgré toutes les configurations possibles à l'équilibre, nous focalisons notre attention et décidons de mettre l'accent sur le fait que le financement d'un entrepreneur (qui a prouvé qu'il avait de faibles compétences) sera profitable ; étant donné que cela réduit les imperfections du marché des crédits.

o LEMME 1 :

Laissons

Et supposons que . Puis, pour tout , nous avons :

(1) Les jeunes entrepreneurs opéreront des projets de faible envergure ().

(2) Si un entrepreneur expérimenté, ayant de faibles compétences, est maintenu (), et mène un projet de grande envergure () il y injectera toutes ses économies, , pour financer le projet. Avec,

(3) Tous les managers à fortes compétences sont toujours maintenus et opèrent de larges projets ().

L'hypothèse que est suffisamment faible assure que le marché financier, plutôt que la différence de productivité, est le principal déterminant de la décision de la taille du projet de la firme. Ce lemme établit que , si un manager à faibles compétences est maintenu, il devra mener un projet de grande envergure.

Quand est-ce qu'une firme préférera maintenir un entrepreneur expérimenté aux compétences faibles plutôt que d'évincer un jeune entrepreneur ? Considérons la valeur d'une firme qui maintient un entrepreneur expérimenté aux compétences managériales faibles et opérant un projet de grande envergure.

Pour simplifier, on suppose que , autrement dit le coût d'un large projet est supérieur aux économies faites par le manager. Cela signifie que l'entrepreneur ne finance pas totalement le projet. Cette hypothèse est vraie si on pose que pour tout  ;

.

Au contraire, la valeur d'une firme qui licencie un jeune entrepreneur et opère un petit projet est :

Une firme maintiendra un entrepreneur expérimenté peu compétent si

La condition définit un niveau de seuil de la distance à la frontière, , tel qu'en dessous de ce seuil, les managers expérimentés mais peu compétents sont maintenus .

Utilisant la condition et , on obtient le niveau de seuil :

Ce seuil est croissant en  quand le marché est moins compétitif ( élevé), le passage à une stratégie d'innovation () arrivera plus tard.

Les statiques comparatives reflètent deux choses. La première est l'effet d'appropriation, lequel implique que les firmes ne capturent pas totalement le surplus créé par le progrès technique. Les capitalistes supportent le coût d'investissement, mais à cause de l'effet d'appropriation, ils obtiennent seulement une fraction du retour de leurs investissements. Par conséquent, ils ne sont pas incités à maintenir des entrepreneurs expérimentés, lesquels sont associés à de plus grandes dépenses d'investissements. Deuxièmement, nous démontrons par la condition qu'un plus élevé implique de meilleurs profits et de meilleures économies réalisés par les managers expérimentés, qu'ils peuvent utiliser comme bouclier contre la concurrence des jeunes entrepreneurs, afin de rendre plus probable leur maintien.

L'effet des problèmes d'incitations dus aux imperfections du marché des crédits, , sur est ambigu. D'une part, un plus fort augmente les gains conservés par les managers améliorant ainsi leurs boucliers contre les nouveaux arrivants, encourageant par la même occasion leur maintien aux commandes de la firme.

D'autre part, un plus fort réduit le différentiel de profit entre congédier un jeune ou un entrepreneur confirmé. Si l'ancien effet domine et croît avec , les problèmes de moral hasard ou d'imperfections du marché des crédits seront plus sévères, encourageant ainsi les capitalistes à maintenir les entrepreneurs compétents.

Au contraire, lorsque la condition n'est pas tenue, ces problèmes encouragent l'évincement des entrepreneurs compétents.

L'équilibre statique est résumé dans la proposition suivante :

o PROPOSITION 1 :

Supposons que l'hypothèse A1 est maintenue et que , et laissons être définie par l'équation . Ensuite, pour donné, il existe un unique équilibre tel que (i) les jeunes entrepreneurs opèrent des projets de faible envergure () ; (ii) les entrepreneurs expérimentés peu compétents sont maintenus () et mènent un projet de grande envergure () quand , et sont évincés () lorsque  ; (iii) les managers expérimentés et compétents sont toujours maintenus et mènent à bien de grands projets () pour tout . Le seuil est croissant en.

iii. Équilibre dynamique

Caractérisons maintenant l'équilibre dynamique de l'économie. Définissons premièrement, l'évolution de conditionné à la décision de maintien, . Notons que la moitié des firmes sont jeunes et utilisons l'équation pour écrire , lorsque est la productivité moyenne des nouvelles firmes et celle des firmes expérimentées. Dès lors que les nouvelles firmes licencient des jeunes entrepreneurs qui, d'après le lemme 1, choisissent , et une fraction , de fortes compétences, nous avons

La productivité moyenne parmi les anciennes firmes dépend si nous avons ou. Avec , tous les entrepreneurs sont maintenus, ainsi une fraction ont de grandes capacités, et des entrepreneurs expérimentés choisissent , donc . Par contre, si , seulement une fraction de ces entrepreneurs qui se révèlent avoir de grandes compétences managériales sont maintenus, et une fraction sont remplacés par de jeunes entrepreneurs. Dans ce cas, .

En combinant tout cela, nous obtenons que :

Cette équation nous montre qu'une économie avec adopte une stratégie d'investissements pour atteindre l'équilibre.

Les firmes entreprennent de meilleurs investissements, même si pour cela elles doivent payer les frais d'une mauvaise sélection des entrepreneurs. Cette stratégie implique une relation à long terme avec le manager, ce dernier ne sera jamais congédié puisqu'il sera protégé de l'arrivée de jeunes entrepreneurs.

Au contraire, avec , on peut penser que l'économie poursuit une stratégie à base d'innovations. Aussi, la sélection des entrepreneurs est plus sévère et l'importance est donnée à la maximisation de l'innovation. Par conséquent, la stratégie d'innovations se retrouve dans un environnement concurrentiel où les entrepreneurs peu compétents sont évincés et seuls les managers ayant de fortes capacités sont maintenus.

L'équilibre est simplement déterminé en combinant l'évolution de l'équilibre décrit par l'équation et la proposition 1 :

Les figures 3 et 4 représentent la dynamique de l'équilibre. Lorsque $, l'économie adopte une stratégie à base d'investissements, tandis que quand , l'économie opte pour une stratégie à base d'innovations.

La figure 3 nous monte également la possibilité de tomber dans une trappe de non convergence, dans laquelle l'économie arrête sa convergence vers la frontière technologique mondiale.

Déterminons le taux de croissance mondiale. Il est naturel de penser que le taux de croissance de la frontière technologique mondiale est déterminé de façon endogène par l'économie la plus avancée, qui poursuit une stratégie d'innovations. L'équation évaluée pour , nous donne le taux de croissance technologique mondiale :

.

Nous le supposerons positif. Pour qu'une stratégie à base d'innovations engendre une meilleure croissance qu'une stratégie à base d'investissements à la frontière, , nous avons besoin que :

Par conséquent, à la droite coupe la droite à 45 degré et se trouve au dessus de la droite . Mais la droite doit absolument couper la droite à 45 degré au point . La valeur de ce seuil peut être calculée :

Si l'économie poursuit sa stratégie d'investissements, lorsque , elle restera coincée dans la trappe, comme on peut le voir sur la figure 3. Par contre, si l'économie change de stratégie, elle continuera à converger comme on peut le constater sur la figure 4.

è L'économie, pour continuer à converger doit changer de stratégie avant ce seuil.

Ainsi la condition nécessaire et suffisante pour que l'économie converge normalement est que :

o PROPOSITION 2 :

Supposons que l'hypothèse (A1) est vérifiée et que . Laissons et être définis par l'équation et , et représentons la distance initiale à la frontière par . Alors l'unique équilibre dynamique est comme suit :

1. Si < et , alors l'économie commence par une stratégie d'investissements, pour adopter une stratégie d'innovations lorsque , et converge vers la frontière technologique, .

2. Si < et , alors l'économie commence par une stratégie d'investissements, et converge vers la frontière technologique mondiale jusqu'à ce que , où la convergence et la croissance s'arrêtent.

3. Si , alors l'économie débute avec une stratégie d'innovations et converge vers la frontière technologique mondiale, .

iv. Stratégie de maximisation de la croissance

Dans cette section, nous analysons les implications de la croissance dans différents développements stratégiques. Nous caractérisons, tout d'abord, la stratégie de maximisation de la croissance. Clairement, la maximisation de la croissance n'est pas le critère correct pour la comparaison du bien-être dès lors qu'il ignore les coûts d'investissements.

Néanmoins, il est le plus approprié pour tirer des implications de la théorie qui sont comparables avec les évidences présentées dans la section II.

L'équation nous indique immédiatement que la croissance sera maximale lorsque l'économie atteindra le niveau le plus élevé de pour donné. Ceci est possible si l'économie poursuit la stratégie à base d'investissements, , lorsque , et une stratégie d'innovations, , dès lors que , où est donné par l'intersection de la droite et , ou par :

La condition assure que . Ainsi, comme le comportement à l'équilibre, la maximisation de la croissance débute par l'adoption d'une stratégie à base d'investissements pour opter, ensuite, pour une stratégie d'innovations. Cependant, le changement de stratégie ne se produit pas forcément au même moment que celui de l'équilibre.

Comment comparer et le seuil d'équilibre ? La réponse dépend entre autre du degré de concurrence mesuré par . L'effet d'appropriation crée un biais (relativement à l'allocation de la croissance maximale) contre la stratégie à base d'investissements générant une force contribuant à ce que <. Cependant, pour le contrer, il y'a l'effet bouclier de la rente : les gains retenus sont utilisés pour financer une part des coûts d'investissements, créant un transfert pour les capitalistes et protégeant les managers expérimentés de la concurrence des jeunes entrepreneurs. Quel effet domine ? La réponse est ambiguë. Un degré de concurrence plus élevé augmente relativement à qui n'en dépend pas. Pour donné, il existe un unique niveau de concurrence , représenté par >, tel que = .

Si le marché est moins concurrentiel, on se situe en dessous de ce seuil, ainsi < , et l'économie engendre un excès de rétention d'entrepreneurs peu compétents relativement à l'allocation de maximisation de la croissance. Si la concurrence est élevée, < , nous avons > , et l'économie modifie sa stratégie plus rapidement.

è Limiter la concurrence devrait augmenter la croissance.

v Remarque

Il existe un seuil de niveau de concurrence, , définit par , telle qu'une économie avec un niveau de concurrence, < , ne tombera jamais dans une trappe de non convergence.

V. Conclusion

Cet article expose un modèle de croissance dans lequel les firmes sont engagées à la fois dans une activité d'adoption de technologie existante provenant de la frontière technologique mais aussi dans une activité d'innovation.

Plus l'économie se rapproche de la frontière technologique mondiale, plus grande est l'importance de l'innovation relativement à l'imitation comme source de croissance de la productivité. Dès lors, la sélection d'entrepreneurs compétents et des firmes est plus forte qu'elle ne l'est dans l'activité d'adoption de technologie.

Le modèle montre la dynamique que doit suivre une économie pour converger. Une nation éloignée de la frontière technologique, commencera par poursuivre une activité à base d'investissements, afin de pouvoir adopter des technologies déjà existantes, se rapprochant alors de la frontière. Cela implique une relation de long terme entre les firmes (déjà présentes sur le marché) et les managers expérimentés (compétents ou pas), des investissements conséquents et peu de sélection. Une fois que l'économie se trouve proche de la frontière, pour continuer à converger et ne pas se retrouver dans une trappe de non convergence, la nation doit abandonner sa stratégie d'investissements au profit d'une stratégie à base d'innovations. Cela sous-entend des relations de court terme entre les firmes (nouvelles) et leurs managers (compétents), mais aussi moins d'investissements et une sélection plus rude des entrepreneurs.

L'effet d'appropriation résultant du fait que les firmes n'internalisent pas le surplus des consommateurs qu'elles créent en investissant implique que le changement de stratégie se fera plus tôt. Au contraire, la présence de gains conservés par les entrepreneurs en exercice, leur permettent de supporter une partie des coûts d'investissements, mais sert également de bouclier contre les jeunes managers qui arrivent sur le marché. Cela conduit à ce que la stratégie d'investissements dure plus longtemps.

Lorsque le changement de stratégie se fait plus tôt, l'intervention du gouvernement, via des politiques limitant la concurrence ou fournissant des subventions pour l'investissement, peut être utilisée pour permettre de continuer la stratégie d'investissements. Néanmoins, des politiques anti-concurrentielles peuvent mener vers la trappe de non convergence où l'économie stoppera toute convergence vers la frontière technologique mondiale.

Passons à l'étude d'un modèle complètement différent. En effet, le modèle suivant se propose d'analyser l'impact de la concurrence sur la croissance dans un modèle Néo-Schumpétérien.

Troisième classe de modèle :

Les modèles Néo-Schumpétérien nous aident à comprendre l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover et le taux de croissance de l'économie dans un modèle de croissance endogène.

Nous présenterons le modèle développé par Denicolò et Zanchettin qui identifient l'effet du prix, de l'accumulation du profit et de l'efficacité productive associés à l'augmentation de la pression concurrentielle. L'effet prix réduit l'incitation à innover, cependant le profit (espéré) et l'efficacité productive incitent les entrepreneurs à se lancer dans une activité de R&D. Nos auteurs démontrent dans quelles circonstances l'effet efficacité productive domine l'effet prix. Dans de telles circonstances, les deux effets combinés de l'accumulation du profit et de l'efficacité productive permettent au taux de croissance de l'économie de croître avec le degré de concurrence.

Aussi, nous analyserons l'article de :

Denicolò V. et P. Zanchettin (2004) : « Competition and Growth in Neo-Schumpeterian Models ».

I. Introduction

Il a souvent été dit que la concurrence était bonne pour l'innovation et la croissance. En effet, les travaux théoriques et empiriques menés par Aghion et al. démontrent l'existence d'une relation en U-inversé entre la concurrence et la croissance. Cependant, de récents modèles de croissance endogène tendent à conclure que la concurrence érode la rente de monopole attendue par un innovateur, ne favorisant pas la croissance, et revenant ainsi au point de vue développé par Schumpeter.

Cette étude a pour objectif de réconcilier le point de vue Schumpétérien, à savoir que la recherche de la rente de monopole est la première motivation d'un innovateur, et l'évidence empirique qu'il existe une corrélation positive entre la concurrence et la croissance. Cette conclusion dépend de l'hypothèse, qu'à chaque date, le leader technologique est la firme active.

Dans des modèles plus structurés, deux ou plusieurs firmes peuvent êtres simultanément actives dans la même industrie, deux effets qualitatifs se produisent, celui de l'accumulation du profit ainsi que celui de l'efficacité productive, générant une corrélation positive entre la concurrence sur le marché des produits, l'innovation et la croissance.

N'importe quelle définition de la concurrence implique l'idée qu'une concurrence plus intense réduit le prix d'équilibre donc l'incitation à innover des entrepreneurs qui investissent pour obtenir une rente de monopole, c'est ce qu'on appelle l'effet « prix ». Cependant, dans un marché compétitif, une grande fraction de cette rente est accumulée grâce aux innovations qui ont eu lieu durant le cycle de vie de la firme (l'effet « accumulation du profit »), et les firmes à bas coûts ont une plus grande part de marché, ce que l'on nomme par l'effet « efficacité productive ».

Denicolò et Zanchettin démontrent dans quelles circonstances l'effet efficacité productive  domine l'effet prix  lorsque le taux d'innovation est élevé et/ou la concurrence est forte. Dans de telles circonstances, les deux effets combinés de l'accumulation du profit et de l'efficacité productive permettent au taux de croissance de l'économie de croître avec le degré de concurrence.

Pour analyser ces effets nous utilisons un modèle de croissance endogène, que nous pouvons étendre en autorisant plusieurs firmes à être actives simultanément dans chaque industrie.

Nous faisons l'hypothèse que l'innovation est protégée. Ceci implique que les firmes sont asymétriques et qu'elles ont accès à des technologies différentes.

Dans ce type de modèle, le fait que seule la firme active dans l'industrie devient leader technologique suppose implicitement que l'innovation est drastique. C'est-à-dire que l'innovation permet d'abaisser le coût de production du produit, de telle manière que le prix de monopole est inférieur au prix pratiqué par les concurrents. Par conséquent, l'innovateur récupère tout le marché. De telles firmes sont donc en concurrence à la Bertrand.

Pour étendre le modèle, nous étudierons le cas d'innovation dite non-drastique, c'est une innovation qui permet d'abaisser le coût de production du bien, mais contrairement à l'innovation drastique, elle ne permet pas à l'innovateur de pratiquer le prix de monopole car le coût de production n'a pas suffisamment diminué. Aussi les firmes seront en concurrence à la Cournot.

Avec des firmes asymétriques, le nombre de firmes actives et leurs parts de marché respectives dépendront du mode de concurrence, Bertrand ou Cournot et de la taille de l'innovation.

Dans leur modèle, à l'état stationnaire, firmes sont simultanément actives, le dernier innovateur et les anciens innovateurs, où est endogène ( en concurrence à la Bertrand). Un innovateur, qui ne continue pas son activité de R&D, restera actif et obtiendra un profit positif, durant périodes, une période correspond à l'intervalle de temps entre deux innovations. Lorsqu'une innovation arrive, la part de marché de l'innovateur original diminue, mais il sortira du marché seulement après que innovations successives soient arrivées. Par conséquent, la valeur d'une innovation, c'est-à-dire l'incitation à innover, est pondérée par la moyenne des profits des firmes actives, où la pondération reflète la durée de vie, la réduction des coûts et la croissance.

L'étude se structure ainsi. Dans la section II, nous discutons de la littérature. Nous analysons la valeur d'une innovation lorsque l'innovation est séquentielle dans la section III. La section IV étudie comment l'intensité de la concurrence affecte l'incitation à innover. Dans la section V, nous proposons quelques extensions du modèle, pour conclure à la section VI.

II. Littérature...

Nous allons analyser deux types différents de littératures : une qui concerne l'économie industrielle examinant l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover et une plus récente qui concerne la croissance endogène essayant de réconcilier la relation entre concurrence et croissance.

i. L'économie industrielle

Le débat sur l'effet de la concurrence sur l'incitation à innover débute avec Schumpeter (1943) et Arrow (1962). Schumpeter clame qu'il existe une corrélation positive entre l'innovation et le pouvoir de marché. Pour lui, l'incitation à innover provient du fait que l'innovateur espère obtenir la rente du monopole permettant de couvrir les coûts de R&D.

Cette vision n'est pas partagée par Arrow, qui stipule que l'incitation à innover est plus forte dans une industrie compétitive. En effet, plus l'intensité de la concurrence sera élevée, plus les entreprises seront incitées à innover pour survivre et rester sur le marché. Il définit ainsi la notion d'« effet de remplacement », qui stipule que l'incitation à innover provient du différentiel de profit. Si ce différentiel est positif, l'entrepreneur a intérêt à innover et continuer à produire son bien. Delbono et Denicolò (1990) démontrent que l'incitation à innover est plus grande dans un duopole à la Bertrand que dans un duopole à la Cournot lorsque les biens sont homogènes. Cependant Bonanno et Haworth (1998) prouvent que ce résultat peut être renversé dans le cas de biens différenciés. Boone (2000, 2001) montre que la relation entre la concurrence et l'incitation à innover est généralement non monotone.

è Les économistes ne s'accordent pas !

Les différents résultats proposés sont dus principalement aux hypothèses posées par chacun ainsi que la nature de l'innovation.

Dans notre modèle, l'innovation est séquentielle et sa valeur n'est pas égale au profit du leader technologique mais elle est pondérée par la moyenne des profits des firmes actives. L'effet positif d'une concurrence plus intense sur la part de marché du leader ne se traduit pas mécaniquement par une incitation à innover plus grande, mais via les effets efficacité productive et accumulation du profit.

ii. La croissance

La littérature sur la croissance endogène tente de réconcilier la théorie et l'évidence empirique sur la relation entre la concurrence et la croissance. Aghion, Dewatripont et Rey (1999) introduisent les considérations des agents, dans leur modèle, les managers qui ne cherchent pas à maximiser leur profit retardent l'adoption de la nouvelle technologie jusqu'à ce que leur profit tombe sous un certain seuil.

Aghion et al. (2001) développent un modèle d'innovations « step-by-step ». Ils montrent ainsi que plus de concurrence, mesurée par le degré de substituabilité des biens, peut être bénéfique pour la croissance mais jusqu'à un certain seuil, puisqu'ils aboutissent à une relation en U-inversée. Encaoua et Ulph (2000) stipulent que l'introduction dans ce modèle de la possibilité de leapfrogging, c'est-à-dire que le follower peut dépasser le leader, renforce l'effet positif de la concurrence sur la croissance.

La principale différence entre ces papiers et le modèle que nous développons est que Denicolò et Zanchettin utilisent un modèle standard de leapfrogging, où l'innovation est séquentielle. La nouveauté de leur analyse est qu'ils supposent que plusieurs firmes peuvent être actives simultanément, ce qui implique que l'innovation est non drastique et que la concurrence se fait plutôt à la Cournot qu'à la Bertrand.

III. L'incitation à innover lorsque l'innovation est séquentielle

Dans cette section, nous analysons les déterminants de l'incitation à innover dans un modèle où l'innovation est répétée. De ce fait, les auteurs supposent que l'innovation est séquentielle ainsi que cumulative et autorisent plusieurs firmes à être actives simultanément, à chaque date, dans chaque secteur.

Autrement dit, l'activité d'innovation se produit à un taux déterminé par l'effort de R&D. Dans chaque période , où est le nombre d'innovations passées, il y'a une course au brevet pour la technologie . L'innovation est séquentielle dans le sens où une nouvelle course au brevet ne commence que lorsque la course précédente est terminée. La taille de l'innovation est exogène, mais le timing de l'innovation est une fonction probabiliste du montant investit dans la R&D par les firmes. L'effort de R&D détermine la date de découverte de l'innovation qui suit un processus de Poisson avec un taux de hasard . Ils supposent que l'activité de recherche et développement est faite par les outsiders, les firmes en exercice n'innovant pas, le leader technologique est remplacé à chaque période.

Pour fixer les idées, supposons qu'il y'a une protection du brevet parfaite et d'une durée de vie infinie, autrement dit personne ne peut imiter la technologie sans enfreindre le brevet. Puisque l'innovation est protégée, à la période seul le ième innovateur qui détient le brevet de la ième innovation peut utiliser son invention. Sous cette hypothèse, toutes les innovations sont obtenues par les outsiders, personne ne peut détenir plusieurs brevets. À la période , l'innovateur est le leader technologique, mais ils autorisent les anciens innovateurs à rester actifs. Laissons représenter le flux de profit gagné par l'innovateur à la période . Ainsi correspond au profit du leader technologique ; celui de la seconde firme la plus efficace et ainsi de suite. Plus tard, et seront déterminés et sont des variables endogènes ( lorsque la concurrence se fait à la Bertrand).

Pour déterminer la valeur espérée d'une innovation , , on doit tenir compte, dans le calcul, du fait que la rente du ième innovateur ne sera pas réduite à zéro par l'arrivée de la ième innovation. Bien que la concurrence pour la ième innovation réduira les profits et les pouvoirs de marchés de tous les anciens innovateurs, seule la firme la moins efficace parmi toutes les sociétés actives sortira du marché par l'arrivée d'une nouvelle technologie.

Ainsi est déterminé comme suit :

Ø Où est le taux d'intérêt et, est la valeur de l'innovation après périodes, c'est-à-dire à la période . L'équation nous dit que pour être sûr de remporter la course, le leader doit investir un montant équivalent au flux de profits qu'il obtiendra, auquel il soustrait un capital correspondant à la différence de valeur que l'on attribut à l'innovation quand on est leader et lorsque l'on est la seconde firme la plus efficace.

Finalement, après innovations, le ième innovateur sortira du marché. Aussi . Par conséquent, nous avons :

Il y'a équation que l'on peut résoudre, aussi on en déduit :

L'équation (1) stipule que la valeur de la ième innovation correspond à la valeur actualisée des profits que l'innovateur peut obtenir à la période pour laquelle il sera actif sur le marché. Le taux d'intérêt est augmenté du facteur capturant ainsi la durée pendant laquelle l'innovateur espère maintenir son leadership. De plus, l'innovation est cumulative, ainsi les profits futurs sont pondérés par le facteur qui correspond à la probabilité ajustée que la future innovation soit achevée. Il s'agit de la probabilité que l'innovation se produise et que l'accumulation de bénéfice débute à la période pour le ième innovateur.

è Le déterminant de l'incitation à innover est la rente de monopole, plus précisément, l'accumulation de profits.

IV. Intensité de la concurrence et incitation à innover

Nous allons analyser les effets d'une élévation de la pression concurrentielle sur l'incitation à se lancer dans une activité de R&D. La section précédente nous a permis de comprendre comment la concurrence affecte les profits de l'industrie et leurs répartitions entre les différentes firmes. Dans cette section, nous identifions l'effet « accumulation du profit », l'effet « prix » et l'effet « efficacité productive » qui interviennent avec un changement d'intensité concurrentielle. Nous procèderons également à la démonstration des circonstances dans lesquelles l'effet « prix » est dominé par l'effet « efficacité productive ». Pour souligner le fait que ces résultats sont indépendants de la particularité du modèle de croissance que nous développerons, l'analyse se situe dans un cadre d'équilibre partiel.

i. Résultats préliminaires

Considérons une industrie composée de firmes asymétriques, indexées par produisant un bien homogène. On pose que le coût marginal des firmes est constant, égal à par unité. Les firmes sont classées ainsi , autrement dit, la firme 0 est le leader technologique (le dernier innovateur), la firme 1 est la rivale la plus efficace du leader et ainsi de suite.

Le nombre d'entreprises actives à l'équilibre, , est déterminé de manière endogène. La firme est la moins efficiente parmi toutes celles qui sont actives. La demande est donnée par est le prix, le bien produit et une fonction strictement décroissante et deux fois différentiable sur et nulle sur l'intervalle. Ceci implique que la fonction de demande inverse est décroissante et deux fois différentiable sur.

Pour simplifier on pose que sur. Cette hypothèse sur la décroissance des revenus marginaux implique que la fonction de profit est une fonction strictement concave pour.

La fonction de profit d'une firme est, où est la quantité de bien produite par la firme. Pour maintenir l'analyse intéressante supposons que est plus faible que le prix de monopole associé à , . Si cette hypothèse n'est pas vérifiée, la firme 0 peut fixer son prix de monopole et ainsi faire sortir du marché ses concurrents.

a. Concurrence à la Bertand et à la Cournot

Initialement le degré de concurrence est paramétré d'une telle façon que l'on passe d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand.

La concurrence à la Bertrand est une concurrence intense où le prix d'équilibre est égal au coût marginal de la seconde firme la plus efficace. Ainsi, toute la production de biens est assurée par la firme low-cost : .

À l'équilibre de Cournot, la condition du premier ordre implique que :

Notons que :

Ø À l'équilibre de Cournot, le ratio des parts de marché de deux firmes actives est égal au ratio respectif de leur prix réduit du coût marginal.

Cette relation est également vraie à l'équilibre de Bertrand. Cependant, à l'équilibre de Cournot, les firmes avec des coûts de production élevés ont une part de marché positive ce qui provoque de l'inefficacité productive. Cette inefficacité productive est importante pour expliquer pourquoi les profits de l'industrie sont plus grands sous une concurrence à la Bertrand, même si cela implique que le prix est plus faible qu'à l'équilibre de Cournot.

è Il est connaissance commune que dans un cadre de concurrence en quantité, les prix d'équilibre et le nombre de firmes actives sont plus élevés que lorsque la concurrence se fait en prix.

Le passage d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand se traduit par une augmentation du degré de concurrence. Pour faciliter la comparaison nous présentons un modèle qui englobe les deux équilibres (Bertrand et Cournot).

b. Forme réduite du modèle

L'intensité de la concurrence peut être mesurée de différentes manières. Cependant, toutes les définitions de la concurrence induisent l'idée qu'elle réduit le prix d'équilibre du bien homogène.

En accord avec cela, nous mesurons l'intensité de la concurrence par l'inverse du prix d'équilibre. Pour définir exactement l'équilibre de l'industrie, supposons que le ratio des parts de marché de deux firmes actives est égal au ratio respectif de leurs prix réduits du coût marginal, sans faire d'hypothèse spécifique sur la nature de la concurrence.

.

Le nombre de firmes actives à l'équilibre, est déterminé comme une fonction de avec (il est compréhensible que quand ). Le nombre de biens produits à l'équilibre et les profits d'une firme active sont uniquement déterminés par la condition suivante :

L'équation (3) nous fournit, ajoutons la condition présentée ci-dessus, et nous obtenons un système de équations linéaires indépendantes avec inconnus. La solution existe et elle est unique. La production de biens individuels est donc égal à :

Ø Où est la moyenne non pondérée des coûts marginaux des firmes actives.

Les équilibres de Bertrand et de Cournot sont reproduits respectivement par et . Pour des valeurs intermédiaires du prix, la solution peut être interprétée comme une forme réduite d'un modèle où les firmes font de la collusion (Cabral (1995)), ou ont le choix entre la quantité et le prix comme variable de décision (Maggi (1996)). La solution peut aussi se concevoir comme un outil aidant à comparer les deux équilibres.

c. L'effet « efficacité productive »

Considérons maintenant une augmentation de l'intensité de la concurrence, c'est-à-dire que diminution du prix d'équilibre. Si le nombre de firmes actives et leurs parts de marché restent constants, la baisse du prix d'équilibre réduira, sans ambiguïté les profits de l'industrie. C'est ce que l'on nomme effet « prix ». Les profits de l'industrie sont égaux à , où est le coût moyen de l'industrie. Ainsi, si les parts de marché sont constantes, est également constant, aussi est une fonction quasi-concave et une diminution du prix d'équilibre réduira les profits totaux de l'industrie, si le prix est inférieur au prix de monopole.

Cependant, le nombre de firmes actives et leurs parts de marché respectives se modifient avec le changement de prix d'équilibre. Par conséquent, change avec l'intensité de la concurrence et le changement associé dans les coûts et les profits de l'industrie correspondant à l'effet « efficacité productive ». Formellement, le changement dans l'industrie associé à une modification de l'intensité de la concurrence est :

è Nous démontrons ainsi qu'une élévation de degré de la concurrence améliore efficacité productive de l'industrie. En effet, l'intensification de la concurrence pousse les entreprises à réduire leurs coûts moyens donc leurs prix de vente. Les profits de l'industrie sont supérieurs car seules des firmes efficaces produisent.

o LEMME 1 :

L'effet « efficacité productive »  est positif.

L'intuition derrière le lemme 1 est qu'une élévation de la pression concurrentielle augmente les parts de marchés des firmes low-cost et diminue celles des firmes high-cost. Cela a pour conséquence de réduire le coût total de l'industrie. Un corollaire immédiat à ce lemme est que le passage d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand améliore l'efficacité productive.

o LEMME 2 :

Une hausse du prix augmente la moyenne du prix-coût marginal .

Une élévation du prix est positivement associée à l'inverse de l'intensité concurrentielle, mesurée par la moyenne du prix moins le coût marginal de l'industrie .

ii. Principaux résultats

Les résultats préliminaires étant présentés, on peut procéder à la présentation des principaux résultats.

a. Concurrence et profit de l'industrie

Commençons par nous intéresser à l'effet de la concurrence sur les profits de l'industrie. En particulier, nous regarderons dans quelles circonstances l'effet « efficacité productive » domine l'effet « prix » provoquant, malgré une intensification de la concurrence, une augmentation des profits de l'industrie.

Avec des firmes asymétriques, l'effet « efficacité productive » est de premier ordre. Lorsque l'effet « prix » est de deuxième ordre, il est dominé par l `effet « efficacité productive ». Dans ce cas, la concurrence favorise l'innovation. Cependant l'effet « prix » est de second ordre quand le prix est proche du prix de monopole. Cette observation mène au résultat suivant.

o PROPOSITION 1 :

Lorsque le coût marginal de la seconde firme la plus efficiente, est proche du prix de monopole , les profits de l'industrie sont meilleurs sous une concurrence à la Bertrand que sous une concurrence à la Cournot.

L'intuition est la suivante, lorsque les deux types de concurrence (Bertrand et Cournot) mènent au profit de monopole. Analysons l'effet d'une décroissance de .

Avec une concurrence à la Bertrand, la présence de la firme 1 contraint la firme low-cost (i.e la firme 0) à fixer un prix , mais est proche du prix de monopole , l'effet de la concurrence sur les profits de la firme low-cost est de second ordre.

Quand la concurrence se fait en quantité, la diminution de réduit moins le prix d'équilibre que sous une concurrence à la Bertrand, mais augmente aussi la part de marché des entreprises high-cost. Dès que , une concurrence à la Cournot a un effet négatif sur les profits de l'industrie lorsque la diminution de (l'effet prix) est de premier ordre. La proposition 1 suggère que l'effet « efficacité productive » est faible et peut prévaloir sur l'effet « prix » seulement si ce dernier est négligeable. Au contraire, l'effet « efficacité productive » peut être étonnement grand : l'augmentation d'une unité du prix d'équilibre peut faire croître le coût moyen de l'industrie d'autant d'unité. C'est effectivement ce qui se passe lorsque l'on est proche de l'équilibre de Bertrand.

o PROPOSITION 2 :

Débutant au prix d'équilibre de Bertrand, une petite augmentation du prix diminue les profits de l'industrie.

La proposition 2 stipule que si on commence par le prix d'équilibre de Bertrand, une faible augmentation du prix laissera la moyenne prix-coût marginal de l'industrie inchangée.

En effet, si , une élévation d'une unité du prix permettra à la firme inefficiente de faire un bénéfice et d'avoir une part de marché, ce qui impliquera l'augmentation d'une unité de . Ainsi, la moyenne prix-coût marginal de l'industrie reste inchangée, aussi une augmentation du prix se traduit par une baisse des profits de l'industrie car la firme inefficace à une part de marché.

b. Concurrence et distribution des profits

La concurrence sur le marché des produits n'affecte pas seulement la somme totale des profits de l'industrie mais affecte également le déterminant de l'incitation à innover, c'est-à-dire la distribution des profits à travers les firmes actives.

Comment une hausse de l'intensité concurrentielle affecte la distribution des profits, pour n'importe quel niveau de profit de l'industrie donnée ? Denicolò et Zanchettin démontrent que la distribution des profits devient plus inégale, en accord avec le critère de dominance de Lorenz*, lorsque la concurrence s'intensifie.

o PROPOSITION 3 :

S'il y'a au moins deux firmes actives, une augmentation du degré de concurrence impliquera que la distribution des profits sera plus inégale, en accord avec le critère de dominance de Lorenz.

è Lorsque le marché devient plus concurrentiel, les firmes low-cost font plus de profits, tandis que les firmes high-cost ont plus de pertes.

La raison est double : premièrement, la part de marché des firmes low-cost tend à croître avec l'intensité de la concurrence et, deuxièmement, quand le prix d'équilibre diminue, le pourcentage dans la moyenne prix-coût marginal de l'industrie qui diminue est plus grand pour des firmes high-cost.

____________________

*terme définit en annexe.

V. Modèle de croissance

Nous allons insérer l'intuition des sections précédentes dans un modèle de croissance. Pour simplifier, nous supposons qu'il existe un seul secteur mais le résultat principal est plus général et il peut être reproduit avec plusieurs autres modèles de qualité.

i. Préférence et technologie

La population est composée d'agents identiques dont la masse est normalisée à 1. Chaque agent a une fonction de préférence linéaire intertemporelle :

Le taux de préférence pour le présent coïncide avec le taux d'intérêt d'équilibre. Chaque individu offre une unité de travail. Le bien final est produit dans un marché parfaitement concurrentiel en utilisant le travail (dont l'offre est fixée) et un bien intermédiaire dont la qualité ne cesse pas d'augmenter avec le temps à cause du progrès technique. Nous normalisons à 1 la qualité du bien intermédiaire à la date 0 et, représentons par la taille de chaque innovation. À la période , où est le nombre d'innovations passées, le bien final est produit avec la fonction de production suivante :

Ø Où la demande de travail est égale à 1, est la part de la rémunération du travail, et est l'indice de qualité ajusté du bien composite qui combine toutes les générations passées de biens intermédiaires.

Il convient de réécrire comme mesure l'efficacité relative de la dernière qualité d'une unité de biens composites intermédiaires. De la fonction de production (7), on obtient la fonction de demande de biens intermédiaires (mesurée en unité d'efficacité)

Ø Où est le prix.

Le bien final peut être consommé, utilisé pour produire des biens intermédiaires, ou utilisé dans la recherche. Indépendamment de sa qualité, le bien intermédiaire est produit utilisant le bien final avec un taux de transformation, marginal et constant, normalisé à 1.

ii. Progrès technologique

À chaque période, il y'a une course au brevet. Les sociétés en exercice ne font pas de recherche et il y'a libre entrée des outsiders qui sont neutres au risque.

À la période , chaque firme , participant à la course au brevet, décide de son effort de R&D, , pour obtenir la ième innovation. L'effort de R&D détermine la date attendue de découverte de l'innovation. La date de découverte suit un processus de Poissons avec un taux de hasard égal à , avec .

Les projets de chaque firme sont indépendants, aussi la probabilité de succès instantané et agrégée est simplement la somme des probabilités individuelles de succès. Laissons représenter l'investissement de R&D à la période . Aussi, l'innovation arrive avec un taux de hasard .

Si l'innovation était drastique, le leader technologique ne serait pas concerné par les outsiders et pourrait pratiquer un prix de monopole, et l'équilibre du modèle serait indépendant du mode de concurrence sur le marché des produits. Cependant nous avons supposé que l'innovation est non-drastique, avec les réglages actuels menant à .

iii. État stationnaire

À l'état stationnaire, le taux de croissance d'équilibre est constant, et le prix du bien intermédiaire, c'est-à-dire de la dernière qualité, sera constant. Ceci implique que croîtra au taux , et de l'équation (7), ainsi on peut en déduire que aura un taux de croissance de . Il s'agit du facteur de croissance entre les périodes que nous noterons par.

À l'état stationnaire, l'output, la consommation, l'input des biens intermédiaires, le profit et la dépense de R&D croîtront au même taux entre les périodes.

Afin de garantir l'existence d'un état stationnaire avec une croissance positive, nous posons que . À l'état stationnaire, croît au taux à travers les périodes. Sous cette hypothèse, le taux de hasard, correspondant à , peut être constant à travers les périodes. La condition transversale suivante (voir Barro et Sala-i-Martin, 1995) doit être vérifiée :

.

Si ce n'est pas le cas, les consommateurs seront incités à reporter leur consommation indéfiniment.

iv. Équilibre sur le marché des biens

Rappelons nous que le ième innovateur, qui détient un brevet sur sa qualité de bien peut produire le bien intermédiaire de qualité . Indépendamment de sa qualité, le bien intermédiaire est produit en utilisant du bien final, sur la base une unité pour une unité.

Cependant, à la période , on utilise unités de biens intermédiaires de qualité pour faire une unité de bien intermédiaire , en unité efficiente. Le coût de production unitaire du bien intermédiaire, du ième innovateur, mesuré à la période en unité efficiente, est ainsi .

Nous pouvons donc procéder comme si le bien intermédiaire était homogène, bien que les firmes aient un coût de production différent, i.e 1 pour le dernier innovateur, pour le second après le dernier, 2 pour le troisième après le dernier et ainsi de suite.

Avec la fonction de demande, nous pouvons facilement déterminer le prix d'équilibre de Cournot

Ø où vérifie , comme tous les paramètres sont constants, sera constant entre les périodes.

La production individuelle d'output peut être obtenue en remplaçant le prix d'équilibre de Cournot par sa valeur dans l'équation (4).

è À l'équilibre de Cournot, les firmes low-cost détiennent une plus grande part de marché que les entreprises high-cost, à chaque période. Comme des firmes inefficaces produisent le bien, on aura de l'inefficacité productive.

Lorsque l'innovation est non-drastique, différentes qualités de biens intermédiaires seront produites simultanément, même si les anciennes qualités sont moins productives.

Par contraste, l'équilibre de Bertrand est caractérisé par un prix limite. Le leader fixe le prix .

è À l'équilibre de Bertrand, le prix imposé par le leader technologique évince les concurrents du marché. Ainsi, il n'y a pas d'inefficacité productive.

Les profits correspondants sont pour , et :

Le lemme suivant confirme que le passage de Cournot à Bertrand capture la notion de sévérité de la concurrence.

o LEMME 3 :

Le prix d'équilibre sous une concurrence à la Cournot est meilleure que sous une concurrence à la Bertrand, du point de vu des firmes.

è En effet, à l'équilibre de Cournot des firmes inefficaces peuvent produire, alors qu'à l'équilibre de Bertrand seule la firme la plus efficace produit. La concurrence à la Bertrand est plus sévère. Il n'y a donc pas d'inefficacité productive et le prix pratiqué est plus faible, ce qui est mieux pour le consommateur.

v. Équilibre dans l'industrie de la recherche

Intéressons nous au secteur de la recherche. Le profit espéré actualisé par une firme extérieure qui investit unités du bien final à la période pour obtenir l'innovation , au début de la course au brevet et étant donné que l'investissement en R&D agrégé est , est

Ø Où est la valeur espérée de la ième innovation donnée par l'équation (1).

À l'équilibre, le profit net espéré par un outsider doit être égal à zéro (condition de libre entrée)

À l'état stationnaire, est constant et les profits croissent au taux entre les périodes : , lorsque . L'équation (1) est réduite à :

L'équilibre dans le secteur de la recherche est déterminé en insérant l'équation (10) dans la condition de libre-entrée (9) :

Ø Où

L'équation (11) détermine le taux de hasard d'équilibre, , et par conséquent le taux de croissance de l'économie. En effet, le facteur de croissance entre les périodes, , est constant. Cela signifie que le taux de croissance d'équilibre est entièrement déterminé par la longueur de chaque période, qui dépend elle-même de la vitesse du progrès technique : avec une distribution exponentielle du timing du succès de l'innovation, l'attente espérée pour chaque innovation est .

Une augmentation de est associée à une croissance plus élevée.

o LEMME 4 :

Pour , il existe un unique et strictement positif taux de hasard d'équilibre .

Cette condition assure que la recherche est suffisamment profitable et que l'activité de R&D conduit à l'équilibre. Le niveau de recherche à l'état stationnaire est une fonction croissante de l'effort de productivité dans la R&D, de la durée d'une étape entre les innovations et une fonction décroissante du taux de préférence pour le présent .

vi. Concurrence et croissance

Notre tâche est d'analyser l'impact du passage d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand, ou plus généralement l'impact d'une élévation de la pression concurrentielle sur le taux de croissance de l'économie.

o PROPOSITION 4:

Si les profits de l'industrie augmentent légèrement avec l'intensification de la pression concurrentielle, une augmentation du degré d'équilibre implique une hausse du taux de croissance.

L'intuition est la suivante. Nous avons montré que la valeur de l'innovation est pondérée par la moyenne des profits des firmes actives, , où la pondération reflète la durée espérée de chaque période, la réduction des coûts liés à l'innovation attendue et la croissance. À l'état stationnaire, la durée espérée entre les périodes est constante. La condition transversale implique que la réduction des coûts prévaut sur la croissance, et donc la pondération est une fonction décroissante en  : . La dominance de Lorenz montre qu'une hausse de la pression concurrentielle modifie la répartition des profits de la firme la moins profitable à la firme la plus efficace. L'accumulation des profits implique que l'incitation à innover augmente avec l'intensité de la concurrence, ce qui fournit l'explication au fait que les profits de l'industrie ne diminuent pas.

La proposition 4 mène au corollaire suivant :

o Corollaire 1 :

Si l'innovation est suffisamment large (i.e, si l'innovation dure assez longtemps avant d'être remplacée), alors le taux de croissance sous une concurrence à la Bertrand est plus élevé que le taux de croissance sous une concurrence à la Cournot.

La proposition 4 signifie que le taux de croissance peut être meilleur avec une concurrence à la Cournot, si la durée de l'innovation est suffisamment courte.

o Corollaire 2 :

Si l'intensité concurrentielle est suffisamment élevée, une augmentation supplémentaire du degré de concurrence aurait pour conséquence d'augmenter le taux de croissance de l'économie.

è En fait, la relation entre la concurrence et la croissance est monotone croissante, lorsque la taille de l'innovation est grande.

VI. Remarque conclusive

Dans cet article, Denicolò et Zanchettin reconsidèrent la relation entre concurrence et croissance dans un modèle Néo-Schumpéérien standard avec l'amélioration de la qualité. Ils s'intéressent au cas où l'innovation est non drastique et ont modélisé le passage d'une concurrence à la Cournot à une concurrence à la Bertrand.

Ils ont démontré que la concurrence favorise la croissance à condition que la taille de l'innovation soit suffisamment large, ou que la concurrence s'intensifie, ou les deux. Ceci provient de deux effets qualitatifs, l'effet « efficacité productive » et l'effet « accumulation du profit » qui surviennent lorsque l'innovateur n'est pas immédiatement supplanté par l'arrivée d'une nouvelle innovation, ainsi deux firmes ou plus peuvent être simultanément actives dans la même industrie.

Durant cette analyse, nous avons développé de nombreux modèles, chacun ayant son propre cadre d'analyse, débouchant ainsi sur un impact différent de la concurrence sur la croissance. Cependant, aucun de ces modèles n'a pris en compte les considérations des agents, en se posant la question de savoir s'il était rationnel de penser qu'un manager cherche à maximiser le profit de la firme qui l'emploi. Si ce n'est pas le cas, la concurrence améliore t-elle la productivité, comme certains modèles le prédisent ?

Quatrième classe de modèle :

De nos jours, nombreuses sont les entreprises appartenant à des actionnaires, mais dirigées par un manager. Seulement, l'effort du manager n'est pas observable et sa rémunération dépend du résultat de la firme. Finalement, le manager a juste à éviter la faillite.

Il est cependant intéressant de savoir si la concurrence affecte l'efficacité productive, donc la croissance. Est-ce qu'elle augmente le risque de faillite donc accroît l'incitation du manager à faire des efforts, augmentant ainsi l'efficacité productive du marché? Ou au contraire, une augmentation du degré de concurrence tend à diminuer les profits de l'industrie donc la rémunération des actionnaires et du dirigeant, ce qui ne motive pas ce dernier à faire des efforts, freinant ainsi l'innovation et augmentant l'inefficacité productive ?

Dans ce dessein, nous allons étudier l'article de : Aghion, P., Dewatripont, M., et Rey, P., (1999) «  Competition, Financial Discipline and Growth ».

I. Introduction

La relation entre la concurrence et la croissance économique, dans un pays ou une région, est sujette à de nombreux débats politiques. Par exemple, Michael Porter (1990) stipule qu'il existe une corrélation positive entre la concurrence et la croissance. Il prétend que la concurrence incite les firmes à innover et à devenir efficace. Cette vision « Darwinienne » est renforcée par les travaux empiriques de Nickell (1996) ou encore de Blundell et al. (1995). Certains auteurs maintiennent une vision Schumpetérienne de cette relation, considérant que c'est l'existence d'une rente de monopole qui pousse les firmes à innover, ayant pour résultat la croissance économique. Aghion et Howitt (1992) formalisent cette idée dans un modèle de croissance endogène. Caballero et Jaffe (1993) obtiennent un résultat similaire, la concurrence augmente l'élasticité de substitution entre les biens, et par conséquent réduit la rente de monopole, ce qui accroît le processus de création destructive.

Comment réconcilier la vision « Darwinienne » avec la littérature Schumpétérienne ? La première approche consisterait à modifier les hypothèses technologiques. Par exemple, Aghion, Harris et Vickers (1995) considèrent le cas d'innovation « step-by-step », ils démontrent qu'une intensification de la concurrence entre des firmes ayant des technologies identiques augmentera l'incitation de chaque firme à se lancer dans une activité de R&D. La seconde approche, étudiée dans cet article, consiste à introduire les considérations des agents et analyser l'effet de la concurrence sur la motivation à adopter une technologie, en ne maximisant pas le profit de la firme. Une clé de ce papier est que le risque de faillite peut encourager un manager à rendre sa firme plus productive. Aussi la concurrence combinée au risque de faillite joue le rôle d'outil disciplinaire, encourageant l'adoption de nouvelle technologie. Cette approche ne se contente pas de confronter les théories de la croissance Schumpétérienne, mais va plus loin en améliorant la compréhension que l'on a sur comment la concurrence affecte la croissance.

Le rôle incitatif de la concurrence sur le marché des produits a longtemps été étudié. Schmidt (1997) stipule qu'il y'a deux effets opposés de la concurrence sur l'incitation du manager à réduire les coûts. Le propriétaire d'une firme adopte une stratégie optimale de rémunération du manager selon le niveau de concurrence. La concurrence pousse le manager à réduire ses coûts afin d'être compétitif et ne pas sortir du marché. Autrement dit, il est incité à éviter la faillite dont les dommages augmentent avec le degré de concurrence. D'autre part, la concurrence dissuade la maximisation du profit du propriétaire, en le poussant à réduire ses coûts, tandis que son bénéfice dépend positivement du pouvoir de marché espéré par la firme.

Bien que l'argument Schumpétérien travaille pour la maximisation du profit du propriétaire de la firme, l'argument Darwinien renforce l'incitation du manager à éviter la faillite. Une fois de plus, Schmidt démontre une relation ambiguë entre concurrence et croissance. Notre objectif est d'analyser à l'état stationnaire, dans un modèle dynamique, les effets de la concurrence sur le marché des produits et le rôle disciplinant des marchés des capitaux, sur l'incitation à innover donc la croissance.

Aussi, nous développerons dans la section II un modèle général, où les producteurs de biens intermédiaires ont un coût fixe qui résulte de l'acquisition de la dernière technologie permettant d'avoir le coût marginal le plus faible.Dans la section III et IV, nous montrerons que si on considère la maximisation du profit des firmes, l'argument Schumpétérien est à l'oeuvre, aussi la concurrence dissuade l'adoption de nouvelle technologie donc la croissance. En revanche, si l'économie se compose de firmes dirigées par des entrepreneurs « conservateurs » dont l'unique désire est de retarder l'acquisition de nouvelle technologie, tout en évitant la faillite. L'argument Darwinien stipule que la concurrence est un outil qui permet de discipliner les managers, favorisant l'innovation donc la croissance. La section V analyse le rôle disciplinant de la dette.

II. Le modèle basique

i. Production et consommation

Il y'a trois biens dans l'économie : le travail, la consommation de bien final et un continuum d'inputs intermédiaires. Il existe un continuum d'agents avec une durée de vie infinie et des préférences identiques caractérisées par leurs consommations durant la période de vie et, le même taux de préférence pour le présent , qui correspond également au taux d'intérêt.

L'utilité marginale de la consommation est constante (égale à 1), et chaque agent dispose d'une unité de travail qu'il fournit avec un coût de désutilité équivalent à zéro. Ainsi qui représente la masse totale d'individus, correspond également au flux total de travail disponible dans l'économie. On suppose que l'utilité de la consommation est linéaire. La production de biens de consommation utilise un continuum de masse de biens intermédiaires.

Ø Où représente la quantité intermédiaire de bien n utilisé par le bien final et est le paramètre de productivité qui mesure la qualité des inputs intermédiaires i. Par la suite, nous prendrons la consommation de bien comme numéraire.

Nos auteurs supposent que chaque variété de biens intermédiaires est produite en monopole, tandis que le secteur du bien final est compétitif, la courbe de demande inverse à laquelle fait face le producteur d'un bien intermédiaire i est simplement :

Ils supposent que l'ensemble des biens intermédiaires (), qui peuvent être utilisé dans la production du bien final, est une donnée exogène. Dans ce modèle, la croissance émergera grâce à l'acquisition de technologie plus efficace dans la production des biens intermédiaires.

Ces producteurs font face à deux décisions :

· (a) adopter à chaque date la nouvelle technologie accessible.

· (b) retarder l'adoption de la nouvelle technologie pour acquérir plus tard la dernière et meilleure innovation accessible dans le marché.

ii. Décision de production de bien intermédiaire

Les biens intermédiaires sont produits en utilisant une unité de travail (une unité de travail pour une unité de bien intermédiaire). Un producteur de biens intermédiaires de qualité , à la date , choisira la quantité pour maximiser son profit produisant donc la quantité :

À l'état stationnaire, où la qualité la plus élevée , et le taux de salaire croissent au même taux , le flux de demande de travail par une firme productrice de biens intermédiaires de qualité à la date est égale à :

Ø On a normalisé à 1 le paramètre de productivité à la date 0, aussi

Ø Où représente le taux de croissance ajusté du salaire et « l'âge » de la qualité que produit la firme. La demande de travail est donc une fonction décroissante de l'âge de la qualité.

Supposons que le producteur de bien intermédiaire supporte un coût de production fixe

Ø Avec pour tenir compte de l'obsolescence.

Aussi le flux de profit net d'une firme qui produit une qualité à la date est simplement égal à :

,

Ø Où correspond à l'âge de la qualité d'une firme

Avec le paramètre de profit :

Ø est une fonction décroissante du taux de croissance ajusté du salaire. Notons que pour un suffisamment faible nous avons (i)  ; (ii)  ; et (iii) pour un élevé. Les proportions de joueront un rôle crucial quand nous analyseront le choix de la décision de production de la firme intermédiaire.

iii. Taux de croissance à l'état stationnaire

Pour rendre la croissance endogène, ils introduisent des spillovers* dans l'acquisition de la nouvelle technologie. Aussi, ils supposent que la plus haute qualité produite à la date croît à un taux proportionnel à la densité des firmes qui innovent à cette même date, adoptant ainsi la même nouvelle qualité .

____________________

* terme définit en annexe.

L'hypothèse de spillovers suppose qu'à chaque date une firme innove, ce qui implique qu'elle passe de la qualité à la qualité c'est-à-dire qu'elle passe de l'état de connaissance à l'état . Autrement dit, toutes les innovations augmentent de Si on pose que représente la densité des firmes qui innovent à la date , alors augmente de la quantité . En effet, il existe une infinité de techniques et comme les firmes ne se font pas concurrence, il est naturel de penser que le taux de croissance de la qualité soit proportionnel au flux d'innovation . Pour simplifier, on pose et nous concentrerons notre analyse sur l'état stationnaire, où les firmes intermédiaires, distribuées uniformément, acquièrent la nouvelle technologie toutes les périodes , .

À l'état stationnaire, nous avons :

Finalement, appelons le coût fixe d'achat de la qualité, la stationnarité impliquera que :

iv. Équilibre sur le marché du travail

Pour déterminer l'équilibre stationnaire, il nous suffit de calculer et puisque . Étant donné que les firmes intermédiaires sont uniformément distribuées concernant la qualité. Il y'a donc firmes pour chaque qualité à l'état stationnaire. La demande totale de travail à n'importe quelle date t est donnée par 

Nous savons, par ailleurs, que :

Utilisons le fait que et remplaçons le dans , afin d'obtenir l'équation du marché du travail :

Ø Avec .

Nos hypothèses impliquent que la demande de travail requis est indépendante de .

Le travail requis dans la recherche croît quand l'innovation est fréquente, un ratio plus élevé implique que la demande de main d'oeuvre pour la maintenance diminue. Pour en finir avec le modèle, nous devons définir comment les entreprises acquièrent leurs innovations et prennent des décisions.

III. Comportement des entrepreneurs et acquisition de nouvelles technologies

Dans cette analyse, nous considérons que l'incitation à innover d'une firme provient de la maximisation du profit. Nous allons plus loin, en considérant le cas où les producteurs de biens intermédiaires sont « conservateurs », dans le sens où ils supportent un coût privé à acquérir une nouvelle technologie, ce coût fait référence à l'effort nécessaire pour obtenir l'innovation. On abordera, brièvement, le cas où les entrepreneurs (de biens intermédiaires) sont « technology addicts », leur objectif premier étant d'établir une réputation, comme les pionniers d'une nouvelle idée.

Il y'a plusieurs raisons qui font que la non maximisation du profit des firmes ou des managers peut survivre dans un environnement capitaliste.

· La première raison est due à l'environnement concurrentiel : moins il y'a de concurrence parmi les producteurs de biens intermédiaires domestiques, plus grand est le risque de perte due à une mauvaise gestion dans des (petites) firmes dont les propriétaires ne sont pas, premièrement, intéressés par la maximisation du profit.

· La seconde raison provient de l'existence de problèmes entre les dirigeants et les actionnaires. Les actionnaires sont ceux qui financent la R&D, tandis que les dirigeants sont ceux qui pilotent la stratégie de R&D. Les dirigeants peuvent avoir intérêt à conserver les bénéfices qu'ils retirent de leur position hiérarchique tout en minimisant les coûts. Dans la mesure où l'innovation est risquée, ils auront tendance à freiner l'adoption de nouvelles technologies : ils sont conservateurs. À l'inverse, les actionnaires seront intéressés par les profits futurs et verront un intérêt à effectuer plus de R&D.

i. Maximisation du profit des firmes

Sachant que le coût d'adoption de la nouvelle technologie est positif et croît avec l'ensemble de l'économie au taux , la maximisation du profit des firmes donnera lieu à une innovation durant un intervalle de temps

Le choix optimal de maximisera la valeur présente nette du flux de profit égale à :

Ø Avec qui représente la richesse initiale d'une firme intermédiaire à la date 0.

Il est facile de montrer que le choix de la décision optimal satisfait quand

ii. Déviation de la maximisation du profit

D'une part, il est raisonnable de penser que le propriétaire, ou le dirigeant, d'une firme avec peu de ressources financières cherchera à maximiser son profit.

D'autre part, dans une entreprise avec un haut niveau de ressources financières, le dirigeant (propriétaire) s'inquiétera principalement de la préservation du surplus de son bénéfice privé, sachant d'avance que le retour monétaire attendu de ses efforts augmentera largement les ressources financières. Aussi, une détérioration des conditions de profits résultant de l'élévation du degré de la concurrence sur le marché des produits, incitera le manager (propriétaire) à travailler plus dur pour survivre à une telle perte.

Nous considérons donc des firmes dans lesquelles le manager (propriétaire) ont comme fonction objective :

Ø Dans laquelle, représente l'intervalle entre la ième et la ième acquisition de technologie ; est le coût privé du changement de technologie, ce n'est pas un coût monétaire, mais c'est un effort de réorganisation ; correspond au bénéfice privé à la date, égal à si la firme a financièrement survécu jusqu'à la date, et égal à zéro autrement ; est le taux de préférence pour le présent.

Maintenir la firme à flot signifie donc garder à chaque période une richesse financière nette positive. Concentrons notre attention sur le cas où le surplus des bénéfices privés est particulièrement élevé, rappelons que ce surplus est la motivation première des managers conservateurs, et le taux de préférence pour le présent est aussi suffisamment élevé de telle manière que les managers ne trouvent jamais optimal d'accélérer l'acquisition de la prochaine innovation.

Plus formellement, on peut établir :

o PROPOSITION 1 :

Si correspond à la richesse initiale dont la firme dispose à la date zéro, le choix optimal du programme de non-maximisation du profit du manager, avec la fonction objectif donné pour et suffisamment large, est :

Ø Où est la solution la plus élevée de l'équation :

.

Si les bénéfices privés mesurés par sont suffisamment élevés et si les managers conservateurs sont impatients, alors ils essayeront toujours de retarder autant que possible la prochaine innovation afin de maintenir leurs firmes à flot.

Pour voir pourquoi un tel comportement est équivalent à la prise de la décision décrite dans la proposition 1 (ci-dessus).

Considérons une firme intermédiaire qui entre dans le marché avec une richesse et innove à la date (aussi sa richesse initiale à la date 1 est nulle) mais n'innove pas par la suite. Une telle firme aura accumulé à la date un montant de profits égal à Ces profits accumulés sont premièrement croissants avec (puisque >0, autrement le marché n'existerait pas), puis décroissants (car <0 pour élevé), et ils deviennent éventuellement négatifs pour suffisamment grand. Cela a deux conséquences :

· Premièrement, il n'est pas optimal pour une firme de ne jamais recommencer à innover, puisqu'en faisant cela l'entreprise irait éventuellement droit à la faillite ;

· Deuxièmement, il existe une date à laquelle les profits cumulés par une firme couvrent juste le coût de la décision à cette date, ; par construction est la solution la plus adéquate de l'équation avec , et ce sera le choix optimal pour une firme conservatrice.

Maintenant, après l'innovation à la date , la firme recommence avec un profit accumulé nul et donc fait face au même problème de maximisation qu'à la date . Le même argument (ci-dessus) montre qu'il est optimal pour une firme d'innover toutes les périodes.

Pour conclure, étudions brièvement le cas opposé des managers « technology addict », ces derniers tentent de maximiser la fréquence d'innovation, c'est la clé de leur survie au niveau financier. Nous supposons encore que les firmes qui entrent avec une richesse et innovent à la date 0, une fois entrée sur le marché ont une richesse initiale à la période 1 . Ensuite, le choix de la décision optimale pour un « technology addict » est qui est la plus petite solution de l'équation avec .

IV. Analyse du modèle

L'objectif de cette section est d'analyser les effets des politiques de la concurrence et industrielles dans ce modèle. Dans notre esprit, la concurrence peut être mesurée par (qui détermine la substituabilité des biens), ou par le nombre de variétés de biens intermédiaires (de producteurs aussi). est exogène dans leur modèle mais peut être influencé par les conditions d'entrées, comme la libre entrée et sortie sur le marché des biens intermédiaires.

Les politiques industrielles sont représentées par le paramètre (coût d'adoption de la nouvelle technologie), qui peut diminuer avec la mise en place de subventions gouvernementales. Tandis qu'à première vue, elles devraient favoriser la recherche et développement donc la croissance, dans la pratique, les résultats sont souvent mitigés, généralisant la peur de l'intervention de l'État dans tous les domaines.

i. Un argument intuitif

Regardons, premièrement, la réaction d'une seule firme en gardant constant. Dans le cas de la maximisation du profit, la condition du premier ordre de (P) implique :

Ø Le membre de gauche de cette équation est positif, augmentant avec et diminuant avec .

Si une augmentation de , autrement dit du degré de concurrence, conduit à diminuer puis à augmenter, ce qui est le résultat classique de l'effet schumpétérien : puisque est un coût fixe menant à la réduction des coûts marginaux, l'incitation à le dépenser augmente avec le pouvoir de marché mais diminue avec l'intensification de la concurrence.

è Dans ce cas, la concurrence affect négativement l'incitation à innover.

Que se passe t'il si on ne cherche pas à maximiser le profit de la firme. Une réduction du coût d'adoption de la technologie diminue la date d'acquisition de la première innovation , mais augmente la date d'adoption de la prochaine innovation  : le manager conservateur peut s'accorder une longue période de perte avant l'innovation puisque le coût de l'innovation est plus faible.

Par contre, si plus de concurrences (ce qui équivaut à une augmentation de ou de) réduit , cela impliquera une augmentation de et une baisse de  : le manager conservateur sera contraint de réduire les pertes pour survivre, ce qui signifie acquérir une innovation rapidement afin d'abaisser ses coûts de production. Autrement dit, l'intervalle de temps qui sépare deux innovations diminue avec la concurrence.

è Si on cherche juste à survivre, on remarque que la concurrence nous incite à innover.

ii. Analyse générale

En fait, l'intuition de cette première sous partie reste valide dans l'équilibre général, c'est-à-dire en ajoutant à (P) et (F) la condition et la demande de travail à l'équilibre (L). Plus précisément, pour un ensemble non vide des valeurs des paramètres, il existe un unique équilibre quand les firmes sont toutes soit « conservatrices » soit « technology addicted », et au moins un équilibre quand les firmes maximisent leurs profits.

Nous considérerons premièrement, l'effet d'une augmentation du degré de substituabilité entre les biens intermédiaires, puis nous étudierons ceux qui sont dus à l'augmentation du nombre de producteurs de biens intermédiaires. Puis, nous conclurons cette partie en discutant des mesures de la concurrence.

a. Élévation du degré de substituabilité entre les biens intermédiaires

Nous allons nous concentrer sur un cas simple : l'effet de l'augmentation de sur le choix de décision de d'un manager conservateur, considérant le nombre de producteurs de biens intermédiaires constants, . En se référant à la figure 2, on peut observer que :

· La richesse est inférieure au coût d'acquisition de la nouvelle technologie pour et pour .

Aussi, l'équilibre dans lequel on retarde le plus l'innovation se produit au point E où la richesse accumulée décroît plus rapidement que le coût. Pareillement, une augmentation du degré de substituabilité des biens intermédiaires, donc de la compétitivité, réduira le profit accumulé et la date d'innovation , et par conséquent amplifiera la croissance.

è Contrairement au cas où l'on considère la maximisation du profit, une décroissance du profit accumulé a pour effet d'inciter les managers conservateurs à accélérer leurs activités de R&D.

o PROPOSITION 2 :

Pour et suffisamment large, une intensification de la concurrence, mesurée par un plus haut degré de substituabilité entre les biens intermédiaires, favorise la croissance, à condition de ne pas chercher à maximiser son profit.

b. Augmentation du nombre de producteurs de biens intermédiaires

Pour analyser l'effet du nombre de producteurs de biens intermédiaires, les auteurs se sont lancés dans une étude de statique comparative, aboutissant à la proposition suivante :

o PROPOSITION 3 :

Pour et suffisamment large une augmentation de la concurrence sur le marché des produits (N plus élevé) réduit la croissance et favorise les subventions (f plus faible), ce qui permet un retour de la croissance, dans le cas de la maximisation du profit et des « technlogy addict », l'inverse est vrai pour le cas de la non-maximisation du profit.

Nous confirmons ainsi l'intuition simple développée précédemment.

v Remarque :

Aghion, Dewatripont et Rey ont choisi de donner de l'importance aux effets sur l'innovation et la croissance du nombre et du degré de substituabilité entre les producteurs intermédiaires. Cependant, on peut penser à d'autres mesures. Par exemple, introduisons la possibilité d'imiter. Supposons qu'avec la probabilité , une technologie de qualité peut être « imitée » par un outsider qui peut produire le même bien intermédiaire à un coût marginal, arbitrairement proche de zéro. En utilisant la même représentation de l'équilibre que celle de la proposition 2, on peut montrer que pour un pas trop petit, une augmentation dans le taux d'imitation aura aussi pour effet de favoriser l'innovation et la croissance, dans le cas de manager conservateur.

V. Le rôle disciplinant du marché des capitaux

Nous allons maintenant nous intéresser à l'influence de la dette d'une entreprise sur ses décisions stratégiques concernant l'activité de recherche et développement. Ainsi, nous « ouvrons » un marché des crédits. On suppose que le créditeur de la firme intermédiaire peut liquider cette dernière dans le cas où elle n'aurait pas réussi à rembourser sa dette. On pose, par hypothèse, que :

(1). À partir du moment où les remboursements du créditeur n'ont pas été honorés, la liquidation est irréversible sans possibilité de renégociation ;

(2). Une garantie est exigée pour contracter une nouvelle dette dans le futur.

Le point fort de cette étude est de montrer précisément qu'une « forte » dette contractée rend la menace de liquidation crédible, ce qui peut être un instrument puissant pour inciter les managers qui ne cherchent pas à maximiser leurs profits, mais d'abord à maintenir leurs firmes sur le marché et à honorer leurs paiements chaque fois qu'ils le peuvent. En retour, cela implique que le marché des crédits ne leur prête de l'argent que lorsqu'ils estiment que la firme est capable de respecter la dette contractée. Pour déterminer l'équilibre, nous devons faire deux hypothèses supplémentaires :

(3). L'application de nouvelle technologie est inobservable par un créditeur potentiel. L'hypothèse (3) exclut la possibilité de complication financière ;

(4). Il y'a une offre de crédit parfaitement élastique au taux d'intérêt sans risque, . L'hypothèse (4) suppose que les firmes ne peuvent pas souffrir d'un problème de liquidité, leur permettant d'être solvable. Les firmes peuvent toujours emprunter à un taux d'intérêt , lequel est aussi égal au taux de préférence pour le présent des consommateurs.

Sans perte de généralité, nous pouvons alors restreindre l'attention standard menant à une dette :

(i) Un prêt initial « » accordé à une firme de bien intermédiaire ;

(ii) Une croissance ajustée constante des remboursements planifiés (à l'état stationnaire), qui est , à la date si  est le crédit initial contracté à la date 0.

Qu'est ce qui détermine la solvabilité des firmes intermédiaires ou leurs capacités à rembourser ? La valeur nette actuelle de leurs profits dépend de leurs choix futurs.

Étant chargées de rembourser leurs dettes, les firmes se verront contraintes d'adopter le choix de la maximisation du profit, afin de pouvoir honorer leurs engagements et d'éviter ainsi la liquidation. La proposition suivante montre, à l'état stationnaire, que l'effet disciplinant de la dette est extrêmement puissant.

o PROPOSITION 4 :

Lorsque les firmes intermédiaires peuvent accumuler leurs dettes comme décrit par les hypothèses (1)-(4), à l'état stationnaire le montant d'équilibre de la dette mène à l'adoption de décision qui maximise le profit, même pour un entrepreneur conservateur.

Une firme qui a accumulé une dette d'un montant n'à qu'un seul moyen de respecter son engagement, celui d'acquérir des nouvelles technologies au taux définit par la maximisation du profit. N'importe quelle déviation de cette stratégie conduira à la liquidation, comme indiqué par l'hypothèse (1).

De plus, l'hypothèse (2) stipule qu'on ne peut pas contracter une nouvelle dette pour gagner du temps. Ainsi, le montant maximum qu'une firme peut emprunter est , et implique le taux d'innovation . On peut observer que n'importe quel niveau de dette autre que (et son taux d'innovation associé) n'est pas un équilibre. Seul et émergent à l'état stationnaire.

è À l'état stationnaire, le rôle disciplinant de la dette élimine complètement les comportements conservateurs et « technology addict » que nous avons évoqués dans les sections précédentes. Revenant ainsi dans un monde Schumpétérien.

v Cette proposition est-elle robuste ?

Aghion et al. remettent en cause les différentes hypothèses, établissant notamment que le montant de dette n'est que faiblement optimal pour un entrepreneur conservateur. Finalement, ils aboutissent à la conclusion que la proposition 4 n'est valable qu'à l'état stationnaire.

VI. Remarques conclusives

Ce papier a introduit les considérations des agents dans un modèle d'innovation et de croissance. Il a montré que les comportements individuels des firmes peuvent radicalement affecter l'impact des politiques industrielles et de la concurrence : avec des firmes maximisant leurs profits, la concurrence sur le marché des produits tend à réduire la croissance dans notre modèle, alors que subventionner l'innovation tend à la promouvoir ; tandis qu'avec des firmes conservatrices, ces deux effets sont inversés.

Le rôle disciplinant de la dette a été prouvé grâce à leur modèle. Son effet est si puissant qu'il oblige, à l'état stationnaire, les firmes conservatrices à maximiser leurs profits.

Synthèse 2 :

Dans leur modèle d'innovation « step-by-step » Aghion et al. identifient deux effets de la concurrence sur l'innovation. La concurrence peut augmenter le bénéfice progressif de l'innovation, car l'incitation à innover provient du différentiel de profit post-innovation et pré-innovation, ce qu'ils nomment par l'effet « échapper à la concurrence". Cependant la concurrence peut aussi réduire l'incitation à innover des traînards, ceci provient du fait que les firmes voient leurs profits futurs se réduire et elles ne sont plus incitées à innover, ce qu'ils ont appelé l'effet « Schumpeter ». Le solde entre ces deux effets est différent selon que le degré de concurrence soit élevé ou non, générant ainsi la forme de U-inversé.

Acemoglu et al. nous montre l'importance majeure de l'innovation (passé ou future) dans la convergence des économies vers la frontière technologique mondiale. Leur modèle montre la dynamique que doit suivre une économie pour converger. Une nation éloignée de la frontière optera pour une stratégie à base d'investissements, et au fur et à mesure qu'elle s'en rapproche elle adoptera une stratégie d'innovations, impliquant une sélection plus rude des firmes et de leurs managers. Il établit la nécessité fondamentale d'avoir des institutions et des politiques appropriés. En effet, si peu de concurrence permet de poursuivre plus longtemps la stratégie d'innovations, une limitation abusive de la concurrence peut empêcher la nation de modifier sa stratégie et la conduire ainsi vers la trappe de non convergence où sa croissance s'arrêtera.

Denicolò et Zanchettin reconsidèrent la relation entre concurrence et croissance dans un modèle Néo-Schumpétérien standard avec amélioration de la qualité. Ils s'intéressent au cas où l'innovation est non-drastique. Ils démontrent que l'incitation à innover augmente avec l'intensité concurrentielle impliquant ainsi une élévation du taux de croissance de l'économie.

Le modèle développé par Aghion, Dewatripont et Rey prend en compte les considérations des agents. Ils établissent ainsi que l'impact de l'intensité de la concurrence sur la croissance dépend du comportement adopté par les managers. Si on considère la maximisation du profit des firmes, l'argument Schumpétérien est à l'oeuvre, aussi la concurrence dissuade l'adoption de nouvelle technologie donc la croissance. En revanche, si l'économie se compose de firmes dirigées par des entrepreneurs « conservateurs » dont l'unique désire est de retarder l'acquisition de nouvelles technologies, tout en évitant la faillite. L'argument Darwinien stipule que la concurrence est un outil qui permet de discipliner les managers, favorisant l'innovation donc la croissance. Le rôle disciplinant de la dette a été prouvé grâce à leur modèle.

De notre étude, il ressort que les économistes ne semblent pas s'accorder sur la forme de la relation mais sont d'accord sur le fait que la concurrence favorise la croissance jusqu'à un certains seuil. Espérons que l'expérience présentée dans la troisième partie pourra aboutir sur des comportements robustes d'innovations.

TROISIÈME PARTIE 

Étude expérimentale de la relation entre concurrence et innovation

Nous avons analysé l'impact d'une hausse de l'intensité de la concurrence, sur le marché des produits, sur l'incitation à innover en équilibre partiel et sur le taux de croissance en équilibre général. Il se dégage de cette étude, que la forme de cette relation dépend fortement des hypothèses adoptées.

Pour clore cette analyse, j'ai décidé de vous présenter une expérience dont l'objectif est de tester la relation entre concurrence et innovation.

Depuis quelque temps, on observe l'essor de l'économie expérimentale qui est très utilisée dans le domaine de l'économie industrielle. Cette dernière a pour objectif de tester la théorie. Étant donné qu'il est difficile pour les économistes de s'accorder sur la forme de la relation entre concurrence et innovation, pourquoi ne pas faire appel à l'économie expérimentale pour voir si on peut déboucher sur un résultat robuste empiriquement. Aussi, je trouve intéressant de vous présenter cette expérience très enrichissante réalisée par Cantner, Güth, Nicklish et Weiland : « Competition in product design : an experiment exploring innovation behavior ».

Dans leur modèle, innover permet d'améliorer la qualité du bien final. Le succès d'un innovateur est récompensé par une rente de monopole temporaire.

Ils considèrent un marché constitué d'un duopole, où il n'y a pas de concurrence par les prix. Ils supposent également que les sujets sont symétriques en ce qui concerne les coûts de recherche et l'appropriation de la rente. Ils divisent les sujets en sous-groupes, par type d'investisseurs et démontrent ainsi que la majorité des sujets conditionne leurs investissements au degré de concurrence mesuré par les ventes, tandis que pour les autres aucune corrélation n'est vérifiée.

Notre étude débutera par la présentation détaillée de leur modèle théorique. Ceci étant, nous poursuivrons en présentant le protocole expérimental. Puis, nous définirons le benchmark théorique afin de pouvoir procéder à l'analyse des résultats.

I. Modèle

Durant l'expérience, les sujets doivent concevoir un « bien » A, une voiture par exemple. Ce produit est composé de multiples composants (couleur, moteur,...) que nous appellerons a1, ...., an. Pour chacun de ces composants, il existe différentes spécifications mj = aj 2, (avec j = 1, ..., n).

Ainsi, à chaque période t, les sujets i = 1,2 sélectionnent ou maintiennent une spécification xij par composant, parmi les différentes alternatives aj1,..., ajmj dont ils disposent pour chaque composant j.

L'objectif des sujets est d'identifier les préférences des consommateurs

a1*, ...., an* (données exogènes). Plus leur configuration Ai, définie par xij,..., xin, se rapproche de la spécification idéale de chacun des composants (j = 1,..., n), plus élevé sera leur profit. Pour aligner leur conception sur la configuration optimale, les sujets peuvent pour un coût de c, (c>0) et par tentative de recherche, explorer certains ou toutes les n alternatives.

Au coeur du jeu répété, les sujets sont libres d'identifier et d'adopter les spécifications idéales des différents composants. Ils sont régulièrement mis au courant des activités de recherche antérieures des concurrents et de la performance économique.

Pour n'importe quel choix xij du sujet i = 1, 2, nous définissons « the former's distance 1 » du composant aj* par :

Ø Autrement dit, si j'ai trouvé la bonne spécification xij = aj* de aj alors äij (xij, aj* ) vaut 0 et 1 sinon.

La demande est positive si le sujet a au moins spécifié un aspect correctement.

Ils définissent, arbitrairement, que chaque composant spécifié correctement augmente la demande de deux unités, tandis que les composants mal spécifiés ne rapportent rien.

Ce cadre peut s'interpréter comme de la concurrence entre deux firmes activent sur n marchés (un pour chaque composant) sur lesquels ils peuvent entrer, après que la spécification idéale eut été découverte.

i,jt (xijt, x-ijt) représente la demande que le sujet i attire, à travers le composant aj à la date t. Définissant ainsi :

.

Ø Si les sujets coïncident correctement, dans la spécification d'un composant, la demande totale est divisée, équitablement, entre eux. Autrement dit, chacun reçoit une unité.

Ø Au contraire, si seulement un sujet spécifie correctement un composant, il s'approprie la demande totale de ce composant, soit deux unités.

__________________

1 the former's distance correspond à la distance qui sépare le composant choisit par le joueur de la spécification idéale.

Pour simplifier, ils supposent un coût de recherche et développement, uniforme et constant c, (c>0). Il s'agit du coût de l'investissement. Ces coûts représentent les coûts de commutation et sont seulement encourus si le sujet i choisit une nouvelle spécification pour le composant aj. Il peut revenir à la spécification antérieure de chaque composant gratuitement.

La variable ãijt représente les dépenses de commutation qui sont encourues par le sujet i en choisissant une spécification d'un composant aj pour la première fois à la date t dans l'intervalle 1 = t = T,

Ø Les dépenses sont nulles si le sujet n'investit pas et elles sont égales à deux si il investit dans la R&D.

Le profit global (non actualisé) des sujets i = 1,2, qui résulte de leurs interactions durant t = 1,..., T périodes est :

.

À la fin de chaque période, les deux sujets reçoivent des informations sur la configuration du concurrent A-i.

En l'absence de nouvelles restrictions, il est possible d'imiter les composants idéalement spécifiés par le concurrent sans avoir à investir dans la R&D. Aussi, pour protéger l'innovateur, c'est-à-dire le premier qui découvre la «bonne » spécification aj* du composant aj à la date t < T, nous introduisons un monopole temporaire (ou brevet) pour k période, k > 0. Pendant la durée du brevet, c'est-à-dire de la période t à la période t+k, l'imitation de aj* n'est pas autorisée. Une fois que le brevet a expiré, le concurrent peut choisir aj*ce qui lui coûte deux unités.

Dans ce contexte, c représente le coût de R&D ou bien le coût d'imitation. Si les sujets identifient indépendamment aj* en même temps, ils peuvent librement choisir aj* après.

II. Protocole

L'expérience a été réalisée au Laboratoire de l'Institut d'Économie de Max Planck et a impliquée un total de 72 étudiants de l'Université de Jena, la majorité d'entre eux se spécialisant dans l'administration d'affaires ou l'économie.

Quatre sessions ont été réalisées. Chacune d'entre elle comprenant deux séquences, d'une course au brevet, avec 15 périodes à chaque fois. Initialement, les paires de joueurs ont été aléatoirement formées. Puis, avant le début de la deuxième séquence, les paires sont recomposées de façon aléatoire, tout en respectant le fait que chaque sujet doit être associé à un nouveau joueur. Aucune communication entre les joueurs n'est autorisée. La compréhension générale des règles du jeu a été assurée au moyen d'un questionnaire de contrôle pré expérimental.

Dans l'expérience, les paires de sujets rivalisent simultanément dans la recherche de la spécification idéale de huit composants distincts. Pour leurs faciliter la compréhension du jeu, on leur fournit un encadrement intuitif, à savoir que les sujets doivent concevoir une automobile et cette dernière est composée de multiples composants (couleurs, moteur,...). Pour chacun d'eux, ils existent plusieurs alternatives (bleu, rouge, noir,..., pour la couleur).

Chaque fois que la spécification correcte d'un composant a été trouvée, la demande globale du produit augmente de une ou deux unités. Les sujets sont libres de modifier ou de maintenir un ou plusieurs composants de leur conception actuelle à chaque période.

À la fin de chaque période, les sujets reçoivent des informations sur leur conception, sur leur succès d'investissement dans la recherche, c'est-à-dire lorsqu'un joueur obtient un brevet et sur la performance économique. Toutes ces informations sont connaissances communes.

Les paramètres suivants ont été utilisés : chaque sujet a reçu une dotation de 40 unités au début de chaque séquence. Il n'y a eu aucune nouvelle dotation. Bien que ce soit théoriquement possible dans l'expérience d'épuiser entièrement son compte, atteignant ainsi la faillite, cela ne s'est pas produit. Ils peuvent utiliser ces unités pour investir dans huit composants distincts, définissant ainsi leur « produit ».

Il existe deux types de composants qui diffèrent par leur niveau de risque.

· Le premier type est composé de huit différentes spécifications (mj=8)

· Le second n'en contient que quatre (mj=4), il est plus attractif en terme de profitabilité de la recherche, donc moins risqué.

Si on a attribué un brevet, il protége son propriétaire de l'imitation pour une durée de k = 4 périodes.

Les bénéfices accumulés sont convertis en euros au taux de change de 1 unité = 0.08 euros.

Il a fallut environ 65 minutes aux participants pour finir les deux séquences pendant lesquelles, ils ont gagné en moyenne 18.78 euros (3.16 euros) 2. La différence entre le gain le plus élevé (25.70 euros) et le plus faible (7.54 euros), rend compte que le succès d'innovation varie considérablement parmi les concurrents.

____________________

2 les chiffres entre parenthèse correspondent à la variance.

III. Benchmark

Pour évaluer la qualité et la cohérence des décisions d'investissements observées, Cantner et son équipe ont exécuté une simulation de leur modèle théorique pour établir un benchmark 3 numérique.

Ils estiment une régression linéaire pour quantifier l'effet du type de risque du joueur et celui du concurrent avec lequel il interagit sur son profit. Les résultats sont présentés Tableau 1. Le modèle considère le type de risque du joueur (ro), celui de notre concurrent (rc) et leur interaction (ro x rc). Il s'avère, que ro et rc influencent positivement notre profit.

Covariate

Estimate

Std.error

p-value

Intercept

13.06

0.721

<0.001

ro

13.49

0.142

<0.001

rc

7.71

0.141

<0.001

ro x rc

-1.40

0.028

<0.001

Le tableau 2 est une matrice des gains qui présente les profits moyens par séquence, résultant de l'interaction des agents qui sont classés par type de risque (r). Cette présentation nous permet de tirer immédiatement l'équilibre unique de ce jeu simple. Chaque joueur adoptera le type de risque le plus élevé (r*=8) gagnant ainsi 108 unités.

ri,r-i

1

2

3

4

5

6

7

8

1

40,40

40,40

40,40

66,94

66,94

66,94

66,94

84,121

2

40,40

40,40

40,40

66,94

66,94

66,94

66,94

84,121

3

40,40

40,40

40,40

66,94

66,94

66,94

66,94

84,121

4

94,66

94,66

94,66

80,80

80,80

80,80

80,80

100,108

5

94,66

94,66

94,66

80,80

80,80

80,80

80,80

100,108

6

94,66

94,66

94,66

80,80

80,80

80,80

80,80

100,108

7

94,66

94,66

94,66

80,80

80,80

80,80

80,80

100,108

8

121,84

121,84

121,84

108,100

108,100

108,100

108,100

108,108

è Nous constatons ainsi que la solution unique de ce jeu simultané simple est un équilibre de stratégies dominantes.

____________________

3 le benchmark correspond à un point de référence permettant d'analyser et de mieux comprendre les résultats.

IV. Résultats

i. Comportement régulier d'investissement

Analysons d'abord les choix globaux d'investissements. La figure 1 4 montre la distribution d'investissements à travers toutes les périodes des deux séquences et illustre les revenus des sujets et leurs profits par période.

Les investissements initiaux, dans chaque séquence, débutent à un niveau élevé. L'investisseur médian dépense le maximum possible dans la séquence 1 (il dépense 16 unités), tandis que dans la deuxième séquence, il se situe légèrement en dessous de la limite d'investissement (il dépense 12). Dans les périodes suivantes, l'intensité de l'investissement décroît avant de se stabiliser à un niveau faible à la fin de la première moitié de la séquence. Les brevets expirés du rival sont imités sans retard, représentant l'activité élevée d'investissements autour des périodes 6 et 7. Ensuite l'activité d'investissements baisse à un niveau marginal pour le reste de la séquence. Ceci peut s'expliquer par le fait que le modèle ne fournit pas d'occasions continues d'investissements* une fois que l'on a accordé un brevet d'invention dans un composant, l'investissement dans ce domaine est inutile, on a juste à payer le coût d'imitation.

Le tableau du milieu et celui de droite de la figure 1 représentent l'évolution des revenus et des profits par périodes à travers la séquence. Les deux courbes sont quasiment semblables, la seule différence entre les deux est le coût de recherche que l'on a retiré au revenu pour obtenir le profit.

è Notez que la baisse de la différence des profits marginaux entre les concurrents illustre l'érosion de la rente due à la concurrence, en l'absence de mise en application de droit de propriété intellectuelle.

v Résultats 1 : Le taux d'investissement est maximal au début de la course au brevet et diminue continuellement. Les revenus et les profits par période augmentent rapidement et convergent vers un niveau de demande maximale, sans coût de recherche que les concurrents partagent équitablement.

è La concurrence stimule l'incitation à innover au début, puis rien n'est fait pour protéger l'innovateur, aussi le taux d'investissement diminue. Trop de concurrence inhibe l'incitation à innover.

Intéressons nous maintenant au rôle de leadership pendant la course. Plus particulièrement, étudions dans quelle mesure la position relative d'un sujet, être en avant ou en arrière, en terme de profits accumulés est dirigée par la dépendance au brevet. Nous constatons que la probabilité du leader actuel de maintenir son rang, dans la séquence, augmente de façon monotone à travers les périodes. À la fin de la première période, il n'est pas encore possible de discerner le gagnant le plus probable de la course au brevet. Pourtant, il devient de plus en plus évident que le leader actuel gagnera finalement la course.

____________________

*un papier de Cantner, Nicklish et Weiland soulève ce problème en considérant une course au brevet dans laquelle les agents sont autorisés à poursuivre leurs activités de recherche durant toute la séquence.

4 la figure 1 est présentée en annexe page 137.

La probabilité empirique de gagner, éventuellement, la course, si on est en avance sur son concurrent, est égale à 74 % à la période 3 ; 84 % à la période 6 ; 94 % à la période 9. Ensuite, ils n'observent pas de changement de leader. Ils en déduisent que, dans la plupart des cas, la position relative des rivaux ne se modifie pas dans une séquence, si chacun est enclin à négliger le trouble dans les deux premières périodes de la compétition.

Le changement dans la structure « leader-follower », mentionné également comme le « leap-frogging 4 » sont largement discutés dans la littérature économique sur la concurrence. Leurs données suggèrent que « success breeds success » (le succès entraîne le succès). De même dans une analyse empirique de trois cent une sociétés allemandes dans le secteur industriel, Flaig et Stadler (1994) démontrent une influence significative des innovations antérieures d'une firme sur son incitation à innover actuelle. Si un follower n'a pas été capable de réaliser une innovation dans la première moitié de la séquence, il restera probablement derrière.

v Résultats 2 : Le « leap frogging »5, dans le sens où un follower dépasse un leader est rare. De plus, le laps de temps assez court pour investir dans la recherche, exclut une nouvelle dynamique de concurrence dans la deuxième moitié de la séquence.

è La position relative prise par un sujet a peu de chance de se modifier

ii. Déterminants du taux investissement

Pour examiner le modèle, dans lequel l'investissement diminue avec le temps, Cantner et son équipe calculent la propension moyenne pour la population type de s'engager dans une activité de recherche risquée à chaque période. Ils considèrent qu'un investissement, dans un composant, est risqué, si ce dernier contient au moins deux aspects inexplorés.

____________________

5 leap-frogging signifie que le follower dépasse le leader, devenant leader à son tour.

Le tableau situé à gauche, dans la figure 2 nous révèle que le taux d'investissement dans une activité de recherche risquée diminue considérablement avec le temps. On peut distinguer trois phases :

§ Une phase initiale, où la propension à investir est élevée (période 1-3).

§ Une phase dans laquelle le taux d'investissement s'atténue, mais ne décroît pas (période 4-12).

§ Une phase finale, où l'on observe que la propension à investir tend vers zéro (période 13-15).

Les différences entre les trois phases peuvent être expliquées : initialement, les rivaux sont symétriques avec une dotation identique et aucun brevet d'invention. Puisque les brevets ont pour conséquence l'attribution d'une rente temporaire, donc un profit plus élevé pour leurs propriétaires. Les sujets sont fortement incités à investir dans la recherche, et ce dès le début de la course au brevet. Par la suite, le taux d'investissement diminue et se stabilise aux alentours de 40-50%, et moins de la moitié des investissements risqués disponibles est poursuivie. Certains brevets ont été déposés, donc on investit moins, on opte plutôt pour l'imitation.

Vers la fin de la séquence, les sujets s'abstiennent d'investir, la plupart des spécifications idéales sont découvertes. De plus, les joueurs savent que le jeu se termine aussi ils ne voient pas l'intérêt de déposer un brevet.

Le tableau situé à droite de la figure 2, nous montre que les choix d'investissements dans la recherche risquée sont corrélés à la part du profit du joueur dans les profits totaux (accumulés). S'ils ont choisi cette statistique, c'est parce qu'ils considèrent que la distance relative entre les profits des concurrents constituent une mesure appropriée de l'intensité de la concurrence dans une course au brevet. La statistique de « profit relatif » d'un sujet par rapport à son rival est définie comme la différence entre son profit et le profit du rival, que l'on divise par la somme de leurs profits.

À première vue, ce tableau nous indique que la plupart des observations se situent dans un intervalle, où le profit relatif oscille entre -0.5 et 0.5. On remarque que le taux d'investissement et le profit relatif sont, très faiblement mais significativement, corrélés ( < 0.086, avec p < 0.001).

Une autre caractéristique dans la relation entre la concurrence (mesuré par le profit relatif) et le taux d'investissement est la présence d'un sommet prononcé dans la propension à investir (au niveau de 65 %) dans l'intervalle [-0.1, 0.1]. L'opposition du taux d'investissement entre le sommet et l'extérieur confirme que le changement vertical entre les deux échantillons est fortement significatif (p < 0.001).

Cela fournit une preuve expérimentale forte que la concurrence entre deux firmes identiques, comme discuté dans Aghion et al (2005) et Palokangas (2006), incite les sujets à défier le leader actuel (si on est derrière) ou défendre sa position (si on est leader). Un tel effet est à peine compatible avec la rationalité puisque la position relative de concurrents est sans rapport avec les retours d'investissements.

Ainsi, le changement significatif dans le comportement d'investissement des sujets peut être attribué aux effets psychologiques (par exemple, étant peu satisfait de sa propre performance). Bien qu'ils ne fournissent pas de motivation monétaire autre que le profit, devenir le leader provisoire ou éventuel dans la course au brevet semble être une incitation suffisante.

Cette découverte nous laisse présager qu'au moins une minorité de sujets est négativement affecté quand ils restent en arrière, dans un environnement compétitif.

De leur point de vue, de tels sujets intensifient leur activité d'investissement pour s'approprier le revenu supplémentaire. Dans le tableau suivant, ils fournissent une vue d'ensemble des facteurs qu'ils ont trouvés, ayant un impact significatif sur la propension du sujet à investir.

Covariate

Estimate

Std.error

p-value

Intercept

1.838

0.201

<0.001

Period

-0.386

0.04

<0.001

Period2

0.026

0.003

<0.001

Risky

-0.114

0.017

<0.001

Leader

0.406

0.09

<0.001

Spread

0.060

0.012

<0.001

Sequence 2

-0.159

0.068

0.019

Les deux premiers coefficients, le linéaire et le terme de période quadratique, sont tous les deux fortement significatifs. Conjointement, ils décrivent une baisse (non monotone) de la propension à investir avec le temps. Ainsi, d'autres facteurs sont constants, les sujets investissent intensivement le plus tôt possible dans la course et investissent par la suite avec de moins en moins d'ardeur.

Comme attendu, l'évaluation du coefficient du risque, c'est-à-dire le nombre de décision risquée qu'il reste pour la spécification d'un composant, est négatif. Cela montre que les sujets sont conscients du fait que la rentabilité de la recherche diminue avec le nombre d'options restantes.

L'estimation positive de la dummy leader signifie que le fait d'être en avance sur son rival encourage fortement de nouveaux placements. Ainsi, une performance satisfaisante intensifie de nouvelles recherches.

Le coefficient « spread », marquant la différence des revenus par période entre les rivaux, est positif.

Si nous assumons que la concurrence est plus rude quand la différence entre le revenu marginal des concurrents est nulle, ce qui revient à dire que les entreprises sont identiques, alors on peut dire que le degré de concurrence augmente le taux d'investissement des followers, au moins plus qu'il n'inspire les leaders. Lorsque la concurrence est faible, une augmentation de celle-ci provoque un accroissement du taux de placement.

Ils ont, également, évalué la signification et la pertinence économique du profit relatif des rivaux dont le coefficient s'est avéré être insignifiant.

Cohen, Levin et Mowery (1987) sont parvenus à la même conclusion, après l'examen empirique de données de la Fédérale Trade Commission, à savoir que la taille d'une firme n'a pas significativement d'impact sur l'intensité de la R&D.

Finalement, ils estiment un coefficient négatif de sequence2. En effet, l'apprentissage dans la première séquence incite des sujets à investir légèrement moins dans la deuxième séquence. Le taux d'investissement de première période est, notamment, plus bas dans la seconde séquence qu'il ne l'est dans la première.

v Résultat 3 : La décision d'investir dans une activité de recherche risquée est significativement conditionnée à des facteurs génériques déterminant le retour attendu d'un investissement et sur les mesures particulières de la performance relative du sujet.

è La décision d'investir dépend de différents paramètres

iii. Distinction d'investisseurs audacieux et prudents

Jusqu'ici, nous avons exploré le comportement global. Bien que des régularités dans le comportement de recherche aient été découvertes, ces résultats ne peuvent pas êtres utilisés pour identifier les modèles comportementaux qui sont partagés entre des groupes distincts de sujets. Ils vont donc essayer de classer les participants. À cette fin, ils exécutent une analyse de groupe sur l'ensemble de données de choix individuels d'investissement. Pour ce faire, ils utilisent le taux moyen d'investissement des sujets dans des composants contenant 2-4 ou 5-8 spécifications différentes.

Ils identifient, ainsi, un groupe minoritaire de sujets (28%) qui investissent dans une activité risquée de recherche, sans tenir compte du degré de concurrence. La majorité des participants (72%) conditionne leur activité d'investissement à l'intensité de la concurrence :

· Des investisseurs audacieux (type A) investissent dans 90% des cas, dans lesquels il y a une opportunité de profit, négligeant le risque d'échec de l'investissement. Ils évaluent, arbitrairement, le risque d'investissement comme haut (bas) si les sujets investissent dans les composants 5-8 (2-4).

· Des investisseurs prudents (type B) investissent dans 50% des cas où il y'a une possibilité de faire un profit. En moyenne, ils comptent plus souvent sur l'imitation (moins risqué).

Conformément aux résultats de leur simulation, ils constatent qu'un investissement vigoureux mène à des profits supérieurs. La figure 3 illustre la relation entre l'intensité de concurrence (différence des revenus) et le taux d'investissement. Tandis qu'une association linéaire entre les deux aspects peut être identifiée pour le type d'investisseurs prudents, le taux d'investissement, des sujets audacieux, est indépendant du degré de concurrence. L'indépendance entre la concurrence et l'innovation, pour les investisseurs audacieux, n'est pas surprenante, comme la propension moyenne d'investissement de ce groupe est égale à 92% (87%) pour des investissements à bas risque (haut risque). Il est, cependant, remarquable que les investisseurs qui ne conditionnent pas leurs investissements sur l'intensité de la concurrence, représentent presque un tiers (de 27.8%) de la population.

v Résultat 4 : La majorité des sujets conditionne leur choix d'investissement sur le degré de la concurrence, les leaders (follower) sont moins (plus) incités à investir avec l'élévation du degré de la concurrence. Environ un tiers de la population poursuit une stratégie inconditionnelle et vigoureuse d'investissement, en ignorant le degré de la concurrence.

è L'intensité de la concurrence influence l'incitation à innover.

V. Discussion

Dans leur scénario de concurrence pour l'innovation, les paires de sujets peuvent activement investir dans la recherche ou rester passives, espérant d'une façon opportuniste profiter du spillovers 6 de l'information.

L'objectif principal a été de rassembler des données sur les choix individuels, dans une expérience contrôlée. Permettant, ainsi, d'évaluer le lien entre la concurrence et l'activité d'innovation.

Comme les modèles de course au brevet suggérés par Harris et Vickers (1987), leur conception expérimentale présente tant de l'incertitude que de l'interaction stratégique. Pourtant, à la différence du modèle d'Harris et Vickers (1987) et de plusieurs autres modèles de concurrence pour l'innovation, obtenir un brevet dans leur modèle ne termine pas l'interaction, mais représente plutôt un succès provisoire dans une course en cours.

Ils identifient plusieurs facteurs guidant la décision d'innover. Certains d'entre eux liés aux aspects génériques de la tâche d'investissement (critères objectifs), comme la probabilité de succès ou le temps restant pour investir et obtenir une rente. Tandis que d'autres conditionnent leur décision d'investir sur la performance du rival qu'ils prennent comme un point de référence (critères relatifs), ils démontrent par ailleurs que le fait d'être en avance dans la compétition incite plus le leader à investir.

Cela se conforme à la prédiction de modèles théoriques bien connus sur la concurrence pour l'innovation, comme ceux de Grossman et Shapiro (1987) ainsi que Harris et Vickers (1987).

Les choix observés d'investissements sont conformes à la notion que les followers intensifient leurs efforts de recherche lorsque le degré de concurrence, mesuré par les parts de ventes augmente.

Leurs données sont moins facilement réconciliées avec Aghion et al (2005) qui montrent empiriquement une décroissance du taux d'investissement des firmes leaders. En effet, ils ne réussissent pas à reproduire la relation positive présumée entre la concurrence et l'innovation pour des industries leaders. Pour eux, moins de concurrence augmente l'incitation à innover, tant que les coûts attendus de recherche peuvent êtres couverts par le retour attendu d'une innovation. Dans l'expérience, les leaders sont toujours incités à innover.

Un groupe plutôt homogène de sujets, représentant environ un tiers de la population type, ne se conforme à aucune des prédictions d'interaction leader-follower des modèles théoriques sur la dynamique industrielle. Les membres, de ce groupe, investissent constamment dans la recherche indépendamment de la progression de la course, de la probabilité de succès de la recherche et le degré de concurrence. Initialement, on pourrait expliquer cela par la neutralité au risque. Mais plus tard dans la course, les sujets semblent être stimulés par le caractère de l'interaction du tournoi, leur inspirant un désir de gagner. Bien sûr, une préférence stable comme la curiosité pourrait aussi expliquer un tel comportement d'investissement.

____________________

6 Terme définit en annexe.

Conclusion

Le débat sur la forme de la relation entre concurrence sur le marché des produits et l'incitation à innover débute en 1943 lorsque Schumpeter évoque le fait que trop de concurrence inhibe l'activité de R&D, étant donné que la concurrence réduit le profit post-innovation qu'espère obtenir l'innovateur. Les économistes nomment cela la « dissipation de la rente ». Arrow rétorque vingt ans plus tard, qu'une firme en place est moins incitée à innover qu'une entreprise en concurrence, car le différentielle de profit est moindre. En effet, un concurrent passe d'un profit nul à la rente de monopole, alors que la société en exercice se remplace. C'est ce qu'on appelle « l'effet de remplacement ». Autrement dit, la concurrence favorise l'innovation. Cette vision est l'opposée à celle de Schumpeter.

De nombreux économistes vont essayer de démontrer la véritable forme de cette relation. Gilbert et Newberry, ainsi que Reinganum se place dans le même cadre d'analyse que Schumpeter et Arrow. Ils supposent qu'une firme en place sur un marché fait face à l'entrée de concurrents. Une différence majeure entre ces modèles est la définition du processus de découverte. Pour Gilbert et Newberry, ils le supposent déterministe, aboutissant à la conclusion que le monopole est plus incité qu'un entrant potentiel à innover et va même au-delà, puisqu'il anticipe et dépose des brevets anticipés. Ils vont à l'encontre de ce que pensait Arrow. Par contre Reinganum suppose que le processus est stochastique. Elle confirme ainsi la vision d'Arrow en démontrant que c'est le concurrent qui est le plus incité à se lancer dans une activité de R&D.

On comprend déjà que l'impact de la concurrence sur l'innovation dépend fortement des hypothèses retenues et du cadre d'analyse. Boone étudie l'impact de la concurrence sur l'innovation dans un marché où les firmes sont asymétriques, elles diffèrent par leurs efficacités productives. Il démontre que si une élévation de la pression concurrentielle implique une amélioration de la productivité de l'industrie (effet d'adaptation), elle a également pour conséquence le fait de réduire le nombre de variétés de biens (effet de sélection). L'effet de « sélection » stipule que la concurrence poussera les firmes les moins efficientes à sortir du marché. L'effet « d'adaptation » correspond au fait que la concurrence encourage les firmes à améliorer leurs productivités plutôt que développer un nouveau bien.

Dans un cadre d'équilibre partiel, on ne peut aboutir à une relation unique entre la concurrence et l'innovation. Notre étude se poursuit donc dans un cadre d'équilibre général. Dans ce cadre d'analyse, Aghion et son équipe démontrent théoriquement et empiriquement l'existence d'une relation en U-inversé. En effet, ils développent un modèle où la concurrence décourage les firmes en retard d'innover, en revanche elle incite les firmes identiques à se lancer dans une activité de R&D. La combinaison de ces deux effets, générant ainsi la relation en U-inversé. Autrement dit, cela suppose que la concurrence favorise l'activité de R&D, et par la même la croissance, jusqu'à un certain seuil.

Acemoglu aborde la question de l'impact de la concurrence sur une firme par rapport à sa distance à la frontière technologique. Dans son modèle, il partage la vision d'Aghion. En effet, la concurrence favorise la stratégie d'investissements adoptée par une économie afin de pouvoir adopter les technologies existantes. Cependant trop de concurrence peut empêcher la nation de modifier sa stratégie d'investissements en stratégie à base d'innovations, se retrouvant ainsi dans une trappe de non-convergence où sa croissance stagne.

Il semblerait que nos auteurs s'accordent sur le fait qu'un certain degré de concurrence favorise la croissance. Denicolò et Zanchettin partage cette vision dans leur modèle Néo-Schumpéterien. Ils identifient l'effet du prix, de l'accumulation du profit et de l'efficacité productive associée à l'augmentation de la pression concurrentielle. L'effet prix réduit l'incitation à innover, cependant le profit (espéré) et l'efficacité productive incitent les entrepreneurs à se lancer dans une activité de R&D. Nos auteurs démontrent dans quelles circonstances l'effet efficacité productive domine l'effet prix. Dans de telles circonstances, les deux effets combinés de l'accumulation du profit et de l'efficacité productive permettent au taux de croissance de l'économie de croître avec le degré de concurrence.

Pour clore cette deuxième partie, nous avons présenté le modèle d'agence développé par Aghion, Dewatripont et Rey. Dans leur modèle, ils introduisent les considérations des agents et analysent l'effet de la concurrence sur la motivation à adopter une technologie, en ne maximisant pas le profit de la firme. Une clé de ce papier est que le risque de faillite peut encourager un manager à rendre sa firme plus productive. Aussi la concurrence combinée au risque de faillite joue le rôle d'outil disciplinaire, encourageant l'adoption de nouvelles technologies.

L'expérience de Cantner avait pour objectif de parvenir à définir des comportements d'innovation robustes. Il démontre, avec son équipe, que le fait d'être en avance incite le leader à investir plus dans la R&D. De plus, les followers sont plus incités à investir dans la recherche lorsque la concurrence s'intensifie.

Cette analyse de différents travaux théoriques a été réalisée afin de savoir si on pouvait adopter un point de vue clair et définitif quant à la relation entre concurrence sur le marché des produits et l'activité innovation. La réponse est NON. La littérature sur l'économie industrielle explique l'impact de décisions anti-concurrentielles spécifiques sur le bien-être, chacune donnant de l'importance à un aspect différent, aussi bien que les économistes ne s'accordent pas sur la forme de la relation entre concurrence et innovation.

Cependant il semblerait que les économistes soient en accord avec les autorités de la concurrence. Dans le sens où ils s'accordent sur le fait qu'un certain degré de concurrence favorise l'innovation, qui s'est avéré être le moteur de la croissance

ANNEXES

v Jan Boone (2000): « Competitive pressure: the effects on investments in product and process innovation ».

- Proof of Proposition 1:

To find out whether a rise in may induce some firms to exit, consider the effect of on the value of entering for the least efficient firm in the market, .By the envelope theorem, this can be written as

By part (ii) of Definition 1, it is the case that . Further, again using part (ii) of this definition but now applied to pressure as measured by the cost level of I's opponents (where a fall in is a rise in pressure on I ), one finds that for . Therefore, for each i {1, . . . , I 1} implies . Hence, if , this rise in induces firm I to leave the market.

Conversely, the only way in which a rise in will solicit more product innovation, in the sense that product I +1 enters the market, is that for a number of firms i.

v Aghion, P et al, (2005), «Competition and Innovation: An inverted U Relationship».

- Proof of Proposition 1 :

To solve for the equilibrium research intensities and of neck-and-neck and laggard firms, we use Bellman equations. More precisely, let (respectively, ) denote the steady state value of being currently a leader (respectively, a follower) in an industry with technology gap , and let denote the rate of time discount. We have the following Bellman equations:

In words, the annuity value of currently being a technological leader in an industry with gap at date equals the current profit flow , minus the expected capital loss from having the follower catch up by one step with the leader. The annuity value of currently being a laggard, is equal to the current profit flow plus the expected capital gain from catching up with the leader minus the R&D cost . Finally, in the Bellman equation for a neck-and-neck firm, there is no help factor h because there is no leader, and n0 denotes the R&D intensity by the other firm in the same sector; in a symmetric Nash equilibrium both firms' R&D intensities are equal; that is,

Now, using the fact that each firm chooses its own R&D intensity to maximize its current value, that is, to maximize the right-hand side of the corresponding Bellman equation, we obtain the first-order conditions:

Eliminating the V's between the Bellman equations and first-order conditions (13) to (17), yield the reduced form R&D equations:

This system is recursive, as the first equation solves for , and then given the second equation solves for . For the special case where , we use the relationship to obtain

We immediately see that increases, whereas decreases with higher product market competition. This establishes Proposition 1.

- Proof of Proposition 2 :

Let :

According to equation (21) above,

Where :

Thus, we can reexpress the aggregate innovation rate (10) as :

With :

The expression :

is decreasing in , with a unique value :

at which . Therefore, is quasi-concave, with . Therefore, the inverted-U pattern will obtain whenever , the escape-competition effect will dominate if and the Schumpeterian effect will always dominate if .

Now let . One can easily establish that

.

Thus, the inverted-U pattern will obtain whenever

the escape-competition effect will strictly dominate over the whole interval whenever

finally, the Schumpeterian effect will dominate over the whole interval whenever

Each of the corresponding three regions is nonempty, which establishes Proposition 2.

- Proof of Proposition 3:

From equations (9) and (21) we have :

where B is defined in the proof of Proposition 2 above. From this and (11) :

Where From this and Proposition 1 :

So we need only show that :

This clearly holds when . So suppose that . Then we need only show that :

It follows from equations (20) and (21) that :

So :

Therefore,

which implies condition (22).

- Proof of Proposition 4 :

Note that the expected technological gap is given by :

which can be reexpressed as :

This latter expression is clearly increasing in and therefore with product market competition. This establishes Proposition 4.

- Proof of Proposition 5:

Since

therefore, will affect and via its positive effect on . Assume that is interior to the interval . From the envelope theorem, the marginal effect of B on

is just equal to the direct effect :

which is unambiguously positive. The marginal effect of is . which is therefore also positive. Therefore, more neck- and-neck industries (those with larger ) have a higher peak in the inverted U. Moreover, the peak occurs at the value of such that , or equivalently,

The peak lies farther to the right on the line in more neck-and-neck industries if , where is implicitly defined by (24). Applying the implicit functions theorem to (24), we get :

where :

,

since :

Therefore, . This establishes Proposition 5.

v Acemoglu, D., Aghion, P., et Zilibotti, F., (2004) « Distance to Frontier, Selection, and Economic Growth».

- The participation constraint:

In this appendix we prove that if (sufficient condition) andis sufficiently large, the incentive compatibility constraint, (11), is always more binding than the relevant participation constraints.

Let us denote , where is the payment to the entrepreneur, and the inequality corresponds to the incentive compatibility condition. The participation constraint for an old entrepreneur is :

which simply states that the payments minus retained earnings that are injected must be greater than the wage rate. We will ensure that these participation constraints hold even when all entrepreneurs inject all their retained earnings, i.e., when.

The participation constraint for a young entrepreneur is slightly more involved, since he anticipates potential rents if he remains an entrepreneur in the future. We can write this constraint as :

where the expected future rent is given by :

,

which uses the fact that future rents correspond to the future participation constraints being slack. This expression also takes into account that the entrepreneur is uncertain about this type, and he will receive future rents when he has high skill or when he has low skill and the economy is in the investment-based regime, i.e.,

We prove the main result in two steps. First, we prove that such that, for , the participation constraint is slack for young entrepreneurs. Second, we prove that such that, for , the participation constraint is slack for both

low- and high-skill old entrepreneurs. Therefore, if , then the participation constraints both for young and old entrepreneurs are slack.

For the first step, note that since the young have no retained earnings, a sufficient condition for the participation constraint not to bind when the incentive constraint binds is that . Using equation (3) for equilibrium profits, and the equilibrium wage equation (5), we can re-express this participation constraint (33) as :

Since and , a sufficient condition for (34) to hold for all a's is

To establish the second step, observe that the participation constraints of old low-skill entrepreneurs is slack if and only if .Substituting for , and , we can re-express this condition as:

Similarly, the participation constraints of old high-skill entrepreneurs is slack if and only if . Substituting for , and , we can re-express this condition as:

First, note that a sufficient condition for the LHS of both inequalities (36) and (37)

to be positive is that ).Second, as long as , there exists such that, if , then both (36) and (37) hold, i.e., the participation constraint is slack for both the low-skill and high-skill old entrepreneurs. Therefore, if , then both participation constraints are slack, even when entrepreneurs inject all their retained earnings.

- Proof of LEMMA 1 :

Let

It is immediate to verify that the assumption that guarantees that (in particular, note that if and only if , and äH is decreasing in ö). We first show that if , then, for all a's, young entrepreneurs are assigned to small projects. More formally, ä < äH , implies that, for all a's,

Since the right-hand side increases in faster than the left-hand side, to ensure that this inequality holds for is sufficient.

ensures that this is so.

Next, we establish that the retained earnings of an old low-skill entrepreneur at are as given in (17). Recall first that we have assumed that participation constraints

are slack even when entrepreneurs inject all their retained earnings. This plus the fact that capitalists make the contract offers imply that old low-skill entrepreneurs inject all their earnings, i.e., (see Appendix A). Retained earnings are therefore equal to the capitalized first period entrepreneurial earnings. Since, as we proved above, all young entrepreneur run small projects, a low-skill entrepreneur born at will have a level of retained earnings equal to . Equation (7) in the text implies that and adding the interest payments at the rate establishes that the retained earnings of an old low-skill entrepreneurs at time are as given by (17).

Next, we show that, if , then old entrepreneurs operate large projects. We prove that this is the case for a low-skill entrepreneur. Then, a fortiori, it must be the case for a high-skill entrepreneur. An old low-skill entrepreneur, if retained, operates a large project if and only if

Hence,

We first show that, if and , then . To derive a contradiction, suppose that, for some , we have . Suppose. Hence,

,

contradicting the assumption that . Hence, we have established that , which immediately implies that for all . Thus,(38) can be rewritten as :

.

Since the left-hand side increases faster in ä than the right-hand side, ensuring that this inequality holds for is sufficient. Evaluating it at yields:

which is obviously true. Hence, for all , we have :

And :

which this concludes the proof of the Lemma.

v Denicolò V. et P. Zanchettin (2004) : « Competition and Growth in Neo-Schumpeterian Models ».

- Omitted details in the proof of Lemma 1:

To prove the first equality in (6), i.e.

note that :

whence the result follows immediately. Next, note that :

From (4) we get :

Substituting into the above expression we get :

because the first and third term on the right hand side cancel out. But is the variance of active firms' marginal costs, , and so the second equality in (6) is obtained.

- Proof of Lemma 2 :

From (6) we have :

where the inequality follows because .

- Proof of proposition 1 :

When C we have and consequently, . Starting from , let us consider the effect of a small decrease in c, such that becomes positive. Because we have :

and so at . On the other hand, when v is just below , exactly two firms will be active in the Cournot equilibrium. Thus, . Differentiating we get :

At , the second and fourth term vanish, and so :

From the first order conditions (3) one obtains

At we have and thus :

.

But (and so the derivative reduces to

The fraction is positive given the assumption of decreasing marginal revenue. Clearly, under our assumptions of constant marginal costs and decreasing marginal revenue we have . It follows that

This means that raises more steeply than in a left neighborhood of . By continuity, it follows that in a left neighborhood of

- Proof of proposition 3:

Let and denote two price levels, with . The move from to corresponds to an increase in the intensity of competition. We must show that :

L for all , with at least one strict inequality. Note that (3) implies

whenever firms and are active at equilibrium. Differentiating we get :

whence it immediately follows that :

Inequalities (A1) imply :

provided that there are at least two active firms at , whence it follows that :

i.e .

Clearly, (A1) also implies . Now suppose to the contrary that there existssuch that . Let be the minimum value of for which inequality holds, so that :

And :

These inequalities imply :

and that there exists at least one such that :

Combining (A2) and (A3) we get :

but this violates (A1). This contradiction establishes the result.

- Proof of Lemma 4 :

First of all, we show that is monotonically decreasing in . Differentiating we get :

A sufficient condition for to be negative is that . We know from the proof of Proposition 3 that the ratio decreases with . Moreover, because :

and is a convex function of , we have :

for all and for all . Consequently, it suffices to show that when equals the monopoly price , which always exceeds the Cournot equilibrium price . From(A4) we have :

Therefore, we must prove that :

or

At , the weak inequality is satisfied as an equality. To conclude the proof, it suffices to show that the derivative with respect to of the right hand side of the above inequality is negative. Differentiating we get :

.

This completes the proof that , which implies that the equilibrium, if it exists, is unique. To show existence, note that and .

Because is continuous, an equilibrium exists.

v Aghion, P., Dewatripont, M., et Rey, P., (1999) « Competition, Financial Discipline and Growth ».

- Proof of proposition 1:

Consider an intermediate firm with initial wealth W at date 0. For B sufficiently large, it is optimal for the conservative manager to never go bankrupt. The optimal adoption plan thus solves the following programme :


With and

It is straightforward to check that for any , there exists t*(w) > 0 and > 0 such that increases for t < t*(w) and decreases for t > t*(w), and becomes negative t > . Moreover, starting from a plan satisfying (Al) and (A2) and such that for some , a slight increase in would enhance the objective and only relax the constraints in (P). Hence, without loss of generality, (A2) can be replaced in (P) with :

Now, fix and consider the set of plans satisfying (A1) and (A2') and such that

Then for positive but small, each must be close to and thus far from implying that no constraint in (A2) is binding for . But then, a slight increase, in say, would still not violate those constraints and would enhance the objective, a contradiction. Hence, attention can be restricted to the set of adoption plans such that at least one condition in (A3) is violated. For each such plan, let refer to the first occurrence of this violation, and, assuming ,consider the following change :

The sequence defined by (A1) is thus only affected for 

wheras is defined by

or equivalently

(Note that this is indeed a feasible change: since and t, is close to is positive for is positive for .)

The impact of this change on the objective is thus given by :

(using).

But for any in a range cannot exceed and thus is bounded above by . Hence for any there exists such that the above expression is negative for . Hence, for and , any optimal adoption plan is such that (and thus for and for ).

- Proof of proposition 4:

Let d* be the net present value of profits under profit maximization just after adoption

where g = 1/T* is the rate of growth associated to the steady state defined by T*.

A conservative firm which has accumulated debt d* will choose the adoption policy T* which is uniquely defined by :

and :

v Figure 1 de l'expérience de Cantner et al.

v Instruction de l'expérience de Cantner et al. (non traduites)

The following instructions were originally written in German.

Thank you for participating in our experiment. We kindly ask you to refrain from any public announcements and attempts to communicate directly with other participants. In case you violate this rule, we have to exclude you from the experiment. If you have any questions, please raise your hand, and one of the experimenters will come to your place and answer your questions. In the experiment you will repeatedly

- namely in periods to - interact with one other participant who has received the same instructions as you have. In each period of the interaction, both of you are asked to specify for a product of the interaction, both of you are asked to specify for a product - namely a car - 8 different components (color, engine type, . . .), which we call components to . For components to there are eight different alternatives (e.g., for colors green, blue, red,...), and for component to , there are four alternatives which you and the other participant can select.

We will now describe how your choice of vector a and the other's choice determine

what you will earn in a given period. To do so let us refer to

For your choice in period , you will receive

Thus, if you miss all eight ideal components by your eight choices , your success is 0. If you have chosen the right component , then you will receive from that choice 1 ECU, if the other has done so, too 2 otherwise ().

Altogether you will therefore receive. Thus, in one period you can earn at most 8×2 = 16 ECU, which requires and for .

However, you will not receive any income in period , if for ..

It is important to note that if you are the first to discover the ideal specification of component by your choice, say in period , then the other cannot choose i in the next 4 periods. Similarly, if the other is first in finding by in a period t, then you cannot choose in the next 4 periods. If both of you find at the same time, you can both choose afterwards.

Also keep in mind that you have to pay 2 ECU every time when you try out a new alternative of any of the 8 components. This rule holds only for new alternatives.

You are free to leave one component unspecified, as well. This option is free, but you will then definitely not earn any profit for this component. Your total success score in all period determines your earnings from which your switching costs K are subtracted. At the start of the experiment, you will receive an endowment of 40 ECU, so that after 15 periods your profit equals 40+D-K ECU. At the end of the experiment, your accumulated profit will be exchanged into Euro at the rate of 1ECU = 0.08Euro and will be privately disbursed to you. There is the unlikely possibility to go bankrupt in this experiment if you spend the entire endowment on exploration without finding any ideal specification.In this case you will not receive any profit for the 15 periods.

After each period t you will be informed about


· your own and the other's success (and in period ,


· your own and the other's choice (and ) in period ,


· the optimal alternatives found in the last five periods (which are unavailable to you, if the other was the first in finding it, and which are ruled out for other if you were the first to find them), and


· your and the other's accumulated profit from all the periods so far.

After receiving this information feedback, we will start the new period in which your partner and the ideal choice will remain the same. After 15 periods, the first sequence is finished and a new sequence of 15 periods starts in which you will be matched with a different participant and which will feature a new, randomly determined ideal choice .

Before the first period starts, we kindly ask you to answer several questions concerning the rules of this experiment. Please answer them correctly. An experimenter will come to your place and explain things when answers are wrong.

Définitions

· Courbe de Lorenz : Elle a été développée par Max O.Lorenz comme une représentation graphique des inégalités de revenu. Elle peut aussi servir à mesurer l'inégalité d'un actif ou d'autres distributions.

· Critère de dominance au sens de Lorenz : Il indique qu'une distribution est meilleure qu'une autre du point de vue de l'inégalité, dès lors que la courbe de Lorenz relative à la première distribution est située en dessous de celle de la seconde distribution. On définit de la même manière le critère absolu au sens de Lorenz à partir de la comparaison des courbes absolues des distributions.

· Problème d'hasard moral : Cela correspond à une situation dans laquelle un principal délègue une action à un agent avec des préférences différentes. Cette action n'est pas observable par le principal.

· Équilibre Markovien parfait : Un équilibre markovien parfait correspond à un profil de stratégies , tel que chaque stratégie utilisée, peu importe la partition, est un équilibre de Nash.

Pour tout nous avons :

et

· Indice de Lerner : Cet indice correspond au taux de marge, il est aussi utilisé pour mesurer le pouvoir de marché d'une firme.

· Innovation drastique : C'est une innovation qui permet d'abaisser le coût de production du produit, de telle manière que le prix de monopole est inférieur au prix pratiqué par les concurrents. Par conséquent, l'innovateur récupère tout le marché.

· Innovation non drastique : C'est une innovation qui permet d'abaisser le coût de production du bien, mais contrairement à l'innovation drastique, elle ne permet pas à l'innovateur de pratiquer le prix de monopole car le coût de production n'a pas suffisamment diminué.

· Spillover : En français, il s'agit d'un transfert sectoriel, qui par exemple, caractérise le transfert de l'information d'un secteur à un autre ou encore d'une entreprise à une autre.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite