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Hong Kong - Hollywood

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par Edouard Mutez
ESRA - DESRA 2006
  

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    HONG KONG

    HOLLYWOOD

    Sommaire.

    Introduction....................................................................................................Page 3

    Partie 1. Un départ annoncé..........................................................................Page 5

    Histoire du cinéma.......................................................................................Page 5

    La main de fer..............................................................................................Page 6

    L'ouragan Bruce Lee...................................................................................Page 7

    Premières tentatives de Jackie Chan..........................................................Page 8

    Hommages et pillages.................................................................................Page 9

    Les successeurs américains........................................................................Page 11

    Le polar made in HK....................................................................................Page 12

    Une influence grandissante.........................................................................Page 13

    Piratage, rétrocession et triades............................................................... ..Page 14

    L'appel de l'Amérique..................................................................................Page 14

    Partie 2. Une arrivée en masse......................................................................Page 15

    John Woo, le maître.....................................................................................Page 15

    Tsui Hark, le savant fou...............................................................................Page 19

    Ringo Lam, Kirk Wong.................................................................................Page 22

    Jackie Chan, le retour..................................................................................Page 23

    Jet Li, le nouveau petit dragon....................................................................Page 26

    Chow Yun-fat, Michelle Yeoh......................................................................Page 30

    Le revers de la médaille..............................................................................Page 33

    Un ultime hommage....................................................................................Page 36

    Conclusion......................................................................................................Page 37

    Bibliographie...................................................................................................Page 39

    INTRODUCTION.

    Si aujourd'hui tout le monde trouve normal de voir John Woo tourner avec Tom Cruise ou Jackie Chan se retrouver en tête du box-office US, il faut savoir que les relations entre les Etats-Unis et l'Asie, d'un point de vue cinématographique, n'ont certainement pas toujours été aussi bonnes qu'elles le sont en ce moment.

    Pour s'en rendre compte, il suffit pour cela de remonter au début du siècle dernier et observer le visage donné aux asiatiques de manière générale dans les productions américaines : celui du traître, du manipulateur sans scrupules, voire du tortionnaire, dans tout les cas, il représente une menace. Bruce Lee, cynique, y fera d'ailleurs allusion lors de l'un de ses premiers casting aux USA : « Le Kung-fu est un art sournois, vous connaissez les chinois... toujours des coups bas ! »

    Cela s'explique par la montée en puissance du Japon à cette époque et la croissance de l'immigration asiatique qui commencent sérieusement à inquiéter la première puissance mondiale. Ainsi, l'asiatique devient l'ennemi, on parle alors du « Péril Jaune ».

    Mais ce n'est pas étonnant dans un pays où les conflits avec d'autres nations se sont toujours manifestés dans leur cinéma (voir les russes dans les années 80) et dans lequel les lois, à cette époque, sont systématiquement défavorables aux étrangers, leur octroyant de moins en moins de droits (surtout relatifs aux possessions de terres). Le nombre d'asiatiques aux Etats-Unis dépassant à peine les 300 000 en 1920, cela ne choque alors personne de leur donner cette image caricaturale et d'avoir à leur égal un comportement, comment l'appeler autrement, purement xénophobe.

    S'ajoute à cela le fait que bien souvent, les rôles qui devraient leur être attribués sont interprétés par des acteurs blancs, comme Boris Karloff dans la peau du sinistre Fu Manchu (1932) ou bien encore Nils Aster dans The Bitter Tea of General Yen (1933) de Frank Capra (voir photo)

    Il ne faut cependant pas oublier de parler des acteurs et actrices asiatiques qui, malgré des débuts rompus aux clichés, parviendront néanmoins à se faire un nom. C'est le cas de Sessue Hayakawa, qui finira dignement sa carrière en jouant le rôle du colonel Saïto dans Le pont de la rivière Kwaï de David Lean (1957) ou de Anna May Wong qui tiendra la vedette aux cotés de Marlène Dietrich dans Shanghai Express de Josef Von Sternberg (1937). Ces deux là étant parmi les plus connus, on pourra également rajouter James Shigeta et Nancy Kwan, mais force est de constater que la liste est assez courte.

    Sessue Hayakawa Anna May Wong James Shigeta Nancy Kwan

    Ainsi, l'Amérique, terre de contradiction, reviendra progressivement sur l'image négative des asiatiques, leur offrant des rôles de plus en plus intéressants mais sans pour autant négliger l'aspect « exotique » des histoires les mettant en scène.

    Mais s'ils les représentent dans leurs propres films, les américains ne se sont jamais intéressés à leur cinéma. Il faudra attendre Kurosawa et son film Rashomon en 1950 pour que le monde commence à les considérer. Mais surtout Les Sept Samouraïs en 1954, qui fit l'objet d'un remake ou plutôt d'une relecture avec Les Sept Mercenaires (John Sturges en 1960) en transposant l'action dans un western.

    Mais Hong-Kong dans tout cela ? Comment expliquer la future immigration massive de tous ses talents aux Etats-Unis durant les années 90? Comment expliquer que tous les films d'actions américains contemporains soient marqués par la patte HK ?

    Avant les années 70 ce n'était qu'une île située en Chine, possession des britanniques depuis 1842. Personne ne soupçonnait la richesse de leur cinéma, pourtant né en 1909.

    A partir de 1972...tout va changer.

    Hong Kong Hollywood

    Partie 1. Un départ annoncé.

    Avant de parler de l'explosion soudaine du cinéma hongkongais sur le plan international, il convient d'en retracer un bref historique pour situer le contexte dans lequel s'est fait cette découverte.

    Histoire du cinéma.

    Comme on l'a vu, la première production locale date de 1909, il s'agit d'une comédie intitulée Stealing the Roast Duck réalisée par un chinois (dont le nom diffère selon les sources) et produite par une compagnie tenue par un américain (Benjamin Brodsky) basée à Shanghai : L'Asian Film Company.

    Apparaissent alors d'autres studios dont on retiendra entre autres en 1925, la Tianyi Film Company (créée par les frères Shaw) puis en 1926 l'United Photoplay Services. Une fois de plus, ils se situent à Shanghai, qui apparaît à cette époque comme la capitale du cinéma.

    Mais la donne va rapidement changer suite aux conflits avec le Japon, puis avec son occupation du pays. La plupart des studios se déplacent à Hong-Kong (neutre à cette époque) qui voit alors arriver tout ce que la Chine compte de réalisateurs, acteurs, producteurs et techniciens.

    Hong-Kong prend la place de Shanghai et les studios se succèdent jusqu'à ce qu'en 1958 les frères Shaw fassent de nouveau parler d'eux : c'est l'apparition de la désormais célèbre Shaw Brothers, avec à sa tête Run Run Shaw. La première production, The Kingdom and the Beauty fut non seulement le premier film en couleur de Hong-Kong mais apporta en plus à Run Run la recette du succès.

    Les studios de la Shaw Brothers

    En quelques années, la compagnie obtient le monopole du marché, la création de la Shaw Movietown en 1961, n'y étant en rien étrangère. Le concept est simple : pousser à l'extrême le principe des studios en inventant une ville contenant plateaux, décors extérieurs, magasins d'accessoires, matériel de développement, de tirage et d'impression, sans oublier des dortoirs pour tous les techniciens et acteurs.

    Parmi les réalisateurs qui auront marqués de leur empreinte les productions de la Shaw, on retrouve Chang Cheh, Li Han Hsiang, Lo Wei ou bien encore Liu Chia-liang, et parmi les acteurs, David Chiang, Gordon Liu, Lo Lieh, Cheng Pei Pei et beaucoup d'autres.

    Les films se succèdent à un rythme effréné, dans un genre alors tout récent : le Wu Xia Pian. Pour résumer simplement, il s'agit des films de sabres chinois crées en réponse aux Chambara japonais (Chambara signifie « couper la chair » en japonais). Les thèmes abordés sont souvent les mêmes : la vengeance, l'héroïsme et l'amitié. Leur succès est immense et si certains d'entre eux sont aujourd'hui considérés comme des classiques, aucun ne franchira les frontières de l'Asie, les distributeurs étrangers refusant certainement de prendre le risque de s'attaquer à un genre qu'ils jugent marqué par son appartenance à une culture trop orientale pour les occidentaux.

    La main de fer (1972).

    Le risque sera pris en 1972 avec un film de Kung-fu, genre peut être plus à même de plaire : La Main de Fer (King Boxer ou Five Fingers of Death pour le titre original).

    Ce film sera un tournant dans l'histoire du cinéma. C'est en effet le premier film hongkongais ayant été distribué dans le reste du monde, et ce, grâce à la Warner. Plus de 1000 copies sont diffusés aux Etats-Unis, mais aussi en France et nombre de pays en Europe. Le succès est au-delà de toutes les espérances et permet au public occidental de découvrir le film de Kung-fu (il est amusant de constater qu'en France, le genre était appelé « film de karaté » !).

    Le film est réalisé par le coréen Chung Chang-wha et raconte l'histoire du jeune Chi-hao (interprété par Lo Lieh) envoyé en ville pour apprendre les arts martiaux sous la direction d'un vieux maître réputé, son but étant de gagner un tournoi. Mais un chef de clan met fin à son rêve en lui brisant les mains. Chi-hao perd tout espoir jusqu'à ce que son maître décide de lui enseigner la technique de « la main de fer ». Technique avec laquelle il pourra se venger tout en remportant le tournoi d'arts martiaux.

    L'histoire s'inscrit dans le schéma classique que l'on retrouve dans les précédentes production de la Shaw : l'entraînement, l'humiliation et la vengeance. Rien de nouveau donc, mais la mise en scène, la photographie, l'interprétation, tout concourt à faire de ce film le porte parole du cinéma d'action made in Hong-Kong. Pourtant beaucoup s'accordent à dire que ce n'est pas le meilleur film de son réalisateur et que Lo Lieh est plus convaincant dans des rôles de méchant. Mais le fait est là, le film plaît, peut être que sa violence graphique y est pour beaucoup (on pense à Kill Bill parfois dans lequel on retrouve le gimmick musical et l'arrachage des yeux !), ou peut être que le public occidental, tout simplement, est prêt. Prêt à accueillir à bras ouverts la déferlante Kung-fu.

    L'ouragan Bruce Lee.

    Mais si ce film n'a pas autant marqué les esprits, c'est sans doute parce que l'année suivante sortait Opération Dragon. C'est encore la Warner qu'il faut remercier, sauf que cette fois-ci, elle ne se contente pas de distribuer le film mais de le co-produire avec la Golden Harvest (fondée par Raymond Chow, ancien de la Shaw Brothers qu'il a quitté pour de nombreuses divergences avec Run Run Shaw)

    Pourtant, à ce moment là, La main de fer n'est pas encore sorti sur les écrans américains, mais les producteurs Paul Heller et Fred Weintraub ont foi en leur projet. La raison est très simple, la présence de Bruce Lee au générique.

    Cela fait en effet depuis trois films (Big Boss, Fists of fury et The way of the dragon.) que Bruce explose tous les scores à Hong-Kong et un peu partout en Asie, il est rapidement devenue LA star. Il accepte alors le projet (baptisé à l'origine Blood and steel.) et abandonne même pour cela le tournage du Jeu de la mort qu'il prévoit de reprendre par la suite.

    Lee incarne un expert en arts martiaux envoyé par les britanniques sur l'île de monsieur Han, un dangereux criminel qui organise des tournois pour trouver des nouveaux talents. Lee doit assister à ce tournoi et ramener des preuves susceptibles de justifier une intervention militaire, mais sur place, rien ne va se passer comme prévu et les combats vont s'enchaîner jusqu'à la mort de Han, terrassé par Lee.

    Sur sa route, Lee va rencontrer deux américains interprétés par John Saxon et surtout, Jim Kelly, champion de Taekwondo et futur représentant dans les 70's d'un genre qui mixe la blaxploitation et le film de Kung-fu et qui dure encore aujourd'hui (voir le récent Roméo doit mourir).

    Le film se veut dans la lignée d'un James Bond et conserve donc cet aspect exotique et presque cliché par moment. Le réalisateur Robert Clouse, quant à lui se contente de poser sa caméra où il faut mais jamais sans réelle inspiration, et le scénario, bien qu'assez jouissif dans sa logique qui est d'enchaîner les combats, reste tout de même très plat et sans grand intérêt.

    Mais une fois de plus, lorsque le film sort aux Etats-Unis en août 73, c'est un triomphe absolu, malheureusement Bruce Lee est déjà mort, ne sachant pas qu'il vient d'ouvrir les portes d'Hollywood à Hong-Kong.

    Ses films précédents vont connaître eux aussi le succès. On verra même sortir un montage honteux du Jeu de la mort en 1978 alors que Bruce Lee n'y apparaît que vingt minutes. C'est Raymond Chow, Robert Clouse et Sammo Hung qui se chargeront de tourner les trois quarts du film avec un sosie (tellement ressemblant qu'il passe l'intégralité du film de dos, grimé ou dans l'ombre !) pour remplacer Lee jusqu'au combat désormais anthologique contre son ancien élève, le basketteur Kareem Abdul-Jabbar.

    Mais les portes ne resteront pas ouvertes très longtemps, il faut vite trouver un successeur à Bruce Lee car on constate déjà les signes d'un retour en arrière comme dans la série Kung-fu avec David Carradine, puisque ce dernier y interprète un asiatique (le rôle avait d'ailleurs était prévu pour Bruce Lee).

    Premières tentatives de Jackie Chan.

    Difficile de trouver un acteur réunissant toutes les qualités du petit dragon. Ce ne sera pas l'un des ces nombreux imitateurs au nom assez évocateur (Bruce Li, Bruce Le et consort).

    Raymond Chow pense alors à ce petit nouveau qui vient de se faire connaître à Hong-Kong avec Drunken Master (Le maître chinois, 1978) et qui à également joué dans la suite/remake de La fureur de vaincre (La nouvelle fureur de vaincre/The new fist of fury, 1976). Son nom : Jackie Chan.

    Nous sommes en 1980, il aura fallu attendre plus de 5 ans avant que ne débute le tournage du film que beaucoup attendent avec impatience.

    Le film, toujours co-produit par la Warner et toujours réalisé par Robert Clouse s'intitule Battle creek brawl (Le chinois en français). Ce sera un échec commercial et artistique total. La raison est assez simple, Jackie Chan, qui est un grand improvisateur et qui aime tenter les choses en direct sur un plateau se retrouve ici avec un tournage déjà planifié de A à Z, story-board inclus. De plus, la mise en scène statique ainsi que les cascadeurs, peu habitués aux techniques martiales sont d'autant plus d'obstacles à la liberté dont aimerait jouir Jackie. Il est alors obligé de s'en tenir au script et de revoir ses chorégraphies à la baisse.

    Un constat s'impose alors devant cet échec : Jackie Chan n'est pas le nouveau Bruce Lee.

    Mais Raymond Chow persévère et change de stratégie, il veut faire connaître son poulain à tout prix et pour cela, il décide de le noyer dans un casting américain prestigieux, espérant qu'on le remarque dans la mêlée: ce sera Cannonball Run (L'équipée du Cannonball) en 1981 avec entre autres Burt Reynolds (au sommet de sa gloire à l'époque). Si le film est un succès, Jackie Chan n'y est pour rien, sa prestation (d'un japonais !) n'a pas marquée. Détail amusant ceci dit, le générique de fin est composé de toutes les prises ratées, ce qui deviendra la marque de fabrique des futurs films de Jackie.

    Contrat oblige, il enchaîne avec le second épisode : Cannonball Run 2 en 83, même syndrome que pour le premier.

    Jackie Chan, un peu excédé par sa mauvaise expérience américaine rentre à Hong-Kong et réalise l'un de ses meilleurs films, Project A (Le marin des mers de Chine) en 83 avec ses complices de toujours : Sammo Hung et Yuen Biao.

    Le film lui redonne confiance et il décide de repartir à la conquête des USA. Le film s'appelle The Protector (Le retour du chinois pour la France qui a décidemment de gros problèmes avec les traductions !) et doit montrer un Jackie Chan dans la peau d'un flic du style de Clint Eastwood. Le rôle ne lui colle absolument pas, d'autant plus qu'il est censé être un ABC (american born chinese) et que son accent n'est toujours pas au point. Les rapports avec le réalisateur James Glickenhaus sont très tendus car le film représente tout ce que Jackie Chan a systématiquement évité : violence, sexe et langage grossier.

    Si le film sort tel quel aux Etats-Unis, Jackie Chan tente de sauver les meubles en Asie et obtient le droit de le remonter et de tourner des nouvelles séquences : tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui que le résultat est bien meilleur que l'original.

    Mais pour l'heure, Jackie Chan est bien décidé à retourner définitivement à Hong-Kong, le public américain n'est pas fait pour lui. Et ce n'est pas plus mal car il s'apprête à tourner le premier épisode d'une série de films qui à fait sa renommé : Police story.

    Hommages et pillages.

    Alors que se passe-t-il à présent que Bruce Lee est mort et que Jackie Chan est rentré au pays ?

    La réponse est simple, l'Amérique va se nourrir du cinéma asiatique et plus particulièrement des films de Hong-Kong.

    On va alors commencer à assister à une succession d'hommages dans le meilleur des cas avec l'excellent Big trouble in little China (Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin) de John Carpenter en 1986, dans lequel le réalisateur va se faire confronter deux univers totalement différents : l'Amérique rentre-dedans et balourde incarnée par le routier Kurt Russell face aux légendes mystiques et magiques de la Chine. Le film peut déplaire certes, mais il n'en reste pas moins sincère de la part d'un réalisateur qui n'arrive toujours pas à se faire considérer comme un auteur dans son pays.

    Mais malheureusement, dans le pire des cas, on reste sans voix devant un travail de copié/collé comme dans Tango & Cash (1989) pour lequel Sylvester Stallone a demandé à son ami Jackie Chan s'il pouvait reprendre la conclusion de la poursuite en bus de Police story . Le résultat se passe de commentaires :

    Jackie Chan dans Police story (1985) Sylvester Stallone dans Tango & Cash (1989)

    Les successeurs américains.

    Emergent aussi des acteurs combattants made in USA, que l'on pourrait envisager comme une revanche de l'Amérique sur l'orient, tentant de prouver qu'elle aussi peut avoir ses propres héros pratiquant les arts martiaux.

    Il y a bien évidement Chuck Norris que l'on a pu voir se battre contre Bruce Lee dans La fureur du dragon (1972) mais que l'on retrouve plutôt dans des films de guerre, bien qu'étant champion de karaté. Passons donc sur les Portés disparus et les Delta force qui n'ont ici aucun intérêt si ce n'est de retrouver encore une fois le « péril jaune ».

    Le cas de Jean-Claude Van Damme (d'origine belge mais qui a dès le début commencé aux Etats-Unis), est certainement plus intéressant. Durant les années 80, on le retrouve dans bons nombre de films d'arts martiaux, le plus célèbre étant sans doute Bloodsport (Tous les coups sont permis de Newt Arnold) en 1986, qui n'est pas sans rappeler Opération dragon dans la mesure où on peut le qualifier de « film de tournoi ». Van Damme interprète Frank Dux, un maître de min-jitsu qui a réellement existé et qui a participé au Kumite, championnat d'arts martiaux ultra violent à Hong Kong (ce tournoi se déroulant dans l'illégalité et la discrétion la plus totale, fait l'objet d'un débat quant à son existence même). Suivent alors Kickboxer, Full contact et autres Double impact (tourné à Hong Kong) qui font rapidement de lui le plus célèbre acteur de films d'arts martiaux occidental.

    Passons rapidement sur le monolithique Steven Seagal, ceinture noire dans plusieurs disciplines mais dont les films sont systématiquement plombés par des chorégraphies brouillonnes, cadrées en plans rapprochés et sur-découpées qui finissent par faire douter des capacités de  « l'acteur ».

    Il y a aussi Wesley Snipes qui mérite qu'on s'y attarde. Bien qu'il ai commencé en tournant avec Scorsese, Ferrara et Spike Lee, Passager 57 le révèle en 92 comme le digne successeur de Jim Kelly, attendu par la communauté noire-américaine qui a été l'une des premières à acclamer le cinéma d'arts martiaux asiatique dans les années 70.

    Et s'ajoute à cela les stars du cinéma bis comme Cynthia Rothrock et Richard Norton mais qui ont tout de même eu le mérite d'avoir tourné à Hong-Kong sous la direction de grands comme Corey Yuen et Sammo Hung et de se battre aux côtés de Jackie Chan et Michelle Yeoh.

    Le polar made in HK.

    Alors que le public raffole du cinéma de kung-fu, il découvre progressivement un autre genre très apprécié en Asie : le polar.

    Le phénomène apparaît en 1986 avec le succès de A better tomorrow (Le syndicat du crime) de John Woo, produit par Tsui Hark. Le film dépasse les trente millions de dollars HK de recettes, ce qui est phénoménal.

    Le syndicat du crime est le film de la renaissance pour son réalisateur, qui n'en est pas à son coup d'essai (déjà plus de vingt films au compteur). Il peut enfin poser ici toutes les bases de son cinéma en revendiquant clairement ses influences : Melville, Kurosawa ou bien encore Demy.

    Il met en scène des gangsters à qui il donne l'élégance et le glamour des acteurs américains d'antan et dont les valeurs semblent remonter au temps de la chevalerie et ne sont plus reconnues dans un monde moderne en évolution perpétuelle. Ses personnages deviennent totalement iconiques, pour s'en rendre compte, il suffit de regarder Chow Yun-fat en imper avec ses lunettes noires, son éternel cure-dents vissé au coin de la bouche et une arme dans chaque main en train d'affronter des dizaines de tueurs dans des séquences utilisant en abondance le ralenti. On a même pu voir les gens adopter son look dans la rue de Hong-Kong.

    Le film, bientôt suivi par un deuxième épisode en 1987, devient progressivement l'objet d'un culte au sein de petits groupes de personnes un peu partout dans le monde qui ont pu le découvrir par le biais de copies revendues sous le manteau et bien souvent de très mauvaise qualité. Les fans se repassent en boucle le carnage final du Syndicat du crime 2 et John Woo devient une sorte de dieu du cinéma.

    C'est alors que sort le chef-d'oeuvre ultime en 1989 : The killer, homage au Samourai de Melville mais qui, entre les mains de Woo, devient un film religieux parsemé de symboles.

    Jeff (Chow Yun-fat), tueur, décide de tout arrêter le jour où il rend accidentellement aveugle une jeune chanteuse de night-club. Se sentant terriblement coupable, il accepte cependant un dernier contrat afin de pouvoir lui payer une transplantation pour qu'elle recouvre la vue. Mais une fois ce contrat rempli, Jeff devient la cible de son commanditaire, Weng, ainsi que de l'inspecteur Li (Danny Lee). Ce dernier, d'abord fasciné par le tueur, fini par entretenir avec lui une étrange relation d'amitié. Ils vont alors, ensemble, lors d'un final apocalyptique se déroulant dans une église, repousser les hordes de Weng mais Jeff périra sous les balles tandis que Li le vengera en tuant Weng qui venait de se rendre à la police.

    Le film est projeté à Cannes en 1990 à l'occasion du marché du film puis dans divers festivals aux Etats-unis. C'est le choc pour Martin Scorsese, Joel Silver ou bien encore Oliver Stone. Et c'est à partir de cette époque que son influence commence à se faire ressentir un peu partout.

    Une influence grandissante.

    « Quand les films de Hong Kong sont sortis, tous le monde a eu envie d'un 45. Et ils n'en voulaient pas qu'un, ils en voulaient deux car tous les mecs se prenaient pour le Killer ! » (Samuel L. Jackson dans Jackie Brown de Quentin Tarantino)

    On commence alors à voir Bruce Willis avec un pistolet dans chaque main dans Le dernier samaritain (The last boy scout, de Tony Scott en 1991), une production Joel Silver. On peut également apprécier quelques scènes du Syndicat du crime 2 à la télé dans True romance (de Tony Scott également en 93) dont la fusillade finale n'est pas sans rappeler les meilleures productions HK. Pas étonnant de retrouver au scénario le débutant Quentin Tarantino, fan inconditionnel de cinéma asiatique qui lui a déjà rendu hommage dans son premier film : le désormais culte Reservoir dogs en 1992. La situation de base est emprunté à City on fire de Ringo Lam (1987) et le look de ses gangsters renvoie directement à celui des personnages des Syndicat du crime.

    Le syndicat du crime 2 (1987) Reservoir dogs (1992)

    Piratage, rétrocession et triades.

    Malgré cette reconnaissance mondiale, le cinéma hongkongais se porte très mal.

    « A Hong Kong, plus de la moitié de la population - la classe ouvrière - ne voit qu'un seul film par an (...). Le reste du temps, les gens préfèrent louer des cassettes plutôt que de débourser le prix d'un ticket. » Cette déclaration de Chow Yun-fat en explique ici l'une des causes mais le fléau qui est en train de s'abattre là-bas, c'est le piratage, qui permet aux gens d'acheter dans la rue, pour des sommes dérisoires, des CD sur lesquels on trouve des films qui ne sont pas encore sortis au cinéma.

    Mais ce sont les professionnels eux-mêmes qui en sont responsables car ils n'ont jamais signé les lois sur le copyright, ne pouvant donc pas lutter contre le bootleg, comme on l'appelle également.

    Il y a aussi le cinéma américain, de plus en plus présent sur les écrans, que le cinéma local n'arrive plus à affronter.

    Alors que l'invasion de la vidéo, des copies piratées et des films américains tue lentement le cinéma, beaucoup voient également d'un très mauvais oeil l'échéance de 1997, date de la rétrocession de Hong Kong à la Chine. La crainte est bien évidemment de perdre toute liberté d'expression en se retrouvant sous le joug de la dictature chinoise.

    Une autre peur est celle de voir l'industrie cinématographique tomber entre les mains des triades (la mafia chinoise), qui se sont toujours intéressées de près au cinéma (plusieurs acteurs, comme Jackie Chan ont déjà été menacé et l'agent de Jet Li à même été assassiné).

    John Woo y fera allusion dans Hard boiled (À toute épreuve, 1992), en situant son action en 1997 à la veille de la rétrocession et en nous montrant un Hong Kong infesté par le crime et la violence.

    L'appel de l'Amérique.

    De John Woo il est donc question pour terminer cette première partie, et cela tombe bien, car il est le premier à quitter la colonie pour se lancer aux Etats-Unis l'année suivante et rencontrer le succès.

    Bien sur, il serait inexact d'attribuer ce départ uniquement aux seules craintes citées précédemment, car cela serait négliger les appels incessants de l'Amérique qui offre tout de même de grandes perspectives à des cinéastes et des acteurs en recherche de renouveau ainsi que d'une renommé mondiale.

    Partie 2. Une arrivée en masse.

    John Woo, le maître.

    « A Hong Kong, John allait se retrouver à faire le même film ad nauseam. Venir à Hollywood lui semblait donc une bonne idée mais je crois qu'il ne se rendait pas compte de ce qui l'attendait en terme de relations avec les studios.» explique Terence Chang, producteur et ami de John Woo.

    Chasse à l'homme (1993).

    Et en effet, le tournage de Hard target (Chasse à l'homme), premier film américain de John Woo, fut calamiteux à bien des égards.

    Tout commence lorsque Jean-Claude Van Damme se rend à Hong Kong avec un producteur pour rencontrer Woo et lui proposer le projet, ce dernier, d'abord tenté de convaincre Kurt Russell d'accepter le rôle principal se résout à travailler avec Van Damme sur le film.

    Il s'agit d'une sorte de remake de The most dangerous game (Les chasses du Compte Zaroff de Irving Pichel et Ernest B. Shoedsack, 1932) dans lequel Van Damme campe un ancien docker devenu SDF affrontant un richissime homme d'affaires qui propose à ses pairs, avides d'émotions fortes, de jouissives parties de chasse à l'homme moyennant de fortes rémunérations. Van Damme devient le gibier alors qu'il aide une jeune femme à retrouver son père, victime de ce divertissement monstrueux.

    Le scénario s'écarte donc grandement de l'original et le fait d'avoir remplacé les marins en perdition par des sans-abri, des rejetés de la société, permet tout de même au film d'avoir un propos et d'échapper au film d'action pur et dur, même si l'on ne retrouve pas les thèmes chers à John Woo.

    Mais une fois le projet lancé, Woo se retrouve alors confronté aux studios d'Universal et à leurs dirigeants, plutôt frileux. Ils craignent que Woo, ne maîtrisant pas encore l'anglais, ne sache pas tenir une équipe. Le réalisateur Sam Raimi, également producteur exécutif sur le film et fan du travail de John Woo est dépêché sur le plateau, officiellement pour l'aider, mais en réalité pour le surveiller.

    Il faut dire que les méthodes hongkongaises ont de quoi inquiéter, John Woo improvise, change d'avis dès qu'une nouvelle idée lui vient et ignore totalement le story-board. « Je n'en avais jamais utilisé à Hong Kong et je ne voyais vraiment pas l'intérêt d'en avoir un ».

    Mais le plus gros problème qu'il va rencontrer n'est autre que la star de son film : Jean-Claude Van Damme! Il donne son avis sur tout et demande des changements d'angle de caméra. Il rend la vie infernale sur le plateau et Woo est totalement abasourdi par le pouvoir dont dispose l'acteur.

    Cela renforce la sympathie de l'équipe pour le réalisateur qui ne s'emporte jamais et préfère faire semblant de ne plus comprendre l'anglais lorsqu'il est furieux. Après soixante-cinq jours de tournage en Nouvelle Orléans, le film est près pour la post-production et John Woo doit alors affronter d'autres problèmes.

    Il se confronte en effet aux producteurs d'un côté, qui lui reproche d'avoir fait un film « trop chinois » avec trop de plans, ce qui le surprend tout de même : « J'ai fini par leur demander pourquoi ils m'avaient engagé. Ils connaissaient mes films avant de me choisir et ils me reprochent de faire du John Woo ».

    Et enfin, d'un autre côté, il y'a les censeurs de la MPAA qui menacent d'interdire le film aux moins de dix-sept ans. Le film est amputé de partout et Van Damme demande même à se faire rajouter des gros plans, prétextant que le public irait voir le film pour lui. Le film sortira donc aux Etats-Unis en version censurée et en Europe avec cinq minutes supplémentaires sous l'appellation director's cut. Il existe également une version pirate plus longue de trente minutes que l'on peut considérer comme le vrai director's cut.

    On reconnaît tout de même sans peine la mise en scène de John Woo avec quantité de grand angle, de travellings, de ralentis et même de colombes, mais on sent qu'il n'a pas eu le contrôle total sur le film et, bien qu'il ai eu beaucoup de succès, les fans sont tous très déçu de ce premier essai. La présence de Jean-Claude Van Damme, qui n'a eu de cesse de tirer le film vers le bas, en est l'une des explications principales. On se console alors avec les deux méchants, campés par Lance Henrikssen et Arnold Vosloo, bien plus intéressants que le héros du film et à qui John Woo avait donné beaucoup plus de scènes à l'origine.

    Broken arrow (1996).

    John Woo devient cependant la nouvelle coqueluche d'Hollywood et les projets pleuvent sur son bureau. Après avoir refusé un remake de The Killer et un James Bond (Goldeneye), il se décide à faire Broken arrow. D'une part parce que le scénario est terminé, et d'autre part parce qu'il retrouve certains thèmes qui lui sont familiers dans cette histoire d'amitié trahie (cf. Une balle dans la tête, Le syndicat du crime...). Il est également excité à l'idée de s'essayer aux effets digitaux et de diriger John Travolta.

    Hale (Christian Slater) et son ami et mentor Deakins (John Travolta), deux pilotes de chasse, ont pour mission de transporter des ogives nucléaires. Mais Deakins éjecte Hale de l'avion avant de larguer les bombes dans le désert de l'Arizona. Il s'éjecte à son tour et retrouve ses complices ainsi que les bombes avec lesquelles il va demander une énorme rançon sous peine de les faire exploser. Mais c'est sans compter sur Hale, bien décidé à prendre sa revanche sur son ancien ami.

    Mais voila, une fois de plus, le tournage va se révéler très difficile, toujours à cause des studios. La production change des choses dans son dos et Woo devient la victime de luttes personnelles entre les gens de la Fox. Heureusement, il trouve réconfort et soutien en la personne de John Travolta, avec qui il lie des rapports d'amitié. Le cauchemar continue aussi au montage puisque John Woo se retrouve attifé d'un monteur qui n'aime pas les ralentis et refuse toutes ses suggestions.

    Le film est toujours un succès au box-office (soixante-dix millions de dollars) mais les critiques ne pardonnent plus Woo, qui n'a plus l'excuse d'un Jean-Claude Van Damme. Il est vrai que la patte de John Woo se fait beaucoup moins sentir ici mais reste un très bon divertissement dont les extérieurs en Arizona, l'incroyable musique de Hans Zimmer et le cabotinage de Travolta sont d'indéniables qualités qui tirent le film vers le haut.

    John Woo s'attelle ensuite à un exercice inédit pour lui, tourner le pilote d'une série télé. Ce sera Les repentis qui reprend dans les grandes lignes le scénario de Once a thief, une comédie d'action qu'il avait réalisé en 1990 avec Chow Yun-fat. Le résultat n'est pas très intéressant mais la série est lancée et comptera une vingtaine d'épisode.

    Durant le tournage aura lieu une rencontre décisive pour John Woo : Michael Douglas. Ce dernier, en tant que producteur, vient proposer le scénario d'un film intitulé Face/off (Volte/face). John Woo avait déjà refusé à l'époque de Chasse à l'homme, car il s'agissait d'un film de science-fiction trop coûteux. Il accepte uniquement si le scénario devient contemporain. Douglas est d'accord, et le tournage peut commencer

    Volte/face (1997).

    L'agent Sean Archer n'a qu'une obsession : coincer le terroriste Castor Troy, responsable de la mort de son fils. Mais lorsque il l'a enfin attrapé, celui-ci est plongé dans le coma alors qu'Archer apprend qu'une bombe est cachée dans la ville. Ce dernier accepte de se faire greffer le visage de Troy et de s'infiltrer dans la prison où se trouve son frère et le faire parler. Le subterfuge fonctionne mais Troy se réveille et se fait greffer le visage d'Archer : l'affrontement sera physique mais aussi psychologique, chacun devra affronter les conséquences de ses actes dans la vie de l'autre.

    John Travolta fait immédiatement parti de la distribution, rejoint par Nicolas Cage, que Woo avait rencontré pour le casting d'un projet avorté. Pour la première fois, le réalisateur se sent à l'aise sur un plateau hollywoodien, il y règne une très bonne ambiance et il peut travailler comme il le sent avec des acteurs totalement dévoués et des techniciens qu'il considère comme les meilleurs du monde. Il y a toujours les studios bien sûr, mais Woo commence à être habitué.

    Le montage se passe également très bien et le film remporte un succès, non seulement commercial, mais surtout critique. Les fans sont comblés et reconnaissent enfin le talent de John Woo.

    On y retrouve toute sa thématique : la dualité, l'opposition bien/mal qui trouve ici une déclinaison inédite dans l'échange des visages des deux personnages principaux, donc de leur identité. John Woo inverse le processus d'identification du spectateur et joue d'effets de miroirs, d'ombres et de reflets. Il nous oblige à prendre parti pour les gangsters avec qui devra s'allier Archer en tant que Troy mais ne nous rend pas détestable Troy dans la peau d'Archer lorsque celui-ci réglera ses problèmes sentimentaux avec sa femme ou devra se recueillir sur la tombe du fils de son ennemi, qu'il a lui-même tué. Le film crée un malaise permanent et, bien que produit par la Warner, échappe ainsi aux stéréotypes du cinéma hollywoodien. Toute la maestria du réalisateur ressurgit dans ce scénario idéal, qui lui permet de retrouver toute son inspiration, se payant même le luxe de caser une fusillade dans une église comme dans The Killer.

    A partir de maintenant, Woo est intouchable et peut faire ce qu'il veut, il est même classé dans les « cent personnalités les plus puissantes d'Hollywood » (à la quatre-vingt-septième place). Il aura tout de même fallu attendre son troisième film, mais qu'importe, ce sont maintenant les stars qui l'appellent.

    Il choisira Tom Cruise et la suite de Mission : impossible. Si l'acteur ne tarira pas d'éloges sur Woo, ce dernier a eu fort à faire avec lui. En effet, étant à la fois acteur et producteur, Tom Cruise, dont l'ego surdimensionné n'est plus un secret pour personne, a eu son mot à dire sur toute la production, si bien que John Woo a parfois eu l'impression de travailler avec un schizophrène : L'acteur qui écoute et le producteur qui décide. Le film, très médiocre, ressemble à une pub pour shampooing avec un Tom Cruise qui a fait toutes ses cascades lui-même « parce qu'il le vaut bien », reléguant tous les seconds rôles au poste de figurant. Reste tout de même une esthétique soignée et la virtuosité du réalisateur.

    Il est à noter que John Woo a adopté la nationalité américaine durant le tournage, et depuis, il ne cesse de tourner aux Etats-Unis : Windtalkers, Paycheck et bientôt Spy hunter avec The Rock.

    Malheureusement, on ne trouve plus la force d'un Volte/face. John Woo semble aligner les blockbusters, pas forcément mauvais certes, mais dans lesquels on cherche encore les raisons qui l'on pousser à accepter de les faire. Les fans attendent alors avec impatience son retour à Hong Kong, prévu pour 2008 avec The Battle of Red Cliff, un projet avec Chow Yun-fat qui traîne depuis plusieurs années.

    Tsui Hark, le savant fou.

    Retour en arrière.

    Avant de parler de l'arrivée de Tsui Hark aux Etats-Unis, il convient d'en dresser un portait et de souligner son importance.

    En effet, sa trajectoire pourrait à elle seule résumer vingt ans de cinéma hongkongais. C'est certainement le plus grand créateur et expérimentateur à tel point qu'on peut affirmer sans peine qu'il est un visionnaire, totalement inclassable.

    Il suffit de regarder ses films. Il commence par Butterfly murders (1979) dont le titre résume le film. Il se fera remarquer en 1980 avec L'enfer des armes, un film politique, social et anarchiste. Il devient le fer de lance de la nouvelle génération de réalisateurs rebelles, on parle de « nouvelle vague ». Mais il se trahira aussitôt en signant Zu, les guerriers de la montagne magique en 83, un pur divertissement noyé sous un déluge d'effets spéciaux. Le succès est là et Tsui Hark crée alors son propre studio de production, dévoilant son mauvais côté, celui du producteur despotique. Il force ainsi John Woo à réaliser une suite au Syndicat du crime avant d'en réaliser lui-même le troisième et dernier épisode en 89.

    Tel un savant fou, il est prêt à abandonner tout ce qu'il a pu construire dans sa carrière dès qu'il a une nouvelle idée. Il se met à transgresser toutes les lois, du cinéma mais aussi de la nature : ses personnages se mettent à exécuter des action improbables, des sauts démesurés. Tsui Hark s'en moque complètement et on peut le voir dans l'excellent Once upon a time in China (Il était une fois en Chine, 1991) dans lequel il ressuscite Wong Fei-hung, personnage mythique de la Chine traditionnelle, sous les traits de Jet Li.

    Mais après plus de quinze ans de succès et l'approche de la rétrocession, Tsui Hark n'arrive plus combler les attentes de son public, l'échec de The Blade en 95 en est la preuve flagrante.

    Tsui Hark va alors traverser le Pacifique en 1997, encore une fois suite aux propositions de Jean-Claude Van Damme, qui voit à Hong Kong un vivier inépuisable de réalisateurs de talent.

    Double team (1997).

    Et voila, une fois de plus, il semblerait que les réalisateurs hongkongais ne puisse pas échapper à cet espèce de bizutage qui les force à tourner leur premier film américain avec Jean-Claude Van Damme, ce fut également le cas de Ringo Lam l'année précédente avec Maximum risk (Risque maximum) dont nous reparlerons plus tard.

    Mais tout comme John Woo, Tsui Hark n'a pas l'intention de se faire marcher sur les pieds par les studios, lui qui, dans son pays, régnait quasiment seul sur toute l'industrie cinématographique.

    Le résultat est un bras d'honneur gigantesque, un ovni du cinéma. On y croise pêle-mêle le basketteur (mais très mauvais acteur) Dennis Rodman, un tigre, l'île du Prisonnier, Van Damme avec une perruque, des prêtres high-tech, le faux come-back de Mickey Rourke et le Colysée de Rome qui explose ! Le tout avec une narration improbable et un Tsui Hark qui se moque éperdument des conventions et ne cherche jamais à donner à son film une quelconque explication. Il ne fait qu'expérimenter, encore et encore, mais il le fait cette fois ci avec un budget américain. « ...je n'ai réussi à tourner que 30% de ce que j'avais en tête, simplement parce que certaines personnes estimaient que mon story-board n'était pas réalisable. » déclare-t-il, tout de même satisfait de son expérience.

    Le film sort la même année que Volte/face et il est amusant de constater les nombreux points communs entre les deux. Ils racontent l'histoire d'un affrontement entre un flic et un terroriste, dont l'origine remonte à la mort d'un enfant (celui de Travolta dans Volte/face et celui de Mickey Rourke dans Double team). Le héros est envoyé dans une prison en pleine mer et on retrouve le thème de la destruction du noyau familial. Bien entendu, ce ne sont que des coïncidences, les deux films ayant été tournés à peu près en même temps, mais c'est le résultat qui est intéressant : d'un côté, le film cynique et foutraque de Tsui Hark qui a lutté contre les studios, et de l'autre, le film de Woo qui a su intelligemment aller dans le sens du système hollywoodien pour mieux le détourner.

    Mais cela n'enlève rien au plaisir coupable que procure Double team, film unique à l'encontre de tout formatage dont les mille (mauvaises) idées par seconde parviennent à conserver toute l'attention du spectateur motivé.

    A l'arrivé, le film peine à se rembourser mais cela n'empêchera pas Tsui Hark de récidiver l'année suivante, toujours avec Jean-Claude Van Damme, toujours produit par la Columbia, mais cette fois-ci, dans son pays d'origine.

    Piège à Hong Kong (1998).

    Résumer l'histoire de ce Piège à Hong Kong est à priori une mission impossible, il est question de contrefaçons (comme l'indique le titre original : Knock off), de mafia russe, de mini bombes, de boutons de jeans explosifs, d'agents de la CIA corrompus qu'il faut tuer trois fois... tout ça, durant la rétrocession.

    Le fait que le film soit tourné à Hong Kong et avec une équipe essentiellement locale explique sûrement que la Columbia a dû laisser un peu plus de répit à Tsui Hark et que ce dernier a certainement réalisé plus que 30% de son story-board cette fois-ci.

    Le film est encore plus extrême que Double Team ! Le scénario totalement barré de Steven E. De Souza (pourtant auteur de Piège de cristal) est à l'image de la réalisation du film. Tsui Hark fait n'importe quoi, il place sa caméra dans la semelle d'une chaussure, dans le canon d'un revolver, la fait rentrer dans un téléphone, passe à travers une télévision et multiplie les effets gratuits. Il en va de même pour la direction d'acteur, tous sur-jouent et on a du mal à ne pas rester insensible devant le traitement de Van Damme, malmené d'un bout à l'autre du film dans un rôle de benêt fan de musique chinoise. Le summum est atteint lorsqu'il se fait fouetter l'arrière train avec une anguille lors d'une hallucinante course de pousse-pousse illégale, du jamais vu !

    Tsui Hark s'amuse comme un fou et accouche d'un film encore plus cynique et nonsensique à tel point qu'on pourrait le qualifier de burlesque.

    Cette fois par contre, les spectateurs seront moins indulgents et c'est un échec commercial total, qui marque la fin définitive du voyage de Tsui aux Etats-Unis.

    En 2000 sortira son nouveau film chinois, Time and tide qui clôt (en beauté) une espèce de trilogie de l'expérimentation et du n'importe quoi. Avant de retourner avec plus ou moins de réussite à ce qu'il faisait auparavant à Hong Kong (le catastrophique Black Mask 2 en 2002 et l'excellent Seven Swords en 2005).

    Ringo Lam, Kirk Wong...

    Il y a donc Ring Lam (à qui l'on doit le City on fire qui a inspiré Reservoir dogs), qui effectue le pas en 1996 avec Risque maximum. Il livre là un bon Van Damme mais un film policier très moyen, sans pourtant s'éloigner de son style, beaucoup moins estampillé HK qu'un John Woo ou qu'un Tsui Hark. L'expérience le satisfera suffisamment pour récidiver deux fois jusqu'ici, toujours avec l'incontournable star belge : en 2001 avec Replicant et en 2003 avec In hell. Il en résulte un film de science-fiction sympathique pour le premier et un film de prison violent et hargneux pour le second qui est incontestablement l'un des meilleurs films de son acteur.

    Mais Ringo Lam, n'oublie pas ses racines et revient systématiquement tourner chez lui, où il se sent tout de même beaucoup plus à l'aise.

    Il y a également le talentueux Kirk Wong, réalisateur de l'excellent Crime story en 93, l'un des seuls films sérieux de Jackie Chan. Il nous livre en 1998 avec Big Hit, une espèce de parodie de film d'action très jouissive qui mixe très habillement une mise en scène stylisée et un scénario que n'aurait pas renié Tarantino. Le film, produit par Terence Chang, a très bien marché mais on a peu de nouvelles du réalisateur depuis. Il a signé un téléfilm sous le triste pseudonyme d'Alan Smithee et on l'annonce sur un projet sino-américain en 2006 qui ne donne aucun signe de vie.

    Passons très rapidement sur Ronny Yu, qui a entre autre dirigé Chow Yun-fat et Brandon Lee avant de se retrouver en Amérique pour réaliser le film pour enfant Magic Warriors en 1997, le résultat est un brouillon indigeste où les scènes d'action sont rendues incompréhensibles par l'abus de ralentis saccadés. La suite de sa carrière s'oriente alors vers le film d'horreur avec La fiancée de Chucky, puis avec Freddy contre Jason, deux ratages complets dans lesquels le style de son réalisateur a totalement disparu. A son actif également l'étrange 51ème état dont le seul argument et la présence de Samuel L. Jackson en kilt. Alors qu'on le pensait digéré par le système hollywoodien, il vient aujourd'hui de terminer le dernier Jet Li, mais sera-t-il à la hauteur ?

    Ang Lee réalise son premier film américain en 1995 : Sense and sensibility (Raison et sentiments) mais son style, beaucoup plus traditionnel, n'a rien à voir avec celui des réalisateurs cités précédemment et n'a, par conséquent, pas eu d'influence sur le cinéma dont il est question ici.

    Les réalisateurs hongkongais à avoir réussi à faire un film à Hollywood sont donc peu nombreux. Il faut aussi parler de Yuen Woo-ping et Corey Yuen, deux autres réalisateurs à avoir foulé le sol US, mais aucun ne réalisera de films, ils seront engagés sur divers projet en tant que chorégraphes. Nous reviendrons sur eux plus tard.

    Jackie Chan, le retour.

    Nous avions laissé Jackie Chan sur son échec américain au début des années 80. Qu'a-t-il fait depuis ?

    Et bien, c'est très simple, il a tourné, avec un rythme effréné, un nombre incalculable de films, toujours plus dangereux pour lui et toujours plus jouissifs pour les spectateurs.

    Il y a désormais trois Police story, il y'a « l'indianajonesque » Opération Condor, il y a Twin dragons dans lequel il joue deux frères jumeaux et bien d'autres. Jusqu'en 1994, date de sortie de son meilleur film à ce jour : le monumental Drunken master 2 (Combats de Maîtres) qu'il a co-réalisé avec Liu Chia-liang. Difficile alors de continuer à être ignorer dans le reste du monde.

    Rumble in the Bronx (1995).

    L'année suivante, Jackie Chan, bien décidé à retourner aux Etats-Unis, tourne son nouveau film hongkongais là-bas. Il s'agit de Rumble in the Bronx (Jackie Chan dans le Bronx, sans commentaire !), réalisé par Stanley Tong. Il confronte alors Jackie, fraîchement débarqué de Hong Kong, à la vie dans les quartiers difficiles : gangs, mafia...tous les ingrédients sont réunis une fois de plus et c'est alors que la New Line se propose de distribuer le film aux Etats-Unis.

    Quelques coupures sont effectuées mais il rapporte plus de dix millions de dollars dès son premier week-end. C'est le début de l'aventure américaine pour Jackie Chan.

    En 1997, l'opération est réitérée avec Police story 4 (Contre-attaque), une co-production hongkongaise, américaine ukrainienne et australienne ! L'acteur devient une sorte de James Bond oriental, ce qui plait apparemment beaucoup au public.

    Rush hour (1998).

    Mais il faudra attendre l'année suivante pour son premier vrai film 100% américain : Rush hour.

    C'est durant le tournage de Who am I ? (Un film hongkongais tourné en partie en Afrique du sud et aux Pays-bas) que Jackie est contacté par le réalisateur Brett Ratner. Il lui propose alors ce scénario de buddy-movie (film qui fonctionne sur un duo d'acteurs) et parvient à convaincre la star d'accepter.

    Jackie interprète un policier chinois envoyé à Los Angeles pour aider un policier noir américain (l'agaçant Chris Tucker). Le film est donc basé essentiellement sur l'antagonisme des deux personnages et de leur culture respective. Mais Jackie Chan ne semble pas très à l'aise dans son costume cravate et se contente de subir les moqueries incessantes de son compagnon de jeu. La partie action est déjà nettement plus intéressante mais n'égale à aucun moment ce qu'on a déjà pu voir auparavant dans la carrière de Jackie, la mise en scène n'étant absolument pas à la hauteur.

    Un film très moyen donc mais qui engrangera plus de cent cinquante millions de dollars rien qu'aux Etats-Unis. A noter qu'il n'a que moyennement marché à Hong Kong.

    Allers-retours.

    Débute alors la dernière partie à ce jour de la carrière de Jackie Chan qui s'effectue sur le mode suivant : un film américain, un film hongkongais. Car contrairement à un John Woo qui prend énormément de temps pour tourner, Jackie Chan enchaîne, si bien qu'il peut se permettre une double carrière. Il est en effet inpensable pour lui de laisser tomber son public à Hong Kong auquel il est très attaché. « (...) ils continuent à me soutenir. Ils me disent : « On aime pas trop, mais va, va à Hollywood. Et n'oublie pas de revenir ici pour faire des films d'action ! » »

    Le film hongkongais, c'est Gorgeous en 1999, dans lequel on retrouve l'actrice taïwanaise Shu Qi. Il s'agit là du premier film romantique de Jackie Chan qui, bien qu'il soit parsemé de scènes de combats toujours parfaites, marque un tournant dans sa filmographie hongkongaise. En effet, ses films deviennent plus matures, l'aspect potache semble disparaître peu à peu.

    En opposition à ses films américains, comme dans Shanghai noon (Shanghai kid, 2000), un western comique pleins de références qui a pour qualité d'être mieux réalisé que Rush hour, et surtout qui bénéficie d'un acteur autrement plus drôle et talentueux que Chris Tucker : Owen Wilson.

    Cette fois-ci, la combinaison marche beaucoup mieux et on pourrait presque oublier qu'il s'agit d'un film américain, il faut dire que le projet naît du désir de Jackie Chan, qui avait toujours rêvé de tourner dans un western.

    Rush hour et Shanghai kid auront tous les deux droit à une suite. Détail amusant, ces deux suites situent leur action en Chine (en partie pour Shanghai kid 2), inversant ainsi les rapports entre leurs héros respectifs. Mais finalement, aucun des deux films ne parvient à surpasser le premier épisode.

    Le sommet est atteint avec The tuxedo (Le smoking) en 2002, produit par Dreamworks, c'est l'un des plus mauvais films de Jackie Chan qui trouve ici sa force dans un smoking ultrasophistiqué. Ridicule.

    On est désormais en droit d'attendre le pire avec Rush hour 3, prévu pour 2007.

    Les fans, les vrais, se consolent tout de même avec New Police Story (2004) et The Myth (2005), ses deux derniers films à Hong Kong. Mais on est obligé de reconnaître que quelque chose a changé. On attendait de la suite de Police Story une comédie d'action, on se retrouve avec un polar violent dans lequel Jackie est humilié du début à la fin. En ce qui concerne The Myth, il s'agit là encore d'une histoire d'amour impossible à travers les époques et, grande première pour l'acteur, il meurt à l'issu d'un combat titanesque contre des centaines d'assaillants.

    Est-ce un signe ? Jackie Chan est-il fini ? Que doit-on attendre des ses prochains films?

    L'acteur commence à se faire vieux (il a dépassé la cinquantaine), il faut accepter le fait que ses meilleurs films sont derrière lui mais on sait qu'il nous réjouira encore quelques années avec des séquences de génie comme dans l'oubliable Tour du monde en 80 jours (dernier film américain datant de 2004) dans lequel lui et ses adversaires, recouverts de peinture, composent involontairement un tableau pendant qu'ils se battent.

    En tout cas, son talent est aujourd'hui reconnu mondialement et on peut considérer son passage en Amérique comme un succès total, mais malheureusement, plus d'un point de vue commercial qu'artistique.

    Jet Li, le nouveau petit dragon.

    Retour sur le phénomène.

    Li Lianjie (son véritable nom) débute l'étude du Kung-fu à six ans et devient champion national de Wu-shu en 1974 alors qu'il n'a que onze ans. Il remportera le titre les quatre années suivantes, détenant ainsi un record toujours inégalé.

    Pas étonnant donc de le retrouver en tête d'affiche du Temple de Shaolin en 1982 alors que le cinéma va puiser ses acteurs dans les écoles de Kung-fu ou de danse.

    Ce film sera le premier d'une trilogie sur le mythique temple des arts martiaux qu'est Shaolin. Il y aura Les héritiers de Shaolin en 84, puis Les arts martiaux de Shaolin en 86. La déferlante Jet Li est lancée et rien ne pourra l'arrêter.

    Il réalise son premier film dès 1987 avec Born to defend, un film très violent prenant place au lendemain de la seconde guerre mondiale et dans lequel l'ennemi n'est plus japonais mais américain. On se retrouve face à un film ultranationaliste qui n'est pas sans rappeler La nouvelle légende du grand judo de Kurosawa en 1945.

    Le film subira un échec mais qu'importe, son style sec et violent, son agilité et sa rapidité font rapidement de lui le successeur de Bruce Lee.

    Tsui Hark ne s'y trompe pas et le choisit pour interpréter le docteur Huang Fei-hong dans sa fresque Once upon a time in China en 1991. Le film, est encore une fois extrêmement nationaliste puisqu'il se déroule à la fin du 19ème siècle, en plein colonialisme. Il repose aussi essentiellement sur les effets spéciaux : trampoline, accélérés et recours aux câbles pour les combats en apesanteur, très cher à son réalisateur.

    Le second volet (intitulé La secte du Lotus Blanc en France) voit le jour en 1992 et Tsui Hark y répond aux détracteurs qui ont taxés le premier épisode de xénophobie en opposant Jet Li à un groupe de nationalistes chinois.

    Tout va ensuite très vite, l'acteur tourne entre deux et cinq films par an, pas toujours des chefs d'oeuvres, mais il rencontre toujours le succès.

    En 1994, il apparaît dans son meilleur film (comme Jackie Chan), le remake de La fureur de vaincre : Fist of legend. Réalisé par Gordon Chan, le film raconte toujours l'histoire d'un jeune chinois tentant de venger son maître alors que le pays est sous occupation japonaise. Mais cette fois-ci, on échappe à la caricature facile des japonais, présente dans le film original, et seul l'impérialisme militaire est ici condamné.

    Sur le plan de l'action pure sinon, c'est tout simplement du jamais vu. Jet Li, débarassé des câbles et autres truquages, nous montre l'étendu de son talent dans des affrontements titanesques et ne souffre à aucun moment de la comparaison avec Bruce Lee.

    Il lui faudra attendre encore quelques années et quelques films avant que les Etats-Unis, en la personne du producteur Joel Silver, fassent appel à lui. Il n'attendait que ça : « Ce qui m'a décidé à partir ? La puissance et l'organisation des américains, la concentration des talents à Hollywood, et l'exposition mondiale qui est possible là-bas. »

    L'arme fatale 4 (1998).

    La franchise est née en 1987 derrière la caméra de Richard Donner, mais c'est surtout à son producteur Joel Silver qu'on la doit. Véritable adorateur du cinéma asiatique, on retrouve dès le premier épisode un combat à forte consonance orientale.

    On trouvera alors ça et là dans ses productions des emprunts et des références de plus en plus appuyées jusqu'en 1998, où il se décide à contacter Jet Li pour jouer le méchant dans L'arme fatale 4. D'abord réticent à jouer ce type de rôle, Silver parvient à le convaincre en lui proposant par la suite un film dans lequel il serait le héros. Jet Li débarque donc avec une équipe hongkongaise pour gérer les scènes de combat, parmi eux, le réalisateur et chorégraphe Corey Yuen, qui le suivra sur quasiment toutes ses productions américaines avant d'être embauché par Luc Besson pour Le Transporteur et sa suite.

    Dans le film, Jet Li interprete donc un implacable tueur des triades dont chacune des apparitions capte l'attention des spectateurs américains, même lorsqu'il ne se bat pas. Le film est bien entendu un énorme succès et installe Jet Li dans une situation plus que confortable. Malheureusement, le public chinois n'a pas du tout aimé le voir se faire humilier de la sorte par Mel Gibson, qui ne pouvait virtuellement pas le battre. Mais c'était le prix à payer pour lui, s'il voulait avoir plus de liberté par la suite.

    Roméo doit mourir (2000).

    Joel Silver tient donc sa promesse et confie à Jet Li le premier rôle dans un film très librement inspiré de Roméo et Juliette. Le scénario oppose deux familles de gangsters, les premiers sont noirs et les seconds sont chinois. Et c'est dans ce climat de guerre des gangs que débarque Jet Li, venu venger la mort de son frère, apparemment tué par le clan rival. Mais les apparences sont trompeuses et il tentera, avec l'aide de la fille de son ennemi, de trouver le coupable.

    Le film est un hideux mélange de la culture hip-hop et de la nouvelle mode des films d'arts martiaux. Il suffit de jeter un oeil au casting : Jet Li pour les combats et la chanteuse Aaliyah. C'est évidemment pour s'assurer de brasser le public le plus large possible, sans finalement se soucier du scénario ou même de la mise en scène. D'où la conclusion suivante, Joel Silver est très proche de Luc Besson dans sa conception du cinéma qui consiste à prendre les éléments propres à une culture, trouver un acteur qui en sera le porte-parole, écrire un scénario à la va-vite, dénicher un réalisateur branché et voilà : un succès commercial. Voir (ou plutôt subir) la trilogie Taxi pour s'en rendre compte.

    Une succession de choix désastreux.

    Silver et Besson se refilent même leurs ingrédients, en l'occurrence ici, Jet Li qui tournera pour EuropaCorp l'année suivante dans Le baiser mortel du dragon, une coproduction avec la France dans laquelle on retrouve toutes les tares citées précédemment avec en tête un scénario pas crédible pour un sou : des flics pourris (marque de fabrique de l'usine Besson) qui torturent et tuent en toute impunité, le GIGN qui fait du kung-fu, une prostitué au grand coeur, des proxénètes pas gentils et la tour Eiffel pour rappeler que ça se passe à Paris.

    A noter tout de même des scènes de combat déjà plus convaincantes, Corey Yuen travaillant ici sans câbles, les chorégraphies sont plus réalistes et finalement gagnent en force.

    En 1999, Jet Li devait jouait dans Matrix mais n'a pas pu à cause de problèmes d'emploi du temps. Pas grave, séance de rattrapage avec The One (de James Wong en 2001), film de science-fiction qui pompe sans vergogne du coté d'Highlander et de la série TV Sliders, le tout avec des effets branchés pour faire comme dans le film des frères Washowski, rien à rajouter si ce n'est que Jet se bat contre lui-même, une figure récurrente à laquelle il avait échappé jusqu'ici.

    Alors que tous les fans de Jet Li (les vrais) s'inquiètent terriblement devant une telle succession de nanars, il semble que Jet Li les a entendu. Il retournera à Hong Kong le temps d'un tournage pour Hero de Zhang Yimou en 2002 qui réuni des grandes stars comme Tony Leung, Maggie Cheung et Zhang Ziyi.

    Le film est visuellement très beau mais s'inscrit dans cette mouvance initiée par Tigres et dragons qui dérange et partage les avis (voir plus bas).

    Jet Li revient alors aux Etats-Unis en force avec ce qui est certainement le pire film de sa carrière : Cradle 2 the grave (En sursis, 2003). Encore une production Joel Silver, qui case une fois de plus l'insupportable comique black de service ainsi que le rappeur qui joue comme ses pieds. Le film s'offre même le luxe de rater la rencontre tant attendu entre Jet Li et Mark Dacascos (acteur fétiche de Christophe Gans et champion de capoeira) pour cause d'une réalisation catastrophique.

    On ne demande même plus à Jet Li de jouer mais juste de se battre et d'avoir l'air cool (il passe la totalité du film avec des lunettes de soleil, une main dans la poche).

    Mais ça ne dérange pas l'acteur, bien content d'être devenu une star internationale et de pouvoir changer de registre, car lorsqu'on y regarde de plus près, rares sont les films contemporains dans lesquels il a joué. Ce qui lui plaît avant tout, c'est de pouvoir essayer des choses nouvelles, c'est pour cela qu'il a refusé un rôle dans Tigres et dragons (avant de se rendre compte de la renommé qu'il avait apporté à ses acteurs).

    Jouer la comédie l'intéresse également et il prend alors un gros risque avec Danny the dog en 2005. Le pari est réussi car il arrive à être très touchant et à apporter beaucoup d'humanité dans son rôle d'un homme enfant élevé comme un chien. Aux côtés du vétéran Morgan Freeman, il forme un duo attachant et relègue les scènes de combats au second plan. Il est d'ailleurs assez étonnant de se dire que c'est Luc Besson qui en a écrit le scénario, bien que sa patte se retrouve tout de même. Mais le meilleur film de Jet depuis son départ de Hong Kong connaîtra un échec cuisant aux USA.

    On l'attend aujourd'hui dans une coproduction entre la Chine et les Etats-Unis intitulée Fearless. Le film est réalisé par Ronny Yu et se place plutôt dans la lignée des Il était une fois en Chine, mais le réalisateur, au vu de sa filmographie peut nous faire craindre le pire.

    Il vient également de finir son nouveau film 100% américain : Rogue. Il est réalisé par un inconnu qui a fait des clips de rap et on retrouve Jason Statham (Le Transporteur) au générique. Si tout ce passe correctement, l'affrontement entre les deux devrait être bien raté !

    The J & J project.

    Mais n'enterrons pas trop vite Jackie Chan et Jet Li car maintenant qu'ils sont incontestablement les deux plus grands acteurs martiaux au monde, il leur reste un moyen de retrouver les honneurs : se réunir le temps d'un film. Cela s'intitule sobrement The J & J project et le fait que les deux acteurs aient refusés des propositions hollywoodiennes pour mener à bien ce projet ne peut être qu'encourageant. Mais aucune information concernant le scénario ou le nom du réalisateur n'a été révélée. Il ne reste plus qu'à prier...

    Chow Yun-fat, Michelle Yeoh...

    Le choix de ne pas consacrer plus de place aux acteurs suivants n'a rien à voir avec leur talent ou l'importance de leur carrière à Hong Kong, la plupart étant des stars là-bas. C'est tout simplement que leur passage aux Etats-Unis n'a pas marqué ou s'est effectué le temps d'un film. Petit tour d'horizon donc, de ces expériences américaines.

    Chow Yun-fat.

    L'acteur le plus populaire de Chine (le Cary Grant chinois selon certain), immortalisé par John Woo et par bien d'autres, aurait sans doute mérité mieux que le sempiternel rôle de tueur à gages sympathique qu'il interprète dans Un tueur pour cible (The replacement killers) d'Antoine Fuqua en 1998. Trop marqué par son image dans The killer, on veut de lui qu'il retrouve cette présence et cette puissance mais le scénario est tout ce qu'il y a de plus banal et la réalisation manque cruellement de force.

    Il apparaitra ensuite dans un polar sans intérêt, Le corrupteur (The corruptor, de James Foley, 1999) mais devra partager l'affiche avec Mark Wahlberg, les studios ne prenant plus le risque de faire un film sur son seul nom après le semi échec de son premier film.

    La suite est déjà plus intéressante puisqu'il jouera aux côtés de Jodie Foster dans la romantique histoire d'Anna et le roi d'Andy Tenant qui lui permet de changer enfin de registre et de se montrer déjà plus à l'aise. Et bien sûr en 2000, l'incontournable Tigre et dragon d'Ang Lee, qui le propulse définitivement star internationale.

    Malheureusement, il tournera ensuite le pathétique Gardien du Manuscrit Sacré (Bulletproof Monk) avec Sean William Scott, héros de la trilogie American Pie, ça fait mal !

    Mais Chow Yun-fat semble être reparti sur le droit chemin, il est tout simplement rentré en Chine où l'on pourra le voir prochainement dans deux films avant de le voir retourner avec John Woo en 2008. Ce qui ne l'empêche pas de faire une apparition dans Pirates des Caraïbes 3, actuellement en tournage.

    Michelle Yeoh.

    Souvent partenaire de Jackie Chan, l'actrice a reçu une formation de danse classique qui l'a donc naturellement prédisposée aux rôles d'action.

    Michelle était alors l'interprète toute désignée pour incarner la nouvelle James Bond girl dans Demain ne meurt jamais (Tomorrow never dies) en 1997. « Etre à pied d'égalité avec James Bond était le meilleur moyen d'obtenir la reconnaissance de mes talents. » Et elle ne s'y est pas trompée, le public américain acclame ses prouesses acrobatiques.

    Mais elle préfère retourner en Chine, notamment pour y tourner Tigre et dragon, grand bien lui a pris puisque tous les acteurs de ce film y trouvent systématiquement une reconnaissance mondiale.

    Elle apparaît désormais à la fois dans des coproductions (la catastrophique Talisman et le futur Fearless), des films chinois et des grandes productions hollywoodiennes (Mémoires d'une Geisha).

    Sammo Hung.

    L'incontournable Sammo Hung, plus grand ami de Jackie Chan, il est à la fois acteur, réalisateur et chorégraphe. Son physique grassouillet, par opposition à celui de Jackie a fait d'eux les Laurel & Hardy du cinéma d'action hongkongais.

    Il entre tout d'abord à Hollywood en tant que directeur de combat pour Double Team de Tsui Hark dont il vient de conclure la saga Il était une fois en Chine en réalisant le sixième et dernier épisode (Dr Wong en Amérique, 1997). On le retrouve également sur Piège à Hong Kong au même poste

    Mais il se fait connaître pour son rôle dans la série Le flic de Shanghai (Martial law), produite par la Fox. L'histoire est assez similaire à celle de Rush hour, puisque Sammo incarne un policier chinois qui se retrouve muté à Los Angeles. On pourrait résumer la qualité de cette série en la comparant avec Walker Texas Ranger, puisqu'elles ont connues un crossover (leur héros respectif apparaît dans la série de l'autre). La série s'est arrêtée après deux saisons et quarante-quatre épisodes.

    Outre une apparition symbolique dans Le tour du monde en 80 jours pour son ami Jackie Chan, Sammo est retourné chez lui et a déjà tourné dans une petite dizaine de films dont l'incroyable polar SPL.

    Donnie Yen.

    Certes moins connu en occident, Donnie Yen n'a pas à rougir de sa carrière. Du chef d'oeuvre Iron Monkey (Yuen Woo-ping, 1993) à ses rencontres avec Jet Li dans La secte du lotus blanc (Tsui Hark, 1992) et Tai Chi Master (Yuen Woo-ping, 1993), son parcours est un quasi sans-faute.

    Il se fait remarquer après avoir réalisé le polar Ballistic kiss en 98 et obtient un petit rôle dans Highlander 4 : Endgame. Inutile de palabrer sur la qualité du film, l'important n'est pas le rôle de Donnie Yen mais le fait qu'il soit également le chorégraphe des scènes de combat.

    Wesley Snipes, qui confie être un grand fan de son travail, l'embauche pour Blade 2.

    Il sera de nouveau crédité deux fois au générique avec une mention spéciale pour les scènes d'action qui, mêlées à l'excellente mise en scène de Guillermo del Toro, font de ce film un chef d'oeuvre du genre.

    Il est regrettable par contre que l'acteur soit sous estimé dans les productions américaines.

    C'est encore le cas dans Shanghai knights (Shanghai kid 2, 2003) où le seul intérêt réside dans son combat contre Jackie Chan.

    Il est retourné à Hong Kong juste après pour jouer dans Hero, retrouvant Jet Li pour la troisième fois et on a pu le voir récemment dans le Seven swords de Tsui Hark puis dans SPL avec Sammo Hung (voir photo).

    Son aventure aux USA semble définitivement terminée, ce qui n'est finalement pas plus mal pour lui et pour le public.

    Autres exemples et cas particuliers.

    C'est le cas de Maggie Cheung, mariée au réalisateur français Olivier Assayas pendant un temps, elle quitte son pays pour la France d'abord avec Irma Vep et ne s'aventurera finalement dans un production américaine qu'à une seule reprise avec Chinese Box de Wayne Wang en 1997, Clean (2004, Olivier Assayas) étant une production franco-canadienne.

    Dans Chinese Box, il y a aussi Gong Li, qui signe là sa première incursion en occident. Sa seconde étant dans Mémoires d'une Geisha en 2006. Elle sera aux côtés de Colin Farrell et Jamie Fox dans Miami Vice puis dans Young Hannibal l'année prochaine.

    Autre cas avec Lucy Liu, sans doute l'actrice asiatique la plus présente sur les écrans américains, qui est tout simplement né à New York, et n'a, par conséquent, jamais tourné à Hong Kong.

    On ne peut pas parler d'incursion non plus en ce qui concerne Kenneth Tsang, que l'on a pu voir dans de nombreux blockbusters aux USA comme Meurs un autre jour, Rush hour 2 ou récement dans Mémoires d'une Geisha. Car son rôle est toujours celui du chinois clairement défini par sa culture qui offre simplement un cachet plus naturel aux films censés se dérouler en Asie.

    Même symptome pour la toute jeune Zhang Ziyi, révélée par Tigres et dragons qui obtiendra un rôle dans Rush hour 2 puis dans Mémoires d'une Geisha.

    John Lone, inoubliable M. Butterfly chez Cronenberg en 1993 est effectivement originaire de Hong Kong mais a commencé sa carrière aux Etats-Unis dans les années 70, se rapprochant du cas Lucy Liu.

    Le revers de la médaille.

    Voila donc la liste de ceux qui ont tenté leur chance dans la capitale mondiale du cinéma pour des raisons souvent similaires mais avec plus ou moins de réussite.

    Tous ne sont pas restés, tous n'ont pas réussis ou eu le succès qu'ils méritaient, ni les opportunités mais ce qui est sûr, c'est qu'ils ont globalement marqué de leur empreinte tout un pan de cinéma américain : celui de l'action et du divertissement.

    Mais là réside le problème, quand Hollywood trouve un nouveau filon, il l'exploite au maximum.

    Et quand Hong Kong, qui a tout à y gagner, joue le jeu, on assiste à tout ce qui pouvait arriver de pire...

    Le phénomène « Tigre et dragon ».

    Le film est réalisé en 2000 par le taiwanais Ang Lee, cinéaste qui vient plutôt du cinéma d'auteur et qui tourne ici son premier film de sabre. Interprété par la fine fleur des comédiens chinois (Chow Yun-fat et Michelle Yeoh en tête), il a connu un succès sans précèdent aux Etats-Unis pour un film qui n'a pas été tourné en anglais.

    Mais la raison est très simple, jusqu'ici, le cinéma chinois était dirigé vers lui-même, ce qui était la grande différence avec le cinéma américain, qui a toujours été fait pour conquérir l'extérieur. Avant de faire Tigre et Dragon, ils se sont demandés comment propager leur cinéma vers l'occident, comment le rendre accessible.

    Le choix du réalisateur n'est ainsi pas du tout innocent, il était hors de question de laisser un Tsui Hark à la tête du projet, tandis qu'Ang Lee, qui a déjà réalisé plusieurs films aux Etats-Unis et qui y a connu le succès était plus capable de cerner la sensibilité du public américain.

    Le film n'a eu aucun succès Hong Kong, il est même fréquemment l'objet de risées. Voila aussi pourquoi le film partage énormément le public, car beaucoup ne le considère pas comme un film mais comme un produit, que l'on aurait rendu plus digeste pour le grand public international. C'est un cinéma « re-packagé » comme le dit Olivier Assayas, un film mieux réalisé, mieux interprété, avec une photo et une musique plus belle, mais qui du coup, manque de charme. Le film se démarque totalement de ses équivalents d'antan. Il est alors agaçant d'écouter ces gens qui pensent avoir découvert le cinéma chinois avec ce film, car il n'en est absolument pas représentatif.

    Reste maintenant au public à choisir son camp : Tigre et Dragon ou Il était une fois en Chine.

    On compte ensuite deux films similaires dans leur démarche.

    Hero tout d'abord de Zhang Yimou en 2002. Là encore, le film réunit un parterre impressionnant de stars (Jet Li, Maggie Cheung et Tony Leung) et est confié à un réalisateur dont c'est le premier film du genre. Le succès est le même et deux ans plus tard, La maison des poignards volants, toujours réalisé par Zhang Yimou fera également parler de lui.

    Mais il faut savoir que ces films n'auraient jamais été fait sans l'arrivée de tous les réalisateurs et acteur hongkongais sur le sol américain. Ils ont contribué à préparer le terrain (à leurs dépends) pour ces produits, purement opportunistes qui se sont contentés de surfer sur la vague HK et de caresser le public dans le sens du poil.

    Il existe aussi un autre phénomène encore plus déplorable celui-la, car il est le fruit du travail de chorégraphes hongkongais talentueux mais utilisés à mauvais escient. Il a été lancé par un film : Matrix.

    La « Matrix attitude ».

    Avant de décortiquer le « phénomène Matrix », il convient de retracer la carrière d'un homme : le réalisateur/chorégraphe Yuen Woo-ping. Evoqué tout à l'heure, c'est en qualité de chorégraphe qu'il se fait une place à Hollywood. Petit retour sur son parcours.

    Ayant efféctué ses débuts à la Shaw Brothers, il est celui qui a dirigé Jackie Chan dans ses deux premiers grands succès : Snake in the eagle's shadow (Le chinois se déchaîne, 1978) et Drunken master (Le maître chinois, 1978).

    Il alterne alors une carrière de réalisateur et de chorégraphe. On retrouve son travail dans les deux premiers Il était une fois en Chine de Tsui Hark ou dans Fist of legend de Gordon Chan, si bien qu'il devient indissociable de Jet Li.

    C'est pour cela qu'il effectue son départ pour les Etats-Unis en même temps que lui, après l'appel de Joel Silver.

    Les frères Washowski sont en train de concevoir un film qui mélange la science-fiction, le film de super-héros, le manga et bien sur, le film d'arts martiaux.

    Ils ont pour cela besoin d'un chorégraphe doué venu directement de Hong Kong. Woo-ping débarque alors avec son équipe et commence l'entraînement des acteurs, totalement novices en matière d'arts martiaux.

    Inutile de dire que le film connaîtra un succès mondial, il deviendra instantanément culte pour toute une génération qui y voit des héros cools qui font des choses incroyables et accédera à ce statut très rare de film novateur et révolutionnaire.

    Mais que nenni ! Les frères Washowski se sont contentés de piquer à droite et à gauche la plupart de leurs idées. Mis à part le scénario qui vient de divers romans de science-fiction américains ou anglais et le soi disant jamais vu « bullet time » que l'on trouve dès 1995 dans un clip de Michel Gondry pour les Rolling Stones, tout le reste vient de l'Asie.

    Il serait trop long ici d'en dresser une liste mais le fait est que ce mélange improbable et justifié à la va-vite dans le film à ouvert la porte à un mouvement dans le cinéma d'action : celui des héros stylés qui font du kung-fu dans tous les sens et font des bonds de quinze mètres.

    Malheureusement, tout cela aux dépends du pauvre Yuen Woo-ping qui, après un passage sur le plateau de Tigre et Dragon remettra le couvert avec les deux suites de Matrix.

    Entre temps, on a vu émerger quantité de films avec des séquences de kung-fu sans queue ni tête, que ce soit dans l'adaptation ciné de Charlie's Angels (2000), chorégraphiée par le frère de Yuen Woo-ping ou dans The Musketeer (D'Artagnan, 2001) summum de crétinerie dans lequel D'Artagnan fait le grand écart sur des tonneaux et dont le combat final en apesanteur sur des échelles est volé à celui d'Il était une fois en Chine.

    Un ultime hommage.

    On le voit, Hollywood, dans son éternelle course aux dollars ne recule devant rien, n'hésitant pas à gaver son public en lui donnant ce qu'il veut, jusqu'à ce qu'il soit rassasié. Le problème, c'est que le public en question a un gros appétit et qu'Hollywood a une quantité inépuisable de réalisateurs impersonnels prêt à accepter, sous les ordres d'un Joel Silver, à mettre en scène des chinois volants ou un flic avec deux flingues qui garde ses lunettes de soleil la nuit.

    Heureusement, certains réalisateurs pensent encore avant tout à leur public et non pas au profit. C'est le cas de Quentin Tarantino avec Kill Bill en 2003 qui déclare son amour au cinéma, des westerns spaghetti aux films d'arts martiaux en passant par les mangas. Mais il le fait de manière radicalement différente de Matrix, n'essayant jamais de cacher d'où vient son inspiration et ne cherchant jamais à snober son public ou à se croire plus intelligent que lui.

    Il s'entoure donc lui aussi d'une équipe de professionnels de Hong Kong, avec à leur tête Yuen Woo-ping, qui cette fois-ci ne gâche pas son talent. Il fait également appel à Gordon Liu, un acteur de la Shaw Brothers qui n'avait jamais mis les pieds sur un plateau américain.

    Il n'y aura pas d'après Kill Bill, dans le sens ou il y a eu un après Matrix. On ne retrouvera pas d'héroîne en pyjama jaune, ni de séquences de dessin animé en plein milieu d'un film (seul Guy Ritchie a osé dans son horrible Revolver).

    Finalement ce n'est peut être pas plus mal, les deux films se suffisent à eux mêmes et tout le monde semble s'en être rendu compte. Quentin Tarantino a rendu l'hommage final à ce cinéma venu d'orient, de manière personnelle mais finalement universelle puisque, à de rares exceptions près, il a mis tout le monde d'accord.

    Conclusion.

    C'est donc avec Kill Bill que se conclut l'étude du phénomène HK à Hollywood. Tout simplement parce qu'aujourd'hui il semble s'être estompé, l'aspect de la nouveauté et de la découverte a disparu.

    Plus personne ne s'étonne de voir John Woo tourner avec Tom Cruise et Jackie Chan se retrouver en tête du box office US.

    Tous ces réalisateurs et acteurs ont trouvé leur rythme de croisière, certains ne tournent plus qu'à Hollywood, d'autres sont rentrés chez eux, déçus, et enfin, les derniers alternent entre les deux pays.

    Il y a aussi tous les « incorruptibles », tous ceux qui n'ont jamais tenté la traversée et qui continuent à promouvoir un cinéma national, sans se soucier de son exportation et à qui on aurait du mal à donner tort.

    Johnnie To en est la parfaite illustration, il tourne deux films par an et voit régulièrement ses oeuvres diffusées à Cannes (Breaking news et Election).

    Si le cinéma américain a fini par faire le tour du cinéma Hongkongais, il est loin d'avoir fait le tour de l'Asie, véritable terre inépuisable de concepts et d'idées.

    Le Japon semble être en ce moment le favori avec ses films d'horreur initié par Ring (Hideo Nakata, 1998). Tout a commencé par le remake en 2002, puis devant le succès, Hollywood a encore importé les réalisateurs japonais pour qu'ils refassent leurs propres films. Hideo Nakata a réalisé le remake de Ring 2 en 2005 et Takashi Shimizu celui de The Grudge (il termine la suite en ce moment).

    Il y a eu également Dark Water et on attend le One missed call de Takeshi Miike.

    On parle même d'un remake de Battle Royale (Kinji Fukasaku, 2000).

    Non seulement le concept de refaire un film parce que le public américain n'accepte pas de lire des sous titres est énervant, mais en plus tous ces films sont systématiquement des ratages complets car ils déplacent leur action aux Etats-Unis (sauf The Grudge, qui s'en sort avec les honneurs), alors qu'ils sont profondément marqués par leur appartenance à la culture nippone.

    Si le Japon commence à suivre les traces de Hong Kong, que reste-il pour les amoureux du cinéma asiatique ?

    Le salut vient de la Corée. Un pays dont le cinéma est en pleine croissance et qui voit naître régulièrement des réalisateurs très doués qui imposent leur style en quelques films.

    L'exemple le plus parlant étant le talentueux Park Chan-wook, dont le Old Boy a reçu le prix de la mise en scène à Cannes en 2004.

    La virtuosité du cinéaste explose à tous les niveaux, que ce soit le scénario, la mise en scène ou la direction des acteurs.

    Pour l'instant, ces films sont peu distribués dans le reste du monde et ne connaissent pas un énorme succès. Mais qu'importe, les coréens sont très fiers de leur cinéma et produisent des films à gros budget sans se soucier de savoir si les américains vont aimer, puisqu'ils sont rentabilisés chez eux.

    Avec Taegukgi (sorti en France sous le nom de Frères de sang en 2004), Kang Je-gyu signe un équivalent du Soldat Ryan de Spielberg qui n'a pas à rougir de la comparaison.

    Ainsi, cette nouvelle génération de cinéastes a été très influencée par le cinéma américain mais a su le digérer et en conserver le meilleur pour l'encrer profondément dans sa culture.

    On peut alors découvrir beaucoup de chef-d'oeuvres dans des genres typiquement américains : le film d'action avec Shiri, le film de boxe avec Crying Fist, la comédie romantique avec My sassy girl, le film d'horreur avec Into the mirror, ou le film noir avec A bittersweet life.

    Bien que certains remakes soient déjà en préparation (Old Boy avec Nicolas Cage et My sassy girl avec Scarlett Johansson), il faut maintenant espérer qu'aucun réalisateur coréen n'aille se corrompre aux Etats-Unis, ce qui est plutôt bien parti, vu comment leur cinéma se porte bien.

    Bibliographie :

    Livres

    - Tigres et Dragons : De Tokyo à Hong Kong, Christophe Champclaux, Guy Trédaniel Editeur, 2000.

    - Tigres et Dragons : Du ring à la rue, Christophe Champclaux, Guy Trédaniel Editeur, 2001.

    - Tigres et Dragons : De Hong Kong à Hollywood, Christophe Champclaux, Guy Trédaniel Editeur, 2002.

    - L'Asie à Hollywood, Auteurs divers, Cahiers du cinéma, 2001.

    - John Woo, Caroline Vié-Toussaint, Dark Star, 2001.

    - Jackie Chan, à la force des poings, Eric Faber, Editions Carnot, 2004.

    - Nouvelles Chines, Nouveaux cinémas, Bérénice Reynaud, Cahiers du cinéma, 1999.

    - Hong Kong cinéma, Olivier Assayas et Charles Tesson, Editions de l'Etoile, 1984.

    Revues spécialisées.

    - Mad Movies hors série : Cinémas d'Asie, Auteurs divers, 2003.

    - Mad Asia n°1, Auteurs divers, 2005.

    - HK n°0, 1, 2, 3, 4, Auteurs divers, Octobre 1996 - Octobre 1997.






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