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Le réalisme dans Mission Terminée

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par Andry RANDRIAMANGA
Université de Tuléar, MADAGASCAR - Maîtrise 2007
  

Disponible en mode multipage

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LE RÉALISME DANS MISSION TERMINÉE

LE RÉALISME DANS MISSION TERMINÉE

REMERCIEMENTS

Ce travail n'aurait pas vu le jour sans l'appui bienveillant de tous ceux qui ont collaboré à son élaboration.

Mes plus vifs remerciements s'adressent tout d'abord, à tous les enseignants du Département d'études françaises de l'Université de Toliara qui ont donné le maximum pour partager leurs connaissances tout au long de ma formation au sein de ce département. Qu'ils soient remerciés à travers ce mémoire.

Enfin, je tiens à adresser mes sincères remerciements à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

Première partie : LA VIE SOC IALE 9

CHAPITRE I : Les spécificités des personnages 10

1-Les hommes 10

2-Les femmes 14

3- Les jeunes ..18

CHAPITRE II : Les pouvoirs en activité 24

1- La domination de l'homme ..24

2- Le pouvoir colonial ..27

3- Le statut de la femme ..31

Deuxième partie : L'ACCULTURATION

CHAPITRE I : Les causes de l'acculturation .... ..35

1- L'école ou l'éducation européenne ..35

2- L'influence de l'être hybride sur les individus ..39

3- L'attrait de la ville ..44

CHAPITRE II : Les conséquences de l'acculturation .... ..47

1- La perte de l'identité ..47

2- Déracinement culturel ..51

3- Changements morphologiques des milieux ..54

Troisième partie : LA CREATION LITTERAIRE

CHAPITRE I : L'oeuvre et l'auteur .... ..58

1- Les procédés stylistiques ..58

2- La description ..60

CHAPITRE II : L'oeuvre et la réalité .... ..62

1- L'oeuvre et la société ..62

2- L'oeuvre et la vie de l'auteur ..64

INTRODUCTION

Au cours de notre cursus universitaire, nous avons étudié deux branches bien distinctes dont la linguistique et la littérature. Plutôt linguiste que littéraire, nous avons tout de même fixé notre choix sur le domaine de la littérature, plus exactement sur la littérature négro-africaine. Fasciné par cette littérature depuis la première année, nous jugeons à présent nécessaire de l'approfondir afin qu'elle ne soit pas laissée aux oubliettes, et surtout pour que de nouvelles recherches puissent voir le jour à partir de notre travail.

En majeure partie, les principaux thèmes développés par cette littérature sont la colonisation et l'identité africaine qui sont les grands problèmes de ce continent. Mais ce qui nous a surtout poussé à étudier cette littérature n'est pas seulement ses thèmes mais le coté très réaliste remarqué à travers les oeuvres. Il est donc plus facile de comprendre l'oeuvre étant donné que leur contenu est plus proche de la réalité à Madagascar. C'est à partir de cette remarque que nous avons décidé de traiter un roman de l'écrivain camerounais, Mongo Béti, de son vrai nom Alexandre Biyidi-Awala, s'intitulant Mission Terminée, sorti chez les éditions BUCHET/CHASTEL à Paris en 1957 et ayant reçu le Prix Sainte-Beuve en 1958. Le choix s'est porté sur ce roman, car il est très facile à lire et ne nécessite pas beaucoup d'effort pour le comprendre ; c'est aussi le seul roman dans la littérature africaine qui ne traite pas directement le conflit entre les Blancs et les Noirs. Toutefois, ce n'est pas seulement à cause de ces deux critères que l'on a choisi l'oeuvre. L'auteur y est aussi pour quelque chose. Mongo Béti fait partie des plus grands écrivains africains et a publié plusieurs oeuvres engagées jusqu'à sa mort. Romancier renommé, essayiste engagé, enseignant, libraire et éditeur, il était aussi de la génération de Léopold Sédar Senghor. Et en tant qu'étudiant en Lettres, il est de notre devoir de poursuivre les exploits de cet auteur en approfondissant son oeuvre sur le sujet concernant le réalisme ; d'où le titre de notre travail : « Le réalisme dans Mission Terminée ». A partir du titre, notre tâche sera d'essayer d'apporter le maximum de réponses sur la principale question : comment la réalité est-elle traduite dans l'oeuvre ?

Afin d'éclaircir ce problème et pour pouvoir avancer aisément dans les recherches, le bon choix d'une approche est nécessaire. Et pour aboutir à un

bon travail qui éclaircira l'oeuvre sur le domaine du réalisme, nous opterons pour l'approche sociologique, jugée plus adéquate à notre devoir. Si nous avons choisi cette approche sociologique mais non pas une autre, c'est parce que ses spécificités nous permettront d'aller plus loin dans nos études étant donné que nous traitons du réalisme d'une oeuvre qui se réfère toujours au monde extérieur. L'approche sociologique repose sur des données sociales, historiques et biographiques. Donc, en adoptant cette approche, il faut avoir beaucoup de notions et connaissances autour du sujet à traiter, nous permettant d'apporter des réponses à notre problématique. De plus, le travail de l'auteur, c'est-à-dire son oeuvre, a été constitué à partir des constatations faites sur des évènements ou des faits sensibles dans la société où il vit.

Traiter une oeuvre par l'approche sociologique c'est devenir à la fois historien, sociologue et biographe, afin d'essayer d'interpréter l'oeuvre dans son contexte social et historique. Si par cette approche, le contenu de l'oeuvre est tirée de la réalité, on doit tout de même rechercher à travers ce qui est dit les liens du roman avec cette réalité car ce que l'auteur veut vraiment faire passer aux lecteurs n'est jamais évoqué directement, c'est la face la plus importante qui est toujours cachée. Afin de décrypter les énigmes ou les messages cachés dans l'oeuvre de notre étude, l'utilisation de l'approche sociologique sur notre travail sera personnalisée et changera ou sera modifiée à chaque partie, voire à chaque chapitre pour que la méthode soit toujours appropriée.

La démarche qu'on adoptera consiste à mettre en rapport ce qui est dit dans l'oeuvre avec la réalité, en se référant à la société cible, à son historique et son époque. On procédera soit en expliquant en premier lieu les idées qui nous intéressent dans l'oeuvre et qui sont les éléments de chaque partie du travail, puis en donnant l'équivalence dans la réalité ; soit l'inverse, c'est-à-dire en évoquant la réalité sur le domaine à traiter puis en le mettant en relation avec ce qui est dit dans le roman. D'après cette démarche, nous allons donc faire un va-et-vient entre le petit monde du livre imaginé, inventé de toutes pièces par l'auteur et le vrai monde de la réalité où nous vivons. Ceci nous permettra de vérifier la teneur en information de l'oeuvre afin de connaître son taux de

véracité et la façon dont procède l'auteur pour modeler, déformer la réalité à sa man ière.

Afin de traiter le réalisme dans cette oeuvre de Mongo Béti sur tous les points possibles par l'approche sociologique, nous divisons notre travail en trois grandes parties qui s'enchaînent et se complètent entres elles. Afin de bien baliser notre étude, nous allons dans les deux premières parties centrer notre travail sur la classe paysanne africaine, qu'elle soit traditionnelle ou moderne, car elle est la seule évoquée dans tout le roman. Dans la troisième et dernière partie, nous allons nous intéresser aux fondements de l'oeuvre en la mettant en relation avec la réalité et la vie de l'auteur. La première partie s'intitulera la vie sociale. Nous y trouverons deux chapitres qui vont présenter les spécificités des personnages et les pouvoirs en activité. La seconde partie aura pour titre l'acculturation et sera divisée, elle aussi, en deux chapitres qui vont traiter des causes de l'acculturation et de ses conséquences. Enfin, la dernière partie portera sur la création littéraire où nous verrons également deux chapitres qui vont parler en premier lieu de l'oeuvre et l'auteur, et en second lieu de l'oeuvre et la réalité.

PREMIERE PARTIE

LA VIE SOCIALE

Chaque pays a son propre peuple avec ses propres régions, ses diverses tribus et ethnies. La population, l'individu occupent une place très importante dans la société, car c'est d'eux que proviennent toutes les sources vitales de la société. Une société forme un tout, dont les personnes sont les premiers éléments qui la font développer. Chacun a ses propres places et rôles afin d'assurer un bon fonctionnement du système car dans un système tout se tient, d'où l'importance d'évoquer les personnages qui jouent de grands rôles dans le déroulement du récit à cause de leurs spécificités.

Dans cette première partie de notre devoir, l'étude sera centrée sur les personnages du roman et leurs attributions afin de savoir comment est constituée, structurée et hiérarchisée cette tribu camerounaise. Ainsi, dans le premier chapitre nous parlerons des spécificités des personnages, et dans le second, des pouvoirs en activités.

I - Les spécificités des personnages

Chez les Camerounais comme chez les Malgaches, le nom n'est pas seulement un moyen d'appeler ou de dénommer un individu. Ces noms ont des significations qui agissent sur la personne et forgent leur personnalité. Chaque nom n'est pas donné n'importe comment par les parents mais est attribué à partir des caractères que l'on désire ; et c'est ce qu'a fait l'auteur pour dénommer ses person nages dans le roman.

Ainsi, dans cette partie de notre devoir, nous allons parler en premier lieu des hommes, puis des femmes, et enfin des jeunes.

1- Les hommes

Dans cette section, nous allons parler de trois hommes qui jouent un rôle primordial dans le roman, et qui sont Bikokolo, Niam et l'oncle Mama. Comme toute société traditionnelle, il y a toujours une grande personne, en général un homme, qui dirige le groupe tout entier. C'est cet individu qui tient le rôle de chef ou gouverneur dans le village et que tout le monde respecte, que ce soit lui en tant que grande personne, ou ses décisions. Dans le roman, Bikokolo, lui, est le chef du village natal de Medza. C'est à la fois un vieil

homme au ventre bombé et découvert ; il est toujours muni d'une chassemouche. C'est le sage du village que l'on consulte lorsqu'il y a des problèmes, mais aussi patriarche (p. 23) qui remplace la place de père dans les décisions à prendre quand ce dernier est absent. Il est le dirigeant et maître de parole dans le village : tout ce qu'il dit devient indiscutable car sa prise de parole signifie directement une décision. Il est tellement habile à manier la langue qu'elle est devenue un outil de persuasion parfaite et efficace. Par la parole, Bikokolo convainc tout en imposant ses décisions sans donner le temps aux autres de réagir et de contester. Pour convaincre quelqu'un, Bikokolo use de la sagesse africaine ; mais transformé par le progrès il sait marier dans ses paroles le passé de ses ancêtres et ses propres expériences avec le présent qui est composé de nouvelles choses apportées par les colonisateurs comme l'école.

Mongo Béti n'a pas choisi au hasard le mot bikokolo comme nom du patriarche dans son oeuvre ; ce n'est pas non plus un mot qu'il avait inventé pour la circonstance car c'est un nom qui existe vraiment dans la réalité, plus précisément dans les tribus pahouins au Cameroun. Etymologiquement, bikokolo vient des mots pahouins, kólo qui signifie parler, et kokólo qui veut dire géant, monstre et ogre1. Ces caractéristiques correspondent parfaitement aux caractéristiques du personnage que Mongo Béti a décrit dans le roman. En effet, Bikokolo est à la fois un géant dans son village étant donné qu'il est le patriarche et un monstre de la parole car il sait bien parler et sait manier la langue pour convaincre et manipuler les autres. Et c'est à partir des paroles que Bikokolo a pu convaincre Medza de faire une mission à Kala.

A part le patriarche, nous avons aussi dans Mission Terminée un individu nommé Niam et qui occupe une grande place dans le déroulement de l'histoire. Il est un personnage secondaire dans le roman et il a le plus mauvais caractère parmi tous les personnages. Toutefois, c'est à partir de la présence de ce personnage obscène qu'a pu naître l'aventure de Medza à Kala dont le but est de ramener l'épouse de Niam chez lui. Sans les mauvais caractères de Niam, sa femme ne l'aurait jamais abandonné tout seul, donc il n'y aura pas de mission à Kala pour Medza et le roman serait terminé brièvement.

D'après les éléments contenus dans le roman, Niam lui, est un garçon de trente-cinq ans qui néglige et méprise complètement sa femme. C'est un cousin éloigné de Medza qui est irresponsable et orgueilleux. Fainéant, têtu, il ne fait rien et ne fait qu'à sa tête. Et c'est sa femme qui doit s'occuper de tout, que ce soit du foyer conjugal que des travaux des champs. Il suit rarement les conseils des autres, même ceux du patriarche Bikokolo qu'il a minimisé ; il peut jouer la comédie jusqu'à la fin afin d'obtenir ce qu'il veut et pour faciliter les choses. Par les mauvais comportements que l'auteur a attribués à ce personnage, Niam n'est plus considéré dans le village, il est devenu un être insignifiant aux yeux de tous, même aux yeux de sa femme qu'il a tant malmenée et qui a décidé par la suite de le quitter pour un autre homme dans un autre village voisin de Kala. Toutes ces attitudes du personnage Niam ne sont pas un fruit du pur hasard car le mot niam est l'anagramme du nom Mani qui nous renvoi à un terme pahouin, man, qui signifie petit , donc sans importance, insignifiant comme le personnage Niam2.

Si Niam est un protagoniste ayant un mauvais rôle dans le roman, sa présence dans le roman est quand même essentielle, car il est l'élément perturbateur qui a engendré un problème nécessitant une solution. Et c'est le chemin de résolution du problème qui sera l'origine du déroulement de tout le récit dans le roman.

A part Niam, nous avons un dernier personnage à étudier, un élément clé du roman, « dont l'hospitalité ne se compare à aucune autre » et qui sait tirer profit de tous les évènements qui peuvent se dérouler. Il s'agit de l'oncle Mama. Mama est un paysan de Kala, le cousin du père de Medza, donc son oncle ; il est le père de Zambo, le cousin de Medza. Réputé par son hospitalité, Medza sera hébergé gratuitement chez lui et « seras choyé comme un prince » durant tout son séjour à Kala. Toutefois, après les séances de conférence successives faites par Medza à Kala où il fut toujours récompensé en nature comme en bétails et en volailles, nous remarquons une autre face de l'oncle Mama. S'apercevant très tôt, juste après la première séance, que Medza et ses

2 NDONGO FAME Jacques, L'esthétique romanesque de Mongo Béti, Présence Africaine, 386 p.

conférences intéressaient beaucoup les villageois de Kala, il décida de prendre en main, sans tarder l'affaire en planifiant lui-même, sans consulter Medza à l'avance, l'organisation des futures conférences car pour lui, Medza est une source de richesse à portée de main ; « Fils, [...], c'est ce soir que nous irons voir cette femme qui t'a invité. Il faut que nous allions, elle serait désolée autrement... » (p. 89) déclare l'oncle Mama à Medza pour l'informer du programme qu'il avait décidé. Et après chaque visite, c'est-à-dire après chaque séance chez quelqu'un, on apportait des présents pour Medza chez l'oncle Mama car c'est là où il habite. C'est surtout à cause du faite que c'est l'oncle Mama qui est son tuteur et qu'il a tout planifié à l'avance. Peu à peu, la nouvelle fortune de Medza s'agrandissait de jour en jour qu'il a fallu construire un véritable enclos pour parquer les bêtes données en cadeau. Mais se considérant comme étant le premier investisseur dans cette nouvelle entreprise qui n'apporte que des bénéfices, l'oncle Mama décide d'avoir sa part en consultant Medza en disant : « Ainsi, ce troupeau, ta nouvelle fortune, qu'en feras-tu, neveu ?[...] » (p. 128). Bien entendu, Medza, ne s'intéressant guère à cette fortune, lègue le tout à son oncle. Mais voulant être un modeste affairiste malgré lui, il décida de ne prendre que la moitié du troupeau en ne choisissant tout de même les bonnes têtes en disant : « Ben non, voyons, cher petit neveu. C'est déjà suffisant que tu m'en laisses seulement la moitié. » (p. 128). Nous constatons à travers tout ce qui a été dit sur l'oncle Mama qu'il fait une bonne affaire insidieuse avec l'arrivée de Medza chez lui. Il est à la fois un bon paysan mais aussi un affairiste. C'est normal car chez les tribus pahouins, le mot mama signifie affaires3 ; c'est pourquoi Mongo Béti a associé à ce personnage affairiste qui est l'oncle de Medza le nom Mama.

Toutefois, sans l'initiative de l'oncle Mama à organiser ces séances de conférence, Medza n'aurait pas eu la chance d'évaluer son niveau intellectuel, d'exposer et de mettre en pratique ses connaissances modernes à un public à la fois très intéressé et ignorant, mais surtout il n'aura pas eu l'occasion de connaître les autres et se connaître lui-même.

2- Les femmes

Dans les tribus pahouins, les femmes ne sont que des êtres sommaires qui n'ont aucun droit et sont seulement destinées à la procréation successive, aux durs travaux des champs et travaux ménagers. Tout de même, les femmes que nous allons étudier, telles que tante Amou, la femme Niam, Eliza et Edima ont des significations qu'il ne faut pas négliger dans Mission Terminée.

D'après les éléments apportés par la lecture du roman, Amou est la plus jeune tante de Medza. Ce qui la différencie des autres personnages féminins du roman c'est qu'elle est la seule à être veuve. Son mari étant mort trop tôt, elle n'a pas eu la chance d'avoir un enfant ; et trop touchée par cette mort prématurée, elle n'envisage plus de se remarier avec un autre. C'est peut-être à cause de ces malheureuses circonstances que les autres, plus précisément les hommes, la respectent ; c'est aussi dû à cette exception qu'elle ose défier les hommes car la mort est un sujet sensible pour tous dans le monde.

Etre en âge d'enfanter mais ne pouvant pas en avoir malgré les circonstances, tante Amou est semblable à toutes les personnes étant dans ce cas. Elle est très attentive aux enfants et n'agit que pour leur bien. Nous apercevons cela par le service qu'elle a rendu à Medza (qu'elle considère comme un/son enfant)4 lors de leur rencontre à Vimili où elle amena la valise de Medza sur la porte-bagage de son vélo afin de lui faciliter le trajet. A part cela, on retrouve encore l'intervention de tante Amou lors de la décision prise par le patriarche Bikokolo d'envoyer Medza à Kala afin de ramener la femme de Niam auprès de lui. Face à cette décision, elle n'est pas d'accord et réplique aussitôt en prenant la parole avec une telle violence (ce qui est chose inadmissible pour les hommes : une femme qui prend la parole) pour s'opposer à la décision du patriarche qu'elle juge exagérée et ignoble. Elle attaque aussi Niam, la personne qui est la cause de tout cela. Mais les interventions de tante Amou ne s'arrête pas seulement là. Vers la fin du roman quand Medza, ivre, est de retour chez lui afin d'affronter son terrible père, elle fait savoir, et/ou tente de prévenir ce dernier que son état, l'attitude qu'il adopte ne sont pas trop

conseillés s'il veut voir son père car ce dernier est très furieux contre lui. Elle

dit : « C'est drôle comme tu peux avoir changé, ma petite carpe. Ça c'est drôle, tu n'es plus le même du tout. [...] tu ne te ressembles plus, on dirait un autre

garçon [...] » (pp. 238-239); Et dans deux cas sur trois des interventions de tante Amou, elle ne se fait pas écouter puisque elle, une femme, ne fera jamais le poids face aux hommes même si elle a un peu ce privilège de contrer les hommes et que les autres femmes n'en ont pas. Tout cela pour dire qu'à partir des agissements de tante Amou, on peut affirmer que dans ce roman elle occupe une fonction de régulateur car toujours, elle essaie de régler les problèmes liés aux enfants, surtout Medza, à sa façon. Elle agit par amour pour Medza d'où son nom, Amou, qui est tiré du mot amour dont on a supprimé la lettre [r].

Si tante Amou, elle, essaie de régulariser tout, par contre le deuxième personnage féminin que nous allons étudier est la source même de tous ces problèmes. Il s'agit de la femme Niam.

La première remarque que nous voyons sur ce personnage est que l'auteur ne lui a pas attribué de nom. C'est pour dire, soit elle est une femme mariée donc appartient à son mari, c'est-à-dire qu'elle est la propriété de cet homme, qui n'est rien d'autre que Niam, soit qu'elle ne mérite pas d'avoir un nom, car elle a commis une faute grave et inacceptable, la polyandrie, envers la société. Mais dans cette partie du devoir, nous n'allons pas voir ce personnage sous cet angle car nous allons l'analyser autrement.

La femme Niam est en premier lieu l'objet de mission de Medza. Sans ces incidents, c'est-à-dire l'abandon de sa maison conjugale et sa fuite vers un autre homme à Kala, l'aventure de Medza à Kala n'aurait jamais eu lieu. Elle a donc une fonction de générateur dans le roman ; c'est elle qui a changé le cours de l'histoire d'une société traditionnelle qui vivait tranquillement pour y mettre le désordre. Grâce à elle, le récit a pu continuer et Medza a pu connaître ses propres racines à Kala. Elle est donc à la fois générateur de problème et générateur de reculturation5 du héros dans Mission Terminée.

4 Sur le fait d'appeler Medza fiston et « ma petite carpe ». Voir pp.19 20

5 C'est le retour vers une culture originelle

A part cela, la femme Niam est le symbole de la révolte des femmes face à l'inégalité des droits entre la femme et l'homme dans la société traditionnelle. Dans le roman, la femme Niam se révolte surtout contre le statut traditionnel de la femme qui n'a plus droit à aucune liberté dès le mariage accordé et doit servir et accepter tous les désirs et ordres de son mari. Après le mariage donc, la femme devient en quelque sorte l'esclave de l'homme, et fait ce qu'il veut car elle lui appartient. Son mari peut même chercher une autre femme car le mariage traditionnel camerounais accepte la polygamie (non pas la polyandrie). Pour nous, son acte sera qualifié de revendication des droits, mais aussi de vengeance car elle réclame l'égalité des droits tout en se vengeant des maux que son mari lui a fait subir. Et c'est à partir de tout cela qu'on peut dire qu'elle est l'élément perturbateur de l'histoire. La femme Niam est alors le symbole de la révolte féminine et représente toutes les femmes paysannes subissant cette inégalité de droit. Le troisième personnage que nous allons étudier est par contre la représentante des femmes modernes, c'est-à-dire les femmes de la ville. Il s'agit d'Eliza.

Eliza est une fille venant de la ville et qui est de retour à Kala. Elle n'est pas paysanne comme toutes les femmes du village ; elle et se distingue par sa beauté. De ce fait, tous les jeunes garçons la désirent mais en vain. Elle a posé son dévolu sur Medza; mais elle est trop dominante tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Par conséquent, la timidité prendra le dessus pour notre héros puisqu'il ne se sent pas à la hauteur. Contraire aux paysannes, la personne qu'incarne Eliza nous donne un ref let de ce qu'est une femme de la ville ou plus précisément ce qu'est devenue une paysanne après son passage en ville. Si les autres, c'est-à-dire les paysannes encore rattachées à la tradition, sont qualifiées par l'auteur de filles pures qui « attendent sans savoir exactement quoi », étant donné qu'elles n'ont pas été souillées par les éléments de la modernité, donc encore pures, Eliza, elle, est

parmi « les filles qui savent ce qu'elles veulent et qui se souviennent de ce

qu'elles ont connu ». Effectivement, on ne voyait plus en elle les traits caractéristiques qui font d'elle une fille de la forêt telles que l'innocence et la soumission puisqu'elle a été déjà en contact avec la ville, facteur de

changement, qu'elle est devenue arrogante et hautaine envers ses proches. Même enviée de tous les jeunes garçons de Kala par sa beauté, Eliza restera pour eux une fille inaccessible, car si ses apparences extérieures les attire, l'intérieur, c'est-à-dire sa mentalité, les feront fuir car même Medza, le meilleur parmi eux et un gars de la ville par-dessus tout, a déclaré forfait. Toutefois, la présence d'Eliza dans le roman nous a permis d'avoir un avant goût de ce que peut bien être une fille africaine contaminée par les expériences vécues en ville et de faire la comparaison avec celles qui ne sont jamais sorties de la tradition et de la forêt.

Si telle est la description d'Eliza, la dernière femme que nous allons voir dans cette partie sera Edima, tout l'opposée d'Eliza.

Edima est une jeune fillette âgée d'une quinzaine d'années. Belle comme Eliza, « son corps était un vrai chef-d'oeuvre de la nature », mais ce qui les différencie c'est qu'elle est une petite paysanne qui n'a jamais été en contact avec la ville et qui souhaite quand même y aller. Nombreuses sont les fillettes du même âge qu'Edima mais elle est unique car c'est la fille du chef de village de Kala. Elle est aussi la seule avec qui Medza s'est vraiment sentie à l'aise. Elle incarne les femmes traditionnelles, c'est-à-dire celles qui sont restées dans la brousse. Si on analyse son parcours dans le roman, on peut dire qu'elle est en train de suivre le même destin que les mères de famille. Bien qu'elle et Medza sont unis par l'amour, elle est tout de même « offerte » très jeune à Medza. Comme toutes les femmes, elle aussi n'a pas eu droit à demander son avis si elle voulait épouser Medza ; même leur mariage était inattendu et très brusque que tout le monde était surpris de l'évènement (pp.210-211). Il n'y avait même pas eu besoin de payer la dot pour que Medza devienne son époux puisqu'elle fut offerte gratuitement par son père. Le geste du père est tout de même justifié car pour lui, sa petite fille est « la meilleure de la nichée » (p.215). En plus, son union avec Medza va lui apporter beaucoup de profit ; et sur ce sujet, Zambo déclare « quil est certain d'avoir désormais quelqu'un à la ville pour l'aider plus efficacement dans ses sales combines. Et quelqu'un d'instruit, s'il te plaît. » (p.215). C'est donc une merveille pour la famille car elle va rapporter gros dans les affaires, et pour Medza, Edima est aussi une merveille qu'il n'oubliera

jamais de sa vie puisqu'il déclare lui-même qu'elle est son premier et peut-être son seul amour. Tellement la présence d'Edima a marqué la vie de Medza que tout l'épilogue du roman a été consacré à elle. Ce n'est donc pas par hasard que ce personnage est important aux yeux de tous puisque Edima est un patronyme qui signifie merveille et est le symbole de l'amour et de la pureté.

Si tel est la partie concernant les femmes, que se passe t-il donc au niveau des jeunes ?

3- Les jeunes

Comme les hommes et les femmes, les jeunes ont aussi leur mot à dire dans la société, dans le roman. N'oublions pas non plus que même s'ils sont en majeure partie dépendants de leurs parents, ce seront eux qui assureront la relève mais surtout l'avenir. Elément significatif de la société, la classe des jeunes joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de la société car tout repose sur eux. Donc dans cette partie du devoir, nous allons étudier quelques jeunes dans le roman, surtout des jeunes garçons dont Petrus Fils-de-Dieu, Abraham le Désossé et Yohannès le Palmipède qui forment un trio, Endongolo, Zambo et enfin Medza.

L'adolescence est la période entre l'enfance et l'âge adulte pendant laquelle les jeunes sont en phase de transformation grâce à la découverte et l'exploration de la vie en essayant de tout faire que ce soit bon ou mauvais car c'est à partir de ce point là qu'ils forgeront leur vie future. Et dans le cas du trio, c'est-à-dire Petrus Fils-de-Dieu, Abraham le Désossé et Yohannès le Palmipède, la vie d'adolescent passe sans trop de soucis à faire. A part travailler dans les champs, la majeure partie du temps ils ne font que se divertir comme chercher des filles et/ou boire du vin de palme jusqu'à ce que tout le groupe soit ivre, ou que les réserves et les ressources soient vides, à sec. C'est à cause de cette période transitoire, c'est-à-dire l'adolescence, que les jeunes apprennent tout. C'est comme un temps où la personnalité de l'individu n'est pas (encore) bien définie puisqu'il est dans une phase de sa vie où il se détache petit à petit du passé pour construire sa vie future sans tout autant délaisser complètement le passé. C'est par ce raisonnement que nous allons

démontrer pourquoi les personnages qui composent le trio ont des noms composés mais non pas des noms simples.

Puisqu'ils sont tous dans l'adolescence, ces jeunes là ne sont encore très bien définis, que ce soit au niveau psychologique ou au niveau morphologique parce qu'ils sont en train de se métamorphoser. Tout ce qui les concerne dans cette période n'est que dérisoire et peut changer au fil du temps ; mais ce sera la base, le fondement de l'avenir. Toutefois, il est nécessaire de faire savoir que pendant cette période de l'adolescence, on a deux phases bien distinctes dont le passage de l'enfance vers l'adolescence et le passage de l'adolescence vers l'âge adulte. Dans le cas de Petrus Fils-de-Dieu, Abraham le Désossé et Yohannès le Palmipède, ils sont tous les trois dans le début de la deuxième période de l'adolescence, c'est-à-dire dans la période de passage de l'adolescence vers l'âge adulte.

Si on analyse donc les noms que portent ces trois personnages, à première vue et à partir des données dans le texte du roman, nous pouvons dire que ce ne sont pas leurs vrais noms mais des surnoms. Dans le récit du roman il est bien dit que, pour le cas de Yohannès le Palmipède, il s'appelle Albert Bidzo, mais Yohannès le Palmipède n'est qu'un surnom que les petits enfants emploient pour l'appeler (p. 54). De même pour les autres, comme Petrus Fils-de-Dieu qui n'est qu'un surnom (selon le roman) qu'on lui a attribué après des évènements qui s'étaient produits auparavant (p. 55). Pour le dernier personnage, qui est Abraham le Désossé, ce n'est pas non plus son vrai nom mais un qualificatif qui renvoie à la fois à sa personnalité et son physique (p. 57). Ces surnoms composés, bien qu'ils ne soient pas les véritables noms des individus, ne sont pas seulement de simples désignations ni de simples appellations secondaires, mais contiennent aussi des éléments significatifs qui qualifient l'individu dans un temps donné, tout en mêlant le passé avec le présent.

Concernant le personnage Petrus Fils-de-Dieu, si on analyse les éléments composant son surnom, c'est-à-dire Petrus et Fils-de-Dieu, à partir de ce que dit le roman à son propos, on aura une biographie partielle de l'individu. Globalement, ce surnom nous renvoie et nous donne un des traits

caractéristiques de la personne. La cause de ce surnom, d'après ce qui est mentionné dans le roman, est pour essayer de sauver l'individu de l'enfer et cela dû à ses mauvaises conduites d'auparavant.

Mais si on pousse encore plus loin l'analyse, on trouve que ce surnom représente la croyance en Dieu. Il sous-entend une appartenance de religion monothéiste car deux éléments nous certifient cela dans le récit du roman :

« [...] le père de garçon était catéchiste [...], je crus devoir chercher l'origine [...] dans la profession paternelle.»(p. 55) qui veut dire que ce surnom est en

partie inspiré de la carrière paternelle car cette société traditionnelle évoquée dans le roman n'est pas seulement patriarcale, mais aussi patrilinéaire. Le second élément qui nous permet de certifier l'appartenance du personnage dans une religion monothéiste est la façon d'écrire le mot Dieu. Dans le surnom, le mot débute par une lettre majuscule mais non pas en minuscule. Cela signifie donc que le Dieu dont il est question est le Dieu Créateur des religions monothéistes mais non pas une des divinités des religions polythéistes. Et pour plus de précision sur cette religion monothéiste dont le récit veut nous faire connaître, le premier élément du surnom, c'est-à-dire Petrus, et la profession du père vont nous éclaircir sur ce sujet. La profession du père peut nous donner la réponse à cette ignorance car si dans le roman il est dit que le père de Petrus Fils-de-Dieu est catéchiste, cela veut dire que le père est un chrétien parce que le mot catéchisme signifie, selon la définition du

Petit Larousse 2007, « Enseignement de la foi et de la morale chrétiennes. ». A

part la profession du père, le mot Petrus nous renvoie aussi à la religion chrétienne car il est l'équivalent du nom Pierre chez les tribus pahouins6 ; et Pierre est un des noms des apôtres de Dieu.

Pour Yohannès le Palmipède, il se fait ainsi appeler, surtout par les petits enfants qui veulent s'amuser, parce que selon le texte du roman, « [...] il avait

les pieds non seulement plats mais encore retournés vers l'extérieur. »(p.54), et

surtout parce qu'il est un très bon nageur que même Medza l'enviait, à tel point

qu'il déclara : « J'aurais donné tous les bachots du monde pour nager comme le Palmipède, [...] » (p. 88). A part cela, le surnom de ce second personnage

aurait aussi une similarité avec celui du premier, c'est-à-dire Petrus Fils-deDieu, parce que Le nom Yohannès est un nom pahouin dérivé du nom Jean qui n'est pas d'origine africaine. Ce nom nous permet aussi de savoir son appartenance religieuse car le nom Jean est issu de la civilisation chrétienne.

Le troisième et dernier personnage que nous allons étudier dans le trio est Abraham le Désossé. Selon le roman, il est appelé ainsi à cause de sa souplesse physique, comme qui dirait « [...] était complètement dépourvu d'os. »(p. 57). C'est donc la signification de le Désossé. Pour ce qui est d'Abraham, Medza lui-même ignore la cause de ce choix, et il déclare sur ce sujet : « je ne sais pas pourquoi Abraham plutôt que Moïse ou Nabuchodonosor. » (p. 57). En tout cas, le surnom que porte ce personnage ne reflète pas totalement sa personnalité car à part d'être souple, il n'a rien d'un saint homme, sauf qu'il s'y connaît un peu en religion catholique puisque autrefois il était moniteur et enseignait aux petits enfants le catéchisme.

Si telle est l'étude sur le trio, nous allons maintenant analyser le personnage Endongolo, un jeune garçon qui n'est ni dans le trio ni un ami très proche de la bande de Medza qui est composée du trio , Zambo et Medza. Endongolo lui est dans la fin de la deuxième période de l'adolescence, c'est-àdire vers la fin du passage de l'adolescence vers l'âge adulte. Si on le compare avec les autres jeunes, il est beaucoup plus âgé qu'eux puisqu'il est dans les trentaines, or le trio, Zambo et Medza sont dans les vingtaines. Tout de même, son point commun avec ces jeunes c'est son penchant pour le vin de palme, mais ceci d'une autre façon. Pour lui, le vin de palme n'est pas seulement un moyen pour oublier momentanément les problèmes de la vie quotidienne, mais c'est aussi l'équivalent de la pénicilline qui le soigne de toutes maladies et qui le rend toujours en pleine forme (p. 144).Toutefois, il est plus mature que ces jeunes puisque Medza avait non seulement remarqué qu'Endongolo assistait toujours à ses conférences mais il était très intéressé et posait même de bonnes questions, mettant quelquefois Medza dans l'embarras.

Selon le roman, Endongolo est « [...] un grand garçon un peu rustre, pas très soigné. »(p.141) encore célibataire et vivant seul avec sa petite soeur. Ils sont

6 Alexandre P., Binet J., Le groupe dit Pahouin (Fang-Boulou-Beti), Paris, Institut international africain,

orphelins de père et de mère précocement mais vivent sans l'aide de personne. Cette situation l'a poussé prématurément à devenir un homme responsable, assumant tant bien que mal ses devoirs. Toutefois, ce n'est pas seulement cela qui le rend ainsi mais c'est aussi dans sa nature. Tout ce qui est dit dans le roman caractérisant ce personnage convient réellement à son nom car si on se réfère au sens étymologique, on voit que Endongolo vient du terme pahouin endondon, signifiant svelte et élancé7. Et comme tout enfant grandissant trop vite, comme lui, les capacités physiques évoluent plus vite que les capacités mentales qu'il n'est pas du tout intelligent par rapport à ses aînés, même par rapport à ses cadets.

Concernant Zambo, il est le cousin de Medza et est le fils d'oncle Mama. C'est un jeune garçon très sportif et qui est le grand champion de Kala. Si Medza est unique en son genre, Zambo l'est aussi puisque personne ne peut l'égaler dans le domaine sportif. Tous les jeunes de Kala le considèrent comme un dieu des sports grâce à sa compétence dans ce jeu de sagaie, mais aussi parce qu'il a un corps bien fait, plein de vitalité. Et comme le dit le roman « [...], c'est cette espèce de baobab humain [...] » (p. 41). A part le fait d'être le capitaine d'équipe de Kala, il est très proche du trio et qui prend plaisir à boire du vin de palme et à se livrer à la débauche avec eux. Après le trio, il adore aussi son petit cousin Medza et ne se lasse pas de lui trouver une compagne pendant tout son séjour à Kala. Par conséquent, c'est lui qui arrangera la rencontre entre Eliza et Medza (pp. 102-107), puis entre Edima et Medza (pp. 133-137). Comme tous les hommes de son village, c'est un travailleur qui va aux champs quotidiennement, mais sans vraiment travailler comme tous les jeunes; et sur le fait de ne pas travailler sérieusement, son père dit : « [...], c'est simplement sa faute. S'il travaillait davantage, s'il ne faisait pas tout le temps le mariole, il aurait déjà fini à la cacaoyère et il serait libre d'aller où il voudrait. » (p. 219). Toutefois, lassé de la vie campagnarde et trop attaché à son cousin, il n'hésitera pas à tout abandonner pour s'échapper du village avec Medza et vivre en ville (p.249). Si dans le roman Zambo est représenté comme étant un

Puf, 1958, 152 p.

7 Alexandre P., Binet J., Le groupe dit Pahouin (Fang-Boulou-Beti), Paris, Institut international africain, Puf, 1958, 152 p.

personnage fort physiquement et moralement, c'est parce qu'il a été inspiré de la réalité. Le mot Zambo vient du nom propre pahouin Zombo signifiant résister, affronter8. Effectivement d'après ce qu'on avait dit auparavant, Zambo a ces caractéristiques. A part le fait d'être résistant physiquement qui lui permet d'affronter ses adversaires sportifs, il l'est aussi moralement. Il ne se décourage pas dans sa mission qui consiste à trouver des petites amies pour Medza.

Et à propos de Medza, c'est le personnage principal du roman. Il a suivi ses études à l'école européenne et est vraiment différent des autres personnages, surtout adolescents. Il est unique parce que même étant africain, il n'en a pas l'air que ce soit du point de vue physique que psychologique. L'explication de cette différence et de cette transformation vient du fait qu'il n'avait pas reçu l'éducation traditionnelle des Anciens mais une éducation moderne, c'est-à-dire celle des colonisateurs. De ce fait, Medza possède beaucoup plus de connaissances sur les cultures antiques comme la culture grecque et romaine que sur la civilisation africaine. A tout moment où deux circonstances sont à peu près identiques ou ressemblent au passé, il fait tout de suite une comparaison et nous renvoie dans le passé, c'est-à-dire vers les faits historiques de la civilisation, soit grecque ou romaine. Dans la page 50 du roman par exemple, Medza compare la salutation que leur font les autres à

« une ovation de César au retour de la guerre des Gaules » puisque la victoire

remportée par l'équipe de Kala est pour lui comme la victoire de César sur la Gaule. A part cela, nous constatons aussi que le personnage Medza manifeste un goût pour la discussion, or selon la tradition africaine, les enfants n'ont pas droit à la parole face aux grandes personnes, et ne doit en aucun cas les défier. Medza transgresse cette loi puisqu'il n'hésite pas à donner son point de vue, ses critiques et à étaler ses idées quelque soit son adversaire qu'il soit un Blanc comme le Grec Kritikos ou les hommes du village. Cette transgression n'est pas seulement verbale, comme Medza l'avait fait en prenant la parole au village pour défendre sa cause (p. 29) et face à son propre père pour dénoncer l'injustice qu'on lui impose (p. 245) ; elle est aussi physique. La situation qui peut très bien interpréter ce fait est le duel qui a eu lieu entre Medza et son

8 NDONGO FAME Jacques, L'esthétique romanesque de Mongo Béti, Présence Africaine, 386 p.

père qui commençait par une boxe, et qui se termina par une poursuite de Medza dans tout le village (pp. 246 - 248). Actes inadmissibles pour les grandes personnes, les agissements de Medza envers ses proches auront des impacts sur la vie traditionnelle puisque son père, par exemple, se sentira ridiculisé et humilié devant les villageois, parce que tout le monde va croire qu'il n'est pas capable de bien éduquer son propre fils. Or, c'est le fils qui est devenu un jeune moderne et qui veut, par tous les moyens s'affranchir définitivement de la tradition car cette dernière gène sa liberté personnelle. Tiré du verbe a dza signifiant faire des reproches, et des critiques9, le nom que l'auteur a donné au personnage principal ref lète ces traits caractéristiques. Mais malgré ces défauts, le fait d'avoir acquis des connaissances à l'européenne a permis à Medza d'avoir une place beaucoup plus élevée et importante dans la société. Il est considéré par les grandes personnes comme étant déjà un adulte capable de tout faire, voire surpasser ce que les autres ont entrepris.

II- Les pouvoirs en activité

Si dans le premier chapitre nous avons vu les particularités de chaque groupe de personnes, voire de chaque individu, dans ce second chapitre intitulé « les pouvoirs en activité » nous analyserons la position de chaque groupe par rapport à la société présente dans le roman. Pour cela, nous allons voir en premier lieu « La domination de l'homme », en second lieu « Le pouvoir colonial » et en dernier lieu « Le statut de la femme ».

1- La domination de l'homme

Quand on parle ici d'homme, il s'agit de tout individu de sexe masculin qualifié de grande personne, c'est-à-dire les grands-pères et pères de famille, mais non pas les jeunes garçons encore dépendants de leurs parents.

On constate tout au long du roman la domination totale de l'homme, et cela dans tous les domaines. Tout homme vieux ou ayant fondé une famille est automatiquement respecté par le village tout entier ; et pour mériter cette place honorifique, il était essentiel d'être marié parce que dans la société

9 NDONGO FAME Jacques, L'esthétique romanesque de Mongo Béti, Présence Africaine, 386 p.

traditionnelle « la femme est un signe infaillible d'aisance, comme le frigidaire ou l'automobile en Amérique » (p. 141). Sans la femme donc, l'homme n'est

rien puisqu'il n'a rien et est considéré par conséquent comme un vaurien. Mariés, les hommes deviennent pères et sont chefs de famille; ils font ce qu'ils veulent de leurs femmes et de leurs enfants. Et sur ce plan, ils ont la réputation d'être violents, des tyrans et des dictateurs. Pour se faire entendre, se respecter ou tout simplement pour éduquer quelqu'un, les hommes n'hésitaient pas à maltraiter les femmes et les enfants. Cette violence est déjà un rituel et est incluse dans la culture traditionnelle car si on se réfère à ce que le texte dit

dans la page 237, « [...] chez nous, on se tançait sans arrêt : le père tançait tout le monde, la mère tançait les enfants, [...] Quant aux enfants, les garçons tançaient les filles, et la fille aînée tançait sa cadette [...] ». Cette violence

perpétuelle, surtout au niveau des hommes s'explique par le fait que la société traditionnelle que nous étudions en ce moment s'agit des tribus pahouins. Selon les étymologistes, "pahouins" vient de "m'pawin" et signifie "sauvage". Ils existent toujours entre Gabon, Guinée équatoriale et Cameroun, mais on les appelle aujourd'hui Fang ou Beti ; et jusqu'à présent, ils vivent toujours en véritables enfants de brousse, c'est-à-dire ils passent leur temps à chasser, pêcher, . .., mais surtout aiment ou battent leurs femmes, font la guerre avec les tribus voisines. Toutefois, même avec cette manie de battre, de dominer les autres, il y a toujours le respect entre les individus du même groupe. Le patriarche comme Bikokolo par exemple est l'homme sage du village et exerce un pouvoir absolu sur tous les villageois, même sur les pères de famille. Tous doivent le respecter et lui obéir vu son âge et son statut. Il règne sur tout le village et assurent plusieurs fonctions à la fois comme dirigeant, conseillé et guérisseur, et dans tout cela, ses décisions ne sont jamais contestées par qui que ce soit. Et le pire dans tout cela c'est que cette place, c'est-à-dire chef de village ou patriarche, est exclusivement pour les hommes et se transmet de père en fils, c'est-à-dire par hérédité. Personne ne peut accéder à ce poste s'il est en dehors de la famille du chef, même s'il a le privilège d'avoir pu fréquenter l'école comme Medza (p.116). Et si le patriarche commande tout, les hommes pères de famille (qui sont aussi sous son autorité) eux sont les maîtres dans

leur foyer respectif. Pour l'oncle Mama par exemple, on voit à travers ses comportements qu'il est un homme ferme car il parlait peu et ne riait jamais. Et comme dit Medza sur ce sujet: « ces gens qui ne savent ni n'aiment parler ont un fort penchant pour la dictature » (p.89) puisque lui-même subit cette pression bien qu'il soit choyé à la maison ; l'oncle Mama, sans demander son avis ni attendre une réponse, impose des choses sans que l'autre ait le temps de pouvoir réagir (p.147). Et cette tension entre « père » et fils ne s'arrête pas seulement entre Medza et son oncle, mais continue aussi entre Medza et son vrai père. Medza accuse son père d'être autoritaire, un tyran, un dictateur puisque depuis sa tendre enfance, il ne faisait que suivre les désirs de ce dernier tels que aller à l'école non pas vraiment dans le but de l'éduquer mais pour s'en débarrasser par l'intermédiaire de l'école. Les professeurs constatent cette réalité mais le père s'obstine et défend jusqu'à la fin ses idées en disant : « Oh I De toute façon, que ferait-il à la maison ? [...] Alors qu'il reste à l'école... » (p.231) ; et la mère, plus proche du père, sentait quelque chose qui venait mais ne peut pas intervenir. « Il a une idée derrière la tête, moi je le sais bien, parce que je le connais. »(p.231) dit la mère en guise de protestation face à ce qui se passe. Tellement le père est vu de mauvais oeil par tous qu'il s'est fait qualifier « d'un dieu suprême, un dieu terrible » (p.22 1) puisque tout le monde le craint. A part cela, on sent vraiment cette place élevée de l'homme lorsqu'on analyse ce qui se passe dans la société car à chaque fois ils se mettent toujours à l'écart, de préférence dans un endroit élevé pour affirmer leur supériorité. Par exemple au moment du repas, les hommes mangent à part et ne se mélangent pas avec les femmes qui sont considérées comme des êtres inférieurs (p. 64). Le même scénario se répète aussi lors de la baignade où il est inadmissible pour les sexes masculins que les femmes aient une place en amont et eux en aval car ils doivent/veulent préserver leur statut dans tous les cas. C'est donc ce qui se passe à la page 70 quand les hommes entendirent que les femmes vont chercher une belle place en amont pour se baigner :

«Le mot « amont » produisit un effet véritablement magique.

Les garçons sortirent précipitamment de l'eau, leur visage exprimant

comme un dégoût. [...] les femmes en amont et nous ici ? Ah non, alors... ».

La domination se fait aussi sentir au niveau des jeunes garçons puisque entre Medza et Zambo par exemple Medza se fait très respecter par son cousin alors que Medza est son cadet. Or normalement cela devrait être Medza qui devrait le respecter étant donné que Zambo est son aîné. Medza confirme

même que « [...] le respect dû à un individu est directement proportionnel à son âge [...] » (p.140) mais ce n'est pas le cas ici. « Je suis heureux et surtout honoré de pouvoir te parler aujourd'hui ! Tu ne peux pas savoir. » (p.44) ; Tels

sont les mots de Zambo face à son petit cousin Medza ; des mots qui signifient tant de choses car à travers eux on perçoit la position de chacun, c'est-à-dire de Medza et de Zambo, où Zambo est dominé, tel un subalterne face à son supérieur, et cela à cause du fait que Medza vient de la ville, donc quelqu'un qui connaît beaucoup de choses. Toutefois, si l'intellectuel domine ses proches à cause de ses connaissances, le pouvoir total sera toujours détenu par les vieux puisqu'ils ont les moyens et la chance de l'appliquer vu « le système économique, juridique et coutumier » (p.140) qui les privilégient, ne laissant aucune chance aux jeunes de les rivaliser. La seule chose qu'ils peuvent faire face à cette situation est de se plier comme les autres, sinon se révolter contre le père comme Medza l'avait fait pour se libérer de ce mal. Toutefois cela ne changera rien puisque si lui est libéré, la société elle, n'a guère changé puisqu'elle restera toujours une société patriarcale où « il y a des gens qui ne perdent jamais » (p.254) qui sont les vieux, et où les plus forts voudraient toujours dominer les plus faibles et les moins âgés. Mais dans tout cela, que devient l'autorité coloniale puisque les colonisateurs ont aussi leur place dans cette société traditionnelle ?

2- Le pouvoir colonial

Face à cette société traditionnelle, le pouvoir colonial est très bien organisé bien que sa présence ne soit pas mentionnée directement dans le roman. Le pouvoir colonial se manifeste sous différentes formes, et tout au long du récit on ne retrouvera point un seul Blanc (à l'exception de Kritikos le grec)

qui essayera d'imposer quoi que ce soit à un Noir. La raison en est que les Blancs n'interviennent plus directement dans la vie des Noirs mais sont remplacés soit par des représentants Noirs, soit par des institutions dirigées aussi par des Noirs.

En lisant le roman, on croit avoir sous les yeux une oeuvre où l'on ne retrouve pas de conflits entre Blanc et Noir. Mais après l'analyse du contenu, nous réalisons qu'il y a bel et bien des indices qui révèlent la présence des colons. Comme dit Daniel, l'ami de Medza « Partout où il y aura un Noir, il se trouvera toujours quelque colon pour lui rôder autour. » (p.14).

Dès que l'on aborde le sujet concernant le pouvoir colonial en Afrique, la première chose qui nous vient en tête est la domination des Blancs sur les Noirs et ses conséquences sur les Noirs. Toutefois, l'arrivée des Blancs sur le continent Africain n'est pas toujours néfaste mais peut être aussi bénéfique pour les Noirs. Sans les Blancs par exemples, les pistes ne seraient pas devenues des routes goudronnées, bien que ces dernières soient en très mauvais état au Cameroun comparées à ce que les Belges ont fait au Congo (pp.15-16). Mais comme nous le savons, cette modernisation de l'Afrique traditionnelle par les colons a un but précis qui est de dominer les Noirs sur tous les plans. Et si on analyse très bien cette modernisation, nous constatons et nous nous en rendons compte qu'elle a été instaurée non pas pour aider les africains mais pour qu'ils soient dépendants des Blancs, et surtout pour mieux les maîtriser. Le pouvoir colonial est donc une machine bien rôdée où tout est planifié afin de maîtriser les Noirs. C'est le pouvoir colonial qui oblige indirectement les enfants à aller à l'école, à cesser de cultiver les cultures vivrières pour planter du cacao et du café aux paysans, hommes et femmes, et à dicter au patriarche ou chefs de village ce qu'ils devront faire.

L'instauration de l'école, plus précisément d'un Internat Indigène, est faite pour éduquer les jeunes Noirs afin qu'ils puissent avoir de nouvelles pensées, à peu près identiques à celles des Blancs, c'est-à-dire cartésiennes. Eduquer à l'école donc permet de former les africains dès leurs plus jeunes âges en leur apprenant l'idéal, en traçant leur route et en donnant le modèle qu'ils devront

suivre. Tout cela dans le seul but de faciliter leur manipulation plus tard. Eduquer n'est donc pas le mot adéquat dans ce cas parce qu'on a affaire ici à un vrai lavage de cerveau par le biais de l'éducation venant des colons. Ce lavage de cerveau exercé sur les Noirs, nous pouvons le percevoir à travers ce que Daniel a dit :

« Moi, mes ancêtres furent non point Gaulois, mais Bantous ; ils le sont d'ailleurs restés depuis. Et apparemment, il n'y a pas de raison qu'ils veuillent changer de parti aujourd'hui. » (p.14).

Le bureau administratif, le commissariat de police et la prison (p.18) sont réservés pour ceux qui n'ont pas été transformés par l'éducation coloniale ou qui ne veulent pas suivre ou se soumettre aux normes imposées. La présence de ces institutions à Vimili n'est donc pas seulement d'ordre esthétique pour moderniser le paysage mais a une fonction ré éducationnelle des Noirs afin de préserver l'ordre imposé par les Blancs. Tous ceux qui ont échappé au lavage de cerveau de l'école seront donc corrigés et « normalisés » par ces établissements coloniaux. Ceux des petites villes comme Vimili seront alors sur la bonne voie comme ceux qui ont suivi des études à l'école parce qu'ils ont la police, la prison, et le bureau administratif comme équivalences de l'école. Par contre dans la brousse où il n'y a ni école, ni commissariat de police, ni prison pour marquer la présence coloniale, les Blancs sont remplacés par des Noirs. Ils ont pour tâche de représenter l'autorité coloniale, surveiller, voire espionner leurs proches et surtout faire régner l'ordre selon les lois en vigueur dans le village où ils sont établis. Dans le roman, ces représentants coloniaux Noirs ne sont rien d'autres que le chef de canton pour le village natal de Medza, et le chef de village à Kala. Que ce soit le chef de canton ou le chef de village, tous les deux détiennent une place symbolique dans la société traditionnelle parce que même le patriarche du village comme Bikokolo est sous leur autorité et doit se plier devant eux. Ils sont au sommet de la pyramide et n'ont plus rien à voir avec la vie traditionnelle des villageois. Ils mènent une vie aisée due aux privilèges donnés par les colons comme habitant dans des villas imposantes, mais surtout parce qu'ils se sont affranchis et ne respectent plus la hiérarchie traditionnelle de la tribu (p.34). Ayant donc l'appui des colons et affranchis des

traditions, ils se permettent de tout faire jusqu'à en abuser. Ainsi, ils n'arrêtaient d'harceler un homme que lorsque celui-ci leur aurait fait la promesse formelle de venir à leur rescousse, soit ils vont directement à l'intimidation administrative si les chantages basés sur les sentiments ne passent plus (p.178). Et s'il y a encore quelqu'un qui doute du pouvoir réel de ces gens là, c'est-à-dire du chef de canton et du chef de village, si leur bel habitat et leurs nombreuses femmes ne suffisent pas à affirmer leur richesse et leur supériorité, ils sont prêts à laisser tomber les costumes traditionnels en échange d'un uniforme de chef de groupement avec les galons aux épaules et les décorations sur la poitrine pour faire bien savoir à tout le monde que c'est lui le chef suprême du village (p.183). En tout cas, ils sont là pour remplacer et prendre la place des colons pour les aider à tenir la population bien en main et cela par tous les moyens.

Mais si l'école et la force ne fonctionnent pas à faire convertir les Noirs en de bons citoyens, il reste toujours la religion chrétienne qui est elle aussi importée par les colons et qui est devenue une arme efficace pour transformer l'individu. Toute personne ayant été en contact avec cette nouvelle religion se voit transformé psychologiquement et devient facilement obéissant. Il suffit juste d'attribuer quelque chose avec Dieu pour avoir un résultat immédiat. Nous constatons cela par exemple pour le cas de Fils-de-Dieu qui, s'il veut mériter le ciel devait exécuter strictement les ordres venant de Yohannès le Palmipède comme accourir chaque fois qu'il l'appelle, remplir le verre de Medza chaque fois qu'il sera vide (p.56). Ceux qui ont des connaissances sur la religion catholique seront donc amenés à diriger les autres vers le droit et bon chemin. C'est donc ce qui se passe quand Zambo fut accusé de voler le vin de Le Palmipède. Et afin de convaincre qu'il a tort de voler les biens des autres, le Désossé, le seul qui s'y connaît en terme de religion catholique, fût désigné pour lui faire la morale en usant de son savoir (pp.161 -1 62). La dernière chose importée par les étrangers Blancs et qui pourrait être aussi un instrument pour désorienter les Noirs est l'alcool. Dans le roman, nous avons deux sortes d'alcool dont le vin de palme traditionnel et le whisky américain. Si le vin de palme est pour les Noirs une sorte de médicament équivalent de la pénicilline et pouvant guérir les maladies (p.144), le whisky américain par contre est un

refuge contre les problèmes difficiles à surmonter comme vaincre sa timidité face à la fille que l'on aime (p.190). Mais le pire c'est qu'il peut servir à dévoiler ce qui est enfoui dans la tête puisqu'il rend les gens à demi conscients et leur fait délier la langue petit à petit (p.120).

Mais comment est donc la femme dans cette société où les hommes règnent en maître et où tout le monde est soumis aux exigences coloniales?

3-Le statut de la femme

Dans le roman, nous assistons à une soumission totale de la femme. Elles n'ont pas les mêmes droits que les hommes, et sont réduites à n'obéir et à ne servir qu'aux hommes. Dans une société où les hommes dominent, la place de la femme est très réduite. Epousées très jeunes, comme la femme de l'oncle Mama et comme toutes les femmes, elles vieillissent précocement à cause des maternités successives et des durs travaux des champs (pp.63-64) ; elles sont donc comme des machines agricoles et de procréation. Cependant cette société traditionnelle a vraiment besoin de femmes car ce sont elles qui font les travaux des champs et en même temps elles s'occupent du foyer : le repas, les enfants et surtout le mari à qui elles doivent une totale soumission au risque de se faire battre ; par conséquent la femme joue un rôle important dans la vie de l'homme puisqu'un homme sans une femme à ses côtés n'est rien aux yeux de tout le monde et ne sera pas estimé. L'accaparation d'une femme est donc nécessaire pour l'homme afin qu'il soit estimé et considéré par tous. Elle est alors un bien essentiel pour l'homme mais aussi pour la société (p.141). C'est donc un être précieux bien qu'elle soit marginalisée puisqu'elle est tout et fait tout en même temps. C'est pourquoi le phénomène de polygamie est bien accepté et persiste toujours dans la société car plus un homme possède de femmes, plus il est considéré comme riche et se sent plus puissant ; c'est le cas du chef de canton qui d'après le roman « possédait les six plus belles femmes de la région et s'apprêtait à en acquérir d'autres » (p.34), mais aussi du chef de village de Kala qui est à sa septième femme (p.177). Bien qu'il s'agisse ici d'une union entre deux êtres, on peut dire que leur unification n'est pas le fruit de l'amour parce que tout se passe entre le futur mari et la famille de la fille. Il

suffit que la famille accepte la somme donnée en signe de dot pour acquérir la femme. On peut dire alors qu'une femme est une sorte de marchandise que l'on peut s'acquérir en échange d'une somme d'argent. Plus elles sont belles et bonnes plus elles sont coûteuses, et plus elles sont vieilles et moches, plus elles sont moins valeureuses (p.217). Toutefois si les hommes ont le droit d'avoir plusieurs femmes en sa possession pour son épanouissement, il est interdit de pratiquer la polyandrie et être frivole est lourdement sanctionné. C'est donc le cas de l'épouse Niam qui a décidé de quitter son mari pour aller chez un autre homme. Bien que la cause de son départ soit due aux maltraitances qu'inflige son mari, cette cause n'est pas valable par toute la société puisque une femme doit respecter son mari quelles que soient les circonstances. Par conséquent, si la femme voudrait quitter définitivement son mari pour aller chez un autre, elle doit rembourser toute la dot à son mari, sinon elle doit retourner chez celui-ci et cela par tous les moyens.

La présence de la femme est donc très importante dans la société, mais elle reste toujours un sujet de discussion. Parfois on associe la femme à de mauvaises choses. Tel est le point de vue du père de Medza qui accuse les femmes d'être la source de l'échec de Medza dans ses études. Mais si le père condamne la femme globalement, les autres hommes peuvent trouver des détails sur la femme pour la dévaloriser totalement. Si se parfumer est une coquetterie, une manière de se mettre en valeur pour les femmes, cet acte est perçu et traduit autrement par les hommes. Le fait qu'une femme se parfume est signe qu'elle cache ses mauvaises odeurs pour les hommes. Ils sont même convaincus que derrière ces mauvaises odeurs se cache une maladie vénérienne, maladie la plus grave et la plus crainte de tous (p.106). Donc ici on est en face d'une mauvaise interprétation des choses où une fois encore c'est la femme qui en est victime, et dans le roman cette personne féminine est la fille venant de la ville qui n'est rien d'autre qu'Eliza. Le sort réservé à Eliza est donc la mise en écart, mais ceci est aussi valable pour toutes les femmes bien qu'elles ne soient pas malades. En effet, la séparation de l'homme avec la femme ne s'arrête pas seulement au moment du repas comme nous l'avons dit auparavant, mais elle continue bien plus qu'au-delà. Après une lecture

minutieuse, nous avons constaté que les femmes et les hommes ne dorment pas ensemble dans la même case mais dorment séparément, d'où l'existence de ce qu'on appelle « une case de femme » (p.133) où est entassé le sexe féminin, que ce soit la mère, la grand-mère ou les petites filles. On a donc ici affaire à une ségrégation, voire à du sexisme si on synthétise tout ce qui a été dit au sujet de la femme face à l'homme et une société qui lui donne toujours tort, c'est-à-dire la femme. L'homme n'a aucune estime pour la femme bien que leur sort dépende d'elle. Même à partir des mots employés par l'auteur, on ressent ce mépris envers la femme. L'utilisation du terme coucherie à la page 21 du roman par exemple donne une très mauvaise image et qui sous-entend une perversion totale de la femme ; or ici on a affaire à une simple tromperie, que l'on appelle adultère puisque dans le texte il n'y a jamais eu question de sexe mais juste une femme qui s'était fait charmée par les offrandes d'un « market-boy » (p.21). Ici donc le terme est poussé à l'extrême pour aggraver la situation et discréditer la femme. La femme est donc réduite à accepter sans discuter dans la vie traditionnelle ; celle qui veut protester le fait en silence sous peine d'être battue par son mari. Elle doit donc faire de « l'opposition silencieuse » (p.230) et se réfugier à la cuisine qui est le seul endroit où elle se sentira un peu en sécurité car le mari ne viendra jamais la chercher là-bas pour la corriger (p.246). Toute femme de la brousse est donc condamnée à une perpétuelle soumission mais sera qualifiée de bonne femme, tandis que celles revenant de la ville sont libérées et seront toujours mal vues part tous. Mais que ce soit homme, femme ou enfant, tous doivent faire face à un grand problème qui est en train de toucher leur monde traditionnel : c'est l'acculturation.

DEUXIEME PARTIE

L'ACCULTURATION

La cohésion de deux cultures différentes provoque ce qu'on appelle le métissage culturel qui est le fait de maintenir sa propre identité culturelle tout en adoptant la culture dominante. Mais quand vient le cas où il y a abandon de son identité culturelle pour adopter la culture dominante, qui est celle des colonisateurs, il y a ce qu'on appelle acculturation, et on assiste alors au méfait destructeur de cette cohésion apportée par la colonisation qui est bel et bien réel hélas.

Dans cette deuxième partie de notre travail, notre activité sera surtout consacrée sur l'engagement du roman à propos de l'acculturation. Et pour cela, nous allons voir à travers le roman et à partir de la réalité les causes de l'acculturation dans la première partie, puis ses conséquences dans la deuxième partie.

I- Les causes de l'acculturation

Si la colonisation et la cohésion de deux cultures sont les causes primaires de l'acculturation, les causes secondaires sont multiples et de différentes origines. Parmi ces facteurs, nous allons étudier quelques uns dont l'école ou l'éducation européenne, l'influence de l'être hybride sur les individus, et enfin l'attrait de la ville.

1- L'école ou l'éducation européenne

Comme nous le savons, tout le monde est attiré par toute nouveauté ou toute chose inhabituelle ; et la venue de l'école sur le continent africain, importée par les colons est une nouvelle chose non seulement pour le continent africain mais aussi pour tout son peuple qui vivait encore dans la pure tradition jusqu'à l'arrivée des colonisateurs Blancs. L'apparition des colons européens10 dans leur vie a entraîné tout un changement, et le plus impressionnant est la manière dont s'est fait le passage de leur vie, qualifiée de primitive, vers une vie plus modernisée.

10 Dans Mission Terminée, il s'agit de colons français

Bien avant l'arrivée de l'école européenne en Afrique, afin d'assurer l'éducation de ses sujets, l'apprentissage purement africain et traditionnel existait déjà. Cette éducation était suivie par tous et bien établie car les choses qu'on leur apprenait et qu'ils devaient savoir étaient tous indispensables, nécessaires et utiles à leur vie et à leur survie. Cette éducation est tout d'abord très bien appropriée aux contextes de l'Afrique traditionnelle comme son environnement, sa Culture et surtout les problèmes qui pourront survenir. Cette initiation est un long processus qui débute dès le plus jeune âge de l'individu pour ne se terminer qu'à l'âge adulte. Elle peut toujours se poursuivre tant qu'il est sous l'influence d'un adulte et/ou demander son aide ou conseil comme dans le cas de Niam demandant conseil au patriarche Bikokolo (p. 23). Cette éducation traditionnelle s'est toujours faite de bouche à oreille évoquée directement ou sous forme de mythes, contes et légendes (p. 30) , et surtout, elle est le fruit d'une accumulation d'expériences qu'ont vécues les grandes personnes. Tout le monde est appelé à contribuer à cette éducation ; même les femmes doivent s'y mettre et ce sont elles qui assurent les premières formations de l'individu dès son plus jeune âge. Les apprenants, ici des enfants, s'instruisent tout en aidant ces femmes qui les éduquent, dans les petites tâches ménagères et aux travaux des champs. A partir de l'adolescence, les adultes n'interviennent que rarement sur l'éducation car cette fois- ci elle ne se fait plus qu'entre adolescents de même sexe afin de leur permettre de se découvrir tout en explorant le monde extérieur. Ils peuvent ainsi mettre en pratique et améliorer ce qu'ils ont pu en retenir et devenir responsables petit à petit. C'est le moment de sevrage pour chacun, que ce soit les filles ou les garçons. Les filles elles, apprennent à devenir de bonnes femmes, c'est-à-dire travailleuses, soumises et silencieuses, tandis que les garçons à être des hommes, c'est-à-dire travailleurs, débrouillards et dominateurs. C'est ce que nous apercevons tout au long du passage de Medza à Kala, où il a pu se découvrir et découvrir beaucoup de nouvelles choses à partir des nombreuses aventures en compagnies des jeunes du même age que lui à Kala comme Zambo, Petrus Fils-de-Dieu,...11. Passé à l'age adulte, chacun est prêt à

11 A partir du chapitre II, Mission Terminée

affronter seul la vraie vie, mais toutefois les vieux gardent un oeil sur eux et sont toujours là pour conseiller,informer et à rectifier ce qui ne va pas.

Mais l'arrivée en Afrique des colons, surtout de l'éducation occidentale, a bouleversé cette initiation traditionnelle car fascinés et attirés par cette nouvelle forme d'enseignement,petit à petit les jeunes délaissent cet usage traditionnel pour opter la nouvelle éducation. Et peu à peu, les grandes personnes ne trouvent plus de jeunes gens à qui transmettre leur savoir et leur enseignement car tous se ruent vers l'école occidentale. Commence alors la perte de leur Culture et des coutumes parce que au fur et à mesure que ces jeunes reçoivent cette nouvelle éducation, ils perdront alors tout ce qui peut tourner autour de l'Afrique traditionnelle car ils sont transformés par les disciplines de cette nouvelle école qu'ils ont tendance (malgré eux) à vivre et à penser comme les Blancs ; c'est le cas de Medza, le personnage principal du roman qui ignore tout de ce qui est traditionnel car il est issu de l'école européenne.

Opter pour l'éducation occidentale c'est délaisser la tradition et sa propre culture pour n'apprendre que la culture de l'autre, c'est-à-dire celle des Blancs car cette nouvelle éducation pratiquée et donnée n'a pas été adaptée pour être enseignée aux Noirs mais aux Blancs. Par conséquent, ces jeunes Noirs apprendront les mêmes choses que les Blancs comme par exemple l'histoire de la civilisation occidentale mais non point celle de l'Afrique. Et pour confirmer cela, dans le roman, Daniel un jeune Noir issu de la même école européenne que Medza dit : « Moi, mes ancêtres furent non point Gaulois, mais Bantous ; ils le sont d'ailleurs restés depuis. [...] » (p. 14). Ici on assiste à une prise de conscience d'un individu qui n'a pas encore été totalement converti par l'éducation coloniale, mais plus il sera de plus en plus plongé, plus il saura de moins en moins sur toutes les bases de son existence. Mais le pire, est que le jeune lui- même se rend compte de cette éducation coloniale qui avait pris toute sa jeunesse. Ceux qui ont voulu aller à l'école ont vu leur jeunesse s'envoler car ils n'ont pas eu l'occasion de jouer aux jeux coutumiers que les enfants de même âge qu'eux pratiquaient étant donné qu'ils ne rentraient aux villages que lors des vacances, donc la majeure partie de leur temps, tous restaient à « l'Internat Indigène » (p. 13). Les règlements intérieurs de l'école ne les ont

pas permis cette sortie étant donné que c'est un internat, un établissement qui assure à la fois l'hébergement et la nourriture de tous ses pensionnaires tout au long de leurs études. Ceci arrange tout de même les élèves Noirs habitant dans la majeure partie des cas très loin de l'école car ils évitent le long trajet d'allerretour entre l'établissement et leur village respectif. Par exemple dans le cas du personnage principal du roman, Medza Jean Marie, la distance qu'il devait parcourir pour aller de son village natal à Ongola, la ville où se trouve son école est de soixante kilomètres. Pour le faire en autocar, il lui faut au moins trois heures à cause de l'état de la voiture, des routes qui laissent à désirer et surtout des conditions météorologiques souvent très mauvaises12. Nous constatons donc les difficultés qu'endure le héros pour ses déplacements, ce qui nous emmène à dire qu'il est pénible, voire impossible pour lui de faire un va-et-vient quotidien de soixante kilomètres tout au long de l'année afin d'étudier. Et pour que cela ne soit pas un handicap pour l'enseignement, tout se doit d'être séduisant, fascinant et bien établi à l'avance afin d'attirer et d'inciter les africains à venir étudier dans les écoles européennes. Nous constatons aussi à travers le fait de faire un très long voyage pour pouvoir étudier à l'européenne, la place importante de l'école coloniale aux yeux des Noirs car malgré cette longue distance qu'ils devront parcourir, ils ne se découragent pas et veulent toujours étudier dans l'école moderne.

Tellement tous sont fascinés par cette nouvelle école qu'ils adoptent tout de suite sans même trop réfléchir sur l'avenir de leurs enfants. Avenir qui, déjà est voué à un échec car ayant terminé leurs études, ils ne sauront pas vraiment quoi faire des connaissances et diplômes délivrés par cette école parce qu'ils ne trouveront pas les métiers adéquats.

Etudier dans une école européenne c'est acquérir de nouvelles connaissances et abandonner ce qui appartient à sa propre culture car dans ces établissements, on enseigne tout sauf la civilisation de l'Afrique. Grâce au parler de Medza, on peut déterminer ce qu'ils étudient dans « l'Internat Indigène » comme la géographie, l'histoire (de la France, de la Russie, des Etats-Unis), les mathématiques, ... ; mais à part le fait d'enseigner ces matières

12 « Ce fut une pluie [...] une des averses sous lesquelles les cases, dirait-on, s'enfonce plus

-là, les règlements intérieurs des établissements obligent aussi leurs élèves à avoir de bonnes conduites qu'il faut et qu'ils doivent savoir que dès qu'ils ont adopté cette nouvelle éducation, tous doivent laisser de côté tout ce qui se rapporte à leur tradition et culture. L'école occidentale pousse même plus loin ses exigences en obligeant les élèves Noirs à ne plus parler leur langue maternelle « afin de les soustraire aux influences traditionnelles ». Et « ceux qui sont surpris en train de parler sa langue maternelle se voyait affublé d'une planchette appelée « symbole » sur laquelle était dessinée une tête d'âne, et se voyait privé de déjeuner ... »13. Nous constatons à travers ces mots de A.Hampaté Bâ, (célèbre écrivain Noir dans le monde et spécialiste sur la tradition orale peul), les procédés des Blancs pour éloigner les disciples Noirs de leur culture. Et à part les attaquer moralement en leur interdisant de parler leur propre langue, ils sont aussi obligés de changer leur mode vestimentaire pour adopter à peu près celle des Blancs : se vêtir et chausser de blanc (p.17). On leur apprend aussi à avoir les bonnes manières à table en les habituant à ne plus manger avec les mains mais à utiliser la cuillère et la fourchette. C'est pourquoi pendant l'une des conférences en plein air de Medza à Kala, une femme lui a demandé une chose intrigante. Un jour quand elle viendrait chez lui, pourrait-elle manger dans la même assiette que lui, même si elle ne sait pas tenir une fourchette (p.118), étant donné que les Blancs lui a appris à vivre comme eux à l'école.

Bref, lorsqu'un Noir est sortant d'une école européenne, cette dernière l'a complètement transformé et il aura tendance à (imiter) vivre comme les Blancs. Ils sont effectivement pour lui le bon modèle à suivre car la vie que mènent les Blancs est un signe de réussite et de richesse, non seulement pour lui mais aussi pour le reste des Noirs.

2- L'influence de l'être hybride sur les individus

L'être hybride, c'est-à-dire le Noir est celui qui est issu de l'école européenne, comme notre héros, Medza. Il est appelé ainsi car il n'est ni

profondément dans le sol ». p.14, Mission Terminée

13 A. Hampaté Bâ, Aspect de la civilisation africaine, éditions Présence Africaine, 1972, p.27

africain, ni européen étant donné qu'il a perdu sa propre culture et ne fait que suivre approximativement et bêtement celle des Blancs bon gré mal gré.

L'être hybride issu de l'éducation européenne est en effet une des causes de l'acculturation. G'est un système indépendant où les Blancs sont absents et n'interviennent plus directement aux objectifs qu'ils ont fixés car ils ont déjà cette machine à leur service qui, va réussir là où ils ont pu échouer, qui s'infiltrera sans peine là où ils ont eu beaucoup du mal à passer, dans les arrières pays qui leurs sont difficiles d'accès comme Kala. Aux yeux des Noirs, Medza est vu comme l'école, c'est-à-dire comme étant une nouvelle et la meilleure chose qui leur est donnée dans leur misérable vie car il est très rare de voir tous les jours un jeune Noir éduqué à l'européenne. G'est pourquoi, dans le roman, il est dit : « En fait de garçon instruit et habitant la ville pardessus le marché, [...], devait être une marchandise rare sur le marché de Kala » (p.73) pour montrer la valeur importante d'une personne qui a suivi les enseignements des européens. Medza est qualifié de « marchandise rare » car les garçons comme lui ne sont pas nombreux dans le pays. G'est vrai car ce n'est pas tout le monde qui peut se permettre ce luxe, le fait d'envoyer son enfant à l'école des Blanc. En plus, cela n'est pas gratuit et nécessite beaucoup d'argent durant toutes leurs études, or tous les parents veulent et rêvent que leurs enfants entrent dans une telle école. Get estime des Noirs face à un être Noir éduqué à l'européenne est un signe de réussite pour les Blancs, mais aussi pour les Noirs car si Medza était alors comme tous les jeunes de son âge qui ne fréquentaient pas l'école, il ne serait qu'une personne banale à leurs yeux et ne représentera aucun intérêt pour eux, mais aussi et surtout pour les Blancs. G'est cette spécificité d'avoir pu fréquenter l'école et les Blancs alors qui seront les potions magiques qui vont permettre de changer, transformer la vie de toute communauté où passera Medza car il est toujours considéré comme étant une perle rare, et surtout, un brin de nouveauté qui vient apporter la modernité aux membres de la société traditionnelle comme ceux de son village natal mais aussi ceux de Kala où il effectuera sa Mission.

Il a donc en lui toutes les faveurs et tous les bagages nécessaires pour enculturer14 ses proches par le biais de ses nouvelles connaissances acquises, ses points de vue différents de ceux des autres, sa nouvelle façon de raisonner qui sont très convoités.

La venue, la vue de Medza à Kala et son contact avec ces habitants vont changer le cours de leur vie. Tout le monde est émerveillé par lui dès seulement le premier coup d'oeil, un jeune «gars de la ville» qui est de passage et que l'on ne trouve pas tous les jours à Kala ; tous veulent le voir, l'admirer, le consulter à tout prix que ce soit les grandes personnes ou les jeunes, et chacun y trouve son compte. Les jeunes garçons souhaitent apprendre à lire et écrire comme à l'école, les vieux et adolescents veulent s'informer sur les villes et les progrès, que ces villes soient africaines ou occidentales, et les jeunes filles et femmes, elles, en sont tout simplement fascinées, amoureuses qu'elles sont là dans le seul but de l'admirer et le contempler de plus près. Nous assistons donc au début de l'acculturation à Kala, et si nous entrons dans les détails, nous trouverons que cette transformation de Kala qui semble passagère est bel et bien le commencement d'une acculturation puisque toutes les habitudes coutumières ont été modifiées par l'arrivée de Medza.

Tout Kala est fasciné par la modernité. La venue de Medza, par exemple pour les petits garçons, est une occasion rare dans leur vie de pouvoir apprendre les mathématiques et de sortir de l'analphabétisme en tentant d'apprendre à lire et écrire le français (mais non pas leur langue maternelle) car ils veulent devenir des intellectuels comme Medza. Cependant leurs parents n'ont pas les moyens financiers de les envoyer à l'école, et l'apprentissage traditionnel ne leur fournit pas ces nouvelles connaissances qui les fascinent tant et qu'ils veulent acquérir. C'est comme un rêve qui , brusquement peut devenir réalité pour eux que, même Medza n'a plus de temps libre dans le village étant donné que dès la matinée, il est déjà pris d'assaut par ces jeunes élèves qui ne s'intéressent plus à présent qu'aux connaissances modernes. Le fait de prendre Medza en assaut est déjà un signe de détermination et d'un

14 Processus de socialisation de l'individu qui, par l'éducation, l'instruction, les disciplines du groupe en général, transmettent à chacun des membres du groupe les modèles, les normes, les systèmes de valeurs caractérisant la culture dominante.

désir violent de vouloir apprendre. Ils ne viennent même pas les mains vides et se donnent la peine d'amener avec eux des livres et des ardoises (p.129) pour que cela soit plus sérieux. Si les jeunes garçons sont avides de connaissances et veulent être intellectuels comme Medza, les adolescents eux voudront tout simplement avoir la chance qu'a le « gars de la vile », c'est-à-dire Medza, qui fait un malheur sur les filles de Kala sans même le savoir. Toutes les filles ou jeunes femmes du village sont folles de lui et toutes veulent l'avoir à leurs cotés que ce soit pour une simple aventure ou en vue d'un mariage car il est exceptionnel et très différent des garçons du village qu'elles ont fréquentés qui ne sont que des paysans comme elles- mêmes. Aux yeux de tout Kala, il n'est pas issu de la classe paysanne et n'est pas aussi considéré comme campagnard ; lui ne cultive pas la terre, ne garde pas les bétails, n'est pas pauvre ... mais va à l'école des Blancs pour devenir riche et puissant comme ces derniers. Les amis de Medza l'envient à cause de cette chance qu'il a sur les filles, que ce soit Yohannès le Palmipède, Petrus Fils-de-Dieu, Abraham le Désossé ou tout simplement son célèbre cousin Zambo qui lui déclare : « [...] tu

en as une chance toi : je voudrais être à ta place. », et, « Ce qu'elle doit en pincer pour toi ! [...]. Aions donc, tu le sais bien, que tu plais à toutes les toutes femmes. Pourquoi feindre de l'ignorer ? Tu devrais en être heureux. » (pp.80-

82). Etant ignoré ou négligé périodiquement par le sexe féminin, la seule solution pour eux d'avoir une chance de se faire à nouveau des petites copines face à cet adversaire de taille est d'essayer de côtoyer le plus que possible le héros. Fréquenter Medza est une nécessité pour pouvoir attirer l'attention des filles et pour se faire remarquer, mais c'est aussi un honneur et un atout d'être ses amis car il est toujours à leur disposition pour discuter et se défouler à tout moment . Un grand avantage que les autres adolescents qui veulent l'inviter afin de lier amitié avec lui n'ont pas puisque dans la société traditionnelle, « il

était essentiel d'être marié pour avoir droit aux honneurs et à la considération »

(p.141) or eux ne le sont guère. Donc normalement, ils n'ont pas droit comme les autres adolescents d'avoir le privilège d'inviter Medza qui est un signe d'honneur et que seuls les grands devraient avoir droit avant eux.

Si les adolescents se préoccupent surtout de leur conquête des filles et de leur amitié pour Medza, les adultes eux voient en notre héros une ressource inépuisable de connaissances modernes qu'ils veulent connaître. Avides de nouveauté comme tous, les vieux eux, plus précisément les pères de famille, ne sont pas indifférents à l'arrivée de Medza à Kala ; tous veulent tour à tour inviter notre héros dans leur foyer respectif que dès son quatrième jour passé à Kala, il reçut déjà sa première invitation de dîner- conférence dans une famille. Cela consistait à manger et à répondre aux questions posées par l'assistance. Pendant toutes ces veillées, les questions tournaient toujours autour des nouvelles technologies, le rapport entre les Blancs et les Noirs, mais surtout sur l'école. Toutes les habitudes à Kala ont vu une transformation depuis l'arrivée de Medza car il est de coutume maintenant d'inviter Medza chez soi pour soutirer des renseignements et s'informer. Il est devenu tellement admiré que maintenant on ne jure plus que par son nom (p.74).

Si l'arrivée de Medza à Kala a apporté des transformations au niveau des individus et du groupe même, dans son village natal on assiste aussi à une acculturation du groupe due à son influence que l'on constate à travers et à partir du discours de Bikokolo, le patriarche du village. Si au début, l'idée du patriarche Bikokolo pour convaincre Medza d'aller à Kala était tout simplement

«d'aller se montrer là-bas, d'aller faire peur à ces péquenots [...] » (p.28) , et

quand le héros répliqua à son tour et ne comprit pas pourquoi on l'avait choisi pour une telle mission qu'il croit ne pas pouvoir mener à bout car il n'a pas les critères requis et juge que c'est un problème qu'entre les vieux, non pas les jeunes,15le discours de Bikokolo se précisait, se détaillait de plus en plus et à la fin, pour ne plus mettre Medza dans l'embarras et afin qu'il accepte, le patriarche décide de tout lui expliquer :

« Fils, termina le patriarche, cette histoire-là, lorsqu'on la contera plus tard, après ma mort, c'est toi qui en seras le héros. Mais tu es un homme terrible ! Et tu parles toi aussi avec la voix du tonnerre. Et tu ne soupçonnes même pas ta puissance ! Ta voix du tonnerre, sais-tu ce que c'est ? Tes diplômes, ton instruction, ta

15 « pourquoi moi [...] Quel pouvoir ai-je, moi ?... » p.29, Mission Terminée

connaissance des choses des Blancs. Sais-tu ce que s'imaginent sérieusement ces bushmen de l'arrière-pays ? Qu'il te suffirait d'adresser une lettre écrite en français, de parler en français au chef de la subdivision la plus proche, pour faire mettre en prison qui tu voudrais ou pour lui faire obtenir n'importe quelle faveur ... Voilà ce que s'imaginent ces péquenots chez lesquels nous t'envoyons... » (p.31).

A travers ces paroles, nous voyons déjà l'importance, l'intérêt que suscite un individu ayant suivi l'éducation à l'européenne non seulement aux yeux du patriarche, mais aussi de toute la communauté Noire. Ici l'être hybride, c'est-àdire Medza, est devenu comme une arme de persuasion très efficace et qui devrait faire terreur à Kala. Tellement l'école et ses éléments comme l'être hybride avec ses diplômes et ses nouvelles connaissances, représentent des traits valeureux qu'ils sont devenus une nouvelle force de manipulation, aussi bien chez les Blancs que chez les Noirs. Ces éléments permettent en effet d'imposer et de s'imposer partout sans l'intervention directe des Blancs, et peuvent, sans aucune aide extérieure, vaincre et convaincre une tribu toute entière et faire modifier les règles traditionnelles instaurées depuis toujours qui assurent l'ordre dans la communauté comme la hiérarchie (le fait d'envoyer Medza, un enfant, à la place d'un adulte pour une mission inadéquate), la philosophie16 (le fait de mêler le modernisme du traditionnel dans le discours de Bikokolo). Face à n'importe quelle forme de modernité, le traditionnel ne peut faire que de se transformer à son tour. Et en parlant de modernité, la dernière cause de l'acculturation que nous allons traiter est l'attrait de la ville qui est à la fois signe de modernisme et cause d'acculturation.

3- L'attrait de la ville

La présence de la ville est l'une des causes de l'acculturation. L'exode rural, c'est-à-dire la migration définitive des habitants des campagnes vers les villes accentue rapidement le phénomène d'acculturation car qui dit ville suppose modernité et nouveauté, donc s'oppose totalement à tradition et

16 « il mêlait d'une façon très curieuse les notations réalistes à la légende, (...) » Mission Terminée, p.30

campagne ou « arrière-pays » comme Kala ; or de plus en plus de personnes sont attirées par la ville pour plusieurs causes.

Dans le roman, l'une des principales causes qui oblige les paysans à se déplacer vers la ville est l'insuffisance, voire l'absence d'une infrastructure comme l'école européenne. Ceux qui veulent suivre des enseignements à l'européenne seront obligés de quitter la campagne et devront s'installer en ville car dans la majeure partie des cas, les villages sont éloignés de plusieurs kilomètres de la ville où pourrait se trouver une école. Toutefois, cette longue distance à parcourir ne découragea point les Noirs car

« Des villages de brousse, éloignés de plus de cinquante

kiomètres, arrivaient de tout jeunes enfants, conduits par leurs

parents, pour s'inscrire à une école, n'importe laquelle.» (p.23 1).

Ce voyage de l'individu Noir de la brousse vers la ville signifie tout simplement le passage du traditionnel vers la modernité, mais aussi et surtout de la culture originelle vers une déculturation17 même si son objectif est autre que d'étudier dans une école. Ce qui est sûr c'est que la vie dans cette nouvelle société moderne l'oblige à suivre certaines règles et conventions qu lui permettront de s'adapter dans ce « monde qui ne lui appartient pas, un monde qu'il n'a pas fait, un monde où il ne comprend rien. »(pp.250-251). Plus l'individu a été introduit très tôt dans ce nouvel univers comme le cas des enfants livrés à l'école dès leur plus jeune âge, et y restera longtemps, plus il s'habituera à cette nouvelle vie et l'adoptera pour ne plus rien retenir et/ou se souvenir de sa vie antérieure à la fin ; nous assistons alors à un cas d'assimilation18 que l'on peut retrouver dans les comportements de Medza qui diffèrent beaucoup de ceux qui n'ont pas été en contact avec la ville, ici Ongola, et qui sont restés dans les villages lointains comme Kala. Toutefois, nous ne pouvons pas dire que le village natal de Medza est aussi un village identique à Kala qui suit encore les traditions sans trop de déformations car ce n'est plus un village isolé mais un village rural que l'on appelle milieu détribalisé c'est-à-dire un village qui ne suit plus les règles des tribus, donc plus avancé que Kala.

17 Dégradation culturelle sous l'influence d'une culture dominante

18 Abandon de son identité culturelle pour adopter la culture dominante

Si la recherche d'une école est l'une des raisons qui attire les paysans vers la ville, la ville est aussi le dernier lieu de refuge pour fuir les durs travaux des champs à très faible rendement et les mauvaises conditions de vie. Tous veulent quitter la campagne pour avoir une vie meilleure en ville car cet endroit est pour eux signe de richesse et de réussite, et ils croient surtout que la ville va leur procurer facilement leurs bonheurs ; or ce n'est pas le cas parce que tous paysans n'ayant pas étudié à l'école européenne ignoreront des règles à suivre dans cette nouvelle culture moderne pour avoir un peu de respect envers les autres et afin de vivre sans trop de difficulté. Par conséquent, ils seront voués à un échec et n'auront aucune chance de survivre. Ils seront écrasés car ils sont tout simplement des ignorants aux yeux des Blancs qui détiennent le pouvoir, mais aussi des Noirs éduqués à l'européenne qui veulent aussi avoir une bonne place dans la société. A leur arrivée en ville alors, ils seront tout simplement rejetés, ignorés et mis à l'écart par ce nouveau monde civilisé. Devenu individualistes par la vie en ville, plus aucun lien que ce soit familial ou fraternel ne pourra réunir les Noirs entre eux en ville ; « la communauté du sang » qui depuis toujours liait en bloc tous les Noirs dans une grande et même famille n'existe plus. Tout de même, certains, comme les amis de Medza doutent déjà ce qui pourra leur arriver quand un jour, à l'improviste, ils le rendront visite en vi l le.

Dans le roman, si seul le personnage principal, Medza, est attiré par le charme de la campagne qui est encore pure, intacte, calme, ..., tous les autres que ce soit les grandes personnes ou les jeunes, les hommes ou les femmes sont fascinés par la ville et veulent fuir la campagne. Pour les femmes, cette envie de découvrir la ville est seulement annoncée par la petite amie de Medza, Edima, qui le questionne sur son départ, pour en arriver au but : la ville (p.150). Si cette envie des femmes d'aller en ville s'exprimait par la parole et se faisait indirectement, dans une stricte intimité, chez les hommes, ce désir se manifestait surtout par les multiples invitations et fêtes organisées par les chefs de famille, et aussi par les amis de Medza (le Palmipède, le Désossé, Fils-deDieu et Endongolo) afin de créer ou renforcer les liens qui les unit avec Medza pour qu'ils ne soient pas oubliés par ce dernier. Il y a aussi le cousin Zambo,

qui pour manifester son désir de voir la ville, rendait service à Medza tout au long de son séjour à Kala. Et toujours dans le but de lui rendre service, il décida, sans attendre l'approbation de Medza, de le suivre à Ongola en disant

simplement : « Je viens avec toi, petit cousin ? Je ne peux pas rester seul avec

les vieux. » (p.249) juste après la brouille entre Medza et son père.

La ville attire donc tout le monde, tous sont sûr que là-bas ils vont gagner leur vie. L'arrivée de Medza à Kala est comme qui dirait une sorte de preuve de réussite pour les villageois. Pour devenir comme lui alors, il était impératif de quitter la campagne pour la ville. Tous sont alors désintéressés par la campagne et interrogent Medza sur les boulots que l'on peut faire en ville et s'ils pourraient rapporter beaucoup d'argents (pp.117-118). A partir du moment donc que quelqu'un s'intéresse à la ville, automatiquement il ne pensera plus qu'à gagner de l'argent. Or l'argent est l'une des choses qui détruit l'unité des Noirs puisque même la « communauté du sang » (p.125) n'existera plus car ce sera chacun pour soi. Même en revenant de la ville, la personne ne sera plus la même puisqu'elle a perdu toutes les sagesses ancestrales à cause de toutes les vicissitudes de la vie moderne menée en ville ; cette vie qui transforme quiconque ose s'en aventurer ne serais-ce que pour une simple visite car il suffit juste de voir le contraste entre la ville et la campagne pour être transformé une bonne fois pour toute. Et lorsqu'on a pris goût, il est très difficile, voire impossible de rebrousser chemin car on voit en la ville l'idéal.

II- Les conséquences de l'acculturation

A partir des causes que nous avons évoquées, nous pouvons en déduire que l'acculturation est un mal pour l'Afrique et qui prolifère sans bruit Nous allons voir les changements engendrés par l'acculturation qui touchent non seulement l'individu mais aussi l'environnement social et surtout la culture.

1- La perte de l'identité

La conséquence de l'acculturation sur l'individu est phénoménale car elle attaque directement la psychologie de la personne et on assiste soit à une perte partielle de son identité, soit à une perte totale. Mais dans tous les cas, la

victime est toujours entre deux cultures différentes, africaine et européenne, et soit il se balance entre la culture des colonisateurs et sa propre culture, soit il est complètement désorienté et étranger aux deux cultures qu'il ne saura plus vraiment où est sa vraie place dans la société traditionnelle ou moderne. Qu'ils soient grands ou petits, hommes ou femmes, tous ont tendances à changer de mode de vie, et dans ce roman de Mongo Béti, on assiste à une déculturation19, mais aussi à une reculturation qui est le retour vers une culture originelle.

Parmi tous les personnages du roman, Medza est le plus touché par cette perte de l'identité puisqu'il est allé en ville et cela depuis son plus jeune âge pour étudier dans les écoles coloniales. Par rapport aux jeunes de même âge que lui mais qui sont restés dans la brousse, il est bel et bien très avancé intellectuellement car il a passé toute son enfance et toute son adolescence à étudier. Du coup, il n'a plus eu le temps de savourer sa jeunesse parce que l'école l'avait tout pris. Il n'était donc en contact avec la vie traditionnelle que rarement, plus précisément pendant les vacances où il rentrait chez lui, d'où le fait qu'il ne comprenait que peu de chose de cette vie. Medza n'a plus rien à voir avec un africain, sauf sa couleur, et se comportait exactement comme un Blanc. Si un africain se réservait en signe de respect face à un aîné qu'il soit Blanc ou Noir, Medza lui n'a aucun complexe devant les autres et ose les tenir tête jusqu'au bout. C'est ce qui s'est passé entre lui et Kritikos le grec qui tout le long du trajet vont discuter, ce qui est chose inimaginable puisque ce n'est pas tous les jours que l'on puisse voir un petit Noir s'engager dans un débat avec un Blanc (p.16). Son geste est même poussé jusqu'à l'arrogance puisqu'il se croit tout permis avec ses connaissances et prend la parole au village pour défendre sa cause. Dans le roman, c'est lui le seul jeune ayant osé faire cet acte, et le plus étonnant c'est la réaction des grandes personnes, plus exactement des hommes, face à ce qu'il avait fait. Comme nous le savons, les femmes et les enfants n'ont pas droit à la parole dans cette société, et toute personne transgressant cette règle sera sévèrement punie ; or ils se sont laissés faire sans aucune réaction violente de leur part. On assiste donc ici à un commencement du non respect de la tradition dans les deux camps, c'est-à-

19 Dégradation culturelle sous l'influence d'une culture dominante

dire chez les jeunes et chez les adultes. Si Medza ne suit plus les règles, les grandes personnes eux déforment cette sagesse traditionnelle afin de tirer des profits personnels. L'amitié, la fraternité sont devenues par exemple des moyens pour faire d'une personne ce que l'on veut, autrement dit comme un chantage. C'est ce que le chef de village de Kala fait lorsqu'il a besoin de quelque chose auprès des autres (p.178). Le père de Medza lui joue sur la générosité pour avoir des bénéfices en prêtant son argent à ceux qui en ont besoin mais qui n'en ont pas. Ne pouvant pas rembourser, l'équivalent de la somme est rendu soit sous forme de grand service à longue durée indéterminée en travaillant au champ de cacao, soit le père de Medza usait du troque en prenant les bétails à prix cassé (solde) en échange de la somme due pour être revendus au prix élevé en ville (pp.233-234). Toute la mentalité des Noirs est alors en train de se transformer à cause de leur ambition démesurée. La fierté n'est plus alors d'être un simple Noir, mais être un Noir vivant et ressemblant aux Blancs que ce soit au niveau professionnel ou intellectuel car être comme un Blanc c'est l'idéal, c'est automatiquement avoir réussi sa vie, tandis que rester en tant que Noir conservateur sous-entend tout le contraire. Il est donc impératif de changer de mode vie si l'on veut réussir dans la vie et devenir riche. C'est la raison pour laquelle les parents poussent leurs enfants « comme on pousse des troupeaux vers un abattoir » (p.23 1) vers les établissements coloniaux afin qu'ils puissent bénéf icier de tous les atouts pour réussir leur vie. Dès qu'ils optent pour ce chemin, une partie de leur identité s'effaceront pour faire place à une nouvelle qui est l'opposée de l'autre. Tel est le prix à payer pour vouloir réussir sur ce chemin et par conséquent, chacun agira selon l'enseignement qu'il a reçu. Ceux qui choisiront l'école comme Medza seront amenés à obéir et agir selon les disciplines de l'enseignement en appliquant non plus la pensée et la logique africaine mais uniquement la logique cartésienne. Les autres qui n'ont pas choisi la voie de l'école iront vers l'armée où ils se soumettront à tous les ordres qu'on leurs donneront. Dans cette institution, on obéi sans penser ni discuter ; la seule chose à faire c'est exécuter les ordres de son supérieur sans se poser de questions. La raison n'a

pas sa place dans l'armée surtout pour les simples soldats non gradé qui sont en majorité des Noirs car leur situation ne le permet pas.

Si le Noir n'est pas rentré ni à l'école ni à l'armée, il lui reste encore la voie du Seigneur, c'est-à-dire la religion chrétienne. Ici aussi il n'est pas question de discuter puisqu'il n'y a rien à discuter concernant Dieu. Le Noir est conduit à aller vers le bon et le droit chemin en adoptant la religion chrétienne qui est monothéiste et en laissant complètement tomber leur religion traditionnelle qui est polythéiste. La religion importée apparaît comme un moyen de persuader les populations d'accepter le nouvel ordre que le colonisateur leur impose par l'intermédiaire de Dieu. La personne est donc transformée par la foi, et là encore il ne sera plus comme les autres puisqu'il va aller à l'église et sera qualifié de chrétien croyant et/ou religieux.

Toutefois, si on avait développé que l'acculturation provoque la perte de l'identité par l'influence d'une autre culture, définit par déculturation, elle peut aussi entraîner la reculturation mais cela par la volonté de l'individu.

Comme on avait mentionné auparavant, Medza est le personnage le plus acculturé dans le roman puisque lui avait habité en ville et a fréquenté l'éducation européenne. Mais lorsqu'on analyse le parcours du héros, on constate que son voyage à Kala pour retrouver et ramener l'épouse Niam n'est qu'un prétexte ; sa vraie mission est en fait de rechercher et de retrouver sa vraie identité qu'il avait perdue à cause de l'école. Grâce à son voyage à Kala, il a pu, par exemple, pour la première fois fréquenter des adolescents de même âge que lui tout en découvrant la joie de vivre dans la jeunesse, c'est-à-dire goûter (pour la première fois) à tout comme le sexe, l'alcool et les fêtes entre jeunes. Même sous la forme de débauche, Medza a pu savoir ce que c'est la solidarité entre ami ; mais cette solidarité est poussée encore plus loin avec ses entretiens avec l'oncle Mama (pp.124-1 26) car il y a encore ce qu'on appelle la « communauté du sang » qui lie involontairement tout le monde par le sang même sans avoir un seul lien de parenté. A part la solidarité, à Kala, Medza a vraiment su ce qu'est l'hospitalité des gens de l'arrière pays, surtout celle de l'oncle Mama qui d'après Bikokolo « [...] ne se compare à aucune autre ; [...] » (p.31). Effectivement, Medza ne manqua de rien, surtout au niveau de

l'alimentation, pendant son hébergement chez l'oncle Mama. Cette hospitalité envers Medza est aussi perçue chez les autres familles bien qu'elle se présente sous la forme d'invitation dans le but de se faire considérer par les autres puisque inviter Medza chez soi, avoir un hôte intellectuel est devenu un grand honneur (p.122) car il est très estimé et est considéré comme un dieu favorable, que l'on ne jure plus que par son nom dans chaque foyer (p.74).

C'est aussi à Kala que Medza a pu découvrir ce qu'est vraiment la vie à la traditionnelle, différente de ce qu'il a vécue en ville. Pendant tout son séjour, il a pu observer la vie quotidienne et monotone des villageois qui se résumait à travailler les champs à la machette du matin jusqu'au soir pour vivre. Toutefois même si c'est une dure vie, Medza en est fasciné car comparé à ce qu'il a enduré en ville, la vie à la campagne n'est rien ; pour lui, elle est le symbole de la pureté, le dernier paradis sur Terre car elle est encore éloignée de la modernité et de ses problèmes. Mais Kala ne va pas échapper à cette modernisation ; un commencement de déformation de la culture originelle est déjà aperçu.

2- Déracinement culturel

La venue de la culture européenne dans la vie des africains a transformé beaucoup de choses. Dans le roman, deux domaines bien distincts sont touchés par cette transformation dont l'éducation et le mariage.

Depuis l'introduction de la culture européenne en Afrique, l'éducation n'est plus la même car elle subit aussi la pression venant de la culture dominante. Comme nous l'avons mentionné auparavant, les parents sont de plus en plus intéressés par l'éducation européenne et ont tendance à délaisser l'éducation traditionnelle. Les parents se tuent à tout faire pour pouvoir envoyer leurs enfants dans une école coloniale. Par conséquent, dans les brousses, les vieux ne trouvent plus d'enfant à qui transmettre leurs précieux savoirs qui se transmettaient depuis toujours de bouche à oreille. Or les connaissances acquises venant de l'école coloniale n'ont rien à voir avec celles délivrées des vieux du village et ne sont d'aucune utilité à la réalité de l'Afrique sauf si, plus tard, le jeune est admis dans une institution.

Si auparavant donc les enfants se cultivaient à partir des conseils des vieux, dans le roman, il n'en est plus de même car l'arrivée de Medza à Kala va changer le cours de l'histoire. Complètement désintéressé des vieux, les enfants se ruent vers Medza pour apprendre à lire, à écrire et à faire les quatre opérations. Tellement ils ont soif de nouvelles connaissances qu'ils se sont amenés avec les matériels nécessaires comme des livres et des ardoises, et ne laissant aucun répit à Medza car dès la matinée il étais pris d'assaut (p.129). L'élève qui a échoué à son examen de baccalauréat est donc devenu un enseignant arrivée à Kala, et est toujours considéré comme le grand intellectuel du village. A partir de ce fait, c'est-à-dire enseigner les enfants, nous pouvons dire que Medza a pris la place des vieux en leur prenant le rôle qu'il leur été attribué depuis toujours face aux enfants. Les vieux sont donc temporairement remplacés par Medza dans le domaine de l'enseignement et ils se laissent faire. Si les enfants veulent s'instruire, les grandes personnes eux sont aussi comme eux parce que malgré leur âge, ils sont toujours avides de connaissances et sont surtout curieux de savoir ce qui se passe en dehors de Kala ; C'est la raison pour laquelle Medza se fait toujours inviter par les pères de famille de Kala. Tous les jours, les conférences de Medza s'ensuivent chez différentes familles, et à chaque fois il y a toujours plein de monde, l'auditoire gagne en nombre et en variété puisque tout le village est mobilisé par la situation ; on voit de plus en plus des jeunes gens, des enfants et même des femmes. Tout cela pour dire que tous, sans exception, sont intéressés par les informations (nouvelles pour eux) apportées et développées par Medza. Nous pouvons justifier cela quand Medza était en train d'exposer à l'auditoire la Russie. Tous étaient intéressés sur le sujet que tout le monde enviait le mode de vie des russes, chacun donnait leur point de vue sur le sujet et rêvait d'avoir la même vie qu'eux (pp.98-100). Si face aux enfants Medza est devenu le maître, face aux grandes personnes, il est devenu en quelque sorte le patriarche, le chef de village puisqu'il est écouté de tous. Medza occupe donc une place spéciale dans la hiérarchie traditionnelle à Kala puisqu'il est placé audessus de tous alors que sa situation matrimoniale ne devrait pas le permettre d'avoir ce privilège. Medza était donc comme le patriarche aux yeux des

villageois, et le plus impressionnant c'est que même le chef de village éprouve un grand respect envers lui et le considère comme son supérieur. Lors de la cérémonie de mariage du chef par exemple, le chef s'est donné la peine de recevoir en personne l'oncle Mama, Zambo, mais surtout Medza, qui sont considérés comme d'importants invités d'honneur. Comme dit le texte sur ce sujet :

« A notre entrée, le chef se leva avec empressement et vint à notre rencontre, comme si nous avions représenté auprès de sa majesté une grande puissance digne de toutes les préséances. [...] les gens s'étaient tus en nous voyant arriver. Le chef me promena à travers la salle et me fit toucher la main de tous les assistants [...] »

(p.183).

Et pour montrer qu'il a affaire à d'importants personnages, le chef est même allé jusqu'à donner les meilleures places à ses invités de marque, et veilla à ce qu'ils ne manquent de rien. Et en parlant de mariage, on constate aussi qu'il n'est plus le même depuis l'arrivée de la culture occidentale en Afrique.

En Afrique, la polygamie est de tradition. C'est pourquoi, dans le roman on retrouve des hommes qui ont en leur possession plusieurs femmes comme le

cas du chef de canton qui « possédait les six plus belles femmes de la région et s'apprêtait à en acquérir d'autres » (p.34), et le chef de village de Kala « qui venait d'épouser une femme - sa septième [...] » (p.177). Et entre ces femmes

qui ne se partagent qu'un seul homme, tout va pour le mieux, elles vivent en parfaite harmonie et aucune ne s'en plaint de sa situation, aucune ne songe au divorce, du moins avant l'arrivée des Blancs. C'est donc à partir de la venue des Blancs que tout a changé car si auparavant aucune femme ne quittait son mari, dorénavant on voit des cas de divorce. D'après le roman, les Blancs ont décrété, en imposant leur loi tout en intégrant avec, une partie de la tradition africaine que, désormais « [...] une épouse pouvait quitter son mari - à la condition toutefois de lui rembourser sa dot. » (p.208). C'est ce qui s'était passé pour l'épouse Niam qui avait quitté son mari pour un autre. Et pour être en règle envers la loi et surtout aux yeux des villageois, l'amant doit payer la dot qui

s'élève selon la loi à deux mille francs pour avoir pris la femme de Niam ; c'est donc là la partie imposée par la loi coloniale, mais elle peut changer car si l'amant n'a pas les moyens de payer en espèce, la somme sera remplacée par quatre gros béliers ou deux jeunes brebis : c'est le règlement traditionnel qui est mis en vigueur ici. Avec tout ce qui a été évoqué donc, on peut dire que le mariage, voire les femmes ne sont plus les mêmes, car l'arrivée de cette loi, d'après le chef, « rend les femmes désobéissantes, mauvaises épouses » (p.208) car plus rien ne les retiennent et elles peuvent quitter leur mari à tout moment. Le mariage s'est donc modernisé avec la venue de cette loi ; mais ce qui n'est pas évoqué dans le roman alors que le cas existe bel et bien dans la réalité c'est que lors du mariage, le maire demande aux époux quelle option ils choisissent « Polygamie ou Monogamie ». L'option choisie est alors inscrite sur l'acte de mariage. Si le couple choisi la monogamie, l'homme n'a plus le droit d'avoir une autre femme, tandis que si le choix est la polygamie, il a le droit d'épouser d'autres femmes. Et puisque tout se tend à se modifier et à se moderniser, l'environnement est aussi en train de changer de forme.

3- Changement morphologique des milieux

L'acculturation ne touche non seulement l'individu et les pratiques mais est aussi présent dans l'environnement. Dans le roman, on retrouve trois sortes d'environnement qui sont les milieux avancés, représenté par Ongola, puis les milieux ruraux symbolisés par Vimili et le village natal de Medza, et enfin les campagnes, vues à travers Kala.

Au fur et à mesure que la modernité avance, il y a toujours des changements qui s'opèrent un peut partout. Ainsi on constate de grandes différences entre ces trois lieux cités tout à l'heure. Plus l'endroit est avancé et modernisé, plus il n'a plus rien à voir avec les milieux typiquement africains ; plus il est éloigné de la modernité plus il est intact. Les milieux ruraux comme Vimili et le village natal de Medza sont des endroits intermédiaires, c'est-à-dire en voie de développement, où petit à petit tout va se modifier comme les pistes qui deviendront des routes goudronnées (p.18) ou les cases qui se transformeront en villa (p.34).

Si l'on procède par gradation, Kala est l'endroit le moins acculturé des trois puisqu'il est le plus reculé des trois. Le village le plus proche de Kala est à trente cinq kilomètres ; c'est celui de Medza. D'après le roman, du village natal de Medza à Kala, il fallait faire « vingt kiomètres sur la route et une quinzaine sur une piste dans la forêt » (p.33). Nous pouvons donc déduire à partir de cette information que Kala est difficile d'accès vu l'état des routes (pp.14-17), et bien loin puisqu'il fallait encore quitter cette route et emprunter une piste, plus précisément un sentier, qui n'était pas aussi mauvais mais qui s'enfonçait dans la forêt quand même(p.36). On sent alors un changement de décor qui se résume par le fait de quitter le monde civilisé pour aller vers le monde sauvage. Et pour appuyer l'idée que Kala est encore presque intact, la description du village à la page 50 du roman nous renseigne de son état général car elle contient des éléments de justification comme le fait que Kala est fait de cases mais non pas de villa, l'absence totale de route, et surtout la présence de forêt immense qui entoure le village tout entier qui donne une sensation d'isolement totale du lieu. Le seul détail qui vient troubler ce milieu et qui est la marque de l'acculturation c'est la présence de champs de cacaoyer dans le décor. La majorité des paysans de Kala ont cessé de cultiver les cultures vivrières pour planter du cacao à cause de l'économie due au pouvoir colonial.

Si le cacao est donc le signe d'acculturation à Kala, il en est de même pour le village de Medza car n'oublions pas que c'est même son père qui possède la plus belle et le plus grande cacaoyère du pays (p.232). Les cases sont aussi de moins en moins nombreux et sont remplacées par des maisons plus modestes comme celle du chef de canton (p.34). La présence de route, bien qu'elle soit en mauvais état, est un indicateur de changement, de modernisation et d'acculturation puisque sur et certain qu'auparavant, à la place de cette route c'était une piste, identique à celle qui mène à Kala. Le chef de canton et Medza sont aussi des signes de changement morphologique du village parce que tous les deux ne peuvent pas se fondre dans le décor (traditionnel) car ils sont les personnages les plus modernisés par les colons. C'est le seul village dans le roman qui est dirigé par deux personnes dont le patriarche et le chef de canton ; il a aussi le privilège d'avoir un jeune ayant

étudié à l'école des Blancs. Toutefois, éloigné seulement de dix kilomètres de Vimili (p.18), ce village n'est pas encore plus avancé que ce dernier car Vimili possède plus de choses que la route dans son environnement.

Concernant Vimili donc, elle est la plus proche de la grande ville d'Ongola par rapport au village natal de Medza et à Kala ; Vimili est à cinquante kilomètres d'Ongola (p.14). Et comme dit Medza, « c'est la ville de mon pays » (p.18). Pour qu'un lieu soit donc qualifié de ville, il suffisait juste qu'il soit comme Vimili, c'est-à-dire avoir « un marché, quelques boutiques rudimentaires où les paysans des environs venaient s'approvisionner de temps en temps. », et sans oublier « le bureau administratif, le commissariat de police et la prison » (p.18). Vimili est donc un lieu de rencontre et de passage obligatoire pour tout le monde car la route principale passe par cette ville, et c'est le seul endroit à la ronde où l'on peut s'approvisionner en nécessaires puisqu'elle possède un marché et des boutiques. Ici donc, il n'est plus question de forêt ni de camps de cacao, ni de cases en guise de foyer car on a affaire à un endroit où se déroulent les échanges commerciaux entre vendeurs et acheteurs.

Ongola est le plus moderne de tous. C'est la seule ville où l'on peut trouver la chose la plus convoitée par les parents pour ses enfants et qui n'existe ni à Vimili, ni à Kala, ni au village natal de Medza : c'est l'école coloniale. C'est la ville que l'auteur ne s'est pas du tout donné la peine de développer dans le roman. A titre d'information sur le sujet, il n'a consacré qu'une ligne dans la page 14 du roman pour la situer géographiquement par rapport au village de Medza : « [...] la soixantaine de kilomètres qui séparaient Ongola de mon village. ». Tout de même, on peut estimer la valeur d'Ongola par rapport aux autres villes grâce à la présence de l'école qui est une institution très importante dans la société et que l'on ne peut trouver que dans les grandes villes ou dans la capitale. Il est fort possible donc qu'Ongola représente la capitale dans le roman car la plupart des cas, on ne peut trouver que dans la capitale les établissements à études secondaires comme les lycées.

TROISIEME PARTIE

LA CREATION LITTERAIRE

Dans cette dernière partie de notre travail, nous allons voir comment est traduite la réalité à travers les mots employés par l'auteur, par conséquent, la linguistique sera mise à contribution pour tester la validité de nos hypothèses. Afin de bien partitionner les idées, nous allons étudier dans le premier chapitre s'intitulant « l'oeuvre et l'auteur » le style de l'auteur, et dans le second, s'intitulant « l'oeuvre et la réalité » les rapports qui peuvent exister entre ce qui se passe réellement et ce que l'auteur raconte dans son livre.

I- L'oeuvre et l'auteur

Dans ce chapitre, nous allons décortiquer la façon dont l'auteur utilise les mots et les figures de styles pour donner vie à son oeuvre. Pour cela, nous allons étudier en premier lieu « les procédés stylistiques » puis en second lieu « la description » afin de connaître le mécanisme de traduction de la réalité à partir des mots.

1- Les procédés stylistiques

Dès le prologue, qui est un ensemble de répliques (chaque élément du dialogue), plus exactement de tirades (une réplique longue), le narrateur expose un point de vue omniscient : il donne une connaissance totale non seulement des faits mais aussi de ce que peuvent penser et ressentir les personnages.

Dans ce prologue se trace une gradation qui pousse le lecteur à imaginer déjà un drame comme dans la page 9 qui dit : « [...] tous mes souvenirs se

désagrègent, se liquéfient et finalement s 'estompent au soleil [...] remplit les vide, m 'envahit, m 'imprègne. ».

Les comparaisons citées dans cette partie donne au lecteur des images qu'il va voir à travers le récit. Le chapitre premier, quant à lui, dès les premières pages montre la richesse de l'oeuvre en comparaisons et en métaphores. A la

page 14 par exemple, « cette immense outre toujours pleine : le ciel de chez nous » de même plus loin, à la page 211 « [...] comme un animal élémentaire, comme une fleur tropicale aux premier rayons du soleil. ». Souvent les

métaphores sont suivies d'une gradation ascendante prouvant ainsi le point de

vue du narrateur : « une pluie drue, agressive, furieuse, interminable [...] » qui abouti à un comique de situation : « [...] une case, dirait-on, s'enfonce plus profondément dans le sol. ", ou encore « notre véhicule, longue case roulante, s'embourba aussi longtemps qu'il le put. ». A coté des métaphores et comparaisons, l'auteur utilisera l'humour et l'hyperbole pour montrer le coté polysémique de l'oeuvre. A la page 68 par exemple, l'hyperbole qui amplifie les termes d'un énoncé afin de mettre en évidence un objet ou même une idée, montrera un pénis qui pourrait devenir « aussi longue qu'un serpent bananier et aussi volumineuse qu'un python ! ». Cela traduit ce qui est humoristique dans l'image que l'hyperbole nous renvoie : que les africains ont et aiment les gros pénis, ce qui serait difficile pour un Blanc « [...] qu'il l'a trop petite " parlant ainsi de Medza vu que ce dernier est considéré comme quelqu'un qui ressemble à un Blanc.

Un autre procédé stylistique est mise en évidence à la page 90 : « non, ils ne sont ni plus ni moins intelligent, ils sont tout juste comme nous. ". La deuxième partie de cette phrase prononcée par Medza essaye de dissimuler un caractère déplaisant des enfants noirs. L'expression de l'idée est comme atténuée : le procédé que l'auteur utilise ne peut alors qu'être l'euphémisme.

Ces quelques exemples nous en permis de constater la richesse de l'oeuvre en figure de rhétorique.

Deux phrases peuvent dire la même chose mais n'appartiennent pas forcément pas au même registre de langue. En effet, tous les utilisateurs d'une même langue ne communiquent pas de la même façon. Ainsi tante Amou et la jeune soeur de Medza s'expriment dans un registre familier quand elles étaient avec lui (pp.19-20). Ceci s'explique par l'âge des deux interlocuteurs et les liens qui les unissent : « je crois bien qu'il projette de te roser, dit la frangine en riant. » (p.239). mais l'auteur utilisera d'autres registres de langue selon le ton qu'il va donner à ses personnages. En effet, le langage permet à lui seul de situer socialement le personnage et même parfois de le caractériser psychologiquement. La page 111 nous donne un exemple de registre vulgaire : ils sont entre copains. L'oncle Mama, suivant ses interlocuteurs, usera soit du registre courant : « est-ce que tu te portes bien petit neveu ? " (p.63), soit du

registre soutenu : « nous nous rendrons donc tout à l'heure chez le chef [...] écoute seulement pour t'instruire. » (p.205). Le verbe se rendre est plus élégant que le verbe aller, de même que s'instruire à la place d'étudier. Une petite remarque s'impose ici : le registre soutenu utilise très souvent le vous de politesse, or dans le roman, il semble que l'auteur n'utilise pas ce pronom mais que le registre soutenu se sent à travers les mots prononcés et surtout dépend de l'interlocuteur. A la page 207 et 208, quand le chef prend la parole, on est comme dans un tribunal, tellement les termes qu'il utilise sont presque autoritaires bien qu'il n'utilise aucun vous de politesse. Ce mélange de divers niveau de langue produit chez le lecteur un effet de surprise et quelquefois de drôlerie « [...] j'en ai assez des vieilles gonzesses. » (p.111). En résumé, l'utilisation de tel ou tel registre de langue dépend de :

- du contexte socioculturel,

- de l'âge des interlocuteurs et des liens qu les unissent,

- du but que l'on fixe à la communication.

Si tel est alors concernant les procédés stylistiques utilisés par l'auteur, voyons à présent la description.

2- La description

Une description est une représentation d'objets, de lieux ou de personnages. Pour décrire ce dernier, on parle alors de portrait. La description a deux fonctions : une fonction essentiellement esthétique qui constitue une interruption ou un ornement plus ou moins étendu du récit, une autre fonction symbolique : la description d'un personnage agit comme un révélateur du personnage en question, de ses actions, du milieu dans lequel il évolue. Lorsque la description s'attache au même espace, au même objet ou au même personnage, à deux instants différents, elle permet d'en mesurer l'évolution.

Le car, moyen de locomotion commun, vieux, accepte tout : voyageurs, bagages, état des routes. Il n'y a aucun confort pour les voyageur : « [...] la banquette de bois », une vraie patache, c'est-à-dire une voiture publique peu confortable. Néanmoins ce véhicule inconfortable fait nourrir Kritikos et ses deux employés Noirs. On peut se demander pourquoi il y a toujours cet

asservissement du Noir au Blanc. L'état des routes laissent à désirer, et Kritikos vante les routes du Congo Belge : « [...] il y a des routes et des vraies, avec du

goudron [...] tandis que les Français ici, ils n'ont que ça, la grande gueule. »

(pp.15-16). Kritikos compare les colons Belges aux colons Français qui semblent n'avoir rien fait pour améliorer l'état des colonies, du moins les routes.

Concernant la description des personnages qui est le portrait, voyons l'exemple de Niam : dans la force de l'âge, à peu près trente cinq ans, se souciant très peu de sa femme, un fainéant qui ne veut pas « prendre la houe et travailler » (p.25), est quand même rendu cocu. Bien que crâneur (p.23), rien ne va plus chez lui : « [...] depuis le départ de madame, tout allait sens dessus dessous » (p.21). Orgueilleux intéressé et rusé, Niam appela tout le monde à son aide pour récupérer sa femme qu dit travailler pour lui.

Concernant par exemple Pétrus Fils-de-Dieu : il n'est pas du tout du type Zambo qui est tout de muscle, comparé à un baobab bien que rien d'un Adonis (p.41). Pétrus lui est traité de gigolo qui couche avec toutes les femmes. Quant au moral, il est loin d'être au zénith : « [...] une si mauvaise conduite [...] » (p.55). L'adverbe si indique une grande quantité et peut être remplacé par

tellement.

Les pages 58, 59 présente feu grand père commun. Pour tracer son portrait, l'auteur utilise l'hyperbole afin de mettre en évidence sa force : « [...]

c'était un homme terrible ! quand il tonnait, les baobabs se fendaient en deux, de haut en bas, des incendies s'allumaient sur le ciel que dévoraient d'immenses flammes de fin du monde, [...] »

La description est aussi perçue dans d'autre domaines tel les repas et la

façon de manger. « Ils mangeaient énormément au petit déjeuner [...] ne prenaient que deux repas dans la journée » (p.86). Sans retenue, sans finesse,

sans modération, presque goulûment, les paysans mangent d'une manière grotesque ; vu aussi l'ampleur du travail qu'ils doivent effectuer, ils mangent beaucoup mais doivent sauter un repas, celui de midi : ils n'ont pas le temps de le préparer, le travail les accapare toute la journée.

Les Noirs aimeraient bien passer ou même habiter dans une maison de Blanc, ou d'un Noir ayant acquis le statut de Blancs comme Medza mais ils ont

peur. Ils veulent avoir l'assurance qu'ils peuvent pénétrer dans un tel lieu sans

être importunés : « [...] pourrons-nous dans vos maisons comme nous entrons dans les maisons de nos enfants - librement ? » (p.118). Medza lui-même doute de la véracité de la réponse qu'il a donnée : « elle avait bien raison d'être sceptique. » (p.119). Effectivement ; comment quelqu'un qui a un statut de Blanc pourrait-il se mélanger, pourrait-il avoir des relations étroites de nouveau avec les Noirs ?

II- L'oeuvre et la réalité

La réalité est toujours la première source d'inspiration pour l'élaboration d'un roman. L'oeuvre et la réalité sont deux choses inséparables car elles se complètent. Dans cette partie du devoir, nous allons étudier la traduction de la réalité dans le roman. Pour cela, nous allons voir en premier « l'oeuvre et la réalité », puis en second « l'oeuvre et l'auteur ».

1- L'oeuvre et la société

L'oeuvre est l'expression de la réalité. Bien qu'elle ne reflète pas exactement cette réalité, on peut tout de même, à partir des indices inclus dans le roman, retracer la vérité. Comme nous le savons, l'oeuvre est tiré de la réalité, et concernant cette traduction de la réalité dans l'oeuvre, l'auteur n'a pas trop déformé la réalité. En effet, si on compare tout ce qui est dit dans le roman avec les données historiques du Cameroun, on constate que la vérité est là mais seulement dit d'une autre manière. Elle n'a pas subi de modification mais il y a aussi des choses qui ont été mise sous silences, c'est-à-dire qui n'a pas été mentionné dans le roman, comme la façon dont on traitait les jeunes Noirs dans les écoles par exemple. Pour pouvoir approfondir l'oeuvre alors, il faut mettre beaucoup d'importance sur les mots clé car ils ont dans la majeure partie des cas des significations qui n'ont pas été évoqué dans le roman. Prenons par exemple le mauvais état des routes dans roman (pp.14-1 7); il est bien vrai qu'au Cameroun les routes sont en piteux état (34 300 km dont seulement 4288 km sont goudronnés)20, mais le fait d'évoquer cela dans le

20 Statistique issue du CIA World Facts Report en 1999

roman a une autre signification. L'état des routes n'est qu'un prétexte, mais le vrai but c'est de dire indirectement que les colons français ne se sont pas donné la peine de construire de bonnes routes comme au Congo Belge. A part les routes, la présence de champs de cacao est aussi significative. Si on synthétise ce qui est dit dans le roman sur ce sujet, c'est que la majorité des paysans cultivent le cacao et que même les champs sont à perte de vue (comme ceux du père de Medza). Ce qui n'est pas mentionné c'est que la culture vivrière est devenue secondaire et marginale puisque tous les paysans se sont tournés vers les cultures d'exportation (cacao et café), imposées par les colons. La présence de personnages typiques comme le chef de canton dans le roman est aussi symbolique. Si on se réfère au roman sur ce sujet, il est dit que le chef de canton est « adulé par l'administration coloniale qui l'avait nommé, sûr de n'être jamais révoqué par cette administration à laquelle il obéissait comme un robot idéal, [...] » (p.34) ; mais ce qu'on ignore c'est que son existence dans le village est purement politique. C'est un système politique mise en place par les colons pour assurer une présence permanente de leur autorité dans les régions enclavées. Et concernant cette politique donnant tout droit à ces individus Noir représentant de l'administration coloniale (le chef de canton et le chef de village de Kala), un indice dans le roman évoque la fin des droits de ces personnages; il s'agit de la Constitution d'octobre 1946. La seule chose évoquée sur cette fameuse date est le rapport qu'il y a entre cette Constitution et les guignols des colons. Or, cette Constitution d'octobre 1946 va encore plus loin et est parmi les évènements le plus marquant de l'histoire de l'Afrique colonisée. Elle supprime le statut de l'indigénat et le travail forcé, proclame l'égalité des droits des citoyens « autochtones », mais la tutelle de la métropole reste entière.

Si tel est l'oeuvre face à la société, voyons à présent l'oeuvre et la vie de l'auteur.

2- L'oeuvre et la vie de l'auteur

Le roman est le reflet de la société, mais elle peut aussi retracer la vie de l'auteur. Face aux nombreuses biographies de Mongo Béti qu'on a consulté pour l'élaboration du mémoire, nous avons remarqué qu'aucunes d'elles ne parlaient de l'enfance et de l'adolescence de l'auteur. Toutes ne faisaient qu'un aperçu bref de sa vie, et ne détaillaient pas les informations. Chacune évoque la date et le lieu de naissance de l'auteur, et tout de suite après elle nous renvoie directement au moment de son entrée au lycée. Nous constatons donc qu'il y a une grande lacune dans ces biographies car toute une partie de la vie de Mongo Béti est ignorée du public puisqu'elle n'est mentionnée nulle part. Par ailleurs, la lecture de Mission Terminée nous a révélé l'histoire, l'incroyable aventure du héros pendant sa jeunesse ; un héros qui est avant tout un jeune camerounais, d'origine bantou, mais surtout de sexe masculin. D'ici, on peut déjà faire un rapprochement entre l'auteur et le héros car Medza, comme Mongo Béti est de la tribu pahouin que l'on appelle actuellement Béti, identique au pseudonyme de l'auteur.

Dans les biographies sur Mongo Béti, comme nous l'avons dit, il manquait l'enfance et l'adolescence, or dans le roman, nous avons un récit qui parle de la jeunesse du héros du livre. C'est de cette constatation qu'est survenue l'hypothèse que la partie manquante des biographies pourrait bien être l'histoire racontée dans le roman, d'autant plus que certains éléments du roman ressemblent vaguement à ce qui sont dit dans les biographies. A partir de ces ressemblances, nous allons vérifier notre hypothèse en fusionnant les deux parties, c'est-à-dire celle du roman et celle des biographies, tout en essayant de trouver des liens logiques, et afin de savoir si derrière Medza se cache Mongo Béti.

D'après les biographies, Mongo Béti est né le 30 juin 1932 à Akometam, un petit village situé à 10 km de Mbalmayo, lui-même distant de 45 km de Yaoundé la capitale du Cameroun. Comparé à ce qui est dit dans le roman, le village natal de Medza est à 10km de Vimili (p.18) qui est lui-même se situant à 50 km d'Ongola (p.14). La ressemblance est frappante que l'on peut supposer

que dans le roman, Ongola représente Yaoundé la capitale du Cameroun, tandis que Vimili, Mbalmayo, et enfin le village natal de Medza (qui n'oublions pas n'a pas de nom) Akometam, lieu de naissance de l'auteur. Si on pousse un peu plus loin notre analyse, on constatera toujours des ressemblances, telles que : d'après les biographies, Après ses études primaires à l'école missionnaire de Mbalmayo (peut-être Vimili), Mongo Béti entra en 1945 au lycée Leclerc à Yaoundé pour poursuivre ses études secondaires. Medza lui aussi a quitté son village natal pour aller faire ses études secondaires à Ongola, et l'on peut même supposer que Medza avait fait ses études primaires à Vimili étant donné que Vimili est « la ville de mon pays » possédant « un marché et quelques boutiques [...] le bureau administratif, le commissariat de police et la prison » (p.18) ; et pourquoi pas donc aussi une école primaire, d'autant plus il est dit après que « [...] tous les privilèges qui suffisent [...] » or la présence d'une école est un grand privilège pour les Noirs. A part cela, Mongo Béti lui, obtient son baccalauréat en 1951, soit six ans après son entrée au lycée. On peut dire qu'il a mis beaucoup de temps à avoir son baccalauréat car il a mis six ans pour sortir du lycée. Il n'est donc pas un bon élève comme Medza car ce dernier a aussi mis du temps à avoir son baccalauréat. Après l'obtention du Bac, Mongo Béti quitte le Cameroun pour poursuivre ses études universitaires en France ; par contre Medza lui, après avoir eu son diplôme de baccalauréat resta en ville, mais n'oublions pas que le désir de son père est qu'il aille en Europe pour poursuivre ses études à l'université (p.231). Peut être donc pour se faire pardonner par son père et lassé de la liberté, une vie d'errance sans fin (p.250), il s'est décidé de réaliser le souhait de son père.

D'après ce qui a été tout dit, la biographie de l'auteur et le parcours d'adolescence du héros ont des points communs et peuvent se compléter. Il est donc difficile de croire que les éléments manquants dans la biographie de l'auteur ne soient pas les choses évoquées dans le roman. Donc, tant que personne ne peut démontrer le contraire, on peut dire que notre hypothèse de début sera toujours valable.

CONCLUSION

A partir d'une lecture minutieuse du roman, nous avons pu dégager trois grands points importants qui constituent le corps de notre devoir et qui nous ont permis d'avoir une vision plus large du contenu de l'oeuvre. Par conséquent, l'élaboration de ce devoir a contribué à l'enrichissement des idées du roman. Bien que tout ne peut pas être dit en même temps, les travaux effectués dans ce mémoire s'intitulant « Le réalisme dans Mission Terminée » livrent une des facettes de l'oeuvre : son côté réaliste.

Dans la première partie du devoir, la structure sociale est développée pour savoir comment fonctionne la société décrite dans le roman. Pour cela, l'analyse s'est focalisée dans un premier temps sur les personnages en les examinant individuellement, puis dans un second temps sur ces mêmes personnages regroupés suivant leur place dans la société. Concernant la première étude, ce sont les noms des individus qui nous ont intéressé. Les noms ont été étudiés car ils ont des rapports réciproques avec l'individu perçus à travers ses comportements et agissements, mais aussi une relation avec le monde réel car ces noms existent bel et bien dans la société camerounaise. Regroupé selon le sexe et leur place sociale, l'individu forme un tout et chaque groupe a sa propre place et ses rôles dans la société. C'est à partir de ce regroupement que l'on a déduit que dans la société l'homme domine, la femme est toujours soumise et les colons sont partout les maîtres, non seulement dans le récit mais aussi dans la réalité.

La deuxième partie du devoir traite d'un grand problème qui touche la société traditionnelle : l'acculturation. Ce problème d'acculturation est causé par trois facteurs que nous avons analysés un par un. L'éducation moderne est la principale source de l'acculturation chez les jeunes qui ont été poussés par leurs parents à fréquenter l'école. Ces jeunes, acculturés à leur tour, vont aussi infecter les gens de la brousse par la volonté de transmettre leurs nouvelles connaissances à ces derniers, que ce soit les grandes personnes, les jeunes ou les enfants. La ville a été aussi considérée comme l'une des causes de l'acculturation dans notre devoir. Cela s'explique par le contraste entre la vie en ville qui est plus modernisée, européanisée, et celle de la brousse qui est restée presque telle qu'elle était depuis, c'est-à-dire traditionnelle. La ville attire

beaucoup de personnes, or qui dit exode rural, dit automatiquement adaptation et changement de mode vie, donc remodelage de la personne.

On a pu aussi démontrer dans la dernière partie du mémoire que les écrits de l'auteur peuvent tant bien cacher la réalité mais aussi faire sortir la vérité. Nous avons essayé de montrer dans un premier temps que les différents styles employés par l'auteur dans le roman ont un second sens, puis en deuxième temps montrer qu'il y a des relations qui lient l'oeuvre avec le monde extérieur.

A partir de ces trois grandes parties du travail donc, nous avons répondu à la problématique qui consistait à savoir comment la réalité est traduite dans l'oeuvre en montrant sur différents angles, plus précisément au nombre de six, la manifestation de la réalité à travers l'oeuvre.

Connaître la part de réalité sous ces différents angles en épluchant le roman en entier était notre devoir. Le fruit de notre travail servira aux autres chercheurs puisque à partir de cette étude, on pourrait évaluer la valeur du roman et dresser une banque de données où l'on trouvera toutes les caractéristiques renvoyant l'ouvrage à la réalité où l'auteur avait puisé son inspiration. Le fait d'avoir des connaissances sur la traduction de la réalité dans ce roman permettra aussi de bien situer l'oeuvre dans son temps et dans son espace. Par conséquent, les lecteurs comprendront mieux le roman, voire autrement, et ne verront plus en lui une simple histoire à travers le récit mais toute une encyclopédie de l'histoire du Cameroun. En effet, ce travail révèle les faces cachées de l'oeuvre découvertes après une recherche poussée et une analyse profonde du roman.

Si le but de notre devoir est de développer le réalisme à travers le roman afin de l'enrichir par de nouvelles idées, il nous a permis aussi de prouver qu'il est possible de remonter le temps et l'espace à partir de l'étude d'un roman en utilisant de multiples méthodes d'approche que ce soit en linguistique ou en littérature.

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