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Les publications des violations des droits de l'homme dans la presse écrite au Burkina : Essai d'analyse éthique

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par Mahamadou Soré
Université de Nantes - Diplome universitaire de troisième cycle en Droits Fondamentaux 2008
  

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Chapitre 3. L'éthique des droits de l'homme dans la pratique de la presse

Au Burkina Faso, on peut d'emblée, dire de façon absolue (péremptoire) que la presse participe de la promotion de l'éthique des droits de l'homme. Sa simple existence plurielle peut déjà être considérée comme un gage d'exercice de la liberté de d'expression - pendant indissociable - de l'Etat de droit. Lorsqu'on lit la presse écrite burkinabé on y lit régulièrement les messages provenant des organisations et institutions de promotion et de protection des droits de l'homme ainsi que des articles sur les manifestations de celles-ci. Ces messages sont publiés à titre onéreux et le plus souvent gratuit. Ainsi, les conférences, les ateliers et séminaires, les actions de lobbying relatives à la promotion des droits des l'homme paraissent régulièrement dans la presse écrite. Parfois, il s'agit de cas de violations présentés par les services de police ou de l'action sociale comme ceux relatifs aux mutilations génitales féminines, aux mariages forcés et/ou précoces, à la maltraitance d'enfants ...

Le plus important à noter est qu'au delà des publications suscitées de tiers, il y a quelques fois, l'intervention autonome des organes de presse pour dénoncer des cas de violations des droits fondamentaux. Autrement dit, sans avoir été expressément sollicités, il arrive que des journaux publient de leur propre chef des violations aux droits de l'homme. Ce fut le cas par exemple du journal « l'Observateur Paalga » qui publiait en juillet 2007, un article sur une orpheline objet de traitements inhumains25(*). Il s'agissait, en fait, d'une fillette d'une douzaine d'années née avec des malformations aux membres. Elle marchait de ce fait à quatre pattes. Comme la mère de la fillette est morte quelque temps après sa naissance, celle-ci est - dans la représentation locale - perçue comme une enfant maléfique. En conséquence, elle n'avait pas droit aux mêmes égards que les humains. La fille « Wendemi », gîtait dans une sorte de niche de chien, jusqu'au jour où l'article du journal révéla son cas. Il s'en est suivi des réactions dont la plus importante fut la décision du Ministère de l'Action Sociale et de la Solidarité du Burkina Faso de prendre totalement en charge la victime. Alors on peut se demander de ce que serait devenue cette victime innocente sans le travail de promotion du respect du droit fondamental à la dignité et à la vie qu'a fait « l'Observateur Paalga » ?

Prenons également cet autre exemple du quotidien « Sidwaya ». L'article, publié le 20 août 2007, fait suite à une demande de pardon consécutivement à des violences que des militaires ont fait subir à des populations civiles dans la ville de Dédougou26(*). En l'absence de poursuites judiciaires contre les militaires fautifs, le journaliste signataire de l'écrit conclut en se demandant ceci : « Doit-on supposer que les militaires qui ont bastonné les populations ont été sanctionnés ou les a-t-on tolérés en vue de sévir rigoureusement la prochaine fois ? Il serait superfétatoire de croire que l'on peut "chicoter" impunément des gens et leur demander pardon sans aucune justice ni assurance. Et puis, et les affrontements entre militaires et civils à Ouahigouya [une autre ville du Burkina Faso] ?»27(*).

Ici, le quotidien alerte l'opinion publique sur le risque de l'impunité des violences récurrentes que font subir les militaires aux civils.

Même sans faire de dénonciation systématique, on peut avancer que quel que soit le traitement que la presse écrite au Burkina Faso fait des cas de violations des droits de l'homme, le simple fait de publier ces atteintes peut être considéré comme une participation à leur révélation. Ceci est d'autant important que dans le processus de protection des droits de l'homme, le dévoilement, la publication des situations attentatoires fonctionne comme le préalable à toute action protectrice. Il est pratiquement impossible d'agir pour des droits violés quand les faits ne sont pas connus. C'est en cela que la presse est aussi réputée comme une des sources pour la connaissance des infractions pour leurs éventuelles poursuites par le ministère public28(*). Vue sous cet angle, la presse burkinabé peut être considérée comme une véritable sentinelle des droits de l'homme. Du reste, c'est sur la base d'articles publiés par ces organes que la présente recherche tire sa substance.

Pour revenir aux questions d'éthique des droits de l'homme, on peut se demander si au delà de cette fonction de dévoilement, de dénonciation, le traitement des situations d'atteintes aux droits de l'homme tels qu'il est fait par la presse écrite respecte toujours l'éthique des droits de l'homme à travers l'observance de l'impartialité et de la promotion du respect des droits de l'homme ?

La réponse à cette question, au regard de l'analyse d'un certain nombre d'écrits peut revêtir une forme affirmative comme nous l'avons montré plus haut mais elle peut aussi être totalement négative.

Parlant de la presse en Afrique de façon générale, le rapport final de la conférence africaine sur « Le journalisme et les droits de l'homme en Afrique » - cité par Réné Dégni Ségui29(*) - reconnaissait que « la presse en Afrique souffre de liberté d'expression et d'une information impartiale et objective comme c'est le cas dans la plupart des pays du tiers monde » ».

La presse au Burkina Faso ne fait pas exception à ce constat général. Les principes éthiques souffrent d'une certaine inobservance par les publications de la presse écrite traitant des atteintes aux droits de l'homme.

Pour apprécier le rôle équivoque de la presse dans la révélation des violations, en voici des morceaux choisis. La période de référence des articles analysés se situe entre 2006 et mai 2008.

Dans sa livraison du 2 Novembre 2006, le quotidien national Sidwaya30(*) publiait un article signé par Aké Loba Lankoandé. L'article faisait suite à des exécutions extrajudiciaires de présumés « coupeurs de route ». Voilà un extrait de ce qui était écrit : «Il convient de saluer à sa juste valeur le courage et la bravoure des agents de la sécurité qui, malgré la modestie des moyens mis à leur disposition sont arrivées à mettre hors d'état de nuire le gang de Djolgou Yarga ». Déjà en titre on lisait « Le gang de Djolgou Yarga hors d'état de nuire». Or il se trouve que Djolgou Yarga était un conseiller municipal d'un parti d'opposition. Il a été établi qu'il avait été arrêté par la police avant que sa famille ne découvre son corps après. En conséquence, la famille a usé de son droit de réponse pour dénoncer l'exécution extrajudiciaire de leur parent. Mais, en dépit de la publication de ce droit de réponse de la famille de la victime dans la parution du même journal en date du 17 novembre, la rédaction sous une NLDR31(*) écrivait qu'elle ne reprochait rien à son correspondant sur cette affaire. Du reste, il a été, plus tard, établi, par des enquêtes internes de la police ainsi que des rapports circonstanciés, que Djolgou Yarga et ses compagnons d'infortune étaient des innocents qui avaient été sommairement abattus par la police après avoir été ligotés32(*).

Dans un autre quotidien, à savoir cette fois-ci, « Le pays ». Dans l'édition du 15 juin 2007, on pouvait lire sous le titre « Un voleur téméraire » ceci : « ... Il avait à peine bougé avec son butin qu'il fut rattrapé par la foule. Il fut lynché jusqu'à ce que mort s'en suive, puis balancé dans un caniveau. La scène s'est passée la semaine dernière à Ouaga 2000 aux environs de 20 h. Les voleurs sont assurément de plus en plus téméraires et rien ne les arrêtera. Pas même la colère des foules ».

Quand au journal « L'observateur Paalga », il publiait en fin août 2006, dans sa rubrique « faits divers » la mort en détention d'un présumé délinquant à Bobo Dioulasso. L'article signé de Jonas Apollinaire Kaboré a été écrit sur la base d'une conférence de presse donnée par le Service régional de la Police Judiciaire (SRPJ) de Lafiabougou. Le titre est sans équivoque « Lutte contre le grand banditisme : le tueur de Colma meurt dans sa cellule 33(*)». Le texte commence par une interrogation qui ne laisse aucun doute sur la position de l'auteur en ce qui concerne cette mort d'homme : « Pouvait-il en être autrement pour cet individu qui, à l'évidence n'avait aucun respect pour la vie humaine et qui avait à son actif cinq morts ? »

Dans les extraits ci-dessus, il apparaît clairement qu'en plus de propos apologétiques de crimes qu'ils expriment, ces articles tout en révélant des violations aux droits de l'homme, des tueries en l'espèce, portent atteinte à ces mêmes droits ainsi qu'aux valeurs qui y sont contenues. Sont ainsi bafoués pour ne citer que ceux ci :

· Le manquement le plus grave car justifiant, à certains égards, les autres violations des droits de l'homme est la présomption d'innocence. C'est un principe fondamental qui établit que toute personne accusée d'un fait est réputée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une décision juridictionnelle même si cette personne fait l'objet d'une poursuite pénale. La présomption d'innocence est reconnue par la charte internationale des droits de l'homme ainsi que par la charte africaine des droits de l'homme et aussi le code de procédure pénale. Dans l'ensemble des articles cités en exemple, aucun des auteurs n'a posé la question légitime, quasi évidente, de savoir si les suppliciés étaient coupables. Et même s'ils l'étaient, est-ce que le sort qui devait leur être réservé était la mort extrajudiciaire ou la procédure légalement établie au Burkina Faso. Ni Djolgou Yarga et ses compagnons, ni « le voleur téméraire » encore moins « le tueur de Colma » n'auront jamais l'occasion d'être entendus par le juge seul compétent pour décider de leur culpabilité. Pour la presse, leur culpabilité a été déjà reconnue.

· Un autre droit violé par les faits relatés est le droit intangible à la vie et à l'intégrité physique. Ce droit est protégé par l'article 2 de la constitution du Burkina Faso, l'article 4 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, l'article 3 (o) de l'acte constitutif de l'Union africaine qui proclame « le respect du caractère sacro-saint de la vie humaine ». Aucun des textes ne s'indigne de la mort ainsi infligée à des hommes, fussent-ils des délinquants. Au contraire !

· Le droit à la justice, le droit à l'égalité de même que l'impartialité dans le traitement de l'information sont, dans ces publications, autant de principes et de valeurs des droits de l'homme qui sont ainsi foulés au pied. Ainsi, par exemple, les versions données dans les écrits reflètent toujours celle d'une partie ou de la même position. Pour le cas du « tueur de Colma », quelle a été la version des codétenus, des présumées victimes ? Les victimes ont' ils formellement identifié le présumé délinquant comme étant leur agresseur ? Le suicide est-ile fondé ? Au quel cas, quelles sont les mesures prises pour que de pareilles morts ne surviennent plus dans les lieux de détention ? Autant de questions dont les réponses auraient permis aux articles publiés d'être en plus en phase avec les valeurs des droits de l'homme.

A partir de ces quelques extraits de publications parues dans la presse écrite au Burkina Faso, on perçoit clairement que contrairement à son rôle de dénonciation, de promotion du respect des droits de l'homme que l'on attend légitimement d'elle, il arrive que les médias fassent totalement fi de ces droits fondamentaux, s'ils n'y portent pas directement atteinte.

Dès lors se pose la question de savoir s'il existe un système ou des systèmes de garantie éthique de l'intervention de la presse dans le champ des droits de l'homme, du moins dans la relation de leur violation ? De façon plus générale, quelles sont les dispositions applicables en matière de respect de l'éthique des droits fondamentaux par la presse ? Et quelles peuvent être leurs limites ?

* 25 In L'observateur Paalga N° 6934, du 24 juillet 2007, « Wendemi, un don de Dieu mal entretenu », page 32.

* 26 Rapport sur l'état des droits de l'homme au Burkina Faso, http://french.burkinafaso.usembassy.gov/uploads/images/qEM6Ppd3TgMchywy0kUe-g/HRR2008.pdf page 3

* 27 In Sidwaya du 20 Août 2007 « Du pardon inachevé de l'armée à Dédougou »

* 28 Jean Claude SOYER, Droit pénal et procédure pénale, LGDJ, 2006, 19e édition, page 272

* 29 Réné Dégni Ségui, page 269

* 30 Sidwaya N° 5741, page 27

* 31 Sidwaya N° 5754, page 13

* 32 Rapport sur l'état des droits de l'homme au Burkina Faso du Secrétariat d'Etat américain http://french.burkinafaso.usembassy.gov/uploads/images/qEM6Ppd3TgMchywy0kUe-g/HRR2008.pdf, page 2

* 33 In « L'Observateur Paalga » N° 6716 du lundi 4 septembre 2006

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius