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La difficile percée d'une modèle alternatif dans les rapports Nord-Sud: Le cas de Songha

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par Sophie Lavigne
Université du Québec à Montréal - Maîtrise 2005
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

    LA DIFFICILE PERCÉE D'UN MODÈLE ALTERNATIF DANS LES RAPPORTS NORD-SUD : LE CAS DE SONGHAÏ

    MÉMOIRE

    PRÉSENTÉ

    COMME EXIGENCE PARTIELLE

    DE LA MAÎTRISE EN INTERVENTION SOCIALE

    CONCENTRATION ÉCONOMIE SOCIALE

    PAR

    SOPHIE LAVIGNE

    SEPTEMBRE 2005

    « QUE FAISONS-NOUS ENSEMBLE ? »

    Anna Arendt

    TABLE DES MATIÈRES

    LISTE DES FIGURES VII

    LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES VIII

    RÉSUMÉ X

    INTRODUCTION 1

    CHAPITRE I 4

    LE MODÈLE DOMINANT ET LES NOUVEAUX MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT 4

    1.1 NAISSANCE ET ÉVOLUTION DES MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT 4

    1.1.1 LE MODÈLE DOMINANT 5

    1.1.2 NAISSANCE DES MODÈLES ALTERNATIFS 8

    1.1.3 CONTRAINTES SUBIES PAR LES DEUX MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT 9

    1.2 PRINCIPAUX CONCEPTS 11

    1.2.1 MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT 11

    1.2.2 TYPES DE DÉVELOPPEMENT 13

    1.2.3 LE RÉSEAUTAGE 17

    1.2.4 CAPACITÉ ENTREPRENEURIALE 20

    1.2.5 L'EMPOWERMENT 20

    CHAPITRE II 23

    LE BÉNIN DANS LES RAPPORTS NORD-SUD 23

    2.1 LES PÉRIODES PRÉ-COLONIALE ET COLONIALE 24

    2.2 L'INDÉPENDANCE (1960-1975) 27

    2.3 LE SOCIALISME (1972-1989) 28

    2.4 LE MULTIPARTISME ET LES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL DE 1990 À AUJOURD'HUI. 30

    2.5 LES NOUVEAUX ACTEURS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET POLITIQUE 34

    CHAPITRE III 37

    LE PROJET SONGHAÏ : ÉVOLUTION ET PROBLÉMATIQUE 37

    3.1 DESCRIPTION DU PROJET SONGHAÏ 37

    3.2 LE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ 41

    3.3 L'ÉVOLUTION DE SONGHAÏ 44

    3.4 PROBLÉMATIQUE 48

    3.4.1 LA CAPACITÉ ENTREPRENEURIALE CHEZ SONGHAÏ 48

    3.4.2 LES CONFLITS DE VISIONS 50

    3.4.3 QUESTIONS DE RECHERCHES 52

    CHAPITRE IV 54

    MÉTHODOLOGIE 54

    4.1 UNE RECHERCHE QUALITATIVE 54

    4.2 LE CHOIX DES DONNÉES 54

    4.2.1 DESCRIPTION DES PARTICIPANTS 55

    4.2.2 AUTRES SOURCES D'INFORMATION 57

    4.3 LA MÉTHODE DE RECHERCHE 58

    4.3.1 LE TRAITEMENT DES DONNÉES 59

    CHAPITRE V 61

    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SON DÉVELOPPEMENT 61

    5.1 DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ 61

    5.1.1 LE RÔLE DE LA STRUCTURE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ 62

    5.1.2 LE RÔLE DE LA FORMATION DANS LE DÉVELOPPEMENT DE SONGHAÏ 65

    5.2 LA TROISIÈME VOIE 66

    5.2.1 LE RÔLE DE L'EMPOWERMENT DANS LA «TROISIÈME VOIE» 71

    5.2.2 LE RÔLE DE L'ENTREPRENEURIAT DANS LA «TROISIÈME VOIE» 73

    5.2.3 LE RÔLE DU RÉSEAU DANS LA « TROISIÈME VOIE » 73

    CHAPITRE VI 77

    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES PARTENAIRES 77

    6.1 PARTENARIATS ET DÉVELOPPEMENT 77

    6.1.1 LES CRITÈRES D'OCTROIS DES BAILLEURS DE FONDS INTERNATIONAUX 79

    6.1.2 CRÉATION DE PARTENARIATS ET SES ENJEUX 85

    6.2 LES ENJEUX DES PARTENARIATS 87

    6.2.1 LES ENJEUX DES MULTIPARTENARIATS 89

    CHAPITRE VII 91

    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES RAPPORTS AVEC LE NORD ET LE SUD 91

    7.1 LE DÉVELOPPEMENT SELON LE NORD ET LE SUD 92

    7.1.1 LA « TROISIÈME VOIE» DANS LE JEU DE LA COOPÉRATION NORD SUD 95

    7.1.2 LES TECHNOLOGIES COMME APPORT IMPORTANT DANS L'ÉDIFICATION DE LA « TROISIÈME VOIE ». 96

    7.2 DES RAPPORTS DE FORCE ENTRE LE NORD ET LE SUD 99

    7.2.1 PARTENARIATS SUD-SUD, UNE ALTERNATIVE 101

    CONCLUSION 104

    BILIOGRAPHIE 107

    ANNEXE 1 116

    ANNEXE 2 117

    LISTE DES FIGURES

    figure 1  Les trois dimensions du développement durable (environnementale, économique et sociale)...................................................................14

    figure 2 Schéma de production agricole intégrée tel que présenté par Songhaï, 2003................................................................................................40

    LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

    ACDI Agence canadienne de développement international

    ADF African Development Foundation

    ASFODEVH Association pour la Formation en Développement Humain

    BIT Bureau international du travail

    CAD Comité d'Assistance du Directeur

    CCCI Conseil Canadien sur la Coopération Internationale

    CCFD Comité catholique contre la faim pour le développement

    CECI Centre canadien d'étude et de coopération internationale

    CÉCURI Centre cunicole de recherche et d'information de l'université nationale du Bénin

    CEDEAO Communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest

    CRDI Centre de Recherches pour le Développement International

    CPU Centre polytechnique de l'Université du Bénin

    FED Fonds européen pour le développement

    FMI Fonds monétaire international

    HCR Agence des Nations Unies

    IDH Indicateur de développement humain

    IFED Institut de formation des entrepreneurs en développement

    OCDE Organisation de coopération et de développement international

    ONG Organisation non gouvernementale

    PAEFO Promotion des Activités Économiques des Femmes dans le Département de l'Ouémé

    PAS Programme d'ajustement structurel

    PIB Produit intérieur brut

    PNB Produit national brut

    PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

    SID Society for International Development

    SIP Société Indigène de Prévoyance

    SOPA Société de production agricole d'Abomey

    TVA Taxe sur valeur ajoutée

    UMAD Union des mutuelles agricoles de Dassa

    UMAS Union des mutuelles agricoles de Savè

    USAID United States Aid for International Development

    WCED World Commission on Environment and Development

    Résumé

    Cette recherche est une analyse de cas du projet Songhaï, établi au Bénin, dont la mission fondamentale est d'amorcer une transformation « morale et technique » au sein des populations les plus défavorisées pour accroître leur esprit d'entrepreneuriat. Songhaï s'appuie sur les principes d'« empowerment » pour développer et transmettre des valeurs humaines appropriées à un changement de comportement, pour que les jeunes, les paysans, les femmes, les hommes et les entrepreneurs deviennent des acteurs de leur propre développement, capables d'initiatives et de créativité. Cette mission est mise en oeuvre à travers plusieurs centres agrobiologiques de formation, production, transformation, recherche et développement en agriculture. Ce qui nous a intéressée, c'est comment l'approche large (développement intégré) portée par Songhaï peut-elle s'harmoniser avec l'approche plus pointue visant les résultats (développement sectoriel et par programme) portés par les bailleurs de fonds internationaux ? Comment Songhaï réussit-il à financer sa mission qui est de développer les potentialités des individus, en mettant l'accent sur les processus plutôt que sur les résultats ? Doit-il faire subir à sa mission des transformations dans le but d'obtenir des financements de ses bailleurs de fonds ? Au cours de cette recherche, nous avons découvert des aspects inattendus relatifs à notre question de recherche. Nous n'avions pas prévu que l'approche large (développement intégré) portée par Songhaï s'harmonisait avec l'approche plus pointue visant les résultats (développement sectoriel et par programme) promue par les bailleurs de fonds internationaux. Non seulement Songhaï a réussi à financer sa mission sans la transformer, mais il a misé sur l'atteinte des résultats. Des résultats qui sont devenus un atout majeur pour négocier avec des partenaires éventuels. Le dynamisme de Songhaï est inspirant à plusieurs niveaux. Il démontre qu'il est possible d'adopter des stratégies qui permettent d'établir des partenariats plus égalitaires en adoptant des modèles de développement plus holistiques et en diversifiant nos interlocuteurs. Cette approche peut influencer les rapports de force déjà existants entre le Nord et le Sud en transformant la nature du dialogue. Songhaï est un modèle de développement qui émerge de la base et qui démontre sa grande capacité à être à l'écoute de la population et de ses réalités. Le fait qu'il soit collé aux réalités en permet une meilleure analyse, ce qui est en soit un point déterminant dans l'élaboration de projets de développement.

    Mots clés (par ordre de pertinence):

    RELATION NORD-SUD, MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT, ÉCONOMIE SOCIALE, ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE, AFRIQUE, AGRICULTURE

    INTRODUCTION

    Cette recherche porte sur les rapports Nord-Sud en contexte de coopération internationale. Pour illustrer ce rapport, nous avons choisi une organisation non gouvernementale (O.N.G.) béninoise nommée Songhaï ayant pour but d'élever le niveau de vie des populations en Afrique par une approche de développement durable. Cette O.N.G. se présente comme un Centre de formation, de production, de recherche et de développement en agriculture durable. Elle utilise les ressources locales, les méthodes traditionnelles et modernes, tout en stimulant la prise de responsabilité et d'initiative par la concertation et l'écoute de tous pour la création d'entreprises agricoles viables et l'innovation sociale.

    Ce mémoire se divise en sept chapitres. Afin de comprendre dans quel type de développement le projet Songhaï s'inscrit, le premier chapitre vise à définir les modèles de développement en cours dans le « jeu » de la coopération internationale ainsi que les principaux concepts qui s'y rattachent. Le deuxième chapitre présente un bref historique axé sur l'économie et la politique au Bénin, il décrit le contexte qui précède l'émergence de Songhaï. Cette partie exposera les rapports de la France, pays colonisateur, avec le Dahomey (ancien nom du Bénin), puis avec le Bénin indépendant et socialiste, refermé sur lui-même et, enfin, avec un Bénin démocratique et soumis aux directives des institutions de Bretton Woods. Ces deux premiers chapitres permettront de comprendre, non seulement pourquoi Songhaï s'est constitué, mais aussi pourquoi il a façonné son propre modèle de développement. Dans le troisième chapitre, l'attention se portera sur la manière dont il procède pour créer de réels partenariats avec le système de la coopération internationale tout en gardant le cap sur sa mission et la réponse aux besoins de la population. Les questions de recherche tournent autour des modèles de développement. Comment l'approche large (développement intégré) portée par Songhaï peut-elle s'harmoniser avec l'approche plus pointue visant les résultats (développement sectoriel, par programme et par projet) portée par les bailleurs de fonds internationaux ? Songhaï réussit-il à financer sa mission qui est de développer les potentialités des individus, en mettant l'accent sur les processus plutôt que sur les résultats ? Doit-il faire subir à sa mission des transformations dans le but d'obtenir des financements de ses bailleurs de fonds ?

    À la suite de ce questionnement, le quatrième chapitre vient décrire la méthodologie employée dans la recherche. Il fait état du choix des données et de la façon dont elles ont été traitées. Le cinquième chapitre reliera le développement du Projet Songhaï et son modèle de développement sous l'éclairage des différents concepts exposés et débattus dans la partie théorique. Le modèle de développement qui émerge à Songhaï a fait une place particulière aux liens avec ses partenaires. Ces liens ainsi que leur création seront abordés dans le sixième chapitre. Ici il s'agira de débattre des modalités rattachées au partenariat et des enjeux qu'elles soulèvent. Enfin, dans le dernier chapitre, les bailleurs de fonds et le bénéficiaire se parleront. Dialogue qui illustrera la dynamique des rapports Nord-Sud. En mettant en évidence les lieux de pouvoir des uns et des autres, il sera alors possible d'identifier des pistes de réflexions relatives aux grands enjeux du développement dans un cadre de coopération internationale.

    Cette recherche prendra la forme d'un sablier : elle partira du contexte global, c'est-à-dire des modèles de développement pour ensuite passer plus spécifiquement à ceux du Bénin, puis du projet Songhaï. Ensuite elle répondra à la question de recherche d'une façon spécifique pour enfin extrapoler les résultats dans un contexte plus général, en faisant des liens avec la théorie des différents modèles alternatifs de développement.

    CHAPITRE I

    LE MODÈLE DOMINANT ET LES NOUVEAUX MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT

    L'amalgame et les confusions dans les discours et les théories du développement et de la coopération n'aident pas à la compréhension des rapports Nord-Sud. Gabas nous faisait part dans son ouvrage Nord-Sud : l'impossible coopération (2002), que le « faire ensemble » et le partage qui en résulte seraient les principaux éléments d'une coopération au sens réel du terme ; et encore plus, la coopération consisterait à « créer une dépendance réciproque », une dépendance qui serait organisée pour « mieux vivre ensemble ». Ce « mieux vivre ensemble » s'effectuerait à l'aide du dialogue, de la négociation et du partage des ressources.

    Pour mieux cerner les bases philosophiques des modèles actuels qui sont utilisés dans les rapports Nord-Sud, il est pertinent de faire un bref rappel du contexte historique dans lequel ces modèles se sont mis en place.

    1.1 Naissance et évolution des modèles de développement

    Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont élaboré le plan Marshall pour reconstruire l'Europe, et parallèlement, les Nations Unies ont développé toute une pensée sur l'aide aux pays sous-développés. Ce qui sera retenu dans le travail de théorisation du processus de développement des Nations Unies sera la partie économique et le rôle primordial des bailleurs de fonds. Ce modèle de développement, dit libéral et associé aux travaux de l'économiste américain W. W. Rostow, s'appuie sur le postulat que les pays sous-développés sont « en retard » par rapport aux « pays avancés » qui eux, ont une trajectoire et une transformation sociale croissantes. La logique marchande, l'accumulation du capital et l'industrialisation n'ont pas encore eu lieu historiquement dans les pays dits « en retard » et n'ont donc pas permis l'enrichissement de ceux-ci. Ce qui sous-entend que les pays sous-développés doivent obligatoirement emprunter ce trajet pour enclencher leur développement.

    1.1.1 Le modèle dominant

    Le modèle de développement libéral qui a été mis en place et favorisé par les institutions de Bretton Woods est un modèle qui s'inscrit dans une logique capitaliste où l'urbanisation, l'industrialisation et l'économie de marché sont les moteurs actifs du développement. Cependant, ce capitalisme industriel et urbain s'est construit non seulement sur des échanges commerciaux et technologiques, mais aussi sur la conquête armée de marchés, sur la colonisation ainsi que sur la destruction environnementale (Fall, Favreau, Larose. 2004, p.13). Nul besoin d'ajouter que ce modèle de développement a connu des ratés puisque l'urbanisation des pays sous-développés ne s'est pas accompagnée d'une industrialisation. Une des erreurs dans l'entreprise du développement des pays du Sud est d'avoir utilisé le plan Marshall, plan qui avait été conçu pour reconstruire une Europe déjà industrialisée. Les rapports de pouvoir sont donc restés verticaux, les pays dits développés décidaient des plans de développement et des fonds à octroyer aux pays non développés. Même après la décolonisation le rapport est resté le même, car les gouvernements mis en place étaient souvent soutenus par le pays colonisateur. Mieux, la corruption et le détournement de fonds des programmes de développement étaient devenus pratique courante au vue et au su des bailleurs de fonds, l'aide étant plutôt une alliance entre les États.

    Au cours des années 1960-1970, une multitude d'évaluations critiques se sont faites. Entre autres, les travaux de Simon Kuznets 1(*)démontraient que la croissance du PIB d'un pays en développement s'accompagnait toujours d'une aggravation des inégalités sociales. De ces travaux découle l'idée de la satisfaction des besoins fondamentaux par des programmes ciblés (développement par projet) plutôt que l'attente des retombées de la croissance qui financeraient les services publics. En 1975 les travaux de Bernard Lecomte pour le Centre de développement de l'OCDE faisaient la critique du développement par projet en en soulevant les problèmes de continuation et de financement. C'est ce dernier qui renforcera l'idée que le développement sectoriel est plus efficace, et influencera les années 80, années où une rupture marque l'histoire de l'aide internationale : la plupart des pays en développement sont dans une crise financière, les modèles fordiste et providentialiste, de régulation de l'économie, ont atteint leurs limites. C'est à ce moment que le Nord met un terme à ses investissements au Sud , c'est maintenant l'ère du rééquilibrage des finances publiques par les programmes d'ajustement structurel qui seront mis en place par le « consensus de Washington ». Ce consensus qui s'est cristallisé dans les années 1980 et dont l'expression fut utilisée pour la première fois par l'économiste John Williamson, fait référence à un jeu d'idées politiques au sein du Trésor américain, de la Réserve fédérale, du FMI et de la Banque Mondiale qui favorisait des politiques de commerce et d'investissement orientées vers l'extérieur avec une inflation basse, des budgets équilibrés, des taux de change bas, la privatisation, la déréglementation et une protection accrue de la propriété privée (Sogge, 2003). Plus que jamais le Nord impose au Sud des politiques de privatisation, de libéralisation et de déréglementation et favorise l'aide par programme (sectoriel) plutôt que celle par projet (local). L'aide par programme qui favorise des politiques d'État,  devait agir sur l'ensemble de la société en augmentant le Produit national brut (PNB). Pourtant, les projets locaux qui agissent au coeur des communautés et favorisent l'Indice de Développement Humain (IDH), parce qu'ils sont plus adaptés aux réalités des communautés, répondent de façon plus pragmatique aux besoins. Cela étant dit, ce sont ceux qui mettent de l'avant les mesures de développement, qu'elles soient sectorielles, par programme ou par projet, qui tablent sur un des indicateurs de développement plutôt que sur l'autre tout dépendamment de l'approche dans laquelle il se situe.

    Cependant, un autre modèle de développement s'oppose au modèle dominant libéral, c'est le modèle « dépendantiste » marxiste. Ce modèle dénonçait les rapports inégaux entre les États du Nord et du Sud tels que le colonialisme, les échanges marchands irréguliers, l'endettement du Sud face au Nord ainsi que le développement des couches dirigeantes du Sud s'acoquinant avec les dirigeants du nord au détriment de leurs populations. Ce sont les théories de Samir Amin « centre-périphérie » où le Sud « périphérie » est dépendant du Nord « centre » à la fois d'un point de vue commercial, technologique et financier. Pourtant, le modèle « dépendantiste » s'effondre avec la chute du mur de Berlin et du « bloc socialiste », et c'est avec la montée des droits de l'homme que le modèle d'aide humanitaire prendra le pas sur les l'ensemble des modèles (Fall, Favreau, Larose, 2004, p.15).

    Pourtant, ce sont les théories inspirées du modèle « dépendantiste » qui avaient diagnostiqué de façon juste les effets pervers du modèle libéral, modèle qui aujourd'hui encore, gouverne les relations Nord-Sud. À l'heure de la mondialisation, le développement doit être pris en compte au niveau local, national et insérer dans ses modèles la reconstruction des États sociaux. De plus, la constitution de nouveaux modes de gouvernance mondiale, de dispositifs de régulation économique et politique, sont au coeur du développement tout comme la mobilisation des ressources à l'intérieur des sociétés (Fall, Favreau, Larose, 2004, p.16). Le besoin pressant de nouveaux modèles de développement se fait sentir partout et la solidarité, qui s'incarne au plan international dans l'altermondialisme, est en train de remanier les façons de faire du développement.

    1.1.2 Naissance des modèles alternatifs

    C'est le modèle global dominant de développement qui est remis en cause (Favreau, 2002) à la suite des Programmes d'ajustement structurels. Il se prend beaucoup d'initiatives en mode d'économie sociale. Ces modèles de développement multiples qui se réfèrent à un modèle de solidarité internationale, c'est-à-dire la justice sociale, le développement socioéconomique ainsi que les relations de type partenarial, seraient plus adaptés et porteurs de sens pour les populations (Favreau, Larose, Fall, 2004). Par contre, Defourny et Develtere (1999) insistent beaucoup sur l'aspect de la culture et sur son rôle dans l'émergence des initiatives d'économie sociale. Selon eux, la culture locale de chaque région est rassembleuse et donne du sens et c'est cette solidarité et cette prise en charge du groupe par lui-même qui peuvent favoriser l'épanouissement des sociétés. Cette culture porteuse d'identité et riche en valeur peut préserver les sociétés des influences de la mondialisation, car certains pays du Sud subissent des pressions qui les poussent à s'intégrer dans des marchés régionaux ou « globaux ». Cette intégration, même si elle offre plusieurs avantages comporte aussi des risques et dans certains cas, peut constituer un frein au développement local (Defourny, 1999, p.259).

    La majorité des travaux menés sur la question et les nouveaux courants marginaux sur le développement traitent du caractère pluridimensionnel des modèles de développement. Cette pluridimensionnalité combine l'économique, le social et l'environnemental. Favreau et Fréchette aborderont le développement dans ce sens :

    Le développement est aujourd'hui moins considéré comme le fait d'un jeu de cause à effet entre différents facteurs. Il est plutôt conçu comme une mobilisation économique, sociale et culturelle de toutes les potentialités d'un pays (ou d'une région ou d'une communauté locale) autour d'un certain nombre d'objectifs d'amélioration des conditions de vie des populations. Et comme toute mobilisation, il y a des progrès et des reculs, des points forts et des faiblesses, des conflits et des coopérations insoupçonnées (2002, p.31).

    Aujourd'hui, le développement des pays du Sud est abordé dans toutes ses dimensions avec les nouveaux modèles de développement. Ces derniers sont pluriels et adaptés, et ils recherchent de nouvelles solutions afin de favoriser le développement qui se fait désormais à partir des localités et par ses acteurs. Pourtant, la montée du néolibéralisme et la mondialisation colorent, plus encore aujourd'hui, la coopération internationale, car les modèles pluriels qui émergent des localités ne sont pas le fait du modèle dominant, mais plutôt le fait de l'insatisfaction qu'il engendre et des contradictions qu'il génère.

    1.1.3 Contraintes subies par les deux modèles de développement

    Le modèle dominant favorise l'implication dans le milieu comme le prônent les modèles alternatifs et solidaires, mais son approche reste sectorielle. Cette approche consiste à se servir des indicateurs classiques de développement tels que le PNB (Produit national brut) pour mesurer l'aide à apporter aux pays du Sud. Les services offerts par la Banque Mondiale sont d'octroyer des prêts aux pays en fonction de certains critères qui s'inscrivent dans des programmes sectoriels tels que la privatisation des appareils d'État et la libéralisation de leur marché. Le nouvel économiste de la Banque Mondiale monsieur François Bourguignon ( 2003) disait : 

    La Banque mondiale ainsi que d'autres institutions ont été favorables à la privatisation dans de nombreux domaines, comme l'infrastructure. Nous avons constaté que, dans certains cas, ces privatisations ne répondent pas aux besoins sociaux, souvent parce que la réglementation des monopoles privés était défaillante ou aussi absente ou partiale qu'elle l'était à l'époque des monopoles publics. En disant cela, je ne cherche pas à privilégier un courant de pensée par rapport à un autre. Je crois que le défi actuel est précisément de dépasser le modèle unique, très souvent teinté d'idéologie, et d'adopter la solution qui paraît la plus efficace. Je suis heureux de constater que nous sommes arrivés à un stade où le pragmatisme est en voie de devenir l'approche dominante de la réflexion sur le développement »2(*).

    La Banque Mondiale fait le constat de l'échec des politiques d'ajustement structurel et tente de prendre une voie différente selon M. Bourguignon. Le réseau sectoriel tente de s'adapter aux nouvelles réalités. Mais comme en fait état Morvan (2000, p.150), les nouveaux modèles de développement qui seraient initiés par la population rencontrent plusieurs difficultés, car les projets de développement autres que ceux qui sont proposés par la superstructure des institutions de Bretton Woods, ne sont pas toujours appuyés par les politiques locales.

    Des acteurs locaux (associations et collectivités) initient des projets pour une action solidaire afin de renforcer la société civile au Sud. Mais rares sont les actions qui réussissent à modifier des rapports de forces politiques et sociales (Morvan, 2000, p.150).

    Ici encore, la politique pèse sur les initiatives locales et les décisions sont souvent prises en fonction d'intérêts contradictoires. La bureaucratie est un des principaux obstacles au niveau local ; trop lourde et empreinte de corruption, elle bloque les projets s'ils ne répondent pas à ses besoins, ce qui fragilise les liens entre les organismes favorisant de nouveaux modèles de développement et le réseau sectoriel.

    Nous retrouvons plusieurs concepts clés dans les nouveaux modèles qui sont aussi promus par le modèle dominant de développement que représentent les institutions de Bretton Woods. Ces concepts sont rattachés à l'idée d'entrepreneuriat, car le développement passe aujourd'hui par l'autonomie des communautés locales. Ces dernières doivent prendre essor par le leadership de quelques-uns et la complicité de la population et s'inscrire dans des réseaux qui leur permettront de se déployer.

    1.2 Principaux concepts

    Cette partie donnera une définition des concepts qui seront utilisés au cours de cette recherche afin de mieux en comprendre les enjeux rattachés aux problématiques du développement. Tout d'abord, les différents modèles de développement tels que l'aide internationale, la coopération internationale ainsi que la solidarité internationale seront abordés. Ensuite, nous distinguerons entre les différents types de développement, qu'il soit durable, intégré ou sectoriel. Puis, nous préciserons les concepts de « réseautage » et de « partenariat ». Enfin, la capacité entrepreneuriale et l'empowerment termineront cette partie.

    1.2.1 Modèles de développement

    1.2.1.1 Aide internationale

    Le modèle d'aide internationale ou humanitaire répond principalement à des cas d'urgence comme les catastrophes naturelles et elle est mue par une finalité philanthropique sans tenir compte à long terme du développement des pays bénéficiaires (Favreau, Larose, Fall, 2004).

    1.2.1.2 Coopération internationale

    Le modèle de coopération internationale au sens de Favreau, Larose, Fall, (2004, p. 15) a une portée structurante qui s'actualise dans l'envoi de coopérants qui partagent leurs expertises professionnelles et leurs compétences sociales et qui, à leur retour, font le pont entre les organisations du Sud et du Nord. Ce modèle, même s'il peut parfois devenir un complément dans le développement du Sud, reste ancré dans une logique de développement à plus ou moins long terme puisqu'il n'est pas commandé par l'urgence comme l'aide humanitaire.

    Gabas proposerait une autre définition qui irait comme suit :

    un acte réalisé en commun par deux ou plusieurs personnes ou institutions. Les acteurs se fixent ensemble un même objectif qu'ils envisagent d'atteindre en combinant leurs ressources selon certaines règles. Une coopération signifie donc qu'il y a un diagnostic partagé sur une difficulté et implique qu'une action commune est plus avantageuse qu'une action entamée par un seul des acteurs ; le résultat se veut être à somme positive (Gabas, 2002, p. 11-12).

    Cette définition met l'accent sur la construction du lien entre les acteurs impliqués ainsi que le partage des ressources et l'idée de faire ensemble ce partage. Plus encore, la coopération internationale vue sous cet angle consisterait à « créer une dépendance réciproque », une dépendance qui permettrait aux individus autant qu'aux États de mieux vivre ensemble en instaurant un dialogue et une négociation du partage des ressources. Gabas entrevoit la coopération comme une solidarité Nord-Sud, sa définition est donc à cheval entre le modèle de coopération internationale et celui de solidarité internationale de Favreau, Larose et Fall.

    1.2.1.3 Solidarité internationale

    On qualifie de «solidarité internationale » le modèle qui s'est d'abord développé au niveau socioéconomique des bidonvilles, la mise en place du commerce équitable, l'accès au microcrédit, la structuration des communautés dans l'habitation et le commerce coopératif, etc. Ensuite, est venu l'aspect politique du modèle se distinguant par la mobilisation de la société civile et les revendications auprès des instances politiques ou dans les débats internationaux (contestation du sommet de Seattle en 1999, la condition de la femme dans le monde à Pékin en 1996, ou la Marche mondiale contre l'exploitation des enfants en 1998) (Favreau, Larose et Fall, 2004, p. 17). Ce modèle alternatif travaille d'une façon pluridimensionnelle sur la construction d'une autre mondialisation qui ne soit pas essentiellement économique.

    1.2.2 Types de développement

    1.2.2.1 Développement durable

    La WCED (World Commission on Environment and Development), publiait, en 1987, le Rapport Brundtland du nom de sa présidente Gro Harlem Brundland. Ce document intitulé « Our Common Future » a donné lieu à la définition du développement durable que l'on utilise aujourd'hui. Le rapport conjugue développement et environnement et définit ce processus par le terme de «sustainable development», qu'on a traduit par « développement durable » ; c'est-à-dire « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (Rapport Brundtland, 1987).

    Nous avons donc choisi le Rapport Brundtland pour définir le concept de développement durable que nous aborderons dans ce travail, car en 1989, ce document a fait l'objet d'un débat à l'assemblée générale des Nations Unies et il est devenu le modèle à suivre en matière de développement. Nous verrons ensuite que la notion de développement intégré de Jacques L. Boucher ajoute une spécification au concept en introduisant l'aspect d'interdépendance entre les «paliers de gouvernement », aspect du développement durable important quant à notre sujet.

    Tout d'abord, le Rapport Brundtland constate que les problèmes liés au développement et à l'environnement sont dus à la grande pauvreté au Sud et aux modes de consommation et de production non durables qui sont en cours au Nord.

    Figure 1 Le développement durable présente trois dimensions (environnementale, économique et sociale). Le respect des besoins des générations futures et la solidarité avec les pays défavorisés constituent les autres éléments clés de cette notion. (ARE, 2004)

    L'enjeu du développement durable est de concilier progrès économique et progrès social sans mettre en péril l'équilibre naturel de la planète. Il faut donc aborder une réflexion et une action sur la répartition des richesses entre les pays riches et les pays moins développés afin d'assurer un bien-être pour tous et de préserver les ressources pour les générations futures avec l'aide des entreprises, des pouvoirs publics et de la société civile.

    1.2.2.2 Développement intégré

    La notion de développement intégré, est une variante du développement durable, qui rend compte plus spécifiquement de l'intégration territoriale, notamment entre l'espace local et régional, voire même continental. L'aspect particulier du développement intégré a comme vocation à faire reculer l'exclusion, qu'elle prenne une forme économique, politique, culturelle ou sociale. Ainsi, contrairement à la perspective actuelle du néolibéralisme qui renvoie directement le développement social à l'activité économique, la vision d'un développement intégré imbrique l'activité économique et la mobilisation sociale. Ici, le lien social ne se résume plus aux interactions avec le marché ou l'économique, mais il se construit en réseaux divers de lieux, de processus, d'institutions et de négociation entre les acteurs. On parle donc de projet d'ensemble, de plan global, qui se résume en : pensez globalement et agissez localement (Boucher,1999).

    Le développement intégré n'est pas le résultat direct d'opérations simples ; il fait partie d'un processus qui s'inscrit dans la durée et dans la mise en relation de différents processus (privatisation, communautarisation...) et acteurs à l'échelle locale (quartier, ville, nation) ; et non de l'intervention exclusivement ciblée, sectorielle, segmentée, qui ne prend pas en compte la complexité du milieu. Il s'agit donc d'élargir le politique à l'intégration de la sphère publique afin que les communautés locales puissent prendre part activement à leur propre développement. Le soutien étatique est nécessaire et les arrimages doivent se renouveler entre les instances des divers espaces. Donc, pour être pleinement social, un modèle de développement intégré requiert un redéploiement du politique aussi bien que du social (Boucher, 1999).

    Le développement durable et le développement intégré ont tous deux une perspective globale et intégrative du social et de l'économique et de l'environnement, qu'ils soient de nature écologique ou territoriale ; le premier concept faisant plutôt appel aux ressources naturelles et le second aux ressources humaines. Cependant, le Rapport Brundtland sur le développement « soutenable » ou durable englobe le concept de développement intégré, ce dernier mettant l'emphase sur les notions d'entrepreneuriat, d'empowerment et de réseautage de la société civile avec le privé et le public.

    1.2.2.3 Développement sectoriel

    L'approche sectorielle a comme postulat de dire que ce sont les gouvernements qui doivent fournir et planifier les programmes sociaux tels que l'éducation, la santé ainsi que les infrastructures. Cette logique amène donc les bailleurs de fonds internationaux à dire que les projets fragmentés affaiblissent le gouvernement, car ils attirent les meilleures ressources humaines sur le plan local (Tomlinson, 2000). De plus, les projets initiés à l'extérieur de la matrice gouvernementale sont sans appui continu et peuvent donc être limités dans leur durabilité, dans leur cohérence entre eux, ainsi que dans leur efficacité.

    L'approche sectorielle est une méthode selon laquelle s'accomplit le travail à la fois distinct et conjoint de l'État et des donateurs...Les caractéristiques propres à l'approche sectorielle sont que toutes les sommes importantes affectées à un secteur servent au soutien d'un seul et unique programme de politiques et de dépenses, sous la direction du gouvernement, selon des démarches communes dans tout le secteur et en vue d'en arriver éventuellement à suivre les modalités gouvernementales pour ce qui est de débourser et de rendre compte de tous les fonds (Foster et Mike, 2000, p. 8).

    Les approches sectorielles ont comme préoccupation une meilleure gestion des ressources en matière de développement. De plus, les conditions macro-économiques du FMI, la réforme de la fonction publique et la privatisation qui sont imposées par la Banque Mondiale peuvent biaiser les approches sectorielles parce qu'elles réduisent la marge de manoeuvre des gouvernements et laissent peu de place à l'innovation sociale (Tomlinson, 2000).

    1.2.3 Le réseautage

    Le réseautage peut prendre concrètement deux formes : un réseautage horizontal et un réseautage vertical. Le réseautage horizontal ou réseautage avec le milieu, s'établit par partenariat de complémentarité entre acteurs d'un même milieu avec pour objectif le développement de la localité. Le réseautage vertical ou sectoriel s'établit entre des partenaires ayant des liens hiérarchisés tant sur le plan de la ligne de pensée que sur celle de l'action. Tandis que le réseautage horizontal se maintient par la communauté d'intérêts, le réseautage sectoriel s'entretient par un rapport de pouvoir financier. De plus, nous retrouverons dans cette partie les concepts de partenariat et de multipartenariat qui sont des composantes actives du réseautage (Sogge, 2003, p. 145 -146).

    1.2.3.1 Réseau avec le milieu

    Un réseau qui est implanté dans un milieu établit des partenariats avec différents acteurs afin de promouvoir une économie locale, mais aussi un développement qui soit profitable à l'ensemble de la communauté. Un réseau, c'est la mise en place d'une structure qui entraînerait une mobilisation importante des acteurs, qui sont dans notre cas les acteurs du monde agricole, mais aussi de la commercialisation du transport et des communications. Cette structure permet de renforcer la participation de la société civile au développement du pays. Le réseautage de militants, de professionnels et du gouvernemental permet un plus grand flux latéral de connaissances et d'idées qui s'étendent à cause des coûts toujours plus bas des télécommunications et des transports (Sogge, 2003) ; parce ce que ce réseau d'acteurs, d'organismes, de coopératives ou d'acteurs privés vise à insérer dans un circuit économique l'ensemble des acteurs sociaux, le réseautage va favoriser une plus grande capacité de positionnement sur le marché. Les mouvements sociaux ou organisations communautaires locaux et internationaux sont aussi partie prenante du réseau avec le milieu, ils jouent un rôle auprès du politique en revendiquant des droits. Les groupes de femmes qui ont organisé la Marche mondiale des femmes en l'an 2000 ainsi que le mouvement Jubilé 2000 pour l'annulation de la dette des pays les plus pauvres ont constitué des réseaux internationaux de solidarité qui ont eu un impact sur les politiques des pays et par le fait même sur le développement des localités (Fall, Favreau, Larose, 2004, p.30).

    1.2.3.2 Réseau sectoriel

    Le réseau sectoriel renvoie au modèle de développement dominant dont le superviseur est le FMI et il octroie des fonds aux gouvernements des pays du Sud selon différents programmes préétablis par la communauté internationale. La lutte contre la pauvreté et le sida, la bonne gouvernance, l'éducation, les femmes ou l'égalité des sexes, les droits humains... sont autant de secteurs où des fonds sont mobilisés. Le réseau sectoriel doit faire face à plusieurs défis. Les programmes sectoriels exigent une expertise politique sophistiquée pour être mis en oeuvre dans les pays du Sud et cette expertise est souvent déficitaire à cause de la fuite des cerveaux. De plus, la mise en place de ces programmes demande un remaniement des politiques ou des réformes complexes, ce qui ne facilite pas la tâche des gouvernements. L'approche sectorielle, si elle arrive à maturité, est donc susceptible de se transformer en aide qui ressemblerait au Fonds structurel de l'Union européenne, c'est-à-dire qu'au moyen des voies publiques, les revenus du secteur collectif seraient réaffectés à la réduction des inégalités entre les régions (Sogge, 2003). Dans ce type de réseau, les gouvernements locaux vont s'occuper de développer ou de soutenir des services de proximité comme des cuisines collectives ou des coopératives d'habitation. Ils vont aussi soutenir la mise en place des filières ou des secteurs d'emplois prometteurs, des systèmes de microcrédit ou de fond de démarrage pour les petites entreprises (Fall, Favreau, Larose, 2004, p.28). Le réseau sectoriel dépend en grande partie des instances gouvernementales et des politiques qui y sont rattachées.

    1.2.3.3 Partenariat et multipartenariat

    Les partenariats ou multipartenariats se caractérisent par le renforcement mutuel des stratégies d'acteurs, par la mise en commun d'intérêts et de force afin d'atteindre les résultats recherchés de part et d'autre. Certains partenariats sont l'initiative d'individus militants qui participent à créer les bases d'une citoyenneté actualisée. D'autres partenariat sont l'initiative d'entreprises ou encore d'organismes professionnels qui revendiquent une place privilégiée dans les décisions économiques, d'organisations, de localités ou de territoires plus vastes. De plus, il y a les partenariats créés par l'initiative des pouvoirs publics, qu'ils soient locaux ou non, qui remplacent les initiatives privées trop peu nombreuses ou défaillantes (Kolosy, 1997).

    1.2.4 Capacité entrepreneuriale

    L'entrepreneuriat s'incarne dans la capacité qu'a un meneur de développer des connaissances reliées au démarrage d'une entreprise, à sa gestion économique, à la gestion des ressources humaines et à la capacité à créer des partenariats afin de développer une vision à long terme de ce projet ou de cette entreprise. L'entrepreneur est lié à son organisation par l'action qu'il entreprend sur les structures de celle-ci et par l'engagement qu'il établit dans son environnement socio-économique. Son action transforme la dynamique sociale économique existante parce que l'entrepreneur construit de nouvelles relations ou partenariats. Ceux-ci ne lui seront profitables (pas seulement économiquement) que si ses nouveaux partenaires socio-économiques y trouvent également un intérêt et en tirent de la valeur 3(*)

    1.2.5 L'empowerment

    L'empowerment caractérise la capacité que possède une personne ou une communauté à choisir librement (ce qui requiert la présence d'une alternative), de transformer son choix en une décision (ce qui requiert la capacité d'analyser) et d'agir en fonction de sa décision (ce qui veut dire être prêt à assumer les conséquences de l'action). L'empowerment c'est la capacité à prendre un risque  pour améliorer sa vie et celle de sa communauté (Ninacs, 2003). Les acteurs qui participent à un processus d'empowerment peuvent s'inscrire à l'intérieur du processus en tant que participant sans toutefois être le leader.

    * * *

    L'intérêt à comprendre l'ensemble de ces concepts est de voir de quelle manière ils s'inscrivent dans le temps et dans l'espace afin de s'imprégner du débat soulevé dans ce mémoire. Même si le modèle dominant et les modèles alternatifs évoquent le développement durable, l'un et l'autre portent des projets différents. Un développement qui englobe les différentes facettes de la vie de l'humain, doit comprendre les aspects suivant : le social, l'économique et l'environnemental. Ce développement doit durer dans le temps et pour cela, les projets se réalisent en réseau, soit avec le réseau social, c'est-à-dire avec tous les acteurs d'une même localité, soit avec le réseau sectoriel, c'est-à-dire les acteurs du secteur ou du domaine d'intervention (femmes, santé, éducation...) qui sont visés par le projet. Depuis la chute du communisme en effet, les modèles qui sont aujourd'hui dits « alternatifs » ou solidaires ont allié les idées communautaires (bien commun, collectivisme,...) aux idées libérales (démocratie, entrepreneuriat, empowerment...) afin de favoriser l'émergence d'entreprises qui soutiendraient l'essor de la communauté. Le modèle dominant libéral quant à lui, favorise toujours l'entreprise privée comme moteur du développement national, mais il ne l'intègre pas nécessairement dans une perspective communautaire.

    Comme nous l'avons mentionné dans l'introduction, notre recherche porte ultimement sur le rapport Nord-Sud et c'est pourquoi il est important de retracer l'histoire du Bénin, notre « point Sud». D'abord, en lien avec le pays colonisateur la France, et ensuite en lien avec les institutions de Bretton Woods, nos « points Nord». À travers ce cursus, nous verrons les différentes orientations politiques du Bénin, qui portait un modèle « dépendantiste » jusque dans les années 1990 et qui a été influencé par diverses forces intérieures et extérieures, jusqu'à la transformation de son modèle de développement. À la suite de cette mise en contexte historique nous aborderons le projet Songhaï né à la suite de ces évènements pour combler les besoins des populations que les politiques nationales ne satisfaisaient pas.

    CHAPITRE II

    LE BÉNIN DANS LES RAPPORTS NORD-SUD

    Le problème du « mal développement » dans les pays du Sud, et plus particulièrement dans les pays du continent africain se pose d'une façon frappante dans le contexte actuel de la mondialisation. Cette mondialisation est souvent synonyme de la dépendance du Sud face aux structures du Nord :

    dépendance financière et monétaire, principe d'endettement et de désarticulation ; dépendance industrielle et technologique, principe d'économie et de sous-traitance ; dépendance commerciale, principe de l'échange inégal ; dépendance alimentaire, principe de pénurie et de famine. Ajoutez à toutes ces sujétions l'extraversion et la subordination des élites politiques et économiques à des intérêts transnationaux, et vous avez la raison des inégalités dans le monde d'aujourd'hui (Gélinas, 2000, p.228).

    Cette définition de Gélinas est la critique du modèle « dépendantiste » qui est souvent faite au modèle libéral. Dans le cas concret du Bénin, cette perspective est aussi vraie puisque sous le régime socialiste du « tout à l'État », suivi de la démocratie et des ajustements structurels, la précarité sociale et économique s'est aggravée. L'histoire du Bénin nous permettra de mieux comprendre les tenants et les aboutissants du processus de développement de cette région et des modèles qui l'ont façonné.

    Dès le 14e siècle, l'ex royaume du Dahomey, qui est aujourd'hui devenu le Bénin, est le principal comptoir de la traite des esclaves et dans les années 1890, le Bénin deviendra une colonie française après que l'armée du roi Béhanzin ait été défaite par la France, et le roi lui-même déporté en Martinique. L'indépendance du Dahomey aura lieu seulement en 1960, et il deviendra la République Populaire du Bénin en 1975. Après une suite de coups d'État, le général Mathieu Kérékou prend le pouvoir de 1972 à 1990 et installe un régime marxiste-léniniste. Ce n'est que dans les années 1990 qu'un régime démocratique voit le jour, à travers une transition pacifique, avec la nomination d'un premier ministre, Nicéphore Soglo. Celui-ci, élu à la tête du pays un an plus tard, gouvernera jusqu'en 1996, année où il perdra les élections face à son prédécesseur et adversaire Mathieu Kérékou. Aujourd'hui encore, Mathieu Kérékou est le président du Bénin pour un dernier mandat qui prendra fin en 2006. Mais voyons de plus près chacune des périodes de l'histoire du Bénin sous un aspect économique et social à partir de la période coloniale.

    2.1 Les périodes pré-coloniale et coloniale

    Cette période a débuté avec la traite négrière sur les côtes même du Dahomey et a introduit le marché capitaliste en commercialisant des humains ; elle a lancé une économie de traite pour satisfaire les besoins de main d'oeuvre de l'Amérique et des Caraïbes. Hountondji ajoute :

    L'impact de ce commerce sur la vie politique, économique et sociale du pays est considérable. L'expansionnisme d'Agadja, roi du Dahomey, qui s'empare du royaume d'Allada en 1724 et peu après, du royaume de Savi et du port de Ouidah, n'a pas d'autre motif, en dernière analyse que la volonté de contrôler directement ce commerce florissant, sans besoin d'intermédiaires (Hountondji, 2000, p.189).

    Après l'interdiction du commerce des esclaves par les Britanniques, l'économie dahoméenne se convertit à une économie de transformation d'huile de palme sous le règne du roi Ghézo de 1818 à 1858. Le pouvoir d'État pré-colonial s'est adapté aux conjonctures économiques toujours dans une même logique : celle de substituer un produit à un autre avec l'objectif de rentabilité. C'est dans cette perspective marchande que la colonisation du Bénin et de l'Afrique s'est effectuée.

    La colonisation avait pour but ultime l'approvisionnement des industries de la métropole, en l'occurrence Paris, en matières premières agricoles. L'administration coloniale avait élaboré sa politique agricole dans les années 1906 dans la sous- région du Dahomey en créant le Service de l'agriculture et des forêts de la colonie du Dahomey. Ce Service devait mettre en valeur les ressources naturelles du Dahomey de façon à attirer les fermiers européens. Le Service développa des cultures d'exportation comme l'huile de palme, le cacao, le café, le coton et le tabac. Chaque type de culture était identifié à une zone et des techniciens spécialisés étaient affectés à chaque zone. De plus, on forma du personnel « indigène » vers 1913, pour assister les colons fermiers. Les régions ou zones agricoles ne coïncidaient pas avec les régions administratives, ce qui entraîna des conflits entre les administrateurs des régions. Effectivement, les régions administratives ne pouvaient contrôler les « chefs » des régions agricoles, qui traitaient directement avec le Service de l'agriculture et des forêts de la colonie du Dahomey, sans passer par leur autorité, et cela rendait difficile l'administration du territoire. De plus, les colons européens ne sont pas venus en très grand nombre et le Service agricole a dû favoriser les cultures locales des « indigènes » pour approvisionner la métropole. Ce qui ne fut pas un succès puisque l'agriculture indigène était peu performante selon les colonies qui décidaient d'envoyer des « commandants », c'est-à-dire des militaires gestionnaires qui appuieraient les techniciens européens afin d'assurer le bon déroulement du Service dans chaque région. Mongbo nous dira que cette période donnera sa couleur au système agricole jusqu'à nos jours :

    En effet, cette option a probablement enclenché la bureaucratisation du service au lieu que soit privilégié le raffermissement de ses bases techniques. Ceci sera confirmé à partir de 1952 lorsque les Sociétés Indigènes de Prévoyance (SIP) qui étaient supposées constituer des mutuelles d'assistance réciproque entre paysans finirent, à l'issue de maintes réformes et acrobaties de l'administration et du pouvoir colonial par se confondre, en 1975 avec les Secteurs de développement rural, entièrement contrôlés par l'État et se situant essentiellement a l'échelle des arrondissements et sous-préfectures (Mongbo, 2000, p.81).

    À ce stade, le Service ne servait plus de soutien technique aux paysans, il était devenu une partie intégrante de l'administration en dictant des corvées à tous. Or, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe manquait de tout et les industries européennes voulaient s'approvisionner en matières premières agricoles. L'administration coloniale avait encouragé les regroupements coopératifs et mutualistes de façon à approvisionner la métropole. Cette même administration, afin de réduire ses charges salariales auprès des colonies et de réponde aux revendications d'autonomie des territoires africains, a facilité, par des moyens techniques et financiers, la mise en place de coopératives agricoles (Mongbo, 2000). Il faut comprendre que la SIP (Société Indigène de Prévoyance) et autres coopératives comme la SOPA (Société de production agricole d'Abomey), UMAS, UMAD (Union des mutuelles agricoles de Savè et de Dassa), rendaient leurs adhésions obligatoires auprès des paysans qui devaient travailler bénévolement dès 1946, sur des champs collectifs de cultures de rentes qui étaient supposées servir à la collectivité, mais qui était souvent envoyées vers la métropole.

    2.2 L'indépendance (1960-1975)

    Au lendemain des indépendances, l'administration coloniale est toujours présente, car il n'y a pas de programme politique planifié qui permettrait à l'État de fonctionner sans appuis permanents. De plus, le pays n'a pas de personnel qualifié pour entreprendre de nouvelles politiques agricoles même si l'agriculture est le principal attrait économique de la région.

    Ainsi, les actions entreprises par le gouvernement au lendemain des indépendances étaient en totale désarticulation par rapport à ce qui aurait pu être une politique de développement autocentrée. Une telle politique était du reste absente, même au niveau du discours. Les actions couvraient globalement trois grands domaines : la structuration du monde rural, le développement de cultures d'exportation et la régionalisation des interventions pour le développement rural. Malgré un changement radical de discours et quelques actions d'éclat après 1975, les tendances générales sont demeurées identiques jusqu'a la fin des années 80 (Mongbo, 2000, p.83).

    Le gouvernement révolutionnaire militaro-marxiste de 1972 critique la politique agricole de l'ère des indépendances et veut faire une nouvelle politique où l'agriculture sera la base de l'économie du pays et non plus une agriculture qui sert à fournir les matières premières pour l'industrie de l'ancienne métropole. Mais les actions des politiques agricoles sous le pouvoir marxiste n'auront pas le succès escompté. Le discours sur l'agriculture, au moment du régime marxiste, était plus cohérent et planifié, mais cela ne veut pas dire que le plan d'action avait été exécuté.

    2.3 Le socialisme (1972-1989)

    Le modèle de développement de cette période a été rédigé selon deux sources : le discours-programme du 30 novembre 1972 et le discours d'orientation nationale du 30 novembre 1974. Pour mettre les deux discours en oeuvre un plan d'État sera élaboré :

    l'idée-force du plan est la construction à terme d'une société socialiste caractérisée par la transformation de la nature du processus d'accumulation sous l'impulsion dynamique de l'État. Le plan triennal de 1977-1980 s'est donné comme objectifs d'opérer un développement autocentré et de développer le marché intérieur en mettant sur pied un secteur industriel financé par l'agriculture (Houedete, 2000, p.28).

    La période socialiste opère une nationalisation du pays entre1974 et 1982 lors de laquelle l'ensemble des activités économiques formelles passe sous la coupe de l'État. Cet État exerce dorénavant un plus grand contrôle dans les sociétés d'économie mixte en engageant son capital. Les banques, sociétés d'assurances, compagnies d'eau et d'électricité et compagnies pétrolière ont été complètement nationalisées et diverses autres compagnies d'État ont été créées dans le secteur de l'agriculture, de l'industrie, du commerce et des services.

    Cette nationalisation aura des retombés néfastes puisque, pour financer les entreprises publiques, des dettes ont dû être contractées  et ces dettes sont à l'origine de plus de 75 % de la dette extérieure du Bénin et de 60 % de la dette intérieure. L'ensemble des fonds publics étaient englouti dans les salaires des fonctionnaires. Une crise financière importante s'est installée dès 1983 jusqu'en 1990 où le socialisme tomba pour faire place à un régime démocratique. Cette crise principalement caractérisée par l'endettement extérieur, la faillite du système bancaire, la chute de l'activité économique (entre autres avec le Nigeria) et l'alourdissement du déficit public, ne permettait plus à l'État de payer ses employés.

    Par-delà les facteurs économiques, Houedete nous dira que c'est l'idéologie marxiste qui amena le pays au bord du gouffre :

    ...de confisquer dès 1974 toutes les libertés et de mettre en place un régime de terreur qui, à terme, a annihilé l'esprit d'initiative et d'entreprise ; de se lancer dans des fuites en avant suicidaires au plan politique, économique, social, culturel, institution et généralisation de l'école nouvelle, proclamation et imposition du marxisme-léniniste avec comme implications la copie servile des systèmes institutionnels et économiques en vigueur à l'époque dans les pays de l'Europe de l'Est); de promouvoir des bureaucrates peu soucieux de rendement du service public, mais fortement préoccupés par les avantages que leur confère leur nouvelle position sociale (Houedete, 2000, p.51).

    L'idéologie socialiste a sans doute eu un impact non négligeable sur l' « empowerment » de la société, c'est-à-dire le pouvoir que les gens ont sur leur propre vie. La bureaucratie omniprésente, lègue de la colonisation et renforcée sous le marxisme, ne permet pas non plus la prise en main de la société civile. Par contre, les fonctionnaires non payés depuis plus de neuf mois, ainsi que les pressions des Béninois exilés, donneront lieu à une grève générale en 1989 ; ceci forcera le régime militaire à convoquer une conférence nationale, la Conférence des forces vives de février 1990 qui adopta l'option économique néolibérale et renversera de façon pacifique le gouvernement marxiste.

    2.4 Le multipartisme et les programmes d'ajustement structurel de 1990 à aujourd'hui.

    Après la faillite économique et politique du régime militaro-marxiste en 1989, suivie par une année de grève de toute la fonction publique, donc de la plus grande partie de la population, le gouvernement béninois devait trouver une solution à l'impasse. L'urgence des besoins de financement va l'amener à solliciter la Banque Mondiale, mais pour recevoir les fonds du Programme d'Ajustement structurel (PAS), il doit répondre aux critères de démocratie et de bonne gouvernance. De plus, les Béninois de l'étranger font des pressions pour une reconstruction complète du pays au plan politique, par le biais d'une Conférence nationale souveraine. Mathieu Kérékou avait accepté de laisser tomber son régime socialiste, mais ce n'était plus suffisant; la population voulait un changement radical dans le pays. C'est donc à la suite des pressions intérieures et extérieures que la Conférence des Forces vives de la Nation eut lieu. On y adopta un système démocratique et un Premier ministre fut élu pour la période de transition. C'est dans cette transition, en 1990, que la privatisation des compagnies d'État a débuté. La Conférence des Forces vives de la Nation donnait un nouvel essor au Bénin : le système d'économie planifiée devenait une économie de marché avec la mise en place d'une démocratie libérale. Cette conférence fut un point tournant, non seulement pour le Bénin mais aussi pour toute la région ouest africaine car, pour la première fois, un pays changeait de régime parce que la population civile le réclamait, et cela, sans effusion de sang et sans coup d'État militaire.

    L'option néolibérale que les Béninois vont prendre, à la suite de la Conférence des Forces vives, posera de nombreuses questions face à la réussite de ce choix :

    Cette option a-t-elle aidé à résoudre les problèmes auxquels le pays était confronté ? En d'autres termes, quels sont, les objectifs visés par les PAS et les moyens mis en oeuvre pour leur réalisation ? Quels sont les principaux résultats acquis depuis 1990 et à quels prix ? Dans quelle mesure les objectifs, stratégies et résultats concourent-ils, ne serait-ce que de manière relative, à l'émergence et /ou à la consolidation d'une autonomie du Bénin notamment au plan économique et politique (Houedete, 2000, p.52)?

    Cette suite de questions est le coeur du problème.

    Ainsi, l'option néolibérale et les programmes d'ajustement structurel ont-ils vraiment aidé le Bénin à se sortir de ce mauvais pas ? Le programme d'ajustement structurel dans sa phase III (1996-1999) voulait accroître le taux du produit intérieur brut (PIB) de 6% par an tout en maintenant l'inflation à un taux inférieur à 3% par an. De plus, le plan ci haut, s'inscrivait dans la lutte contre la pauvreté, le renforcement de la politique d'emploi et l'intensification de la lutte pour l'environnement.

    Le discours de la Banque mondiale favorise la privatisation des institutions publiques afin de dynamiser l'économie locale, mais la conséquence est un alourdissement de la pression fiscale sur les populations. De plus, cette privatisation de l'État aura comme effet la diminution de la masse salariale. Donc, pressions fiscales et diminution de la masse salariale pour rembourser les dettes contractées auprès des institutions de Bretton Woods. Le mémorandum sur les politiques économiques et financières de 1996-1997 va comme suit :

    En 1997, avec une baise prévue des recettes fiscales et non fiscales du secteur cotonnier, en raison de la hausse du prix au producteur et des coûts de revient de la filière, le gouvernement renforcera le dispositif fiscal afin d'atteindre un montant de recettes de 178 milliards (14,7 % du PIB). À cette fin, le gouvernement mettra à l'étude... le renforcement de la fiscalité sur le ciment, modulera la taxe spécifique sur les hydrocarbures... ce qui pourrait impliquer une légère augmentation des prix à la pompe... à la hausse des tarifs de l'eau et de l'électricité, à la généralisation des péages à l'ensemble du réseau routier bitume (Houedete, 2000, p.8-9).4(*)

    De plus, le processus de privatisation au Bénin n'avait pas pris en compte que les notions de management et l'esprit marketing n'étaient pas ancrés dans les mentalités des fonctionnaires ce qui a aggravé le rendement des entreprises et l'a rendu déficitaire. Le seul moyen pour sortir le pays de l'impasse économique était donc de combiner une politique de minimisation des coûts et la rigueur en gestion pour éviter les gaspillages et les fraudes.

    Le néolibéralisme aura aussi une influence sur la flambée des prix, le chômage et l'assujettissement du pays à la dette extérieure. Les PAS demandaient le démantèlement du système de contrôle des prix pour que les importateurs et commerçants soient libres de fixer les prix ; c'est la libre concurrence. Avec cette nouvelle donnée, dès 1996 au lendemain des élections, les prix avaient augmenté de 4 % (Houedete, 2000). La politique fiscale a contribué à la hausse des prix en introduisant une taxe à taux unique autant sur les produits courants que sur les produits de luxe. De plus, les impôts aux grandes entreprises ont été diminués et ceux des petites entreprises augmentés pour favoriser l'implantation des multinationales.

    Pour ce qui est de l'emploi il est classé dans le document cadre des PAS sous la rubrique lutte contre la pauvreté. Le plan d'action de ce document cadre comporte plusieurs volets : le haussement de la main d'oeuvre des travaux publics, l'encouragement des initiatives de développement local par l'intermédiaire des O.N.G. ou des organismes compétents, le renforcement de la dimension sociale de tous les projets d'investissement et la préparation d'une stratégie nationale pour l'emploi. Houedete critique cette clause :

    Mais quels emplois promouvoir avec les prescriptions du FMI ? le recrutement de deux personnes pour trois départs à la retraite dans la fonction publique ; la transformation des contrats de pré-insertion d'un an renouvelable en des contrats de cinq ans ; les discours sur l'auto-emploi et sur les micros-réalisation comme si un pays s'était jamais développé avec la petite production (Houedete, 2000, p.63).

    En ce qui concerne l'assujettissement économique du pays, on peut dire que ce qui est promulgué par le PAS c'est l'ajustement des structures commerciales du pays afin qu'une culture puisse être exportée ; dans le cas du Bénin ce fut le coton qui devait rapporter des devises afin de rapidement payer la dette.

    Dans le document-cadre de 1996-1999 on peut voir les orientations prises de concertation avec le FMI, la Banque Mondiale et l'État. Le gouvernement veut favoriser la diversification de la production agricole afin de réduire la dépendance de l'économie à l'égard du coton. La stratégie du gouvernement prend appui sur le renforcement des services de vulgarisation et l'amélioration de l'infrastructure routière et populaire et, la stimulation à la création de petites entreprises exportatrices, à travers l'élaboration d'études de marché et analyses approfondies des filières d'exportation (Houedete, 2000, p.64).

    Cette stratégie de diversification ne vise pas à assurer l'autosuffisance alimentaire, mais plutôt l'élargissement des possibilités d'exportation toujours dans le but de payer la dette extérieure. De plus, la Caisse française de Développement exerce ses pressions sur le pouvoir en place pour préserver ses intérêts néo-coloniaux. Le PAS soutient l'ancienne politique coloniale qui commande le démantèlement du système de contrôle des prix et la non-maîtrise de l'appareil économique ce qui produit l'inflation qui se situe à plus de 64 % en 1996.

    John Igue ajoute que la période coloniale a laissé des traces indélébiles dans les structures actuelles des États du Sud en les fragilisant et en désorganisant la société civile. Les précarités dont souffrent les pays tels que le Bénin, sont selon Igue :

    Au niveau de l'État, l'approbation insuffisante, sous des régimes politiques par ailleurs très divers, des exigences actuelles de démocratisation de la société, d'instauration d'un État de droit et de bonnes gouvernances ; au niveau de la société civile, une diversité d'acteurs dont les intérêts divergents compliquent la mission que devrait accomplir toute société civile (Igue, 2000, p. 144).

    Société civile et État sont confrontés à l'instabilité socio-politique de différents ordres : les contraintes géographiques, la mauvaise circulation de l'information à l'intérieur du pays même et les pressions coloniales. Il faut donc une recomposition des espaces politiques et géostratégiques comme l'avance Igue pour que les sociétés civiles puissent émerger et que l'État puisse compter sur des acteurs dynamiques.

    2.5 Les nouveaux acteurs de développement économique, social et politique

    Les États ayant de plus en plus de difficulté à exercer leur souveraineté dans l'économie de marché actuelle de la mondialisation, et donc de plus en plus de difficultés à répondre aux besoins de leurs populations, des économies parallèles se sont développées afin de pallier aux manques. Les programmes d'ajustement structurel qui ont été imposés aux États afin de recevoir de l'« aide internationale » ont conduit les pouvoirs publics à limiter et à diminuer leurs budgets nationaux consacrés aux services sociaux, à l'habitation, à l'éducation et à l'alimentation. Ceci va fragiliser la politique intérieure de ces pays par l'effet de la corruption et des injustices de toutes sortes, mettant du fait même un frein au développement à cause des conflits et des scandales qui éclatent et rendent instables ces États. Favreau et Fréchette vont dans le même sens, mais font ressortir en même temps un élément important à savoir, que la faiblesse de l'État favorise une solidarité qui provient de la base :

    La marge de manoeuvre des États chez les pays du Sud, dans leur fonction de redistribution, a été réduite à sa plus faible expression. Les populations de ces pays se retrouvent ainsi plus que jamais contraintes de concevoir elles-mêmes de nouvelles formes de solidarité et d'entraide, économiques et sociales tout à la fois, afin de résoudre les problèmes les plus cruciaux auxquels elles sont confrontés (Favreau, 2002, p15).

    Cette solidarité montante, même si elle reste locale, cherche à recréer des réseaux économiques à l'aide de coopératives, de mutuelles, d'associations, de regroupements villageois n'ayant pas de liens avec l'ancien système de coopératives et de mutuelles sous le régime socialiste, lesquelles peuvent être qualifiés de réseaux d'économie sociale. De plus, les acteurs de ce mouvement cherchent à prendre leur place dans le champ de la vie publique. Les initiatives locales au Sud tentent de créer des réseaux socioéconomiques qui combinent à la fois les dimensions marchandes et non marchandes (Defourny, 1999). Ces réseaux sont souvent soutenus par des O.N.G., au Sud, et ils cherchent à adapter les modes de production marchands aux sociétés et à leurs cultures spécifiques. Les caractéristiques des réseaux d'économie sociale se distinguent selon Favreau et Fréchette par le :  

    regroupement des personnes en tant qu'associés d'une même entreprise poursuivant tout à la fois des objectifs sociaux et des objectifs économiques, misent principalement sur un mode de gestion démocratique et utilisent le capital disponible dans une perspective d'entrepreneuriat social et collectif (Favreau, 2000, p.9). 

    L'expérience Songhaï est particulièrement intéressante puisque ce projet est à la fois une O.N.G. qui favorise l'essor des réseaux d'économie sociale en donnant une formation adaptée à la société (ethnies avec l'ensemble de leurs traditions et cultures différentes), tout en créant des entreprises d'économie sociale (coopératives agricoles...), qui sont prises en charge par leurs membres (fermiers ex-étudiants de Songhaï et fermiers non étudiants de Songhaï) avec une participation démocratique.

    CHAPITRE III

    LE PROJET SONGHAÏ : ÉVOLUTION ET PROBLÉMATIQUE

    Dans l'optique du renouvellement des pratiques sociales, il est intéressant de comprendre la relation qu'entretiennent le Nord et le Sud, les processus de développement au Sud, et les intérêts du Nord dans cette « entreprise » de développement. Nous avons choisi pour réaliser une étude de cas, le projet Songhaï du Bénin, entre autres parce que M. Nzamujo, Fondateur de Songhaï du projet, avait exprimé, dans un de ses ouvrages, les difficultés rencontrées avec ses bailleurs de fonds et les stratégies qu'il avait adoptées pour contourner ces difficultés. C'est au travers de la relation des bailleurs de fonds -- du Nord -- et le projet Songhaï -- au Sud --, que nous définirons la relation Nord-Sud.

    3.1 Description du Projet Songhaï

    Songhaï est une Organisation Privée de Volontaires, une O.N.G. qui est enregistrée au Bénin, qui y opère, qui est maintenant présente au Nigeria, et dont la mission fondamentale est d'amorcer une transformation « morale et technique » au sein des populations les plus défavorisées pour accroître leur esprit d'entrepreneuriat. C'est une idée d'« empowerment » pour développer et transmettre des valeurs humaines appropriées à un changement de comportement, pour que les jeunes, les paysans, les femmes et les entrepreneurs deviennent des acteurs de leur propre développement, capables d'initiatives et de créativité. Le Centre Songhaï est un centre agrobiologique de formation, production, transformation, recherche et développement en agriculture. Il est doté de plusieurs « fermes-écoles » qui développent un système de production viable et peu coûteux basé sur l'agrobiologie et intégrant l'agriculture, l'élevage et la pisciculture. Son but est de valoriser les ressources naturelles locales pour diminuer les coûts de production et mettre en évidence les possibilités de synergie entre les différents secteurs de production.

    Le premier centre Songhaï a été fondé en 1985 par M. Godfrey Nzamujo, un religieux bénédictin. Nigérian d'origine, celui-ci partit vivre aux États-Unis en 1970, où il fit ses études en informatique et compléta sa formation par des études de microbiologie et de chimie. Il devint ensuite professeur d'électronique et d'informatique en Californie. En 1983, la crise en Éthiopie provoque un questionnement chez Nzamujo et il décide de revenir en Afrique, au Bénin. Il entreprend de créer un centre agropastoral qui deviendra un réseau aux possibilités nombreuses.

    Songhaï est aujourd'hui implanté sur plusieurs sites au Bénin. Le siège du centre ainsi que la première « ferme-école » sont situés  à Ouando, en banlieue de Porto-Novo, capitale administrative du Bénin située au sud-est du pays. Ensuite, vient la Ferme-école de Tchi-Ahomadegbé, devenue une coopérative en 1996 et qui est située dans le département du Mono (sud-ouest du Bénin). Puis, une « Ferme villageoise » est créée par les anciens élèves de Songhaï et la population rurale de Kinwedji (département du Mono) est, elle aussi, soutenue par le centre Songhaï. De plus, une ferme de production a été créée à Ilaro, au Nigeria, ainsi que de nombreux groupements féminins et mixtes toujours rattachés à l'agriculture et sa commercialisation. Et dernièrement, deux nouveaux centres ferme-école ont vu le jour, l'un dans le département du Zou à Savalou (centre) et le second dans le Borgou (Nord-est) à Parakou.

    Une équipe d'animation paysanne assure un suivi à un réseau de plus de 250 fermes à travers tout le pays. L'équipe a comme tâche d'accompagner les fermiers dans leur installation en déterminant les chances de réussite, les meilleures activités de départ, les investissements et les financements appropriés pour favoriser l'essor de la ferme. De plus, le secteur agricol, s'il veut être dynamique, se lie souvent à l'industrie et à la commercialisation. Songhaï a ainsi développé des services complémentaires à l'agriculture, comme l'artisanat, les technologies et la mécanisation appropriés ou adaptés aux diverses régions du Bénin et au climat tropical.

    Le Projet Songhaï a pris une ampleur considérable depuis quinze ans et il compte aujourd'hui plus de 150 employés (animateurs, techniciens, et responsables). Au-delà de son rayonnement sur le territoire national, Songhaï est un véritable mouvement international avec des partenaires comme Songhaï-France, Solidarité-Songhaï, Louveciennes Afrique et Développement, Songhaï-Chasselay, USAID (United States Aid for International Development), Danida, CCFD (Comité catholique contre la faim pour le développement), Songhaï Support Group (California), le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), l'HCR (Agence des Nations Unies), RABOBANK FOUNDATION (Pays Bas), l'Accion Verapaz (Espagne), le SID (Society for International Development), le CRDI (Centre de Recherches pour le Développement International), la Coopération Française, CODEV-Toulouse (France), les gouvernements du Bénin et du Nigéria.5(*)

    Figure 2 Voici un schéma de production complet tel que présenté par Songhaï. Il est basé sur un système intégré qui exploite les avantages de la synergie entre l'agriculture, l'élevage et la pisciculture, d'une part, et entre la production, la transformation et la commercialisation de l'autre (Songhaï, 2003, www.songhai.org).

    Le volet formation est essentiel, il se poursuit avec l'accompagnement des fermiers dans l'établissement de leurs fermes et la mise en chantiers de leurs plans agricoles, d'élevage et de transformation. La recherche est constante chez Songhaï pour développer des outils et des techniques qui rendent la production adaptée au sol et à la culture. Il faut ajouter l'infrastructure des comptoirs de vente, de la restauration, des télécentres, des crédits et des filières qui établissent un réseautage et un partenariat avec les acteurs privés. Le projet Songhaï est beaucoup plus vaste que le simple projet agropastoral, il s'en dégage un projet de société et de développement durable. Nsamujo ajouterait ce qui suit :

    À Songhaï, nous voulons réparer cette situation mortifère qui fait douter l'Afrique d'elle-même, non pas à travers de beau discours, mais en développant une culture de succès. Les ateliers mis en place ainsi que le système de production agro-alimentaire sont destinés d'abord à asseoir cette mentalité de confiance en soi pour entraîner cette nécessaire conversion vers la vie et le changement (Nzamujo, 2002, p.35).

    Nzamujo veut inculquer des valeurs de travail, de courage et de confiance en soi à la population, nous dirions de l'empowerment.

    3.2 Le modèle de développement de Songhaï

    Le fondateur Nzamujo mise fortement sur les relations entre différents axes ou facettes du monde socio-économique, de l'agriculture, du politique et même du spirituel. Le système holistique est privilégié et il passe par les institutions sociales ou spirituelles, qui produisent des valeurs, celle du travail ou du bien commun par exemple, et cette synergie permettra au système économique de devenir plus performant. L'être et l'avoir ne s'opposent pas, mais doivent s'enrichir mutuellement pour créer richesse personnelle et conscience collective. D'ailleurs, selon Nzamujo,

    Une grande part de la pauvreté de l'Afrique vient de ce que les valeurs du bien commun ne sont pas solidement ancrées : chacun cherche son intérêt individuel. Si le bien commun était central, il fournirait le cadre de la dynamique économique collective, du véritable développement au service de chacun et de tous. C'est là un défi que veut relever Songhaï : associer la dynamique de marché à la dynamique culturelle et sociale, car les valeurs économiques et éthiques sont liées et ne peuvent aller les unes sans les autres (Nzamujo, 2002, p.55).

    Les valeurs du bien commun doivent aussi transparaître dans la relation entre le Nord et le Sud. Il est crucial pour Nzamujo qu'un véritable partenariat s'établisse pour que puisse se rétablir un équilibre essentiel au bon fonctionnement de la communauté internationale et pour ce faire les pays industrialisés devraient accroître leur aide aux pays en développement afin de leur permettre de faire face à leurs engagements financiers. De plus, si des capitaux sont investis au Sud et que des partenariats sont établis entre les pôles certains problèmes au Nord, comme le chômage, pourront trouver des solutions avec le partage des expertises et des technologies.

    Mais le processus de l'évaluation du projet Songhaï est une préoccupation plus immédiate. Il est nécessaire pour le projet Songhaï, comme tout projet qui veut s'épanouir, d'avoir une évaluation constante des « façons de faire » et des acteurs qui participent au projet pour que « l'excellence », devise de Songhaï, ne soit pas un simple slogan. Par ailleurs, le problème est que les outils traditionnels d'évaluation sont souvent inadéquats, car le projet Songhaï est imbriqué dans la culture locale et africaine et un évaluateur externe qui ne tient pas compte de ce paramètre risque de passer à côté de la réalité.

    surtout quand l'évaluateur joue à l'inquisiteur soupçonneux croyant être le défenseur des intérêts des bailleurs de fonds. L'évaluation - dont le but est normalement de progresser ensemble -, devient alors un élément de destruction plutôt que de construction. Dans ce cas, elle est non seulement inutile mais un mécanisme d'agression et induit de la fraude, du mensonge (idem, p.77).

    Songhaï met l'accent sur les processus et non les résultats ; c'est le trajet suivi et les potentialités éveillées qui sont les vrais fruits du travail. C'est le développement des capacités à faire face aux problèmes et à les résoudre qui est privilégié afin de relever des défis toujours plus importants. Les variables de l'économie, du social et des valeurs spirituelles doivent faire partie de l'évaluation. Cette évaluation globale doit permettre à chaque personne de se situer elle-même dans le projet. Les qualités tels que le leadership, la participation à la recherche du bien commun, le sens du devoir, où des qualités telles que les savoirs comptables et agricoles sont aussi importants et doivent faire partie de l'évaluation. Pourtant, l'évaluation n'est pas chose facile, car en tenant compte des paramètres culturels la communication n'est pas toujours claire. Nzamujo décrit clairement cette difficulté de communication et l'explique par le fait que, quand on n'a pas l'habitude de se dire la vérité en face, de se regarder, de porter un jugement les relations interpersonnelles deviennent plus délicates. Et pourtant, reconnaît - il on ne peut que travailler dans ce contexte de codépendance. Il reste donc à faire passer aux formateurs et aux responsables l'étape de respect du contrat moral qui lie chaque membre à la mission.

    Ce contexte interne s'observe au plan international, dans la relation Nord-Sud. L'évaluation par les bailleurs de fonds est aussi un des aspects centraux selon Nzamujo, afin que le partenariat soit clair et efficace.

    Mais ce qui préoccupe encore davantage Nzamujo c'est comment le projet Songhaï pourrait passer du micro au macro. Songhaï est un projet de développement qui a des résultats enviables et qui opère des transformations locales. Mais peut-il transformer toute l'Afrique à partir du Bénin? Comment aller plus loin que le lancement d'un lieu expérimental, se demande-t-on déjà à Songhaï. En effet, le défi du développement aujourd'hui se trouve à ce niveau : il faut pouvoir passer des exceptions à la généralisation des réussites locales, pour que les efforts servent véritablement à changer les choses. C'est une urgence en Afrique aux dires du Fondateur.

    Nzamujo se préoccupe d'un ensemble de facteurs qui sont tous imbriqués les uns dans les autres. On ne peut soustraire le modèle de développement de Songhaï de son financement et de son évaluation. Ce modèle de développement est directement lié à un projet plus large que celui du développement local, c'est le développement de l'Afrique dont il est question pour l'auteur. Ce développement aura besoin d'un appui majeur en financement et en évaluation, mais surtout en dialogue pour que chaque acteur, population, gouvernement et bailleur de fonds, soit à même de prendre une direction commune malgré leurs intérêts divergents.

    3.3 L'évolution de Songhaï

    Nzamujo nous décrit Songhaï comme étant son acte de foi en la valeur du travail et de la discipline. Songhaï est un projet de société qui doit englober toutes les sphères de la vie humaine telles le social, l'économique, et le spirituel, car pour le fondateur, la vie en société repose sur ces trois piliers. Celui-ci disait aussi que dans la sphère de l'agriculture la synergie doit primer.

    Songhaï a, dès le début de son existence, mis l'accent sur les grandes relations systémiques. Son existence elle-même résulte de la construction d'un système où des activités traditionnellement séparées sont mises en relation. Songhaï est le résultat d'un système « énergie-agriculture-élevage » que nous appelons « système intégré de Songhaï ». Ce système a été mis en place dès 1985 (Nzamujo, 2002, p.54).

    En effet, Songhaï est né modestement, en 1985, avec dix hectares de terrain à Ouando en banlieue de Porto-Novo, donné par le gouvernement béninois et une équipe de six jeunes déscolarisés. Après avoir défrichés le terrain et construits six bassins piscicoles, ce sont des amis, nommés le support group, qui ont financé l'achat de 32 oeufs de cailles, 12 canards, 100 poulets, 10 truies et 20 ovins et caprins. Ces animaux donnèrent un bon rendement et un an plus tard ils permirent à Songhaï, d'après les résultats obtenus sur le terrain, d'obtenir un premier engagement financier avec l'ADF (Africain Development Foundation). Ces fonds permirent la construction de 84 bassins de pisciculture et celle d'une porcherie.

    C'est en 1987 que, pour la première fois, Songhaï accueillit 28 étudiants. Avec autant de personnes qui travaillent en apprenant, le projet Songhaï prend de l'expansion et donne des récoltes très abondantes ; ce sont ces récoltes qui mirent sur pied un système de vente et de livraison afin de ne pas perdre les denrées. Le volet formation devint de plus en plus important et structuré en donnant des promotions de 15 étudiants tous les six mois. C'est en 1988, lors de la remise des premiers diplômes que de nouveaux partenaires vinrent collaborer et renforcer l'équipe de Songhaï.

    Par la suite, en 1989, un second centre, le Centre de Tchi-Ahomadegbé, fut construit dans la région du Mono sur un terrain, beaucoup plus vaste que le précédent. C'est à ce moment que l'expérience dut s'adapter selon un nouveau contexte ; celui d'un village qui préexistait sur les 125 hectares. Des jeunes allèrent s'y installer pour construire les bassins de pisciculture et les infrastructures et peu à peu d'autres jeunes du village demandèrent à être formés et à participer au projet Songhaï. De cette expérience sept coopératives se constituèrent sur le site et le FED (Fonds européen pour le développement) se joignit au projet par son financement.

    En 1989, un premier colloque fut organisé à Ouando pour faire connaître la philosophie, ce qu'on nomme comme le modèle de développement de Songhaï, et la théologie du mouvement Songhaï. Ce colloque permit la rencontre entre les praticiens, les théologiens, les élèves, les intellectuels et les gens du Nord et du Sud. La conception du développement de Songhaï était maintenant connue et avait de plus en plus de support des populations et des bailleurs de fonds.

    Par la suite, Songhaï ouvre un magasin de vente de ses produits à Cotonou en 1991. L'année qui suit, des activités de transformation agricoles vont débuter avec la mise sur pied d'une charcuterie, d'une industrie de jus, de confiture et de farine de manioc. Un restaurant et une formation en restauration et en hôtellerie suivirent en 1993, et tout cela était pour mettre en valeur les produits agrobiologiques de la ferme de Ouando. De plus, un atelier de mécanique, un abattoir et une unité de réfrigération sont mis en place la même année.

    Songhaï ne fait pas que créer des projets il est aussi appelé à en soutenir et c'est dans cet esprit qu'un réseau de fermiers fut mis en place dès 1995. Ce réseau servait avant tout à donner de l'assistance technique, de la formation et du crédit afin de stimuler le milieu. Par la suite, un point de vente Songhaï fut créé à Lakossa pour permettre au réseau des fermiers de commercialiser leurs produits.

    En 1996 Songhaï se retire du centre de Tchi-Ahomadegbé tout en restant une équipe-conseil. Songhaï confiera la ferme-école à une coopérative villageoise qui poursuivra ce qui a été commencé et qui obtiendra le prix de la productivité de la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) en 1999. Le gouvernement du Bénin avait demandé à Songhaï de faire de nouveaux projets plus au Nord, à Savalou et à Parakou. Ces projets furent réalisés sur deux années à cause des travaux d'aménagement très importants.

    Parallèlement, l'IFED (Institut de formation des entrepreneurs en développement) fut créé en 1997 pour assurer une formation continue aux anciens élèves, mais aussi pour organiser des colloques et des séminaires. De plus, un autre atelier de mécanique s'est mis sur pied pour fabriquer des machines agricoles adaptées aux besoins des sols, et des cultures.

    C'est en 1999 que l'USAID (United States Aid for International Development) s'est joint au projet Songhaï pour développer un réseau de télé-services communautaires et financer en partie les centres de Savalou et Parakou. Pour ce qui est du réseau de télé-services, il permit à la population et aux fermiers d'avoir accès aux nouvelles technologies de l'information. Le premier télécentre a été construit à Porto-Novo et il peut accueillir une centaine de personnes par jour ; les télécentres de Savalou, Parakou et Lakossa sont aussi opérationnels, mais offrant un peu moins de services que celui de Porto-Novo. De plus, un système de communication par radio relie les centres de Ouando, Parakou et Savalou de façon à ce que les informations en tout genre soient toujours disponibles aux populations et aux fermiers. Les centres de Parakou et de Savalou furent inaugurés cette même année et un centre de réfugiés à Kpomassè fut confié à Songhaï afin d'y faire une ferme agropastorale en lien avec la ferme et la coopérative de Ouando. Cette dernière initiative ayant eu un grand succès, permit le réinvestissement des surplus des activités agricoles dans la création d'une route, d'une clinique et d'une école pour les réfugiés et la population locale.

    L'USAID répond à un nouveau projet en chantier depuis 2002, celui d'un réseau de vente par filières qui allierait les fermiers de Songhaï à des partenaires privés pour le transport des marchandises ou la transformation des produits. Songhaï est toujours en mouvement et permet l'innovation et l'adaptation à tous les contextes. Songhaï n'est pas une structure rigide, c'est un vaste mouvement chapeauté par un modèle de développement où le travail et l'entrepreneuriat sont au rendez-vous et la synergie est un élément clé comme le dit si bien Nzamujo :

    Un développement social seul n'apporte rien. Un développement économique seul n'apporte rien, pourtant on a beaucoup travaillé dans ce sens - hélas !- oubliant les autres dimensions de la vie. Pour promouvoir le développement d'une société, il est nécessaire que le social, l'économique et le spirituel travaillent ensemble. La crise en Afrique est une crise morale et spirituelle plus qu'économique au sens strict. Dans ces trois domaines- social, économique et spirituel-, qui est valorisé. C'est l'effet de synergie qui explique le succès des économies asiatiques car elles reposent sur de solides valeurs culturelles et sociales qui permettent à l'économie d'atteindre des performances supérieures à ce que peut atteindre l'Occident (Nzamujo, 2002, p.55).

    Songhaï est selon son fondateur, le résultat d'une dynamique économique et institutionnelle, mais aussi d'une dynamique interpersonnelle, car ce sont les membres de Songhaï, les formateurs et les formés, qui font de Songhaï ce qu'il est maintenant.

    3.4 Problématique

    Certains bailleurs de fonds ont critiqué Songhaï en disant qu'il ne donnait pas de résultats quantifiables après deux ans et ces mêmes bailleurs de fonds ont imposé une marche à suivre pour que Songhaï puisse avoir droit au financement. Songhaï a refusé de se plier à ces règles qui ne lui convenaient pas, car il voulait rester fidèle à ses valeurs de « processus de développement humain à long terme ».

    Ce n'est pas que les bailleurs de fonds soient opposés à l'idée du développement humain, mais c'est l'évaluation des résultats qui cause problème, car les résultats du développement humain ne sont pas immédiatement quantifiables. D'autre part, Songhaï est pris dans un conflit de visions, non pas seulement avec les bailleurs de fonds, mais aussi avec certains de ses participants et la population locale.

    3.4.1 La capacité entrepreneuriale chez Songhaï

    Songhaï propose une formation pour « changer les mentalités » et non une formation qui forme des gestionnaires de projet. Songhaï veut promouvoir la culture d'entreprise et former des leaders qui seront capables d'avoir une vision, de la formuler et de la développer. Cette vision devrait se transformer en mission et s'intégrer dans le mouvement Songhaï. Enfin, cette mission serait mise en oeuvre avec l'aide et la participation des autres acteurs du mouvement. Le leader aurait le devoir d'orchestrer l'ensemble des actions, mais aussi les valeurs propres à Songhaï. L'économie et l'éthique sont continuellement mises de l'avant dans le mouvement Songhaï pour construire une nouvelle société. Pourtant, l'éthique et les valeurs prônées par Songhaï ne peuvent être imposées, elles doivent plutôt faire partie de la formation pour s'intégrer dans les consciences : c'est de cette façon que Songhaï entend « changer les mentalités ».

    Pour cette O.N.G., le « changement de mentalités » passe par le travail ; Songhaï veut valoriser le travail et pour cela il donne l'exemple lui-même. Ses formateurs doivent être productifs, et s'ils y parviennent, ils reçoivent une prime. La formation est là pour faire acquérir des connaissances pratiques et des attitudes face au travail.  

    La démarche de Songhaï n'est pas courante. Elle a pris racine dans le système de formation. Or en Afrique, quand on est bon élève, c'est pour devenir ingénieur, un « spécialiste », pour acquérir un titre et ne pas travailler, ne pas avoir à produire (Idem, p.80)!

    Nzamujo ajoute que beaucoup de consultants ou d'experts en développement ont adopté la même ligne de pensée face au travail, mais sans connaître la manière de l'appliquer, ce qui les rendait souvent moralisateurs. Les valeurs du travail prônées par Songhaï s'inscrivent dans un tout : la maintenance des biens et des lieux, le respect de la société et du bien commun, tout comme la fierté et la dignité de chaque personne.

    L'objectif de Songhaï est donc de former des leaders-entrepreneurs socio-économiques. Ces hommes et ces femmes seraient des gestionnaires professionnels, mais aussi des agents de changement pour leur région tout en étant des formateurs auprès des jeunes. Bref, des leaders qui feraient émerger le meilleur dans chaque homme pour un meilleur développement communautaire des régions et un meilleur bien-être individuel et collectif pour tous. Reprendre du pouvoir sur sa vie, l'empowerment pour tous, mais un empowerment mis en oeuvre par le modèle de développement de Songhaï.

    3.4.2 Les conflits de visions

    Le principal problème selon Nzamujo, serait que les conceptions du monde de la coopération internationale en matière de développement reposent encore sur les théories keynésiennes du financement du secteur économique, pour favoriser le décollage économique ; or, cela serait une erreur dans la mesure où le développement ne repose pas sur l'apport du capital, ni sur l'aide internationale. Il ajoute que les institutions de la coopération internationale sont en crise ; au Nord, les populations ne croient plus en leur travail, car on n'en voit pas les résultats. De plus, les institutions du Nord ne se remettraient pas en question, car elles seraient aux services des gouvernements.

    En fait, Songhaï propose un modèle de développement holistique qui englobe l'environnement, les ressources humaines, la gestion politique, la technologie et le capital financier. Pour ce qui est des bailleurs de fonds, ils ont une approche plutôt sectorielle selon Songhaï. Il faut ajouter que le plus important pour Songhaï, c'est de commencer à réaliser le projet avant de demander des fonds, afin de faire valoir la détermination de ses acteurs, et aussi pour que ces derniers soient motivés et prêts à continuer le financement. L'auteur ajoute :

     Les bailleurs de fonds cherchent à utiliser leur argent sans se soucier de la préparation du milieu récepteur. Ils n'accordent trop souvent leur aide que sur la présentation de budgets prévisionnels économiques sans consistance réelle (idem, 107).

    Songhaï rencontre des difficultés qui ne viennent pas juste de l'extérieur (bailleurs de fonds). Songhaï dénonce un autre problème touchant le financement des O.N.G. en Afrique, la difficulté à mobiliser les fonds publics nationaux, car ils sont souvent destinés aux campagnes électorales. La coopération avec le secteur public national peut devenir risquée si on ne sait pas imposer sa vision dès le début, selon Nzamujo. Le milieu du développement local, où les O.N.G. usent des « relations » pour obtenir le maximum d'argent des bailleurs de fonds, quitte à se travestir, est un milieu où Songhaï heurte les habitudes, non seulement celles des O.N.G., mais aussi celles de la population locale. Un article dans Le Matinal, quotidien béninois, du 30 octobre 2003 faisait état de vive tension entre les stagiaires et l'administration de Songhaï qui s'est soldée par le renvoi des stagiaires contestataires. Cette structure riche en idées et en action rencontre aussi certains écueils et le processus de changement des « mentalités » peut rencontrer des obstacles de la part des étudiants. De plus, Nzamujo racontait :

    Quand j'ai commencé à installer ce projet de développement au Bénin, j'ai rencontré une « mentalité de projet » (l'argent vient de l'extérieur, il faut se le partager); c'est l'expression d'une perte de foi et de confiance en soi, une incapacité à dire : « nous pouvons le faire ». En Afrique francophone plus qu'ailleurs, on considère qu'on n'est rien et que c'est l'Occidental (le Blanc) qui peut tout. Alors, on attend tout de lui (idem, p.33).

    Que ce soit au niveau national ou au niveau international il y a différentes façons de concevoir le développement et le Fondateur de Songhaï croit que le dialogue est la base d'un partenariat entre le Nord et le Sud et que la mondialisation n'est qu'un nouveau défi à relever, un défi qui permettra peut-être de renouveler le rapport entre les sociétés du Nord et celles du Sud.

    3.4.3 Questions de recherches

    Comme nous venons de le voir, les contradictions entre l'approche large (développement intégré) de Songhaï et l'approche plus pointue (développement sectoriel et par programme) des bailleurs de fonds au Nord, sont omniprésentes. Après cette constatation, ce qui nous intéresse principalement chez Songhaï est le rapport qu'il entretient avec ses bailleurs de fonds sur le  plan du financement. Le financement d'un organisme comme Songhaï doit se faire sur des bases communes ; c'est-à-dire que la vision et la mission de l'O.N.G. doivent être partagées de part et d'autre.

    Le Projet Songhaï met l'accent sur les processus et non les résultats ; c'est le trajet suivi et les potentialités éveillées qui sont les vrais fruits du travail. C'est le développement des capacités à faire face aux problèmes et à les résoudre qui est privilégié afin de relever des défis. Alors, comment le projet Songhaï, projet qui ambitionne d'être un moteur de développement national, arrive à se financer et à se déployer sur le territoire du Bénin, par le biais de l'« aide internationale », sans transformer sa mission pour être en accord avec les critères de ses bailleurs de fonds qui ne favorisent pas systématiquement les processus, mais plutôt les résultats ?

    D'une part, nous voulons savoir quels sont les critères d'octroi de l'« aide internationale », c'est-à-dire des bailleurs de fonds spécifiques à Songhaï. À quels besoins répondent-ils ? Quelle sorte de développement favorisent-ils ? D'autre part, nous voulons savoir quelles sont les stratégies de Songhaï pour obtenir ce financement sans transformer sa mission.

    L'expérience Songhaï est donc riche en réussites, mais aussi en obstacles et les vrais partenariats où chaque membre se respecte sont très rares selon le fondateur du projet, car beaucoup de bailleurs de fonds ont tendance à l'ingérence. C'est à cet effet qu'il est intéressant de comprendre la dynamique entre les bailleurs de fonds et le modèle de développement de Songhaï, d'abord pour voir les différences de visions ou dans les façons de concevoir le développement, ensuite pour observer dans quelle mesure ces conflits de visions peuvent être surmontés, et enfin pour proposer des pistes de renouvellement des pratiques sociales.

    CHAPITRE IV

    MÉTHODOLOGIE

    4.1 Une recherche qualitative

    Cette recherche est de nature qualitative dans une perspective compréhensive. Le type de recherche qualitative effectué est celui de l'étude de cas. Les données ont été traitées sous forme d'analyse de contenu thématique. Cette méthode de recherche est appropriée pour mettre en lumière les contradictions entre l'approche large (développement intégré) de Songhaï et l'approche plus pointue (développement sectoriel) des bailleurs de fonds au Nord. L'analyse thématique permet de circonscrire divers thèmes. Cela permet de nuancer les propos qu'entretient chacun des acteurs choisis et de déterminer si le Projet Songhaï, qui dit mettre l'accent sur les processus et non les résultats, arrive à financer ses projets sur cette base auprès de ses bailleurs de fonds de l'« aide internationale ».

    4.2 Le choix des données

    Pour répondre à la question de recherche, la triangulation de trois sources de données sera utilisée : des entrevues, des documents administratifs ainsi que le trimestriel « L'Aigle de Songhaï ». Puisqu'un des objectifs est d'explorer en profondeur les relations que Songhaï entretient avec ses bailleurs de fonds, des entrevues ont été menées auprès du Fondateur du Centre Songhaï, M. Nzamujo, mais aussi auprès de certains de ses bailleurs de fonds tels que USAID et OXFAM Québec. Ensuite, trois autres entrevues ont été réalisées avec des personnes ayant eu des liens avec Songhaï afin de recueillir des points de vue extérieurs : un professeur du Centre polytechnique de l'Université du Bénin ; un chargé de stage dans le domaine de l'agronomie de la même université ; et un étudiant en doctorat de l'Université de Maastricht aux Pays-Bas.

    4.2.1 Description des participants

    M Godfrey Nzamujo est le fondateur de Songhaï. Né en 1949 et nigérien d'origine, il a suivi une formation universitaire en agronomie, en économie et en informatique aux États-Unis pour ensuite devenir un prêtre dominicain. Il a été professeur d'université en électronique-informatique pendant une dizaine d'années aux États-Unis avant de retourner en Afrique (Bénin) pour implanter un projet de développement durable.

    Cosme Quenum est le responsable du projet Songhaï à USAID Bénin, à l'USAID situé à Cotonou, Bénin. Il est chargé de suivre les dossiers reliés au partenariat Songhaï-USAID. Il est originaire du Bénin, il a fait ses études à l'Université de Montréal et il travaille depuis plusieurs années à USAID Bénin, qui est le partenariat le plus important de Songhaï.

    Lise Rioux est la Directrice d'OXFAM-Québec au Bénin, c'est elle qui a créé le partenariat avec Songhaï et qui a planifié avec Songhaï les modalités à long terme du projet. Elle est originaire du Québec (Canada) et elle travaille depuis plus d'une quinzaine d'années en Afrique avec OXFAM, dont les quatre dernières années au Bénin.

    Points de vues extérieurs

    Gédéon Chaffa est professeur depuis plus de 20 ans au C.P.U. (Centre polytechnique de l'Université du Bénin), il coopère avec Songhaï par le biais du stage de ses étudiants en mécanique. Il est originaire du Bénin, spécialiste en électricité et mécanique, il a visité Songhaï à ses débuts et il fait partie d'un groupe de professeurs qui travaillent sur la mise en place d'un partenariat plus officiel entre le C.P.U et Songhaï.

    Djago Yaou est technicien supérieur chargé de stage depuis une vingtaine d'années à l'Université en agronomie (Centre polytechnique de l'Université du Bénin, CÉCURI). Béninois d'origine, il a fait une partie de ses études universitaires en France où il a développé sa spécialité, l'élevage de lapins. Il a produit un guide pratique ainsi que d'autres publications à cet effet, il a aussi fondé une O.N.G. qui oeuvre auprès des agriculteurs afin de renforcer leurs connaissances dans l'élevage du lapin. Il est allé à plusieurs reprises au Centre Songhaï pour échanger sur des techniques en agronomie et il connaît les problématiques en matière d'élevage et de coopération internationale.

    Daniel Dalohoun, est un étudiant en doctorat, à l'Université de Maastricht aux Pays-Bas (Economics and Policy Studies of technical  Change). Béninois d'origine, il fait ses recherches sur l'impact de la formation de Songhaï sur la pratique agricole des fermiers du Bénin. Il a suivi les formations à Songhaï sur une période de trois mois pour ensuite aller interviewer une soixantaine de fermiers (anciens élèves de Songhaï) dans toutes les régions du Bénin.

    Ces points de vues qui parlent de Songhaï, de son expérience et de ses stratégies permettent de mettre en perspective les propos du Fondateur ainsi que ceux de ses bailleurs de fonds.

    Les personnes interviewées sont des personnes qui ont été recommandées par Songhaï dans le cas de Cosme Quenum, Lise Rioux et Daniel Dalohoun, ou par des anciens étudiants du C.P.U. (Université du Bénin) dans le cas de Gédéon Chaffa et Djago Yaou. Toutes les personnes que nous avons approchées ont accepté de participer à notre enquête.

    4.2.2 Autres sources d'information

    Au cours de notre séjour en mai et juin 2004, plusieurs problèmes se sont présentés. D'abord, l'entrevue auprès de l'USAID n'a pu être enregistrée, car il était interdit d'avoir du matériel tel qu'une enregistreuse pour entrer à l'intérieur des bureaux de l'agence de coopération. Nous avons donc pris des notes au cours de l'entrevue et nous sommes allés chercher des informations complémentaires sur le site internet de USAID. C'est à la suite de cette entrevue que nous avons décidé d'aller rencontrer un autre bailleur de fonds de Songhaï, c'est-à-dire OXFAM-Québec. Cela nous permet en fin de compte, de mieux comparer différents types de partenaires, leurs critères de sélection, leurs définitions d'un partenariat ainsi que les différents processus qui ont cours à l'intérieur d'une entente entre deux parties.

    Ensuite, Songhaï, qui craignait que cette recherche fasse état de règlements de compte auprès de certains de ses bailleurs de fonds, est devenu réticent à nous donner accès à ses documents administratifs. Nous avons donc une masse réduite de documents administratifs, donc il nous fallait combler cette lacune par une autre source de données. Nous avons choisi certains articles du journal trimestriel L'aigle de Songhaï. Ce journal, écrit par les administrateurs, les employés et des bénévoles de Songhaï, donne une panoplie d'informations sur l'agriculture, les partenaires de Songhaï et d'autres activités qui permettent au mouvement de se déployer. Nous avons retenu les articles qui parlent plus spécifiquement de ces partenariats ou encore des enjeux de la coopération internationale de façon à mettre en lumière les entrevues que nous avons faites et pour combler le déficit de documents administratifs.

    4.3 La méthode de recherche

    Nous avons choisi ces trois types de donnés premièrement parce que les entrevues nous permettaient d'obtenir des réponses directement liées à nos préoccupations par la subjectivité des représentants de chacun des organismes, et deuxièmement parce que les documents administratifs et les articles du journal nous assuraient la concordance ou plutôt la véracité des faits relatés dans nos entrevues. En d'autres termes, nous avons cherché comme le dit Laperrière : « ... non pas la correspondance entre les données ou les perspectives, mais leur concordance » (Laperrière, 1997, p.372).

    De même, ainsi que le montre Mucchielli, l'analyse de contenu varie selon le type de matériel à analyser (Mayer, 2000). Conformément à la démarche annoncée ci-haut, l'analyse fera appel à deux sortes de matériaux : un matériau constituant ( entrevues semi-structurées qui donneront lieu à une analyse de contenu constituant c'est-à-dire un contenu créé au cours de la recherche), puis un matériau constitué (documents administratifs et journaux donnant lieu à l'analyse documentaire ou analyse de contenu constitué, c'est-à-dire matériaux déjà existants). Dans ce sens, l'ensemble des demandes de subventions, des journaux de Songhaï et les entrevues seront soumis à une analyse thématique.

    4.3.1 Le traitement des données

    D'une part, il nous fallait mettre en évidence les critères d'octroi de l'« aide internationale », c'est-à-dire des bailleurs de fonds spécifiques à Songhaï. À quels besoins répondent-ils ? Quelle sorte de développement favorisent-ils ? D'autre part, le défi que nous voulions relever était de savoir quelles sont les stratégies de Songhaï pour obtenir ce financement sans transformer sa mission. Nous avons défini certains indicateurs qui sont les suivants afin de faciliter cette étude :

    § les définitions : du développement, des liens entre partenaires ou des rapports Nord Sud.

    § les critères pour accorder une aide, leurs buts, leurs variations.

    § les processus d'attribution de l'aide.

    Même si les indicateurs sont clairement définis dès le départ, l'analyse du matériel de la recherche est une analyse thématique continue, c'est-à-dire qu'au cours de la lecture, des thèmes sont attribués et ils sont fusionnés s'ils sont semblables. Ainsi, de nouveaux indicateurs peuvent émerger et certains indicateurs prévus peuvent disparaître ou être modifiés selon les résultats de l'enquête. Les thèmes sont regroupés et hiérarchisés sous différentes rubriques. Nous utilisons les mêmes thèmes pour des extraits différents qui se recoupent. Les thèmes étant très spécifiques, le recoupement ne réduit pas le matériel d'analyse, mais permet plutôt de mesurer l'importance ou la récurrence de certains aspects.

    Cette analyse de cas selon trois sources : des entrevues, des documents administratifs et des articles de journaux, a été faite par le biais du logiciel d'analyse qualitative NVIVO.

    Il faut spécifier que les entrevues ont été prises comme base de l'analyse et que les documents administratifs et les articles de journaux ont plutôt fait état de concordance entre les différents documents. Cette méthode a été retenue pour créer un ordre de primauté au niveau des données et ainsi éviter les glissements ou les comparaisons non valides.

    Nous avons cherché la convergence des thèmes ou leur divergence en recoupant les unités de sens (déclarations, extraits de journaux ou de documents administratifs) faites lors du codage. Nous avons joins des mémos ou des descriptions à ces unités de sens afin de les regrouper sous des thèmes centraux et de mettre en place un ordre pertinent afin d'amorcer notre analyse. Pour cette dernière étape, NVIVO offre une fonctionnalité (la modélisation) qui permet de visualiser l'arborescence de l'analyse de façon globale ou séquentielle. Après avoir regroupé les thèmes et les avoir ordonnés, nous avons utilisé des extraits pour illustrer notre analyse et tirer nos conclusions.

    CHAPITRE V

    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SON DÉVELOPPEMENT

    Ce chapitre fera le point sur le développement de Songhaï. L'intérêt d'un tel chapitre est de voir comment les personnes interrogées perçoivent le projet et si les documents administratifs et les articles de journaux vont dans le même sens. De plus, cette mise en place permettra de donner une base pour mieux discuter l'enjeu principal de notre mémoire dans le chapitre suivant à savoir, comment se fait la création de partenariat entre bailleurs de fonds internationaux et Songhaï. C'est à la suite de cette discussion que nous serons à même de comprendre la dynamique Nord-Sud à travers le cas particulier de Songhaï. Nous pourrons ainsi répondre, dans le dernier chapitre, à la problématique des différentes façons de faire du développement et la conciliation possible entre ces visions.

    5.1 Développement de Songhaï

    Afin d'illustrer le développement de Songhaï, nous avons choisi un extrait de l'entrevue avec Nzamujo (2004) car il caractérise considérablement le projet. Cet extrait porte sur la conscience et la crédibilité, qui sont les principaux piliers du mouvement Songhaï. La crédibilité et les résultats vont amener Songhaï à tisser des partenariats forts. C'est cette conscience et cette crédibilité qui prennent racine au travers d'une structure et une formation afin de permettre aux gens de reprendre du pouvoir sur leur vie, d'où les concepts d'empowerment et d'entrepreneuriat. Mais cette conscience ne peut se développer de façon isolée, elle doit faire partie d'une communauté, d'un réseau.

    C'est dans les structures de Songhaï et sa formation que les valeurs sont transmises ainsi que les techniques agricoles. Nzamujo insistera lors de notre entrevue sur les critères d'excellence et d'engagement qui prévalent à Songhaï et qui permettraient, selon lui, à ses étudiants de réussir dans leur établissement futur.

    Pour réaliser le projet, il faut être crédible. On ne va pas me prendre au sérieux si je gaspille tout le temps, si je fais n'importe quoi ou si mon niveau de conscience est peu élevé. Nous montrons par nos résultats que nous sommes crédibles, qu'on peut nous faire confiance. On ne peut pas dire « Fais moi confiance », quand tu es en train de boire tout le temps et que tu es toujours saoul. Mais si tu viens et que tes choses vont bien, tes champs marchent bien, alors je te ferai confiance (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Les résultats concrets ou quantifiables sont donc primordiaux pour le mouvement Songhaï, même si sa mission première est de changer les mentalités. Ce changement de mentalité prend corps dans la notion d'excellence qui se traduit par des résultats concrets. Les moyens que Songhaï a pris pour transmettre ses valeurs d'excellence s'inscrivent dans une structure et une formation. La structure et la formation sont les éléments constitutifs du modèle de développement de Songhaï.

    5.1.1 Le rôle de la structure dans le développement de Songhaï

    Cette crédibilité s'est construite au fil du temps et au travers d'un cadre de plus en plus complexe. De l'élevage de quelques lapins, Songhaï est passé à une diversification des animaux et à l'ouverture d'autres secteurs économiques comme la restauration et les télécommunications. Un technicien du Centre Polytechnique Universitaire du Bénin (C.P.U.), nous faisait part de sa perception, qui illustre bien l'essor de Songhaï où, même petit, il cherchait à innover afin de se dépasser.

    J'ai suivi le développement du centre et je l'ai visité à ses débuts. Il a commencé tout petit avec quelques lapins dans des cages en bois, et des outils rudimentaires. Et, petit à petit, aujourd'hui il a une bonne partie du marché, il trouve des moyens de production qu'il est en train de développer, et puis la production animale est de mieux en mieux, il maîtrise le relais. Il a encore bien fait de mettre la restauration à côté. Je dirais que c'est une bonne chose (Entrevue Jago Yaou, 2004).

    Le développement de Songhaï est appuyé par ses partenaires. L'USAID, dans sa subvention visant à soutenir un programme en Éducation de Base exprime cet appui avec l'idée que le renforcement de la capacité à faire de la recherche permettra au Centre de devenir un moteur de relance économique. L'expansion de Songhaï est liée à une construction complexe où de plus en plus d'acteurs entrent en jeu.

    Renforcer la capacité du Centre Songhaï de Porto-Novo à assurer des recherches de grande qualité en production, transformation, et mise au point d'outils et équipements techniques appropriés. Le Centre Songhaï a besoin d'accorder plus d'attention à l'identification, l'adaptation, et au test de petits équipements utilisés pour le labour, la récolte et les activités après récolte. L'introduction de petits équipements (motorisés et non motorisés) est essentielle pour accroître la production, la récolte et les activités après récolte (stockage, première transformation, stockage et conditionnement pour le marché). La réalisation d'une telle base pour assurer la formation et le soutien après la formation dans le domaine de la transformation agricole est essentielle à la stratégie de Songhaï pour lier production agricole et relance économique (USAID, 1996).

    La structuration au niveau de l'appareillage agricole et du soutien aux fermiers après la formation est primordiale dans l'établissement et la réussite de ces nouveaux fermiers. Il faut un cadre pour les soutenir et dans un article de L'Aigle de Songhaï, on explique les prémices d'une nouvelle structuration qui facilitera les relations internes et externes afin de rendre le Centre plus efficace.

    Plusieurs organes et paliers de gestion au niveau de l'ensemble des activités de Songhaï et au niveau de l'administration, le Comité d'Assistance du Directeur - CAD - a pour mission de coordonner et d'impulser de nouvelles idées, orientations et stratégies sur l'ensemble de Songhaï - en interne et en externe - et travaille de concert avec le directeur deux grands axes : les relations intérieures à Songhaï (pour produire une vitalité interne) et des relations extérieures (pour développer des partenariats de tout style - techniques, relationnels, financiers) (L'Aigle de Songhaï, administration, 2000, no 40-41).

    La structure est le gage de la perpétuation du Centre et de ses effets sur le développement local. Le leadership de son fondateur ne peut pas en être le seul garant, car l'expansion que prend le mouvement Songhaï demande une délégation des pouvoirs. Il faut donc former des personnes aptes à devenir des leaders dans leurs milieux afin de rendre le projet durable.

    Songhaï jusqu'à aujourd'hui - et peut-être pour longtemps encore - repose sur le charisme de son leader principal. Ceci constitue indéniablement un atout enviable pour l'organisation, mais à la fois, cela porte en lui-même un péril pour la durabilité de cette organisation, s'il n'y a pas une appropriation et une internalisation de la vision par le plus grand nombre. C'est pourquoi le partage de vision par les membres a été depuis l'origine l'un des principaux fondements du développement des activités de Songhaï. Cependant, il faut reconnaître qu'au départ, cette mobilisation a été relativement facile compte tenu de la taille de l'organisation et du nombre réduit des activités ; ce qui a conduit à des succès çà et là. On peut donc dire qu'un pas a été déjà franchi dans le processus de l'institutionnalisation de Songhaï et qui explique la réussite et la survie de l'organisation jusqu'à aujourd'hui (L'Aigle de Songhaï, administration, 2000, no 40-41).

    On peut dire que la structuration du Centre et du mouvement Songhaï permet la durabilité du projet, mais il faut que chacun des membres intériorise la philosophie, ou modèle de développement, de Songhaï et la formation permet l'introduction des valeurs propres au mouvement Songhaï.

    5.1.2 Le rôle de la formation dans le développement de Songhaï

    La formation est le volet à travers lequel le savoir-faire et les valeurs de Songhaï sont transmis. Elle se fait suivant une approche qui n'est pas basée entièrement sur la théorie, ce qui permettrait aux jeunes déscolarisés de pouvoir suivre les cours plus aisément. Selon le technicien que nous avons rencontré au Centre Polytechnique Universitaire du Bénin, l'option éducative qu'a choisie Songhaï est adaptée et pertinente pour la relance économique des régions. En effet, l'accès à l'université est difficile pour les jeunes en région et l'apprentissage tel que Songhaï le promeut, c'est-à-dire l'apprentissage «sur le tas», s'adresse au plus grand nombre.

    Songhaï développe une approche de formation qui ressemble à un apprentissage sur le tas, l'équivalent de ce que l'on observe dans les petits métiers. Ici, l'apprentissage de la mécanique ou des métiers de couture, ne sont pas faits dans une école où se donnent habituellement des cours théoriques. En fait, il y a peu de théorie et beaucoup de pratique. Songhaï a relâché la dialectique. Vous voyez, lui il préfère l'apprentissage sur le tas, je suis entièrement d'accord avec lui pour cette philosophie et il a formé énormément de techniciens dans ce groupe et il en a formé également beaucoup pour l'Afrique parce qu'il a réussi sur le plan national. Je pense qu'il est un modèle sur le plan international donc il reçoit aussi des étrangers (Entrevue Jago Yaou, 2004).

    Un chercheur en doctorat de l'Université de Maastricht (Pays-Bas), nous disait aussi que la formation avait permis de transformer les façons traditionnelles de cultiver la terre, de faire de l'élevage et d'introduire des nouvelles valeurs comme la culture du succès.

    Mes résultats préliminaires... mes résultats sont concluants en ce sens que la formation a effectivement apporté quelque chose de positif. La manière de voir, la manière de faire les choses, ceux qui ont vraiment suivi la formation reconnaissent que sans la formation, ils ne pouvaient pas faire ce qu'ils sont en train de faire aujourd'hui, que leurs productions diffèrent totalement et que leur manière de faire diffère totalement de la manière des paysans qui n'ont jamais fait de formation (Entrevue Daniel Dalohoun, 2004).

    Avec la structure et la formation, Songhaï débouche sur de nouvelles façons de faire de l'agriculture et il opte pour un modèle de développement alternatif en adoptant l'objectif de former des leaders-entrepreneurs socio-économiques. Ces leaders sont pressentis pour devenir des hommes et des femmes aptes à être des gestionnaires professionnels, mais aussi des agents de changement pour leur région tout en étant des formateurs auprès des jeunes. La mission de Songhaï met en oeuvre les concepts d'empowerment, d'entrepreneuriat, de réseautage dans une optique de développement durable. Ce développement durable, pour Songhaï, s'incarne dans un idéal de développement : la « troisième voie ».

    5.2 La troisième voie

    La mission de Songhaï s'inscrit dans un modèle de développement particulier qui se formule comme suit dans sa charte :

    Songhaï est une organisation destinée à créer un vivier socio-économique viable et son action porte sur le développement des capacités intérieures de l'Homme dans toutes ses dimensions culturelle, sociale, technique, organisationnelle, économique... pour que chacun retrouve une identité culturelle propre, afin de devenir acteur à part entière. Le développement de l'entrepreneuriat basé sur l'agriculture, en relation étroite avec un développement plus large touchant l'Industrie et le Commerce (Charte de Songhaï).

    La mission de Songhaï parvient à se mettre en pratique d'après une définition du développement qui passe elle-même par un processus de prise en main que le fondateur exprime par le développement de la « troisième voie ».

    Troisième voie, c'est notre voie. Elle commence à même un terrain que tu maîtrises avec la préoccupation de la population, mais sans fermer la fenêtre à des gens comme vous, des collaborateurs du Nord que l'on fait venir pour apporter la technique parce qu'il y a plusieurs paramètres. Mais cela doit se refaire à la seule condition que sur le terrain, les gens, les Africains soient déjà dans une logique de promotion... sinon ce serait l'érosion. Si la communauté n'est pas dans une logique de vision, de promotion, elle ne sera pas en marche et tous les apports extérieurs ne serviront à rien. Moi je sais ça (Entrevue Nzamujo, 2004).

    La «troisième voie» dont Nzamujo nous parle s'inscrit dans le modèle de solidarité internationale où l'organisation des localités et la mise en place de structures communautaires et coopératives se font à même les collectivités et de leurs propres initiatives, avec l'aide de partenariats au Nord et au Sud. (Favreau, Larose et Fall, 2004, p. 17). Toutefois, la « troisième voie » de Songhaï emprunte aussi au modèle de coopération internationale en faisant appel aux expertises des professionnels du Nord afin de développer une technologie adaptée aux conditions et aux besoins des communautés. De plus, la « troisième voie » ne ferme pas la porte au réseau sectoriel gouvernemental, elle s'en accommode, car tous les appuis sont bons s'ils servent la cause de Songhaï.

    On retrouve dans la charte de Songhaï cette même idée de « troisième voie » ou le modèle de développement solidaire :

    SONGHAÏ valorise toutes les ressources en:

    · puisant dans l'héritage culturel et de l'Afrique

    · empruntant au monde occidental ses ressources

    · combinant les deux pour inventer de nouvelles valeurs convenant à l'Afrique

    · en développant une vision de l'avenir et en renforçant ses propres capacités pour générer des ressources à articuler avec le reste du monde, pour être connecté à la force productrice mondiale (Charte de Songhaï).

    La « troisième voie», celle favorisée par le mouvement Songhaï représente à la fois une définition unique de la façon de faire du développement et la « philosophie » de Songhaï, son modèle de développement. C'est donc le point central de ce projet et il se définit sous plusieurs aspects. À l'intérieur même de Songhaï, il s'apparente au processus d'empowerment, d'entrepreneuriat, de réseautage et d'absorption sélective. L'absorption sélective serait de faire un tri, de sélectionner des techniques ou des programmes qui répondent aux besoins de l'Afrique et dans ce cas, au projet Songhaï, aux fermiers et aux populations qui sont dans un processus d'autopromotion. On prend ce qui est à l'extérieur et on le transforme pour qu'il soit adapté aux réalités locales.

    La durabilité consiste en une communauté déjà en marche et qui a une capacité d'absorption sélective. C'est-à-dire, absorber à l'extérieur, mais sélectivement. Absorber des idées, mais sélectivement en fonction des programmes. Ça c'est important et c'est crucial... Donc, voilà ce que nous faisons, Songhaï fait ce qu'on appelle la troisième voie, la voie où tout le monde se rencontre sur un nouveau terrain, qui n'est ni l'Europe, ni l'Amérique, mais plutôt un terrain des Africains qui cherchent une nouvelle vie. Un terrain basé sur les réalités africaines ( Entrevue Nzamujo, 2004).

    La « troisième voie » s'oppose à d'autres voies dont se distingue Songhaï.

    Beaucoup de gens fréquentent et savent tout ce que les bailleurs de fonds, font en aval... tout est bien, on n'est rien, c'est vous, on va vous suivre sur vos projets. Donc, on n'a plus de repères nous même. J'appelle ça de la politique de pâturage. Pâturage comme des moutons... On va pâturer c'est le propriétaire de moutons qui dit : « Va pâturer là-bas ». C'est le pâturage du projet de cyber, du projet de femmes, du projet contre la pauvreté. On court après les projets pour avoir de l'argent. C'est ça qui est le plus fort et qui me dérange. Projet sectoriel Voilà (Entrevue Nzamujo, 2004)!

    Cette autre définition du développement contribue à dresser le portrait de Songhaï, à nous faire saisir son modèle de développement et sa perception du développement. Songhaï se démarque par sa volonté de faire du développement à partir des besoins de ses populations. Lors de notre discussion avec le chercheur M. Dalohoun, il en est ressorti un exemple. Des organismes, comme OXFAM-Québec, demandent d'intégrer les femmes aux différents projets et Songhaï avait par le passé sélectionné plusieurs femmes pour la formation agricole. Malheureusement, ces femmes abandonnaient les cours après quelques semaines. Elles n'étaient pas intéressées à travailler aux champs ou à élever des animaux pour différentes raisons. Songhaï, suite à cette expérience, a introduit la transformation des aliments (biscuits, jus, confitures...) ce qui répondait plus adéquatement aux aspirations et aux réalités des femmes.

    Les gens à la formation une année ils ont fait ça... c'est comme s'ils allaient dans les campagnes et dire aux filles venez, venez... et ils ne prennent pas en compte qu'une femme qui fait la formation, si elle ne trouve pas un mari agriculteur ou fermier comme elle, eh bien, après sa formation elle n'exercera pas. Il y a aussi ça, parce qu'après, si elle prend un mari qui est un agent de l'état un fonctionnaire, il va vivre en ville. Et le mari lui dit : « Tu veux faire ça ou tu me suis ». Donc, toutes les femmes, si elles n'épousent pas un fermier elles n'exercent pas, sauf un ou deux cas exceptionnels. Par ailleurs, il n'y a pas que le travail de la houe, il y a la transformation. Donc, Songhaï a dit pour cela nous allons vous orienter sauf si vous ne voulez pas, vers la transformation, car en ville vous pouvez faire la transformation. Ainsi, bien que les femmes doivent recevoir la formation de base, elles peuvent s'orienter dans la transformation, la fabrication des biscuits, des jus, et ainsi de suite (Entrevue Daniel Dalohoun, 2004).

    Aujourd'hui les femmes sont plus nombreuses à Songhaï, que ce soit pour la transformation des produits, la restauration ou les télécommunications. Elles trouvent leurs places, mais elles ne représentent pas encore la moitié des élèves du Centre. Songhaï s'est associé au Projet de Promotion des Activités Économiques des Femmes dans le Département de l'Ouémé (PAEFO), un projet pilote initié par le gouvernement de la République du Bénin avec le soutien financier du Fonds africain de Développement. Songhaï participe donc à un projet sectoriel qui s'inscrit dans les politiques gouvernementales du Bénin et fait partie d'un plan de réduction de la pauvreté. Songhaï s'ajuste ainsi aux réalités de la coopération internationale ainsi qu'à celles des femmes et intègre différentes façons de les aider, en utilisant tous les leviers de financement et de réseautage existant. C'est un exemple concret d'absorption sélective qui prend les ressources là où elles sont, tout en les adaptant aux besoins.

    D'une durée de trois mois pour les filles et d'un mois pour les femmes adultes en régime d'internat, cette formation, sanctionnée par une attestation de fin de formation, s'est tenue au Centre Songhaï dans la période allant d'avril 2001 à janvier 2002. Elle a permis de former 220 femmes et filles dont 45 jeunes filles et 175 dames dans les domaines de l'artisanat (Élevage de poulets locaux, de poules pondeuses, de dindons, de canards et d'escargots,) de la transformation agro-industrielle (pâtisserie, transformation de manioc en gari, transformation de noix de palme en huile, fabrication de sirop, de jus de fruits, de yaourt, de lait à base de soja, de confiture de fruits et bien d'autres boissons (L'Aigle de Songhaï, femmes, 2002, no 49).

    La situation des femmes et des jeunes déscolarisés est précaire, car ces personnes représentent une grande portion de la population, souvent en situation de pauvreté. Le Centre, que ce soit par les projets de transformation agro-industrielle ou par une formation « sur le tas » adaptée aux jeunes, veut permettre à ces personnes non seulement d'améliorer leur situation, mais aussi de participer à la revitalisation de leur société et économie. Ce que vise Songhaï est la prise en main de la population, l'empowerment individuel et collectif est un facteur qui participe au déploiement du mouvement.

    5.2.1 Le rôle de l'empowerment dans la «troisième voie»

    Pour Nzamujo, le Fondateur de Songhaï, la population doit s'approprier son travail, son milieu et ses façons de faire. Le développement vient de l'intérieur et il va chercher à l'extérieur, de façon sélective, les techniques et les savoir-faire qui sont adéquats aux milieux et aux réalités des populations.

    Donc, il faut que la population s'approprie... D'abord, il faut qu'elle commence à bouger et à voir qu'elle peut rencontrer des limites, limites techniques, limites organisationnelles, et là, la population fait un appel. Mais, elle fait ce qu'on appelle une absorption sélective (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Un article de L'Aigle de Songhaï va dans le même sens et démontre qu'il y a une réflexion sur le sujet, que le processus d'appropriation passe par un regard sur soi afin de transformer sa réalité.

    Cette phase se traduit aussi par un mode de gestion, assez spécifique et original, érigé en règle d'or : « l'empowerment » (qui se traduit si mal en français « monté en capacité humaine »), qui met un accent beaucoup plus sur la responsabilisation, le sens du devoir, la culture du travail bien fait, la rigueur dans la discipline et l'épanouissement de tous. Cela a permis de créer un vivier de volontaires, déterminés à dépasser les contraintes sociales afin de les transformer en ressources pour apporter une solution à l'amélioration progressive des conditions de vie. C'est ce cadre normalement non institutionnel qui est à la base de la dynamique interne du système Songhaï (L'Aigle de Songhaï, administration, 2000, no 40-41).

    Les bailleurs de fonds rejoignent la définition du concept d'empowerment de Songhaï et appuient la démarche. L'approche principale d'OXFAM-Québec dans le développement international est d'accroître l'empowerment des individus et des collectivités afin que le développement des communautés ou des localités soit durable.

    Dans la promotion du droit à la dignité humaine à l'époque de la mondialisation, notre approche est centrée sur l'« empowerment » des gens qui vivent dans la pauvreté. Notre approche repose sur le principe que les gens sont responsables d'assurer leurs droits et les droits des autres, et qu'ils doivent s'affranchir des effets d'une mondialisation qui leur est étrangère. Nous considérons que la valeur éthique qui doit servir de fondement à la citoyenneté mondiale est inscrite dans l'idée contemporaine que la prospérité des uns ne peut pas avoir pour cause la pauvreté des autres et selon laquelle nul ne peut être libre sans l'autre (http://www.oxfam.qc.ca).

    USAID dans l'un de ses accords signés avec Songhaï avait comme objectif la création d'une formation qui permettrait d'accroître l'empowerment.

    Create a formation of a cadre of elite, ambitious, motivated practical people, who have a clear vision for the socio-economic development of society, who will be called to serve as catalysts in the heart of the decentralized communities. ln addition to having mastered the technical knowledge, these leaders will also be able to mobilize people and bring them together in the process of producing wealth. Put in place infrastructures, organizations and the extension support to create an enabling and empowering environment (i.e., an arena that is meant to generate not just knowledge but transfer it into action that will produce wealth (Centre Songhaï-USAID, 2002).

    L'empowerment est un des fers de lance du développement de Songhaï qui est appuyé par les bailleurs de fonds internationaux. De plus, l'empowerment façonne la mission de Songhaï qui est de changer les mentalités parce qu'il contribue à former des leaders qui assureront un développement durable. Un autre facteur important va favoriser l'autopromotion individuelle et sociale, c'est l'entrepreneuriat.

    5.2.2 Le rôle de l'entrepreneuriat dans la «troisième voie»

    L'entrepreneuriat est sans doute la suite logique de l'empowerment. Après avoir repris du pouvoir sur sa vie, il importe que les individus ou communautés acquièrent certaines notions de gestion permettant la création d'initiatives locales. La charte de Songhaï décrit son type d'entrepreneuriat comme suit :

    SONGHAÏ offre un cadre dynamique, propice à l'émergence d'entrepreneurs, qui :

    o attire les gens, crée l'envie, suscite l'intérêt et la confiance de se lancer à son compte.

    o renforce les compétences.

    o offre un espace socialement et économiquement viable pour développer une culture de succès.

    o entraîne par exemple, avec les jeunes entrepreneurs, les populations rurales, dans un grand mouvement, une nouvelle dynamique de société (Charte Songhaï).

    L'entrepreneuriat consiste à se mettre en relation avec d'autres afin de créer des échanges, des projets et de la richesse. L'entrepreneur a besoin pour cela de s'établir dans un réseau et de consolider ses liens par l'excellence de son travail.

    5.2.3 Le rôle du réseau dans la « troisième voie »

    Le réseautage est donc le troisième élément qui suit après l'empowerment et l'entrepreneuriat. Sans ce dernier maillon de la chaîne, la mise en place des deux autres est impossible. La création de liens de solidarité, d'engagement est ce qui permet la structuration d'un milieu et le développement d'une localité. Cette structure permet aussi de renforcer la participation de la société civile au développement de la région ou du pays.

    Les réseaux : une autre firme de partenariat. Participer à un réseau signifie deux choses : enrichir sa propre expérience par celle des autres membres et apporter sa propre contribution pour enrichir les autres et pour participer à la consolidation du réseau. Il s'agit en fait de « donner » et de « recevoir » (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).

    Les réseaux donnent une force à la communauté par les liens qu'ils tissent, mais ils permettent aussi de revendiquer, de faire pression ou de demander des soutiens à des instances hiérarchiques. Les réseaux verticaux renforcent la crédibilité, s'ils sont forts et structurés, auprès des réseaux horizontaux ou hiérarchiques, qui eux, ont des moyens ou des fonds à faire bénéficier. L'USAID parle de renforcer les réseaux parce que ces réseaux jouent un rôle important dans la réussite de l'installation des fermiers.

    La promotion des réseaux de fermiers offre plusieurs avantages et implique une grande partie de la communauté des fermiers dans la dynamique socio-économique que Songhaï est en train d'impulser. Ces relations entre les centres de formation Songhaï et la plus grande partie de la communauté des fermiers font aussi partie de l'installation et de la prospérité des diplômés stagiaires. Nombre des avantages des technologies et systèmes mis au point et enseignés à Songhaï sont mieux appréciés lorsqu'ils sont exécutés au niveau du groupe ou de la communauté. Bien que Songhaï ait quelques expériences dans ce domaine, le renforcement de sa capacité d'expansion sous forme de personnel, formation, et équipement s'avère nécessaire pour mettre en application l'expérience et l'étendre à tous les trois centres (Porto-Novo, Zou et Borgou). La formation à court terme est également une activité essentielle dans l'appui à l'expansion et au réseau des fermiers. La formation à court terme sera poursuivie au Centre Songhaï de Porto-Novo et fera partie du programme des deux centres du Zou et du Borgou (USAID, 1996).

    Le projet Songhaï s'est construit dans la communauté et à travers elle. Il ne peut survivre sans son appui et son dynamisme. Le projet est là pour donner une direction, mais aussi pour questionner cette direction. Il promeut l'innovation et les initiatives dans le mouvement avec l'absorption sélective afin que la voie du développement emprunté, soit celle que les gens ont choisie. Le dernier numéro de l'Aigle de Songhaï paru lors de notre voyage, faisait le point sur son évolution et se questionnait sur la direction et sur les aboutissants du projet, qui se transforme et se structure de plus en plus, tout en se décentralisant.

    On peut donc encore reposer la question de savoir où en sommes-nous arrivés et où allons-nous ? Aussi, constatons-nous avec une certaine fierté que c'est l'éditorial du 5ème numéro de l'Aigle de Songhaï qui lance le 3ème cycle de l'évolution de Songhaï (Innovation communautaire -communication - commercialisation) tout en consacrant l'emprise désormais visible à l'oeil nu de l'expansion des activités en aval du secteur primaire (l'agro-industrie, la restauration et ses services annexes, la télécommunication,... qui représentent à eux seuls plus de 70 % du chiffre d'affaires global de Songhaï). On peut donc proclamer le règne des prestations de services. Mais la leçon la plus significative qu'il convient de tirer est que le profil actuel de « l'économie de Songhaï » atteste que la faisabilité de la compétitivité de notre continent passe par le développement de notre savoir-faire en matière de valorisation de notre important héritage environnemental et culturel (L'Aigle de Songhaï, éditorial, 2003, no50).

    Songhaï tend vers l'autonomie et c'est à travers cette vision du développement que nous nommerons la « troisième voie » (puisqu'elle représente une voie originale, ni tout à fait le modèle de solidarité internationale, ni tout à fait le modèle de coopération internationale et qui sait s'adapter aux approches sectorielles du modèle libéral dominant) qu'il se dirige vers cet objectif. Les bailleurs de fonds ont un rôle moins primordial aujourd'hui, pour Songhaï, car l'ensemble des infrastructures a été mis en place et l'expansion du Centre vers les « services » permet en grande partie l'autofinancement. Le Centre privilégie des partenariats techniques afin d'absorber des connaissances sélectives et de permettre un développement durable dans le temps et intégré sur le territoire. L'autonomie de plus en plus grande de Songhaï transforme aussi le rapport avec le Nord et avec les bailleurs de fonds internationaux. Il le rend plus égalitaire, dans une perspective d'échange de savoir-faire, de soutien aux innovations et aux besoins des populations plutôt que dans une perspective d'imposition de programmes préfabriqués au Nord. Cette façon de faire de Songhaï laisse entrevoir une nouvelle dynamique dans l'établissement de partenariat entre le Nord et le Sud.

    CHAPITRE VI

    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES PARTENAIRES

    Ce chapitre traite de la création de partenariats et de multipartenariats avec les différentes modalités que sont les audits, les résultats et les recommandations. Le processus de création de ces partenariats entre les bailleurs de fonds et Songhaï nous permettra de comprendre la dynamique Nord-Sud à travers le cas particulier de Songhaï. De plus, les enjeux rattachés à la création de ces partenariats tels que le financement des bailleurs de fonds illustrent certains rapports de forces qui façonnent le monde de la coopération internationale.

    6.1 Partenariats et développement

    La caractéristique des partenariats ou des multipartenariats est le renforcement mutuel des stratégies d'acteurs, par la mise en commun d'intérêts et de force afin d'atteindre les résultats recherchés de part et d'autre (Kolosy, 1997). Et comme nous l'avons vu plus tôt, Songhaï compte sur ses résultats et sa culture de l'excellence pour nouer des partenariats prometteurs. Que ce soit au niveau national ou international, il y a différentes façons de concevoir le développement. Le fondateur de Songhaï, Nzamujo, croit que le dialogue est la base d'un partenariat entre le Nord et le Sud et que la mondialisation n'est qu'un nouveau défi à relever, défi qui permettra peut-être de renouveler le rapport entre les sociétés du Nord et celles du Sud. Nzamujo (2004) critique la façon actuelle de faire du développement, car il ne croit pas que cela réponde adéquatement aux besoins des pays concernés. Plusieurs O.N.G. sur le terrain adaptent leurs missions afin de répondre aux critères des bailleurs de fonds et du gouvernement béninois, en compromettant parfois le développement durable, car aussitôt que les critères changent suivant les aléas de la politique, les programmes ne financent plus les projets entrepris antérieurement.

    Les gens changent leur mission pour entrer dans les programmes sectoriels, le gouvernement canadien a voté tant de millions pour les gens qui vont faire ce projet. Le gouvernement américain a voté. Et là tout le monde va réaliser des beaux projets pour que ça plaise. Mais en faisant cela, on abandonne et c'est ça qu'on appelle « ajustement structurel », « lutte contre la pauvreté » et bla-bla-bla, et la finalité c'est quoi? Le vrai développement personne ne s'occupe de ça ( Entrevue Nzamujo, 2004).

    La « troisième voie » que prône Nzamujo (2004) avec son projet est de proposer une alternative au développement sectoriel et par programme en faisant de l'absorption sélective dans les programmes de développement international et gouvernemental. La stratégie est de choisir et d'intégrer les différents aspects proposés par les programmes afin de faire reculer les formes d'exclusion, qu'elles soient économiques, politiques ou culturelles et sociales comme le préconise le développement durable (Boucher, 1999). Cette alternative s'adapte aux programmes tout en diminuant la dépendance de Songhaï envers ses bailleurs de fonds, puisqu'il les a diversifiés.

    Absorption sélective. C'est à dire, absorbé de l'extérieur, mais sélectivement. Absorber des idées... mais sélectivement en fonction des programmes. Ça c'est important et c'est crucial (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Le projet Songhaï est un projet à caractère social, il est donc très varié et il répond à différents critères qui composent les programmes de différents bailleurs de fonds et du gouvernement béninois. C'est donc un atout pour trouver des financements, mais c'est aussi une façon globale de voir le développement. L'idée de s'intégrer dans différents réseaux et de faire prospérer différents aspects de l'agriculture (transformation, commercialisation, restauration et hôtellerie, etc.) favorise l'insertion des jeunes, des femmes, agriculteurs ou commerçants. C'est la revalorisation de toute une économie qui entre en jeu et le déploiement des forces civiles de la base qui sont en émergence. Les modèles alternatifs sont moins en attente auprès d'une structure hiérarchique afin qu'elle réponde a leurs besoins. Comme le disait Favreau (2002), c'est souvent dans des régions où les instances supérieures répondent peu ou pas aux besoins des populations que les individus s'organisent afin de pallier aux manques en créant des réseaux et des modèles de développement non conventionnels tels que Songhaï.

    L'initiative Songhaï est née de l'effort de volontaires, et après avoir donné de bons résultats, Songhaï a demandé à être financé par des bailleurs de fonds internationaux qui proposent des fonds par programme, mais aussi conjointement avec le gouvernement du Bénin, dans le cadre d'accords bilatéraux et multilatéraux des approches sectorielles (réduction de la pauvreté et développement économique).

    6.1.1 Les critères d'octrois des bailleurs de fonds internationaux

    Les rapports de pouvoir en coopération internationale sont déterminants. Le bailleur de fonds peut décider de ne pas renouveler la subvention parce que les bénéficiaires n'ont pas atteint les résultats escomptés. Mais Songhaï propose ici une autre façon de faire. Puisqu'on parle de partenariat et de partage du risque, Songhaï veut que son partenaire lui apporte des idées quand certaines facettes du plan de développement n'ont pas répondu aux attentes. Même si Songhaï est au volant et qu'il sélectionne ce qui lui convient auprès des bailleurs de fonds, il n'est pas pour autant sourd aux critiques, car un partenariat doit se nourrir de part et d'autre.

    Il n'y a pas de jeux de pouvoir, ni d'un côté, ni de l'autre côté. Ils ont le droit de critiquer. Voilà ce que vous avez fait là, voilà les résultats, et on dit OK excusez moi, regarde c'est pas bon. Ils ont le droit parce qu'ils sont nos partenaires, ils ne sont pas des gens qui nous jettent de l'argent pour partir, ce sont nos partenaires. Ils ont leurs droits parce que ça les intéresse qu'on leur montre les résultats, il se peut qu'ils trouvent des idées, il y en a qui font du développement depuis des années, ils ont des idées. Donc, il faut partager ça avec nous, si on n'est pas d'accord, on n'est pas d'accord. Oh! ça c'est intéressant, merci bien. Et voilà, des idées parce que des gens ont travaillé ailleurs, ils peuvent avoir des idées qui ont déjà fait des preuves. On a besoin de leur  « input » (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Les partenaires ont des critères de sélection qui renvoient à leurs préoccupations. Ils ont aussi des expertises en matière de développement qui démontrent leur vision de ce même développement.

    L'approche partenariat OXFAM-Québec se fonde sur un travail pour l'égalité. Le soutien financier poursuit le renforcement du pouvoir des partenaires locaux et non pas leur dépendance. Le même principe guide l'établissement de liens entre partenaires, la circulation de l'information, la formation et l'éducation, le développement de stratégies communes et la coopération dans le travail de plaidoyer. Nous croyons que l'« empowerment » des organisations locales est essentiel à la justice sociale et économique et pour l'obtention et l'exercice des droits civils et politiques (http://www.oxfam.qc.ca).

    Songhaï s'est adjoint des partenaires qui partagent une part de son modèle de développement surtout en ce qui a trait à l'autonomie des populations et à l'éducation populaire. Lors de notre entrevue avec un représentant de l'USAID, il nous expliquait que le domaine prioritaire de l'USAID a été jusqu'ici le secteur de l'éducation, car le Bénin s'est engagé dans un processus de réforme de son système éducatif. En effet, selon l'USAID, le développement ne peut prendre place dans un pays que lorsque des citoyens éduqués et formés peuvent être capables de résoudre les problèmes par eux-mêmes. Songhaï promeut cette approche, et son enseignement n'est pas essentiellement théorique ; il forme des citoyens capables de résoudre des problèmes de toutes sortes. Ainsi, Songhaï à travers son modèle de développement a pu rencontrer les critères de l'USAID. Le partenariat avec l'USAID s'est fait par un accord multilatéral entre le gouvernement du Bénin et Songhaï ; c'est-à-dire que l'USAID finance le secteur de l'éducation du Bénin par le biais du gouvernement qui présente Songhaï comme l'un des acteurs qui va répondre à ce secteur.

    On peut donc percevoir des liens de convergence entre les partenaires et penser que le modèle de développement local que préconise Songhaï n'est pas incompatible avec le modèle par programme et sectoriel des bailleurs de fonds internationaux, et du gouvernement si un dialogue est établi et que les positions de chacun convergent.

    La consolidation des partenariats se fait souvent dès les premiers audits. Le dialogue est engagé et les intérêts de chacun sont mis en lumière de façon plus évidente.

    6.1.1.1 Audit

    Les audits sont les moments privilégiés où l'on fait le point sur le plan établi au tout début du partenariat et où l'on voit si les résultats sont atteints, mais aussi si l'action était pertinente.

    On fait des audits et des comptes rendus parce que c'est notre responsabilité de les informer afin qu'ils comprennent. Ils ont le droit de regard. Ils ont le droit de regarder comment on gère, c'est leur droit et je ferais la même chose. Puisqu'ils ne nous disent pas comment le faire, mais ils ont le regard pour voir, est-ce qu'on fait ça bien, est-ce qu'on utilise les fonds bien, est-ce qu'on a gaspillé ça. On n'a plus le choix de demander. On appelle ça « accountability » en anglais. Ils voient les résultats de l'audit en question comme ça il y a l'évaluation et il y a tout ça qui participe. Donc ils ont le droit, on l'exige même et ça nous aide, car on voit, et il y a des gens qui voient de l'extérieur parce que si on ne contrôle pas ça peut déraper. Donc nos partenaires on exige et ils ont le droit de regarder, car c'est leur argent et c'est leur assistance technique qu'il faut, disons... car si je te donne quelque chose, je veux voir comment ça marche parce que c'est mon argent, c'est mon énergie...( Entrevue Nzamujo, 2004).

    Ce travail sur les résultats est donc essentiel afin d'éviter des dérapages, mais aussi afin d'évaluer, de faire le point sur la situation, sur le projet, et de le mettre à jour constamment.

    6.1.1.2 Les résultats

    Les résultats sont la pierre angulaire au niveau des partenariats. C'est à partir des premiers suivis de résultats, des audits sur le terrain que la confiance se crée et que les partenaires peuvent ensuite engager des discussions qui vont faciliter la rencontre des objectifs de chacun d'entre eux. OXFAM-Québec nous décrit la procédure :

    C'est un premier projet d'un an, si tout va bien en cours d'exécution de projet, on écrit une programmation plus large de deux à trois ans. Bien, je veux dire le projet a été monté avec un cadre logique, avec l'atteinte des résultats, avec des indicateurs de mesure de l'atteinte des résultats, etc. Donc, c'est à partir. C'est à dire, eux ont fait leur premier jet de projet, et nous les avons appuyés ensuite pour renforcer leur gestion axée sur les résultats avec l'ACDI et tout, mais aussi avec Inter monde. Nous on les a appuyés pour l'approche genre et développement intégré, car ce n'était pas tout a fait arrivé à Songhaï. Les sensibiliser sur l'approche genre et développement et puis bâtir leur projet sur la gestion axée sur les résultats. Donc, ce projet a démarré vers la mi-mars, OXFAM-Québec étant responsable de la programmation on a deux ou trois missions de suivi terrain à faire. Donc, bientôt il y aura une première mission suivie d'activités Songhaï sur le terrain qui sera faites (Entrevue OXFAM-Québec, 2004).

    Dans le cas de ce partenariat, c'est OXFAM-Québec qui était allé vers le projet Songhaï. Après avoir élaboré le projet ensemble les partenaires vont convenir d'une première mission sur le terrain où Songhaï et OXFAM vont évaluer les résultats, en voir la pertinence et réorienter le projet si nécessaire. Il y aura alors une vision commune définie plus clairement. Le partenariat sera donc scellé par des résultats obtenus dans une création de projet commun. Lorsque c'est le Centre Songhaï qui va vers un bailleur de fonds, le processus est différent. Il doit être convaincant et cela passe toujours par des résultats tangibles. Le représentant de l'USAID (2004) expliquait que Songhaï avait fait un projet qu'il avait soumis et l'USAID aurait apprécié et financé leur projet, parce que Songhaï avait été convaincant et c'est ce qui a favorisé l'acceptation de leur projet. Ils ont été convaincants parce qu'ils donnaient un bon rendement et que Songhaï était déjà actif sur le terrain, leurs projets fonctionnaient déjà lorsqu'ils ont fait un appel d'offres, ils avaient des résultats. La garantie qu'ils ont eue venait de ce qu'ils faisaient déjà.

    Les liens entre les partenaires sont solidifiés sur la base de résultats qui répondent à des critères d'octroi des bailleurs de fonds. Lorsque les partenaires ont trouvé que les projets des uns rencontraient les projets des autres, une certaine souplesse se met en place, car un dialogue s'établit ainsi qu'une confiance.

    La subvention est accordée au Centre Songhaï pour une période de cinq ans. La responsabilité principale du Centre Songhaï sera d'atteindre les résultats attendus dans la subvention conformément aux paramètres et conditions convenus et de fournir des données et des informations à l'USAID / Bénin pour le suivi, l'évaluation des progrès et l'impact. Les activités financées par l'USAID et qui sont présentées ici donnent une description réaliste largement documentée et détaillée des intrants nécessaires au renforcement de Songhaï. Il est reconnu, toutefois, que le succès de Songhaï est dû en grande partie à sa capacité d'improviser et de s'adapter aux nouvelles conditions et de tirer profit des opportunités. Il est don convenu que, tout intrant et toute rubrique du budget figurant dans la subvention, peuvent être révisés ou remplacés sur accord notifié par écrit par Songhaï et l'USAID sauf là où c'est une exigence de l'USAID (USAID, 1996).

    Les critères d'octroi de fonds et l'atteinte des résultats ne représentent pas une fin en soi, ils sont des balises permettant d'identifier le champ dans lequel les partenaires ont des intérêts communs. Ensuite, ils favorisent la mise en place d'un plan d'action visant à atteindre des objectifs qui vont amener le développement du projet concerné. Si le plan d'action ne favorise pas le développement du projet, c'est que le partenariat fait face à certaines difficultés qui peuvent être en lien avec le manque de vision commune des partenaires.

    6.1.1.3 Recommandations

    Les recommandations des bailleurs de fonds auprès de Songhaï peuvent être vues comme une mise à jour de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire.

    AIl in all, the partnership with USAID has demonstrated that Songhai is capable of making things work and creating new possibility 'sets. Now, it's important to make these achievements sustainable with a concrete impact on the improvement of the quality of life of the multiple stakeholders who depend on Songhai, especial y the Songhai New Graduates and Recently (Centre Songhaï-USAID, 2002).

    Le retour sur les résultats est important pour faire le point et pour prendre de nouvelles avenues si nécessaire. Les partenaires ont tous deux intérêts à faire des audits et des recommandations à la suite des résultats obtenus afin de maximiser les efforts déployés et de vérifier si chaque aspect du projet est pertinent et répond aux besoins des populations.

    6.1.2 Création de partenariats et ses enjeux

    Selon Songhaï les partenariats sont essentiels au processus de développement des pays pauvres afin de permettre le financement des infrastructures de base et de combler le besoin en formation technique. Pourtant, il n'est pas toujours facile d'établir des partenariats, car les bailleurs de fonds ont leurs critères, mais aussi leurs redevances à d'autres bailleurs de fonds.

    Il y aura toujours des problèmes, c'est comme ça qu'on commence à tisser des partenariats. Les partenariats c'est important, on ne peut pas le faire seul. Et c'est ça que Songhaï fait. Songhaï fait ce qu'il veut aujourd'hui, car il est au volant. C'est lui qui a le volant (Entrevue Nzamujo, 2004).

    La politique de Songhaï c'est d'être maître de ses décisions et de trouver un terrain d'entente où lui et le bailleur de fonds ont des idées communes. Il est plus facile pour Songhaï de choisir ses partenaires et de s'adapter à eux, tout en exigeant d'être celui qui conçoit et dirige les différents aspects de développent qui structurent le Centre. Les bailleurs de fonds ont des programmes ou des critères de sélection en matière de développement qui les contraignent à choisir certains types de développement et à travailler avec une masse réduite d'ONG. De plus, ces bailleurs de fonds sont souvent tributaires de fonds internationaux, et ces entités (Banque mondiale, FMI, etc.) exercent des pressions au niveau des orientations et des financements de ces derniers.

    6.1.2.1 Les enjeux du financement

    Dans le cas d'OXFAM-Québec une partie de ses fonds provient d'autres organisations, ce qui sous-tend qu'OXFAM-Québec doit se soumettre aussi à des critères d'octroi de fonds et à l'atteinte de résultats envers ses bailleurs de fonds.

    Oui, pour le programme « Envois de volontaires », comme le CECI, comme le Cuso, on a un financement de l'ACDI qui correspond actuellement, je crois, à 45 % du financement d'OXFAM-Québec. Les autres financements viennent de la Banque Mondiale et des grands bailleurs de fonds internationaux, et de la levée de fonds d'OXFAM-Québec. Donc, OXFAM international nous permet de faire des études et d'être présent sur la scène internationale dans toutes les grandes réunions de l'OMC et tout ça, on envoie toujours un membre de OXFAM international. OXFAM-Québec a un lien direct avec OXFAM international (Entrevue OXFAM-Québec, 2004).

    De plus, OXFAM-Québec doit s'inscrire dans la vision de ses bailleurs de fonds et de l'organisation OXFAM International afin de remplir sa mission. Il y a plusieurs paramètres qui entrent en jeu dans la création d'un partenariat. Les contraintes relatives aux critères de financement d'OXFAM-Québec n'ont pas eu d'impact dans la création du partenariat avec Songhaï, parce que ce dernier avait développé antérieurement un projet d'accompagnement des fermiers dans la région des Collines qui s'inscrivait déjà dans un des volets d'OXFAM-Québec. Pourtant, OXFAM-Québec aurait pu exiger de Songhaï différents critères primordiaux pour la mission d'OXFAM auxquels il n'aurait pas voulu se conformer et le partenariat aurait échoué.

    Le Centre, quand il va vers les bailleurs de fonds pour proposer son plan ou des projets qui entrent à l'intérieur du mouvement de Songhaï, ne va pas accepter de nouer un partenariat au détriment de ses objectifs. Les administrateurs du Centre refuseront de s'engager dans le processus de financement qui ne répond pas aux besoins du Centre, des fermiers ou des localités, car ils veulent garder leur pleine gouvernance.

    Dans la discussion avec notre partenaire américain on dit « Voilà mon programme et voici comment vous pouvez participer à ce programme ». C'est ainsi que Songhaï travaille et qu'il a bénéficié de beaucoup d'argent. Des gens ont voulu nous aider. On leur dit c'est gentil, mais on n'a pas besoin de ça. Mais des gens comme USAID et OXFAM Québec ils comprennent notre plan, mais si on n'a pas compris on n'avance pas. Il faut qu'ils comprennent que nous sommes au volant, qu'ils sont nos partenaires financiers et techniques et c'est à nous de décider qu'est ce qu'on veut. Ce n'est pas eux qui vont nous le dire (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Le grand défi de cette approche se retrouve dans la négociation et dans la compréhension mutuelle des partenaires.

    6.2 Les enjeux des partenariats

    Depuis les années 50, il existe du développement par programmes et plus encore durant les années 80 avec les programmes d'ajustements structurels. Tous ces plans de développement sont pensés par le Nord ou par les bailleurs de fonds internationaux. Le rapport de pouvoir qui s'est établi alors, ne permettait pas la négociation ou la discussion sur les besoins réels des populations. Jusqu'à aujourd'hui, la Réserve fédérale américaine, le FMI et la Banque Mondiale favorisent des politiques de commerce et d'investissement orientées vers l'extérieur avec une inflation basse, des budgets équilibrés, des taux de change bas, la privatisation, la déréglementation et une protection accrue de la propriété privée (Sogge, 2003). De telles politiques ne favorisent pas l'essor des communautés locales, mais plutôt celle d'une économie mondialisée. Les modèles alternatifs de développement comme Songhaï n'approuvent pas cette façon de faire, car ils ne sont pas impliqués dans l'élaboration de ces plans de développement.

    On donne aux Africains des programmes fabriqués à Ottawa, fabriqués à Washington, à Paris. On dit voilà, c'est la politique du gouvernement français pendant cinq ans. C'est comme un docteur qui reste chez vous et prescrit des médicaments et il te dit « Toi tu es malade, c'est cela ta maladie et il faut prendre les médicaments ». Mais il faut qu'il fasse le diagnostic, qu'il te pose des questions, qu'il observe et qu'il dise si c'est vraiment cela :  «Je pense que c'est une maladie, est-ce vraiment cela ? ». Alors, oui, on donne notre accord et on peut commencer les traitements. Je ne veux pas qu'on dise ça marche, ça ne marche pas (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Il faut repenser les façons de faire, il faut que la discussion soit au coeur des accords et qu'elle favorise une ouverture, mais surtout un partage des risques. Il faut que les partenariats soient évalués de part et d'autre, que les résultats soient attendus chez le bailleur de fonds autant que chez le bénéficiaire de fonds.

    D'abord, ça vient de loin. Les gens ne sont pas encore convertis que ce soit chez les Africains, les Américains, les Européens il y en a toujours qui font le développement sans comprendre, sans que ce soit en multipartenariats. Donc, il faut qu'on change ça et qu'on discute. Les gens ne commencent pas à crier : « Voilà si vous êtes dans la coopération canadienne, les projets ne marchent pas et est ce que le risque sera partagé ?Au lieu de faire encore de la promotion pour les Africains, est-ce que la Banque Mondiale partagera le risque ? L'Afrique depuis des années ne se développe pas, ça ne marche pas, comment peut-on faire pour que cela commence à marcher, pour que les Africains et les partenaires américains, européens et canadiens disent: « Moi, je suis chef de projet canadien, et ça n'a pas marché et mon salaire va être coupé ». Que cela marche ou non, ce chef est tout de même promu... Donc nous à Songhaï c'est pour continuer ce genre de travail avec nos partenaires, dans un partenariat mûr (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Le dialogue entre les partenaires doit s'affranchir du jeu de pouvoir et se donner des garanties de réussite en partageant les risques. Un partenariat mûr partage les mêmes préoccupations face au développement et mobilise les ressources de chacun pour y arriver.

    6.2.1 Les enjeux des multipartenariats

    Songhaï a diversifié ses partenaires par souci d'ouverture sur le monde, mais aussi pour maximiser ses expertises. D'ailleurs, certains partenaires de Songhaï sont payés par le Centre pour leurs connaissances.

    D'abord, par souci d'avoir des idées différentes. Des multipartenariats ce n'est pas financier. Beaucoup de nos partenaires sont des partenaires techniques qui viennent porter un coup de main. La semaine passée il y avait des électriciens du monde. Un électricien de France est venu ici et on a fait un partenariat. Il va nous aider à monter notre capacité d'électricité et en échange on paie les billets d'avion, on paie la consultation, on paie ça (Entrevue Nzamujo, 2004).

    Ce qui compte dans les partenariats de toutes sortes c'est de s'adjoindre des forces et des connaissances afin de mener à terme un projet qui portera fruit à la communauté, aux localités et au pays.

    Il faut donc que les visions du développement des uns et des autres puissent s'accorder sur certains points centraux et que la confiance s'établisse à l'intérieur de cadres qui ont été choisis par les partenaires. Les résultats et leurs analyses sont le produit du partenariat et permettent d'en mesurer la santé. L'investissement en temps, en argent, en idées se fait de part et d'autre avec le partage du risque. Et c'est peut-être ce dernier élément dont on peut présumer le déficit dans les partenariats à l'heure actuelle. Les fonctionnaires des organisations sont-ils sanctionnés lorsque qu'ils bâclent leur travail? Les programmes sectoriels du Nord ont-ils été revus et corrigés par le Sud ? Quelles sortes de liens sont entretenus entre le Nord et le Sud ? Voilà certainement des questions essentielles auxquelles les organisations du Nord devront répondre afin de développer un partenariat fructueux entre le Nord et le Sud.

    CHAPITRE VII

    RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES RAPPORTS AVEC LE NORD ET LE SUD

    Ce chapitre illustre les rapports Nord-Sud à travers le cas de Songhaï. Il s'appuie sur l'histoire de Songhaï et l'expérience qu'il a su tirer de ses partenariats avec les bailleurs de fonds internationaux. L'histoire de la coopération internationale et les différents points de vues sur cette dernière permettent de situer la « troisième voie » de Songhaï dans le contexte des échanges internationaux. Le questionnement sur le transfert des nouvelles technologies, qui suivra, servira à illustrer les rapports de force entre bailleurs de fonds et bénéficiaires. Cette mise en place favorisera ensuite le questionnement sur les rapports entre le Nord et le Sud et ses alternatives possibles.

    Le principal problème selon Nzamujo (2004) serait que les conceptions du monde de la coopération internationale en matière de développement reposent encore sur les théories keynésiennes du financement du secteur économique, pour favoriser le décollage économique ; or, cela serait une erreur dans la mesure où le développement ne repose pas sur l'apport du capital, ni sur l'aide internationale. Selon ce dernier, le développement, pour qu'il soit durable, repose en grande partie sur la mobilisation, la formation et la conscientisation des ressources humaines afin d'exploiter les ressources naturelles du pays.

    7.1 Le développement selon le Nord et le Sud

    Les définitions du développement varient selon l'endroit où l'on se trouve et la réalité quotidienne vécue. Le point de vue occidental sera sans doute différent, de celui de la personne qui en vit la réalité partiellement sans qu'elle touche les siens. Nzamujo (2004) fait ressortir les conflits inhérents à la coopération entre le Nord et le Sud. Les différentes parties viennent avec leurs bagages personnels et leurs conceptions du développement, il faut donc faire preuve de beaucoup de souplesse de part et d'autre pour arriver à comprendre les intérêts de chacun et les intégrer dans une vision commune.

    Comment je vois le développement, je vais commencer par ça pour vous montrer où il y a des problèmes et des conflits. D'abord, nous en tant qu'Africains on voit ça de l'intérieur, parce que c'est le vécu pour nous. On voit ça tous les jours, ce sont nos parents, nos villages. Donc, la manière de l'extérieur dont on voit n'est pas la même chose. Chaque personne vient faire du développement avec des préconçus, avec une idée, une culture, une idée de ce qu'est le développement. Donc pour moi c'est normal qu'il y ait des différences et pour moi comment gérer la différence, je ne pense pas qu'on va se battre, se taper, j'accepte déjà, parce qu'on vient d'horizons différents et c'est normal qu'il y ait la « malcompréhension »; qu'il y ait des gens du Nord qui ne peuvent pas comprendre, qui malgré eux imposent, ça, c'est normal. Mais au-delà de ça, il y a des gens qui refusent, qui voient que voilà : l'Afrique, l'Amérique latine, l'Asie doivent faire comme nous. Comme pour le développement c'est qu'ils changent la manière pour faire comme nous. Et il y a l'autre groupe, qui lui, il ne croit même pas que c'est possible, mais il faut le faire parce qu'au niveau moral il y a des gens là, il faut leur donner des miettes, c'est comme des mendiants on leur donne parce qu'ils te dérangent et il faut laver la conscience. Ça aussi on n'est pas d'accord là-dessus (Entrevue avec Nzamujo, 2004).

    Différentes perceptions du développement s'entrechoquent ; le modèle dominant (bailleurs de fonds internationaux) favorise l'implication dans le milieu par des approches sectorielles qui orientent le gouvernement dans la mise en place d'un processus plus démocratiques, à travers la décentralisation du pouvoir vers les communautés. Même si cette approche répond à des besoins locaux, elle consiste souvent à se servir des indicateurs classiques de développement tel que le Produit national Brut (PNB) pour mesurer l'aide à apporter aux pays en développement. Les services offerts par ces organismes (Banque Mondiale et FMI) sont d'octroyer des prêts aux pays en fonction de certains critères qui s'inscrivent dans des programmes sectoriels tels que la privatisation des appareils d'État et la libéralisation de leur marché. Ainsi, l'approche sectorielle passe par l'intermédiaire du gouvernement et la corruption interne ne permet pas toujours son optimisation. D'autres organisations comme OXFAM-Québec vont financer directement les O.N.G. locales selon leurs priorités. Ces deux approches sont différentes. La première passe par le gouvernement qui va ensuite redistribuer l'argent à des O.N.G. qui répondent au plan soumis par le bailleur de fonds. La seconde va directement donner aux O.N.G. locales. François Bourguignon6(*), économiste de la Banque Mondiale, admettait que les programmes de son institution ne répondaient pas toujours aux besoins des populations et que la façon de faire du développement devait s'adapter, devenir plus pragmatique. Un article de L'Aigle de Songhaï critiquait les méthodes traditionnelles de faire du développement qui ont cours à la Banque Mondiale et au FMI :

    Les meilleurs partenaires au développement et les meilleurs amis des pays africains ne sont-ils pas ceux qui injectent davantage d'argent ou qui annulent sporadiquement des dettes contractées de longue date et qui étranglent sans aucun doute les économies déjà vulnérables ? La capacité de créativité, de conscience intérieure est dans ces conditions émoussées au détriment de la passivité, de l'oisiveté et du gain facile, toutes attitudes qui ne facilitent guère le décollage socio-économique des Africains par eux-mêmes (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).

    L'injection d'argent est nécessaire aux infrastructures, mais elle doit être planifiée dans une perspective à long terme qui répond aux besoins des pays, aux défis locaux. Cette injection d'argent ne doit pas rendre les gouvernements et les populations apathiques, elle doit contribuer à créer des espaces d'innovation qui permettent aux gens d'être actifs dans leur développement.

    En regardant les problèmes de l'Afrique, le retard accumulé par rapport aux autres continents, son incapacité de se mesurer et de mesurer les défis de demain (bouleversements économiques, les nouveautés accélérées, etc.), on a peur. On ne peut s'empêcher alors de dénoncer le « bricolage » qui s'observe en Afrique. En effet, le vrai développement ne signifie pas de toujours résoudre les problèmes ponctuels, de s'ériger en « sapeurs pompiers », mais de prévoir, d'anticiper les événements. Le développement ne peut se faire à la place des pauvres. Tout le monde est tenu d'y participer, qu'on soit dit « développé » ou « sous-développé », « pauvre » ou « riche ». C'est dans cette participation de tous que pourrait naître un vrai partenariat entre riches et pauvres. C'est de cette manière qu'on peut créer des sites d'excellence ou sites de croissance socio-économiques par des entreprises de jeunes qui s'installent en aidant les « soi-disant pauvres », en travaillant avec eux (L'Aigle de Songhaï, éditorial, 2000, no 40-41).

    La formation et les apports techniques sont des moyens de redonner aux gens leur plein pouvoir et de leur permettre de trouver des solutions adéquates. Le représentant de l'USAID, lors de notre entrevue, nous expliquait que son organisation valorisait le secteur de l'éducation. C'est pour cette raison qu'il appuyait le Bénin, qui s'était engagé dans un processus de réforme de son système éducatif favorisant ainsi le développement de son pays. Le constat de l'USAID est que le développement ne peut venir que lorsque dans un pays, des citoyens éduqués et formés sont à même de résoudre leurs problèmes. Songhaï a donc été soutenue par l'USAID parce qu'elle répondait à la réforme éducative du gouvernement béninois, aux besoins locaux et aux critères de l'USAID.

    Il est évident et largement admis de nos jours que le développement de l'Afrique passera par l'agriculture, il est tout aussi évident que ce développement ne peut se réaliser sans un potentiel humain qualifié. C'est conscient de cela que Songhaï depuis sa création, s'est donné entre autres missions, la promotion des acteurs de développement grâce à la promotion de l'entrepreneuriat agricole chez les jeunes africains (L'Aigle de Songhaï, formation, 2001, no 44).

    Songhaï, comme modèle alternatif s'est adapté aux conjonctures internationales avec sa « troisième voie » afin de créer, par sa formation, un vivier d'entrepreneurs qui relanceront l'économie.

    7.1.1 La « troisième voie» dans le jeu de la coopération Nord Sud

    Le développement sur la base de la « troisième voie » ainsi que sur la base du modèle de solidarité internationale, favorise la prise en main de la population et la pérennité des projets parce qu'ils sont directement liés avec les préoccupations sociales.

    On voit quel est notre problème, quel est notre talent, quels sont nos ressources humaines, naturelles, et tout ça. Avant de commencer, il faut faire le bilan de ce que nous avons, il faut développer la vison où vous allez. C'est ça pour moi le développement (Entrevue avec Nzamujo, 2004).

    La durabilité d'un projet soutenu par une vision partagée par l'ensemble du groupe, est un critère qui va induire une importante transformation locale au niveau socio-économique.

    Parce que le développement c'est moi-même, et on ne peut développer quelqu'un qui n'a pas une personnalité. Beaucoup de gens quand ils commencent le développement, ça ne marche pas. Les infrastructures, les bâtiments, oui, mais ce n'est pas durable. La durabilité consiste à une communauté déjà en marche et qui a une capacité d'absorption sélective (Entrevue avec Nzamujo, 2004).

    La « troisième voie » mise beaucoup sur la durabilité du développement, et cette durabilité n'est possible que si la population s'approprie, non seulement le projet, mais aussi le processus par lequel il a été conçu. La mission de Songhaï qui consiste à changer les mentalités n'est autre chose que l'appropriation du développement par la communauté. Après avoir mis une communauté en marche il faut acquérir des savoir-faire et des technologies afin de rendre le projet concret et générateur de développement dans le pays. Ces savoir-faire et ces technologies doivent aussi faire partie de cette appropriation, de ce processus par lequel on fait sien ce qui est en dehors de nous.

    7.1.2 Les technologies comme apport important dans l'édification de la « troisième voie ».

    USAID s'entend rapidement avec Songhaï sur le point du transfert de savoir-faire et des technologies afin de pérenniser le projet.

    As Bernard Taillefer said: "The urgency for creating employment is not a new idea and even though it is often proposed by the theoreticians of development there is little or nothing to show for it." At the base of this problem there is a gap between knowing and doing or a "Knowing-Doing Gap". ln other words. the problem is not with knowing, but in the failure to translate this knowledge into action. The Songhai comprehensive program intends to cormont this paradox in the educational system in Benin today. We intend to develop processes by which knowledge can be tumed into action and consequently the creation of wealth. Therefore, Songhai envisions an expansion of its activities to accelerate the socio-economic changes necessary (Centre Songhaï-USAID, 2002).

    Le transfert du savoir-faire et des technologies est un enjeu à ne pas négliger. En ce qui concerne les technologies, elles permettent de combler le retard, mais aussi de faciliter les télécommunications et les travaux liés à la transformation. Un grand débat se retrouve au coeur du transfert de technologie parce qu'on a créé une catégorie de « technologie appropriée » qui s'appuie sur la conclusion de l'incompatibilité fréquente des technologies vendues, aux besoins du pays demandeur. Cette alternative propose de tenir compte des capacités techniques du pays acheteur. Cette thèse a été critiquée par Arghiri Emmanuel7(*) qui soutient que cette « technologie appropriée » est une technologie appauvrie qui ne fait qu'accroître le retard et la dépendance des pays sous-développés. Le débat est lancé mais le transfert de cette technologie dite « appropriée », qu'elle soit simplement imitée ou qu'elle serve à innover, demeure important et sert à dynamiser les rapports Nord-Sud. 

    Transférer: innover ou imiter ? Cette vision du transfert se trouve confirmée par l'évolution des politiques des multinationales. Alors que dans les années 60-80, les « transféreurs » laissaient peu d'opportunités aux acquéreurs pour redéfinir les modalités techniques et organisationnelles du transfert, « depuis quelques années, les firmes multinationales ont choisi de susciter l'initiative de leurs partenaires ». Les ingénieurs et techniciens locaux sont devenus des interlocuteurs valables, tant il est vrai que leur capacité de négociation a progressé ainsi que leur capacité technique. Lors des rencontres, de nombreux problèmes sont abordés et résolus conjointement, permettant ainsi une plus grande créativité et une meilleure intégration des réa1ités locales au sein du transfert. Nous retrouvons là aussi les concepts de base de l'innovation (L'Aigle de Songhaï, transfert, 2001, no 45).

    Les pays du Sud, où des projets tels que Songhaï se développent, ont acquis des expertises en matière de technologie et deviennent alors des interlocuteurs viables. Ils innovent ou adaptent la technologie afin de répondre aux besoins dans la mesure des capacités, souvent financières ou techniques des personnes ou des communautés. Les technologies ont un impact direct sur le développement, même si elles sont « appropriées ». Elles sont le symbole du rapport entre le Nord et le Sud. Un Nord où les technologies abondent et sont de plus en plus sophistiquées et un Sud qui adapte les technologies à ses besoins, en les simplifiant ou en les transformant à sa mesure.

    Le transfert de technologies ne signifie pas l'imitation. Il s'agit au contraire du développement d'une technologie originale et autochtone, en partant des particularités culturelles de chaque pays. Ces transferts sont alors accompagnés de formations intégrées portant sur ces technologies appropriées. Il est intéressant de constater que l'étude des échecs de certaines de ces formations n'est en fait que le reflet du manque d'intégration des bénéficiaires dans ce processus. Ainsi, parmi les principales causes décrites par le Bureau International du Travail (BIT), on peut relever : certaines technologies rurales considérées comme des technologies secondaires, l'inexistence de recherches scientifiques et technologiques de haut niveau qui partiraient de l'examen des technologies traditionnelles pour concevoir des technologies endogènes portant sur les produits, les procédés et les moyens de fabrication, la non-participation des populations dans la résolution de leurs problèmes le refus d'aborder les problèmes de technologie globalement en tenant compte de leur interdépendance, une méconnaissance des ressorts sociologiques originaux de chaque société rurale (L'Aigle de Songhaï, transfert, 2001, no 45).

    Malgré ce qu'en dit Arghiri Emmanuel (2001) les technologies endogènes semblent répondre aux besoins des fermiers de Songhaï et redonner un essor à l'économie locale. De plus, cette technologie « adaptée » est abordable et permet aux organisations, comme Songhaï, d'être moins dépendantes face à ses bailleurs de fonds, donc face au Nord. Enfin, la vision du Nord sur les technologies autochtones illustre en quelque sorte un rapport de pouvoir en démontrant sa qualité supérieure et en disant que les technologies « adaptées » sont des technologies secondaires. Mais Songhaï, avec « sa troisième voie », a su tirer partie de la technologie « adaptée ». Quoi qu'en pensent les uns et les autres, le processus d'absorption sélective de Songhaï, envers les technologies du Nord, lui a donné une originalité certaine, puisqu'aujourd'hui Songhaï fabrique des outils et des machines agricoles dans ses locaux qui sont vendus via son site internet. L'avantage qu'en tire Songhaï est important. L'adaptation et la modélisation de la machine se font sur place ainsi que sa fabrication, ce qui a pour effet de lui donner une grande autonomie face aux technologies fabriquées au Nord. De plus, cela procure de l'emploi, dynamise l'économie locale et par le fait même contribue au développement au Sud. Le leitmotiv que nous entendons au Canada «fabriqué au Canada consommé au Canada », est écologique et encourage l'économie locale. Ce leitmotiv s'applique tout aussi bien dans le Sud : «fabriqué au Bénin, consommé au Bénin».

    7.2 Des rapports de force entre le Nord et le Sud

    L'histoire entre le Nord et le Sud est caractérisée par des rapports de force et d'assistance humanitaire. Le plan Marshall a développé une pensée sur l'aide aux pays sous-développés qui en favorisait l'assistance plutôt que le partenariat. De plus, le travail de théorisation du processus de développement des Nations Unies qui a misé sur le rôle primordial de l'économie, et du fait même des bailleurs de fonds, a fait des pays sous-développés des pays assistés.

    Hier, les échanges étaient fortement caractérisés par des rapports de force tendant à reléguer au rang d'assistés, les pays dits pauvres. La révolution industrielle ayant favorisé un essor économique des pays de l'Europe occidentale et plus tard, des États-Unis d'Amérique, il s'est créé une division artificielle du monde en pays industrialisés ou développés et pays en voie de développement, géographiquement concentrés dans la partie sud de la planète. Dans ce contexte, les relations internationales sont dictées par des formules et des considérations visant à drainer vers les pays pauvres, les capitaux et les technologies ayant fait leurs preuves ailleurs, dans le but de les aider à rattraper leur retard. Nous connaissons aujourd'hui le résultat... Plusieurs décennies n'ont pas suffi à cette démarche pour résoudre le problème de mal développement. De plus, le partenariat signifiait avant tout, aide au développement ou à la croissance économique, ce qui évidemment signifiait que le partenaire possédant la force financière était maître du jeu et était censé dicter la conduite à tenir, d'où des rapports parfois tendus par-ci par-là, ne laissant aucun espace de créativité et d'affirmation des partenaires dits pauvres (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).

    Cette tendance doit composer avec de nouvelles réalités comme la souveraineté des pays jadis colonisés et les échecs des programmes de développement et d'ajustement structurel. L'information plus accessible à l'ensemble du monde et la mobilisation des sociétés civiles ont aussi concouru à une nouvelle conjoncture. À partir de ces événements, des initiatives locales se sont mises sur pied pour contrer les manques en matière de travail, de santé, d'éducation que les approches sectorielles des ajustements structurels avaient concouru à dégrader. Les modèles alternatifs comme Songhaï ont transformé la façon de faire des partenariats entre le Nord et le Sud, en partant d'une base civile, des besoins de la population. Ils jouent maintenant un rôle important dans la façon de faire le développement des pays du Sud.

    Malheureusement, le système de coopération internationale attire toujours des organisations qui veulent aussi avoir leur «part du gâteau». Les programmes sectoriels ont entraîné des effets pervers : le développement par programme ne prend pas en compte toutes les facettes d'une société donnée et cela favorise un développement anarchique, non planifié. Le développement par programme a aussi attiré des O.N.G. du Sud qui ont modifié leur mission pour obtenir des fonds. Ensuite, même lorsqu'une approche sectorielle est favorisée, planifiée et gérée par le gouvernement du pays, les programmes du FMI et de la Banque Mondiale qui sont imposés n'ont pu relancer les économies du Sud. Les intérêts inavoués des uns et des autres causent des écueils dans les stratégies du modèle dominant ainsi que dans celles du modèle alternatif, car ils viennent interférer dans le développement

    Malheureusement, l'affluence massive des organisations et associations vers des réseaux est en grande partie dictée par le souci d'y puiser quelque chose pour bâtir sa propre structure. On se préoccupe très peu de ce que l'on est en devoir d'apporter aux autres. Lorsque l'on ne reçoit plus à un moment donné, c'est la « fin » de la participation. Cette situation se complique par l'opinion selon laquelle les réseaux dont font partie les institutions du Nord sont les mieux indiqués. Justement parce que ces dernières sont considérées comme des vaches à lait. La participation aux réseaux s'apparente alors à un pâturage incontrôlé où l'on abandonne le pré dès lors que l'herbe se raréfie (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).

    Ce rapport ambigu qu'entretiennent les bailleurs de fonds du Nord et les gouvernements ainsi que les O.N.G. du Sud, n'est pas le seul possible pour le développement du Sud.

    7.2.1 Partenariats Sud-Sud, une alternative

    Certains mouvements comme Songhaï ont décidé de promouvoir aussi les partenariats Sud-Sud parce qu'ils semblent plus adaptés aux réalités du Sud, aux développements locaux et favorisent les économies continentales ou transcontinentales des pays pauvres.

    Songer davantage à des réseaux favorisant les échanges Sud-Sud serait la bienvenue pour les pays africains. Cela permet de découvrir et d'utiliser les compétences locales, moins onéreuses et mieux adaptées aux réalités de nos pays. C'est par exemple le cas d'ASFODEVH (Association pour la Formation en Développement Humain) au sein de laquelle Songhaï milite activement. Au Bénin particulièrement, ASFODEVH a permis à Songhaï de tisser des relations très fructueuses avec plusieurs institutions partageant les mêmes valeurs et les mêmes champs de combat contre le mal développement (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).

    Le point de vue de certains bailleurs de fonds du Nord, tel que OXFAM-Québec, ajoute que les rapports Nord-Sud sont toujours unilatéraux et qu'il n'existe pas encore d'initiatives Sud-Nord. Cette idée renvoie au fait que le Sud a peu à apporter au Nord, qu'il est en position de recevoir ou d'assistance. Pourtant, les initiatives d'économie sociale au Sud sont des exemples intéressants de renouvellement des pratiques sociales et économiques. Songhaï est un exemple de développement harmonieux grâce à la vision holistique qu'elle emprunte, et elle pourrait nourrir plusieurs réflexions sur le développement des régions dans les pays du Nord. Des régions qui sont souvent aux prises avec de forts taux de chômage, l'exode des jeunes vers les villes et l'appauvrissement des populations. Le Sud doit donc interpeller le Nord afin de redéfinir le partenariat et d'échanger sur des bases plus égalitaires.

    Il y a beaucoup de travail à faire, énormément de travail à faire. D'ailleurs, on dit toujours relation Nord-Sud, on dit jamais Sud-Nord. C'est donc très orienté et je pense qu'on gagnerait beaucoup dans le Sud-Sud et Sud-Nord. Mais jusqu'à maintenant on n'a pas trouvé les moyens de favoriser, ces échanges-là, sur un plan plus égalitaire et équitable, car je pense qu'on a beaucoup à apprendre des relations Sud-Sud et Sud-Nord. C'est une question qu'il y avait eue il y a deux ans où trois ans, le CCCI (Conseil Canadien sur la Coopération Internationale) Canada qui avait lancé un sondage questionnaire auprès des membres des O.N.G. canadiennes avec beaucoup de questions et l'une de ces questions était exactement « Que pensez-vous de la coopération internationale Nord-Sud ? » Donc, on avait eu un grand débat sur cette question là. J'étais au Burkina Fasso à cette époque. Mais effectivement, il y a énormément de travail à faire et moi je ne suis pas du tout pour le sens unique, la flèche verticale qui a été construite Nord-Sud (Entrevue OXFAM-Québec, 2004).

    Toutefois, le rapport entre les États du Nord et ceux du Sud est remis en cause avec l'échec des politiques d'ajustements structurels et par les approches sectorielles des bailleurs de fonds internationaux comme la Banque Mondiale et le FMI. Ensuite, les O.N.G. du Sud tentent de trouver des alternatives qui favoriseraient leur développement en créant des partenariats dans d'autres pays du Sud.

    Un modèle alternatif de développement comme Songhaï doit composer avec, non seulement les rapports de force économique Nord-Sud, mais aussi avec le rapport de force idéologique qui consiste à dire que le Nord est comme le « grand frère » qui doit montrer le chemin parce qu'il a réussi dans son développement. Pourtant, les économies et les systèmes sociaux du Nord sont en implosion avec la montée du chômage et la perte des acquis sociaux. Le libéralisme économique a aussi ses conséquences sur le Nord avec le déplacement de ses industries dans des zones franches du Sud afin d'économiser sur les salaires pour optimiser les ventes. Le développement n'est pas que l'affaire du Sud ; le Nord est concerné, non seulement parce qu'il doit partager ses richesses, mais parce que bientôt il sera face à des problèmes qui seront comparables à ceux du Sud au niveau du désengagement de l'État dans le service aux populations. Le Nord et le Sud sont des pôles indissociables, il faudra donc trouver un terrain d'entente pour harmoniser leur développement.

    CONCLUSION

    Au cours de cette recherche, nous avons découvert des aspects inattendus relatifs à notre question de recherche. Nous n'avions pas prévu que l'approche large (développement intégré) portée par Songhaï s'harmonisait avec l'approche plus pointue visant les résultats (développement sectoriel, par programme et par projet) promue par les bailleurs de fonds internationaux. Non seulement Songhaï a réussi à financer sa mission sans la transformer, mais il a misé sur l'atteinte des résultats. Des résultats qui sont devenus un atout majeur pour négocier avec des partenaires éventuels. Cependant, il demeure que l'essentiel de l'approche de Songhaï porte sur les parcours et les processus. En effet, c'est le développement des capacités individuelles et collectives à faire face aux problèmes et à les résoudre, qui représente le coeur du modèle de Songhaï.

    En réalité nous pensions que Songhaï arrivait à obtenir ses financements seulement en diversifiant ses partenaires. Or, la stratégie de Songhaï est beaucoup plus raffinée. Non seulement la diversification des partenaires est un facteur important, l'approche de la « troisième voie », à la fois un modèle de solidarité et de coopération se conjuguant avec le modèle dominant fait toute la différence. Voulant répondre aux besoins des populations, Songhaï a diversifié ses activités. Il n'a pas fait l'option de la spécialisation agricole, il a introduit la commercialisation de ses produits et mis en réseau les différents acteurs pour obtenir des filières afin de participer à toutes les étapes de la production à la vente. De plus, il a su s'adapter, entre autres sur la question des femmes. Les femmes étant moins intéressées par l'agriculture, il a innové dans la transformation des produits et la restauration, un domaine où la femme se sent plus à son aise au Bénin.

    En créant un Centre qui contribue à un Mouvement, Songhaï fait du développement local sur plusieurs aspects et il peut ainsi tirer profit de divers bailleurs de fonds, autant au niveau des O.N.G. internationales que du gouvernement du Bénin, dans le cadre des approches sectorielles en multipartenariats et de celles par programme. Il fait de la formation, de l'agriculture, de la commercialisation. Il s'occupe des jeunes, des femmes, et intègre l'écologie à son système agricole. Également, il développe les télécommunications. C'est un système de développement holistique qui permet à Songhaï de ne pas se cantonner dans un seul créneau. La diversification, autant auprès de ses bailleurs de fonds que dans son plan de développement qui est mis en oeuvre, lui fait bénéficier d'une longueur d'avance dans la négociation avec ses partenaires potentiels, car il n'est pas tenu d'accepter des contraintes qui pourraient nuire à sa mission qui est de transformer les mentalités afin de créer un vivier propre au développement local. Il transforme les mentalités à partir de son modèle de développement de la « troisième voie », qui consiste à absorber de l'extérieur ce qui convient à l'intérieur ; c'est comme acheter en « pièce détachée » ce qui convient aux réalités locales. C'est de l'économie d'énergie et de temps qui permet aux populations qui se sont inscrites dans un processus de développement d'acquérir des savoir-faire taillés sur pièce, par eux et pour eux. L'empowerment des individus va alors redonner un dynamisme aux communautés et favoriser l'entrepreneuriat et le réseautage de celles-ci, tout en valorisant les tissus sociaux existants. Les critères de durabilité du développement seront alors rencontrés. Cela n'exclut pas que le Nord et les gouvernements des pays du Sud doivent aussi faire leur part. Ils doivent soutenir les initiatives civiles en les renforçant par des structures économiques et par des services.

    Le dynamisme de Songhaï est inspirant à plusieurs niveaux. Il démontre que nous pouvons adopter des stratégies qui permettent d'établir des partenariats plus égalitaires en adoptant des modèles de développement plus holistiques et en diversifiant nos interlocuteurs. Cette approche peut influencer les rapports de force déjà existants entre le Nord et le Sud en transformant la nature du dialogue. Songhaï est un modèle de développement qui émerge de la base et qui démontre sa grande capacité à être à l'écoute de la population et des réalités propres à chacune d'entre elles. Le fait qu'il soit collé aux réalités quotidiennes des communautés permet une meilleure analyse, ce qui est en soit un point déterminant dans l'élaboration de projets de développement. Le Nord se doit d'être à l'écoute de partenaires tel que Songhaï, car il bénéficie alors d'une expertise qui s'ancre dans l'actualité et qui est à même de trouver ses réponses à ses besoins.

    Le Nord aurait quelque intérêt à aider le Sud à se développer, car les inégalités entre les deux mondes et les fractions sociales amènent de plus en plus d'instabilités au plan politique. Pour qu'une stabilité sociale mondiale s'établisse, il faudra favoriser un développement plus égalitaire en donnant plus de place aux voies alternatives et en repensant le modèle dominant de façon à intégrer davantage les aspects du développement social dans un cadre évolutif. Pour réaliser ce tour de force, il faudra de l'ouverture, un dialogue soutenu et beaucoup de concessions. La « troisième voie » de Songhaï pourrait aussi devenir un modèle pour le Tiers-monde afin qu'il devienne un monde à part entière.

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    BILIOGRAPHIE

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    Centre Songhaï, Haut Commissaire des Nation Unies pour les réfugiés. 2000. Premier accord supplémentaire conclu dans le cadre du programme du Haut Commissaire des Nation Unies pour les réfugiés. Porto Novo

    Entrevues

    Chaffa, Gédéon. 2004. Professeur à l'université (Centre polytechnique de l'Université du Bénin)

    Dalohoun, Daniel. 2004. Étudiant au doctorat à l'Université de Maastricht aux Pays-Bas (Economics and Policy Studies of technical  Change)

    Nzamujo, Godfrey. 2004. Fondateur de Songhaï

    Quenum, Cosme. 2004. Responsable du projet Songhaï à USAID-Bénin

    Rioux, Lise. 2004. Directrice d'OXFAM-Québec au Bénin

    Yaou, Jago. 2004. Chargé de stage à l'université (Centre polytechnique de l'Université du Bénin, CÉCURI)

    ANNEXE 1

    Les bailleurs de fonds internationaux de Songhaï

    1. Songhaï-France,

    2. Solidarité-Songhaï,

    3. Louveciennes Afrique et Développement,

    4. Songhaï-Chasselay,

    5. USAID (United States Aid for International Development),

    6. Danida,

    7. CCFD (Comité catholique contre la faim pour le développement),

    8. Songhaï Support Group (California),

    9. Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement),

    10. L'HCR (Agence des Nations Unies),

    11. RABOBANK FOUNDATION (Pays Bas),

    12. L'Accion Verapaz (Espagne),

    13. Le SID (Society for International Development),

    14. Le CRDI (Centre de Recherches pour le Développement International),

    15. La Coopération Française,

    16. CODEV-Toulouse (France),

    17. Les gouvernements du Bénin et du Nigéria.

    18. OXFAM-Québec

    ANNEXE 2

    Guide 1

    Questions pour un bailleur de fonds de la coopération bilatérale ou multilatérale qui fait affaire avec Songhaï (USAID)

    Définitions

    1. Comment définiriez-vous le type de développement que votre organisme promeut ? (Type : durable, intégré, sectoriel, économique, sociale)

    2. Comment définissez-vous vos liens avec les organismes ou partenaires qui bénéficient de vos fonds ? (Liens : d'assistance, de partenariat...)

    3. Comment USAID établit-il ses contacts avec ses partenaires ou organismes bénéficiaires ?

    § Y a-t-il une différence entre les organismes bénéficiaires et les partenaires ?

    § De quel ordre est-elle ?

    Critères

    4. Quels sont les critères pour accorder une aide à une O.N.G. ?

    5. Quel est le but de chacun des critères :

    § Y a-t-il des critères qui ont pour rôle la vérification des besoins réels exprimés ? (Mécanismes de vérification pour continuer le financement)

    § Y a-t-il des critères qui se posent sur les conditions physiques et matérielles du milieu et sur le leadership du fondateur ?

    § Prévoyez-vous des fonds de dépannage ? Pour quels cas ?

    § Y a-t-il des critères de « programmation sectorielle » (éducation, femme, agriculture, démocratie...)

    6. Quel est le processus d'élaboration de ces critères ?

    - Rendez-vous des comptes à des instances supérieures ? Si oui de quelles natures, et avez-vous des marges de manoeuvre ?

    7. Les critères changent-ils d'une année à l'autre (selon les ministres en place ou les priorités des États unis) = variation ?

    Processus d'octroi de fonds

    8. Vous arrive-t-il d'avoir plusieurs demandes d'un même organisme pour différents secteurs ?

    9. Quel est le processus à suivre pour obtenir une aide ?

    Conclusion

    Globalement, comment décririez-vous aujourd'hui les relations entre le Nord et le Sud, d'après jugement ou expérience personnelle ? (son appréciation des rapports Nord/Sud)

    Guide 2

    Questions pour le fondateur ou pour un des administrateurs de Songhaï

    Définitions

    1. Comment définiriez-vous le type de développement que votre organisme promeut ?

    2. Comment définissez-vous vos liens avec vos partenaires ou bailleurs de fonds ?

    3. Comment Songhaï établit-il ses contacts avec ses partenaires ou bailleurs de fonds ?

    - Dans votre livre vous parliez de « bailleurs de fonds » et de « partenaires ».Y a-t-il une différence entre les deux ? De quel ordre est-elle

    Critères

    4. Quels sont les critères pour recevoir une aide d'un bailleur de fonds ou partenaire ?

    5. Quelles sont les contraintes de chacun des critères :

    § Y a-t-il des critères qui vous obligent à justifier des besoins exprimés ?

    § Y a-t-il des critères qui vous obligent à prouver des qualités de compétences ou des capacités de rendement ?

    § Vous est-il arrivé de demander des fonds de dépannage ? Dans quels cas ?

    § Comment faites-vous pour rejoindre les critères de vos bailleurs de fonds (par exemple dans les cas de «programmation sectorielle »)

    6. Quel est le processus d'élaboration de vos demandes de subvention ? C'est-à-dire comment s'élaborent-elles ?

    - Rendez-vous des comptes à vos bailleurs de fonds ? Si oui de quelles natures (financières, formelles ou consultatives...), et avez-vous des marges de manoeuvre ?

    7. Les exigences des bailleurs de fonds s'allègent-elles au fil du partenariat ? (par rapport au degré de confiance) = adaptation aux variations ?

    Processus d'octroi de fonds

    8. Vous arrive-t-il de soumettre plusieurs demandes pour différents secteurs ?

    9. Quel est le processus de répartition des fonds obtenus ?

    Conclusion

    10. Globalement, comment décririez-vous aujourd'hui les relations entre le Nord et le Sud, d'après jugement ou expérience personnelle ?

    Grille de lecture des documents administratifs

    Définitions

    1. Le type de développement que l'organisme promeut ?

    2. Définitions du lien entre les bailleurs de fonds, les partenaires et Songhaï 

    3. Y a-t-il une différence entre les bailleurs de fonds et les partenaires ?

    § De quel ordre est-elle ?

    Critères

    4. Quels sont les critères pour recevoir une aide d'un bailleur de fonds ou d'un partenaire ?

    § Y a-t-il des critères qui ont pour rôle la vérification des besoins réels exprimés ?

    § Y a-t-il des critères qui se posent sur les conditions physiques et matérielles du milieu et sur le leadership du fondateur ?

    § Y a-t-il des critères qui s'élaborent à partir de fonds de dépannage ou de fonds stratégique ?

    § Y a-t-il des critères de « programmation sectorielle » (éducation, femme, agriculture, démocratie...)

    5. Qui fait ces critères ?

    6. Le discours de Songhaï est-il toujours le même auprès de ses bailleurs de fonds ?

    § Quel type de variantes dans son discours utilise-t-il ?

    7. Est-ce que les demandes à un même organisme se transforment d'année en année ?

    Processus

    8. Y a-t-il plusieurs demandes dans un même organisme pour différents secteurs ou cas d'espèce, ou est-ce des demandes globales ?

    9. Quel est le processus à suivre pour obtenir une aide ?

    11. Les bailleurs de fonds ou partenaires sont-ils soumis à une reddition de compte ?

    * 1 http://psteger.free.fr/kuznets.htm, consulté entre le 20/10/2003 et le 20/04/2004

    * 2 Entretien disponible sur le site de la Banque Mondiale  http://web.worldbank.org, consulté entre le 20/10/2003 et le 20/04/2004

    * 3Voir Office québécois de la langue française : www.olf.gouv.qc.ca et Chaire entrepreneuriat sociale http://www.essec-entrep-social.com/fr/recherche/recherche01.html,

    * 4 Tiré du « Document-Cadre de politique économique pour 1996-1997 » qui est une version actualisée, suite à l'alternance intervenue en avril 1996, du document du même titre pour la période 1995-1997 adopté en avril par le gouvernement Soglo qui se trouve au Ministère du plan, Cotonou, Bénin.

    * 5 Voir le Centre Songhaï. 2003. : www.songhai.org

    * 6 http://web.worldbank.org

    * 7L'Aigle de Songhaï, transfert, 2001, no 45






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984