WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Approche géographique de l'appropriation des NTIC par les populations : l'exemple des télécentres et cybercafés dans le quartier Ouagou Niayes à  Dakar

( Télécharger le fichier original )
par Ibrahima Sylla
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2004
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

APPROCHE GEOGRAPHIQUE DE L'APPROPRIATION DES NTIC
PAR LES POPULATIONS : L'EXEMPLE DES TELECENTRES ET DES CYBERCAFES
DANS LE QUARTIER OUAGOU NIAYES A DAKAR

Présenté par Sous la direction de

Ibrahima SYLLA Papa SAKHO

Maître-Assistant

Année académique : 2003 -- 2004

ACRONYMES 4

AVANT- PROPOS 5

INTRODUCTION GENERALE 7

CONTEXTE ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE OUAGOU NIAYES 7

PROBLEMATIQUE 10

APPROCHE METHODOLOGIQUE 16

La recherche documentaire 16

Le travail de terrain 18

i La confection de questionnaires 18

i L'échantillonnage 18

i Les enquêtes 21

> Les enquêtes quantitatives 21

> Les entretiens 24

Le traitement et l'analyse des données 24

PREMIERE PARTIE
OUAGOU NIA YES, UN QUARTIER RESIDENTIEL AUX CONDITIONS DE VIE MOYENNES

Introduction 27

CHAPITRE I : UN ESPACE ACCESSIBLE ET FORTEMENT PEUPLE 31

I - Etude du milieu physique 31

1 - Le site 31

2 - La situation 31

II - L'habitat 32

1 - La morphologie 32

2 - Le logement 33

3 - L'eau et l'électricité dans les ménages 34

III - Le profil démographique 35

1 - Le peuplement 35

2 - La structure de la population 36

3 - La répartition spatiale de la population 37

CHAPITRE II : DES POPULATIONS AU NIVEAU DE VIE MOYEN 38

I - Les activités professionnelles et revenus de chefs de ménage 38

1 - Les activités professionnelles des chefs de ménage 38

2 - Les revenus des chefs de ménage 39

II - Les charges des ménages 39

1 - Structure et taille des ménages 39

1 - 1 - Structure des ménages 39

1 - 2 - Taille des ménages 40

2 - Le niveau de chômage et d'inactivité dans les ménages 41

3 - Les difficultés d'alimentation et de santé 43

3 - 1 - Les difficultés d'alimentation 43

3 - 2 - Les difficultés de santé 45

Conclusion 45

DEUXIEME PARTIE

TELECENTRES ET CYBERCAFES, UNE OMNIPRESENCE AU SEIN DE L'ESPACE URBAIN DE
OUAGOU NIAYES

Introduction 47

CHAPITRE I : Les télécentres, une présence massive dans le paysage de Ouagou Niayes ... 48

I - Une colonisation du quartier par les télécentres 50

1 - La répartition spatiale des télécentres 51

1 - 1 - Une logique commerciale fortement respectée 52

1 - 2 - Les conséquences d'une distribution spatiale compacte 52

1 - 2 - 1 - La guerre des prix 54

1 - 2 - 2 - La baisse de la rentabilité 55

2 - Les motivations d'ouverture des télécentres 56

II - Les caractéristiques et activités des télécentres 56

1 - Les caractéristiques des télécentres 56

2 - Les activités des télécentres 58

2 - 1 - Les services offerts 58

2 - 2 - Les prix pratiqués 59

CHAPITRE II : Les cybercafés sur la trace des télécentres 61

I - Une distribution spatiale très lâche 63

II - Les motivations d'ouverture et caractéristiques des cybercafés 64

1 - Les motivations d'ouverture des cybercafés 64

2 - Les caractéristiques des cybercafés 64

III - La prestation de services 66

CHAPITRE III : Les propriétaires et gérants des télécentres et cybercafés : entre unité et diversité 68

I - Profil des propriétaires des télécentres et cybercafés 68

1 - Les propriétaires de télécentres, des commerçants en majorité 68

2 - Les propriétaires de cybercafés, un niveau d'instruction élevée et une assise financière confortable 70

II - Profil des gérants de télécentres et cybercafés 70

1 - Une prépondérance féminine dans la gestion des télécentres 70

2 - Les gérants de cybercafés, des célibataires au niveau d'éducation élevé 72

Conclusion 72

TROISIEME PARTIE

LES USAGERS ET LES USAGES DES TELECENTRES ET CYBERCAFES

Introduction 76

CHAPITRE I : Les usagers de télécentres et cybercafés : des profils variés 76

I - Les caractéristiques socio-démographiques des usagers 76

1 - Genre et âge des usagers 76

2 - Niveau d'instruction des usagers 77

3 - Ethnies et nationalités des usagers 77

II - Environnement familial, activités professionnelles et revenus des usagers 78

1 - Environnement familial des usagers 78

2 - Activités professionnelles des usagers 78

3 - Revenus des usagers 79

CHAPITRE II : Les usages des télécentres et cybercafés par la population 80

I - L'usage des télécentres par la population 81

1 - Les facteurs de fréquentation des télécentres 81

1 - 1 - Les coûts onéreux de l'abonnement domestique 81

1 - 2 - L'accessibilité physique de l'infrastructure 83

1 - 3 - L'attirance de l'infrastructure 83

2 - Les jours et les moments de fréquentation des télécentres 84

3 - Les contenus et contraintes des communications téléphoniques 85

1 - Les contenus des communications 85

2 - Les contraintes des communications 88

II - L'usage des cybercafés par les habitants 89

1 - Appréciation des usages des cybercafés 89

1 - 1 - Les facteurs d'appropriation et modalités d'utilisation des cybercafés 89

1 - 1 - 1 - Les facteurs d'appropriation des cybercafés 89

1 - 1 - 2 - Les modalités d'utilisation des cybercafés 91

1 - 2 - Les usages d'Internet : entre recherche d'informations et communication ..92 1 - 2 - 1 - La recherche d'informations sur Internet 93

1 - 2 - 2 - La communication via Internet 95

1 - 3 - Les contraintes liées à l'usage d'Internet 97

1 - 3 - 1 - Les contraintes liées à l'accès 98

1 - 3 - 2 - Les contraintes techniques 99

1 - 3 - 3 - Les contraintes financières 100

2 - Regard critique sur l'Internet 100

2 - 1 - Les avantages d'Internet 101

2 - 2 - Les inconvénients ou dangers de l'Internet 102

Conclusion 105

CONCLUSION GENERALE 106

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 110

LISTE DES TABLEAUX 113

LISTE DES CARTES, FIGURES ET PHOTOS 114

LES ANNEXES 115

ACRONYMES

AOF : Afrique occidentale française

ART : agence pour la régulation des télécommunications

Batik : bulletin d'analyse sur les technologies de l'information et de la communication (lettre d'information électronique mensuelle publiée par OSIRIS)

CRDI : centre de recherche pour le développement international DPS : direction de la prévision et de la statistique

DR : district de recensement

ESAM : enquête sénégalaise auprès des ménages HLM : habitations à loyer modéré

NTIC : nouvelles technologies de l'information et de la communication O.N. : Ouagou Niayes

ONG : organisation non gouvernementale

OPCE : office des postes et de la caisse d'épargne OPT: office des postes et télécommunications

OSIRIS : observatoire sur les systèmes d'Information, les réseaux et les inforoutes du Sénégal

RGPH : recensement général de la population et de l'habitat SDE : sénégalaise des eaux

SENELEC: société nationale d'électricité

Sonatel : société nationale de télécommunication

TIC : technologie de l'information et de la communication

UNETTS : union nationale des exploitants de télécentres et téléservices du Sénégal

AVANT - PROPOS

La réalisation de ce modeste travail répond à un double objectif.

Le premier objectif est de fournir un travail d'études et de recherches en guise de mémoire. L'Université Cheikh Anta DIOP, à travers le département de Géographie, nous invite à produire un rapport d'études en vue de l'obtention du diplôme de maîtrise, qui vient sanctionner quatre années de formation. Ce travail s'inscrit sur cette lancée.

Le second objectif est plus modeste. Il s'agit, en choisissant ce sujet, d'apporter une humble contribution à la construction de cette branche de la géographie humaine que Emmanuel Eveno(1) appelle «géographie du Catoblépas».(2) Il s'agit de la géographie des télécommunications, longtemps mal intégrée dans le corpus géographique et qui n'a eu qu'une incidence minime sur l'évolution récente de cette discipline, marquée de surcroît par l'affirmation de nouvelles spécialités telles que la géographie des représentations, des lieux centraux, des paysages, etc.

Même si les géographes ont perçu l'intérêt des télécommunications dans l'espace depuis les années 1870 avec la naissance de la téléphonie moderne, il a fallu attendre un siècle plus tard pour que s'agite véritablement la curiosité des géographes pour la communication.

Etait-ce parce que l'objet de la géographie (l'espace) était considéré comme antagonique aux techniques de communication à distance ou était-ce à cause de la mauvaise organisation de la discipline géographique qui ne faisait pas sinon limitait la place faite aux objets de la communication ? Toutes les deux hypothèses sont recevables.

De toute façon, aujourd'hui, l'importance de la communication dans l'espace n'est plus à démontrer. C'est l'avis de Bernard Miège(3) qui écrit que «la géographie et les sciences de l'information et de la communication sont des carrefours de disciplines, des regroupements de disciplines autour d'objets qu'elles ont pris comme axe : l'organisation des activités humaines

(1) Emmanuel Eveno, «La Géographie de la Société de l'Information : entre abîmes et sommets », Netcom, Communications, Réseaux, Territoires, Vol. 18, nos 1-- 2, janvier 2004, p.12.

(2) Animal fantastique décrit notamment par Pline l'ancien dans ses histoires naturelles. Il était censé vivre aux abords du fleuve Sénégal ou en Ethiopie. Sa tête traînait sur le sol car son trop long cou était trop faible pour le porter, de sorte qu'il se marchait parfois sur la tête en avançant. Cette curieuse disposition avait toutefois un avantage car elle évitait que l'on puisse croiser son regard, ce qui eut coûté la vie ... (p.12).

(3) Bernard Miège, «Réseaux de communication et aménagement territorial» in Sciences de la Société, Territoire, société et communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995, p. 21-2 9.

dans l'espace dans un cas, l'intervention du «paradigme communicationnel » dans le fonctionnement des ensembles humains contemporains dans l'autre » (p. 22). Le dialogue ne pourra qu'être fécond.

Toutefois, ce travail s'est heurté à un certain nombre de problèmes que nous sommes parvenus à surmonter grâce aux encouragements et au soutien inlassable de :

- notre Directeur de recherches : nous savons qu'il n'est pas aisé de superviser le travail d'un étudiant qui fait ses premiers pas dans la recherche, car à travers son travail et sa personnalité, les regards se porteront sur ses professeurs soit pour complimenter, soit pour critiquer. Nous sommes conscients de cela et c'est pourquoi nous avons toujours essayé de donner le meilleur de nous-même ;

- nos amis qui nous ont aidés dans nos enquêtes et sans qui, celles-ci auraient davantage

traîné ;

- notre famille qui a su nous prodiguer le réconfort et les exhortations dont nous avions besoin dans les moments de fatigue, d'hésitations et de confusion.

Nous souhaitons qu'ils trouvent en ce document la raison de notre nervosité, de notre réserve et de nos retards nocturnes répétés.

Aux uns et aux autres, nous exprimons notre gratitude.

INTRODUCTION GENERALE

Les NTIC sont généralement définies comme l'ensemble des satellites, des câbles, des réseaux on-line, des applications télématiques qui permettent le stockage, le traitement et la gestion des données tout en facilitant la circulation des idées et le contact entre les hommes. Elles constituent selon Castells(4) un ensemble convergent des technologies de la micro-électronique, de l'informatique (machines et logiciels), des télécommunications /diffusion et de l'optoélectronique.

C'est en raison de cette interaction de l'électronique et de l'informatique que les applications des NTIC répondent aux besoins des entreprises, de l'Etat, des ménages et des individus. (5)

CONTEXTE ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE OUAGOU NIAYES

Au Sénégal, l'introduction des moyens de communication modernes date des années 1850 avec notamment la construction de la première ligne télégraphique reliant la capitale d'alors (Saint Louis) à Gandiole, un important carrefour commercial situé à une quinzaine de km au sud.

Leur expansion a été très rapide comparée à beaucoup de pays africains. Cela s'explique par le rôle et la place du Sénégal dans le dispositif de l'administration coloniale d'une part et par une importante politique qui a eu le mérite de jeter les bases de l'épanouissement des télécommunications dans le pays d'autre part. En effet, en tant que capitale de l'AOF, le Sénégal bénéficiait des installations de télécommunication que le pouvoir colonial mettait en place pour les besoins de contrôle et de gestion de ses territoires. Après l'indépendance du pays, l'Etat hérite des réalisations coloniales en matière de télécommunications. Soucieux de préserver les acquis, il consacre une part importante de ses investissements à la réalisation d'infrastructures de télécommunications. L'Etat procéda aussi à deux grandes réformes : celle de 1983 et celle de 1996 destinées de manière générale à assainir le secteur des télécoms et à faciliter l'accès des outils de communication et principalement le téléphone au plus grand nombre.

La réforme de 1983 avait ainsi pour objectif de renforcer et de moderniser le réseau national des télécommunications. Elle a surtout permis l'éclatement de l'OPT en deux entités distinctes (l'OPCE et la Sonatel) et l'élaboration d'un plan d'urgence destiné à combler le retard du Sénégal en matière de télécommunications.

(4) Castells, 2001, La société en réseau. L'ère de l'information, Paris, Fayard, p.54

(5) Daffé et Dansokho, 2002, p. 45

La réforme de 1996 est marquée par le vote de la loi 96-03 portant Code des télécommunications et la déclaration de politique de développement des télécommunications (1996-2000). Elle a consisté à libéraliser le secteur des télécommunications notamment en ouvrant le capital de la Sonatel au privé et en en confiant la gestion à un partenaire stratégique de renommée internationale (France -Télécom).(6)

.Aujourd'hui, malgré l'existence de l'ART (créée par la loi n°2001-15 du 27 décembre 2001 portant code des télécommunications et chargée d'asseoir le cadre législatif et réglementaire des télécommunications, de veiller à l'exercice d'une concurrence saine et loyale et d'arbitrer les litiges entre les différents acteurs de la téléphonie et des services Internet) et de l'UNETTS (mise sur pied en 2000 par les exploitants de télécentres et téléservices pour défendre leurs intérêts, développer les NTIC dans le pays et appuyer le processus de réglementation du secteur), le paysage des télécommunications au Sénégal est marqué par le monopole de la Sonatel. Opérateur historique, la Sonatel (devenue à partir de 1997 une société privée dont la majorité des actions (42,33%) est détenue par France Télécom) a été créée en octobre 1985 avec pour objectifs de promouvoir le développement des télécommunications en facilitant l'accès et l'usage du téléphone à la population et de créer des richesses.

C'est du reste pour répondre au besoin de faciliter l'accès du téléphone au plus grand nombre que la Sonatel autorisa en 1992 l'ouverture des premiers télécentres dans le pays.

En 1996 la Sonatel permettait aussi au pays de se connecter à l'Internet (dont les points d'accès sont appelés cybercafés) notamment grâce à un accord qu'elle a signé avec MCI (7), une société américaine de télécommunications [ ...] qui fournit une gamme de services de téléphonie, de transmission de données et de lignes privées. (8)

Les télécentres et cybercafés constituent actuellement d'importantes activités de services qui, non seulement rendent effective la communication entre les populations, mais aussi permettent à celles-ci d'avoir de l'emploi et de se créer des richesses. C'est justement ce qui légitime l'engouement populaire pour ces genres d'activités. C'est aussi ce qui explique que ces infrastructures de télécommunication se retrouvent aujourd'hui dans pratiquement tout le territoire national. Ouagou Niayes, petite cité péri-centrale de la ville de Dakar, scindée en trois secteurs ou unités de formes irrégulières et de tailles variées (0.N.1, 0.N.2 et 0.N.3), n'est point épargné par ce phénomène massif.

(6) Daffé et Dansokho, 2002, p. 58

(7) Anais Lafitte, 2001, p. 1.

(8) http://www.geneve.ch/

Le choix de ce quartier est motivé par des considérations d'ordre purement pratique. En terme de concentration des installations des nouvelles technologies, les densités les plus importantes sont enregistrées au sein des quartiers riches, surtout pour ce qui est des cybercafés. La raison en est que c'est généralement dans ces lieux que sont tassés les milieux fortunés, les milieux universitaires(9) et les centres d'affaire. Or, sous ce rapport, la capitale sénégalaise, qui est la mieux servie, nous paraît plus indiquée pour accueillir cette étude.

A l'intérieur de Dakar également plusieurs zones pourraient nous servir de cadre d'investigation. La recherche pourrait, par exemple, porter sur un espace habité par des populations de situation sociale aisée ou, à l'opposé, dans un milieu aux populations démunies. Mais dans le premier comme dans le second cas, il pourrait se poser un problème de pertinence, les unes n'éprouvant aucune difficulté d'accès (surtout d'ordre financier) aux nouvelles technologies ; les autres n'étant pas intéressées par les innovations technologiques parce que tout simplement devant faire face à des préoccupations autrement plus accablantes.

Par ailleurs, l'appropriation des NTIC étant en général subordonnée à des facteurs tels que le niveau des revenus, le degré d'instruction, l'accessibilité physique de l'infrastructure... qui en font des objets de luxe réservés à une portion réduite de la population, nous avons voulu éluder les questions relatives à la sur-utilisation et la non-utilisation. Le choix de Ouagou Niayes, qui est un quartier d'un niveau socio-économique moyen, abritant diverses classes sociales dont une large proportion de cadres supérieurs, a donc paru opportun. En plus, c'est un espace où les NTIC trouvent une forte expression. Nous y avons, en effet, dénombré 44 télécentres bien implantés et 10 fermés plus 4 cybercafés fonctionnels et 2 fermés(10), soit près de la moitié du nombre total de cybercafés du centre-ville de Dakar, dans le quartier du Plateau, en 2001 : 13 cybercafés selon Anais Laffite (2001, p.1).

Enfin, notre connaissance du quartier ainsi que les relations que nous y avons tissées avec des personnes ressources, comme le Président de l'Union Nationale des Exploitants de Télécentres et Téléservices du Sénégal et quelques membres de cette association pouvant faciliter notre démarche, ont beaucoup influé sur notre choix du site d'étude.

(9) D'après Sambou (2001, p. 40), 30% des usagers de l'Internet ont au moins un diplôme universitaire.

(10) Les télécentres et cybercafés fermés n'ont pas concerné cette étude.

PROBLEMATIQUE

La communication(11) joue un rôle primordial dans la vie en société. Elle permet non seulement la mise en relation des membres d'une même communauté, mais favorise également le contact entre plusieurs groupes. Elle mobilise, pour être effective, tout un ensemble de voies (mers, routes, canaux, etc.) et de moyens (navires, véhicules, avions, etc.) qui permettent la mise en contact et la jonction des populations. Cette forme de communication est dite matérielle. Elle a pendant longtemps pris le dessus sur la communication immatérielle ou télécommunications. En effet, cette dernière forme de communication trouve son expression la plus récente et la plus éloquente dans le «rapprochement spatial » visant à abolir les distances et à relier les quatre coins du monde par le biais des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). On parle ainsi de «village planétaire ».

L'appropriation des NTIC par les populations est une démarche d'intégration d'une grande complexité par laquelle ces populations parviennent à faire leurs ces nouveaux outils et à les adapter à leurs besoins. Elle vise une bonne communication (en réduisant fortement les contraintes matérielles de celle-ci), sans pour autant négliger la recherche de l'information. En effet, l'administration publique, le secteur privé, les entreprises ainsi que les branches dont les activités sont tournées vers l'extérieur comme les institutions financières et les transports ont besoin d'accéder à l'information utile soit pour promouvoir la bonne gouvernance, soit pour permettre une grande flexibilité dans l'organisation du travail ou enfin pour permettre une meilleure visibilité et la compétitivité de leurs produits.

Par ailleurs, les populations démunies ont également besoin d'un accès à moindre coût aux informations qui leur sont vitales à savoir les prix de vente des biens qu'elles produisent, leurs droits civiques, l'accès aux soins de santé, l'éducation, la formation et les qualifications susceptibles d'améliorer leur sort. Les NTIC peuvent leur faciliter cet accès.

L'étude de l'appropriation permet donc de saisir la multiplicité des usages et des usagers. Elle fait clairement apparaître la construction sociale de l'usage, notamment à travers les significations qu'il revêt pour l'utilisateur. Ainsi, la question du statut de l'objet revient à appréhender ce qu'il représente pour son ou ses utilisateurs, la façon dont il s'inscrit dans un

(11) « , a

L communication désigne toutes actions d'échanges de données, d'informations, d'idées, de voies ou de

connaissances », Ramata Thioune, Khamathe Sène, 2001, p 15.

environnement spécifique et parmi d'importantes pratiques préexistantes, et cela, dans le contexte de la vie quotidienne qui demeure inséparable des tendances sociales de fond participant à la construction des modes de vie.

Partout dans le monde, les NTIC sont en pleine expansion et leur appropriation par les populations s'est toujours révélée d'un grand bénéfice pour celles-ci. Le Sénégal n'est guère épargné par ce phénomène. Dans notre pays, la littérature bien savante et plus ou moins abondante sur les NTIC fait également apparaître un consensus quant au fait que ces technologies, utilisées de façon judicieuse, peuvent aider à sortir des difficultés économiques et sociales, en soutenant par exemple la création de richesses. C'est sans doute pour cette raison que les NTIC ont fait l'objet de progrès rapides qui contrastent farouchement avec l'évolution très lente du pouvoir d'achat du sénégalais et avec l'inertie des habitudes de consommation des usagers d'une part, et d'une appropriation effective par presque tous les segments de la population d'autre part.

Les NTIC sont considérées comme un outil de développement parce qu'elles jouent un rôle essentiel dans l'amélioration de la productivité, de la croissance et de la compétitivité. A titre d'exemple, le secteur des télécommunications contribue pour 6% au produit intérieur brut (PIB) et pour plus de 4 % à la création d'emplois tant dans le secteur formel que dans le secteur informel.(12) En outre, la contribution des télécommunications dans le secteur tertiaire avoisine les 10%, ce qui en fait le secteur le plus dynamique du tertiaire. Les investissements dans le secteur sont estimés à plus de 300 milliards de FCFA et la création d'emplois supérieure à 18.000 emplois durant la période allant de 1998 à 2002. (13)

Elles peuvent aussi être de puissants leviers pour rehausser la qualité mais également l'efficacité des services publics dont l'éducation et la santé.

Toutes ces opportunités semblent possibles grâce au constat selon lequel, outre de réduire les distances, les NTIC minimisent considérablement les contraintes physiques (surtout dans les zones où la topographie entrave la communication) et rendent les informations accessibles.

Par ailleurs, si la question des usages est essentielle dans l'étude des NTIC, celle de l'information l'est tout autant pour démêler la complexe logique des applications. L'information consiste en un (des) message(s) susceptible(s) de permettre des actions ; elle fait donc l'objet de

(12) Batik n° 60, juillet 2004.

(13) http://www.art-telecom-senegal.org/

puissants enjeux stratégiques et devient instrument de pouvoir(14). Elle constitue un puissant facteur de transformation des sociétés humaines. Sa maîtrise est de fait essentielle.

La diffusion de l'information, c'est-à-dire le processus d'expansion du message dans le temps et dans l'espace, pour être opérationnelle, obéit à une série de facteurs tels que l'effet de voisinage, la bonne accessibilité, les codes communs, les réseaux de diffusion, le temps de la propagation. Or, les exemples attestant le bouleversement par les NTIC de beaucoup de ces facteurs qui jusque-là étaient incontournables, peuvent être multipliés à souhait. Cette situation exacerbe les difficultés à saisir les effets territoriaux (échelles) de la communication immatérielle.

Les géographes ne peuvent donc pas rester indifférents à ce débat. En effet, le traitement des rapports que la communication entretient avec les espaces socio-géographiques interpelle la discipline géographique dans ses fondements. Ainsi, grâce à des études de cas, la géographie de l'information et de la communication intervient en devenant un véritable champ d'analyse des contrôles sur les moyens de communication, sur la création de l'information, sur les enjeux et les représentations qui en découlent.(15)

ce Définition conceptuelle

Il est important, afin de jeter les bases de l'étude, de procéder à la définition des quelques concepts autour desquels l'étude sera structurée : le télécentre, le cybercafé, l'Internet

Le télécentre est un lieu où sont mis à la disposition du public divers services de télécommunications dont le principal est le téléphone. Selon la taille du télécentre mais surtout les moyens financiers dont dispose son promoteur qui peut une personne physique, morale ou une association, l'utilisateur peut y trouver, en dehors du téléphone, le fax, le photocopieur, un ou des ordinateurs reliés ou non à Internet (pour la connexion ou le traitement de texte). L'ouverture d'un télécentre est cautionnée par la Sonatel qui en donne l'autorisation à ceux désireux d'exploiter une ou plusieurs lignes téléphoniques.

Quant au cybercafé, il constitue le point d'accès public à Internet. Le cybercafé est un nom composé de « cyber » et de « café ». Il s'agit d'un endroit où en plus de la connexion à Internet, le client peut s'attendre à un service d'une tasse de café moyennant une petite somme d'argent. Mais il faut reconnaître que le concept de cybercafé ne colle guère à la réalité du terrain. Rares sont, effet, les « cybers » qui servent du « café » à leur clientèle. C'est ce qui explique du reste l'apparition des vocables comme « cybercentre », « télécentre communautaire» et

« cyberespace ». De tous ces vocables, « cyberespace » est sans contredit le mieux chargé géographiquement parlant. Mot inventé par William Gibson dans son roman de science-fiction (Le Neuromancien), cyberespace est un espace virtuel où l'on se trouve une fois connecté à Internet.(16) C'est une catégorie concurrente de l'espace qui ne traduit pas forcément la rencontre de deux objets souvent en conflit dans leurs relations : les techniques de communication à distance et l'espace. Selon Eveno(17), le cyberespace n'est pas précisément un espace. Il se caractérise plutôt, à la fois dans sa référence romanesque et dans son déploiement et ses représentations contemporaines, comme un système de relations qui, pour être concevable, a été revêtu de certaines des qualités et des certains des attributs que l'on reconnaît à l'espace : on peut y voyager, aisément s'y perdre, faire des rencontres(...) Ce qui donne du crédit à tous ces actes tient au fait que les faire désormais dans le cyberespace n'est pas sans conséquence dans l'espace lui- même et dans la pratique de l'espace que peuvent avoir les « usagers » du cyberespace.

A la différence des télécentres, il n'est besoin d'autorisation ou agrément pour ouvrir un cybercafé. Il faut uniquement, à toute personne physique ou morale, disposer d'un local et d'un équipement de base à savoir des ordinateurs, une ligne téléphonique, un modem et un abonnement chez un fournisseur d'accès. Le modem est un « modulateur-démodulateur » qui permet de relier les ordinateurs au réseau téléphonique. Il existe sous forme de boîtier externe ou de carte électronique à insérer dans l'ordinateur. L'abonnement chez un fournisseur d'accès (18) permet d'interconnecter le réseau téléphonique à Internet.

L'Internet ou le Net (réseau en anglais) est un acronyme pour Intercommunication Network. Internet est un signal perceptible à travers n'importe quelle prise téléphonique. C'est pourquoi avec une ligne de télécentre ou une ligne à domicile, il est possible de se connecter à Internet.

C'est grâce à un mélange unique de stratégie militaire, de vaste coopération scientifique, d'initiatives technologiques et d'innovations contre-culturelles qu'Internet a pu être créé et développé au cours des trente dernières années du XXe siècle. A son origine, on trouve les travaux

(16) http://www.bonweb.com

(17) Emmanuel Eveno, 2004, «Le paradigme territorial de la société de l'information », Netcom vol. 18, n°1-2, p. 90

(18) Il permet aux particuliers qui ont un ordinateur de se connecter à Internet. Il y a aujourd'hui plus d'une trentaine de fournisseurs d'accès répartis en quatre catégories : les fournisseurs du secteur privé, les structures de recherche et d'enseignement, l'administration, les ONG. Ils fournissent l'accès au grand public à des tarifs variés. (Voir annexes)

de l'un des organismes les plus innovateurs du monde : l'Agence pour les projets de recherche avancée du département américain de la Défense (l'ARPA). (19)

Internet est né d'une question complexe : comment fédérer tous les ordinateurs du monde et tous les réseaux de télécommunications ? Et d'une réponse à la fois simple et géniale : en leur faisant parler une langue commune (il s'agit de l'IP : Internet Protocole), dans laquelle les messages seraient découpés en paquets d'informations, chaque paquet pouvant trouver des routes indépendantes pour aller d'un point à un autre, empruntant un réseau de multiples réseaux, un système sans cerveau ni centre nerveux identifiable (20).

L'Internet est donc un réseau fédérateur de réseaux. C'est à la fois une infrastructure de communication, un ensemble de services, un système interactif, un réseau d'échanges de données et l'information à l'échelle planétaire auquel font recours des millions d'individus conscients de ses innombrables ressources. Internet est en somme multiple et offre autant de possibilités qu'il y a d'individus différents sur la planète.

ce Objectifs de l'étude

Il est question, dans cette étude, de comprendre les logiques de l'appropriation des NTIC par les populations de Ouagou Niayes et de saisir les comportements de celles-ci vis-à-vis de ces nouveaux outils de communication. Les activités de service tels que les télécentres et les cybercafés nous serviront d'exemples.

Le principal objectif poursuivi est de définir, à travers l'étude de l'appropriation, les processus d'insertion des NTIC dans l'espace du quartier ainsi que leurs impacts sur les activités économiques et la vie sociale des populations.

Pour ce qui est des objectifs spécifiques, il s'agit surtout :

- d'identifier les différents acteurs des NTIC dans le quartier Ouagou Niayes (les utilisateurs, les propriétaires et les gérants de télécentres et cybercafés) et ce qui fonde leur particularité ;

- d'analyser les usages qu'ils font de ces technologies ;

- d'identifier les budgets qu'ils consacrent potentiellement à l'utilisation de ces outils de communication sociale et commerciale;

(19) Manuels Castells, 2001, La Société en réseaux. L'ère de l'information, Paris, Fayard, p. 73.

(20) Dominique Hoeltgen, 1995, Internet pour Tous, Paris, Les Editions du Téléphone, p. 22.

- de savoir si les familles d'origine des usagers constituent un ensemble homogène

présentant les mêmes caractéristiques susceptibles de constituer de facteurs d'exclusion ;

- d'analyser les obstacles qui se posent à l'accès et l'utilisation de ces instruments de communication ;

- d'appréhender les conséquences de l'appropriation de ces technologies par les populations.

Voici donc autant de pistes de réflexion qu'il convient d'explorer, car beaucoup d'enjeux sous-tendent le questionnement. En plus, même si beaucoup considèrent l'apparition et le développement des NTIC dans notre pays comme un phénomène intrinsèquement positif, il n'en demeure pas moins que celles-ci peuvent, selon des cas variables, être des sources de marginalisation ou d'exclusion. En outre, plusieurs considérations, à la fois économiques, politiques, géographiques, et socio-religieuses semblent motiver les applications des NTIC et la spatialité de celles-ci. L'exploration de toutes ces pistes permettra éventuellement d'appréhender le rôle des ces nouvelles technologies dans la vie de relation des groupes sociaux.

ce Les hypothèses de base

Cette étude s'est organisée autour de deux hypothèses. Ces hypothèses sont les suivantes :

· si les populations se sont appropriées à outrance les NTIC, c'est plus pour pallier le déficit et les difficultés de la communication matérielle que pour rechercher des informations.

· à cause des coûts élevés des infrastructures des nouvelles technologies, l'appropriation de ces outils de communication n'est effective qu'après satisfaction des besoins essentiels tels que la subsistance, la santé, le logement, entre autres.

APPROCHE METHODOLOGIQUE

La méthodologie suivie est basée sur trois grandes étapes qui sont : - la recherche documentaire ;

- le travail de terrain ;

- le traitement et l'analyse des données.

1 - La recherche documentaire

Elle a constitué la première étape de notre démarche. La recherche documentaire avait pour objectif de collecter le plus d'informations possibles sur la géographie de l'information de l'information et de la communication de manière générale et sur les télécentres et les cybercafés de manière particulière.

Nous avons d'abord visité divers centres de documentation dont la bibliothèque du département de Géographie et la bibliothèque centrale de l'Université Cheikh Anta DIOP où nous nous sommes intéressés à tous les documents (ouvrages généraux, ouvrages spéciaux, revues, articles de journaux, mémoires de maîtrise, etc.) traitant des thèmes sus cités.

Nous avons ensuite pris contact avec de nombreux services et organismes impliqués dans la recherche sur les NTIC et s'intéressant surtout à la question des applications de ces technologies. Il s'agit de la Société Nationale de Télécommunications ; de l'Agence pour la Régulation des Télécommunications (ART) ; de l'Observatoire sur les Systèmes d'Information, les Réseaux et les Inforoutes du Sénégal (OSIRIS) ; de l'Union Nationale des Exploitants de Télécentres et Téléservices du Sénégal (UNETTS) ; du Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) ; de la Direction de la Prévision et de la Statistique (DPS), etc.

En examinant la documentation disponible, nous avons constaté qu'un travail considérable a été consacré à la problématique des usages des nouvelles technologies.

Les résultats des multiples recherches montrent pour l'essentiel le rôle des NTIC dans la gestion des affaires de l'Etat, des entreprises (Abdoulaye Ndiaye, 2002 ; Barry, 2002); dans l'enseignement supérieur et le système éducatif sénégalais (Seck,2002 ; Abdourahmane Ndiaye,2002) ; leur diffusion ainsi que leurs rapports avec les politiques poursuivies dans notre

pays.

Les recherches de Sagna (2000) ont servi de base de travail à presque toutes les investigations afférentes aux nouvelles technologies. Son étude retrace l'évolution des NTIC dans notre pays, depuis leur apparition jusqu'à leur stade d'alors, en passant par l'environnement

institutionnel qui a sous-tendu leur épanouissement. Elle présente également les vastes domaines non encore investis en matière des NTIC et qui mériteraient de l'être.

D'autres recherches ont mis l'accent sur l'emploi de ces technologies dans les échéances électorales ainsi que sur leur apport dans le processus démocratique au Sénégal (Paye, 2002).La place de ces outils de communication dans la création des conditions de la bonne gouvernance à travers, par exemple, un appui aux tâches qui exigent la prise, la communication et la mise en oeuvre des décisions complexes, a également fait l'objet d'investigation (Lal Bahvya, Gaumer Gary, Manhica Salamao, 1999).

Cependant, la faible implication des géographes dans ce champ de recherche est un fait notoire. Rares sont, en effet, les études qui intègrent la dimension spatiale des NTIC.

Nous pouvons néanmoins relever les recherches de quelques géographes. Cheikh Guèye, (2002) s'est intéressé à Touba et à la communauté mouride pour tenter de comprendre comment celle-ci s'est appropriée ces technologies et comment elle est parvenue à en faire des instruments de conquête de nouveaux espaces. Tall (2001) s'est investi dans les problématiques relatives à l'utilisation des NTIC par les émigrés sénégalais pour montrer la manière par laquelle ces outils de communication influent sur les formes de relation que les Sénégalais résidant à l'étranger entretiennent avec leurs familles restées au pays. Thiaw (1995) également, dans le cadre de son mémoire de maîtrise, retrace l'histoire des télécommunications au Sénégal, depuis les communications par ondes décamétriques jusqu'à l'utilisation du satellite, en passant par les faisceaux hertziens et les câbles sous-marins.

Mais notre objet d'étude proprement dit -- les télécentres et cybercafés -- a fait l'objet de peu de recherche. Ce sont d'ailleurs pour la plupart des études portant sur l'apparition, l'évolution, les enjeux et les contraintes qui se posent au développement de ces activités de service (Barbier, 1995 ; Zongo, 2000 ; Sambou, 2001). Anais Laffite (2001) s'est aussi investie dans ce domaine. Mais son document est plutôt de caractère méthodologique et a beaucoup éclairé notre démarche sur le terrain.

D'une manière générale, l'envergure ainsi que les objectifs visés par les divers travaux sur les NTIC sont très différents. Notre étude se veut donc novatrice car s'inscrivant dans une étroite logique de continuité des recherches sur les NTIC, dans un cadre urbain plus limité n'ayant jamais fait l'objet d'investigation et qui est susceptible de fournir des aspects jusque là insoupçonnés de la question.

2 - Le travail de terrain

Il a constitué la seconde étape de notre démarche et s'est fait en trois phases essentielles : la confection de questionnaires, l'échantillonnage et les enquêtes. Ces phases ont été précédées d'un dénombrement exhaustif de toutes les infrastructures des nouvelles technologies entrant dans le champ de notre travail d'études et de recherches. Nous avons procédé par observation et en demandant leur emplacement dans le quartier pour pouvoir les consigner sur une carte de la localité.

q La confection de questionnaires

Nous avons confectionné quatre types de questionnaires (voir les annexes) pour interroger les chefs de ménage ; les usagers des télécentres et des cybercafés dans les ménages ; les propriétaires et gérants des télécentres ; les propriétaires et gérants des cybercafés. Les questionnaires ont été conçus sur la base des objectifs du travail et des hypothèses de recherche formulées.

Avant de commencer les enquêtes, un échantillon de 15 questionnaires a été testé aux HLM 5, ce qui a permis de reformuler les questions ambiguës qui se prêtaient à la confusion ou à l'interprétation ainsi que les questions difficiles à répondre.

q L'échantillonnage

Les enquêtes ne pouvant porter sur l'ensemble des ménages que compte Ouagou Niayes, nous avons procédé à un sondage avec l'observation d'une partie représentative des ménages devant faire l'objet de l'enquête.

L'échantillonnage a été réalisé sur la base de quelques données obtenues à la DPS. Il s'agit en fait d'estimations effectuées à partir des 10 DR que comptait Ouagou Niayes lors du dernier recensement général de la population et de l'habitat en décembre 2002.

Elles font état de 10 555 habitants dont 50,5 % d'hommes et 49,5 % de femmes ; de 914 concessions et de 1 650 ménages.

Dans cette étude, la concession désigne un ensemble de constructions d'habitations entourées ou non d'une clôture et désignées ou non par un numéro. Les conditions d'unité sont réalisées par l'existence d'un chef qui exerce son autorité sur la concession. En d'autres termes, il

s'agit de ce que l'on appelle communément «maison » ou «villa ». Une concession peut abriter un nombre variable de ménages.

Nous appelons ménage, un ensemble de personnes unies par des liens de parenté, vivant ou non dans la même concession mais partageant les mêmes repas sous l'autorité d'un chef de ménage.

Nous considérons, enfin, comme chef de ménage celui ou celle qui exerce son autorité et répond pour l'essentiel aux besoins de l'ensemble des membres du ménage.

Les unités d'enquête sont constituées par les ménages. L'échantillon a été tiré au 1/20e de leur effectif global, ce qui nous a donné un nombre de 83 ménages que nous avons ramené à 100. Ces 100 ménages ont été ensuite répartis de façon proportionnelle au total de ménages que renferme chacun des secteurs qui composent le quartier : O.N. 1, O.N. 2 et O.N. 3.

Pour ce qui est des concessions, leur nombre a été prélevé au 1/10e de leur effectif total. Nous avons ainsi obtenu 91 concessions réparties également de la même manière dans les trois unités du quartier. La méthode utilisée pour y parvenir est la règle de 3.

A titre d'exemple, O.N. I renferme 368 concessions sur un effectif total de 914, soit donc 40 % et 681 ménages pour un nombre global de 1650 ménages, soit 41 %. Les effectifs de concessions et de ménages à prendre étant respectivement de 91 et 100, nous avons appliqué la règle de 3 pour obtenir la part de O.N. 1 dans l'échantillon, comme suit :

368 x 91

ce = 37 concessions.

914

681 x 100

r2=, = 41 ménages. 1 650

Ainsi, à O.N. 1, l'enquête a porté sur 41 ménages dans 37 concessions, soit en moyenne 1 à 2 ménages par concession. Le même procédé a été appliqué pour les deux autres secteurs, ce qui a permis de monter le tableau suivant.

Tableau n ° 1 : échantillonnage (ménages et concessions)

Secteurs
du

quartier

Nbre de
ménages

%

Nbre de
concession
s

%

Ménages
dans
l'échantillon

Concessions
dans
l'échantillon

O.N. 1

681

41

368

40

41

37

O.N. 2

559

34

344

38

34

34

O.N. 3

410

25

202

22

25

20

TOTAL

1 650

100

914

100

100

91

En définitive, la répartition des ménages et des concessions dans les trois secteurs du quartier Ouagou Niayes se fait de la manière suivante :

- 41 ménages dans 37 concessions à O.N. 1 ; - 34 ménages dans 34 concessions à O.N. 2 ; - 25 ménages dans 20 concessions à O.N. 3.

Le choix des ménages a été guidé par le hasard. Pour ce qui est des concessions, nous les avons ciblées en utilisant la technique de sondage par grappes. Nous avons déterminé un pas de sondage pour chaque unité du quartier en faisant le rapport nombre de concessions du secteur sur sa part de concessions dans l'échantillon.

Les pas de sondage trouvés sont les suivants : 9 pour O.N.1 ; 10 pour O.N.2 et 8 pour

O.N.3.

De ce fait, pour chaque secteur du quartier, nous avons compté le nombre de concessions correspondant à son pas de sondage et sommes entrés dans la concession portant le numéro suivant. C'est ainsi que dans les trois unités de la localité, nous sommes entrés respectivement dans les 10e, 11 e, et 9e concessions pour enquêter. Nous l'avons fait dans toutes les directions, cela, par souci de représentativité et pour davantage de pertinence des résultats de l'enquête.

La première concession a été choisie de façon aléatoire : nous avons tiré au hasard un numéro dans un lot de dix et avons commencé l'enquête par la concession portant le numéro correspondant sur une carte.

Les enquêtes

Les phénomènes économiques et sociaux résultant d'un grand nombre de causes et touchant à l'humain recouvrent des réalités complexes. L'enquête constitue alors un moyen, un outil pertinent pour mieux comprendre ces phénomènes. Deux types d'enquêtes ont été menés : les enquêtes quantitatives et les entretiens.

> Les enquêtes quantitatives

Ces enquêtes ont été menées entre le 18 juin et le 6 août 2004. Elles ont été réalisées, au moyen de questionnaires, dans les ménages, les télécentres et les cybercafés.

r2- Dans tous les ménages, nous avons exposé les motifs de notre démarche au chef. A ceux qui ont accepté de nous répondre, nous avons administré le questionnaire-ménage qui renferme des questions relatives, de manière générale, aux conditions de vie du ménage à travers le logement, l'eau, l'électricité..., la finalité étant de fournir un instantané de leur degré d'aisance sociale et donc de leur style de vie et d'en établir la corrélation avec la hauteur de l'éventuelle appropriation des nouvelles technologies ;

Nous leur avons également demandé le nombre de personnes, dans leurs ménages, qui fréquente les télécentres et cybercafés du quartier.

En l'absence des chefs de ménage, nous avons utilisé le même procédé avec ceux et celles qui se sont déclarés répondants du chef de leur ménage.

Parmi les personnes que les chefs de ménage (ou leurs répondants) nous ont citées, nous avons indifféremment choisi une dans chaque ménage pour lui administrer le second questionnaire qui a trait à l'usage et à la pratique du téléphone et de l'Internet. Nous nous sommes intéressés :

- à leur âge, sexe, ethnie, etc., l'objectif étant de tenter une démographie des NTIC dans le quartier Ouagou Niayes ;

-à leur niveau d'instruction pour vérifier l'idée selon laquelle l'utilisation d'Internet serait conditionnée par un bon niveau d'éducation, puisque reposant sur l'usage de l'écrit, sur la maîtrise d'une ou de plusieurs langues et sur celle, aussi minime soit-elle, de l'outil informatique ;

- à leur profession et niveau de revenu pour essayer de déceler la relation entre la profession, le revenu et la dynamique de fréquentation et d'utilisation des NTIC ;

- à l'usage fait de ces technologies, aux difficultés rencontrées ainsi qu'à leurs éventuelles attentes vis-à-vis de la SONATEL et/ou des exploitants des télécentres et cybercafés du quartier.

r2- Dans les télécentres et cybercafés, nous avons utilisé les troisième et quatrième questionnaires destinés aux propriétaires et gérants des lieux. En effet, faute de toujours pouvoir rencontrer les propriétaires, nous avons aussi interrogé les gérants.

Nous nous sommes intéressés, entre autres, au genre, à l'ethnie, à la profession. L'objectif était de savoir si les propriétaires de ces lieux appartiennent à un groupe socio-économique se distinguant par des caractéristiques communes, s'ils sont motivés par le même idéal, s'ils éprouvent et réagissent de la même manière face aux éventuelles difficultés et profitent de façon similaire des potentiels avantages du secteur.

Nous leur avons aussi demandé les motivations de leur implantation dans le quartier, la finalité étant de déterminer un ensemble de facteurs susceptibles de présider à la spatialité des infrastructures des nouvelles technologies dans la localité.

Après les enquêtes, nous avons constaté que 60 ménages seulement parmi les 100 interrogés renferment au moins un membre utilisateur aussi bien des télécentres que des cybercafés, ce qui fait que le questionnaire d'enquête / individus n'a finalement touché que 60 personnes.

Sur les 44 télécentres qui devaient faire l'objet de l'enquête, seuls 31 d'entre eux ont répondu à nos questions, soit 70,5%. Dans ces 31 télécentres, nous avons interrogé 16 propriétaires et 15 gérants. Pour les 13 autres télécentres restant (29,5%), comme par enchantement, le mot d'ordre a été le même : ne répondre sous aucun prétexte. Avec des accusations d'espionnage à l'appui. Toutefois, un fait est digne de considération : les télécentres dont les propriétaires et/ou gérants ont répondu négativement à notre requête présentent en commun la saisissante particularité d'être logés en majorité dans des boutiques et d'appartenir pour la plupart à des étrangers, des guinéens en particulier.

S'agit-il d'une coïncidence fortuite ou détiennent-ils au contraire une information sensible qu'ils n'auraient pas véritablement envie de divulguer ? Cette interrogation n'a malheureusement pas d'éléments de réponse si ce n'est quelques allégations d'autres propriétaires et gérants. Selon eux, ce refus s'explique probablement par deux faits : soit ces gens ne sont pas en règle avec les normes établies par la Sonatel ; soit ils ont passé un marché avec cette Société. Nous avons reçu

ces déclarations avec beaucoup de réserves en raison de la forte concurrence qui marque ce secteur d'activités, bien que la première hypothèse soit facilement vérifiable par simple observation.(21)

Sur les 4 cybercafés qui étaient répertoriés dans le quartier, 3 seulement ont concerné l'enquête, le quatrième ayant fermé ses portes peu de temps avant notre passage. Aucun refus de répondre n'a été relevé de la part des responsables de ces lieux. Mais cela n'empêche pas pour autant d'émettre des doutes quant à la crédibilité de certaines de leurs réponses puisque deux parmi les trois interrogés ont commencé leurs propos par ces mots : « vos questions n'ont rien à voir avec un mémoire de maîtrise de ... géographie.

C'est dire donc que le travail ne s'est pas réalisé sans problème. Nous avons en effet été confrontés à un certain nombre de difficultés dont les plus mordantes sont les suivantes :

· La littérature sur le quartier Ouagou Niayes est maigre. La plupart des rares documents mis à notre disposition traite du vaste ensemble politique dans lequel ce quartier est intégré : la Commune de Biscuiterie dans l'Arrondissement de Grand Dakar. Nous les avons utilisés, mais avec beaucoup de retenue car au sein de cette entité politique, la généralisation de certaines données peut être appauvrissante vue l'hétérogénéité des situations socio-économiques qui y prévalent.

· Dans beaucoup de concessions, des chefs de ménage pas très coopératifs nous ont souvent réservé des traitements incommodes pour ne pas dire mauvais. Leur réticence s'explique probablement par le fait que nous avons été assimilés à des agents de recensement et notre démarche qualifiée de politique alors que depuis plusieurs années, ils sont assaillis avec ces genres d'enquête sans que cela n'améliore leurs conditions de vie.

· A la Sonatel, les agents, très discrets, n'ont été disposés à ne fournir que des adresses de sites Internet et des fiches de renseignement pour l'ouverture de télécentres et de cybercafés. Leur réserve s'explique sûrement par le contexte de libéralisation du secteur des télécommunications qui a coïncidé avec la période de l'enquête.

· Dans les télécentres et les cybercafés, certains propriétaires et gérants nous ont soupçonnés de les espionner pour le compte de la Sonatel ou du fisc. Ainsi, beaucoup d'entre eux n'ont pas répondu à certaines questions prétextant leur caractère quelque peu confidentiel.

(21) Il faut, par exemple, pour ouvrir un télécentre, disposer d'un local de 12 m2 alors que beaucoup de télécentres s'inscrivent en contradiction avec cette norme.

> Les entretiens

Ils ont été réalisés à l'aide d'un guide d'entretien adressé au Président de l'UNETTS. L'objectif des entretiens était de recueillir les impressions de celui-ci sur l'état des télécommunications au Sénégal, les enjeux économiques et sociaux qui s'y rattachent, les facteurs qui bloquent leur avancée et les éventuelles stratégies mises en branle pour y remédier.

La synthèse des réponses obtenues apparaît dans le document sous forme d'encadré. Cette démarche a permis d'appréhender certains aspects fondamentaux du sujet qu'un questionnaire pourrait taire en raison de son caractère formel.

3 - Le traitement et l'analyse des données

Il est organisé autour de trois points :

· Le traitement de l'information collectée par le biais d'entretiens et qui apparaît dans le document sous forme d'encadré ;

· L'exploitation de la recherche documentaire perceptible à travers les citations auxquelles nous avons souvent fait appel dans ce document ;

· Le traitement des données fournies par les enquêtes, au moyen de supports informatiques notamment avec le logiciel SPSS 11.0 et les applications WORD et EXCEL. Les résultats obtenus sont présentés sous forme de tableaux statistiques, de graphiques et de cartes.

L'analyse de toutes les données recueillies a abouti à la rédaction de ce présent document divisé en trois parties :

· La première partie se propose, tout en examinant les caractéristiques du quartier Ouagou Niayes et les traits saillants de ses habitants, d'aménager un cadre général de lecture et d'appréhension des jeux et enjeux soulevés par l'appropriation des NTIC par les individus.

· La deuxième partie traite de manière générale des télécentres et des cybercafés. Il est surtout question de leurs caractéristiques (normes et autres), de leur déploiement spatial qui est l'objet le plus digne d'intérêt pour un géographe, du profil de leurs propriétaires et gérants et des enjeux sociaux, économiques et territoriaux qu'ils créent. Nous nous sommes efforcés d'éviter les incursions dans le champ des descriptions techniciennes du téléphone et de l'Internet, laissant la tâche aux spécialistes de la question dont les éclairages seraient sans doute plus pointus que les nôtres sur ce point. Nous avons également évité de verser dans la futurologie.


· La troisième partie aborde la question des usagers et de leurs usages des télécentres et cybercafés du quartier. C'est en fait une analyse du niveau de pénétration des technologies à Ouagou Niayes, du profil des utilisateurs, des usages qu'ils en font et des contraintes qui se posent à leur appropriation de ces outils de communication.

INTRODUCTION

La région de Dakar, capitale du Sénégal, couvre totalement la presqu'île du Cap-vert située à l'extrême ouest du Sénégal, sur sa façade Atlantique. Sa superficie est de 550 km2, soit 0,3% du territoire national. Malgré sa petite taille, Dakar renferme le plus grand effectif de population de tout le pays. En effet, 22% de la population nationale sont concentrés dans cette région, soit une densité d'environ 4 147 habitants au km2. (22)

La région de Dakar présente à la fois de multiples atouts et de nombreuses contraintes. Parmi les atouts de la région, nous pouvons retenir :

- sa position géographique qui fait d'elle un carrefour entre l'Europe, l'Amérique du sud et l'Afrique et un point stratégique au plan des communications internationales (port, aéroport, télécommunications) ;

- la concentration de la presque totalité des ressources financières, économiques et des services ; - l'existence d'un potentiel intellectuel et technique élevé ;

- l'existence d'infrastructures performantes de rang international et premier centre de décision nationale ;

- un climat agréable et des potentialités touristiques (tourisme balnéaire et d'affaires). Parmi les contraintes de la région de Dakar, nous pouvons noter :

- un taux de croissance de la population très élevé sur un petit espace ;

- un déficit en matière de logement, d'infrastructures et d'équipements collectifs ; - des ordures ménagères, un habitat anarchique, des pollutions diverses ;

- de sévères difficultés de transport et de circulation ;

- des problèmes aigus d'emplois (le taux d'activité de la population n'est que de 42%) ;

- une forte immigration dans un espace réduit (Dakar accueille annuellement environ 120 000 personnes du seul fait des flux migratoires internes ;

Dakar est constituée de nombreux quartiers dont les fonctions sont très différentes : fonctions administrative, industrielle, commerciale, culturelle, résidentielle, chacune de ces fonctions entraînant le développement dans l'espace d'un type de paysage spécifique.

Parmi les espaces résidentiels que comporte la région de Dakar, il y a Ouagou Niayes, un quartier créé au cours des années 1950 et dont les caractéristiques reproduisent de façon fidèle le caractère de l'urbanisation de la capitale. Quelles sont les caractéristiques physiques du quartier

(22) DPS, 2004, Projections de population du Sénégal issues du recensement de 2002, Dakar, p.2.

Ouagou Niayes, son profil démographique, le niveau d'aisance socio-économique de ses habitants ? Voilà les interrogations auxquelles cette partie tente de répondre

Echelle : 1 / 2 000e Source : Atlas du Sénégal. Carte améliorée par Sylla.

Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte améliorée par Sylla.

CHAPITRE I : UN ESPACE ACCESSIBLE ET FORTEMENT PEUPLE

Le quartier Ouagou Niayes est caractérisé surtout par son accessibilité physique. Il est plus ou moins bien situé au sein de l'espace urbain de la capitale, ce qui fait que son accès est effectif sans aucune difficulté. Cependant, conséquence évidente de sa bonne situation géographique et de son accessibilité, Ouagou Niayes est une zone à forte concentration de population, une population très mal répartie dans son espace.

I - Etude du milieu physique

1 - Le Site

Le quartier Ouagou Niayes est bâti sur un site plat légèrement incliné vers le sud. L'altitude dans cette zone ne dépasse guère 20 mètres.

Les lotissements sont implantés sur les toutes dernières parties de la pente du grand ensemble tabulaire appelé Plateau de Ouakam d'orientation NW - SE. Ce dernier relief est composé de dolérites du miocène supérieur (ère tertiaire). Les blocs de pierres repoussés et éparpillés aujourd'hui le long de la clôture de l'autoroute en constituent la parfaite illustration. Ces formations sont toutefois recouvertes par des épandages de sables certainement quartenaires d'épaisseur variant entre 1 et 2 mètres(23) et provenant des dunes qui recouvraient jadis le quartier avant que les bulldozers de l'urbanisation ne les arasent.

Les sols sont constitués essentiellement de sables dunaires sur lesquels poussait une végétation pauvre et clairsemée dominée par des épineux. Même si ces sols sont très sensibles à l'érosion, ils présentent l'avantage d'être très faciles à travailler grâce à leur texture sableuse.

2 - La situation

Ouagou Niayes est situé dans le Grand Dakar qui constitue l'aire d'extension de la ville postérieure à 1950, très étendu et fortement peuplé (24). C'est est une petite cité limitée au nord par Kayes Findiw d'Usine Benne Tally ; au sud par Bopp (Cerf Volant) ; à l'est par la rue 13 des HLM (Avenue Cheikh Ahmadou Bamba) et à l'ouest par les Allées Cheikhna Cheikh Sidaty Aïdara dites Niarry Tally du Grand Dakar. (Cf. carte n°1)

Sur le plan administratif, Ouagou Niayes fait partie de l'actuelle Commune d'Arrondissement de Biscuiterie érigée en 1996.

(23) Fatou Binetou Ly, 1998, p. 12.

(24) Latsoucabé Mbow, 2000, p. 50.

Par rapport à l'organisation de l'espace urbain de Dakar, aux pôles de développement et principaux axes routiers de la capitale, Ouagou Niayes est un quartier bien situé. A titre d'exemple, il est à moins d'un kilomètre de la Société de gestion du Domaine Industriel de Dakar (SODIDA) qui constitue aujourd'hui l'exemple réussi de domaine industriel au Sénégal, à moins de 3 kilomètres de l'UCAD qui est un espace de rencontre et de bouillonnement intellectuel et culturel. Il est aussi proche des marchés des HLM et de Colobane, ces derniers constituant des pôles économiques et des centres d'échanges très dynamiques.

Enfin, la Rue Benne Tally qui traverse le quartier ainsi que l'Avenue Cheikh Ahmadou Bamba prolongée par le Boulevard du Centenaire jusqu'à l'Avenue El Hadj Malick Sy constituent des voies privilégiées dans le dispositif de circulation de Ouagou Niayes. Elles permettent d'accéder au centre ville et assurent, avec les Allées Cheikhna Cheikh Sidaty Aïdara qui se prolongent jusqu'à l'Avenue Bourguiba au nord, la liaison avec les quartiers environnants.

II - L'habitat

L'habitat recèle le mode de peuplement et d'organisation de l'espace de vie des populations. Il a été appréhendé à travers la morphologie, le logement et quelques éléments de confort comme l'eau et l'électricité dans les ménages du quartier.

1 - La morphologie

Ouagou Niayes s'étend sur plus de 25,8 hectares. Il est constitué de 39 îlots répartis dans trois unités ou secteurs de formes irrégulières et de tailles très inégales : O.N. 1 ; O.N. 2 et O.N. 3.

Le plan est en damier rendu irrégulier au niveau de O.N. 1 où les rues se présentent sous forme de lignes droites parallèles, débouchant sur Usine Benne Tally au nord et sur O.N. 2 au sud. Les rues sont bitumées dans leur grande majorité à l'exception de celles O.N. 1 toujours où elles sont sablonneuses.

Cette différence caractéristique du tissu de ce quartier trouve son explication dans les opérations étatiques qui ont consacré l'édification des O.N. 2 et 3 et les initiatives individuelles ayant présidé à l'édification de O.N. 1.

construction de rues goudronnées et d'espaces publics (jardins, terrains de jeux) qui sont des éléments très importants dans le cadre de vie des populations. 0.N. 2 dispose, à ce titre, de jardin public, de terrains de jeux et de parkings publics.

Par contre, les initiatives individuelles, même si elles sont réussies, ne disposent pas des moyens nécessaires à la réalisation de telles infrastructures. C'est ce qui pousse du reste les habitants à squatter la voie publique qu'ils transforment en terrain d'activités diverses : sport, commerce, cérémonies familiales ou religieuses, etc. Ce phénomène très récurrent à 0.N. 1.

2 - Le logement

Le quartier 0uagou Niayes est réservé essentiellement à l'habitat puisque aucun espace n'est dévolu exclusivement aux activités.

Deux types d'habitations se côtoient dans cette localité : des bâtiments à étages et des terrasses. La plupart des bâtiments sont en dur. Cependant, quelques baraques restent disséminées dans le quartier. Elles sont localisées à 0.N.1 et relèvent de deux (2) faits :

- l'incapacité financière des habitants à se doter de logements plus décents ;

- le déficit en logement qui pousse les populations à se saisir de n'importe quel type de toit qu'on leur propose.

Le statut d'occupation des différents ménages du quartier est variable. En effet, 67% des ménages interrogés déclarent être propriétaires de leurs logements ; 29% sont locataires et 4% sont hébergés dans la maison familiale de l'un des conjoints. Sous ce rapport aussi, la dualité entre l'ensemble 0.N.2-0.N.3 et 0.N. 1 est manifeste. Le nombre de chefs de ménage propriétaires de leurs demeures est plus élevé à 0.N.2 et 3 qu'à 0.N.1 où l'on trouve à l'opposé plus de chefs de ménage locataires ou hébergés.

Le nombre de pièces par logement varie entre 1 et 16 avec une moyenne de 5. Les ménages qui ont entre 3 et 5 chambres constituent la majorité avec une proportion de 49%. Par contre, 31% des ménages ont entre 6 et 8 chambres ; 12% ont moins de 3 chambres et 8% en ont 9 au moins.

Toutefois, ces chiffres traduisent très mal la réalité du terrain puisque leur examen pourrait faire croire que le problème de logement ou d'espace de manière générale ne se pose pas avec acuité dans ce quartier. Aussi, même si 56% des ménages affirment n'avoir aucun problème relatif

à leurs habitations, 32% par contre attestent souffrir de promiscuité, 9% se plaignent de la cherté du loyer et 2% de la non-étanchéité de leurs toits.

La promiscuité dans les ménages entraîne un bouleversement des espaces de vie avec notamment une densification de l'habitat et l'appropriation par les populations des espaces publics. La construction en hauteur et les transformations ont gagné presque toute la zone. Dans beaucoup de maisons, les espaces susceptibles d'être transformés en chambre, pour la famille ou pour la location, le sont. Le résultat de telles actions est l'entassement dans des espaces réduits avec tout ce que cela comporte comme dangers : manque d'hygiène, encombrement du domaine public, pollution de l'espace, non respect des normes de construction, possibilité d'effondrement de bâtiment, etc.

3 - L'eau et l'électricité dans les ménages

La disponibilité en eau courante et en électricité et l'existence de toilettes (W-C) dans les ménages peuvent refléter un certain niveau de confort. Etant donné leur importance dans le cadre de vie du ménage, il est raisonnable de considérer le manque d'un ou de plusieurs de ces éléments comme signe d'un niveau de confort très bas. (25)

Par rapport à ces considérations, il ne serait pas aberrant de dire que le niveau de confort des ménages de Ouagou Niayes est relativement satisfaisant car les taux de branchement en eau et en électricité y sont globalement élevés.

Pour ce qui est de l'eau, 94% des ménages enquêtés affirment disposer d'un branchement à domicile contre 6% qui n'en disposent pas. Parmi les ménages qui n'ont pas de branchement en eau, 5% s'approvisionnent à la borne fontaine (le seau à 25 francs CFA, la bassine à 50 francs), et 1% puise chez les voisins.

Concernant le mode d'éclairage, 97% des ménages utilisent l'électricité contre 3% qui emploient la bougie et la lampe à pétrole.

Il faut cependant noter la fréquence des coupures d'eau et/ou d'électricité qui affectent près de la moitié des ménages enquêtés. Seuls 52% des ménages ont déclaré n'avoir jamais fait l'objet de coupures (ou en tout ils ne s'en souviennent plus). Les raisons avancées par les chefs de ménage pour excuser ces coupures sont multiples mais les plus citées sont les difficultés

(25) DPS, ESAM / 94-95, 1997, p. 58.

financières (36%), l'oubli et la négligence (7%), la confusion des factures ou des maisons par les agents de la SENELEC et de la SDE (2%).

Au regard des paramètres socio-démographiques, les facteurs pouvant influer sur les coupures d'eau et d'électricité dans les ménages sont multiples. En effet, la corrélation de ces paramètres avec la fréquence des coupures révèle que celles-ci sont plus fréquentes :

- dans les ménages où le chef est au chômage ou ne dispose pas de revenu mensuel ; - dans les ménages polygames ;

- dans les ménages où le chef est veuve ;

- dans les ménages qui dépensent plus de 5 000 francs CFA quotidiennement pour l'alimentation (l'argent servirait-il uniquement à l'alimentation ?);

- dans les ménages dont le chef ne dispose d'aucune autre source de revenu si ce n'est la contribution d'un enfant qui travaille.

III - Le profil démographique

L'étude du profil démographique du quartier Ouagou Niayes fait apparaître un peuplement en différentes phases, une population hétérogène et une inégale répartition dans l'espace.

1 - Le peuplement

Le peuplement du quartier remonte aux années 50 avec notamment le lotissement et la construction des logements des 0.N.2 et 3 par le Groupement Foncier, une société immobilière qui appartenait à un Français du nom de Brard. Le peuplement est le fait des populations autochtones de la région de Dakar. C'est la raison pour laquelle on y trouve une large proportion de Lébous, de Wolofs de manière générale. Ces derniers constituent du reste l'ethnie dominante de la région avec environ 52% de la population.

L'immigration a aussi contribué au peuplement du quartier. En effet, en 1957, suite au transfert de la capitale et à la délocalisation de l'administration centrale de Saint-Louis à Dakar, le gouvernement territorial du Sénégal avait acquis, de cette cité qui venait nouvellement d'être construite, une centaine de logements pour ses fonctionnaires .(26) Ces logements étaient tous situés à 0.N.3 que les habitants du quartier appellent jusqu'aujourd'hui Cité Ndar ou «Ndar Tuut » (petit Ndar en Wolof). Mais en dehors de cette vague de populations entraînée par le transfert de la capitale, il y a l'exode rural qui concerne du reste tout Dakar et qui contribue fortement à l'élargissement de la charge démographique de tous ses espaces. Ce phénomène est

(26) Diawara Ibrahima, 2003, p. 1.

la résultante des difficultés du secteur agricole qui poussent les populations du monde rural à migrer vers les grandes villes, principalement la capitale.

L'analyse de la répartition des chefs de ménages en fonction de l'ethnie révèle tous ces aspects du peuplement.

Figure n°1 : répartition des chefs de ménage selon l'ethnie ,,

Bambara
1%

Pulaar
13%

Sereer
14%

Autres
25%

Wolofs

47%

Source : nos enquêtes, juin - août 2004.

En effet, l'examen de la figure n°1 montre que la répartition des ethnies de Ouagou Niayes épouse celle de l'ensemble du pays avec une prépondérance des Wolofs (47%). Les ethnies Sereer et Pulaar font respectivement 14% et 13%. Les chefs de ménage d'ethnie Bambara sont minoritaires.

Il faut aussi noter la forte présence d'étrangers (Guinéens, Maliens, Capverdiens, Béninois) dans ce quartier. Ils sont représentés, par souci de commodité, dans cette figure faisant état de la répartition ethnique des chefs de ménage. Ils sont désignés par «autres » avec un pourcentage de 26%.

2 - La structure de la population

Il a fallu, pour y remédier, combiner les données du recensement de 1988 avec quelques résultats provisoires du recensement de décembre 2002. Les résultats concernant Dakar et la Commune de Biscuiterie (dont Ouagou Niayes fait partie) ont été pris en considération.

Tableau n° 2 : structure par âge de la région de Dakar

Age

Effectifs

%

0 - 19

354 226

52,1

20 - 59

304 614

44,7

60 +

22 092

3,2

TOTAL

680 932

100

Source : RGPH, 1988 : Rapport régional, septembre 1992.

La population de Dakar est caractérisée par son extrême jeunesse. En 1988, la tranche d'âge 0 -- 19 ans représentait plus de la moitié de la population avec 52,1%. Cette situation est liée, comme dans tous les pays en voie de développement d'ailleurs, à une forte natalité de l'ordre de 36,2 pour 1000 et à un faible taux de mortalité tournant autour de 10,8 pour 1000. .

La tranche d'âge 20 - 59 ans représentait une proportion de 44,7%, loin derrière celle des vieux de 60 ans et plus (3,2%).

La répartition par sexe de la population de Ouagou Niayes, tout comme celle de Dakar est équilibrée. Au dernier RGPH de 2002, les hommes représentaient 50,5% de la population contre 49,5% de femmes.

Le rapport de masculinité est de 97 femmes pour 100 hommes pour le département de Dakar. Pour la commune de Biscuiterie, ce rapport est de 104.

3 - La répartition spatiale de la population

La population de Ouagou Niayes est très inégalement répartie dans l'espace du quartier. En effet, l'examen de la charge démographique des trois unités qui le composent révèle une distorsion géographique entre elles.

Ce déséquilibre spatial peut s'apprécier à travers les effectifs de ménages et la charge démographique de chaque secteur. 0.N.1 compte le plus grand nombre de ménages (681), suivi de 0.N.2 (559) et de 0.N.3 (410).

O.N.1 s'individualise également au regard du nombre d'habitants dans les trois unités du quartier. Il renferme un effectif de 4 356 habitants, soit 41,3% de la population totale de Ouagou Niayes. O.N.2 compte 3 576 habitants soit 33,9% et O.N.3 a un effectif de 2 623 habitants soit 24,8%.

La prépondérance de O.N.1 se justifie par le fait que dans ce secteur, la construction ainsi que le peuplement dépendent de la volonté individuelle des populations qui exploitent le moindre espace libre. Par contre, à O.N.2 et O.N.3, l'habitat planifié ne permet pas l'implantation anarchique.

L'inégalité de la répartition de la population de Ouagou est en définitive imputable à divers facteurs. Cependant, quels que soient les facteurs qui régissent le peuplement de l'espace, sa charge démographique est un élément important pour appréhender les conditions de vie de ses habitants.

CHAPITRE II : DES POPULATIONS AU NIVEAU DE VIE MOYEN

Ouagou Niayes est une localité d'un niveau socio-économique moyen. Quartier composé au départ essentiellement de salariés dont les conditions étaient plus ou moins satisfaisantes, Ouagou Niayes est aujourd'hui affecté par une forte croissance qui entraîne en même temps qu'une augmentation de la taille des ménages, la paupérisation de ceux-ci.

L'étude des activités professionnelles et revenus des chefs de ménage ainsi que celle des charges des ménages permettent de mieux comprendre les conditions dans lesquelles vivent les habitants de cet espace.

I - Les activités professionnelles et revenus de chefs de ménage

1 - Les activités professionnelles des chefs de ménages

Les chefs de ménage ont diverses activités professionnelles. Cependant, le chômage affecte 26% d'entre eux. Les chefs de ménage de professions libérales et du secteur privé représentent 27%. La part des retraités n'est pas négligeable non plus (19%). Ils sont suivis des chefs de ménage commerçants avec 13% ; des fonctionnaires (11%) et des artisans (4%).

actuellement en retraite et vivent dans ce dernier s'ils ne sont pas retournés à Saint Louis, leur ville d'origine. Quant aux commerçants, beaucoup d'entre eux logent dans la localité pour ne pas s'éloigner de leurs lieux d'activités. En effet, Ouagou Niayes jouxte le marché des HLM et le marché Ngélaw qui sont d'importants centres d'échanges.

2 - Les revenus des chefs de ménages

Le revenu moyen des chefs de ménages de Ouagou Niayes est d'environ 128 000 francs CFA par mois. 7% ont moins de 50 000 francs mensuellement ; 22% perçoivent entre 50 000 et 100 000 francs par mois ; 27% entre 100 000 et 150 000 francs CFA et 16 % entre 150 000 et 200 000 francs. Ceux qui ont entre 200 000 et 250 000 francs et plus de 250 000 francs par mois constituent les minorités avec respectivement 2% et 7%.

De manière générale, 29% des chefs de ménage ont moins de 128 000 francs par mois (la moyenne), 52% en ont plus et 19% n'ont pas de revenu.

En dehors de leurs salaires, certains chefs de ménage disposent d'autres sources de revenus dont les plus fréquemment citées sont les revenus de transfert dont la pension de retraite (15%), le mandat (13%), les revenus des enfants travailleurs (13%), le loyer (10%) et le petit commerce de l'épouse (5%). Seuls 30% des ménages ne disposent d'aucune autre source de revenu.

Le niveau de revenu est l'élément essentiel pour déterminer le degré de satisfaction des besoins des ménages. Ainsi, à la question de savoir si leurs revenus couvrent ou non leurs dépenses, 53% des chefs de ménage ont répondu positivement et 47%, négativement.

II - Les charges des ménages

Elles sont largement fonction d'un certain nombre d'éléments tels que la structure et la taille des ménages, le niveau de chômage dans ces derniers qui définissent à leur tour la hauteur des difficultés relatives à l'alimentation et à la santé.

1 - Structure et taille des ménages

1 - 1 - Structure des ménages

L'examen de la structure des ménages de Ouagou Niayes révèle diverses situations matrimoniales.

Tableau n° 3 : répartition des chefs de ménage selon la situation matrimoniale

 

Effectifs

%

Situation
matrimoniale

mariés (es) polygames

28

28,0

mariés (es) monogames

39

39,0

célibataires

7

7,0

veufs / veuves

24

24,0

divorcés (es)

2

2,0

TOTAL

100

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Les chefs de ménages monogames sont numériquement plus importants avec 39%. Les polygames représentent 28% des ménages interrogés suivis des ménages veufs (24%), des célibataires (7%) et des divorcés (2%).

Le niveau d'instruction assez poussé ainsi que les difficultés de toutes sortes auxquelles sont confrontés les Sénégalais poussent généralement les hommes à se limiter à une seule conjointe. C'est sans doute ce qui justifie la prépondérance des monogames dans la répartition des ménages dans ce quartier. Cependant, d'autres facteurs peuvent être mis à contribution pour expliquer cette situation. Il s'agit de :

- l'âge : parmi les chefs de ménage polygames et veufs, ceux qui ont 60 ans et plus sont majoritaires, les moins de 40 ans constituent la minorité. A l'opposé, les chefs de ménage âgés de 45 à 49 ans sont majoritairement monogames ;

- le niveau d'instruction : la plupart des chefs de ménage monogames ont atteint les niveaux secondaire et supérieur tandis que les mariés polygames sont majoritairement de formation arabe/coranique ;

- l'occupation professionnelle et éventuellement le montant du revenu mensuel : les artisans, par exemple, constituent avec les chômeurs et les fonctionnaires les catégories minoritaires des chefs de ménages polygames. Tandis que les chefs de ménage de professions libérales et du secteur privé représentent la majorité à la fois des mariés monogames et polygames.

1 - 2 - Taille des ménages

Elle varie entre 2 et 32 personnes avec une moyenne d'environ 10 personnes par ménage.

Tableau n° 4 : répartition des ménages selon la taille

 

Nombre de
réponses

%

Nombre de personnes dans le
ménage

moins de 5

7

7,0

5 à 9

52

52,0

10 à 14

23

23,0

15 à 19

11

11,0

20 à 24

4

4,0

25 et +

3

3,0

TOTAL

100

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Le tableau n°4 montre une taille modale de 5 à 9 personnes par ménage avec un pourcentage de 52%. Les ménages de 10 à 14 membres représentent une proportion de 23% suivis de ceux composés de 15 à 19 membres (11%) et des moins de 5 membres (7%).

Les grandes familles de 20 à 24 membres et de 25 membres et plus sont moins nombreuses. Elles font respectivement 4% et 3%.

L'importance de la charge démographique des ménages se justifie par le fait que la famille sénégalaise est généralement élargie et c'est souvent le parent citadin qui est tenu d'assuré l'hébergement de tout autre membre venu poursuivre des études, chercher du travail ou tout simplement se reposer en ville. Il convient d'ajouter à cela le taux de chômage élevé au Sénégal et le désir de mener des études poussées qui font que les enfants restent souvent pendant longtemps sous la tutelle parentale.

Les ménages de grande taille se retrouvent dans tous les secteurs du quartier mais les plus peuplés des ménages interrogés sont localisés à 0.N.1 (32 personnes) et à 0.N.3 (27 personnes).

La charge démographique régit dans une large mesure le niveau de chômage et d'inactivité dans les ménages compte tenu de la jeunesse de la population.

2 - Le niveau de chômage et d'inactivité dans les ménages

Par définition, le chômage est la période d'inactivité forcée qui caractérise la situation des personnes capables, disponibles et désireuses de travailler mais qui n'y parviennent pas. Le chômage et l'inactivité sont deux phénomènes très présents dans les ménages. Ils concernent surtout les jeunes de plus de 18 ans à la recherche d'emploi et les femmes de plus de trente ans qui ont abandonné les études généralement pour se marier.

En général, la taille du ménage est en déphasage avec le nombre de travailleurs dans celui- ci, ce qui permet d'appréhender le niveau de chômage et d'inactivité dans les ménages.

Figure n° 2 : taille des ménages et nombre de travailleurs ,,

0

1

2

3

4

5

6 +

moins 5 5 à 9 10 à 14 15 à 19 20 à 24 25 +

nombre de personnes dans le ménage

Source : enquêtes, juin - août 2004.

La combinaison de la taille des ménages et le nombre de travailleurs dans ceux-ci montre que quelle que soit la taille du ménage considéré, le nombre de travailleurs le plus fréquent est égal à 1 et le moins fréquent 6. La moyenne de travailleurs dans les ménages varie entre 1 et 2 personnes.

Le nombre de deux (2) travailleurs se retrouve dans toutes les catégories de ménages à l'exception de celles qui ont plus de 25 membres où il y a en général davantage de personnes actives. Par ailleurs, il est extrêmement rare de trouver dans un ménage plus de quatre travailleurs.

L'élément de l'analyse qui mérite le plus d'attention est l'absence totale de travailleurs dans 12 % des ménages répartis comme suit : 6% dans les ménages composés de 5 à 9 membres, 3% dans les ménages de 10 à 14 membres et 3% également dans ceux de 15 à 19 individus.

Dans la plupart de ces ménages, la survie dépend des transferts : mandat, loyer et allocation de retraite. Pour remédier à cette situation, ceux qui en ont les moyens envoient un ou plusieurs membres de leur ménage à l'étranger dans l'espoir d'un appui financier conséquent et donc d'une amélioration de leur sort. A titre d'exemple, il y a au moins un émigré dans 29% des ménages interrogés.

Le nombre de travailleurs n'est donc pas proportionnel à la charge démographique des ménages. En d'autres termes, l'augmentation du nombre de personnes dans le ménage n'entraîne pas forcément celle du nombre de travailleurs dans celui-ci. Ce nombre est moins considérable dans les ménages de plus 25 membres mais beaucoup plus élevé dans ceux de 5 à 9 membres, certainement parce que ces derniers sont numériquement plus importants dans le quartier. L'effectif de travailleurs varie ainsi considérablement en fonction de l'importance numérique de la catégorie de ménage.

Dans la plupart des familles, les charges sont supportées par une seule personne. Cette situation entraîne ou en tout cas exacerbe les difficultés liées à l'alimentation et à la santé dans les ménages.

3 - Les difficultés d'alimentation et de santé

3 - 1 - Les difficultés d'alimentation

L'alimentation reste une des priorités du budget des ménages sénégalais. La part des dépenses alimentaires dans la dépense totale est de 53,2% pour l'ensemble du pays. Ce pourcentage varie inversement au degré d'urbanisation : ainsi, il est de 69,1% dans le milieu rural, 45,6% dans les autres centres urbains et de 40,1 % dans la zone urbaine de Dakar.

Ces dépenses servent à l'achat de divers produits dont le pain, le sucre, le lait, le poisson, la viande et les légumes. Cependant, le pain et les céréales accaparent la plus grande part des dépenses (37,3%), suivis des légumes (11,8%) et des huiles et graisses (11,3%).(27)

Le montant des dépenses journalières, mensuelles et annuelles varie selon le milieu. A Ouagou Niayes, l'enquête s'est intéressée uniquement aux dépenses journalières des ménages.

(27) DPS, ESAM / 94-95, p. 90.

Tableau n° 5 : dépense journalière des ménages

 

Nombre de
réponses

%

Dépense journalière en FCFA

moins de
2000

11

11,0

2 000 - 3 000

29

29,0

3 000 - 4 000

23

23,0

4 000 - 5 000

10

10,0

5 000 et plus

27

27,0

TOTAL

100

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

L'examen du tableau n°5 montre que plus du quart des ménages du quartier (29%) dépense entre 2 000 et 3 000 francs CFA par jour. Ceux qui dépensent 5 000 F et plus viennent en seconde position avec 27%. Ils sont suivis de ceux qui déboursent entre 3 000 et 4 000 francs avec 23%. Les ménages dont la dépense quotidienne n'excède pas 2 000 francs ainsi que ceux dont la dépense varie entre 4000 et 5000 francs constituent les plus faibles proportions.

Le cumul des pourcentages permet de constater que 60% des ménages dépensent quotidiennement plus de 3 000 francs et 40% moins de 3 000 francs.

Cependant, quel que soit le montant de la dépense quotidienne, les problèmes d'alimentation touchent près de la moitié des ménages interrogés. En effet, 43% d'entre eux déclarent être régulièrement confrontés à ces genres de difficultés et 19% irrégulièrement. En somme, 62% des chefs de ménages sont, régulièrement ou non, accablés par les difficultés d'alimentation. Seuls 38% d'entre eux déclarent ne pas connaître ces genres de problèmes.

Beaucoup de paramètres peuvent être mis à contribution pour comprendre ces difficultés. Il s'agit entre autres de la taille du ménage, la situation matrimoniale du chef, son occupation professionnelle, ses autres sources de revenu.

Ainsi, les enquêtes révèlent que les difficultés liées à l'alimentation sont plus fréquentes

dans :

- les ménages de grande taille ;

- les ménages dont le chef est chômeur et/ou veuf ;

- les ménages où le chef n'a aucune autre source de revenu en dehors des revenus de transferts.

3 - 2 - Les difficultés d'accès aux soins de santé

Elles interviennent en cas de maladie dans les ménages. Elles sont liées essentiellement à l'achat de médicaments et autres produits pharmaceutiques des services médicaux produits dans les hôpitaux et en dehors des hôpitaux.

Les dépenses sanitaires sont lourdes pour les chefs de ménage qui n'ont pas accès à une prise en charge par les assurances, les employeurs ou une tierce personne.

Les difficultés concernant les soins de santé sont fortement ressenties par les ménages sénégalais. A Ouagou Niayes, plus de la moitié des ménages interrogés, soit 57%, affirment être éprouvés par des problèmes liés aux soins de santé : 39% d'entre eux ont régulièrement des problèmes et 18% irrégulièrement. Seuls 43% des ménages ne vivent pas les difficultés de santé.

Toutefois, il sied de remarquer que les difficultés liées à la santé des populations se posent avec moins d'acuité que celles relatives à l'alimentation dans les ménages. Certainement parce que l'alimentation est une nécessité à satisfaire de façon permanente alors que la maladie se manifeste en général par intermittence.

Conclusion

Créé au cours des années 1950, le quartier Ouagou Niayes regroupe une population hétérogène dont les conditions socio-économiques sont moyennes. Faiblement peuplé à sa création, cette cité connaît aujourd'hui une forte pression démographique qui pose avec acuité les problèmes de logement et d'espace. La croissance de la population entraîne l'augmentation des charges des ménages qui cause par voie de conséquence la paupérisation de ceux-ci. D'ailleurs, dans la plupart des ménages éprouvés par une sévère conjoncture économique et un taux de chômage élevé, la satisfaction des besoins domestiques tient du salaire d'une seule personne, de la pension du chef de famille qui n'a pas eu de relève à sa retraite mais surtout d'un mandat qu'un membre émigré envoie de temps à autre. Ce qui augure déjà de l'importance de la place que les populations de la localité doivent accorder aux infrastructures de télécommunication, notamment les télécentres et récemment les cybercafés, pour lutter contre le chômage et pour l'établissement de leurs relations à distance.

INTRODUCTION

Nés d'une volonté de la Sonatel de développer l'usage du téléphone dans l'ensemble du pays, les télécentres font leur apparition en 1992. Dès leur ouverture, ils ont remplacé les cabines téléphoniques publiques peu nombreuses parce que relativement coûteuses à installer et par ailleurs régulièrement endommagées lors des manifestations de rues organisées à l'occasion des mouvements de protestations politiques et sociaux.(28) L'origine exacte de l'idée de télécentres n'est pas connue mais la décision d'en laisser la gestion à des exploitants privés à grande échelle peut être mise en rapport avec l'initiative de la Sonees (la Société Nationale gérant l'eau) qui avait installé, avec succès, des bornes fontaines dont la gestion était confiée à des personnes du quartier. (29) Les télécentres ont fortement contribué à l'éveil d'une véritable conscience populaire du téléphone en tant que moyen de transmission d'informations de toutes sortes et de jonction des populations. On les retrouve actuellement un peu partout dans le pays (dans les villes, les villages, les quartiers) et ils font l'objet d'une appropriation effective par toutes les couches de population.

Cependant, depuis un certain nombre d'années, est apparu un nouveau moyen de communication qui défie tous les temps, toutes les distances et contraintes topographiques. Il s'agit de l'Internet auquel le Sénégal est officiellement connecté en 1996. Les points d'accès à cette technologie sont appelés cybercafés. Phénomène de fond, l'Internet a gagné presque tous les milieux et suit au pas la trace des télécentres vue la vitesse d'augmentation du nombre de cybercafés dans le pays.

Télécentres et cybercafés sont des activités lucratives qui permettent à de nombreuses personnes de gagner leur vie. Ils permettent également de rendre la communication efficiente entre les populations. Cependant, ils drainent une foule importante d'enjeux sociaux, économiques et territoriaux.

Cette partie analyse en définitive les modalités d'implantation des télécentres et des cybercafés dans le quartier Ouagou Niayes, leurs caractéristiques, leurs activités ainsi que le profil de leurs propriétaires et gérants.

(28) Sagna, 2000, p. 41.

(29) Barbier, 1998, p. 22.

CHAPITRE I : LES TELECENTRES, UNE PRESENCE MASSIVE DANS LE PAYSAGE
DE OUAGOU NIAYES

L'accessibilité du téléphone est restée pendant longtemps le privilège des couches de populations aisées qui, parfois même, plaçaient cet instrument de communication dans les endroits de la maison par où entraient les visiteurs (voisins, étrangers et autres). Le téléphone était donc le signe d'un niveau de vie assez élevé. Avec les télécentres, les choses sont différentes car il a fini d'être un moyen de communication banal dont tout le monde a accès et à moindre coût.

Un petit tour dans le quartier Ouagou Niayes suffit largement pour remarquer la forte présence de ces infrastructures de télécommunication faisant office d'accès publics au téléphone et arborant le nom de « télécentre ».

Quelle est la répartition spatiale des télécentres dans ce quartier et quelles sont les raisons qui la motivent ? Quelles sont leurs caractéristiques et les activités auxquelles ils se livrent ? Là sont les interrogations auxquelles ce chapitre essaie de répondre.

Télécentres :

: unité à 65 francs : unité à 75 francs : unité à 80 francs : non enquêtés

Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte améliorée par Sylla.

I - Une colonisation du quartier par les télécentres

A l'image de ce qui se passe dans toute la région de Dakar le nombre de télécentres à Ouagou Niayes croît à un rythme soutenu.

8

7

6

5

4

3

2

0

1

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Figure n° 3 : rythme d'ouverture des télécentres à Ouagou Niayes de 1992 à 2004

Années

Source : enquêtes, juin - août 2004.

L'examen de la figure n°3 montre une évolution différentielle du rythme d'ouverture des télécentres dans le quartier. La courbe peut être divisée en quatre phases marquées chacune par une évolution caractéristique.

- La première phase comprise entre 1992 et 1995 est marquée par une timide croissance du nombre de télécentres dans le quartier. Cette situation s'explique sans doute par une ignorance, naguère, par les populations de ces activités qui venaient nouvellement de faire leur apparition ;

- La seconde phase qui va de 1995 à 2000 est caractérisée par une importante augmentation du nombre de télécentres dans la localité. Cela traduit certainement la prise de conscience par les populations des avantages que les télécentres pouvaient leur procurer en terme de création de richesses et de facilitation de la communication.

- La troisième phase est caractérisée par un tassement du rythme d'ouverture des télécentres. Elle correspond surtout à l'année 2001 où la Sonatel avait suspendu, au mois de juillet, tout agrément d'ouverture de télécentres pendant une période de six mois.

- La quatrième et dernière phase s'échelonne entre 2002 et 2004. Elle est marquée par une forte reprise de la croissance du rythme d'implantation des télécentres dans le quartier. Cette reprise a débuté en mars 2002 lorsque la Sonatel a levé la suspension des agréments.

Aujourd'hui, à Ouagou Niayes, les télécentres qui sont au nombre de 44, ont colonisé l'espace.

58,3% des usagers jugent ce nombre de télécentres élevé, 26,7% le pensent suffisant et 15% d'entre eux le considèrent insuffisant.

Les usagers sont cependant plus unanimes quant à l'appréciation de l'augmentation du nombre de télécentres dans leur localité. En effet, 83,3% parmi eux trouvent que c'est un avantage pour les raisons qui suivent :

- la rapidité de communication qu'ils permettent ;

- la concurrence qui en découle et qui joue en faveur des usagers ;

- l'accessibilité du téléphone à tous avec moins de déplacement physique ;

- le gain de temps ;

- la création d'emplois ;

- le désencombrement des télécentres ;

- la minoration des factures du téléphone domestique ;

- la possibilité de remédier au manque de crédit pour ce qui est du téléphone cellulaire.

Pour 16,7% des usagers par contre, l'augmentation du nombre de télécentres dans le quartier est un inconvénient et ce, en raison de la perte d'emploi qu'elle peut occasionner du fait de la faillite de certains télécentres consécutive à la concurrence déréglementée et la chute forcée des prix.

1 - La répartition spatiale des télécentres

A Ouagou Niayes, les télécentres se répartissent comme suit : 14 à 0.N.1 ; 24 à 0.N.2 et 6 à 0.N.3. Il y a théoriquement un (1) télécentre pour environ 251 habitants.

Tous les télécentres sont situés à une distance n'excédant pas en général 30 mètres des lieux habituels de résidence ou d'activité des usagers qu'ils polarisent, ce qui constitue un réel facteur de facilitation de l'accès. Les télécentres présentent de ce fait l'avantage de s'implanter à proximité des ménages même si cette proximité n'est pas forcément synonyme de sa fréquentation par les membres de ceux-ci.

La distribution spatiale des télécentres est fortement régie par une logique commerciale et a d'importantes conséquences sur les activités de ceux-ci.

1 - 1 - Une logique commerciale fortement respectée

La répartition spatiale des télécentres est influencée par la logique marchande. En effet, 58 % des propriétaires et gérants enquêtés déclarent avoir ouvert leur entreprise dans le quartier pour profiter de la bonne position commerciale qu'il offre, contre 26% qui soutiennent s'y être implantés parce qu'ils y habitent et 16% parce que n'ayant pas trouvé un magasin ailleurs. La bonne position commerciale qu'offrirait Ouagou Niayes est imputable à deux facteurs principaux : sa place stratégique dans l'espace urbain dakarois (carrefour entre plusieurs axes routiers importants) et son important poids démographique (les propriétaires et gérants qualifient d'ailleurs Ouagou Niayes de quartier populaire).

Les rues passantes constituent les points privilégiés d'implantation des télécentres et cela, pour bénéficier de l'apport des utilisateurs occasionnels dans le niveau de fréquentation. A ce titre, les rues les mieux servies en télécentres sont celle de Bene Tally (Coopé) et celle séparant 0.N.1 et le quartier populeux Usine Benne Tally (cf. carte n°3 et photo n°1) qui sont deux axes privilégiés du dispositif de circulation du quartier.

Les télécentres se situent en général à des distances rapprochées les uns des autres. Dans les zones de forte concentration humaine comme 0.N.1, l'intervalle entre deux télécentres est généralement inférieur à 10 mètres alors que la Sonatel avait prévu une distance réglementaire de 20 mètres entre deux télécentres. Un tel déploiement spatial entraîne une rude concurrence entre eux et qui a d'importantes conséquences sur la marche de leurs activités.

1 - 2 - Les conséquences d'une distribution spatiale compacte

Malgré leur importance numérique et leur déploiement spatial serré, les télécentres ne participent pas sinon de façon négligeable à la structuration de l'espace. En effet, ils se surimposent toujours à un espace déjà défini, peuplé et organisé. Leur impact sur l'espace se limite principalement à la polarisation des individus et à la constitution de petits groupes de discussion formés par affinité ou par intérêt : les télécentres ne sont pas seulement des lieux de téléphonie mais aussi des espaces de vie, des lieux à palabres où se crée et/ou se diffuse l'information.

Le déploiement spatial compact des télécentres influe cependant fortement sur leurs activités. Il entraîne par exemple une sérieuse guerre des prix entre les télécentres très rapprochés et favorise une baisse de leur niveau de rentabilité.

Photo n° 1 : la rue Lassana à Ouagou Niayes

Photo : Sylla, 2004.

Cette rue passante, séparant Ouagou Niayes 1 et le quartier populaire d'Usine Bene Tally, est l'une des
rues les plus mieux pourvues en télécentres de tout Ouagou Niayes.

1 - 2 - 1 - La guerre des prix

Entre 1992 et 1994, des règles précises ont été établies par la Sonatel pour réglementer l'installation des télécentres en instaurant notamment le respect d'une distance entre deux télécentres, un peu à l'image de ce qui existe pour l'ouverture des pharmacies.(30) Cependant, du fait que le chiffre d'affaires d'une ligne principale téléphonique installée dans un télécentre représente quatre fois le chiffre d'affaires d'une ligne principale ordinaire(31), la Sonatel a libéralisé l'ouverture des télécentres depuis 1995. A partir de cette date, commença une nouvelle « ère » dans l'évolution de ces espaces de communication marquée par une forte augmentation de leur nombre.

La prolifération des télécentres a eu comme corollaire la saturation du marché qui a provoqué à son tour une intense guerre des prix entre télécentres désormais côte à côte. La guerre des prix a entraîné la chute de ceux-ci. Ainsi de 100 francs CFA à l'ouverture des premiers télécentres en 1992, le prix de l'unité d'appel se vend aujourd'hui à 60 francs dans certains télécentres. Cette situation combinée à la faillite et la fermeture des télécentres qu'elle occasionne avait poussé la Sonatel à suspendre en juillet 2001 tout agrément d'ouverture de télécentre pendant une durée de six mois(32).

Toutefois, la guerre des prix n'entraîne pas de conflit de quelle que nature qu'il soit entre les gérants qui entretiennent du reste de bonnes relations amicales ou professionnelles. Les conflits opposent plutôt d'une part les gérants aux clients avec 83,9% des réponses reçues (pour des motifs liés à la boite vocale (33), à la rapidité du compteur et aux crédits) et d'autre part les propriétaires à la Sonatel avec 12,9% des réponses (pour des raisons relatives au fait que cette société ne délivre pas les factures à temps tandis que les dates d'échéance sont rapprochées).

Les réactions des propriétaires et gérants face à la guerre des prix sont multiples. Certains sont résignés et se disent impuissants devant cette situation qu'ils qualifient d'ailleurs de normale. D'autres par contre incriminent la responsabilité individuelle de la Sonatel et se regroupent dans des associations telle que l'UNETTS afin d'opposer une résistance à cette société qu'ils jugent parti prenante.

Créée en 2000, l'UNETTS a pour but de défendre, au sein d'une entité nationale unique et démocratique, les intérêts des exploitants de télécentres, de téléservices et cybercentres d'affaires

(30) Sagna, 2000, p. 41.

(31) Zongo, Gaston, « Essai d'analyse de la faiblesse de la télédensité et de la productivité du secteur africain des télécommunications », communication présentée à Genève, ITU/BDT, 19-21 mars 1996, Cité par Sagna, 2000, p. 41.

(32) Batik n° 24, juillet 2001.

(33) Les gens ne peuvent pas comprendre de devoir payer sans avoir communiqué.

du pays et d'accompagner le processus de réglementation du secteur des télécommunications. Ses objectifs sont entre autres :

- la création d'un statut de prestataire de service des différents exploitants ;

- la création d'une caisse de consignation des cautions versées par les gérants à la Sonatel qui leur permettra de profiter des intérêts bancaires générés ;

- la baisse du prix d'achat de l'unité pour les exploitants qui sont des prestataires de service ;

- l'application d'un prix de vente unique à 100 francs CFA par l'Etat via l'ART, un prix que tous les exploitants devront respecter sous peine d'être pénalisé pour la sauvegarde de l'emploi menacé ;

- la définition d'une fourchette de prix unique pour tous les cybercentres ;

- la mise sur pied de sections/UNETTS dans chaque quartier unissant tous les exploitants;

- la redynamisation de toutes les associations régionales, départementales et rurales d'exploitants de télécentres/téléservices.

Au regard de ses objectifs, cette association cerne l'essentiel des préoccupations des exploitants même s'il faut déplorer une quasi-absence de référents aux intérêts des usagers.

Cependant, l'UNETTS doit relever beaucoup de défis dont le plus sérieux est sans doute la sensibilisation des 30 000 gérants qui exploitent les 17 000 lignes de téléphone dans les télécentres éparpillés dans tout le pays. Cette sensibilisation fait pour l'instant défaut, l'union est mal connue des propriétaires et gérants. En effet, sur les 31 propriétaires et gérants interrogés, seuls 11, soit 35,5%, ont déclaré connaître leur association. Les deux tiers d'entre eux, soit 64,5% ignorent l'existence de cette entité.

1 - 2 - 2 - La baisse de la rentabilité

La rentabilité financière des télécentres est diversement appréciée par les propriétaires et gérants. En effet, bien que la majorité (67,7%) des propriétaires et gérants enquêtés pense que le rapprochement spatial des télécentres n'affecte en rien leur rentabilité et que le télécentre ne fait pas faillite s'il est rigoureusement géré, 32,3% parmi eux considèrent par contre que le temps de la rentabilité est révolu en raison du nombre important de télécentres et de leur proximité spatiale. A côté de cette principale raison citée par 22,6-% des propriétaires et gérants pour expliquer la baisse de la rentabilité des télécentres, il faut ajouter le crédit qu'ils sont parfois obligés de faire aux parents et/ou voisins qui sont pour la plupart de mauvais payeurs (avec19,3% des réponses) ; les taxes élevées payées à la Sonatel et au fisc (16,1%) ; l'absence de réglementation et la concurrence sauvage (16,1%) ; la rivalité, le manque de cohésion des gérants et la non uniformisation des prix

(13%) ; la cherté de la location des lieux (6,5%) ; le développement fulgurant du téléphone cellulaire (3,2%) et enfin les faux billets de banque et le vol (3,2%).

2 - Les motivations d'ouverture des télécentres

Les enquêtes révèlent que l'ouverture de ces espaces de communication est motivée par deux principales raisons : des raisons financières et des raisons sociales.

Les raisons financières sont les plus fréquemment invoquées par les propriétaires et gérants de télécentres (90,4% des réponses obtenues). Nécessité rend ingénieux dit-on, or Ouagou Niayes est un espace où le chômage est très présent dans les ménages. Pour remédier au chômage, les populations s'adonnent à de multiples activités dont les télécentres. Ces derniers sont considérés par les propriétaires et gérants de télécentres rencontrés non seulement comme des supports en technologies de l'information et de la communication mais aussi comme des moyens d'intégration des circuits économiques et sociaux par des activités créatrices de profit et d'emploi.

Les télécentres emploient environ 24 000 personnes à travers tout le pays, soit 0,2% de la population totale du Sénégal.

Mais en dehors des motivations financières, il y a les motivations sociales ou familiales même si la finalité est la recherche de profit. Elles sont moins importantes que les premières puisque parmi les 31 propriétaires et gérants interrogés, seuls 3 d'entre eux, soit 9,6%, affirment avoir ouvert un télécentre pour employer (ou être employé par) un frère, une soeur, un neveu, bref un parent.

II - Les caractéristiques et activités des télécentres

1 - Les caractéristiques des télécentres

Les télécentres sont loin d'être homogènes, car la Sonatel ne fixe pas de conditions pour l'aspect extérieur. Donc, selon le goût de l'exploitant, ses moyens financiers ou son sens du marketing, la décoration peut être plus ou moins soignée. (34)

Toutefois, au regard de certains éléments, les télécentres présentent les mêmes caractéristiques. Sous leurs aspects intérieurs, l'élément essentiel de différenciation des télécentres est leur superficie qui commande dans une large mesure le nombre de cabines et

(34) Barbier, 1998, p. 25.

Photos nos 2 et 3 : deux télécentres de Ouagou Niayes vus de l'extérieur

Photo : Sylla, 2004.

Selon les moyens financiers dont dispose le propriétaire du télécentre, l'aspect extérieur
de celui-ci est sobre ou . . .

Photo : Sylla, 2004.

d'éléments de confort (chaises, appareils de ventilation...) à incorporer. Concernant leur décoration, on retrouve les mêmes éléments : peintures sobres, portraits de dirigeants des confréries religieuses, des célébrités nationales ( les joueurs de l'équipe nationale de football, les lutteurs...), avis de vente (affiches) de matériels informatiques, d'abonnements pour téléphone cellulaire... Sous leurs aspects extérieurs, presque tous les télécentres portent un écriteau affichant le terme « télécentre » plus parfois un nom faisant référence à la religion musulmane. En plus de l'enseigne, certains télécentres complètent leur présentation par un petit panneau en bois placé en général sur les troittoirs et portant les mêmes inscriptions, auxquelles les gérants ajoutent les activités et services du télécentre ainsi que son emplacement géographique. Les télécentres n'offrent pas cependant tous les services que leurs pancartes affichent Il est donc difficile de se fier à l'affichage extérieur. Mais les gérants le reconnaissent volontiers, l'objectif est avant tout de faire entrer le client. Après, il est toujours possible de palabrer, de négocier, etc.(35)

Il s'avère impertinent de faire une typologie de télécentres sur la base de leurs caractéristiques sus invoquées. Mais selon les textes officiels de la Sonatel, il existe deux types de télécentres : les EspaceTel et les EspaceTel Plus. (voir annexes)

A Ouagou Niayes, il n'y a aucun télécentre de type EspaceTel Plus.

2 - Les activités des télécentres

Les télécentres offrent généralement à leur clientèle divers services à des prix variés.

2 - 1 - Les services offerts

Les télécentres mettent à la disposition des usagers une gamme de services diversifiée, allant du téléphone à la connexion à Internet en passant par le fax, le télécopieur, la vente de journaux, de produits alimentaires (bonbons(36), jus, etc.), vestimentaires (habits, chaussures) et de produits de beauté. Cependant, ce n'est pas tous les télécentres qui offrent tous ces services à la fois. Les télécentres n'ont d'ailleurs en général que le service téléphonique en commun.

Dans le quartier Ouagou Niayes 74,2% des télécentres s'adonnent à d'autres activités en dehors du service téléphonique contre 25,8 % qui se limitent uniquement au téléphone. En plus des services sus cités, certains télécentres abritent des étals de mercerie, d'encens et des vidéo-

(35) Barbier, 1998, p. 27

(36) La vente de bonbons dans les télécentres est d'habitude motivée par le désir des gérants d'aplanir les problèmes de monnaie.

clubs. D'autres vendent des accessoires de téléphone cellulaire et du matériel informatique. Par ailleurs, il y a plusieurs télécentres logés dans les salons de couture, des studios photo et des boutiques d'alimentation générale. Dans ce cas, le téléphone ne constitue pas la principale activité mais vient au second plan. C'est du reste dans ces «télécentre-boutiques » où il y a eu les plus forts taux de non-réponse lors des enquêtes.

Si certains propriétaires et gérants (6,5%) déclarent pratiquer d'autres activités dans l'enceinte de leurs télécentres parce que les gens en ont besoin ou qu'elles vont de pair avec les activités de télécentres, d'autres, par contre, le font essentiellement pour « joindre les deux bouts », « pour se tirer d'affaires puis que le télécentre ne marche pas toujours », « pour amoindrir les charges locatives très élevées », « pour pouvoir payer convenablement les employés (gérants) » ou enfin «pour ne pas dépendre uniquement du télécentre, on ne sait jamais ! ».(37)

Aucun télécentre n'offre une liaison à Internet. Aussi, 29% seulement des propriétaires et gérants de télécentre ambitionnent-ils d'ouvrir un cybercafé à cause de sa rentabilité ou pour ne pas se limiter à une mono-activité. C'est dire donc qu'en dépit des encouragements de la Sonatel à héberger ou à fournir des sites Web à leur clientèle, les propriétaires et gérants des télécentres demeurent encore très réticents. 71% d'entre eux disent non à l'idée d'un cybercafé. Les prix dissuasifs du matériel informatique, le coût élevé de sa maintenance, le manque d'espace ainsi que le nombre croissant de cybercafés dans le quartier sont les raisons avancées pour excuser cette réticence.

2 - 2 - Les prix pratiqués

Depuis la libéralisation de l'ouverture des télécentres en 1995 et la suppression des règles qui instauraient le respect d'une certaine distance entre deux télécentres, ces derniers sont confrontés à de sérieux problèmes de concurrence. Celle-ci se traduit par une âpre guerre des prix entre les télécentres désormais distants de quelques mètres seulement. L'effet conjoint d'un tel phénomène est la baisse des prix de l'unité de communication téléphonique.

Tableau n° 6 : répartition des télécentres selon le prix de l'unité d'appel

 

effectifs

%

Prix d'une unité
d'appel

65 F

7

22,6

75 F

23

74,2

80 F

1

3,2

Total

31

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

(37) Ce sont là les propos recueillis des propriétaires et gérants rencontrés lors des enquêtes.

L'examen du tableau n°6 montre la prédominance des télécentres vendant leur unité à 75 F CFA (74,2 %). Ils sont suivis des télécentres qui vendent à 65 F (22,6%), ceux commercialisant leur unité à 80 F CFA fermant la marche avec 3,2%. Cette situation témoigne de la baisse progressive des prix qui est l'effet induit de leur spatialité compacte et de la concurrence.

Trois télécentres ont refusé de révéler le nombre d'unités qu'ils arrivent à vendre quotidiennement. Mais les informations recueillies des autres permettent de dire que la majorité d'entre eux (29%) vend entre 200 et 300 unités par jour. Les télécentres qui vendent journellement moins de 100 unités ne font que 19,4%. Cependant, il y a une proportion plus ou moins importante de télécentres qui font entre 300 et 400 unités par jour et même plus de 400, avec respectivement 12,9% et 9,7%.

Le nombre d'unités vendues par jour par un télécentre est généralement tributaire de la position géographique de celui-ci, du prix de vente de son unité d'appel mais aussi du nombre de cabines dont il dispose.

L'analyse du prix de vente de l'unité d'appel des télécentres révèle que la concurrence ne handicape pas forcément ceux qui commercialisent leur unité à 75 francs, certainement parce qu'ils sont numériquement plus considérables. Toutefois, tous les télécentres qui parviennent à faire plus de 400 unités par jour pratiquent un prix unitaire de 65 francs.

Le nombre de cabines par télécentre permet de mieux les départager. A Ouagou Niayes, 45,2% des télécentres ont deux cabines, 41,9% n'en ont qu'une. Ceux qui disposent de trois et quatre cabines sont moins nombreux. Ils représentent dans l'ordre 9,7% et 3,2%.

L'essentiel des télécentres qui n'ont qu'une seule cabine font moins de 100 unités quotidiennement; ceux qui en ont deux, font pour la plupart entre 200 et 300 unités par jour. Enfin, tous les télécentres qui parviennent à vendre plus de 400 unités journellement, ont trois ou quatre cabines (et vendent leur unité à 65 F).

Les prix pratiqués par les télécentres de Ouagou Niayes sont de manière générale abordables comme le pensent 68,3% des usagers interrogés, seul un télécentre vend l'unité d'appel à 80 F. Le nombre d'unités qu'ils parviennent à commercialiser quotidiennement est élevé dans l'ensemble. Cela traduit la forte utilisation de ces outils de communication sociale et commerciale par les habitants de la localité.

Cependant, la concurrence qui marque ce secteur d'activités et qui entraîne la baisse des prix ne bénéficie véritablement qu'aux consommateurs. Du fait que la Sonatel vend l'unité de communication à 60 francs CFA, de nombreux de télécentres fonctionnent à perte et se voient ainsi

condamnés à la fermeture, une fermeture qui favorise la suppression d'une importante activité génératrice de profit aux propriétaires et d'emploi aux gérants.

CHAPITRE II : LES CYBERCAFES SUR LA TRACE DES TELECENTRES

S'il est aujourd'hui une technologie qui mérite le plus l'attention d'un géographe du fait de la nouvelle conception du temps et de l'espace qu'elle autorise, à travers la remise en cause des dichotomies local/global, l'ici/l'ailleurs, centre/périphérie, c'est à coup sur l'internet. Impulsé au cours des années 1970 par le Ministère de la Défense Américain, l'Internet est venu fédérer les réseaux de communication décrétant de façon irrémédiable la fin de beaucoup de contraintes auxquelles se heurte le paradigme communicationnel entre les peuples du monde.

Depuis la connexion du Sénégal en 1996, Internet a fait l'objet d'une réelle appropriation à la fois par les entreprises, les ménages et les individus dont il répond de façon efficace aux divers besoins. L'Internet est une technologie à la fois simple, puissante et efficace. Il permet la manipulation de tout type de document que ce soit des textes, des photos, des cartes géographiques, des dessins, de la vidéo, du son, etc. Il permet également de réunir en un laps de temps une documentation importante et une foule d'informations sur un sujet quelconque et /ou d'établir, en quelques instants seulement, la communication entre les personnes spatialement très distantes. C'est justement ce qui explique le rythme d'ouverture élevé des points d'accès à cette technologie (cybercafés) qui suivent au pas l'empreinte des télécentres.

Il s'agit dans ce chapitre d'abord d'analyser la répartition spatiale des cybercafés dans Ouagou Niayes, ensuite d'expliquer les raisons d'ouverture des cybercafés et leurs caractéristiques, et enfin, de présenter les services qu'ils mettent à la disposition des usagers.

: cybercafé

Echelle : 1 / 2 000e Source : DPS, 2004 Carte améliorée par Sylla.

I - Une distribution spatiale encore très lâche

Malgré une réelle pénétration d'Internet dans les habitudes de vie des populations, le nombre de cybercafés à Ouagou Niayes reste assez limité. En effet, il n'y a que trois cybercafés dont les deux (2) sont localisés à 0.N.2 et le troisième à 0.N.3. Leur distribution dans l'espace du quartier demeure ainsi flottante (voir la carte n°4) et la densité très faible : 1 cybercafé pour 2 111 personnes théoriquement.

Tous les cybercafés sont distants d'au moins 200 mètres, ce qui empêche a priori la concurrence entre eux et permet aux gérants de profiter (mais de façon inégale) des retombées financières très largement commandées par une logique comerciale, en lien avec l'accessibilité et la fréquentation de l'infrastructure. Comme le souligne Sambou (38) se faire un chiffre d'affaires de 180 000 francs par jour est fort motivant ! Mais les chiffres d'affaires varient selon les endroits d'implantation de l'unité de production. A titre d'exemple, dans la banlieue dakaroise, certains opérateurs se font des recettes de près d'un million de francs l'année. Dans les zones touristiques, les recettes tournent autour de 170.000 francs la journée, les touristes constituant le gros de la clientèle affectés qu'ils sont par le mal du pays. (39)

Par ailleurs, en dépit d'une faible densité, les cybercafés sont suffisants pour permettre une « ex- territorialisation virtuelle» en ce sens que le territoire n'est pas seulement un espace économique et politique construit mais un lieu réapproprié, pratiqué, vécu par des populations qui n'ont pas forcément participé à son élaboration.(40) En effet, Internet limite considérablement la portée des frontières en réduisant les limites de l'espace et du temps. Il permet aux utilisateurs de se connecter à temps réel ou à temps programmé à des activités se déroulant à des distances éloignées, ce qui favorise un effondrement des barrières telles que la nationalité, l'appartenance ethnique ou confessionnelle, la culture, la race, etc. et autorise une remise en cause du paradoxe de l'interface local/mondial. Avec l'Internet, c'est désormais l'attraction des réseaux, la vertu de l'ennemi proche et de l'ami lointain ; façon habile et non polémique de définir un « territoire » négociable avec ces amis lointains et non-discutable avec ses rivaux proches .(41)

(38) Ansoumana Sambou, 2001, p. 39.

(39) Idem. p.40.

(40) Marie Claude Cassé, 1995, « Réseaux de télécommunication et production de territoire » in Sciences de la Société, Territoire, société et communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995, p.75.

(41) Emmanuel Eveno, 2004, « La géographie de la Société de l'Information : entre abîmes et sommets », Netcom, vol. 18, n° 1-2, p. 25.

II - Les motivations d'ouverture et caractéristiques des cybercafés

L'avènement des NTIC n'a décidément pas laissé les Sénégalais indifférents. Loin de là, l'Internet a eu un véritable impact et le constat de la prolifération des cybercafés suffit pour s'en convaincre. Les cybercafés s'implantent un peu partout à Dakar, aussi bien dans les quartiers riches que dans les milieux défavorisés du centre et de la périphérie.

1 - Les motivations d'ouverture

L'ouverture des cybercafés est soutendue par des motivations économiques et financières même si l'effet induit est d'ordre intellectuel, avec notamment les innombrables possibilités de communication de recherche et de documentation qu'offre l'Internet à ses usagers. L'exploitation de cybercafés est en effet un créneau porteur.

A Ouagou Niayes, les cybercafés enquêtés ont été ouverts entre 2000 et 2003 avec comme motivation première la recherche de profit par les propriétaires. Toutefois, l'ouverture des cybercafés permet aussi de créer des emplois : tous les cybercafés du quartier emploient individuellement au moins trois personnes dont la plupart sont des femmes.

Les cybercafés favorisent par effet d'entraînement le développement du quartier notamment en permettant aux populations de se former ou de se perfectionner en informatique et en mettant à leur disposition un outil de communication et de travail très efficace.

2 - Les caractéristiques des cybercafés

Les cybercafés présentent des différences caractéristiques perceptibles tant sous leurs apparences intérieures qu'extérieures. En effet, selon les moyens financiers dont dispose le propriétaire, l'aménagement de l'infrastructure est plus ou moins bien entrepris. Les écarts les plus remarquables se lisent à travers leurs aspects internes en lien avec leur niveau d'équipement : nombre d'ordinateurs fonctionnels, présence d'un scanneur, d'un photocopieur, d'un fax...Sous ce rapport seul un cybercafé, « Le Taîf Cybercafé », dispose de tous ces équipements.

L'aspect extérieur des cybercafés est d'habitude peu différencié. Tous les cybercafés se présentent avec une devanture peinte avec des tons différents, des portes en bois et en verre recouvertes d'affiches indiquant les services offerts et leurs tarifs, un panneau indicateur de la présence du cybercafé, etc. La convivialité ainsi que le confort constituent aussi des éléments essentiels de caractérisation des cybercafés. Ils participent fortement de l'attractivité de la structure et favorisent par voie de conséquence une augmentation de son niveau de fréquentation et d'utilisation. Il y a enfin les charges des cybercafés qui sont très différentes : un seul exploitant

Photo n° 4 : vue extérieure d'un cybercafé à Ouagou Niayes

Photo : Sylla, 2004.

L'aspect extérieur des cybercafés est d'habitude peu différencié. Tous les cybercafés se présentent avec
une devanture peinte avec des tons différents, des portes en bois et verre recouvertes d'affiches indiquant
les différents services offerts et leurs tarifs, etc.

est propriétaire des locaux de son cybercafé, les deux autres sont locataires et payent entre 30 000 et 65 000 francs FCFA mensuellement ; le nombre d'employés à payer à la fin du mois (entre 2 et 4).

3 - La prestation de services

Les cybercafés offrent une gamme diversifiée des services aux utilisateurs, allant de la connexion à l'Internet à la formation en informatique en passant par les services bureautiques. Le prix d'accès minimal aux services de tous les cybercafés du quartier est de 300 francs CFA pour une heure de connexion et 200 francs pour la demi-heure. (42)

Les cybercafés permettent au grand public d'avoir accès à Internet qui est à la fois une source de documentation, une source de loisir, un moyen de communication et un outil d'aiguillage permettant de localiser l'information recherchée. Mais que trouve t- on sur Internet ?

L'Internet comprend différentes applications(43) et propose une large palette de services d'information. Les applications Internet sont multiples et variées. Il s'agit notamment :

de la messagerie électronique communément appelle e-mail (pour electronic mail )ou courrier électronique ou encore courriel : elle permet aux personnes qui disposent d'une boîte aux lettres électroniques et qui sont connectées à Internet ou à un réseau lié à Internet par une passerelle, d'échanger des messages textuels et des documents ;

des listes de diffusion thématiques ou Mailing Lists : elles permettent de réunir une foule d'informations ponctuelles, de renseignements et des avis différents, existant sur un même thème. Ces listes sont envoyées dans la boîte aux lettres de chacun sur simple demande. Elles disposent d'une adresse et tout ce qui lui est envoyé est immédiatement transmis aux boîtes aux lettres des demandeurs ;

-- des News Groups : ce sont des forums de discussion, une sorte d'arbre à palabre virtuel

(42) L'uniformisation des prix ne résulte pas d'un désir commun à tous les exploitants, c'est plutôt la concurrence qui l'entretient, aucun cybercafé ne voulant être « délaissé » à cause d'une fourchette de prix plus élevée. Mais malgré cette uniformisation des prix, tous les exploitants ne s'en tirent pas de la même façon car d'autres facteurs entrent en jeu : la position géographique du cybercafé; ses charges locatives; le nombre de machines dont il dispose; le nombre d'employés à payer, etc.

(43) Une application est un ensemble de procédures et de traitements informatiques dont le tout résout complètement un problème administratif, scientifique ou technique, Ginguay, Lauret, 1993, « Commission permanente de la recherche géographique », Cité par Roland Prelaz-Droux, 1995, Système d'information et gestion du territoire : approche systémique et procédure de réalisation, PPUR (presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 156 p.

sur des thèmes précis et variés. A la différence des mailing lists, les informations des Newsgroups ne sont pas distribuées à chacun mais stockées physiquement sur un serveur spécifique, régulièrement mis à jour que l'usager doit contacter. L'avantage d'une telle disposition est que l'usager n'est pas submergé de messages dans sa boîte mais se contentera plutôt de consulter uniquement les échanges qui l'intéressent ;

de la connexion à des serveurs distants comme Telnet ou FTP (file transfer protocol) : ces deux applications offrent respectivement la possibilité de connecter son ordinateur à une machine géographiquement distante et de rapatrier sur son ordinateur la copie d'un fichier quelconque à partir d'un ordinateur distant ;

la dernière application d'Internet concerne les outils de rechercher d'informations. Parmi eux, nous avons Gopher (« fouine » en anglais) et le World Wide Web (toile d'araignée mondiale). Le logiciel Gopher est un fichier de classement par menus hiérarchisés permettant d'accéder à différentes ressources existant sur l'Internet quelle que soit leur localisation. Quant au World Wide Web appelé indifféremment Web, WWW ou W3, c'est un système d'échanges d'informations à l'échelle planétaire, permettant la manipulation de tout type de document localisé sur différents sites, grâce à l'hypertexte.(44)

En ce qui concerne les services sur Internet, il en existe quatre types : les services gratuits, les services commerciaux, l'édition en ligne et les banques de données.(45)

En dehors des multiples avantages qu'Internet procure aux usagers, il y a un large éventail de services que proposent les gérants de cybercafés à leur clientèle. En effet, à l'instar des télécentres, certains cybercafés (comme « Le Taïf » et « Le Cyberium ») offrent la possibilité d'utilisation d'un fax, de faire des photocopies, de scannage et de traitement de texte. Ils proposent aussi aux usagers des sessions de formation en informatique basée essentiellement sur l'utilisation de la souris, du clavier, des applications Word, d'Excel, etc. Le public ciblé est varié : ceux qui savent lire mais pas écrire ; ceux qui savent lire, écrire mais non manipuler un ordinateur ; ceux qui savent lire, écrire, manipuler un ordinateur mais qui n'ont aucune connaissance en Internet et/ou en informatique.

Le nombre de sessions de formation par année varie entre 1 et 4. La durée de la formation ainsi que le nombre de participants changent d'un cybercafé à l'autre et d'une session à l'autre. Les tarifs sont souvent compris entre 5 000 francs CFA et 15 000 francs par session.

(44) Technique de liaisons de certains mots d'un texte vers les mêmes mots d'un autre texte : les mots, phrases, expressions, logos et icônes ont été programmés pour renvoyer à d'autres textes.

(45) Cécile Bernat, 1997, Op. Cit. p.11.

Les différents services offerts par les cybercafés aux utilisateurs constituent d'importantes sources de revenus pouvant considérablement alléger les multiples charges de fonctionnement (coûts de la location, de la maintenance du matériel, factures d'électricité..). Cependant, au-delà de leur aspect lucratif, les cybercafés participent de la formation des résidents du quartier, de la « démythification » de la technologie Internet, du développement de l'accès aux NTIC et de leur appropriation par le plus grand nombre.

CHAPITRE III : LES PROPRIETAIRES ET GERANTS DES TELECENTRES ET CYBERCAFES, ENTRE
UNITE ET DIVERSITE

Dans un contexte socio-économique marqué par le chômage et l'inactivité des jeunes, les télécentres et cybercafés constituent d'importantes activités créatrices d'emplois et de richesses. Or, Ouagou Niayes étant un quartier essentiellement résidentiel qui n'offre aucune activité à ses habitants, télécentres et cybercafés sont des moyens efficaces pour remédier au chômage. C'est ainsi qu'ils occupent un nombre plus ou moins important de personnes dont certaines sont propriétaires des structures et d'autres des gérantes. Qu'est-ce qui fonde les particularités de ces gens ? Voilà le domaine de préoccupation que ce chapitre prend en charge.

I - Profil des propriétaires des télécentres et cybercafés

1 - Les propriétaires de télécentres, des commerçants en majorité

Le nombre de propriétaires de télécentres interrogé lors des enquêtes est de seize (16). L'examen de leurs caractéristiques socio-démographiques montre diverses situations. Toutefois, l'élément de l'analyse qui, au regard des objectifs de l'étude, retient le plus l'attention, est relatif à leur occupation professionnelle.

En effet, la répartition des propriétaires de télécentres en fonction du genre révèle la prépondérance des hommes (97% contre 6,3% de femmes). Cette disproportion se justifie probablement par le fait que les hommes sont moins affectés par la pauvreté et disposent ainsi en général davantage de moyens financiers nécessaires à la réalisation de ces types d'infrastructures. Ils sont par ailleurs d'habitude moins passifs que les femmes quant à la recherche de promotion socio-économique.

Les propriétaires sont d'ethnies diverses mais les Wolofs sont majoritairement représentés avec un pourcentage de 62,5%. Les Pulaar (18,7%) viennent en seconde position avant les Sereer, les Bambara et les Diola qui font chacun 6,3%.

Leurs âges sont compris entre 27 et 48 ans avec une moyenne tournant autour de 37,6 ans. Seuls 31,2% parmi eux ont un âge inférieur à la moyenne, 68,8% en ont plus.

Le niveau d'instruction est assez élevé puisqu'un (1) seul propriétaire sur seize (16) a le niveau élémentaire. 37,5% sont de formation arabe / coranique, 18,7% ont atteint le niveau secondaire et 37,5% ont mené des études supérieures. C'est donc probablement cet assez-bon niveau d'instruction qui leur donne l'esprit d'entreprenariat et le sens des affaires.

Par ailleurs, les propriétaires des télécentres sont en majorité des personnes mariées avec un proportion de 68,7%. 31,3% seulement d'entre eux vivent dans le célibat.

Enfin, ce sont des gens d'un confort financier et d'une capacité d'investissement avérés. En effet, la majorité d'entre eux sont des commerçants (50%). Ceux-ci sont suivis des photographes, informaticiens, peintres et vendeurs de PMU, regroupés sous l'appellation « autres » et qui représentent 25% de l'effectif total des propriétaires ; des fonctionnaires et enseignants avec 6,3% pour chaque catégorie. Cependant, 12,5% des propriétaires n'ont pas d'autre occupation professionnelle en dehors de celle que leur offre l'exploitation de leurs télécentres, c'est-à-dire le statut. (cf. tableau n° 7)

Tableau n° 7 : répartition des propriétaires de télécentres en fonction de l'activité professionnelle

principale

 

Effectifs

%

Activité
professionnelle
principale

sans

2

12,5

fonctionnaire

1

6,3

commerçant

8

50,0

enseignant

1

6,3

autres

4

25,0

TOTAL

16

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Un tel constat fait penser que les propriétaires de télécentre sont en majorité des gens aisés, qui ont une situation financière plus ou moins confortable puisque l'ouverture d'un télécentre nécessite un lourd investissement, dissuasif pour plus d'un sénégalais.

Deux propriétaires ont refusé de révéler le montant du bénéfice -- gain obtenu après le règlement des factures du téléphone, d'électricité et de la location -- qu'ils tirent mensuellement de leurs télécentres, alléguant le caractère confidentiel de cet élément. Néanmoins, les informations recueillies des autres permettent d'affirmer que ces gens tirent des bénéfices substantiels de leurs entreprises (cf. tableau n° 8).

Tableau n° 8 : répartition des propriétaires selon le bénéfice mensuel tiré de l'exploitation des télécentres

 

Effectifs

%

Bénéfice mensuel en
francs CFA

non réponse

2

12,5

40 000 - 80 000

4

25,0

80 000 -120 000

9

56,2

120 000 - 160 000

1

6,3

TOTAL

16

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Le bénéfice moyen mensuel tiré de l'exploitation des télécentres par les propriétaires s'élève à plus de 80 000 francs CFA. 25% des exploitants gagnent entre 40 000 et 80 000 francs CFA par mois, 56,2% entre 80 000 et 120 000 francs et 6,3% entre 120 000 et 160 000 francs.

De manière générale, 62,5% des exploitants ont mensuellement un bénéfice supérieur à la moyenne et 37,5% d'entre eux en ont moins.

2 - Les propriétaires de cybercafés, un niveau d'instruction élevée et une assise financière confortable

Un seul propriétaire a fait l'objet d'enquête car dans les autres cybercafés ce sont des gérantes qui ont été rencontrées. Ses caractéristiques peuvent donc ne pas se prêter à généralisation mais il est utile de les relever.

Ce propriétaire est d'ethnie Wolof, âgé de 30 ans, d'état matrimonial célibataire et d'un niveau d'étude universitaire. Il n'a pas d'autre activité à part celle liée à l'exploitation de son cybercafé mais se dit d'une assise financière confortable. Le montant du bénéfice mensuel qu'il tire de son cybercafé s'élève à plus de 200 000 francs CFA.

II - Profil des gérants de télécentres et cybercafés

1 - Une prépondérance féminine dans la gestion des télécentres

Quinze (15) gérants de télécentres ont été interrogés lors des enquêtes. Ils présentent une multitude de caractéristiques mais le trait saillant de l'analyse est relatif à leur répartition en fonction du sexe. Voir le tableau n° 9.

Tableau n° 9 : répartition des gérants de télécentres en fonction du sexe

 

Effectifs

%

Sexe

masculin

6

40

féminin

9

60

TOTAL

15

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

En effet, la plus grande partie des gérants des télécentres du quartier sont des femmes (60%). La prépondérance des femmes dans la gérance des télécentres s'explique sans doute par l'apport qu'elles peuvent avoir dans le niveau de fréquentation de ces lieux. Elles peuvent attirer en effet une importante clientèle composée de surcroît d'hommes d'habitude très réceptifs à l'idée d'aller téléphoner à partir de télécentre dont le gérant est de sexe féminin.

Le croisement de cette variable -- le sexe -- avec d'autres comme le niveau d'instruction, la situation matrimoniale, l'activité professionnelle principale et le montant de la somme qu'ils gagnent de la gestion de ces structures révèle les constats suivants :

- les gérants ont un niveau d'instruction nettement plus élevé que celui des gérantes mais il y a, à l'opposé, plus de femmes instruites que d'hommes ;

- l'essentiel des gérantes n'a pas d'activité professionnelle différente de la gérance de télécentre tandis que chez les gérants, il n'y a qu'un seul qui ne dispose pas d'une autre activité ;

- la gestion des télécentres profite mieux aux gérants qu'aux gérantes : chez les premiers, en effet, seuls 26,7% ont moins de 40 000 francs par mois tandis que chez les seconds, ce pourcentage est de 53,3%.

Par ailleurs, la répartition ethnique des gérants de télécentres épouse celle des chefs de ménage avec notamment une prédominance des Wolofs (60%) et une minorité de Bambara (6,7%). Les Pulaar et les Sereer viennent respectivement en deuxième et troisième rang avec par ordre des proportions de 20% et 13,3%.

Leur âge varie entre 17 et 38 ans, la moyenne tournant autour de 28,5 ans. Seul un (1) gérant est âgé de moins de 20 ans alors que la plupart (46,7%) d'entre eux a un âge compris entre 25 et 29 ans. Toutefois, les gérants âgés de plus de 34 ans sont plus ou moins bien représentés avec un pourcentage de 20% (cf. tableau n°10).

Tableau n° 10 : répartition des gérants de télécentres en fonction de l'âge

 

Effectifs

%

Tranches d'âge

moins de 20

1

6,7

20 - 24

2

13,3

2 5 - 29

7

46,7

30 - 34

2

13,3

35 - 39

3

20,0

TOTAL

15

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

élémentaire, 20%. Seul un gérant est analphabète. C'est dire donc ces gens ont globalement un niveau d'éducation satisfaisant, éventuellement parce que la gestion d'un télécentre repose en grande partie sur l'usage de l'écrit et exige un peu de savoir lire, écrire, compter, etc.

L'examen de leur situation matrimoniale montre que les gérants sont majoritairement des célibataires avec une proportion de 86,7% contre 13,3% seulement de mariés. L'occupation professionnelle et le revenu mensuel des gérants ne leur permettraient-ils pas de répondre matériellement aux exigences d'une vie en union ?

L'analyse de l'occupation professionnelle principale des gérants de télécentres révèle en tout cas qu'ils sont pour la plupart de jeunes gens désoeuvrés qui ont abandonné très tôt l'école ou qui n'ont pas trouvé du travail après les études. En effet, 40% d'entre eux n'ont aucune autre activité en dehors de la gestion des télécentres. Il y a néanmoins parmi eux quelques commerçants (20%) ; un enseignant (6,7%) ; des élèves, des comptables, des soudeurs métalliques regroupés sous l'appellation «autres » avec un pourcentage de 33,3%.

Enfin, le revenu moyen mensuel qu'un gérant obtient du travail de son télécentre s'élève à 37 000 francs CFA. La majorité (80%) d'entre eux a moins de 40 000 francs CFA par mois et 20% ont entre 40 000 et 80 000 francs mensuellement.

2 - Les gérants de cybercafés, des célibataires au niveau d'éducation élevé

Le nombre de gérants de cybercafés interrogés lors des enquêtes est de deux (2). Ils sont tous de sexe féminin et présentent des caractéristiques différentes sauf pour ce qui est de leur état matrimonial et de leur niveau d'instruction, qui retiennent du coup l'attention.

Les gérantes des cybercafés sont en effet d'ethnies Wolof et Pulaar. Elles sont âgées de 21 et 31 ans et sont toutes les deux célibataires. Elles sont également d'un niveau d'éducation supérieur. La plus jeune perçoit moins de 40 000 francs CFA par mois et la plus âgée entre 40 000 et 80 000 francs mensuellement, du seul fait de la gérance de ces infrastructures de communication.

Conclusion

Télécentres et cybercafés constituent aujourd'hui des éléments incontournables dans la grille de lecture du paysage de Ouagou Niayes et de tout l'espace urbain de Dakar. Leur omniprésence dans ce quartier est un fait avéré même si beaucoup d'écarts subsistent encore dans leur déploiement spatial, les télécentres étant de loin plus présents que les cybercafés. Ils permettent à un nombre plus ou moins considérable de personnes d'avoir une activité rémunératrice et de gagner ainsi leur vie. Cependant, il faut remarquer qu'au niveau de Ouagou

Niayes, les cybercafés génèrent plus de profits à leurs acteurs que les télécentres. Des différences de « revenus » existent également entre les propriétaires et gérants, les premiers étant plus avantagés que les seconds aussi bien avec les télécentres qu'avec les cybercafés. Il faut aussi relever que les télécentres et cybercafés ne profitent pas uniquement aux acteurs sus cités. Ils constituent en effet d'importants outils de communication mis à la disposition des populations qui s'en approprient pour différents usages.

Encadré
Extraits des entretiens avec le Président de l'UNETTS / août 2004.

Aujourd'hui, au Sénégal, grâce à la Sonatel, nous sommes parvenus à accroître la production dans le domaine des télécoms de manière très positive, contrairement à beaucoup de pays africains. En Afrique, c'est seulement le Sénégal, l'Afrique du sud et un peu le Maghreb qui constituent les grands fléaux qui ont vraiment bien travaillé dans le domaine des télécoms. Le résultat est qu'au niveau des populations, l'accessibilité et la densité sont très acceptables même par rapport à certains pays européens. Le secteur des télécentres par exemple emploie plus de 30 000 personnes, donne à la Sonatel plus de 50 milliards de chiffre d'affaires par année et à l'Etat plus de 7,5 milliards annuellement. Il gère aussi un parc de plus de 17 000 lignes de téléphone. Ce qui constitue un poids économique extrêmement important. Cependant, il reste beaucoup à faire car même au lendemain de la libéralisation du secteur, l'Etat n'a pas encore mis sur pied une lettre de politique sectorielle définissant cette nouvelle procédure de fonctionnement du secteur. Jusqu'à présent il y a le monopôle de la Sonatel et même si cette société a bien travaillé par rapport au cahier des charges qu'elle a signé avec l'Etat, elle n'a pas encore réalisé la connexion de 1000 villages sur 14 000. Donc, globalement, le secteur des télécoms se porte bien, les prix sont compétitifs mais techniquement, il reste beaucoup à faire pour l'accroissement de la densité.

Aujourd'hui, le Sénégal pouvait bien dépasser ce stade là en matière de télécoms. Mais il y a beaucoup d'obstacles. Au niveau de l'Etat, par exemple, il y a absence de réglementation et de politique définie de manière sectorielle à travers une libéralisation des télécoms. Il y a l'ART mais elle a des manquements juridiques. Or pour un pays qui coordonne la commission NTIC au NEPAD et qui doit donner l'exemple à ses pairs, c'est extrêmement grave. Toutefois, avec la récente nomination d'un ministre chargé des postes et télécommunications, un vide vient d'être comblé.

Beaucoup de cybercafés sont des survivants au Sénégal. D'abord à Dakar, les prix tournent autour de 300 francs CFA pour une heure de navigation même si pour quelques mois après, le magasin ferme. Mais dans les régions de l'intérieur, à Tamba par exemple, l'heure de navigation est passée à 2 000 francs. Le ministre des télécoms dit l'avoir constaté lui-même. C'est également le même processus qui se passe à Foundiougne dans la région de Fatick. Imaginez des gens qui payent 2000 francs pour naviguer sur Internet pendant une heure ! Est-ce que dans ces conditions on peut dire que les populations ont accès aux NTIC et qu'on est entrain de réduire la fracture numérique? Est-ce que dans ces conditions on est entrain d'aider les populations dans les quartiers à l'accès à l'Internet, c'est-à-dire au développement de manière générale dans la Société de l'Information ? Ce n'est pas possible !

Les télécentres constituent un secteur extrêmement important dans le domaine des télécoms au Sénégal. Sans les télécentres, les populations allaient avoir des problèmes dans leurs communications internes et avec l'international. Auparavant, les gens passaient dans les bureaux demander des coups de fil. A la fin du mois, on constatait que le budget téléphonique de l'Etat augmentait parce que quelqu'un pourvoyait à un parent, un ami venu lui demander à téléphoner. Aussi, quand il y avait accident dans un quartier, les gens avaient des problèmes pour appeler les sapeurs pompiers. Maintenant, il suffit tout juste de faire quelques pas et de pénétrer dans un télécentre pour appeler les secours face à un accident, un incendie, etc. Le ministre de l'intérieur dit lui-même avoir constaté, avec les télécentres, une nette amélioration de son travail. Dans beaucoup de secteurs où il y avait des problèmes, les télécentres ont amené des solutions.

Ce sont donc les télécentres qui devraient régler le problème de l'accessibilité des populations aux télécoms surtout en matière d'Internet, mais ce n'est pas le cas. Pourtant il y a une effervescence des gérants de télécentres qui veulent tout de suite passer du télécentre au cybercafé. Le principal blocage dans le secteur constitue justement l'absence de réglementation au niveau des prix. Le gérant ouvre son télécentre, le transforme en cybercafé en y mettant un dispositif d'investissements très chers : ordinateurs, fax, etc. Il est face à une population affamée d'accessibilité aux TIC mais dans 3 ou 4 mois, il sera obligé de fermer son magasin parce que les prix pratiqués sur le terrain ne lui permettent pas de continuer à fonctionner. C'est pourquoi, le Sénégal est très en retard dans le passage du télécentre au téléservice. L'ART et le ministère en charge des télécoms devraient étudier cela et surtout faire des propositions dans ce domaine.

Juridiquement, on ne peut pas poser le problème de la proximité des télécentres. La Sonatel a eu l'intelligence de ne pas le faire figurer dans le contrat qu'elle a signé avec les gérants, refusant ainsi, en tant qu'opérateur, de constater le désordre infernal qu'il y a dans les agréments des télécentres. C'est quand le phénomène a pris de l'ampleur, que la Sonatel a essayé de le freiner notamment en suspendant les agréments. Ce sont des milliards que la Sonatel a refusé de prendre pour justement essayer d'assainir le secteur. Malheureusement, c'était pour quelques temps seulement. On a constaté que ce n'était pas uniquement à l'opérateur de décider, il fallait aussi le soutien de l'Etat. Aujourd'hui, le désordre s'amplifie, les télécentres GSM polluent le marché n'importe comment avec des appareils non agréés par l'ART. Tout ce qui fait commerce dans le secteur des télécoms doit être agréé par l'ART or ces appareils ne le sont pas. Mieux encore, ces gens n'ont pas de registre de commerce alors qu'il faut en avoir pour faire ce genre de travail. Le désordre est donc patent, il est même entrain d`être institutionnalisé. Et nous allons nous battre contre cela, c'est clair !

INTRODUCTION

Les télécommunications matérialisent le transport de la pensée, nous voilà devant l'aspect le plus proprement anthropo-géographique de la circulation puisque la pensée est la marque de l'homme et sa communication, le fait social par excellence.(46) Par rapport à ces considérations, il paraît intéressant d'analyser les caractéristiques des usagers des télécentres et cybercafés ainsi que les usages qu'ils font de ces instruments de communication qu'ils se sont appropriés.

CHAPITRE I : LES USAGERS DES TELECENTRES ET CYBERCAFES : DES PROFILS VARIES

Les télécentres et cybercafés font l'objet d'une appropriation plus ou moins forte de la part des habitants du quartier Ouagou Niayes. En effet, ils sont utilisés par une portion non négligeable de la population qui en use de façon effective dans les différents domaines de leur vie sociale, relationnelle, commerciale, etc. Cependant, les utilisateurs des télécentres et cybercafés, bien qu'ils aient en commun le fait de profiter des avantages de ces outils de communication mis entre leurs mains, présentent beaucoup de dissemblances, perceptibles tant au niveau de leurs caractéristiques socio-démographiques (sexe, âge, niveau d'étude...) qu'au niveau de leur environnement familial et de leur degré d'aisance financière. Ainsi, parmi les usagers des télécentres et cybercafés, il y a à la fois des chômeurs, des travailleurs des secteurs formel et informel, des hommes et des femmes, des nationalités différentes, des jeunes, adultes, etc. Si une généralisation ne peut être a priori faite sur la base des résultats de l'enquête, une lecture fine des données obtenues peut permettre de dégager une tendance forte de leur profil général.

I - Les caractéristiques socio-démographiques des usagers

1 - Genre et âge des usagers

. Le genre : du fait du faible niveau de sensibilisation, du faible niveau du pouvoir d'achat, de certaines contingences sociales, les femmes utilisent moins les services de TIC que les hommes.(47) Plus de la moitié des utilisateurs enquêtés sont des hommes : 56,7% contre 43,3% de femmes. Pourtant ces chiffres ne traduisent point la répartition par sexe de la population de

(46) Max Sorre, 1948, Les fondements de la géographique humaine. Tome 2 : Les fondements techniques, Paris, Librairie Armand Collin, pp. 509-517, Cité par Thiaw, 1995, p. 49.

(47) Ramata Thioune, Khamate Sène, 2001, p. 64.

Ouagou Niayes qui est du reste égalitaire. Un tel paradoxe pourrait donc se justifier par le faible niveau d'information des femmes sur le potentiel de ces technologies même s'il faut relativiser avec le cas des télécentres. Il y aussi le fait que les hommes sont d'habitude moins sollicités que les femmes pour les tâches domestiques de routine et sont donc moins soumis aux rigueurs parentales : surveillance stricte, interdiction de sortie...

. L'âge : l'examen de l'âge des usagers, qui varie entre 13 et 44 ans, montre qu'ils sont

relativement jeunes.

Tableau n° 11 : répartition des usagers en fonction de l'âge

 

Effectifs

%

Tranches d'âge

Moins de 16

10

16,7

16- 24

28

46,6

25- 34

16

26,7

35 - 44

6

10,0

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

L'âge modal des utilisateurs est compris entre 16 et 24 ans, la moyenne tournant autour de 23 ans. 16,7% des utilisateurs ont moins de 16 ans et 26,7% ont un âge compris entre 25 et 34 ans. Ceux qui sont âgés de plus de 34 ans constituent la minorité avec 10%. Il apparaît donc en clair que les jeunes gens sont les principaux usagers de l'Internet dans ce quartier.

2 - Niveau d'instruction des usagers

Les utilisateurs sont relativement bien instruits. En effet, 60% d'entre eux ont atteint le niveau secondaire et 33,3% le niveau universitaire. Seul 1,7 % d'entre eux est de niveau élémentaire et 5% sont de formation arabe/coranique. Ces derniers, bien qu'ils ne maîtrisent pas souvent les formalités et la langue d'usage du téléphone ou de l'Internet, peuvent prétendre à une assistance technique de la part des gérants des lieux ou alors faire recours à un ami ou un membre de leur famille, pour satisfaire leurs besoins en communication et/ou en information.

3 - Ethnies et nationalités des usagers

La distribution des utilisateurs en fonction de l'ethnie reproduit de façon plus ou moins correcte la répartition ethnique des chefs de ménage, marquée par une prépondérance des Wolofs. Mais au regard de la nationalité des utilisateurs interrogés, il y a une présence notoire d'étrangers.

Ces derniers, par souci de commodité, sont représentés dans le tableau n°12 sous l'appellation « autres ».

Tableau n° 12 : répartition des usagers en fonction de l'ethnie

 

Effectifs

%

Ethnies

Wolof

32

53,3

Sereer

6

10,0

Bambara

3

5,0

Pulaar

4

6,7

Autres

15

25,0

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Les utilisateurs sont majoritairement d'ethnie wolof (53,3%) et minoritairement des Bambara (5%). Les Sereer et les Pulaar, avec par ordre 10% et 6,7%, viennent respectivement en troisième et quatrième position derrière les « autres ».

Les « autres », (25%), sont essentiellement composés de Maliens, de Capverdiens et de Béninois. Ils constituent le gros de la clientèle des cybercafés (au regard des abonnements vendus par les gérants et du nombre d'heures de connexion demandées journellement) soucieux qu'ils sont d'avoir des nouvelles de leurs proches laissés au pays.

II - Environnement familial, activités professionnelles et revenus des usagers

1 - Environnement familial des usagers

Les usagers sont issus en général de familles monogames de taille variant pour la plupart entre 4 et 9 personnes. Les chefs de ces familles sont en majorité d'un niveau d'instruction secondaire, des chômeurs et des travailleurs indépendants dont le salaire moyen le plus fréquent est compris entre 100 000 et 150 000 francs CFA. Ils n'ont aucune autre source de revenus en dehors des revenus de transfert (mandat et autres).

Les familles d'origine des usagers sont pratiquement toutes équipées d'un branchement en eau (95%) et utilisent de l'électricité comme mode d'éclairage (98,3%). Leurs dépenses quotidiennes excèdent 5 000 francs CFA. Enfin, à la question de savoir si leurs revenus mensuels arrivent à couvrir correctement les dépenses de leurs familles, 66,7% des chefs de ces ménages ont répondu positivement et 33,3% négativement.

2 - Activités professionnelles des usagers

Les usagers ont diverses occupations professionnelles mais les élèves sont les mieux représentés. Ils font à eux seuls un pourcentage de 43,3%. Voir le tableau n°13.

Tableau n° 13 : répartition des usagers en fonction de l'activité professionnelle

 

Effectifs

%

Activités
professionnelles

sans

8

13,3

commerçants

2

3,3

élèves

26

43,3

étudiants tudiants

8

13,3

fonctionnaires

2

3,3

autres

14

23,3

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Il y a une forte présence des travailleurs indépendants parmi les utilisateurs des télécentres et cybercafés. Il s'agit notamment de designers, d'informaticiens, de photographes, de sportifs et de chercheurs en astrologie, regroupés sous l'appellation « autres » et qui représentent 23,3% de l'effectif global des usagers. La troisième grande catégorie d'utilisateurs est constituée par les étudiants (13,3%) et les chômeurs (13,3%) sans doute conscients du grand apport que les technologies peuvent être dans l'amélioration de leur sort.

Les fonctionnaires sont peu représentés dans l'échantillon. Ils ne font que 5%. Une telle situation peut se justifier par le fait qu'ils disposent souvent d'autres possibilités d'accès au téléphone et à l'Internet, dans leur lieu de travail ou à domicile.

Les commerçants du quartier Ouagou Niayes ne connaîtraient-ils pas Internet ou sinon auraient-ils des besoins en information assez spéciaux pour entrer en inadéquation avec les contenus du réseau des réseaux ? Tout laisse à y croire puisque cette catégorie sociale représente le groupe marginal de l'échantillon, avec 3,3% seulement.

3 - Revenus des usagers

Comme le montre le tableau n°14, plus de la moitié des utilisateurs des télécentres et des cybercafés ne disposent pas de revenu mensuel.

Tableau n° 14 : répartition des utilisateurs selon le niveau de revenu mensuel

 

Effectifs

%

Montant du
revenu
mensuel en
FCFA

sans

39

65,0

moins de 40 000

2

3,3

40 000 - 80 000

6

10,0

80 000 - 120 000

5

8,3

120 000 - 160 000

4

6,7

160 000 - 200 000

3

5,0

plus de 200 000

1

1,7

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

En effet, 65% des enquêtés n'ont pas de revenu à la fin du mois. Mais l'échantillon étant majoritairement constitué d'élèves et d'étudiants, cette situation trouve très vite une explication plausible : ces catégories sociales ne disposent d'habitude ni de fonds propres, ni de ressources financières permanentes.

Parmi les utilisateurs qui disposent d'un revenu, la plupart (10%) a entre 40 000 et 80 000 francs CFA mensuellement. Rares sont ceux qui ont un revenu dont le montant excède 160 000 francs par mois. Il n'y a du reste qu'un utilisateur qui a plus de 200 000 francs comme revenu mensuel.

Toutefois, 20% des enquêtés contribuent de façon régulière aux dépenses de leurs ménages et 8,3% le font de façon irrégulière.

Par ailleurs, certains usagers disposent d'un « budget » qu'ils réservent exclusivement à l'utilisation d'Internet. Ils sont en effet 21,7% à consacrer entre 1000 et 10 000 francs CFA par mois, de leurs ressources financières, pour accéder aux services des cybercafés.

De manière générale, les usagers des télécentres et cybercafés dans le quartier Ouagou Niayes présentent différentes caractéristiques. Cependant, ils semblent tous conscients de la capacité de ces technologies à améliorer leur vie de relation, en rendant leur communication efficace et en leur fournissant l'information utile, celle susceptible d'être transformée en connaissances utilisables dans leurs domaines d'activités respectifs.

CHAPITRE II : LES USAGES DES TELECENTRES ET CYBERCAFES PAR LA POPULATION

Le téléphone est devenu un mode de vie grâce à l'apport important des télécentres. L'Internet également a fait une percée significative dans les habitudes de vie des populations. Celles-ci utilisent les télécentres et cybercafés pour émettre des communications, pour en recevoir, pour chercher de l'information, mais aussi pour profiter des autres services qu'ils offrent. Cependant, quels peuvent être les facteurs de fréquentation de ces espaces de communications par les populations ? A quelle fin sont-ils utilisés ? Quel est le contenu des communications et les contraintes qui les entravent ? Quelles sont enfin les enjeux qui se rattachent à l'usage des technologies? Telles sont les interrogations auxquelles ce chapitre tente de répondre.

I - L'usage des télécentres par la population

1 - Les facteurs de fréquentation des télécentres

Les télécentres évitent aux populations les déplacements inutiles et onéreux. Ils leur permettent donc d'une certaine manière de se libérer des contraintes de l'éloignement tout en économisant de l'argent. C'est ce qui explique le recours des habitants du quartier Ouagou Niayes à ces espaces de communication. Toutefois, la fréquentation des télécentres demeure assujettie à des facteurs tels que les coûts onéreux de l'abonnement téléphonique domestique, l'accessibilité physique de l'infrastructure et son attirance.

1 - 1 - Les coûts onéreux de l'abonnement domestique

Les frais d'installation du téléphone en zone urbaine s'élève à 43 900 francs CFA, les frais de raccordement, la caution remboursable ainsi que les frais de timbres inclus.(48) L'abonnement téléphonique est de ce fait considéré, à tort ou à raison, comme très coûteux par bon nombre de sénégalais. C'est ce qui justifie d'ailleurs certaines attitudes observables dans beaucoup de concessions, comme :

- le fait de castrer le téléphone dans un mobilier approprié de sorte que seules les personnes disposant d'une clé aient le privilège d'émettre des appels ;

- le fait de disposer de deux postes téléphoniques : un pour émettre des appels (mais qui reste enfermé dans la chambre du propriétaire) et un autre pour la réception (celui-ci faisant partie intégrante du mobilier de salon).

L'abonné domestique tient compte du tarif téléphonique car à la fin de chaque bimestre, il doit payer une facture en même temps s'acquitter de certaines obligations domestiques (alimentation) et d'autres prestations de service (eau, électricité...). Donc, son abonnement reste étroitement lié à son pouvoir d'achat qui a fortement chuté ces dernières années. Chaque année, les factures non payées (à la Sonatel) sont de l'ordre de 15%.(49) Le non-paiement des factures téléphoniques est lié aux difficultés financières que vivent les ménages. De ce fait, l'usage domestique du téléphone n'étant pas toujours une nécessité, beaucoup de ménages s'en passent préférant utiliser les services des télécentres.

(48) www.osiris.sn

(49) Eric Thiaw, 1995, p. 60.

Photo n° 5 : un usager des télécentres en conversation téléphonique

Photo : Sylla, 2004.

Cet usager est en pleine conversation téléphonique dans un télécentre de Ouagou Niayes. Cette cabine, décorée par le portrait de l'un des dirigeants de la confrérie mouride et équipée

d'appareil de ventilation et d'une chaise confortable, peut permettre aux utilisateurs de

communiquer en toute quiétude.

1 - 2 - L'accessibilité physique de l'infrastructure

Elle est en rapport avec la distance qui sépare les télécentres des lieux de résidence ou d'activités des usagers, puisqu'il existe une certaine distance au-delà de laquelle la fréquentation d'un télécentre peut être faible voire nulle. Sous ce rapport, les télécentres de Ouagou Niayes sont tous très accessibles : ils se situent en général dans des rayons de moins de 30 mètres des demeures des utilisateurs.

La proximité des télécentres est d'ailleurs ressentie par les habitants : 93,3% d'entre eux déclarent que les télécentres qu'ils utilisent habituellement sont proches de leurs demeures contre 6,7% qui les jugent éloignés d'eux. Cependant la proximité d'un télécentre ne garantit pas toujours sa fréquentation par les usagers. D'autres facteurs entrent en jeu dont le prix de vente de l'unité d'appel, la rapidité des compteurs, le voisinage, ainsi la nature des relations que le gérant entretient avec sa clientèle.

Par ailleurs, il faut faire le départ entre l'accessibilité physique sus-citée et l'accessibilité financière et technique. Ces dernières s'expriment en rapport avec les moyens financiers et les capacités intellectuelles dont dispose l'utilisateur pour accéder au service téléphonique. Mais puisque les tarifs de communication sont devenus moins chers (en raison de l'augmentation du nombre de télécentres et de la baisse consécutive des prix de l'unité d'appel) et que les gérants des télécentres assistent parfois techniquement les utilisateurs analphabètes, ces deux éléments sont devenus moins pertinents dans l'analyse de l'accès au téléphone, surtout en milieu urbain.

1 - 3 - L'attirance de l'infrastructure

Elle constitue le troisième facteur de fréquentation des télécentres identifié. Elle est largement déterminée par la beauté physique de l'infrastructure, le nom qu'elle porte et le prix de son unité d'appel.

La beauté d'un télécentre concerne aussi bien sa vue extérieure que son aspect intérieur. Un cadre bien aménagé et ventilé, avec des cabines non exiguës, décorées avec des portraits des dirigeants religieux garantit quelquefois le rehaussement du niveau de fréquentation de la structure.

Les noms des télécentres sont nombreux et variés. Et comme l'affirment les propriétaires et gérants des locaux, ils peuvent servir à attirer des clients. Ainsi, 64,5% des télécentres portent des noms qui font souvent allusion à la religion musulmane : noms du Prophète (PSL), de ses compagnons, des marabouts de toutes les confréries confondues... certainement pour toucher la sensibilité des fervents croyants. Certains propriétaires préfèrent cependant donner à leur télécentre des noms plus neutres, probablement pour paraître impartiaux puisque les usagers des télécentres ne sont pas tous de la même religion.

Le prix de l'unité d'appel du télécentre est de loin le principal facteur d'attirance de la clientèle. L'observation de quelques-uns (pratiquant des prix variés), à des jours et moments différents, a permis de constater que les télécentres les mieux fréquentés sont ceux qui vendent leur unité à moindre prix. Le bas prix est donc un facteur d'accroissement de l'affluence vers la structure même s'il faut parfois y ajouter un bon accueil et de l'assistance de la part du gérant, des cabines spacieuses et hermétiques qui mettent l'utilisateur dans de bonnes conditions de communication (confort, sérénité, confidentialité) tout en le protégeant du bruit dans l'enceinte.

2 - Les jours et les moments de fréquentation des télécentres

Les enquêtes ont révélé que le rythme de fréquentation des télécentres est très variable, ceci en raison de la multiplicité des besoins et des différents niveaux de confort financier des utilisateurs. Ainsi, la majorité (36,7%) des personnes interrogées déclarent aller au télécentre approximativement 1 à 2 fois dans la semaine. 31,7% y vont environ entre 3 et 4 fois par semaine ; 13,3% entre 5 à 6 fois et 10% plus de 7 fois. 8,3%% ont répondu par « cela dépend » et par « rarement ».

Concernant les jours, les plus prisés sont le samedi et le dimanche (week-end) avec 35% des réponses reçues. Toutefois, 65% des usagers interrogés soutiennent ne pas avoir de jour particulier pour téléphoner. Ainsi, s'il est vrai que le téléphone constitue un outil de communication dont l'utilisateur peut avoir besoin tous les jours et à tout moment, il l'est tout autant qu'il y a des jours et des moments particuliers que les usagers des télécentres choisissent volontairement, pour passer leurs communications.

Tableau n° 15 : moments de fréquentation des télécentres par les usagers

 

Nombre de
réponses

%

A quel moment
allez-vous
souvent
téléphoner ?

la journée

9

15,0

la nuit

36

60,0

pas de moment particulier

15

25,0

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Pour 60% des usagers, la nuit constitue le moment idéal pour passer le coup de fil. Seuls 15% d'entre eux portent leur préférence à la journée et de 25% n'ont pas de moment particulier.

Le choix des jours et moments pour téléphoner est diversement motivé. Bien que certains parlent de «jours de repos » (le week-end), «de convenance personnelle », «de peur de sortir la nuit » ou «de pouvoir trouver leurs correspondants chez eux », force est de reconnaître que la

motivation première du choix des jours et moments pour téléphoner est liée à la tarification des appels.

La taxation des communications téléphoniques varie selon que celles-ci soient nationales ou internationales. Elle change aussi en fonction des jours et des heures. Le facteur temps prend ainsi une importance capitale. Les tarifs pleins s'appliquent du lundi au vendredi de 8 h à 20 h et les réductions interviennent du lundi au jeudi de 20 h à 8 h et du vendredi à 20 h au lundi à 8 h ainsi que les jours fériés. Cette tarification est valable pour toutes les destinations. (50)

3 - Les contenus et contraintes des communications téléphoniques

1 - Les contenus des communications

L'échange et la communication à l'échelle de la cellule familiale sont fondés essentiellement sur le voisinage et la proximité géographique. Dans ce cas, on a des échanges monétaires et matériels. Avec les NTIC, les échanges dépassent le cadre matériel, englobent les idées et concernant un monde extérieur de plus en plus lointain.(51)

Dans un contexte urbain marqué par une forte immigration et un fort dynamisme démographique qui posent de sérieux problèmes de mobilité et de transport, l'apport des télécentres (ou du téléphone tout court) dans l'établissement des liens humains est énorme. Ils anéantissent l'obstacle de l'éloignement, raccourcissent les distances, font économiser du temps et de l'argent, permettent la jonction des populations et raffermissent le lien social qui n'est désormais plus basé sur la proximité spatiale.

Pour les habitants de Ouagou Niayes interrogés, les télécentres constituent le support qui sous-tend la création d'un véritable réseau de relations entre parents, amis, camarades de classe, collègues de travail, etc. vivant ou non dans le même quartier, la même ville ou le même pays.

Le diagramme ci-dessous (figure n° 4) montre les relations que les populations de Ouagou Niayes arrivent à tisser avec l'extérieur grâce au téléphone. L'épaisseur des flèches varie en fonction de l'intensité des relations.

Figure n° 4 : diagramme des flux téléphoniques du quartier Ouagou Niayes.

FRANCE

Adultes

ETATS-UNIS

Jeunes

AUTRES PAYS
EUROPEENS

PAYS
AFRICAINS

AUTRES REGIONS
DU PAYS

DAKAR

OUAGOU NIAYES

Source : enquêtes, juin - août 2004.

L'analyse de la figure n°4 révèle que les adultes sont en général plus actifs que les jeunes en ce qui concerne l'utilisation des télécentres probablement en raison de leur rôle prépondérant dans les communications de leurs cellules familiales avec l'extérieur.

La région de Dakar constitue légitimement le premier espace de communication et d'échange des habitants du quartier car ce dernier se trouve en son sein et les autres espaces qui composent la région constituent ses voisinages immédiats. Les autres régions du pays viennent au second plan des relations des habitants du quartier. Il faut aussi relever l'importance des communications téléphoniques avec l'étranger. Sous ce rapport, la France occupe la place prédominante loin derrière les Etats-Unis et les autres pays européens, ceux d'Afrique fermant la marche.

A travers ce schéma, apparaît le rôle important des télécentres dans la formation ou la consolidation des réseaux sociaux. La personne vivant à Dakar n'est plus éloignée de ses parents ou amis se trouvant dans les régions de l'intérieur du pays ou à l'étranger. Ils peuvent désormais s'informer mutuellement de leur vie jusque dans les moindres détails. Les communications se font à temps réel sur des sujets de discussion multiples (études, travail, cérémonies familiales, etc.).

L'importance des communications destinées à la recherche d'informations et aux ventes/achats mérite d'être soulignée. Elles concernent respectivement 73,3% et 16,5% des réponses reçues. La recherche d'informations intéresse essentiellement le secteur les études et les activités économiques des usagers. Elle est généralement satisfaite entre amis avec 40% des

réponses obtenues. L'information recherchée est de divers types : commercial, ludique, éducatif, sensible, privé... Plusieurs raisons expliquent le recours aux télécentres pour disposer de l'information ou pour rendre la communication efficiente. Voir la figure n° 5.

Figure n° 5 : diagramme hiérarchique des motifs d'utilisation des télécentres

Pour fixer R.V

Pour les taquiner

Pour des urgences

Pour gagner du temps/ ils habitent loin

Pour prendre des nouvelles des parents

Pour besoins divers

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Ce diagramme tente une hiérarchisation des motifs qui président à l'utilisation des télécentres. Cette hiérarchisation a été effectuée sur la base de l'importance de la proportion de chaque motif avancé par les usagers.

Elle montre la prégnance des utilisateurs n'ayant pas spécifié la nature de leurs motivations quant à l'usage des télécentres. Ils ont été 38,3% à répondre par : « pour plusieurs raisons », « pour besoins personnels », « pour affaires », etc. Ces réponses sont regroupées sous l'appellation « pour besoins divers ».

Le diagramme fait aussi ressortir la jeunesse des certains utilisateurs pour qui le téléphone est tout juste le moyen de disposer d'informations sur un cours manqué et/ou de faire la taquinerie aux camarades. Il révèle également que contrairement à ce qui est généralement admis, les urgences (6,7%) ne figurent plus à la une des motivations des appels téléphoniques. Il y a donc l'éveil d'une véritable conscience populaire du téléphone comme mode de vie et palliatif des déplacements physiques. La distance n'est désormais plus une contrainte en soi car comme le souligne Tall (52), c'est l'accès aux réseaux de communication qui permet d'intégrer les réseaux sociaux. Mais cela ne fait pas généralement sans contraintes.

2 - Les contraintes des communications

Les contraintes liées à l'usage des télécentres à Ouagou Niayes ne sont pas considérables. En effet, celles imputables à l'accès à l'infrastructure sont anéanties en raison d'une distribution plus ou moins homogène des télécentres dans l'espace du quartier. Les utilisateurs potentiels ne parcourent pas de longues distances pour y accéder.

Les habitants sont plutôt confrontés à des contraintes financières. Celles-ci sont liées à la faiblesse de leur pouvoir d'achat et gênent considérablement l'utilisation des télécentres même si elles ne l'annulent pas pour autant. A la question de savoir s'ils ont ou non quelquefois des difficultés pour payer leurs unités d'appel consommées, 38,3% des usagers ont répondu positivement et 61,7% négativement.

Le temps d'attente d'une cabine libre est aussi défini comme une contrainte par les usagers des télécentres. Time is money dirait certainement l'autre. Ainsi, seuls 10% parmi eux affirment ne pas connaître ce genre de problème tandis que 37,4% soutiennent patienter d'habitude entre 1 et 5 minutes ; 42,7% entre 6 et 10 minutes et 19,9% plus de 10 minutes.

Toutes proportions gardées, l'attente d'une cabine libre n'est pas synonyme d'un nombre de télécentres insuffisant dans le quartier même si 15% des usagers interrogés le pensent. Elle relève plutôt du fait que les gens préfèrent souvent aller téléphoner dans les télécentres où l'unité d'appel est vendue à moindre prix, dans lesquels ils créent de longues files d'attente. Cette attente qui dure parfois plus d'une dizaine de minutes peut être à l'origine de conflits divers (entre usagers et gérants ou entre usagers eux-mêmes) du fait de l'impatience et de l'énervement des uns et de l'incompréhension des ordres d'arrivée par les autres. A cela s'ajoutent l'incapacité financière de certains utilisateurs à honorer la «facture » de leurs communications, les problèmes de monnaie, la rapidité de la télétaxe ou «taxaplus» et le bruit dans l'enceinte du télécentre. Ainsi, 23,3% des usagers affirment avoir souvent des différends avec les gérants et 3,3% s'en prennent généralement aux autres usagers qu'ils trouvent dans les télécentres.

L'obstacle technique relatif à l'analphabétisme de certains utilisateurs n'est pas une contrainte majeure à l'accès aux télécentres en raison de l'assistance que leur proposent souvent les gérants de ces lieux. Ces derniers font d'ailleurs du bon accueil et de la sympathie les piliers essentiels d'attraction et de fidélisation de la clientèle.

II - L'usage des cybercafés par les habitants

L'Internet est une technologie qui connaît une pénétration plus ou moins importante chez la population du quartier Ouagou Niayes dont elle contribue à bouleverser les habitudes en répondant aux préoccupations pratiques. Cependant, l'Internet n'est pas seulement une kyrielle d'opportunités pour ces usagers. Il soulève beaucoup d'enjeux de toutes sortes : économiques, politiques, socioculturels, religieux. En plus, contrairement au téléphone, son utilisation est moins démocratique. Elle aggrave, si elle ne la crée pas, la discrimination par le sexe, l'âge, la race, le niveau d'instruction, le degré de développement. Par rapport à ces considérations, il s'avère intéressant d'analyser les utilisations d'Internet en lien avec l'intérêt passionné et riche de sens qu'il génère chez les populations qui le pratiquent en quête d'opportunité des toutes sortes.

1 - Appréciation des usages des cybercafés

1 - 1 - Les facteurs d'appropriation et les modalités d'utilisation des cybercafés

1 - 1- 1 - Les facteurs d'appropriation des cybercafés

Si au cours des années 90, l'utilisation d'Internet relevait d'un phénomène de mode (le sénégalais étant de nature curieux et très ouvert à ce qui fait l'air du temps), force est de reconnaître qu'aujourd'hui, elle est devenue un phénomène de fond, une façon de vivre. L'utilisation d'Internet est surtout instrumentée par sa capacité à répondre de façon rapide et agissante tant aux besoins de l'Etat et des collectivités locales qu'aux préoccupations des associations et des individus.

Pour l'Etat et les collectivités locales, par exemple, le réseau des réseaux peut contribuer au développement économique et social en désenclavant les zones géographiques difficiles d'accès et en intégrant les populations dans les réseaux économiques et sociaux. L'Internet peut également leur permettre de renforcer la démocratisation et le pouvoir du citoyen en favorisant les interactions entre gouvernants et gouvernés, en revitalisant les institutions civiques et le débat public, et en favorisant l'équité et le renforcement des pouvoirs des groupes vulnérables. Enfin, l'Internet peut être, via le cybercafé, une source de revenus supplémentaires grâce à la taxation et à l'imposition.

Pour les associations et les individus, Internet est un support pertinent en technologie de l'information et de la communication dont les coûts sont plus ou moins supportables. L'Internet leur donne l'opportunité d'entrer en relation avec des tiers, d'échanger des expériences personnelles ou professionnelles, d'avoir en somme une ouverture sur le monde.

Photo n° 6 : des usagers des cybercafés en navigation sur Internet

Photo : Sylla, 2004.

Si au cours des années 90, l'utilisation d'Internet relevait d'un phénomène de mode, elle est devenue aujourd'hui un phénomène de fond, une façon de vivre. Les cybercafés ne désemplissent guère et rares sont les moments où ils ne soient pas pris d'assaut par les utilisateurs.

A Ouagou Niayes, les populations semblent bien conscientes des mille et une possibilités d'Internet. Les cybercafés ne désemplissent guère et rares sont les moments où ils ne soient pas pris d'assaut par les utilisateurs. Les facteurs de fréquentation des cybercafés sont multiples mais les tarifs de connexion proposés par les gérants sont de loin la première source de motivation des usagers. Ainsi, il n'est point aberrant de dire que le cybercafé qui proposerait la fourchette de prix la mieux adaptée à la bourse des utilisateurs aurait le plus vaste champ d'attraction et polariserait davantage d'individus. Mais au facteur prix, il faut ajouter la recherche de confort par les usagers. Si avec les télécentres, cet élément est négligé, c'est tout à fait l'opposé avec les cybercafés où les usagers y accordent un vif intérêt. Sous ce rapport, les cybercafés les plus avantagés sont ceux qui offrent à leur clientèle des cadres spacieux, frais, calmes, ventilés ou climatisés. La raison évidente en est sans doute le climat puisque au Sénégal il fait chaud pendant une bonne partie de l'année.

1 - 1 - 2 - Les modalités d'utilisation des cybercafés

La fréquentation des cybercafés et donc l'utilisation d'Internet comme outil de communication et de recherche d'information sont devenues une habitude chez les individus interrogés au sein des ménages. Si 5% d'entre eux affirment n'aller au cybercafé qu'occasionnellement, 66,7% par contre y vont approximativement une à deux fois par semaine, 15% entre trois et quatre fois et 13,3% plus de quatre fois par semaine.

Plus de la moitié (55%) des utilisateurs se connecte pour une (1) heure de temps seulement. Même s'ils trouvent que c'est suffisant pour naviguer sur Internet, la principale raison qui explique la modicité des heures de connexion demandées est le manque d'argent. Seuls 45% demandent habituellement une connexion de plus de deux (2) heures.

Tout comme avec les télécentres, les usagers des cybercafés choisissent des jours de fréquentation différents. Ainsi, 16,7% vont au cybercafé de préférence les jours ouvrables et 30% les week-end et les jours fériés. 53,3% affirment n'avoir pas de jour particulier pour aller « surfer ». Toutefois, contrairement aux télécentres, la motivation première du choix des jours de fréquentation n'est pas d'ordre financier puisqu'il y a une certaine fixité de la tarification horaire dans les cybercafés. Les raisons invoquées par les individus interrogés font surtout allusion à deux choses : la convenance personnelle et la disponibilité.

Concernant les moments de fréquentation des cybercafés, 40% des usagers disent ne pas avoir de moment particulier. Seul 28,3% d'entre eux choisissent d'aller surfer pendant la journée contre 31,7% qui le font de préférence pendant la nuit. Les raisons justificatives de ces choix sont multiples mais les plus en vue sont l'interdiction de sortir la nuit pour les uns et l'indisponibilité, la recherche de tranquillité et d'une meilleure connexion pour les autres.

La langue de communication et de travail la plus utilisée par les enquêtés est de loin le français avec 81,7% des réponses reçues. Une faible proportion d'utilisateurs (18,3%) fait recours à d'autres langues qui sont par ordre d'importance l'anglais, le portugais, l'allemand et le russe. La langue de communication ne pose pas en général de gros problèmes aux usagers d'Internet, seuls 15% parmi eux déclarent avoir parfois des difficultés liées à la langue d'usage (incompréhension et problèmes d'écriture de certains mots). Ces difficultés sont imputables à la faiblesse du niveau d'instruction et de formation de certains utilisateurs.

1 - 2 - Les usages d'Internet : entre recherche d'informations et communication

Les enquêtes ont révélé que plusieurs motifs président à l'emploi d'Internet par les habitants du quartier. Cependant, la tendance générale qui se dégage de l'analyse des données privilégie la recherche d'information et la communication via l'Internet. Voir le tableau n°16.

Tableau n° 16 : motifs d'utilisation d'Internet par les habitants de Ouagou Niayes

 

Effectifs

%

Principal motif d'utilisation
d'Internet ?

communication

13

21,7

information

8

13,3

Information/communication

37

61,6

Achat de logiciel

1

1,7

Musique/jeux

1

1,7

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Il apparaît à travers l'examen du tableau n°16 que le commerce via le Net n'est pas encore totalement entré dans les habitudes des internautes sénégalais qui pour la plupart ne connaissent pas les procédures pour commercer sur le réseau.

La modicité du nombre d'utilisateurs ayant fait allusion aux loisirs (musique, jeux ...) n'entre pas en résonance avec ce qui se passe en réalité sur le terrain. En effet, les visites menées dans les cybercafés ont permis de remarquer que ce sont des pratiques très prisées surtout par les jeunes.

De manière générale, les données de l'enquête révèlent qu'Internet est utilisé pour satisfaire essentiellement deux types de besoins : l'information et la communication. Cependant, le tableau n°16 montre que le besoin de communiquer prime sur celui de s'informer.

1 - 2 - 1 - La recherche d'informations sur Internet

Quel élève, quel étudiant ambitieux et quel enseignant ou chercheur soucieux de pertinence ne rêvent-ils pas réunir toutes les ressources existantes sur un sujet en un rien de temps seulement ? Quel homme d'affaires n'a pas besoin de savoir ce qui se fait dans son domaine d'activité à l'autre bout de la planète ? Quel voyageur ne souhaiterait-il pas découvrir les réalités de son pays de destination autrement que par les guides touristiques et se saisir en temps réel des problèmes politiques, sociaux et économiques du dit pays ?

Ces interrogations suffisent certainement pour comprendre le recours des usagers au Net. Internet est une source conviviale et intarissable d'informations à l'échelle planétaire, instrumentée par sa rapidité, sa puissance et son étendue géographique.

La figure n°6 fait état de la typologie des informations recherchées par les enquêtés. Les différents types d'informations sont présentés de façon hiérarchique c'est-à-dire en tenant compte de l'importance du pourcentage de chaque élément de réponse reçu.

Figure n° 6 : diagramme hiérarchique des types d'informations recherchées sur Internet

Horoscope (1,7%)

Nouveautés technologiques(5%)

Musique / cinéma (10%)

Sport (15%)

Actualités (21,7%)

Etudes / cours et sujets d'exposé. (46,6%)

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Ce diagramme montre la prépondérance des besoins d'informations liées aux études (46,6% des réponses reçues). Un tel constat se justifie certainement par le fait que l'échantillon est composé en majorité d'élèves et d'étudiants or ces derniers ont souvent besoin de supports ou de compléments de cours. L'Internet permet à ces catégories d'utilisateurs de disposer plus facilement de l'information nécessaire au traitement de leurs thèmes de recherches et sujets d'exposé.

La consultation des actualités en ligne (21,7% des réponses) est essentiellement le fait des professionnels et des étudiants.

La faiblesse de la consultation des horoscopes (1,7%) peut s'excuser par le fait que c'est une pratique peu courante chez bon nombre de Sénégalais. Ces derniers n'y accordent d'habitude qu'un intérêt minime parce que limités par les prescriptions religieuses qui leur défendent de s'enquérir du futur aussi proche soit-il. Il y a encore le fait que les gens désireux peuvent consulter leur horoscope via la presse écrite ou par le biais la radio.

Concernant le sport (15%), l'information recherchée concerne essentiellement les résultats des matchs de football des différents championnats européens, les transferts de joueurs, l'état de forme et l'évolution des joueurs sénégalais à l'extérieur, etc.

La recherche d'information sur Internet n'est donc pas illusoire. C'est au contraire un fait vérifié par les usagers interrogés dans le quartier Ouagou Niayes. D'ailleurs, 73,3% d'entre eux attestent avoir trouvé, au moins une fois, sur Internet une information utile qui leur a concrètement servi dans leurs divers domaines d'activités et sur plusieurs thèmes : management, littérature, actualités diverses, histoire, géographie, sexualité, exposé / SIDA, étude de faisabilité de projet, etc.

La plupart des informations diffusées sur Internet sont gratuites et ce, parce que Internet provient quelque part de la communauté universitaire. Les universités, écoles et unités de recherches y diffusent de ce fait, et parfois même avant leur édition sous forme papier, une masse importante et variée d'informations. Internet est par essence adapté au besoin de diffusion et de partage d'information à titre gracieux. Il permet de se passer des centres classiques de création de l'information et de court-circuiter les relais traditionnels de son expansion. Internet favorise de ce fait une multiplication des dépositaires de l'information.

Toutefois, il faut souligner que les informations en ligne méritent une attention particulière quant à leur utilisation. Le meilleur et le pire se côtoient dans la masse d'informations qui circulent sur Internet. C'est une réplique « virtuelle » du monde réel.(53)

La plupart des informations véhiculées sur le Net ne sont pas vérifiées. Internet est un vaste réseau où chacun peut donner libre court à ses opinions, sentiments et ressentiments sans contrôle ni censure. C'est donc un « espace » de liberté et en même temps le revers de la liberté. Ainsi, même s'il est vrai que la multiplicité des sources de l'Internet fait ses ressources et sa richesse, la prudence est de mise. Mieux vaut examiner la provenance et la crédibilité des informations, et les croiser à la place de les prendre pour argent comptant.

(53) Dominique Hoeltgen, 1995, Internet pour Tous, Paris, Les Editions du Téléphone, p. 20.

1 - 2 - 2 - La communication via Internet

Les communications électroniques donnent une nouvelle dimension aux espaces géographiques et certains parlent même de « géo-cyberespace » pour qualifier l'espace géographique du XXlème siècle.(54) Mais de toutes les technologies, Internet est sans équivoque la plus prompte à transcender les espaces sociaux, culturels et géographiques. Internet permet une négation des distances et un étalement spatial. Il établit la communication par delà les frontières, sans obligation de déplacement et en faisant l'économie du temps et de l'argent.

La communication par Internet se fait essentiellement par le biais de son application aux multiples usages : le courrier électronique ou e-mail. L'e-mail est d'ailleurs, de loin, l'application d'Internet la plus utilisée par les personnes interrogées. Insensible aux obstacles naturels et aux intempéries, l'e-mail permet de vaincre les montagnes, les fleuves, l'hiver, l'été... et d'établir, par- delà les frontières, le lien entre les amis, les parents, les voisins et les inconnus.

Les données de l'enquête permettent de saisir que les jeunes (48,3%) sont particulièrement actifs en ce qui concerne les envois d'e-mail contrairement aux adultes (28,3%) et aux vieux (3,3%) qui constituent la couche marginale de la population des cybercafés.

Les sujets de tchatche sont en général d'ordre amical et/ou professionnel mais quelquefois très sérieux voire intime. La camaraderie, la taquinerie, l'envoi mutuel de photos, l'annonce de nouvelles de toutes sortes se passent bien sur Internet entre les personnes de tout âge et de toute localisation géographique.

Pour les internautes de Ouagou Niayes, Dakar est le premier espace de communication et d'échanges par e-mail, suivi, comme c'était le cas avec les télécentres, des autres régions du pays (pour certains, les parents, amis... se trouvent dans les régions de l'intérieur et ils ont besoin d'établir le contact en permanence) et de l'étranger dont par ordre d'importance l'Europe (la France notamment), l'Afrique (le Bénin, le Cap-vert, le Mali surtout) et l'Amérique (les USA de surcroît).

Il ressort de la distribution spatiale des différents correspondants que le besoin de communiquer via Internet n'est pas nécessairement lié à des impératifs dictés par des contraintes de localisation. En d'autres termes, ce n'est pas seulement parce que son correspondant est éloigné que l'on lui envoie des messages électroniques, faute de pouvoir assurer le contact physique dans

(54) Frédéric Barbier, 1998, p. 2.

l'immédiat. L'envoi d'e-mail est plutôt général et généralisé, il se fait aussi bien entre les gens très rapprochés géographiquement parlant qu'entre les gens distants. D'ailleurs, 36,7% des usagers affirment envoyer souvent des e-mails à des personnes avec lesquelles, ils vivent et se voient constamment. «Nous nous envoyons des messages par plaisir » a dit la majorité d'entre eux.

D'une manière générale, plusieurs raisons peuvent justifier la forte utilisation du courrier électronique par les usagers :

il est rapide : avec l'e-mail, le temps de transmission d'un message (texte, image, son et autres) se mesure en secondes ou en quelques minutes. Et puis, à la différence du fax, par exemple, l'utilisateur n'a point besoin d'imprimer au préalable ce qu'il expédie et de chercher ensuite un télécopieur, ce qui constitue un gain de temps énorme pour lui ;

il est pratique : l'usager peut envoyer ou recevoir un courrier à partir de plusieurs types de terminaux et par l'intermédiaire de plusieurs réseaux. Quelle que soit sa localisation géographique, la personne peut être jointe à la même adresse et à temps réel (l'e-mail fonctionne 24 h/24 et se joue des décalages horaires). Les personnes ne sont--elles pas donc mieux enclines à la mobilité ?

il est économique : le courrier électronique permet de réaliser des économies substantielles. L'utilisateur n'est souvent tenu que de payer au préalable le prix de la connexion à Internet (au gérant pour les usagers des cybercafés ou au fournisseur d'accès pour les utilisateurs personnels ou professionnels). En plus, il s'avère beaucoup moins onéreux d'expédier des fichiers et documents volumineux par e-mail que par les services traditionnels (comme la Poste) par l'intermédiaire desquels on envoyait, et on continue à le faire, les correspondances ;

il est facile à utiliser : le courrier électronique est l'une des applications d'Internet les plus faciles d'utilisation. Sa seule difficulté serait de se procurer l'adresse de ses correspondants. C'est ce qui explique que la question « quelle est votre adresse e-mail ? » soit très en vogue. Le courrier électronique est exempt de formalisme, il n'est soumis à aucun respect des normes grammaticales ou orthographiques. L'usager écrit comme il veut, l'essentiel étant d'arriver directement et rapidement au but.

En définitive, l'Internet est utilisé par les individus en raison des multiples avantages qu'il permet. Il est simple, pratique et facile d'utilisation. Il permet d'amasser une foule d'informations sur divers thèmes et d'établir la communication avec des tiers quelle que puisse être leur position géographique. L'information et la communication sont au coeur de l'action humaine. Ainsi, il faut convenir avec Castells(55) que la transformation des instruments technologiques de la génération du savoir, du traitement de l'information et de la communication ont des répercussions à long terme, qui ajoutent des effets sociaux spécifiques au schéma plus général de la causalité sociale.

Cependant, beaucoup de contraintes, objet du point suivant, entravent l'utilisation de cette technologie et risquent de ralentir, à défaut de l'annuler, son appropriation par le plus grand nombre.

1 - 3 - Les contraintes liées à l'usage d'Internet

Bien qu'à priori, aucun groupe, aucune personne ne soit exclue volontairement de l'utilisation des TIC (technologies de l'information et de la communication), une diversité de facteurs font que certaines couches ou certains groupes ou individus sont exclus à l'accès aux équipements, aux services, applications et aussi aux contenus offerts (56) par les cybercafés. A Ouagou Niayes, bien que l'usage des NTIC de manière générale et de l'Internet de manière particulière soit effectif, les enquêtes ont révélé un certain nombre de contraintes que les populations rencontrent dans l'utilisation de cette technologie. Ces contraintes sont listées dans le tableau n° 17.

Tableau n° 17 : les contraintes liées à l'usage d'Internet

 

Nombre de
réponses

%

Contraintes liées
à l'usage
d'Internet ?

Aucune

11

18,3

Cadre étroit

2

3,3

Déconnexion du réseau

21

35

Indisponibilité des ordinateurs

7

11,7

Lenteur de la connexion

3

5

Manipulation de l'ordinateur

10

16,7

Tarifs de connexion élevés

6

10

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

(55) Manuels Castells, 2001, «Les incidences sociales des technologies de l'information et de la communication », in Les sciences sociales dans le monde, Paris, Editions UNESCO, p.270.

(56) Ramata Thioune, Khamathe Sène, 2001, p. 88.

Seuls 18,3% des usages déclarent n'éprouver aucune contrainte afférente à l'utilisation d'Internet et ce, soit parce qu'ils ne vivent pas ou ne conçoivent pas de la même manière les éléments que les autres ont déclinés comme des difficultés.

D'une manière générale, le tableau n°17 fait ressortir trois types de contraintes : les contraintes liées à l'accès, les contraintes techniques et les contraintes financières.

1 - 3 - 1 - Les contraintes liées à l'accès

L'accessibilité physique de l'infrastructure n'est pas a priori, un problème pour les utilisateurs interrogés. En effet, 80% d'entre eux trouvent que les cybercafés, bien qu'ils ne soient qu'au nombre de trois (3), sont proches de chez eux. Ils n'ont donc pas besoin de faire de longs trajets pour y accéder.

Il y a plutôt le fait qu'à certaines heures (surtout l'après-midi) tous les cybercafés sont fortement pris d'assaut et trouver un ordinateur libre relève de l'impossible. Il faut généralement de longs moments d'attente pour accéder à un poste libre. 11,7% des usagers ont déploré cet état de fait. Cette situation est d'autant plus sérieuse que la plus grande partie des utilisateurs d'Internet n'a, en dehors des cybercafés, aucun autre point d'accès à cette technologie.

Tableau n° 18 : autres points d'accès à Internet en dehors des cybercafés

 

Nombre de
réponses

%

Autres points
d'accès à Internet

aucun

33

55

lieu de travail

9

15,0

école

15

25,0

autres

3

5,0

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

55% des usagers n'ont que les cybercafés pour accéder à Internet, 15% d'entre eux ont Internet en milieu professionnel, 25% en milieu scolaire et 5% utilisent les services d'Internet chez des amis qui en disposent à domicile.

En effet, beaucoup de services administratifs et d'entreprises industrielles publiques et privées sont aujourd'hui connectés à Internet, avisés qu'ils sont de la flexibilité dans l'organisation du travail que cette technologie autorise et de ses innombrables potentialités de croissance, de compétitivité et d'intégration aux marchés mondiaux.

C'est le même intérêt qui est accordé à Internet dans les établissements scolaires dont certains sont connectés grâce à des partenariats scellés avec des ONG et autres organismes de

coopération. Cependant, en raison des coûts élevés du matériel informatique (ordinateurs, périphériques et autres consommables) et des charges supplémentaires (formation des enseignants/formateurs parfois aussi néophytes que leurs élèves en informatique), la pénétration d'Internet dans les écoles est encore très timide et l'accès assez limité.

1 - 3 - 2 - Les contraintes techniques

Le niveau d'éducation et de formation des usagers est le premier élément qui permet d'appréhender les obstacles techniques. Mais dans la zone d'étude, cet élément n'est pas défini comme obstacle majeur à l'usage d'Internet. Le niveau de formation des utilisateurs est assez satisfaisant : 55% d'entre eux ont subi une formation en informatique et 11,7% ont été initiés à l'usage d'Internet. 33,3% n'ont pas été formés pour des raisons liées au manque de moyens financiers, au manque de temps et à la contingence d'une formation pour l'usage d'Internet.

Ainsi, seuls 16,7% des utilisateurs rencontrent des difficultés de manipulation de l'ordinateur. Celles-ci concernent en général le clavier (agencement des lettres) et l'utilisation de la souris.

L'état des installations informatiques des cybercafés peut également être mis à contribution dans l'analyse des contraintes techniques. Dans beaucoup de cybercafés, le nombre d'ordinateurs en place est non seulement insuffisant pour répondre à la forte demande mais aussi la connexion est défaillante. C'est pourquoi, 40% des utilisateurs interrogés invoquent la déconnexion du réseau et les lenteurs de la connexion comme des difficultés d'accès à l'Internet. Cette situation s'explique par le fait que les fournisseurs d'accès proposent divers types de connexions dont les débits et les coûts sont différents (voir annexes). Et selon que l'exploitant dispose d'une capacité financière élevée ou faible, il souscrira un abonnement dont le débit sera rapide ou lent.

Enfin, bien que la proportion d'utilisateurs qui y accordent du crédit soit faible (3,3%), l'étroitesse des locaux de certains cybercafés peut constituer directement ou non une grande difficulté quant à l'usage d'Internet. En effet, certains cybercafés se présentent avec des cadres étriqués et des systèmes de ventilation dérisoires. Dans ce cas, la quiétude et la confidentialité de la navigation sont facilement perturbées par l'entassement, le bruit dans l'enceinte ou l'indiscrétion d'uns vis-à-vis qui ne peut cesser de jeter un regard indiscret sur ce qui se fait à ses côtés.

1 - 3 - 3 - Les contraintes financières

d'accès à Internet sont les moins onéreux du Sénégal. Selon le Président de l'UNETTS, une heure de connexion à Internet se paye à 2000 francs CFA à Tambacounda (cf. encadré, p. 74).

Les obstacles financiers sont liés à la faiblesse du pouvoir d'achat des utilisateurs or presque tous les services liés à Internet sont payants. En effet, en dehors des honoraires de la connexion, il faut souvent avoir suivi au préalable une formation à l'Internet qui ne se fait pas non plus à titre gracieux. Sous ce rapport, la majorité des usagers formés en informatique de manière générale et à l'Internet de manière singulière, l'ont été dans le secteur privé où ils ont déboursé entre 5 000 et 25 000 francs CFA mensuellement. De pareilles sommes ne sont pas à la portée de toutes les bourses, surtout lorsqu'il y a d'autres impératifs plus mordants (le logement, l'habillement, la nourriture....). C'est ce qui explique du reste certaines stratégies individuelles notées çà et là et qui reposent essentiellement sur la curiosité et la débrouillardise : 36,7% des usagers ont subi une auto-formation en informatique et à l'Internet.

Il est noté une quasi-absence d'initiatives de la part de l'Etat et de la Sonatel, visant à faciliter l'accès des couches défavorisées à Internet. En effet, 6,7% seulement des utilisateurs enquêtés ont bénéficié d'une prise en charge de leurs services pour une formation.

D'une manière générale, la tarification doit être adaptée au contexte de l'économie locale et au pouvoir d'achat des usagers. (57)

2 - Regard critique sur l'Internet

L'Internet est devenu le moyen de communication privilégié qui caractérise le monde au XXIe siècle. Son appropriation par les sociétés est telle qu'il s'avère difficile voire impossible de se faire une idée exacte du nombre de ses utilisateurs. Sa diffusion se fait de manière effrénée rendant toute estimation très vite désuète et dépassée. Cependant, même s'il n'est pas abusif de dire qu'Internet répond aux attentes qui fondent son appropriation par les masses, force serait de reconnaître que ce réseau planétaire véhicule du bon et du mauvais, des avantages et des inconvénients.

2 - 1 - Les avantages d'Internet

L'Internet présente une foule d'opportunités pour les personnes qui l'utilisent. Pour les propriétaires et gérants de cybercafés, par exemple, le « commerce » d'Internet permet non seulement de trouver une occupation professionnelle mais aussi de développer, tout en se faisant

(57) Ramata Thioune et Khamathe Sène, 2001, p. 21.

de l'argent, de nouvelles ou en tout cas de meilleures aptitudes techniques, organisationnelles et relationnelles. Pour l'utilisateur, l'Internet est à la fois une source de curiosité et d'intérêt, de formation et de meilleures capacités d'action. L'apport de la technologie Internet dans l'amélioration des conditions de vie, surtout relationnelle, des populations paraît donc bien évident.

Tableau n° 19 : perception de l'Internet par les usagers

 

Nombre de
réponses

%

Avez-vous le sentiment
qu'Internet a amélioré vos
conditions de vie ?

oui

55

91,7

non

5

8,3

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Le tableau n°19 révèle que chez 91,7% des utilisateurs interrogés le sentiment de l'amélioration de leurs conditions de vie par Internet est réel. Les avantages du réseau qu'ils mettent en branle pour justifier ce satisfecit sont listés dans le tableau n° 20.

Tableau n° 20 : les avantages d'Internet selon les usagers

Réponses des enquêtés

Nombre
réponses

%

Quel(s)
avantage(s)
Internet vous
a-t-il
procuré(s) ?

un accès rapide à l'information

11

18,3

la gratuité de l'information

1

1,7

une amélioration des conditions d'études

8

13,3

De nouvelles relations amicales

5

8,3

des loisirs

2

3,3

de l'intelligence

2

3,3

la rapidité de la communication

13

21,7

de nouvelles connaissances de la vie et du monde

7

11,7

le gain de temps

4

6,7

la liberté

1

1,7

des coûts de communication moins chers

1

1,7

TOTAL

55*

91,7*

* 5 utilisateurs soit 8,3% ne semblent pas convaincus des avantages de l'Internet et n'en ont donc pas cités. Source : enquêtes, juin - août 2004.

L'examen du tableau n°20 montre que les avantages de l'Internet qui retiennent le plus l'attention des usagers sont par ordre d'importance la rapidité de la communication (21,3%), l'accès facile à l'information (18,3%), l'amélioration des conditions d'études (13,3%) qui peut permettre d'avoir de nouvelles connaissances sur la vie et sur le monde (11,7%), les nouvelles relations amicales qu'Internet permet de nouer à travers son vaste réseau (8,3%) et le gain de

temps (6,7%). Mais il faut aussi remarquer qu'Internet est un « espace » de loisirs (3,3%) et un « havre » de liberté (1,7%). Il permet aux jeunes, les adolescents en particulier, de se libérer des pôles traditionnels et familiaux de création et de diffusion de l'information où beaucoup de décisions ne sont pas négociables et beaucoup de sujets pas discutables, en raison de leur caractère sensible ou tabou.

En somme, les avantages de l'Internet peuvent se résumer autour de trois points : la rapidité de la communication, la proximité de l'information qui favorisent le rapprochement spatial.

Cinq utilisateurs d'Internet ne paraissent pas entièrement convaincus de l'amélioration de leurs conditions de vie par cette technologie. Pourtant, ces réticents ne sont pas des ignorants de l'outil Internet ni des débutants en la matière. Ils ont atteint en majorité le niveau secondaire et affirment n'avoir aucun problème technique relatif à l'utilisation de l'outil qu'ils maîtrisent du reste. Ce qui fait dire que la perception de la technologie Internet par les individus est marquée par une bonne dose de subjectivité. C'est plutôt un problème qui se pose aussi bien sous fond de vécu que celui de représentation. En effet, tandis les autres utilisateurs mettent en exergue les multiples avantages de l'Internet, ils se refusent quant à eux de le faire, mettant toujours en avant un argumentaire nihiliste alimenté par les inconvénients du réseau.

2 - 2 - Les inconvénients de l'Internet

A l'instar des autres époques civilisationnelles, celle-ci (la nouvelle civilisation d'Internet) a des conséquences à la fois positives et négatives .(58) Donc, comme dit le dicton, « plus ça change, plus c'est pareil ». Toute nouvelle invention draine souvent à la fois un cortège d'avantages et d'inconvénients. La majorité des utilisateurs interrogés semble bien conscients des conséquences négatives d'Internet.

(58) Farhang Rajaee, 2001, p. XVII.

Tableau n° 21 : les inconvénients de l'Internet selon les usagers

 

Nombre de
réponses

%

Quels sont les
inconvénients
de l'Internet ?

Aucun

19

31,7

les risques d'acculturation

4

6,7

les informations non vérifiées

7

11,7

les risques de perversion

14

23,3

la déception lors des rencontres

2

3,3

le racisme

1

1,7

le manque de contrôle

11

18,3

la perte de temps

2

3,3

TOTAL

60

100,0

Source : enquêtes, juin - août 2004.

Seuls 31,7% des utilisateurs trouvent qu'Internet est exempt d'effets négatifs. Pour les autres, par contre les méfaits du réseau sont multiples allant des risques de perversion (23,3%) au racisme (1,7%) en passant par le manque de contrôle (18,3%), les informations non vérifiées (11,7%), les risques d'acculturation encourus par les individus (6,7%), etc.

Les craintes exprimées par les usagers sont bien fondées et légitimes, Internet étant un Farwest d'un nouvel âge ou toutes les dérives sont possibles.(59) Ces craintes sont surtout en lien avec les contenus de l'Internet. Ce dernier renferme de nombreux sites dont la simple visite peut choquer la conscience des enfants, adolescents et adultes qui se livrent parfois à tout et à n'importe quoi sur le réseau dans les cybercafés. Ces sites, accessibles sans aucune difficulté, sont multiples mais nous ne citons ici que ceux auxquels les réponses des utilisateurs ont fait directement ou non allusion. Il s'agit :

,2- des sites pornographiques et pédophiles : il est question dans ces sites de la description et de la communication publiques d'actes explicitement érotiques, c'est-à-dire stimulant le désir sexuel et obscènes, c'est-à-dire sales, honteux et dégradants. Internet propose de nombreux sites qui offrent des pornographies et des vidéos utilisant des photographies de mineurs qui peuvent porter atteinte à la pudeur. Les sites pédophiles sont très présents sur Internet. En 2003, ils ont connu une augmentation de 70%, selon le rapport d'étude de l'association italienne des droits de l'enfant en date du 6 février. Ils ont été estimés à la fin de la même année à plus de 261 653 sites dont 60% aux USA, en Corée du Sud, en Russie, au Brésil, en Italie et en Espagne.(60)

(59) « L'Internet représente-t-il une menace pour l'ordre public ?». Expertises des systèmes d'information, juillet -- août 1996, page 226, Cité par Cécile Bernat, 1997, p.81.

(60) www.innocenceindanger.org

Les nombreuses visites nocturnes effectuées en marge des enquêtes dans les cybercafés ont permis de constater l'ampleur du phénomène de la pornographie. Des personnes, mais surtout les hommes de tout âge, se livrent d'habitude à partir de 23 heures à la consommation passionnée de la pornographie. Or, il est noté dans ce domaine une absence criarde de politique délibérée de la part des instances étatiques dans leur diversité, visant à limiter cette liberté nocive.

C'est le même laxisme qui est constaté chez des gérants de cybercafés.(61) D'ailleurs, les affiches destinées à interdire cette pratique dans les locaux sont confectionnées et placées d'une façon telle à susciter le doute quant à leur réelle volonté de mettre terme à ce phénomène.

,2- des sites sectaires et extrémistes : ces sites sont également incontrôlables et incontrôlés. Ils sont souvent en lien avec des sectes ou religions visant à influencer les jeunes gens, de potentiels adeptes, par le biais d'un prosélytisme débridé ;

,2- des sites racistes : ils mettent en ligne toutes sortes de propos à l'encontre de certaines communautés (noires, arabes, juives, par exemple) et prônent la haine raciale, la négation de la pluralité ethnique et le refus de l'autre ;

,2- des sites sexistes et homophobes : ces sites diffusent souvent des messages profanateurs de la dignité humaine. Ils ridiculisent, insultent et humilient les femmes tout en bafouant leurs apparences de respectabilité.

Tous ces sites sont hautement dangereux et nocifs pour les adolescents en quête de leur identité et de leur personnalité et dont les esprits ne sont pas rompus à la critique. Par ailleurs, les risques d'acculturation invoqués par 6,7% des individus interrogés sont aussi réels. Internet impose la modernité et conduit à la diffusion universelle des mêmes idéaux et des mêmes comportements. Il favorise la mondialisation. Or, la modernité transforme toutes les civilisations existantes, incluant celles de l'Occident. Ce n'est pas l'occidentalisation, mais un changement universel dans les conditions fondamentales de n'importe quelle civilisation, de toutes les civilisations .(62) Dans ces conditions, les individus ou sociétés « acculturés » sont ceux qui ne disposent pas d'une réelle capacité de discernement et qui ne sont pas assez outillés de leurs valeurs propres pour résister à la tentation absorbante de celles des autres.

(61) Les gérants, eux, se disent impuissants devant cette situation tout simplement parce que l'usager paye son argent

et a de ce fait la latitude d'accéder au site de son choix)

(62) David R. Gress, 1997, The drama of modern Wester identity, Orbis, Vol 41, n°4, pp.525-544, Cité par Farhang Rajaee, 2001, p. 67.

Conclusion

Il s'avère cependant utile, pour conclure, de remarquer que ne n'est pas tous les utilisateurs qui visitent tous les types de sites. En effet, les données de l'enquête présentées dans les tableaux 22 et 23 révèlent que les sites pornographiques, racistes et religieux sont les moins fréquentés par les usagers avec dans l'ordre 65%, 10% et 8,3% des réponses obtenues. Les raisons qui poussent les utilisateurs à ne pas consulter ces genres de sites sont multiples mais les plus en vue sont leur manque d'intérêt (26,6%), leur caractère obscène, malsain (8,3%) et la pudeur de certains utilisateurs (8,3%).

Tableau n° 22 : les sites non visités par les usagers

 

Nombre de
réponses

%

Quels sites ne
visitez-vous
jamais ?

Aucun

5

8,3

Racistes

6

10

pornographiques

39

65

Religieux

5

8,3

discussions / rencontres

3

5

Sport

1

1,7

recherches

1

1,7

TOTAL

60

100,0

Tableau n° 23 : les raisons de la non visite de ces sites

 

Nombre de
réponses

%

Pour quelle(s)
raison(s) ne les
visitez-vous
jamais ?

 

5*

8,3

les actes de pédophilie

1

1,7

c'est incorrect

3

5,0

c'est malsain

5

8,3

c'est inutile

4

6,7

C'est irrespectueux et sordide

1

1,7

c'est tabou au Sénégal

2

3,3

ça me fait du mal

1

1,7

ce n'est pas éducatif

4

6,7

certaines actions me mettent hors de moi

1

1,7

c'est contraire à ma religion

3

5,0

influence néfaste

1

1,7

j'ai honte de cela

5

8,3

je ne les aime pas

2

3,3

Je suis jeune et on me l'interdit

2

3,3

ce n'est pas intéressant

16

26,6

par prudence

1

1,7

je n'ai pas de temps pour ça

3

5,0

TOTAL

60

100,1

* Ce sont là les usagers qui avaient répondu par « aucun » dans le tableau n°22 et qui n'ont donc pas répondu à la question. Sources : enquêtes, juin - août 2004.

CONCLUSION GENERALE

Il suffit tout juste de regarder et non pas d'être observateur averti pour remarquer la présence massive des télécentres à Ouagou Niayes et dans tout l'espace urbain dakarois. Les cybercafés eux, sont moins présents mais suivent au pas l'empreinte des télécentres qui les « engendrent » parfois.

C'est que les Sénégalais sont vraiment aptes à développer des stratégies de survie, or télécentres et cybercafés constituent des filons d'or, des moyens pour survivre dans un pays comme le nôtre, marqué par une profonde crise économique qui touche un large pan de la société. Télécentres et cybercafés sont des créneaux porteurs, créateurs d'emplois et de richesses. Ils intéressent actuellement presque tout le monde et caporalisent de ce fait beaucoup d'acteurs en même temps qu'ils suscitent de multiples enjeux. Dans ce contexte, cette étude a paru opportune. D'ailleurs, beaucoup de leçons ont été apprises de son processus notamment en ce qui concerne l'appropriation de ces outils de communication par les populations et leur territorialité.

Pour ce qui est de l'appropriation, le processus diffère selon qu'il s'agit des télécentres ou des cybercafés. En effet, les télécentres présentent un accès moins complexe et plus démocratique pour le commun des Sénégalais. Il n'est pas besoin d'un niveau d'instruction élevé, s'il en est même besoin, ni d'une certaine aisance financière pour avoir accès aux services des télécentres. La grande difficulté résiderait certainement dans l'ouverture de l'infrastructure qui requiert le versement d'au moins d'un demi-million de francs CFA comme dépôt de garantie à la Sonatel. Une telle somme n'est guère à la portée de la bourse du Sénégalais moyen, ce qui explique que les propriétaires des télécentres de Ouagou Niayes soient des personnes d'une assise financière plus ou moins confortable, des commerçants en majorité. Par ailleurs, le contexte des télécentres est marqué par le monopole de la Sonatel qui règne en maître dans le secteur des télécommunications. Cette situation entraîne un malaise général et un courroux collectif chez les exploitants de télécentres soucieux de préserver l'emploi créé. Ils dénoncent, entre autres, la concurrence déloyale, résultat de l'implantation sauvage des télécentres, renforcée par l'absence notoire de réglementation visant à assainir le secteur. Par contre, l'appropriation des cybercafés par les populations s'avère plus complexe et moins rapide. En effet, elle est subordonnée à la satisfaction de certaines exigences discriminatoires dont un niveau d'instruction assez satisfaisant, la maîtrise de l'outil informatique, la maîtrise (comprendre, savoir lire et écrire) d'une ou de plusieurs langues d'usage, et éventuellement la capacité financière à honorer la facture de la connexion à l'Internet. L'appropriation des cybercafés devient ainsi le fait d'une certaine élite (même si la tendance est à la généralisation) qui y va d'habitude d'un processus à deux étapes : une étape de curiosité et d'envie de découvrir l'Internet qu'ils pensaient être à priori pour les

« autres » ; une étape de démythification et d'utilisation de l'outil dans les divers domaines de la vie économique et sociale où le besoin est exprimé. Aussi, contrairement au secteur des télécentres, les exploitants de cybercafés ne sont-ils pas obligés de passer par la Sonatel pour disposer d'une connexion à l'Internet. Les fournisseurs d'accès font légion, le marché est plus libre et l'exploitant a plus de latitude de souscrire un abonnement auprès du fournisseur de son choix. Le principal enjeu soulevé actuellement par l'ouverture et l'appropriation des cybercafés par les populations est plutôt la saturation du marché qui se profile à l'horizon et le problème de l'équité qui se pose en terme de distribution spatiale et de tarification. Sinon, comment comprendre le fait de payer entre 250 francs CFA et 500 francs CFA seulement pour une heure de connexion à Dakar alors qu'il faut parfois jusqu'à 2 000 francs dans les autres régions du pays ?

Pour ce qui est de la territorialité, l'étude a révélé qu'elle est fortement commandée par une logique commerciale et dans une moindre mesure par des considérations subjectives d'ordre social comme le fait d'appartenir à un espace. En effet, tandis que certains propriétaires affirment avoir implanté leurs télécentres ou cybercafés à Ouagou Niayes parce que c'est un quartier populeux susceptible de leur fournir une grosse clientèle, d'autres par contre soutiennent y avoir ouvert leurs structures tout simplement parce qu'ils y habitent. Mais dans un cas comme dans l'autre, le résultat est le même. Les télécentres et cybercafés ont colonisé l'espace du quartier même s'ils ne le structurent pas encore. On trouve au moins un télécentre dans presque toutes les rues ou les coins de rue surtout dans celles passantes ou à forte concentration d'activités économiques. L'importance numérique des télécentres ne manque pas de susciter des enjeux territoriaux. Certains d'entre eux sont spatialement très rapprochés, côte à côte et se livrent de ce fait à une rude concurrence qui cause parfois la faillite de ceux exténués par la lourdeur des charges d'exploitation. Tous les exploitants n'ont pas les mêmes charges : certains sont propriétaires de leurs locaux, d'autres ne le sont pas. Ce sont d'habitude les premiers qui proposent les tarifs les moins onéreux, les autres vendant plus cher parce que devant s'acquitter davantage de frais. La territorialité est par ailleurs marquée par des disparités moins sévères avec les télécentres qu'avec les cybercafés. Les télécentres, en effet, se retrouvent partout dans le quartier tandis qu'aucun cybercafé n'est localisé à O.N.1 (ce secteur du quartier qui détient le plus important niveau de précarité) où le seul cybercafé qu'il a jadis abrité à vite fait de fermer ses portes. Partant de ce constat, il n'est abusif de dire que les cybercafés ne s'implantent pas n'importe où, mais plutôt dans les espaces socio-géographiques accessibles et au potentiel d'utilisateurs avéré.

Télécentres et cybercafés ou plutôt le téléphone et l'Internet sont d'un grand apport dans la vie de relation des populations. Avec ces technologies, l'échange et la communication ne sont plus basés sur le voisinage et la proximité spatiale. Elles offrent une nouvelle conception de la notion de

distance et favorisent une hybridation des interfaces local/global, centre/périphérie. Le téléphone et l'Internet rendent l'information accessible à moindre coût en faisant fi de la distance. Ils permettent d'effacer les contraintes traditionnelles de localisation et de créer de nouvelles formes d'organisation, en réseaux sociaux fortement instrumentés par la compression du temps et la rapidité de circulation de l'information. Enfin, bien utilisés ils peuvent contribuer à soulager la pauvreté et à corriger les inégalités socio-économiques.

Toutefois, il est important d'insister sur le fait que ces outils de communication ne sont pas exempts de limites et même d'effets pervers. Ils ne peuvent pas, par exemple, se substituer aux contacts physiques indispensables dans certaines situations, surtout au moment de prendre des décisions importantes ou de s'engager. Ainsi, comme le souligne Michel Lussault (1995, p. 156), de façon un peu paradoxe, plus il y a de télécommunication, plus il y a de déplacements physiques. Mais ces derniers changent de nature. Ils sont de moins en moins motivés par des nécessités d'ordre instrumental (les téléinformations les remplacent très économiquement dans ce cas) et de plus en plus par le désir de vivre les échanges comme création d'intersubjectivité partagée. Par ailleurs, ces technologies de communication, l'Internet en particulier, peuvent provoquer beaucoup de maux (comme la pornographie, l'incitation à la drogue, à la violence...) en raison de l'inadéquation de leur contenu avec les contextes des utilisateurs. En l'absence de politiques préventives ou correctives effectives, ces maux accentuent les dérives et consacrent la perversion des individus et des sociétés. Enfin, l'utilisation des NTIC est socialement biaisée. L'étude a montré par exemple que l'accès à l'Internet est inégal entre les sexes, les groupes d'âge, les groupes ethniques, les catégories socio-économiques, le nombre de personnes appartenant aux catégories nanties dépassant de loin celui des individus aux conditions sociales moins favorables. Castells (2001, p. 277) avertit que les TIC ne sont [ ....] pas à la source d'une inégalité et d'une exclusion sociales croissantes. Mais leur utilisation biaisée par un système capitaliste mondial dynamique et déréglementé a déclenché un processus qui semble conduire à une iniquité sociale croissante dans tous les pays du monde, en contraste absolu avec les promesses de l' Ere de l'Information.

L'étude aura, en définitive, permis de relever des acquis intéressants mais qui ne sont pas cependant susceptibles de généralisation. Beaucoup de zones d'ombre subsistent et des perspectives se dégagent. Voilà donc quelques-unes d'entre elles qui pourraient faire l'objet de recherches futures.

E Les investigations menées dans le quartier Ouagou Niayes ont permis de constater que le nombre de télécentres fermés est très considérable. Le phénomène de faillite/fermeture est si important qu'il ne paraît plus spécifique à Ouagou Niayes mais général. Cependant, limités par des contraintes de temps, nous nous sommes uniquement arrêtés au constat. Des études plus poussées

sont donc nécessaires pour appréhender les véritables raisons de la fermeture des télécentres et dépasser les clichés trop simplistes et réducteurs, basés sur des considérations empiriques.

151 IL est ressorti des résultats de l'étude que même au sein de Dakar la capitale qui est supposée être le laboratoire de test des nouveautés, il existe des disparités énormes quant à l'accès aux NTIC. Beaucoup de chefs de ménages ont répondu par : « le café nous le prenons en famille, c'est une mauvaise habitude que de prendre du café dehors » à la question n° 27 du questionnaire ménage. C'est dire donc qu'ils ignorent ce qu'est un cybercafé. L'accès à l'Internet est donc différentiel selon les zones, au sein d'une même zone, entre les sexes, l'age, le niveau d'instruction, les catégories socio-professionnels, etc. Toutefois quel est l'ordre d'importance des facteurs d'exclusion ? Et quels sont les éléments explicatifs de cette différenciation ? Telles sont quelques questions qui mériteraient d'obtenir des réponses.

151 L'étude s'est quelque peu penché sur le déploiement spatial des infrastructures de télécommunication dans un quartier de la capitale et il a été constaté qu'elles n'ont pas véritablement d'effet structurant sur l'espace. Elles se superposent uniquement aux espaces déjà habités, en privilégiant toutefois ceux qui sont démographiquement plus chargés et qui ont le plus fort potentiel d'utilisateurs. Mais est-ce que c'est le cas pour toute la capitale ? Comment se déploient les systèmes de communication entre les différents quartiers de Dakar et entre ceux--ci et le reste du pays ? Voilà quelques pistes de réflexion éventuelles.

E Le secteur des télécommunications au Sénégal est marqué par un événement innovant : il s'agit du lancement par la Sonatel Multimédia, en juillet 2004, de la technologie Internet sans fil dénommé « Sentoo Wifi » (voir annexes). Cette technologie est destinée à un public varié : les hommes d'affaires, les entreprises, les individus, les résidences hôtelières, les restaurants, les cafés et autres structures accueillant des visiteurs. Les gens auront donc plus que jamais la liberté de déplacement. Mais il s'avère impossible pour l'instant de se faire une idée claire du nombre d'usagers potentiels, de leurs caractéristiques socio-économiques et professionnelles, du sort qui sera réservé aux centres d'accès publics à l'Internet que sont les cybercafés. Sentoo Wifi va-t-il démocratiser l'accès à l'Internet ou à l'opposé aggraver le fossé existant ? Des études s'imposent pour être édifié sur ces questions et se parer aux éventualités car comme le souligne Farhang Rajaee (2001, p.141), « l'expérience l'a démontré dans le passé, toute nouvelle aventure occasionne à la fois de la crainte et de l'espoir ».

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Ouvrages généraux

1 - Bailly Antoine S.

1995, « Introduction au débat : perspectives en géographie de l'information et de la

communication », in Sciences de la Société, Territoire, société et communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai 1995, pp. 15-19.

2 - Cassé Marie Claude

1995, « Réseaux de télécommunication et production de territoire » in Sciences de la Société,

Territoire, société et communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai, pp. 61-81.

3 - Castells Manuel

2001, La société en réseau. L'ère de l'information, Paris, Fayard, 671 p.

2001, «Les incidences sociales des technologies de l'information et de la communication »,in

Les sciences sociales dans le monde, Paris, Editions UNESCO/ Editions de la Maison des sciences de l'homme, pp. 270-280

5 - Daffé Gaye, Dansokho Mamadou

2002, «Les nouvelles technologies de l'information et de la communication : défis et

opportunités pour l'économie sénégalaise », in Momar-Coumba Diop (sous la dir. de), Le Sénégal à l'heure de l'information : Technologie et société, Paris, Karthala, Genève, UNRISD, pp. 45-96.

6 - Diawara Ibrahima

2003, « La genèse historique du Grand Dakar », Mairie de Commune d'Arrondissement de Biscuiterie, 4 p.

7 - Direction de la prévision et de la statistique

1997, (ministère de l'Economie, des Finances et du Plan) (République du Sénégal), Enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM) / 94-95, Dakar, 178 p.

2004, (ministère de l'Economie, des Finances et du Plan) (République du Sénégal),

Projections de population du Sénégal issues du recensement de 2002, Dakar, 48 p.

9 - Eveno Emmanuel

2004, «La Géographie de la Société de l'Information : entre abîmes et sommets », Netcom,

Communications, Réseaux, Territoires, Vol. 18, nos 1-2, janvier, pp. 11-87.

2004, «Le paradigme territorial de la société de l'information », Netcom, Communications,

Réseaux, Territoires, Vol. 18, nos 1-2, janvier, pp. 89-134.

11 - Hoeltgen Dominique

1995, Internet pour Tous, Paris, Les Editions du Téléphone, 238 p.

12 - Lussault Michel

1995, « L'usage, la communication et le géographe » in Sciences de la Société, Territoire, société et communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai, pp. 149-163.

13 - Mbow Latsoucabé, Dubresson Alain

2000, « Dakar et la presqu'île du Cap Vert », Les Atlas de l'Afrique. Atlas du Sénégal, 5e

édition, Paris, Les éditions J.A. aux éditions du Jaguar, pp. 48-51.

14 - Miège Bernard

1995, «Réseaux de communication et aménagement territorial » in Sciences de la Société,

Territoire, société et communication, Presses Universitaires du Mirail Toulouse, n° 35, mai, pp. 21-29.

15 - Prelaz-Droux Roland

1995, Système d'information et gestion du territoire : approche systémique et procédure de

réalisation, PPUR (presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 156 p.

16 - Rajaee Farhang

2001, La mondialisation au banc des accusés : la condition humaine et la civilisation de

l'information, Ottawa (Ontario), CRDI, 154 p.

17 - Sagna Olivier

2000, Les technologies de l'information et de la communication et le développement social au

Sénégal. Un état des lieux, Technologie et société, Genève, UNRISD, Document n°1, 61 p.

18 - Sambou Ansoumana

2001, Nouvelles technologies de l'information et de communication. Les cybercafés sur les

traces des télécentres, CESTI, UCAD, 48 pages

19 - Tall Serigne Mansour

2002, « Les émigrés sénégalais et les nouvelles technologies de l'information et de la communication », in Momar-Coumba Diop (sous la dir.de), Le Sénégal à l'heure de l'information : Technologie et société, Paris, Karthala, Genève, UNRISD, pp. 223-261.

20 - Thioune Ramata, Sène Khamate

2001, Etude panafricaine : Technologie de l'information et de la communication et développement communautaire. Leçons apprises des projets ACACIA : cas du Sénégal, Dakar, CRDI, 113 p.

Rapports / mémoires

21 - Barbier Frédéric

1998, L'expansion des télécentres à Dakar, Mémoire de maîtrise de géographie, Université de Bretagne occidentale, Bretagne, 131 p.

22 - Bernat Cécile

1997, Les autoroutes de l'information, Mémoire DEA, Paris, Université Panthéon-Assas, Paris

II, 179 p.

23 - Lafitte Anais

2001, Les cybercentres du Plateau : enquête sur les lieux et les usages de l'Internet, Rapport

de stage, IEP, 35 p.

24 - Ly Fatou Binetou

1998, Etude d'écologie urbaine dans le cadre des H.L.M. Ouagou Niayes Dakar, Mémoire de

maîtrise de géographie, UCAD, 68 p.

25 - Thiaw Eric

1995, Infrastructures et services des télécommunications au Sénégal : le développement de la

téléphonie, Mémoire de maîtrise de géographie, UCAD, 82 p.

Sites et ressources Internet

http: // www.art-telecom-senegal.org http: // www.bonweb.com

http: // www.geneve.ch

http : // www.innocenceindanger.org http : // www.osiris.sn

Batik n° 24, juillet 2001.

Batik n° 60, juillet 2004

LISTE DES TABLEAUX

Tableau n° 1 : Echantillonnage (ménages et concessions) p. 20

Tableau n° 2 : structure par âge de la région de Dakar p. 37

Tableau n° 3 : répartition des chefs de ménage selon la situation matrimoniale p. 40

Tableau n° 4 : répartition des ménages selon la taille p. 41

Tableau n° 5 : dépense journalière des ménages p. 44

Tableau n° 6 : répartition des télécentres selon le prix de l'unité d'appel .. p. 59

Tableau n° 7 : répartition des propriétaires de télécentres en fonction de l'activité

professionnelle principale p. 69

Tableau n° 8 : répartition des propriétaires selon le bénéfice mensuel tiré de l'exploitation

des télécentres p. 70

Tableau n° 9 : répartition des gérants de télécentres en fonction du sexe p. 70

Tableau n° 10 : répartition des gérants de télécentres en fonction de l'âge p. 71

Tableau n° 11 : répartition des usagers en fonction de l'âge p. 77

Tableau n° 12 : répartition des usagers en fonction de l'ethnie p. 78

Tableau n° 13 : répartition des usagers en fonction de l'activité professionnelle p. 79

Tableau n° 14 : répartition des utilisateurs selon le niveau de revenu mensuel p. 79

Tableau n° 15 :.moments de fréquentation des télécentres par les usagers p. 84

Tableau n° 16 : motifs d'utilisation d'Internet par les habitants de Ouagou Niayes p. 92

Tableau n° 17 : les contraintes liées à l'usage d'Internet p. 97

Tableau n° 18 : autres points d'accès à Internet en dehors des cybercafés p. 98

Tableau n° 19 : perception de l'Internet par les usagers p. 101

Tableau n° 20 : les avantages d'Internet selon les usagers p. 101

Tableau n° 21 : les inconvénients de l'Internet selon les usagers p. 103

Tableau n° 22 : les sites non visités par les usagers p. 105

Tableau n° 23 : les raisons de la non visite de ces sites p. 105

LISTE DES CARTES, FIGURES ET PHOTOS

Carte n° 1 : Ouagou Niayes dans l'espace urbain dakarois p. 29

Carte n° 2 : plan du quartier Ouagou Niayes p. 30

Carte n° 3 : répartition spatiale des télécentres à Ouagou Niayes p. 49

Carte n° 4 : répartition spatiale des cybercafés à Ouagou Niayes p. 62

Figure n° 1 : répartition des chefs de ménage selon l'ethnie p. 36

Figure n° 2 : taille des ménages et nombre de travailleurs p. 42

Figure n° 3 : rythme d'ouverture des télécentres à Ouagou Niayes de 1992 à 2004 p. 50

Figure n° 4 : diagramme de Venn / téléphone du quartier Ouagou Niayes p. 86

Figure n° 5 : diagramme hiérarchique des motifs d'utilisation des télécentres P. 87

Figure n° 6 : diagramme hiérarchique des types d'informations recherchées sur Internet p. 93

Photo n° 1 : la rue Lassana à Ouagou Niayes p. 53

Photos nos 2 et 3 : deux télécentres de Ouagou Niayes vus de l'extérieur p. 57

Photo n° 4 : vue extérieure d'un cybercafé à Ouagou Niayes p. 65

Photo n° 5 : un usager des télécentres en conversation téléphonique p. 82

Photo n° 6 : des usagers des cybercafés en navigation sur Internet p. 90

- QUELQUES RECOMMANDATIONS

- QUESTIONNAIRE- MENAGE

- QUESTIONNAIRE D'ENQUETE / INDIVIDUS

- QUESTIONNAIRE D'ENQUETE / GERANTS ET PROPRIETAIRES DE TELECENTRES

- QUESTIONNAIRE D'ENQUETE / GERANTS ET PROPRIETAIRES DE CYBERCAFES

- GUIDE D'ENTRETIEN

- LES NOUVELLES CONDITIONS D'AGREMENT DES TELECENTRES

- QUELQUES FOURNISSEURS D'ACCES A INTERNET

- QUELQUES FORMULES D'ABONNEMENT A INTERNET / SONATEL MULTIMEDIA

- SENTOO WIFI, L'INTERNET SANS FIL DE LA SONATEL






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"