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Approche géographique de l'appropriation des NTIC par les populations : l'exemple des télécentres et cybercafés dans le quartier Ouagou Niayes à  Dakar

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par Ibrahima Sylla
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2004
  

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Conclusion

Il s'avère cependant utile, pour conclure, de remarquer que ne n'est pas tous les utilisateurs qui visitent tous les types de sites. En effet, les données de l'enquête présentées dans les tableaux 22 et 23 révèlent que les sites pornographiques, racistes et religieux sont les moins fréquentés par les usagers avec dans l'ordre 65%, 10% et 8,3% des réponses obtenues. Les raisons qui poussent les utilisateurs à ne pas consulter ces genres de sites sont multiples mais les plus en vue sont leur manque d'intérêt (26,6%), leur caractère obscène, malsain (8,3%) et la pudeur de certains utilisateurs (8,3%).

Tableau n° 22 : les sites non visités par les usagers

 

Nombre de
réponses

%

Quels sites ne
visitez-vous
jamais ?

Aucun

5

8,3

Racistes

6

10

pornographiques

39

65

Religieux

5

8,3

discussions / rencontres

3

5

Sport

1

1,7

recherches

1

1,7

TOTAL

60

100,0

Tableau n° 23 : les raisons de la non visite de ces sites

 

Nombre de
réponses

%

Pour quelle(s)
raison(s) ne les
visitez-vous
jamais ?

 

5*

8,3

les actes de pédophilie

1

1,7

c'est incorrect

3

5,0

c'est malsain

5

8,3

c'est inutile

4

6,7

C'est irrespectueux et sordide

1

1,7

c'est tabou au Sénégal

2

3,3

ça me fait du mal

1

1,7

ce n'est pas éducatif

4

6,7

certaines actions me mettent hors de moi

1

1,7

c'est contraire à ma religion

3

5,0

influence néfaste

1

1,7

j'ai honte de cela

5

8,3

je ne les aime pas

2

3,3

Je suis jeune et on me l'interdit

2

3,3

ce n'est pas intéressant

16

26,6

par prudence

1

1,7

je n'ai pas de temps pour ça

3

5,0

TOTAL

60

100,1

* Ce sont là les usagers qui avaient répondu par « aucun » dans le tableau n°22 et qui n'ont donc pas répondu à la question. Sources : enquêtes, juin - août 2004.

CONCLUSION GENERALE

Il suffit tout juste de regarder et non pas d'être observateur averti pour remarquer la présence massive des télécentres à Ouagou Niayes et dans tout l'espace urbain dakarois. Les cybercafés eux, sont moins présents mais suivent au pas l'empreinte des télécentres qui les « engendrent » parfois.

C'est que les Sénégalais sont vraiment aptes à développer des stratégies de survie, or télécentres et cybercafés constituent des filons d'or, des moyens pour survivre dans un pays comme le nôtre, marqué par une profonde crise économique qui touche un large pan de la société. Télécentres et cybercafés sont des créneaux porteurs, créateurs d'emplois et de richesses. Ils intéressent actuellement presque tout le monde et caporalisent de ce fait beaucoup d'acteurs en même temps qu'ils suscitent de multiples enjeux. Dans ce contexte, cette étude a paru opportune. D'ailleurs, beaucoup de leçons ont été apprises de son processus notamment en ce qui concerne l'appropriation de ces outils de communication par les populations et leur territorialité.

Pour ce qui est de l'appropriation, le processus diffère selon qu'il s'agit des télécentres ou des cybercafés. En effet, les télécentres présentent un accès moins complexe et plus démocratique pour le commun des Sénégalais. Il n'est pas besoin d'un niveau d'instruction élevé, s'il en est même besoin, ni d'une certaine aisance financière pour avoir accès aux services des télécentres. La grande difficulté résiderait certainement dans l'ouverture de l'infrastructure qui requiert le versement d'au moins d'un demi-million de francs CFA comme dépôt de garantie à la Sonatel. Une telle somme n'est guère à la portée de la bourse du Sénégalais moyen, ce qui explique que les propriétaires des télécentres de Ouagou Niayes soient des personnes d'une assise financière plus ou moins confortable, des commerçants en majorité. Par ailleurs, le contexte des télécentres est marqué par le monopole de la Sonatel qui règne en maître dans le secteur des télécommunications. Cette situation entraîne un malaise général et un courroux collectif chez les exploitants de télécentres soucieux de préserver l'emploi créé. Ils dénoncent, entre autres, la concurrence déloyale, résultat de l'implantation sauvage des télécentres, renforcée par l'absence notoire de réglementation visant à assainir le secteur. Par contre, l'appropriation des cybercafés par les populations s'avère plus complexe et moins rapide. En effet, elle est subordonnée à la satisfaction de certaines exigences discriminatoires dont un niveau d'instruction assez satisfaisant, la maîtrise de l'outil informatique, la maîtrise (comprendre, savoir lire et écrire) d'une ou de plusieurs langues d'usage, et éventuellement la capacité financière à honorer la facture de la connexion à l'Internet. L'appropriation des cybercafés devient ainsi le fait d'une certaine élite (même si la tendance est à la généralisation) qui y va d'habitude d'un processus à deux étapes : une étape de curiosité et d'envie de découvrir l'Internet qu'ils pensaient être à priori pour les

« autres » ; une étape de démythification et d'utilisation de l'outil dans les divers domaines de la vie économique et sociale où le besoin est exprimé. Aussi, contrairement au secteur des télécentres, les exploitants de cybercafés ne sont-ils pas obligés de passer par la Sonatel pour disposer d'une connexion à l'Internet. Les fournisseurs d'accès font légion, le marché est plus libre et l'exploitant a plus de latitude de souscrire un abonnement auprès du fournisseur de son choix. Le principal enjeu soulevé actuellement par l'ouverture et l'appropriation des cybercafés par les populations est plutôt la saturation du marché qui se profile à l'horizon et le problème de l'équité qui se pose en terme de distribution spatiale et de tarification. Sinon, comment comprendre le fait de payer entre 250 francs CFA et 500 francs CFA seulement pour une heure de connexion à Dakar alors qu'il faut parfois jusqu'à 2 000 francs dans les autres régions du pays ?

Pour ce qui est de la territorialité, l'étude a révélé qu'elle est fortement commandée par une logique commerciale et dans une moindre mesure par des considérations subjectives d'ordre social comme le fait d'appartenir à un espace. En effet, tandis que certains propriétaires affirment avoir implanté leurs télécentres ou cybercafés à Ouagou Niayes parce que c'est un quartier populeux susceptible de leur fournir une grosse clientèle, d'autres par contre soutiennent y avoir ouvert leurs structures tout simplement parce qu'ils y habitent. Mais dans un cas comme dans l'autre, le résultat est le même. Les télécentres et cybercafés ont colonisé l'espace du quartier même s'ils ne le structurent pas encore. On trouve au moins un télécentre dans presque toutes les rues ou les coins de rue surtout dans celles passantes ou à forte concentration d'activités économiques. L'importance numérique des télécentres ne manque pas de susciter des enjeux territoriaux. Certains d'entre eux sont spatialement très rapprochés, côte à côte et se livrent de ce fait à une rude concurrence qui cause parfois la faillite de ceux exténués par la lourdeur des charges d'exploitation. Tous les exploitants n'ont pas les mêmes charges : certains sont propriétaires de leurs locaux, d'autres ne le sont pas. Ce sont d'habitude les premiers qui proposent les tarifs les moins onéreux, les autres vendant plus cher parce que devant s'acquitter davantage de frais. La territorialité est par ailleurs marquée par des disparités moins sévères avec les télécentres qu'avec les cybercafés. Les télécentres, en effet, se retrouvent partout dans le quartier tandis qu'aucun cybercafé n'est localisé à O.N.1 (ce secteur du quartier qui détient le plus important niveau de précarité) où le seul cybercafé qu'il a jadis abrité à vite fait de fermer ses portes. Partant de ce constat, il n'est abusif de dire que les cybercafés ne s'implantent pas n'importe où, mais plutôt dans les espaces socio-géographiques accessibles et au potentiel d'utilisateurs avéré.

Télécentres et cybercafés ou plutôt le téléphone et l'Internet sont d'un grand apport dans la vie de relation des populations. Avec ces technologies, l'échange et la communication ne sont plus basés sur le voisinage et la proximité spatiale. Elles offrent une nouvelle conception de la notion de

distance et favorisent une hybridation des interfaces local/global, centre/périphérie. Le téléphone et l'Internet rendent l'information accessible à moindre coût en faisant fi de la distance. Ils permettent d'effacer les contraintes traditionnelles de localisation et de créer de nouvelles formes d'organisation, en réseaux sociaux fortement instrumentés par la compression du temps et la rapidité de circulation de l'information. Enfin, bien utilisés ils peuvent contribuer à soulager la pauvreté et à corriger les inégalités socio-économiques.

Toutefois, il est important d'insister sur le fait que ces outils de communication ne sont pas exempts de limites et même d'effets pervers. Ils ne peuvent pas, par exemple, se substituer aux contacts physiques indispensables dans certaines situations, surtout au moment de prendre des décisions importantes ou de s'engager. Ainsi, comme le souligne Michel Lussault (1995, p. 156), de façon un peu paradoxe, plus il y a de télécommunication, plus il y a de déplacements physiques. Mais ces derniers changent de nature. Ils sont de moins en moins motivés par des nécessités d'ordre instrumental (les téléinformations les remplacent très économiquement dans ce cas) et de plus en plus par le désir de vivre les échanges comme création d'intersubjectivité partagée. Par ailleurs, ces technologies de communication, l'Internet en particulier, peuvent provoquer beaucoup de maux (comme la pornographie, l'incitation à la drogue, à la violence...) en raison de l'inadéquation de leur contenu avec les contextes des utilisateurs. En l'absence de politiques préventives ou correctives effectives, ces maux accentuent les dérives et consacrent la perversion des individus et des sociétés. Enfin, l'utilisation des NTIC est socialement biaisée. L'étude a montré par exemple que l'accès à l'Internet est inégal entre les sexes, les groupes d'âge, les groupes ethniques, les catégories socio-économiques, le nombre de personnes appartenant aux catégories nanties dépassant de loin celui des individus aux conditions sociales moins favorables. Castells (2001, p. 277) avertit que les TIC ne sont [ ....] pas à la source d'une inégalité et d'une exclusion sociales croissantes. Mais leur utilisation biaisée par un système capitaliste mondial dynamique et déréglementé a déclenché un processus qui semble conduire à une iniquité sociale croissante dans tous les pays du monde, en contraste absolu avec les promesses de l' Ere de l'Information.

L'étude aura, en définitive, permis de relever des acquis intéressants mais qui ne sont pas cependant susceptibles de généralisation. Beaucoup de zones d'ombre subsistent et des perspectives se dégagent. Voilà donc quelques-unes d'entre elles qui pourraient faire l'objet de recherches futures.

E Les investigations menées dans le quartier Ouagou Niayes ont permis de constater que le nombre de télécentres fermés est très considérable. Le phénomène de faillite/fermeture est si important qu'il ne paraît plus spécifique à Ouagou Niayes mais général. Cependant, limités par des contraintes de temps, nous nous sommes uniquement arrêtés au constat. Des études plus poussées

sont donc nécessaires pour appréhender les véritables raisons de la fermeture des télécentres et dépasser les clichés trop simplistes et réducteurs, basés sur des considérations empiriques.

151 IL est ressorti des résultats de l'étude que même au sein de Dakar la capitale qui est supposée être le laboratoire de test des nouveautés, il existe des disparités énormes quant à l'accès aux NTIC. Beaucoup de chefs de ménages ont répondu par : « le café nous le prenons en famille, c'est une mauvaise habitude que de prendre du café dehors » à la question n° 27 du questionnaire ménage. C'est dire donc qu'ils ignorent ce qu'est un cybercafé. L'accès à l'Internet est donc différentiel selon les zones, au sein d'une même zone, entre les sexes, l'age, le niveau d'instruction, les catégories socio-professionnels, etc. Toutefois quel est l'ordre d'importance des facteurs d'exclusion ? Et quels sont les éléments explicatifs de cette différenciation ? Telles sont quelques questions qui mériteraient d'obtenir des réponses.

151 L'étude s'est quelque peu penché sur le déploiement spatial des infrastructures de télécommunication dans un quartier de la capitale et il a été constaté qu'elles n'ont pas véritablement d'effet structurant sur l'espace. Elles se superposent uniquement aux espaces déjà habités, en privilégiant toutefois ceux qui sont démographiquement plus chargés et qui ont le plus fort potentiel d'utilisateurs. Mais est-ce que c'est le cas pour toute la capitale ? Comment se déploient les systèmes de communication entre les différents quartiers de Dakar et entre ceux--ci et le reste du pays ? Voilà quelques pistes de réflexion éventuelles.

E Le secteur des télécommunications au Sénégal est marqué par un événement innovant : il s'agit du lancement par la Sonatel Multimédia, en juillet 2004, de la technologie Internet sans fil dénommé « Sentoo Wifi » (voir annexes). Cette technologie est destinée à un public varié : les hommes d'affaires, les entreprises, les individus, les résidences hôtelières, les restaurants, les cafés et autres structures accueillant des visiteurs. Les gens auront donc plus que jamais la liberté de déplacement. Mais il s'avère impossible pour l'instant de se faire une idée claire du nombre d'usagers potentiels, de leurs caractéristiques socio-économiques et professionnelles, du sort qui sera réservé aux centres d'accès publics à l'Internet que sont les cybercafés. Sentoo Wifi va-t-il démocratiser l'accès à l'Internet ou à l'opposé aggraver le fossé existant ? Des études s'imposent pour être édifié sur ces questions et se parer aux éventualités car comme le souligne Farhang Rajaee (2001, p.141), « l'expérience l'a démontré dans le passé, toute nouvelle aventure occasionne à la fois de la crainte et de l'espoir ».

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984