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La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale

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par Barnabé Milala Lungala Katshiela
Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009
  

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3.3. Du Projet théorique de John Searle

Le projet de Searle que nous examinons est celui de la totalisation interdisciplinaire des sciences sociales comme le fait Jürgen Habermas. Un tel projet est selon Habermas la tâche majeure qu'il assigne explicitement à la philosophie aujourd'hui.478(*) Il s'agit d'apporter au cadre théorique existant- principalement d'une philosophie de la conscience ou de l'être - des éléments de précision en ayant recours à des approches complémentaires empruntées aux « approches concurrentes » des sciences sociales complémentaires.479(*) Nous pouvons dire, à l'instar de Habermas ,que Searle fait appel à sa manière aux approches structuralistes, socio-évolutionniste, fonctionnaliste et systémique, pour compléter l'approche analytique avant de les dépasser à leur tour en s'appuyant sur le cognitivisme pour définir enfin sa propre perspective.

L'optique analytique de John Searle se comprend à travers une double conception, c'est une fois de plus sa stratégie argumentative, à la suite de deux tendances de la philosophie du langage - que l'on comprend par rapport aux deux types de travaux de Ludwig Wittgenstein -480(*). Il réfléchit de ce point de vue à cheval entre la philosophie du langage formalisé et la philosophie du langage ordinaire. Dans l'optique de la philosophie du langage ordinaire, nous avons vu que sa théorie va de la sémantique à la pragmatique en passant par l'intentionnalité, pour les phénomènes sociaux. Searle tente de fonder justement la révolution pragmatico -linguistique par la philosophie intentionnelle des états mentaux.

Le programme théorique intégratif de Searle est fort large, il atteint le paradigme constructiviste radical issu de la biologie de connaissance de Francisco Varela et d'Umberto Maturana. C'est en fait un ensemble des programmes « non anthropocentriques », c'est-à-dire qui ne partent pas spécialement de l'homme, mais des règnes biologiques en général. A ce titre ils dépassent et englobent les deux paradigmes philosophiques : le double paradigme anthropocentrique de la philosophie du sujet et celui du langage. C'est en cela qu'il est intéressant. A propos, formulés de cette manière leurs points de vue supposent l'idée actuelle selon laquelle la nature de l'homme est avant toutes choses biologique au lieu d'être culturelles. Cette position appelle pour John Searle au dépassement d'une philosophie du langage vers le constructivisme biologique. Mais est-ce que ce modèle est auto-transcendant ? C'est sera notre critique.

Le nouveau programme de recherche de Searle amorcé dans la décennie quatre vingt est intentionnaliste, pragmatique, non anthropocentrique et biologique. Au point de vue de ce genre de recherche qui s'ambitionne d'être globale, Searle affirme à juste titre ce qui suit : « la théorie de l'esprit que j'ai essayé de développer constitue pour une bonne part une tentative de réponse à cette autre question : comment une réalité mentale, un monde de conscience, d'intentionnnalité, et d'autres phénomènes mentaux, s'ajustent -ils à un monde entièrement constitué de particules physiques dans un champ de force ? ».481(*) Le programme de « naturalisation » qui englobe les phénomènes physique, chimique et biologique.

D'où pour Searle l'émergence des questions qui guident son programme de recherche en sciences humaines : « les caractéristiques les plus fondamentales de ce monde sont celles que décrivent la physique, la chimie et les autres sciences de la nature. Mais l'existence de phénomènes qui ne sont pas de manière évidente physique ou chimiques est source de perplexité : comment, par exemple, des états de conscience ou des actes de langage doués de signification peuvent -ils bien faire partie du monde physique ? ».482(*)

Consécutivement à la théorie de l'esprit Searle développe la question sociale qui fait suite au même projet constructiviste dans son « livre intitulé : La construction de la réalité sociale- qui étend la recherche à la question de savoir  : comment peut-il y avoir un monde objectif d'argent ,de propriétés foncières, de mariages, de gouvernement, d'élections, de matches de foot ball , de soirées mondaines, et de cours de justice, dans le monde entièrement constitué de particules physiques dans des champs de force, et dans lequel certaines de ces particules s'organisent en des systèmes qui sont des animaux biologiques, conscients, tels que nous ? »483(*) Le constructivisme searlien saisit du point de vue de l'observateur la réalité sociale comme des faits émergents du langage, et en tant que telle cette réalité ressort d'une subjectivité ontologique et d'une objectivité épistémologique. L'objectivité de la réalité sociale étant tout simplement épistémique.

John Searle est l'un des philosophes analytiques qui présentent aujourd'hui une vision des faits institutionnels et de la réalité sociale comme des faits émergeant du langage ; il tente de montrer aussi comment la « conscience » est un fait émergeant de la biologie. Ainsi, de proche en proche le biologique fonde les faits mentaux, les faits mentaux fondent le langage, le langage fonde la réalité sociale.

John Searle considère qu'il doit y avoir une continuité entre le biologique (les actes mentaux : désir, croyance, intention, action) et le culturel (le langage). Il postule donc une construction biologique de la réalité sociale. Il restaure donc trois paliers : le biologique physico-chimique, les actes mentaux et la réalité sociale (langage et culture). Il essaie de refonder les acquis de la philosophie du langage à partir de ce que nous appelions la philosophie de l'esprit en cherchant les conditions de possibilité de nos pratiques linguistiques.

Justement, John Searle tente de reconstruire et de refonder la philosophie du langage (spécialement, son livre Les actes de langage) à partir d'un arrière-plan biologique ou de ce qu'il convient d'appeler la philosophie de l'esprit ou tout simplement de la biologie de la connaissance. Nous verrons qu'après les actes de langage en 1972(1969), Searle écrit successivement Du cerveau au savoir, Hermann, 1985(ce livre contient le point de vue constructiviste détaillé de Searle) ; L'Intentionalité : essai de philosophie des états mentaux, 1985 ; La redécouverte de l'esprit, Gallimard, 1992 ; Déconstruction ou Le langage dans tous ses états, 1992 ; Mind, language and society: philosophy in the real world, 1998; La construction de la réalité sociale, 1998. Pour Searle, c'est une étude programmatique qui doit s'achever en une présentation des fondements des Actes du langage.

Pour John Searle, « il faut abandonner une fois pour toutes les idées que les sciences sociales sont dans le même état que la physique avant Newton, et qu'il nous faut un ensemble de lois comparables à celles de Newton et applicables à l'esprit et à la société ».484(*) En effet, continue -t-il, «  dans cette discussion sur cette discontinuité radicale qui existe entre les sciences sociales et les sciences naturelles, l'étape la plus importante repose sur le caractère mental des phénomènes sociaux ».485(*)

John Searle, comme la philosophie américaine dans son ensemble, qualifie lui-même sa thèse de « naturalisme biologique », en ce qu'elle postule un certain nombre des caractéristiques biologiques. Le naturaliste ne postule pas la conscience comme un phénomène purement mental au sens du dualisme de René Descartes. « Dans le cas du problème du rapport esprit / corps, nous étions gêné, affirme Searle, par une fausse présupposition qui se manifeste au niveau de la terminologie dans laquelle nous posons le problème. La terminologie du mental et du physique, du matérialisme et du dualisme, de l'esprit et de la chair, contient une présupposition fausse faisant de ces notions des catégories de la réalité réciproquement exclusives l'une et l'autre -dans une telle perspective, nos états conscients en tant que subjectifs, privés, qualitatifs, etc. ne peuvent être des propriétés physiques, biologiques, ordinaires de notre cerveau. (...) Tous nos états mentaux sont causés par des processus neurobiologiques se réalisant à un niveau supérieur ou systématique ».486(*) Tout s'explique par la Nature, d'un point de vue onto-théologique sous -jacent à notre hypothèse une telle position est gravement réductrice.

Les états mentaux supérieurs (la conscience, l'esprit (the mind)) sont des phénomènes émergents. Searle va aussi montrer dans cette optique comment la réalité sociale forme un ensemble des faits émergents.

Lorsque Searle parle « des systèmes qui sont des animaux biologiques, conscients »487(*), il utilise un concept commun entre autre avec des auteurs aussi divers que le constructivisme radical de Houmberto Maturana et de Franscisco Varela, et spécifie justement quelques caractéristiques, notamment : « les limites des systèmes (...) fixés par des relations causales »488(*) et le caractère internaliste du système.  En ce sens « les phénomènes mentaux sont causés par des processus neurophysiologiques cérébraux et sont eux-mêmes des caractéristiques du cerveau ».489(*) A propos de la conscience, Marc Measschalck voit bien quand il affirme à ce sujet le fait que le « savoir n'est donc pas dépendant d'un « hors de soi »».490(*)

Nous dirons en plus que l'extension des capacités biologiques plus fondamentales des systèmes vivants doués de conscience ne sont rien d'autre que l'Intentionnalité ou cette capacité de renvoyer à quelques choses dans le monde.

Cette capacité renvoie par delà le biologique au culturel et donc à une approche pragmatique : « la capacité qu'ont les actes de langage de représenter les objets et les états de choses du monde est une extension des capacités biologiquement plus fondamentales qu'a l'esprit (ou le cerveau) de mettre l'organisme en rapport avec le monde au moyen d'états mentaux tels que la croyance ou le désir, et en particulier au travers de l'action et de la perception ».491(*)

Consécutivement à cela, ajoutons que le concept de mise en rapport ou de l'ajustement (ou d'adaptation) des systèmes est, du point de vue constructiviste, un concept central ; il est au centre de la logique illocutoire de Searle que nous avons développée.

* 478 Jürgen HABERMAS, Après Marx, Librairie Arthème Fayard,Paris, 1985,p.9.

* 479 Ibidem.

* 480 Voir John SEARLE, Les actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman, Paris, 1972, p.55.

* 481 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.9.

* 482 Ibidem, p.10.

* 483 Ibidem.

* 484 John SEARLE, Du cerveau au savoir, Hermann, Paris, 1985, p.105.

* 485 Ibidem, p.111.

* 486 John SEARLE, Liberté et neurobiologie, Nouveau collège philosophique, Grasset et Frasquelle, Paris, 2004, p.13.

* 487 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.9.

* 488 Ibidem, p.18.

* 489 John SEARLE, La redécourte de l'esprit, The MIT Press, 1992, essais, Gallimard, traduction française, 1995, Paris, p.19.

* 490 Marc MEASSCHALCK, Normes et contextes, p.166.

* 491 John SEARLE, L'intentionnalité : essai de philosophie des états mentaux, Cambridge university Press, 1983, Les éditions de Minuit, 1985, Paris, p .9.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius