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La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale

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par Barnabé Milala Lungala Katshiela
Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009
  

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4.2.0. Pour une reprise africaine de constructivisme social

Du point de vue des théories et des concepts, il est supposé en général que nous construisons le monde social au moyen du mental, du langage et de l'interaction dans notre oeuvre culturelle à travers des structures profondes qui sont des éléments minimaux synthétisés. C'est autrement dit, la question de « la détermination des activités par la société et de leurs déterminations par les agents individuels ». 651(*) La détermination causale, celles structurale et fonctionnelle qui se systématisent dans le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et dans le structuralisme de Claude Lévi-Strauss, peuvent être expliquées justement par la notion du Devenir : « lorsque je change je reste le même. Il faut donc combiner le principe de permanence et le principe de changement au lieu de les renvoyer dos à dos. (...) Le principe dit matériel (hyle) est le principe de changement et le principe dit formel (eidos) est le principe de permanence. Eidos désigne le tout et peut être traduit par structure (ou ce qui fait d'une collection de parties un organisé) (...), et hyle désigne les parties ou les éléments du tout. »652(*) Comme on le sait, le modèle de Tout et de ses parties occupe une place centrale dans les sciences sociales classiques. Ainsi « lorsque le tout change de forme (la forme suit le principe de permanence, elle se transforme), ses transformations sont déterminées par les relations entre ses parties, c'est-à-dire entre les composants ».653(*) Il y a donc différents axes de transformation : « l'axe de déterminations horizontales et ce qui détermine (verticalement) le tout et ses changements ».654(*)

Comment se présentent les déterminations de différents niveaux  inhérents au principe du devenir et à celui de l'auto- organisation ? « Pour expliquer le devenir d'une unité à un niveau quelconque, il s'agit donc de décrire comment ses composants au niveau inférieur se rapportent entre eux (déterminations causales ou autres déterminations horizontales : distributionnelle, etc.) (...) Il faut aussi décrire comment les relations horizontales entre les parties déterminent le tout (détermination fonctionnelle) ; et il faut pourvoir décrire comment le tout, ou 'l'arrangement `des parties, détermine celles-ci (détermination structurale, `loi' structurale et `loi' du devenir) à se rapporter entre elles comme elles le font ».655(*)

Nous pouvons joindre la parenté théorique entre l' hylémorphisme , l'apeiron et le kheper égyptien : « Aristote dans son livre la (Physique, a 6) parle de l'Infini d'Anaximandre qui est, `immortel et indestructible' comme élément divin (théion). Il y a donc identité entre to theion (le divin) et to apeiron (l'infini, le devenir infini)».656(*) « L'apeiron d'Anaximandre rappelle bien des aspects du Kheper égyptien qui est un principe infini dans le Devenir, et selon la 'vérité-Justice' toujours jeune en tant que principe de Khepri ».657(*) Dans l'esprit des Egyptiens anciens, il faut ajouter que « la création est un processus. Kheper est bien le principe qui assure la transformation de la matière. (...) L'esprit (la conscience primordiale) se trouve au départ de l'action ».658(*) « Ô pays du silence où se font des choses mystérieuses, qui crée les formes comme khepri ».659(*)

« Au chapitre XVII du livre des Morts, le Maitre Universel, s'exprime de la manière suivante : « c'est moi le Devenir de khepra, lorsque devint pour moi le Devenir des Devenirs après mon Devenir, car nombreux ont été les désirs sortant de ma bouche... »660(*) D'autres versions parlent de la « régénération » ou du Devenir en tant qu'ils sont associés à la notion de l'acte de la parole et de la Conscience Primordiale (ce qui rappelle bien une divinité qui crée par la parole en tant que ce qui sont créés sont les désirs de son coeur).

Au demeurant, il ne nous faudra pas insister pour répéter le fait que tout ce programme, tourne autour de la question de la Régénération ou du Devenir dans ses rapports avec la conscience , le langage et l'action. En témoigne justement la mouvance théorique actuelle de la reconstruction des sciences sociales classiques, en vue de donner la place au processus de signification. Nous y sommes revenus avec quelques commentateurs de Friedrich Hayek, Peter Berger, Jürgen Habermas, Charles Sanders Peirce, etc. En somme, « la loi du Devenir prend en charge tous les éléments et se donne entre autre pour tâche de les faire passer de la puissance à l'acte, d'une puissance d'exister à l'existence ».661(*)

Claude Lévi-Strauss s'est aidé des règles de la linguistique, spécialement de la phonologie pour essayer de détecter les « structures invisibles » de la réalité sociale. Nous pouvons dire que l'approche de Claude Lévi-Strauss considère justement que « la linguistique moderne (est) la route qui mène à la connaissance positive des faits sociaux ».662(*) C'est sur cette base que Lévi-Strauss s'y est pris dans son Anthropologie structurale avec les structures élémentaires de la parenté.

Claude Lévi-Strauss a rappelé par ailleurs l'importance qu'il y avait dans les sciences sociales à ne pas s'en tenir aux formes sociales empiriques pour expliquer les phénomènes sociaux, et il a plaidé pour la nécessité de recourir, au-delà des formes empiriques, à leur structure conceptuelle. Le principe fondamental est que la notion de structure sociale ne se rapporte pas à la réalité empirique, mais au modèle construit d'après celle-ci, écrit-il. Ainsi apparaît la différence entre deux notions si voisines qu'on les a souvent confondues, je veux dire celle de structure sociale et celle de relations sociales. Les relations sociales sont la matière première employée pour la construction des modèles qui rendent manifeste la structure sociale elle-même ».663(*) Et : « Les formes sociales d'association sont des structures, et les modèles théoriques qui les expliquent sont aussi des structures ».664(*)

La géométrie analytique de René Descartes, qui s'incruste dans sa philosophie de la nature, notamment dans son livre intitulé Regulae ad directionem ingenii a, au demeurant, influencé profondément les vues de Claude Lévi -Strauss à l'étude d'un système matrilinéaire plus global composé de quatre types de relations : frère/soeur, mari/femme, père/fils, oncle maternel /fils de la soeur. Ainsi, « la loi peut se formuler comme suit : la relation entre oncle maternel et neveu est, à la relation entre frère et soeur, comme la relation entre père et fils est à la relation entre mari et femme. Si bien qu'un couple de relations étant connu, il serait toujours possible de détruire l'autre. »665(*) Les présupposés en jeu appellent l'étape « microsociologique » où on espère apercevoir les lois de structure les plus générales, comme la linguistique découvre les siennes à l'étape infraphonémique, ou le physicien à l'étape infra - moléculaire, c'est-à-dire au niveau de l'atome ».666(*) Comme « l'atomisme et le mécanisme triomphaient »667(*) à l'époque d'avant Claude Lévi-Strauss, Searle utilise la physique quantique dans son livre intitulé Liberté et neurobiologie. On cherche les lois générales de structures.

L'anthropologie structurale de Lévi-Strauss est justement plus attentive aux formes abstraites (les modèles hypothético-déductifs) qu'aux rapports réels auxquels celles-ci référent, aux discours que les sociétés tiennent sur elles-mêmes (langage de la parenté, le langage de la mythologie) qu'aux pratiques sociales (le fonctionnement concret de ces systèmes). Déjà ces trois axes principaux d'analyse des phénomènes sociaux se présentent comme trois schèmes reconstructeurs principaux en sciences sociales.

Seulement Claude Lévi-Strauss, tel que nous l'évoquons, situe hors du temps et de l'histoire les structures logiques qui sont censées régir la société ; il substitue la relation logique à la relation humaine.

John Searle ,même avec ses actes de la parole, sa logique illocutoire, sa théorie de l'ajustement (adaptation biologique), et autres théories dépendent encore de la philosophie pérenne, celle du Devenir venue des traditions et des cultures immémoriales diverses. En fait, notre relecture voudrait également, dans la même ligne, analyser le naturalisme de John Searle sous l'hypothèse centrale des icônes et des concepts des traditions africaines millénaires qui plongent leur racine dans l'espèce biologique en l'occurrence le scarabée sacré, des traditions et des cosmologies africaines dans lesquelles la création se fait aussi par le Verbe. Ces cosmologies contiennent la théorie de l'acte de langage en tant qu'acte de création mis en avant dans la philosophie analytique, etc.

Nous signalons par ailleurs qu'il ne s'agit pas pour nous, même si un tel prolongement peut être utile dans une étude postérieure d'entrer dans la discussion qui nous mettrait aux prises avec par exemple Hans Jonas sur l'éthique de responsabilité, l'éthique du futur, la gnose, le mysticisme d'un Dieu acosmique ou d'une thématique de la fin de l'histoire.

Ce chapitre s'occupe ainsi du dépassement du naturalisme de John Searle qui se dessine comme la coupe qui contient ses positions cognitivistes, son ontologie générale et son ontologie des faits institutionnels. Les limites de Searle sont liées à une vue d'en haut,celle d'une onto-théologie dans laquelle le naturalisme se trouve enserrée. Ce naturalisme constitue une ontologie qui doit déboucher toujours déjà nécessairement sur la théologie, sur laquelle Searle doit garder silence parce que pris dans la logique d'un type de naturalisme qui ne peut s'auto-transcender. Ce naturalisme contient en lui-même sa propre raison.

Quant à la question de la revendication d'une science proprement « africaine »: « nous traitons la réalité africaine avec des approches venues d'ailleurs », clament implicitement ou explicitement les intellectuels africains, tout récemment Bongeli. Pour nous, cette question recèle un mal entendu grave tant que les concepts à la base de la discussion sont puisés certes dans plusieurs cultures (chez les Milésiens dont Anaximandre avec son apeiron, les Grecs avec la théorie de la forme et de la matière qui donne l' hylémorphisme du Stagirite) mais aussi et bien avant en Egypte, le kheper. Pour nous, il ne faut pas demander à devenir africain ce qui l'ai déjà. Notre position à ce sujet ce qu'on ne peut pas africaniser ce qui est déjà africain. Ceci justifie le fait que ceux qui défendent cette thèse sont tout simplement pris dans un cul de sac parce qu'ils tiennent comme acquis la science occidentale comme épistémé dominante au sens où le noyau théorique de base en la matière provient de l'hylémorphisme d'Aristote alors que nous pouvons aller jusqu'au kheper.

Cette problématique globale inclut la conceptualisation d'Yves Valentin Mudimbe ou celle de la diaspora tiers-mondiste de la question pendante de la décolonisation intellectuelle qui doit se résoudre en dépassant le langage de la modernité en philosophie et en se réappropriant l'épistémè dominante par une critique eurocentrique . Pour nous, il ne s'agit pas d'élaborer un autre discours. Car dans ces conditions le point de vue africain restera toujours une épistémé subalterne dans une sorte d'épistémologie de frontière qui n'élabore pas une reconstruction inscrite dans un régime d'historicité très longue. Le dépassement du langage de la modernité depuis le rationalisme de son fondateur René Descartes nous amène, au point de départ, à un auteur comme John Searle qui fait une reconstruction théorique à partir des sciences sociales classiques ; et la reconstruction historique non eurocentrique nous amène au kheper.

Ainsi, nous relativisons le constructionnisme a posteriori de Sylvie Mesure et de Patrick Savidan dans leur Dictionnaire des sciences humaines, qui pensent que l'enjeu c'est que la construction sociale comme approche envahit toutes les sciences sociales, à cause du fait que la « réalité sociale(...) se transforme en profondeur, (et) résiste toujours davantage à nos grille d'analyse traditionnelles et rend ainsi opaques des univers que l'on croyait jusque là familiers » .668(*) De cela « chacun ressent intimement le besoin de faire à nouveau le point sur ce que nous savons de l'être humain et de la société. (A propos, cette tâche tente de (relever le défi de la compréhension du temps présent (...) des différentes sciences humaines. Anthropologie, sociologie, psychologie, psychanalyse, droit, économie, linguistique, histoire, géographie ».669(*) C'est donc une remise à plat des nos grilles de lecture courantes de la réalité sociale, l'onto-théologie étant prise comme la pierre de touche. C'est plutôt un choix a priori des théoriciens.

* 651 Pierre LIVET, « Action et cognition en sciences sociales », dans (Dir. Jean-Michel BERTHELOT) dans Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.295.

* 652 Robert FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, VRIN, Paris, 1994, p.294.

* 653 Ibidem, p.294.

* 654 Ibidem.

* 655Ibidem, p.295.

* 656 Théophile OBENGA, L'Egypte, la Grèce et l'école d'Alexandrie : histoire culturelle dans l'Antiquité : aux sources égyptiennes de la philosophie grecque, L'Harmattan, Kinshasa, Budapest, Paris, 2006, p.33.

* 657 Ibidem.

* 658 Mbog BASSONG, Les fondements de l'état de droit en Afrique précoloniale, L'Harmattan, Paris, 2007, p.215. 

* 659 Guy RACHET (Présentation et notes), Le livre des morts des anciens Egyptiens, France Loisirs, Paris, 1994, p.111.

* 660 Voir Paul BARGUET, Le livre des morts des anciens Egyptiens, Editions du Seuil, Paris, 1979 ; cité par Cheikh MOCTAR BA, Etudes comparatives entre les cosmogonies grecques et africaines, L'Harmattan, Paris, p.251.

* 661 Ibidem, p.252.

* 662 Claude LEVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958, p.37.

* 663 Ibidem, p.344.

* 664 Robert FRANCK, « Histoire et structure », dans Jean-Michel BERTHELOT (Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf, p. 344.

* 665 Ibidem, p.52.

* 666 Ibidem, p.43.

* 667 Ibidem, p.48.

* 668 Voir Sylvie MESURE, Patrick SAVIDAN (Dir.), Dictionnaire des sciences humaines, collections `Grands Dictionnaires', Puf, p.2006. http ://www.juif.com/wiki/Autre collections : le dictionnaire des sciences humaines

* 669 Ibidem.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery