WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Nécessité d'une gouvernance alimentaire mondiale

( Télécharger le fichier original )
par Mathilde DARRAS-SADIK
Institut de Relations Internationales et stratégiques - Master 1 Relations Internationales 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

La sécurité alimentaire et productivisme : débats et notion controversée

Il n'existe pas de définition officielle de la sécurité alimentaire pourtant la notion de sécurité alimentaire est largement utilisée dés que l'occasion se présente par les institutions internationales.

Selon l'organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture, le concept
de sécurité alimentaire est apparu dans les années 70. Alors qu'elle sera

66 J.-P. Olivier de Sardan, « La crise alimentaire au Niger «, Afrique contemporaine, De Boeck université, n 225, 2008.

67 Pierre Janin, « La vulnérabilité alimentaire des sahéliens : concepts, échelles et enseignements d'une recherche de terrain «, L'espace géographique, Paris, Belin, n 4, 2006.

68 Pierre Janin, « Le soleil des indépendances [alimentaires] ou la mise en sc»ne de la lutte contre la faim au Mali et au Sénégal «, Hérodote, n 131, 4e trimestre 2008.

fréquemment utilisée à partir de 1995/1996 lorsque le nombre de personnes affamées augmentera, mais la priorité de la communauté internationale sera ailleurs.

Cette notion a évoluée de considérations plutôt quantitatives et économiques vers une définition tenant compte de la qualité et de la dimension humaine.

En effet, en 1975, on entendait par sécurité alimentaire, la capacité de tout temps d'approvisionner le monde en produits de base, pour soutenir une croissance de la consommation, tout en ma»trisant les fluctuations et les prix.

Tandis qu'en 1990, la sécurité alimentaire signifiait la capacité d'assurer que le syst»me alimentaire fournit à toute population un approvisionnement alimentaire nutritionnellement adéquat sur le long terme.

Cette évolution de définition a influencé les stratégies de la FAO pour assurer la sécurité alimentaire pour tous et spécialement pour les pays en développement.

Le concept de sécurité alimentaire fait référence à la disponibilité ainsi qu'à l'acc»s à la nourriture en quantité et en qualité suffisante.

Il existe une définition couramment utilisée mais dont les indicateurs ne sont pas fiables.

La sécurité alimentaire comporte ainsi quatre dimensions :

1. La disponibilité (la production intérieure, la capacité d'importation, la capacité de stockage et l'aide alimentaire.)

2. L'acc»s (dépend du pouvoir d'achat et de l'infrastructure disponible.)

3. La stabilité des infrastructures, de la politique et du climat

4. La salubrité et de la qualité (hygi»ne et acc»s à l'eau.)

Récemment, la FAO parlait de sécurité alimentaire lors du sommet de Juin 2008 à Rome sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde69.

A cette occasion, à été exprimer la conviction que « la communauté internationale
doit prendre des mesures urgentes et coordonner pour lutter contre les effets

69 Le sommet sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde s'est déroulé du 3 au 5 Juin 2008 à Rome, et a réuni des représentants de 180 pays de l'Union Européenne et de gouvernements.

négatifs de la flambée des prix des denrées alimentaires sur les pays et les populations les plus vulnérables du monde «.

La FAO estime que la flambée des prix des denrées alimentaires est la principale responsable de l'absence de progr»s dans la réduction du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde et donc de sa forte augmentation. Et a pour conséquence d'aggraver l'insécurité alimentaire et la malnutrition au sein des populations pauvres en diminuant la quantité et la qualité des aliments consommés70.

Mais l'insécurité alimentaire ne peut être enti»rement expliquée par la flambée des prix des denrées alimentaires.

Le fonctionnement d'ensemble du syst»me alimentaire mondial a été perturbé et continue à l'être. Depuis la fin des années 1970, celui-ci s'est orienté vers un abandon généralisé des cultures vivri»res au profit d'un syst»me planétaire marchand de circulation des produits alimentaires.

Marcel Mazoyer et Laurence Roudart en ont parfaitement décrit le mécanisme dans leur ouvrage sur l'Histoire des agricultures du monde71 :

« Les agriculteurs des pays en développement ont alors réduit ou délaissé les cultures vivriOres destinées à la vente, afin de consacrer une part croissante de leurs forces aux productions tropicales d'exportation (É). Ainsi se sont formées ou confirmées de grandes spécialisations agroexportatrices : café, thé, cacao, tabac, arachide, coton, ananas, banane, etc. (É) Le recul relatif des cultures vivriOres destinées à la vente, alors même que la demande urbaine ne faisait qu'augmenter, a plongé beaucoup de pays en développement dans une dépendance alimentaire croissante ».

70 FAO, L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde, rapport 2008, Rome, Juin 2008

71 Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, Histoire des agricultures. Du néolithique à la crise contemporaine, Seuil, coll « points d'essais «, 2002.

En effet, selon les mêmes auteurs, les importations de céréales en Afrique ont été multipliées par cinq depuis 1965 tandis que la production locale était divisée par deux.

Selon Jacques Diouf, l'accroissement de la production vivri»re dans les pays en développement et non autosuffisants72, doit être au cÏur des politiques, des stratégies et des programmes visant à assurer la sécurité alimentaire sur une base durable.

Ceci passe par l'amélioration de la productivité. En effet, les intentions du directeur général de la FAO de « mettre en place des filets de sécurité ciblés (...) afin que tous puissent avoir accès aux aliments dont ils ont besoins pour mener une vie saine73 «, associé à la mise en place de politique pour « aider les petits agriculteurs, pour les permettre d'accroitre la production vivrière, gràce à un meilleur accès aux semences, aux engrais, aux aliments pour animaux et autres intrants74 », peuvent être bonnes pour accro»tre l'offre alimentaire et baisser les prix sur les marchés locaux.

Encore faudrait-il que la petite paysannerie est acc»s à la terre75.

L'acc»s à la terre ou le droit d'exploitation durable est le processus dans lequel des personnes, individuellement ou collectivement, gagnent des droits, des possibilités et de la sécurité pour occuper et utiliser la terre76.

La question de la terre est d'autant plus importante que sur le milliard de personnes qui souffrent de faim, les deux-tiers sont des paysans sans terre.

Et cette perte de droits des producteurs sur la terre a des conséquences dramatiques.

En effet, posséder une parcelle de terre, c'est disposer d'une source de richesses et
de pouvoir mais aussi d'un moyen de pérenniser son statut social. Les activités liées

72 Les pays qui n'ont pas la possibilité de subvenir aux besoins alimentaires de leur peuple par leur seule production.

73 Op.cit., FAO, L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde, rapport 2008.

74 Idem.

75 Marc Dufumier, Agricultures africaines et marché mondial, Fondation Gabriel Péri, 2007.

76 Selon Ritimo, le Réseau d information et de documentation pour le développement durable et la solidarité internationale. Disponible sur http://www.ritimo.org

à la terre sont à la base même des moyens de subsistance, de revenus et d'emplois et de gestion convenable de l'environnement.

Dans un contexte de mondialisation et d'industrialisation de l'agriculture, la concentration des exploitations va de pair avec l'expropriation des petits paysans et la spéculation fonci»re. Ce sont des producteurs modernisés liés à des entreprises transnationales qui s'accaparent d'immenses superficies de terres. Ce mod»le de développement agricole productiviste conduit à la marginalisation des petits paysans.

La productivité invoquée par la FAO, n'est donc pas le terme à évoquer mais plutôt celui du productivisme dans la mesure oü sont privilégiées les quantités de biens produites sur la qualité.

Le productivisme est également le sacrifice de toute autre considération pour maximiser la production. Le productivisme n'est pas sans risques pour l'acc»s à la terre, pour la préservation des ressources naturelles et pour la dimension familiale de l'agriculture paysanne des pays en développement.

Ainsi se développe une course à l'acquisition de nouvelles terres par des pays tels que la Chine, l'Inde.

Des millions d'hectares sont actuellement achetés ou loués dans les pays en développement les plus pauvres par des gouvernements, des multinationales et des investisseurs privés. Ceci a pour conséquence la marginalisation de la petite paysannerie par leur expulsion, la précarité de l'acc»s à l'eau et la disparition de leurs moyens de subsistance77.

Parmi les pays louant leurs terres aux plus offrant, l'exemple du Mali est pertinent :

« Il y a de quoi rendre autosuffisant le Mali en riz, voire d'en faire une puissance exportatrice, un atout en période de crise alimentaire. Mais faute de moyens, l'Etat compte sur les capitaux étrangers pour mettre des terres en culture, et construire des routes et des canaux d'irrigation78». Les terres maliennes sont louées à des investisseurs chinois, américains et libyens qui y cultivent la canne à sucre. Mais ce

77 Voir annexe 4 : carte représentant les acquisitions de terres agricoles en 2009.

78 Laetitia Clavreul, « Au Mali, les nouvelles mises en culture bénéficient surtout aux investisseurs libyens «, Le monde, le 15 Avril 2009.

qui inqui»te le plus est la gestion de l'eau dont les petits agriculteurs sont les laisser pour compte.

Ainsi les investisseurs étrangers peuvent viser une rentabilité financi»re en produisant de la canne à sucre destiné à la vente d'agrocarburants.

La motivation des pays louant des terres sur un territoire d'un autre Etat est en premier lieu d'assurer sa sécurité alimentaire par l'autosuffisance alimentaire car ses ressources ne sont pas suffisantes pour des raisons climatiques, mais le plus souvent ce sont des raisons économiques qui poussent ces Etats à investir sur d'autres territoires que le leur.

Ainsi, l'Arabie Saoudite par le biais de ses groupes agro-alimentaires a investi massivement au Soudan pour une autosuffisance alimentaire dite « délocalisée «79.

Une autre dimension économique s'est développée et vise à privilégier des cultures de rentes à des fins d'exportations.

Le cas de l'Egypte est frappant, alors que ce dernier re»oit l'aide alimentaire pour nourrir sa population80. L'Etat a développé un syst»me d'aide et de soutien en faveur des agro-investisseurs et au détriment des petits paysans. Ainsi l'Egypte est un grand exportateur de produits agricoles de part ses cultures de cotons, de fleurs...mais est aussi un grand importateur de produits alimentaires.

Le productivisme risque aussi de faire oublier les préoccupations environnementales. Des situations de défrichements forestiers, d'épuisement des ressources en eau, de surexploitation de la fertilité, et d'utilisations imprudentes de pesticides et OGM sont malheureusement monnaie courante et sont de graves menaces sur la biodiversité81.

79 Gilles Paris, « L'Arabie Saoudite vise une autosuffisance alimentaire délocalisée «, Le monde, le 17 Avril 2009.

80 Habib Ayeb, « Crise alimentaire en Egypte : compétition sur les ressources, souveraineté alimentaire et rTMle de l'Etat «, Hérodote, n° 131, 4e trimestre.

81 Nicolas Bricas et Beno»t Daviron, « De la hausse des prix au retour du productivisme agricole : les enjeux du sommet sur la sécurité alimentaire de Juin 2008 à Rome «, Hérodote, n° 131, 4e trimestre.

Et en dernier lieu, le productivisme est néfaste à l'environnement social. En effet, la production intensive met en danger de disparition des exploitations familiales à caract»re trangén»rationnel quasiment unanime dans les pays en développement.

Pour conclure, le productivisme est contraire au développement de l'agriculture de fa»on durable.

Les gouvernements et les institutions internationales doivent prendre leur responsabilité et envisager des politiques agricoles sur le long terme.

Et à ce propos, Olivier de Schutter a publié un appel pour la prise en compte d'un ensemble de onze principes liés aux droits de l'homme comme base minimale dans les contrats d'acquisitions ou de locations à large échelle de terres agricoles, plus communément appelés « land grabbing «. Ces principes sont également un appel pour le respect du droit à l'autodétermination des peuples et du droit au développement82.

Améliorer l'acc»s à la terre est une nécessité pour réduire la pauvreté, assurer une gestion durable des ressources naturelles, réduire les conflits, freiner l'exode rural et l'urbanisation et accro»tre la sécurité alimentaire ainsi que la souveraineté alimentaire est une priorité.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand