INTRODUCTION
Si les États du Nord ont constamment proclamé
leur volonté de mettre le pied à l'étrier des pays qui se
lançaient dans l'aventure du développement, ils ont, dans le
même temps, eu pour souci majeur de sauvegarder leurs
intérêts en cantonnant les revendications du Sud dans les limites
qu'ils jugeaient acceptables1. Ainsi, les procédures de
gestion de l'aide au développement qu'ils ont mis en place ont eu pour
effet, sinon pour but avoué, de vider de leur contenu les quelques
concessions qu'ils faisaient par ailleurs.
Donc la majeure partie de l'aide est liée et
conditionnée, c'est-à-dire assortie de conditions favorables aux
pays donateurs. Ces conditions peuvent porter sur des questions diplomatiques
et politiques (Chapitre.2), mais elles comportent toujours un volet
économique (Chapitre.1).
1- Sophie BESSIS, «L'occident et les
autres», La Découverte, 2001, P. 125.
CHAPITRE 1 :
PRIORITE ECONOMIQUE
L'économie mondiale est une économie
capitaliste, parce que le secteur capitaliste est le secteur dominant de la
plupart des économies, parce que la dynamique économique et
sociale provient des activités capitalistes, parce que, enfin ce sont
les «puissances capitalistes» qui déterminent les
mécanismes mondiaux de fixation des prix1.
Les pays en voie de développement sont alors
basculés dans des économies traditionnelles, ce qui les conduit
à une concentration financière de plus en plus grandissante des
pays aidants (Section 1), ensuite à une domination commerciale accrue
par ces derniers (Section 2).
Section 1 : dépendance financière
des pays aidés
Elle s'est effectuée et se réalise encore de
diverses manières :
D'abord par la dépendance financière des
États du Tiers Monde vis-à-vis de sources de financement
extérieures pour assurer la création d'infrastructures et
même parfois le simple équilibre du budget de fonctionnement.
On peut en dire autant du financement par l'investissement
privé, en particulier lorsqu'il est réalisé par de
très grosses unités internationales dont le pouvoir de
négociation et les moyens financiers peuvent dépasser ceux de
l'État - récipiendaire. Outre les effets possibles sur les prix,
sur l'orientation géographique des approvisionnements et des
débouchés, sur le rapatriement des bénéfices,
l'existence des centres
1- Marc PENOUIL, «Socio-économie
du développement», Dalloz, 1979, P. 77.
de décisions extérieures contribue à rendre
très aléatoire les prévisions des planificateurs dans le
domaine de la production.
La place très importante tenue par les organismes
bancaires internationaux est un autre élément de la
dépendance financière1.
En fait, parler d'aide lorsqu'une entreprise privée va
exploiter les ressources naturelles d'un pays sous-développé en
retirant de l'opération un profit très élevé est
quelque peu abusif. Tout cela ne fait qu'accentuer la dépendance
économique du pays aidé.
L'aide correspond donc, quelles qu'en soient les
modalités, à un transfert de biens ou d'infrastructures, qui
enrichissent le pays bénéficiaire et créent souvent des
économies externes et des effets de complémentarités, mais
les effets par l'intermédiaire des flux financiers sont
détournés vers le pays aidant.
Les États et les entreprises du Nord ont ainsi
longtemps tiré un double bénéfice de pratiques dans
lesquelles ils ont joué le rôle indispensable de corrupteur, en
gagnant des marchés qui n'auraient pas tous trouvé preneur dans
des contextes plus transparent et en voyant venir chez eux, sous forme de
placements privés ou de dépenses de consommation de luxe, les
montants des commissions allouées aux décideurs du Sud.
Leurs capacités financières donnent enfin aux
grands États du Nord la capacité d'accroître leur mainmise
sur les marchés selon des modalités qui renforcent la logique
mercantiliste de leurs politiques commerciales aux dépens du credo
libéral qu'ils servent à leurs partenaires.
En effet, l'Afrique est dépendante
financièrement à la fois par sa dette et par l'aide qu'elle
reçoit. Ainsi, depuis 1985, l'Afrique donne plus à ses
créanciers qu'elle ne reçoit d'eux2. Parfois
même l'aide reçue constitue un paiement de la dette.
1- Ibid., P. 87-88.
2- Robert CHAPUIS, «Les quatre mondes du Tiers
Monde», Masson, Paris, 1993, P. 182.
Enfin, la dépendance financière engendre une
dépendance commerciale, en particulier en ce qui concerne les
importations.
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