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Regards croisés sur une femme confrontée à  l'exercice du pouvoir : Marie Stuart dans les écrits de G. Buchanan et J. Leslie (1561-1587).

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par Mélanie Boué
Université de Provence - Master 1 recherche Histoire 2009
  

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Le 8 février 1587, Marie Stuart est exécutée au château de Fotheringay. Michel Duchein écrit dans l' Histoire de l'Ecosse, qu'il est toujours délicat de faire le récit objectif de la vie d'un roi ou d'une reine que l'on a exécuté.1(*) Le fait même de savoir qu'une instance juridique, un peuple révolté ou un monarque à court de solution a choisi d'en finir avec celui ou celle qui incarnait le pouvoir peut biaiser notre opinion. En effet, cela nous pousse à prendre parti, à décider a posteriori de l'innocence ou de la culpabilité de ce monarque déchu dont on a mis la tête sur le billot. Peut-être est-ce cet acte final qui rend Marie Stuart aussi populaire. Il suffit de consulter le catalogue des bibliothèques nationales écossaise et britannique pour se rendre compte que le « cas » Marie Stuart a intéressé et continue d'intéresser de nombreux historiens, écrivains et dramaturges.2(*) Si nous effectuons une recherche simple grâce aux moteurs de recherche des bibliothèques nationales en tapant « Mary, Queen of Scots », nous obtenons un résultat comptabilisant 572 entrées dans le catalogue de la British Library et un résultat de 537 entrées pour le catalogue de la National Library of Scotland. Pour comparaison, si l'on effectue le même type de recherche avec pour mot-clé « Mary Tudor », nous obtenons 81 entrées dans le catalogue de la British Library et 52 dans le catalogue de la National Library of Scotland.3(*) Pourtant si l'on s'en réfère à la fonction principale du monarque - régner - force est de constater que le bilan de Marie Stuart est bien pauvre : son règne n'a duré que six ans, elle a régné sur un pays protestant alors qu'elle était de confession catholique, mais n'a pourtant jamais réellement montré une quelconque volonté de reconvertir par la force son peuple insoumis et réformé.

L'intérêt que portent les historiens à la reine d'Ecosse se situe donc ailleurs. Antoine Prost écrit dans Douze Leçons sur l'Histoire que, bien qu'ayant pour devoir de se montrer le plus objectif possible, l'historien est toujours plus ou moins « ami » de son sujet d'étude.4(*) Après avoir passé des mois voire des années à étudier, analyser et interroger les sources qui relatent la vie d'un homme ou d'une femme, l'historien finit par se sentir proche (ou bien complètement différent) de ce personnage historique. Après tout il s'agit d'une expérience humaine, c'est avant tout une rencontre, une rencontre par sources interposées, mais une rencontre tout de même. En lisant les diverses biographies de Marie Stuart on sent que les historiens qui se sont lancés dans l'étude et l'analyse de ce personnage controversé ont fini, pour la majorité d'entre eux, par se laisser influencer par le débat qui entoure la reine d'Ecosse et qui consiste à statuer sur la responsabilité de Marie dans le meurtre de son second époux, Henry Darnley. Bien entendu cette controverse qui anime la littérature du seizième siècle ne se résume pas à ce simple incident qui ferait de Marie une meurtrière et nous verrons par la suite qu'il est bien compliqué d'établir la culpabilité ou l'innocence de la jeune reine dans cette affaire ; toutefois le fait que des historiens depuis plusieurs siècles s'évertuent à statuer sur la culpabilité ou l'innocence de la reine montre bien que l'histoire de Marie Stuart va au delà de l'histoire du seizième siècle. L'histoire de cette reine, jeune, belle, romantique et condamnée avait tout d'une tragédie, et en s'intéressant au sort de la belle Marie Stuart plus qu'à son règne ou son peuple, certains historiens n'ont fait que suivre un chemin qu'avaient commencer à tracer des auteurs comme Leslie ou Buchanan en abordant le personnage de Marie Stuart sous son angle le plus intéressant, c'est-à-dire son caractère tragique.

C'est ce caractère tragique qui assure à Marie Stuart la postérité. Jayne Elizabeth Lewis montre que les lectrices du XVIIIème et XIXème siècle s'identifiait à Marie Stuart et lisaient leurs rêves mais aussi leurs propres vies dans la sienne. 5(*) Cela prouve que pour certains Marie Stuart n'était pas seulement un personnage historique, elle devenait un mythe, une héroïne. Si bien que c'est avant tout cette image de reine déchue qui passionne et non son règne à proprement parler. Rarement la représentation de la vie privée d'un monarque n'a tant dépassé son image publique.6(*)

La vie de Marie a pris fin en Angleterre en février 1587. Il est peut-être étrange de commencer cette brève biographie par la fin, mais il s'avère que cette « fin » n'est en fait qu'un début. Parmi les devises que Marie Stuart brodait dans sa prison de Sheffield, figurait une formule des plus énigmatiques : « En ma fin est mon commencement ». La reine espérait-elle que son destin déchaîne tant de passions ? Qu'entendait-elle par là ? Etait-ce seulement une maxime chrétienne faisant référence à la résurrection ? Nul ne le sait vraiment. Nombre d'historiens ce sont penchés sur la question et en discutent encore. Mais la reine d'Ecosse ne se doutait certainement pas de l'ampleur que prendrait cette phrase. Dans son cas précis cette phrase est devenue littéralement prophétique tant il est vrai que son exécution a libéré la plume des auteurs qui ont forgé sa légende.7(*) Mais pour l'heure, il s'agit de revenir au « vrai » commencement.

Marie Stuart est née le 7 ou le 8 décembre 1542. Elle-même clamait qu'elle était née le 8, fête de la Conception de la Vierge, mais John Leslie affirmait quant à lui qu'elle était née le 7. Malheureusement aucun document n'existe qui permette de trancher absolument le débat.8(*) Elle était la fille de Marie de Guise et de Jacques V roi d'Ecosse, qui mourut six jours après sa naissance, laissant sa couronne à un nourrisson. L'héritier du trône est un enfant, ce qui en soit ne pose pas trop de problèmes car la minorité des futurs monarques écossais était devenue, par obligation, une tradition. Jacques IV mourut après la bataille de Flodden en 1513, son fils, Jacques V n'avait qu'un an. C'est la réaction de Jacques V à l'annonce de la naissance de Marie qui fut inhabituelle. Apprenant qu'il était père d'une petite fille, le roi ce serait exclamé : « it cam wi' a lass and it will gang wi' a lass » (Cela a commencé par une fille, cela finira par une fille) en référence à la manière dont la dynastie des Stuart avait accédé au trône par le mariage de Walter the Steward (Walter le sénéchal) avec la fille de Robert le Bruce, Marjorie. L'histoire allait prouver qu'il avait tort, en effet la dynastie des Stuart n'allait s'éteindre qu'en 1714 après la mort de la reine Anne. Toutefois sa réaction (bien que qualifiée d'apocryphe par Jenny Wormald9(*)) ajoute à la dimension tragique du personnage Marie Stuart.

L'héritier du trône d'Ecosse était une fille, en soit, ce n'était pas un problème majeur ; tout le monde s'accordait à dire que ce nourrisson âgé d'une semaine était l'héritier légitime du trône d'Ecosse. Le contexte politique en revanche était problématique. L'Ecosse était en guerre, et le fiasco de Solway Moss (1542) avait eu pour conséquence de faire passer certains nobles aux mains des Anglais. La naissance d'une future reine représentait une manne pour les monarchies européennes : si elle vivait assez longtemps pour se marier, elle donnerait des enfants à son mari, le roi d'Ecosse, et ces mêmes enfants hériteraient du royaume d'Ecosse mais aussi du royaume de leur père. Autrement dit les monarchies européennes commençaient à comprendre l'importance stratégique du royaume écossais. Toutes les monarchies étaient intéressées par la possibilité d'étendre leur domination, mais une en particulier avait un avantage. Le royaume d'Angleterre de par sa proximité géographique, couplée à sa supériorité militaire, et de par l'existence d'un héritier mâle âgé de cinq ans avait incontestablement une longueur d'avance sur les autres prétendants. Au moment où se dessine la possibilité d'une union entre l'héritière du trône d'Ecosse et le futur roi d'Angleterre, le jeune Edouard, l'Ecosse est dirigée par le régent John Hamilton, comte d'Arran, qui se montre d'abord favorable à cette union. Ce mariage pouvait ramener la paix en Ecosse. Mais au début de l'année 1543, l'opposition de Beaton, archevêque de Saint Andrews et du comte de Lennox (autre prétendant au trône) pousse Arran à faire marche arrière. Jusqu'ici il s'était montré favorable à la diffusion de la religion réformée en Ecosse avec pour dessein de s'affirmer comme un sympathisant anglais. Seulement dès septembre 1543, la ferveur hérétique excède ce qu'il avait prévu : pamphlets et littérature hérétiques abondent. Quand Arran décide de revenir sur ses décisions prises en faveur du protestantisme, des émeutes éclatent un peu partout. Le pays est divisé, au parti protestant et favorable aux Anglais s'oppose un parti pro français et catholique bien plus important.

Henri VIII se sentant dupé décide de reprendre la guerre contre l'Ecosse. Il envoie le premier raid de l'armée anglaise au printemps 1544 pour punir Arran de sa trahison. Seymour, qui commande l'armée, le convainc d'épargner les lords favorables aux anglais. Henri VIII ordonne de réduire Edimbourg à feu et à sang, ce que s'efforce de faire Seymour. La mainmise et la violence anglaise n'avaient jamais été aussi fortes, ce qui discrédita le parti pro anglais. Ces évènements rallièrent la morale des écossais. De plus, la guerre opposants les anglais aux français prenait un autre tournant et les troupes anglaises étaient considérablement affaiblies. Excédés par le comportement des armées anglaises, les écossais se tournent vers leur vieil allié français. Le nouveau roi Henri II désireux d'investir massivement dans cette province envoie de nouvelles aides en juin 1548. Un mois plus tard, un traité est signé indiquant que la reine d'Ecosse était promise au Dauphin français et non au futur roi d'Angleterre. En 1550 la paix est signée entre l'Ecosse et l'Angleterre. La défaite est humiliante pour l'Angleterre.10(*)

Après cette série de campagnes militaires menées par l'Angleterre et plus connue sous le nom romantique de Rough Wooing11(*), Marie de Guise fit en sorte de s'arroger le pouvoir, prenant le contrôle comme seule et unique régente du pays. Marie de Guise prit alors la décision d'envoyer sa fille loin des bras armés d'Henri VIII, à la cour de France. En France, Marie fut élevée comme la camarade des enfants d'Henri II pendant que sa mère et ses oncles complétaient les négociations qui se soldèrent par le mariage de la future reine d'Ecosse avec le Dauphin, François II. Dès son arrivée en France la nouvelle princesse est louée de toutes parts. Ce qui frappait unanimement tous les contemporains était le charme extrême de l'enfant. Même le roi, Henri II, semblait ébloui par cette jeune princesse. La première fois qu'il la rencontra il se serait écrié qu'elle était : « l'enfant le plus accompli qu'il eût jamais vu ».12(*) Diane de Poitiers était en charge de l'éducation des enfants du roi et de la jeune princesse écossaise. Comme le fait remarquer John Guy, Diane de Poitiers avait un goût particulier pour la reliure et était (après la mort de François Ier) la plus grande collectionneuse d'oeuvres d'art italiennes.13(*) On peut supposer qu'elle transmit son goût pour l'art italien à Marie Stuart qui plus tard fit venir à sa cour des artistes italiens parmi lesquels David Rizzio, musicien italien puis conseiller personnel de la reine.

L'hospitalité dont bénéficie Marie n'est pas seulement due à l'extrême mansuétude d'Henri II. Aux yeux des français, Marie Stuart représentait un moyen de s'approprier le royaume britannique, ou du moins d'exercer une pression sur les Anglais qui, rappelons le, occupaient encore un territoire sur les côtes françaises et persistaient dans leur prétention à la couronne de France.14(*) Les huguenots français s'opposèrent d'abord au mariage considérant qu'il s'agissait d'une manoeuvre des Guise pour se rapprocher du pouvoir. Les Guise pour contrer ces objections commanditèrent de nombreux écrits visant à décrire Marie comme « une bonne prise ». Ainsi, bien avant le mariage les poètes français travaillaient sur ce thème. Saint-Gelais écrivit un poème louant la beauté de la reine, soulignant également les avantages politiques que l'union entre la reine d'Ecosse et François II représentait. De même, un sonnet écrit par Jacques Tahureau en 1554 félicitait François II et Marie qui, en devenant reine de France acquérait un nom qui la rendrait immortelle.15(*) Les avantages que représentait ce mariage semblaient dissiper les hésitations. Marie, future reine d'Ecosse et prétendante à la succession du royaume d'Angleterre était un atout politique indéniable pour la France.

En 1558, elle épouse François II qui devient roi un an plus tard après la mort de son père causée par un accident. Malheureusement, François II était un jeune homme chétif à la santé fragile. Il meurt en décembre 1560, mettant un terme à tous les rêves de grandeur qu'avaient formulé les poètes français. Marie Stuart se retrouve alors reine douairière, veuve, âgé de dix-huit ans et très impopulaire auprès de sa belle-mère qui craignait sûrement que sa bru ne cherche à se remarier avec son second fils et nouveau roi de France Charles IX. On racontait que Marie s'était mise sa belle mère à dos du temps où elle-même, dauphine ou jeune reine, l'avait qualifiée avec mépris de « fille de marchands ».16(*) Marie n'avait donc plus rien à faire en France et prit la décision de retourner en Ecosse où son royaume l'attendait. Elle devint reine catholique d'un royaume protestant où les Lords de la Congrégation, tels que les avaient nommés John Knox, avaient pris le contrôle du pays en 1559.17(*)

Au moment où Marie Stuart pose le pied sur le sol écossais, le contexte politique européen est troublé. Les sociétés européennes sont travaillées par l'inquiétude religieuse. En Ecosse, les protestants dirigent le pays emmenés par John Knox. John Knox se pose dès le début en opposant de Marie Stuart. Alors qu'il est exilé à Genève il écrit un pamphlet contre « les Maries » catholiques en 1558, à savoir Marie de Guise et Marie Tudor. Dans The First Blast of the Trumpet Against the Monstruous regiment of women, Knox explique qu'il est légitime pour un peuple opprimé de s'élever contre le tyran qui le gouverne qui plus est si ce tyran est arrivé au pouvoir de manière illégitime. Cependant, le caractère misogyne du pamphlet est ce qui ressort le plus à la lecture du texte, ce qui vaut à John Knox de se mettre à dos les régentes de l'époque, y compris Elizabeth18(*). Ce texte portait atteinte non seulement au genre féminin mais aussi à la légitimité des monarques. Dans une période de troubles politique et religieux ce texte préconisant la révolte représentait un danger pour la monarchie, et plus particulièrement pour la monarchie écossaise. De ce fait on peut dire que Knox amène dans les esprits des penseurs de son époque l'embryon d'une pensée contestataire.

L'Ecosse n'est pas le seul pays à faire face à des troubles religieux. Depuis la publication dans sa version définitive de Institutio religionis chritianae (oeuvre de Calvin publiée dans sa version définitive en 1559)19(*) les idées de Réforme se répandent un peu partout en Europe. Le but de Calvin est clair : « Aider ceux qui désirent d'être instruits dans la doctrine du salut ». Il se veut l'interprète de la volonté divine : « J'oserai hardiment protester, en simplicité, ce que je pense de cette oeuvre la reconnaissant être de Dieu plus que mienne » et se propose de donner « une somme de la doctrine chrétienne ».20(*) Après la mort de la régente Marie de Guise, le Parlement écossais, composé des barons et des bourgeois, se réunit et adopte la Confession écossaise et les statuts de Réforme. La Confession écossaise, présentée par John Knox, est une profession de foi d'inspiration calviniste qui enseigne la doctrine de la prédestination et la justification par la foi, qui ne conserve que deux sacrements, le baptême et la Cène, qui permet la communion sous les deux espèces et professe la doctrine de la présence spirituelle du Christ pendant la communion.

En France aussi la doctrine calviniste fait des émules. Après la publication de L'institution chrétienne en 1541, traduction française du texte latin publié en 1539, les idées de réforme se répandent en France. Calvin, rappelé à Genève en 1541, prodigue ses conseils aux réformés français et leur envoie des directives pour conforter leur foi. En France les réformés s'organisent suivant le système presbytéro-synodal que Calvin a mis au point dans les ordonnances ecclésiastiques en 1541. Grâce à Calvin, les français réformés reçoivent des ministres formés. En 1560 ils auraient été près d'une quarantaine à exercer en France.21(*) Henri II a une attitude ferme face aux protestants et est résolu, conformément au serment du sacre des rois de France, « d'exterminer les hérétiques ». Le 2 juin 1559, les lettres d'Ecouen donnent pour mission à de « notables personnages » de se rendre dans les provinces pour procéder à « l'expulsion, punition et correction des hérétiques ». La paix du Cateau-Cambrésis (3 avril 1559) conclue entre Philippe II et Henri II est établie sur la base de la restitution au duc de Savoie des territoires conquis en 1536 et de l'abandon solennel par le roi de France de toutes prétentions sur Milan et Naples. Elle est un gage de sûreté pour les deux rois : même si cette paix est peu avantageuse pour la France, elle permet aux Français comme aux Espagnols d'avoir les mains libres pour résoudre les problèmes religieux. Philippe II lui aussi doit faire face aux oppositions protestantes aux Pays-Bas. Lors de son abdication à Bruxelles, Charles Quint dit à son fils Philippe : « Honore la religion, consolide la foi catholique, rétablis-la dans toute sa pureté »22(*) , l'injonction est belle mais la promesse semble dure à tenir.

En Angleterre, la situation n'est guère plus stable. En à peine plus de dix ans trois monarques se sont succédés à la tête du royaume. Edouard (1547-1553) succède à Henri VIII et tente d'orienter le pays vers le protestantisme. En 1553, c'est Marie Tudor, fille de Catherine d'Aragon et d'Henri VIII, fervente catholique, qui lui succède. Les anglais protestants avaient pourtant essayé de lui substituer Jane Grey, protestante et arrière petite-fille d'Henri VII mais les troupes des Marie Tudor vinrent à bout des opposants. Mieux connue sous le nom de « Marie la sanglante », la reine d'Angleterre avait pour but de restaurer la foi catholique. Epouse de Philippe II, leur union fait craindre aux Anglais que Marie Tudor ne mettent les moyens militaires de son mari aux service de l'Angleterre afin d'en finir avec l'opposition protestante. La religion catholique est partout restaurée et les hérétiques sont poursuivis, jugés et exécutés. Le 17 novembre 1558 Marie Tudor meurt et laisse le trône à sa demi-soeur Elizabeth. L'arrivée au pouvoir d'Elizabeth implique des changements dans le paysage religieux européen. Si l'on considère que la catholique Marie Tudor permettait aux monarchies catholiques de peser plus lourd sur la scène européenne, l'accession au pouvoir en Angleterre d'une reine protestante remet en question cette supériorité. Il s'était constitué une ligue de quatre pays catholiques avant novembre 1558, la France, l'Espagne, l'Ecosse et l'Angleterre, il n'en restait maintenant plus que trois. L'opportunité se présentait de faire avancer la cause protestante en Ecosse grâce à l'aide de l'Angleterre et l'espoir était grand pour les lords protestants écossais. Après que les Ecossais voient se rapprocher le danger d'une reprise en main catholique suite à la paix du Cateau-Cambrésis, l'espoir renaît. La persécution organisée par Henri II contre les hérétiques conforta les Ecossais dans leurs sentiments qu'il fallait se débarrasser de la tutelle française. C'est dans ce but que les protestants écossais contactèrent William Cecil dès le mois de Juillet 1559, affirmant qu'ils voulaient répandre le protestantisme et nouer une nouvelle amitié avec l'Angleterre. Les Ecossais et les Anglais, après des siècles d'affrontement avaient maintenant une religion commune et un ennemi commun, la France. Le roi de France écrivit le 29 juin 1559 au pape Paul IV qu'un incroyable désastre s'était abattu sur l'Ecosse et qu'il en était navré, cependant il écrivait aussi qu'il se montrait confiant en l'avenir et qu'il s'en remettait au jugement de Dieu qui, offensé par cette traitrise, allait rétablir l'ordre en Ecosse. Les évènements qui suivirent mirent à mal son optimisme. 23(*) Le jour qui suivit la rédaction de cette lettre Henri II prit part dans un combat de joute et fut touché par son adversaire le comte de Montgomery (son oeil et sa gorge furent transpercés par la lance de son adversaire). Le 10 juillet le roi meurt.

La mort d'Henri II engendre un déséquilibre en France. La tension entre les protestants et les catholiques ne fait que s'accroître et les deux partis sont maintenant armés. François II, le fils d'Henri II, jeune homme malingre et souffreteux semble peu à même d'apaiser les tensions, de plus il est largement influencé par la famille de sa femme, les Guise. François II doit aussi s'occuper des troubles qui sévissent en Ecosse et demande au duc de Guise de mettre fin à la dissidence mais aucun compromis n'est envisagé par les lords écossais. De plus, Knox met le feu aux poudres dans un sermon à Perth qui conduit à une émeute iconoclaste le 11 mai. Marie de Guise voyait cela comme un acte de rébellion, d'autant plus que des tombes royales avaient été saccagées. Une rébellion religieuse venait de commencer. La Congrégation décide d'occuper Edimbourg, mais les troupes françaises constituent un bouclier dans le port de Leith. Remobilisée, la Congrégation occupe à nouveau Edimbourg en octobre 1559 et déclare qu'elle dépose Marie de Guise. Mais là encore l'armée française est plus forte. Des raids punitifs sont organisés par l'armée française à l'hiver 1559-1560. La cause rebelle semble perdue.

Des éléments extérieurs jouent alors en sa faveur. La France ne pouvait plus continuer la guerre en Ecosse. Marie et François étaient au pouvoir théoriquement, mais en réalité, les Guise gouvernaient. La montée des protestations en France inquiétait le pouvoir et après la tentative d'enlèvement du roi déjouée à Amboise en mars 1560, les Guise ne pouvaient pas se permettre d'envoyer des troupes en Ecosse. En janvier 1560, l'aide anglaise arrive et le port de Leith est bloqué. Marie de Guise, malade, meurt le 11 Juin. Les français envoient des ambassadeurs pour négocier la paix.

Par le traité d'Edimbourg, les époux royaux français abandonnent leur prétention au trône d'Angleterre et reconnaissent, en des termes vagues, la légitimité de la Kirk écossaise. La gouvernance de l'Ecosse est confiée à trois hommes : Lord James Stewart, fils illégitime de Jacques V, Archibald Campbell, compte d'Argyll, qui disposait de la plus grande armée privée des îles britanniques et le compte d'Arran fils du duc de Châtelherault, un fervent prostestant. Le premier parlement se tient à Edimbourg en août 1560, 106 lairds protestants étaient présents.24(*) Il s'agissait bien plus d'une assemblée révolutionnaire déguisée que d'une assemblée constitutionnelle. Le parlement adopte la Confession of faith (Confession de foi) alors que le traité d'Edimbourg statuait en faveur de la tolérance religieuse. Mais les ministres protestants pèsent de tout leur poids sur le parlement. Parmi ces ministres se trouve John Knox. Knox ne voulait pas que les deux religions coexistent, son modèle était celui de l'Eglise Réformée de Genève, une Eglise établie par la loi qui appelle à l'obéissance de toute la population. Sur 200 lairds présents le 17 août 1560 pour voter la Confession de foi, seulement 9 se sont abstenus. La Congrégation sort victorieuse et l'Eglise catholique associée à la présence française en Ecosse est balayée.25(*)

Lorsque Marie Stuart rentre en Ecosse le 19 août 1561 le contexte politique est rendu compliqué par le jeu des successions et les troubles religieux. La reine apparaît dès lors comme un espoir pour les monarchies catholiques. Pourquoi une reine si jeune et inexpérimentée intéresse-t-elle les monarques européens ? Tout d'abord Marie Stuart est une prétendante sérieuse au trône d'Angleterre. En effet, Elizabeth n'est que la fille illégitime d'Anne Boleyn et d'Henri VIII, par conséquent l'Eglise catholique ne la reconnaît pas comme héritière légitime du trône d'Angleterre. De ce fait, Marie Stuart qui est la petite fille de Margueritte Tudor (épouse de James IV et soeur d'Henri VII) est une prétendante légitime au trône anglais. Ramener l'Ecosse dans le giron catholique devient donc un enjeu de taille si les monarchies catholiques veulent faire pencher la balance religieuse en leur faveur. Marie Stuart semblait dès lors promise à une grande mission, on attendait d'elle qu'elle soit une autre Marie Tudor et qu'elle mette fin à la rébellion protestante dans son pays. Peut-être les monarques européens et le pape attendait-ils trop de cette jeune reine déracinée qui voguait en 1561 vers un pays dont elle était désormais reine mais qu'elle ne connaissait guère.

Notre étude se concentre donc sur la période allant de 1561, date du retour de Marie dans son pays natal, jusqu'à sa mort en 1587. Il nous a semblé intéressant de nous attacher à étudier les représentations de la reine d'Ecosse à travers la littérature durant cette période car il s'agit d'une période durant laquelle s'exprime la véritable personnalité de Marie Stuart. En effet, la jeune princesse était déjà la muse de nombreux poètes en France, parmi lesquels on peut citer Ronsard, mais elle n'était le sujet de leurs écrits que parce qu'elle représentait un enjeu pour son pays d'accueil. Elle incarnait l'espoir qu'un jour le royaume de France s'étendrait de l'autre côté de la Manche. On faisait l'éloge d'une jeune fille qui n'avait rien accompli, une jeune fille que l'on admirait seulement pour sa beauté et pour l'hypothétique richesse qu'elle offrirait à la France. Du début de son règne jusqu'à son exécution, Marie est jugée et décrite par les poètes contemporains en fonction de ce qu'elle a accompli, de ce qu'elle n'a pas accompli ou de ce qu'elle représente. Bien loin de la pompe de la cour des Valois, c'est dans l'exercice du pouvoir que les poètes de sa cour la jugent. En fonction de ses actions, de son caractère et de sa capacité à diriger son peuple, ceux-ci l'ont louée ou l'ont accablée.

Comme nous l'avons souligné Marie arrive dans un pays qu'elle ne connaît guère. Envoyée en France à l'âge de cinq ans, elle est une étrangère dans son propre pays. De plus, elle est catholique alors que la religion réformée est religion d'Etat. Comment va-t-elle être accueillie ? De quelle manière est-elle décrite par les poètes de la cour ? Pourquoi Marie a-t-elle choisi la compagnie de George Buchanan ? Quelle influence cet humaniste aura-t-il sur Marie ? Plusieurs problèmes peuvent être soulevés. Tout d'abord, l'on peut se demander si le règne de Marie et l'aspect tragique de sa vie ont un rôle à jouer dans le conflit religieux et politique qui divise l'Europe. Suite aux accusations dont fait l'objet Marie, nous verrons que Buchanan met en avant dans un de ses pamphlets le fait que Marie appartienne au sexe « faible ». Quel lien peut-on faire entre les écrits diffamatoires de Buchanan et le problème posé par le règne d'une femme ? A l'époque moderne, nombre de théories héritées de l'Antiquité mais aussi des penseurs catholiques entretiennent l'idée que la femme ne peut gouverner et que son rôle est avant tout d'enfanter, de perpétrer le lignage. Comment ces idées se manifestent dans les écrits de Buchanan ? Marie Stuart, bien que reine d'Ecosse, est-elle soumise aux mêmes théories ? La propagande faite autour de Marie Stuart a un grand retentissement à travers l'Europe, ce qui fait de la reine d'Ecosse un personnage d'importance européenne. Ses défenseurs ou ses détracteurs voient leurs écrits traduits du latin à l'anglais mais aussi de l'anglais au français. Comment le « cas » Marie Stuart est-il devenu un enjeu européen ? Comment Marie Stuart est-elle devenue ce personnage controversé, dont on a l'impression que la vie est construite - et décrite - comme une tragédie ?

Les sources relatant l'histoire de Marie Stuart ne manquent pas. Dès le 16ème siècle les historiens, écrivains et poètes ont statué sur le cas de la reine d'Ecosse, ce qui rend le traitement des sources d'autant plus difficile. Tant de textes ont été écrits qu'il est difficile de savoir auxquels nous devons nous référer. A cela s'ajoute l'évidente difficulté que représente l'étude de sources écrites dans une langue étrangère. Nous avons donc étudié en priorité les textes des deux auteurs écossais qui incarnent la défense et la mise en accusation de la reine d'Ecosse, à savoir John Leslie et George Buchanan. Ces deux écossais ont écrit plusieurs textes durant la période soumise à notre étude. Tout deux ont publié une histoire de l'Ecosse tout à fait subjective. Dans Rerum Scoticarum historia, Buchanan glorifie les opposants à Marie Stuart et confronte la figure de la reine à des figures nobles, vertueuses et souvent austères comme c'est le cas de James Stewart, comte de Moray.26(*) Leslie fait quant à lui publier sa version de l'histoire écossaise à Rome en 1578. Loin du récit historique fidèle, ce livre s'emploie à célébrer la religion catholique. Les trois derniers livres sont dédiés à Marie Stuart. En dédiant une partie de ce récit historique à la reine catholique Leslie embrasse la fonction de l'historien tel qu'elle était conçue durant la Renaissance. L'histoire doit être relatée dans le but d'inculquer des leçons politiques. Ainsi Leslie met en avant la souffrance de rois écossais qui ont souffert et combattu pour faire perdurer la religion catholique. Leslie inscrit Marie Stuart dans cette lignée.27(*) Nous avons choisi d'étudier les pamphlets se concentrant sur Marie Stuart et non les récits historiques de ces auteurs car ces derniers, bien qu'ayant pour but de glorifier ou d'accabler la reine, n'ont pas pour objet de détailler le règne de Marie Stuart. Ils inscrivent seulement la reine d'Ecosse dans une lignée afin de montrer l'héritage catholique du royaume d'Ecosse (ce que fait Leslie) ou d'insister sur la vertu et la droiture des prédécesseurs de la reine implicitement mises en opposition avec les passions de Marie Stuart. Nous avons donc choisi d'étudier plus en détails les poèmes de Buchanan adressés à la reine d'Ecosse ainsi que les deux pamphlets Ane Detectiovn of the duinges of Marie Quene of Scottes et De Iure regni apud Scotos. Pour ce qui est de la défense de la reine nous nous sommes penchés sur le texte de John Leslie A defence of the honour of the right highe, mightye and noble Princesse Marie Quene of Scotlande and dowager of France, with a declaration aswell of her right, title & intereste to the succession of the crowne of Englande, as that the regimente of women ys conformable to the lawe of God and nature. Le texte est dense et ses multiples rééditions prouvent l'évolution du « cas » Marie Stuart. Bien sûr l'étude de ces textes a été couplée à la lecture des biographies et essais qui font autorité. Nous détaillons quelques uns de ces textes plus bas.

Pour la plupart des sources premières, comme ce fut le cas pour Detectio, premier traité de Buchanan écrit contre Marie Stuart, nous avons été forcés de lire des traductions. En effet le traité a d'abord été écrit en latin, puis traduit et publié en anglais sous le titre Ane Detectiovn of the duinges of Marie Quene of Scottes. D'autres sources telle que A Defence etc., ont été écrites en écossais, qui est une forme proche de l'anglais mais qui comprend ses propres caractères, ce qui rend la lecture et la compréhension des textes d'autant plus difficile.

Les études récentes consacrées à Marie Stuart sont elles aussi très nombreuses, ce qui prouve l'intérêt toujours renouvelé des historiens pour un sujet d'étude qui malgré les controverses continue de fasciner les contemporains. La biographie la plus connue de Marie Stuart est sans doute la biographie publiée en 1969 puis rééditée en 1993 et 2001 de Lady Antonia Fraser, un auteur populaire outre-Manche.28(*) En dépit du fait qu'Antonia Fraser ait consacré plusieurs années de sa vie à l'étude de Marie Stuart et du fait que sa biographie, très bien documentée, fasse autorité, force est de constater que cette oeuvre s'attache la plupart du temps à romancer les amours de Marie Stuart, clamant que celle-ci a épousé Darnley par amour mais fut, au contraire, contrainte d'épouser Bothwell après qu'il l'a violée. Elle comporte nombre de passages émouvants, notamment lorsqu'Antonia Fraser raconte au combien Marie Stuart était proche des quatre « Maries » qui l'ont accompagné en France et lui sont restées fidèles jusqu'à la dernière heure. Même si selon ses propres termes, Antonia Fraser avait pour but de « vérifier la véracité des légendes qui entouraient Marie Stuart », elle semble suivre ces légendes sans que leur véracité ne soit remise en cause. Ainsi, elle consacre 75 pages au règne personnel de Marie Stuart de 1561 à 1565 et consacre 137 pages à la période allant de 1565 à 1568, période durant laquelle Darnley est assassiné et Marie épouse Bothwell, son troisième mari et prétendu meurtrier de son deuxième époux. Elle consacre ensuite 81 pages aux années 1586 et 1587 qui précèdent l'exécution de la reine d'Ecosse. De plus la première édition du livre d'Antonia Fraser date de 1969 et beaucoup de travaux ont été publiés depuis sur la Renaissance écossaise, apportant des éléments d'analyse supplémentaires. De même, comme l'écrivent Jenny Wormald et John Staines,29(*) depuis les années 1980 les Ecossais font preuve d'un regain d'intérêt envers à leur histoire nationale. Ainsi de nombreux ouvrages comme The Bruce de John Barbour ou The Wallace de Blind Hary ont été republiés et traduits (ces textes sont écrits en écossais).30(*)

Il est d'ailleurs étonnant de voir à quel point la reine suscite chez nos contemporains des sentiments contradictoires. En effet, une société s'est par exemple formée autour de la passion que certaines personnes ont pour la reine d'Ecosse. Un site internet regroupant ses poèmes, une bibliographie et une biographie lui est d'ailleurs dédié. Cette société de passionnés s'est formée en 1992 à l'occasion du 450ème anniversaire de la naissance de Marie Stuart. Depuis les membres de cette société se rassemblent chaque année pour discuter des publications récentes consacrées à Marie Stuart.31(*) En revanche, d'autres écossais bien moins admiratifs, restent perplexes quant à ce personnage qui après tout n'a régné que six ans et n'a fait que ranimer les tensions entre catholiques et protestants, lords et monarque. Parmi ces écossais critiques se trouve Jenny Wormald, historienne et professeur d'histoire moderne écossaise à l'Université d'Edimbourg. Son essai publié en 1988, Mary Queen of Scots, A Study in Failure, est une des rares biographies de la reine d'Ecosse qui critique autant l'incapacité de cette jeune femme à régner sur son pays.32(*) Dès la préface, Jenny Wormald annonce qu'il ne s'agit pas d'écrire une énième biographie de la reine destinée à analyser les passions de Marie Stuart. L'historienne écrit cet essai-biographie (le livre est en effet assez exhaustif pour être considéré comme une biographie) alors que l'Ecosse s'apprête à célébrer le 400ème anniversaire de l'exécution de Marie Stuart. Le 8 février 1987, Malcolm Rifkin, secrétaire d'Etat de l'Ecosse, et David Steele, délaissèrent pour un temps les préparatifs de la campagne électorale à l'issue de laquelle Margaret Thatcher allait être réélue premier ministre pour la troisième fois, pour s'adonner à ce que Jenny Wormald désigne comme une « Mariolatrie ».33(*) On appréciera le néologisme. L'essai de Jenny Wormald offre une perspective intéressante. Contrairement aux précédentes biographies consacrées à Marie Stuart, celle-ci s'attache à étudier la reine non pas comme une femme guidée par ses passions et trahie par ses propres conseillers, mais comme une reine qui refusa le pouvoir préférant se mettre en quête d'un mari pour se faire une place sur la scène européenne. A force de rêver au trône d'Angleterre, Marie en oubliait qu'elle avait un royaume qui était déjà sien et qui pouvait lui apporter la gloire qu'elle espérait, fût-elle décidée à en prendre les commandes. L'essai comporte notamment un chapitre très intéressant qui décrit bien les sentiments des contemporains écossais à l'égard de leur reine. Ce peuple d'Ecosse a attendu un an avant que Marie Stuart ne daigne se rendre dans son pays d'origine. Certes l'Ecosse était un pays dont elle ignorait tout ou presque, un pays dont on lui avait dit en France qu'il s'agissait d'une contrée froide, battue par le vent et peuplée de barbares ou d'hommes tout juste civilisés, mais il s'agissait de son royaume.34(*) En refusant de s'y intéresser Marie refusait le pouvoir et dénigrer par là même son peuple qui pourtant attendait qu'un monarque prenne la tête du pays depuis dix-neuf ans.

D'autres biographies cherchent également à nuancer l'image de tragédienne qui semble coller au personnage de Marie Stuart. C'est le cas de l'ouvrage édité par Michael Lynch, Mary Stewart Queen in Three Kingdoms.35(*) Il s'agit d'une collection d'essais publiés dans le but de prouver qu'il reste encore beaucoup d'éléments à découvrir et à analyser à propos de la carrière de Marie Stuart. Les essais recoupent des thèmes divers tel que le règne de Marie en France, les relations entre Marie et les catholiques de son royaume ou encore le goût de la reine pour la littérature. Dès l'introduction, Michael Lynch affirme que Marie Stuart est avant tout une légende, un mythe façonné au fil des siècles. Il est donc d'autant plus important aujourd'hui de se défaire de ce mythe pour étudier le parcours de cette reine de manière historique. Souvent dans les biographies qui lui sont consacrées, l'historien cède à la pression exercée par cette passion fantasmagorique qui entoure le personnage et finit par défendre Marie Stuart face à ses agresseurs. Marie devient alors une jeune femme passionnée, fragile, entourée d'opportunistes qui n'ont pas hésité à fabriquer de fausses preuves pour l'incriminer. Tellement d'interprétations ont été formulées quant à l'origine des lettres de la Cassette qu'il devient difficile d'étudier cette période de la vie de Marie Stuart en faisant preuve d'une objectivité totale. Michael Lynch et les historiens qui ont participé à l'édition de cette autre biographie de Marie Stuart ont évité le sujet et ont choisi de se focaliser sur des aspects de la carrière de Marie Stuart qui sont parfois occultés. Ainsi loin de réduire Marie Stuart à un vulgaire mythe populaire Michael Lynch affirme qu'il est important de faire la vérité sur ce que Marie Stuart a réellement accompli. Contrairement à Jenny Wormald, Michael Lynch affirme que Marie a apporté énormément à la littérature écossaise et a participé, au même titre que son père ou que son fils, à entretenir une cour raffinée et distinguée. On apprend aussi dans l'essai écrit par John Durkan que Marie possédait une bibliothèque composée d'ouvrages très diversifiés. Elle lisait Ovide mais aussi Pétrarque. Le recensement des ces ouvrages permet d'affirmer que Marie était une reine instruite et cultivée, ce dont elle fait la preuve à la cour d'Ecosse. En effet, elle s'entoure de poètes et musiciens italiens, anglais et français bien sûr mais aussi d'humanistes latinistes tel que George Buchanan.

La biographie de John Guy est à nos yeux la plus documentée et la plus complète.36(*) John Guy est historien et professeur à l'université de Saint Andrews. Sa biographie de Marie Stuart présente à la fois les qualités scientifiques d'un travail de recherche minutieux et les qualités littéraires d'un bon roman. On trouve dans la biographie de John Guy un luxe de détails concernant notamment l'éducation de la jeune princesse. Aussi on apprend que Marie décrite comme une excellente latiniste par Brantôme est sans doute plus intéressée par ces poètes qui se piquent de faire des vers en langue vernaculaire et mieux connu sous le nom de Pléiade. Marie accepte d'ailleurs d'être le mécène de Ronsard en 1556, elle n'a alors que 14 ans. John Guy affirme qu'elle aurait préféré les sonnets français aux vers latins. Au vu des ouvrages dont elle disposait dans sa bibliothèque, l'affirmation semble fondée. Si John Guy ne sombre pas dans le romantisme lorsqu'il s'agit d'évoquer les lettres de la Cassette et le meurtre de Darnley, il avance toutefois que les lettres de la Cassette sont calomnieuses. D'après son analyse, les lettres et les poèmes contenus dans ce petit coffre sont le fruit d'une supercherie orchestrée par Moray, le demi-frère de Marie, et Buchanan. Même s'il apparaît que cette interprétation soit la plus vraisemblable, il est impossible d'écrire qu'il s'agit là de ce qui s'est réellement passé. En effet, nous ne disposons pas de tout le contenu de cette cassette.

Enfin, la biographie de Michel Duchein écrite en français offre une analyse basée à la fois sur des sources françaises et britanniques, ce qui permet d'en apprendre plus sur le sentiment des français à l'égard de la jeune reine d'Ecosse.37(*) Le désamour entre Catherine de Médicis et Marie Stuart est bien expliqué et on comprend qu'à la mort de François II, la vraie reine de France est bel et bien Catherine de Médicis. Le fil conducteur que choisi Michel Duchein : « Marie Stuart, la femme et le mythe » conduit l'auteur à discuter de l'appropriation du personnage de Marie Stuart par les auteurs et dramaturges des siècles suivants. C'est une ouverture très intéressante qui permet de constater que les oeuvres écrites peu après l'exécution ont pour point d'acmé cette fin tragique qui consacre la reine d'Ecosse en martyre. Il est toutefois regrettable que Michel Duchein n'ait pas insisté d'avantage sur « la femme ». Bien sûr il relate dans le détail les passions amoureuses de la reine mais n'inscrit pas son étude dans un champ plus large. Il aurait été intéressant de situer le règne et les accusations portées contre la reine dans une étude du genre féminin et des femmes au seizième siècle.

L'étude des textes de George Buchanan, de John Leslie (et de quelques autres poètes de la cour écossaise) et des ouvrages cités précédemment nous amène à nous interroger sur le rôle politique que joue le personnage de Marie Stuart. Comment ce personnage est-il utilisé par les auteurs contemporains et dans quel but ? De quelle manière le caractère du personnage évolue dans la littérature du milieu et de la fin du 16ème siècle ? Dans quelle mesure le contexte politique, diplomatique et religieux pèse-t-il sur les écrits de ces auteurs ?

La période étudiée peut-être divisée en trois moments qui correspondent eux-mêmes à trois représentations de Marie Stuart. Premièrement une période allant de 1561 à 1565 durant laquelle Marie Stuart endosse la fonction de reine d'Ecosse et est représentée comme telle dans la littérature écossaise. Ensuite une deuxième période qui s'étend de 1566 à 1572 au cours de laquelle les pamphlets contre la reine abondent. Elle est qualifiée de meurtrière lubrique et ses détracteurs ne manquent pas de souligner la débilité de son sexe. Enfin un dernier moment, entre 1572 et 1587, pendant lequel la reine devient un simple personnage que l'on utilise à dessein pour justifier ses prises de position politique. La littérature propose alors une vision héroïque du personnage mise en balance par une vision tyrannique.

Chapitre 1 : Marie Stuart reine : une littérature de cour florissante, de 1561 à 1565.

Lorsqu'elle pose le pied en Ecosse le 17 août 1561, Marie Stuart se trouve dans une position difficile. Elle retourne dans un pays qui a infligé une défaite à son pays d'accueil, vaincu sa mère, et qui se trouvait jusqu'à son retour dirigé par la coalition qui s'était opposée à sa mère. Qui plus est, elle revient pour gouverner un peuple aux yeux duquel elle est une papiste qui exerce un culte désormais interdit.38(*) Pourtant certaines décisions de la reine rassurent les écossais quant à ses intentions. Par exemple, Marie choisit son demi-frère, Jacques Stewart comme conseiller principal. Il est protestant, ce qui tend à prouver que Marie n'a pas pour objectif d'organiser une reconquête catholique, du moins pas pour l'instant. Il faut aussi noter que les écossais attendent un monarque depuis 19 ans ; même s'il s'agit d'une femme, catholique de surcroît, le peuple écossais nourrit beaucoup d'espoirs quant à l'arrivée au pouvoir de cette reine.39(*) Bien que ses connaissances en matière politiques soient irrégulières (les futures princesses élevées à la cour des Valois ne recevaient que des instructions rudimentaires concernant l'art de gouverner), Marie a appris à la cour des Valois ce que l'on pourrait appeler le « théâtre » de la monarchie. Elle est grande, rousse et charmeuse et on lui a appris à se mettre en scène, à incarner le pouvoir.40(*) De plus les négociations entamées avec son demi-frère ont abouti à la conclusion que Marie ne modifierait pas le statu quo religieux, mais qu'elle pourrait en contre partie assister à la messe dans sa chapelle privée. Marie Stuart était la seule catholique à officiellement pouvoir entendre la messe catholique. Elle est isolée mais elle reste la souveraine incontestée. On retrouve cette dualité dans les premiers poèmes dédiés à la reine. Les poètes chargés de louer cette nouvelle reine font leur devoir, ils font l'éloge de Marie Stuart, mais ces poètes sont aussi des hommes de leur temps et ne peuvent s'empêcher de glisser dans leurs oeuvres des conseils, afin que la jeune héritière Stuart sache que son peuple attend d'elle qu'elle soit plus qu'une reine. Ils attendent d'elle qu'elle soit leur sauveuse.

I. Une entrée royale mâtinée de conseils.

Les conventions fixées par la Renaissance en matière d'entrée royale voulaient que celles-ci soient l'occasion pour le monarque d'entrer en relation avec ses sujets. L'entrée royale était perçue comme un épiphénomène. L'occasion avait pour but de montrer la souveraineté du monarque et la loyauté de ses sujets.41(*) Pour le souverain l'entrée royale était un moment de triomphe personnel, pour les habitants de la ville l'entrée royale représentait un devoir, celui d'accueillir au mieux le nouveau roi ou la nouvelle reine. Il s'agissait aussi d'établir un lien entre le dirigeant et les dirigés. L'entrée royale incarnait le moment où le souverain faisait montre de son pouvoir politique, il se devait d'impressionner mais aussi de rassurer. L'entrée royale représentait un évènement d'une importance telle, qu'on l'apparentait à un art. L'art de faire bonne impression en quelque sorte. Cet art a sûrement atteint son apogée en France, et celle d'Henri II le 16 juin 1549 était un parfait exemple d'entrée royale à la française.42(*) Le continent britannique avait suivit cette tradition. Parmi les entrées royales notables à Londres on peut citer celles de Catherine d'Aragon en 1501 et celle d'Elizabeth en 1559.43(*) Au cours du seizième siècle les ambassadeurs ou les intellectuels écossais avaient été témoins de ces spectacles. Ce fut le cas par exemple de George Buchanan qui avait lui-même composé des vers pour accueillir Charles Quint à Bordeaux en 1540.44(*) Il eût été étrange qu'une telle expérience acquise à l'étranger ne puisse être mise en pratique en Ecosse. Ainsi Marie Stuart eut droit à son entrée royale le 2 septembre 1561. L'occasion était un peu particulière. Comme nous l'avons souligné, Marie Stuart n'arrivait pas en terrain conquis : elle allait devoir parader devant une population majoritairement protestante alors que le pape et les monarchies catholiques attendaient d'elle qu'elle rétablisse la foi catholique en Ecosse. Marie Stuart avait beau avoir assisté à de nombreux évènements à la cour de France, celui-ci promettait d'être d'une toute autre envergure. Ses conseillers l'avaient sûrement averti que le royaume d'Ecosse n'avait pas les moyens du royaume de France, par conséquent la reine ne devait pas s'attendre à être émerveillée outre mesure. La reine et ses conseillers devaient probablement aussi penser que le faste accompagnant l'accueil d'une reine catholique pourrait raviver les tensions religieuses que l'on préférait pour le moment savoir enfouie. Si les dissensions religieuses étaient étouffées, alors la reine avait une chance d'être introduite comme il se devait dans sa propre capitale et dans son propre royaume.

Les réactions des artisans d'Edimbourg à l'heure où la reine était arrivée dans la capitale laissaient présager que Marie Stuart serait accueillie par son peuple comme un monarque dans son plein droit. En effet le 19 août 1561, alors qu'elle se baladait entre Leith et Holyrood, Marie fut encerclée et accueillie par toute une foule d'artisans sortis de leurs ateliers pour la congratuler.45(*) Pourtant deux semaines après que la reine soit revenue de France, John Knox prononce un sermon dans la cathédrale de Saint Giles, dans lequel il s'indigne de l'attitude de Marie qu'il qualifie d' « idolâtre ». Cette émeute montre aussi que les protestants avaient développés une autre manière d'accéder au monarque, de toucher à son intégrité, tout en guidant les nouvelles forces politiques (comme le Town Council dirigé par un prévôt protestant) contre les structures centralisées du pouvoir. Les réformés ne se conforment pas aux règles de cette cérémonie car il s'agit d'une cérémonie catholique. En agissant de la sorte, ils touchent à l'intégrité de la reine et mettent en doute son pouvoir effectif. Dans ce contexte, l'entrée royale de Marie Stuart ne pouvait donner lieu qu'à une controverse. L'entrée royale était le moment où le monarque faisait son entrée solennelle dans la ville et prenait officiellement possession de celle-ci. Au Moyen-âge, plus précisément jusqu'au milieu du 14ème siècle, étaient présents lors de cet événement : le clergé, les officiers de la ville, la bourgeoisie et les membres des guildes. Ce groupe accompagnait le monarque depuis les portes de la ville jusqu'au centre-ville. Mais à partir du 15ème siècle, l'entrée royale est un événement qui concerne toute la société et toutes les institutions. Il faut noter qu'aux 14ème et 15ème siècles cette célébration est une célébration catholique, durant laquelle le monarque est le spectateur de diverses petites pièces inspirées de sujets religieux, des scènes de la passion du Christ, des vies de la vierge Marie ou d'autres saints. Tout au long de la procession on présentait une série de tableaux religieux, avec pour personnages principaux les vertus que l'on retrouvait dans le speculum principis ou « miroir des princes ».46(*) La procession était aussi marquée par la représentation de pièces s'inspirant de l'histoire de la dynastie royale pour rappeler la légitimité du roi. Ainsi en 1515 lorsque François Ier fit son entrée dans la ville de Lyon, il assista à une pièce dont le thème principal était le baptême de Clovis, premier roi de France chrétien. La pièce était censée rappeler le caractère sacré de la lignée des rois de France à laquelle appartenait François Ier.47(*) Bien que cette tradition soit catholique, les monarques protestants étaient eux aussi mis en scène dans des entrées royales. Ce fut le cas d'Elizabeth en 1559. Mais jamais encore un monarque catholique n'avait fait son entrée dans une ville dirigée par un conseil municipal protestant.

L'entrée royale eut lieu le 2 septembre : « Upon the fecund day of September lxj, the quenes grace maid her entres in the burgh of Edinburgh on this manner ».48(*) Un convoi devait mener Marie Stuart du château d'Edimbourg à Holyrood. Sur le chemin Marie fut plusieurs fois interloquée par l'offense qui lui était faite. En effet, nombre de références furent faites à la religion protestante. Par exemple, Thomas Randolph décrit que sur le chemin qui conduisait Marie vers Holyrood un jeune garçon âgé de six ans remit les clefs de la ville à la reine. Cependant, avant de lui remettre ces clefs, le jeune homme tendit à la reine deux livres : une Bible et un psautier. Selon Thomas Randolph, le jeune garçon émergea d'un « globe » (on présume qu'il s'agit d'un petit nuage) et récita ce vers à la reine tout en lui remettant la Bible, le psautier et les clefs : « the perfytt waye unto be heavenis hie ».49(*) John Knox rapporte que Marie fronça les sourcils à ce moment précis. Ce qui choqua Marie, et ce que ne rapporte pas John Knox, c'est que la Bible et le psautier étaient en langue vernaculaire, et non en latin. Sachant que les protestants préconisaient l'apprentissage de la foi à travers la lecture des textes, Marie la catholique, à qui on donnait la messe en latin, dut prendre ce cadeau comme un affront. Cependant il aurait été impoli de le refuser. Dès le début, donc, Marie fut mise dans une position délicate. D'autres allusions à la dure tâche qui attendait Marie Stuart parsemaient le chemin qui devait la conduire à Holyrood. Ainsi lorsque le cortège fit une halte au Salt Tron, des discours étaient déclamés qui avaient pour thème le sujet épineux de l'abolition de la messe.

L'événement censé nouer le lien entre la reine et son peuple ne semblait pas avoir porté ses fruits. La reine aurait dû asseoir son pouvoir à travers cet événement mais, à l'inverse c'est le peuple et le Town Council qui avait saisi l'occasion pour dicter à la reine ce que devait être son rôle dans cette société protestante. On imagine la frustration de Marie Stuart après cette procession. En effet, le monarque censé être acclamé et loué durant cet événement, c'était tout à coup retrouvé dans une situation embarrassante, un piège que lui avaient tendu ses propres sujets alors que ceux-ci ne devaient montrer qu'obéissance. En juin 1561, Throckmorton avait dit à la reine : « Madame, votre royaume, n'est semblable à nul autre royaume de la Chrétienté ». Marie en faisait d'ores et déjà l'expérience.

L'Ecosse du seizième siècle avait une tradition selon laquelle les poètes de la cour avaient l'occasion de s'adresser directement à leur souverain pour la nouvelle année. Il s'agissait d'un rituel de cour durant lequel le poète montrait sa loyauté au roi dans un exercice de flatterie royale, ce que les britanniques appellent le « prince-pleasing ».50(*) Une sorte de réciprocité devait découler de cette rencontre, impliquant la reconnaissance de chacun envers le rôle de l'autre. C'était une occasion pour le poète d'être récompensé mais aussi une occasion pour le monarque de montrer sa magnificence et sa générosité. La relation qui unissait le monarque à son poète était une relation étroite qui impliquait une confiance mutuelle. L'un utilisait l'autre à dessein. Le monarque utilisait la réputation du poète pour affirmer la richesse culturelle de sa cour et le poète utilisait sa relation privilégiée pour parler au roi. Durant la période du règne de Marie Stuart cette relation semble changer.

Le poème de bienvenue adressé à Marie est déclamé en janvier 1562. Alexander Scott, poète de la cour, en est l'auteur et qualifie le poème de « bill », mot utilisé pour décrire une correspondance entre deux amants, il signe d'ailleurs le poème comme s'il s'agissait d'une lettre envoyée à la reine. Habituellement le poème de bienvenue n'est qu'un véhicule servant à étaler les sentiments du poète et de son peuple envers leur souverain. Ce n'est rien d'autre qu'une louange. Ici Scott déroge à la règle et glisse dans son poème une interprétation morale et politique des maux de son temps. A New Year Gift est un long poème (26 strophes), on peut donc s'interroger sur le fait qu'il ait été déclamé en public comme l'avaient été les poèmes écrits pour Jacques IV et V. Ainsi, William Stewart poète à la cour de Jacques V avait déclamé son poème dans la chambre du souverain.51(*) Le poète mentionne même qu'à cette occasion Jacques V avait glissé deux shillings dans la paume de sa main.52(*) Il semble que le poème d'Alexander Scott ait plutôt été lu pour un cercle de lecteurs constitué par les gens de la cour. Marie n'était à Edimbourg que depuis le mois d'août et avait déjà reçu toutes sortes de leçons concernant la manière de gouverner. Elle avait toutefois réussi, peu avant la nouvelle année, à faire changer le personnel du Conseil réformé de la ville afin que celui-ci se montre moins hostile envers son monarque catholique. Le poème de Scott commence ainsi :

Welcum, illustrât ladye and our quene

welcum oure lyone with the floure delyce

welcum, oure thrissill with Lorane grene

welcum, oure rubent rois upoun the ryce

welcum, oure jem and joyfull genetryce,

welcum, oure pleasand princes maist of price

God gif thee grace aganis this guid New yeir ! (1-8)53(*)

Cette strophe montre qu'il s'agit bien d'un poème de bienvenue. Le mot « welcum » est répété au début de chaque vers.

Le poète y fait référence au caractère royal du monarque à travers diverses métaphores. Marie est en effet décrite comme : « une lionne à la fleur de lys » (v.2), référence à l'héraldique des rois de France. A l'héraldique française s'oppose l'héraldique anglaise lorsque le poème fait référence à la « rubent roiss ». La rose est une image populaire de la Vierge mais c'est aussi un symbole associé à la dynastie des Tudor. Scott se montre donc très prudent : il souligne le caractère sacré de la reine en employant l'image de la rose, mais l'image est double et la rose peut très bien être interprétée comme une simple image utilisée dans les textes appartenant au genre littéraire de l'amour courtois54(*). La rose est aussi une référence au trône d'Angleterre, ce qui permet de rappeler que Marie Stuart en est une héritière légitime. La fleur de lys était également une fleur utilisée dans les représentations picturales de la scène de L'Annonciation, l'image souligne ainsi la chasteté de la reine. Au vers 5 on trouve une autre référence à la Vierge lorsque le poète décrit la reine comme une « genetryce ». Les deux fleurs sont donc à la fois des symboles qui mêlent le sacré et l'humain. Marie Stuart est à la fois divine mais c'est aussi une femme de qui l'on attend qu'elle donne naissance à un héritier. Dès la première strophe Alexander Scott semble rappeler le rôle de la reine qui est de donner un héritier au royaume d'Ecosse. Mais cela peut aussi être interprété comme une injonction par laquelle Alexander Scott exprime le souhait que Marie Stuart soit la « génitrice » d'un nouveau pouvoir.

Cette lecture du vers 6 tend à rappeler les attentes du peuple écossais. En effet après avoir traversé une guerre opposant les Anglais aux Ecossais, après avoir accepté l'occupation des troupes françaises et après que la religion de leurs ancêtres fut déclarée inconstitutionnelle, nul ne doute que les Ecossais attendaient une période d'accalmie. Marie Stuart malgré son jeune âge incarnait aux yeux de ces personnes la possibilité de voir naître une nouvelle politique basée sur la concorde. La strophe d'ouverture donne d'ores et déjà des conseils à cette reine que Scott représente comme une mère initiatrice d'un renouveau. Les strophes ont des buts multiples et la suite du poème s'apparente à une ligne de conduite que le poète édicte pour la reine. Chaque strophe renferme un conseil précis. La deuxième strophe invite la reine à faire bon usage de la raison : « this yeir sall rycht and ressone rewle the rod »55(*) (v.11) ; la troisième l'invite à mettre fin au conflit religieux et la quatrième donne pour conseil d'en référer aux quatre principales vertus afin de rendre justice au mieux : « Found on the first four vertews cardinal, / on wisome, justice, force and temperans »56(*) (v.25-26). Les sept premières strophes conseillent à la reine de bien s'entourer et de bien choisir ses conseillers. Les cinq strophes suivantes condamnent avec des termes forts les abus de l'Eglise avant la Réforme : « Now to reforme thair filthy licherous lyvis »57(*) (v.). Les strophes 13 et 14 sont au centre du poème et forment le « noyau » du texte. Elles expriment l'espoir que sous le règne de Marie Stuart la raison et le droit dominent : « rycht and reasoun...may rute » (l.111). Dans les strophes 15 à 19  le poète dénonce les opportunistes qui n'ont embrassé le protestantisme que pour des raisons matérielles, elles font écho aux strophes 8 à 12 dans lesquelles le poète critique la religion de Rome et l'immoralité de ses prêtres. Aux strophes 20 à 26 le poète fait référence aux héritiers de la reine et donc à sa descendance. On retrouve dans ces strophes des conseils concernant le choix du futur mari de la reine. Comment maintenir l'ordre et entretenir une cour splendide afin d'attirer les prétendants ? En tentant de répondre à cette question, Scott rappelle une nouvelle fois que Marie Stuart doit donner un hériter à son royaume. Marie Stuart est reine mais elle est avant tout une femme, une épouse et une mère. Le poème s'achève sur une référence à la prophétie selon laquelle un héritier mâle naitrait d'une reine française et qui serait le descendant au neuvième degré de Robert le Bruce, héros et roi écossais qui unifia le royaume.

Alexander Scott trace le chemin que Marie Stuart doit emprunter. En la décrivant comme une génitrice il met en avant son rôle de mère. Marie Stuart est donc mère de ses sujets mais aussi la future mère de l'héritier qui doit assurer la pérennité de la dynastie. Dans les conseils qu'il prodigue on note qu'Alexander Scott souhaite que la politique de Marie s'appuie sur les quatre principales vertus. C'est pour lui la meilleure façon de servir le bien commun. Les concepts politiques et moraux exposés dans le « New Year Gift » rappellent la responsabilité du monarque et de l'Eglise devant leurs sujets. Ces deux autorités doivent être au service du bien commun : « (...) on the commoun weill haif ee and eir / Preiss ay to be protectrix of the pure » (v.38-39).58(*) Contrairement à la cérémonie de bienvenue offerte à la reine en septembre 1561, le poème d'Alexander Scott ne se montre pas hostile à la nouvelle reine et à sa religion. Alexander Scott montre qu'un compromis dans l'intérêt du bien commun est possible. Il avance cette idée avec pour objectif que la reine oriente sa politique dans le même sens. Scott fait référence au sophisme dans son poème: `sophistrie' (v.114). Ce mot peut-être lu comme une attaque contre le catholicisme, toutefois il semble plus probable que le poète se positionnant lui-même contre ce genre de circonlocutions scolastiques n'emploie ce mot que pour critiquer l'éloquence vaine. Scott veut atteindre la vraie éloquence, celle que les humanistes de son temps décrivent comme le moyen d'accéder à la vertu. Le poème donne un conseil qui doit conduire à une action, il conduit une force qui doit guider la politique de Marie Stuart vers le bien commun. Le poème est un exemple de littérature humaniste car le poète utilise la littérature comme une forme d'éloquence qui sert une fonction publique dans l'intérêt de la communauté civile.59(*)

Comme nous l'avons précisé Scott accentue le fait que l'un des rôles de Marie Stuart est de donner naissance à un héritier. Certes il est important que la dynastie des Stuart ne s'éteigne pas et surtout, il est important que la reine ait un successeur. Le fait que le poète mentionne la succession illustre aussi la prophétie que l'auteur rappelle dans les dernières strophes. Ainsi l'on peut suggérer que Scott insiste sur les prétentions écossaises à la succession du trône d'Angleterre. Cependant, il ne le fait pas en affirmant qu'Elizabeth n'est pas une reine légitime car bâtarde, il le fait en affirmant que Marie Stuart doit donner naissance à un héritier qui peut devenir le futur roi d'Angleterre et par la suite unir les deux nations. Elizabeth ne semble pas vouloir se marier et n'a toujours pas d'enfant, si Marie Stuart donne naissance à un fils et qu'Elizabeth meurt sans descendance alors celui-ci est couronné roi d'Angleterre. En un sens, Alexander Scott met en avant le futur héritier (alors que Marie n'est pas encore remariée) plus que la reine. En procédant ainsi il évite d'attiser l'animosité d'Elizabeth envers sa cousine. En effet, Marie Stuart et François II avaient fait ajouter les armoiries anglaises à leurs propres armoiries, ce qu'Elizabeth et William Cecil avaient perçu comme un affront.

Le poète en insistant sur la naissance de l'héritier désamorce aussi toutes les interrogations que pouvaient soulever le règne d'une femme. John Knox clamait que le règne d'une femme était contraire à la volonté de Dieu, le règne de Marie Stuart entrainait donc des suspicions. Insister sur le fait que la reine est capable d'assurer une descendance, c'est affirmer « l'utilité » de la reine aux yeux des plus misogynes. Le poème de bienvenue donne le ton du règne quand il est écrit pour une entrée ou pour un événement similaire, ici la nouvelle année. Le poème de Scott décrit une souveraine éduquée, une cour instruite et une gardienne du bien commun. Le poète insiste sur la concorde et donne son point de vue sur le débat religieux. Selon lui, la radicalisation de la Réforme n'est pas inévitable. Il décrit dans son poème un processus mesuré et juxtapose les points de vue protestants et catholiques plutôt que de les considérer comme exclusivement opposés.

Le poème d'Alexander Scott n'est pas le premier à s'inspirer du thème de la nouvelle année. Richard Maitland de Leithington composa trois autres poèmes dans le même style : Eternal God, tak away thy scurge écrit au moment de la messe donnée pour la nouvelle année (1560), I can not sing for pe vexatioun qui fait référence au conflit entre les troupes françaises et les forces armées de la Congrégation et qui pourrait dater du 1559 et O hie eternall God of micht, invoquant le nom de Marie dès l'ouverture, qui exprime le souhait que la reine-régente punisse ceux qui oppressent les innocents. Ces trois poèmes expriment la frustration causée par l'absence de monarque, ce qui empêche le poète de se laisser emporter par les traditionnelles louanges.60(*) Sir Richard Maitland de Leithington était pourtant un fervent royaliste et un francophile. En 1558, il écrivit un poème congratulant le roi Henri II pour la prise de Calais. Il exprime ainsi le souhait que l'exemple français ranime le désir des Ecossais de reprendre Berwick, ville écossaise aux mains des Anglais. L'année suivante il écrivit un poème qui louait les deux jeunes époux et congratulait Marie de Guise pour avoir ainsi uni les deux royaumes.

Scottis and Frenche now leif in vunitie,

As ze war brether borne in ane countrie,

Without all maner or suspitioun,

Ilk ane to other keip trew fraternitie.

Defend ane other bayth be land and sie,

And, gif onye of euill conditioun,

Scottis of Frenche, qhat man that euer he be,

With all rigour put him to punitioun. (64-72)61(*)

Un des poèmes les plus enthousiastes qu'écrit Maitland pour Marie est Excellent princes, potent and preclair, composé pour l'arrivée de Marie en Ecosse. On y retrouve les thèmes suivants : le mécontentement engendré par les troubles religieux, la ferveur royaliste et une attitude un peu naïve consistant à croire que Marie pourrait venir à bout de tous les conflits politiques. Pareillement à Scott, dans son poème Maitland donne beaucoup de conseils à Marie. Maitland et Scott donnent une indication sur l'accueil fait à la reine de France redevenue reine d'Ecosse. L'accueil était chaleureux et le retour d'un souverain descendant de la lignée des Stuart était porteur d'espoir. Cependant il semble que le peuple écossais attendait beaucoup de Marie, trop peut-être. On attendait d'elle qu'elle restaure les traditions des good old days, qu'elle soit le symbole d'une fierté nationale retrouvée et surtout qu'elle panse les blessures encore ouvertes de la guerre civile. Malheureusement, Maitland (simple juge et petit propriétaire) et Scott (musicien à la Chapelle Royale) ne pouvaient parler pour toute une nation, laquelle était nostalgique de l'époque où le père, et avant lui le grand-père, de Marie régnaient en maître. Il fallait bien plus que des conseils prodigués à travers quelques poèmes pour faire jouer à Marie Stuart le rôle qu'ils avaient écrit pour elle.

II. Un humaniste à la Cour : la relation entre Marie est Buchanan.

La jeune reine avait fait son entrée officielle, il lui restait à organiser sa cour. Les diverses biographies publiées récemment montrent que Marie Stuart n'était pas un monarque très engagé en ce qui concernait la politique de son royaume. Jenny Wormald a d'ailleurs choisi d'intituler le chapitre traitant du règne effectif de la reine d'Ecosse « The reluctant ruler 1560-5 » qu'on pourrait traduire par « la reine qui ne voulait pas gouverner ».62(*) En effet, Marie Stuart semblait bien plus intéressée par la manoeuvre politique qui consistait à s'assurer les faveurs de sa cousine afin que celle-ci la désigne un jour comme son successeur légitime, plutôt que par le gouvernement de son propre royaume. Autrement dit Marie Stuart avait les yeux rivés vers le sud alors que ses sujets attendait qu'elle trouve des solutions aux problèmes de leur pays. A une époque où les monarques européens se battaient pour s'arroger un pouvoir absolu, Marie Stuart ne semblait pas intéressée par le pouvoir. Du moins elle n'était pas intéressée par le pouvoir que lui conférait le trône d'Ecosse. Elle n'assistait que rarement aux sessions parlementaires et s'y ennuyait rapidement, pis encore, il lui arrivait de tricoter alors que le parlement tenait séance. Cependant, les historiens qui se sont penchés sur le personnage s'accordent à dire qu'il y a un domaine dans lequel Marie Stuart réussit. La jeune reine écossaise bien que malhabile en politique se montra en revanche apte à entretenir une cour resplendissante. Marie Stuart était une jeune femme cultivée et avait appris à apprécier la poésie et l'art italien à la cour des Valois. Avec les moyens dont elle disposait en Ecosse elle tenta de faire venir à sa cour de grands artistes, parmi eux George Buchanan. Pourquoi cet humaniste calviniste, ayant voyagé et séjourné en France et en Italie accepta-t-il de s'installer à la cour de cette jeune reine catholique ?

Buchanan naît en 1506 dans le petit village de Killearn près de Stirling, sa langue maternelle était sûrement le gaëlique. Ce village de Killearn se situe en territoire Lennox, dominé par la branche des Stuart dont Henry Darnley faisait partie. Il vient d'une famille très modeste mais un des ses oncles maternels (James Heriot) est riche et lui permet d'accéder à une éducation de premier rang. Il étudie à Paris entre 1520 et 1522 et il obtient son diplôme à Saint Andrews en 1525. Plus tard, en 1528, il obtient un autre diplôme à Paris où il est engagé comme membre du conseil de l'université au Collège Sainte-Barbe. Au cours de ces études, Buchanan a pour tuteur John Mair of Haddington qui a une grande influence sur la pensée de l'humaniste. Le conciliarisme de Mair a sûrement pesé lourd dans le développement de la pensée politique de Buchanan. Le conciliarisme développait l'idée selon laquelle les Papes devaient rendre des comptes aux conseils de l'Eglise de même que les monarques étaient responsables devant l'assemblée de leurs sujets. Les idées de Mair ont plus tard été supplantées par les idées humanistes d'Erasme auxquelles Buchanan accorde sa préférence. George Buchanan vivait de sa plume, de ses idées et de l'argent de ses patrons. En premier lieu, il devient le tuteur de Gilber Kennedy, comte de Kassillis (1517-58) qu'il rencontre pour la première fois à Paris mais avec qui il retourne en Ecosse en 1534 ou 1535. Une fois en Ecosse, son contrat avec Kassillis touchant à sa fin, il est engagé comme tuteur pour l'aîné des fils illégitimes de Jacques V, Jacques senior, évêque commandeur de Kelso et Melrose, né de l'union du roi avec Elizabeth Shaw of Sauchie. Plus tard il est payé pour écrire des satires. Celles-ci sont une telle offense pour le Cardinal David Beaton qu'en 1539 Buchanan est forcé d'abandonner son poste et de fuir en Angleterre. Malheureusement le climat religieux y est tout aussi dangereux qu'en Ecosse. Il repart en France à l'automne 1539. Buchanan s'installe dans le sud-ouest à Bordeaux, où il trouve un poste au collège de Guyenne de 1539 à 1542 et de 1545 à 1547. Parmi ses élèves se trouve le jeune Montaigne. En 1549, il est arrêté et jugé pour hérésie par le tribunal d'Inquisition de Lisbonne alors qu'il accompagnait le principal André de Gouvéa, invité par Jean III, roi du Portugal, pour présider le collège des arts de Coimbra.

Il est finalement relâché en février 1552 et il retourne en France l'année qui suit. En 1557, Henry II le nomme page du futur roi Charles IX. Il se serait vu offrir une charge de prêtre en Normandie. Il aurait accepté ce poste alors qu'il était proche de la religion protestante : avait-il accepté par convenance ou par croyance ? Il célèbre la rétrocession de Calais dans un poème et écrit plus tard un autre poème qui célèbre l'union de Marie et François en avril 1558. George Buchanan se montre favorable à l'union de l'Ecosse et de la France tout en soulignant l'authenticité et l'intégrité du royaume d'Ecosse. Il supporte la politique des Valois et s'oppose à celle des Habsbourg. L'humaniste écossais est opposé à l'empire global que menaçait de former les Habsbourg englobant le nouveau monde et l'ancien. Buchanan était aussi très suspicieux du commerce et de l'expansion des colonies. A la mort d'Henri II en juillet 1559, lorsque François II succède à son père, George Buchanan voit se dessiner la trame d'un conflit religieux. Dans son troisième poème cérémonieux déplorant la mort de l'éphémère François II, George Buchanan se montre plus amer et souligne la décadence française.63(*)

Un an après la mort du Dauphin, Buchanan rentre en Ecosse. Le fait que Buchanan ne joue un rôle au sein de la Kirk écossaise et ne s'intéresse aux questions d'éducation qui y sont liées (il est membre de la commission chargée de réviser le Book of Discipline)64(*) qu'après 1563 tend à prouver que Buchanan est retourné en Ecosse en tant que membre de l'entourage de la reine. Il était en bons termes avec les Guise et s'était montré très flatteur envers la reine, ce qui lui permit peut-être de s'assurer une place à la cour. Il serait donc arrivé le 19 août 1561 à Leith et aurait offert les mêmes services à la reine que ceux qu'il avait offerts aux Guise auparavant. Une autre hypothèse formulée par I.D McFarlane affirme que le demi-frère de Marie, Jacques, aurait recommandé l'humaniste à la reine d'Ecosse. Seulement la première preuve d'une rencontre entre le comte de Moray et Buchanan date du 9 juin 1564, soit trois ans après le retour de Marie.65(*) La première hypothèse est donc la plus probable.

La situation de Buchanan est révélatrice des obstacles que les Ecossais fidèles à leur monarque mais protestants avaient à surmonter. En effet, George Buchanan avait embrassé la doctrine calviniste d'une part mais avait été au service de monarques catholiques d'autre part. De plus il était ami des Valois. Quelle position allait-il adopter ? La dévotion dont il avait fait preuve jusqu'ici envers les Valois laissait entendre que Buchanan n'était pas homme à s'opposer à son souverain. En effet, Henri II l'avait accueilli à la cour de France où il était bien rémunéré. Certes il avait trouvé un intérêt intellectuel dans l'austère doctrine calviniste, mais cela faisait-il de lui un conspirateur ? Il semble que Buchanan ait été en bons termes avec la famille de Marie Stuart, les Guise.66(*) Deux des poèmes écrits en France en l'honneur d'Henri II, de son fils et de la jeune reine d'Ecosse montrent que George Buchanan était dévoué au roi Henri II mais aussi à François de Guise.

Dans son poème : « Ad invictissum Franciae Regem Henricum II post victos Caletes »,67(*) Buchanan congratule Henri II mais aussi François de Guise qui prit les commandes de l'expédition menée contre les Anglais à Calais. Dans ce poème, Buchanan célèbre l'alliance entre les Valois et les Guises, décrivant ces deux familles comme gardiennes de la liberté. Comme nous l'avons fait remarquer plus haut, George Buchanan s'opposait à l'empire des Habsbourg et craignait que leurs velléités expansionnistes ne mettent en péril la liberté d'autres peuples européens. Ses craintes étaient également fondées sur le fait que Philippe II avait épousé Marie Tudor, reine d'Angleterre et catholique. L'union de ces deux monarques très chrétiens représentait un danger pour les protestants. La rétrocession de Calais était une victoire des Valois, modérés et justes, sur les Habsbourg, ambitieux et impérialistes. Pour Buchanan les Valois présentent un caractère modéré, ils savent conclure des alliances quand cela est nécessaire et se sont engagés à défendre une juste cause. A l'inverse, l'empire de Marie Tudor et Philippe II est bien trop grand, il compte trop de satellites, ce qui pousse les deux monarques à agir de manière autoritaire et intolérante. Ainsi, Marie Tudor est décrite comme une mégère assoiffée de sang :

By day the terror of war resounds in her ears

And by night the guilty recollection of dreadful crimes.

Dark shadowes disturb her restless sleep

With terrifying dreams. 68(*)

A l'inverse François de Guise est présenté en héros :

The courage of Francis, accustomed to find

An untraveled way through intractable difficulties,

Unvanquished and indomitable,

Surpassed his former reputation by winning new renown.69(*)

Dans ce poème qui célèbre la victoire des Français face aux Anglais, Buchanan formule l'espoir que l'union Valois-Guise qui détient le pouvoir se montre plus tolérante que les fanatiques Philippe II et Marie Tudor. Le même espoir est visible dans le poème écrit après le mariage de François II et de Marie Stuart. Le mariage est célébré le 24 avril 1558, à cette occasion Buchanan adresse ses sincères salutations à François II avec l'espoir qu'il poursuive la politique menée par son père. Il voyait dans la dynastie des Valois un espoir de sauver le monde de l'universalisme que tentait d'imposer les Habsbourg.

Dans le poème « Francesi Valesi et Maria Stuarta, Regum Franciae et Scotiae, Epitalamium » l'humaniste insiste sur la dignité et le partage équitable du pouvoir entre les royaumes de France et d'Ecosse, ce qui prouve qu'il n'était pas au courant de l'accord secret passé entre la reine d'Ecosse et le roi de France visant à étendre la souveraineté française outre-Manche. Tandis que le contrat de mariage officiel garantissait l'indépendance de l'Ecosse durant le règne conjoint de Marie Stuart et de son jeune époux, un accord secret avait été passé. Les oncles Guise avaient persuadé leur jeune nièce de signer un traité stipulant que dans le cas où Marie venait à mourir sans descendance, son royaume et ses droits de succession à la couronne d'Angleterre revenaient directement au royaume de France.70(*) George Buchanan, alors qu'il ignore probablement l'existence de cet accord secret s'échine à décrire le peuple écossais comme valeureux et digne. Des vers 155 à 160, il insiste sur la longévité de la dynastie des Stuart et sur la combativité du peuple écossais, qui a su résister aux assauts romains et anglais : « A race so often attacked by neighbouring ennemies (yet)/ Remaining independent of foreign dominion »71(*) (v.158-159), « Here stood one people in possession of its ancient liberty » (v.185). L'insistance de Buchanan sur la dignité du peuple écossais est en partie due à la volonté du poète écossais de contrer l'idée de la hauteur française vis à vis d'un royaume inférieur. Michel de L'Hôpital (chancelier du royaume à partir de 1559) par exemple insistait sur les avantages que représentait cette union en décrivant la dot de la reine comme une aubaine pour la France, puisque la reine d'Ecosse offrait  « une couronne royale, une terre assujettie ».72(*)

George Buchanan se présente également comme un admirateur de la reine dans ce poème. Il félicite François II pour son mariage avec cette reine dont la beauté rivalise avec Hélène de Troie, cependant en bon calviniste il insiste aussi sur le fait que ses vraies qualités sont la sagesse et la grandeur d'âme : « You yourself discovered and approved her beauty, / And you were a witness of her good caracter » ; « Virtue greater than her sex »73(*). Cependant, bien que les qualités morales de Marie en fassent une femme plus sage que d'ordinaire, Buchanan ne semble pas séduit par l'idée que son pays soit gouverné par une femme. A plusieurs reprises dans le poème, il insiste sur le fait que Marie Stuart doive obéissance à son mari. Elle doit se soumettre à son autorité : « Yet acknowledge your station in life as a woman, and accustom yourself to your husband's authority ». (v.237), « Learn to be the subject to your husband's direction ».74(*) Le fait que Marie Stuart soit décrite comme une femme belle et sage mais qui se doit d'obéir à son mari la discrédite d'ores et déjà dans son rôle de reine. En effet, à aucun moment dans le poème Marie Stuart n'est décrite comme la reine d'Ecosse. La descendance royale écossaise est mentionnée : « Hers alone is a royal line which includes twice centuries in its records and registers » (v.156)75(*), mais c'est pour mieux souligner que François II règne sur un royaume dont l'histoire est tout aussi prestigieuse que celle du royaume de France. En d'autres termes, Buchanan inclut dans son récit un éloge des qualités morales de Marie Stuart mais le thème majeur du poème est bien le prestige et la gloire du royaume d'Ecosse et non la grandeur d'âme de la reine d'Ecosse.

Le rêve d'union entre la France et l'Ecosse fut de courte durée. Le 5 décembre 1560, le souffreteux François II meurt. George Buchanan ne manque pas de rédiger un poème à cette occasion. Il n'exprime pas de regret particulier quant à la fin du rêve dynastique formulé par les Français mais il dresse un bilan très amer de la situation politique en France et prédit assez justement que la France allait dès lors être rongée par la guerre civile : « (...) France in prosperous times has exceeded in spirit the bounds of modération » (v.3) ; « Now new tears have returned : one death after another is reported, one calamity after another » (v.19).76(*)

Nous avons montré que Buchanan avait été un poète loyal envers la dynastie des Valois et la famille Guise auxquelles il avait dédié des poèmes élogieux. Son poème célébrant le mariage de la reine avec le dauphin montre qu'il était un admirateur de Marie Stuart, toutefois il ne semble jamais avoir reconnu qu'elle était la vraie reine d'Ecosse. Il reconnaît son charme et sa vivacité d'esprit mais pas son droit d'exercer le pouvoir. La fonction qu'il exerce à la cour d'Ecosse prouve toutefois qu'il reconnaît l'autorité de Marie Stuart une fois que celle-ci accède au trône. En effet, il devient l'un des principaux poètes de la cour et montre allégeance à la reine. Comme il a été loyal envers Henri II et son fils, il semble que Buchanan soit prêt à servir la reine d'Ecosse avec le plus grand respect. Alors qu'il est incarcéré au Portugal (de 1549 à 1552), Buchanan rédige ses paraphrases des Psaumes. Il achève cet ouvrage peu après sa sortie de prison. Devenu poète principal à la cour d'Ecosse, il offre cet ouvrage à Marie Stuart et lui dédie. Les premiers vers du poème ouvrant le recueil prouvent le réel respect du poète envers la reine :

O dear lady, you now hold the sceptre of Scotland,

Bequeathed to you by innumerable royal ancestors.

You surpass your lot in life by your merits, your years by your virtues,

Your sex by your powers of mind, and your nobility of birth by your character.77(*)

Les derniers vers semblent préciser que la différence confessionnelle ne représente pas un obstacle à leur collaboration :

Lest I should seem to be displeased by what pleased you.

For what they could not hope for from the skill of their author,

They will perchance owe to your kindly spirit. 78(*)

Le recueil de paraphrases des Psaumes que Buchanan dédie à la reine est un recueil de textes religieux classiques rédigés en latin. Le symbole que représente cet ouvrage place la relation entre la reine et son poète sous les meilleurs hospices. Buchanan, en tant que poète de la cour, était en charge de plusieurs fonctions parmis lesquelles celle de tuteur. Le 30 janvier 1562, Thomas Randolph, ambassadeur Anglais en Ecosse écrit à William Cecil qu' : « Il y a à la cour de la reine un certain M. George Buchanan, un écossais, de très bonne éducation qui fut le percepteur du fils de Monsieur de Brissac, un homme honnête et pieux. ».79(*) Dans la bouche de Thomas Randolph « honnête et pieux » équivaut à dire que Buchanan était un fidèle protestant. Thomas Randolph affirme donc que Buchanan était le tuteur de Marie, alors âgée de 19 ans. Ce n'est pas impossible, mais il est bien plus probable qu'elle trouvât tout simplement agréable la compagnie d'un homme si instruit et qui avait qui plus est partagé son expérience culturelle à la cour de France.80(*) Il lisait Tite Live avec la reine afin que celle-ci continue son apprentissage du latin. Il était rémunéré à hauteur de 250£ par an, ce qui pour l'époque constitue un bon salaire.81(*) Ses revenus sont doublés en octobre 1564 lorsqu'il se voit offrir les terres de Crossraguel Abbey.

III. Marie Stuart et la littérature de cour.

Buchanan fut au service de la reine durant les cinq années de son règne, il eut le loisir d'écrire de nombreux travaux pour sa muse. Comme nous l'avons précisé, le poète avait été occupé à partir de 1552 à compléter les paraphrases de ses Psaumes. La rédaction de ces paraphrases s'était écoulée sur quinze ans et finalement l'humaniste écossais décida de dédier cet ouvrage à la reine. On sait que Buchanan avait passé trois ans de sa vie en prison à Lisbonne après que le tribunal de l'Inquisition le condamna pour hérésie. Quand Buchanan rentre à Paris en 1553, le pape lui octroie son pardon et le poète désire montrer qu'il n'est pas un opposant à l'orthodoxie. C'est dans ce contexte qu'il entame la rédaction des paraphrases.82(*) En plus de cette entreprise, en tant que poète latin de la cour, il est chargé d'écrire les poèmes relatant les évènements officiels de la cour. La plupart de ses poèmes concernaient Marie ou les cérémonies que la reine donnait à la cour.

Deux poèmes de Buchanan furent écrits en l'honneur de Marie. Ils forment une paire et décrivent respectivement la reine enfant et la reine adulte. Le premier, « Maria Regina Scotiae puella », dit combien la reine a su exercer son esprit pour devenir érudite : « She herself surpassed both Nature and Art by so much / That the one seemed crude and the other unskilful »83(*). A l'inverse le second, « Eadem adulta », est assombri par la haine que Buchanan voue au Cardinal de Guise, ce qui laisse à penser qu'il a été écrit après 1566, peut-être après le massacre de la Saint-Barthélemy : « If my uncle had not been so dangerous to me and so dishonourable, I, Mary, should have been the leading lady of the age ».84(*) Le plus beau des poèmes que Buchanan ait adressé à la reine est sans doute le poème dont nous avons fait mention un peu plus haut et qui ouvre l'ouvrage de paraphrases des Psaumes. Même si l'on constate que Buchanan a des mots durs à l'encontre de Marie après son abdication, force est de constater que cette dédicace semble tout à fait sincère. Le fait de savoir que cet éloge se transforme plus tard en accusation n'enlève rien au charme du poème.

D'autres poèmes composés en Ecosse et pour la reine concernent des échanges d'anneaux entre Marie Stuart et la reine Elizabeth. Au début de l'année 1562, les relations entre les deux souveraines semblent tout à fait cordiales et l'on parle d'organiser une rencontre entre les deux cousines l'été suivant. Sir James Melville explique que Moray était en bons termes avec Leicester, et les relations avec William Cecil étaient elles aussi amicales. En février Randolph informe Cecil que : « La reine propose de faire parvenir à sa Majesté la Reine (Elizabeth), par son intermédiaire ou bien par celui de quelqu'un d'autre, une jolie bague surmonté d'un diamant en forme de coeur ».85(*) Il semble que Randolph ne reçut une réponse à cette lettre que le 17 juin. Cecil écrivit que la reine était tout à fait enchantée par cette idée et qu'elle appréciait la gentillesse de sa cousine. En retour elle devait écrire quelques vers pour Marie Stuart et envoyer à son tour une bague. Elizabeth reçut sa bague le 12 juillet, accompagnée de quelques vers écrit par Buchanan. Dans ce cas précis, les vers de Buchanan servent la reine d'Ecosse en ce sens qu'il ont un but politique : rassurer la reine d'Angleterre et l'informer des bonnes grâces de sa cousine afin qu'Elizabeth accepte de la rencontrer. On ne sait si ce sont les vers de Buchanan ou le présent qui ont touché la reine d'Angleterre, mais Elizabeth accepta finalement de rencontrer la reine d'Ecosse. Toutefois le 15 juillet Elizabeth reporta la rencontre à l'année suivante, fixant la date de celle-ci aux alentours du mois d'août 1563. Les deux reines ne se rencontrèrent jamais.

Un deuxième groupe de poèmes écrits par Buchanan durant le règne de la jeune reine d'Ecosse est composé de mascarades rédigées pour divertir la cour et son monarque. La première série de mascarades fut composée pour l'événement du dimanche 13 janvier 1563, à l'occasion duquel Marie Fleming fut couronnée « reine ». Ces mascarades écrites pour amuser et divertir la cour peuvent sembler futiles. En effet, pourquoi employer un humaniste de renom pour écrire des pièces qui ne servent qu'à distraire la cour ? Le rayonnement culturel d'une cour européenne avait toute son importance. En dépit du fait que le but premier de ces mascarades ait été de divertir, il apparaît que ces spectacles représentaient aussi un élément de diplomatie. John Knox, qui fulminait à l'idée que la cour écossaise ne soit que bals et représentations, assimilait cette débauche d'amusement à l'immoralité de la reine Marie Stuart : « Thair began the masking, which from year to year hath continewed since ».86(*) Selon John Knox toutes ces festivités étaient contraires à la volonté de dieu. Pour Knox : « banketting, immoderat dansing » sont liés à la cupidité du monarque qui ne se soucie pas des vrais problèmes, tel que la pauvreté par exemple.87(*)

Le réformateur calviniste associe donc l'art de bien gouverner à la raison et à la droiture, par opposition, tout ce qui relève du domaine des passions, n'est qu'excès. Le monarque ne peut gouverner selon ses passions. La raison est supérieure aux désirs et le pouvoir ne peut être exercé de manière juste que lorsque le monarque gouverne avec raison. On retrouve ici l'idée de Platon selon laquelle raison et passion représentent deux sphères opposées. Platon situait la raison et la passion dans deux parties distinctes de l'âme. La raison, plus noble, était placée dans la tête, tandis que la partie désirante siégeait dans le ventre. Les passions conduisent l'homme à négliger la raison, à ne plus vivre que selon sa sensibilité et ses impulsions, c'est-à-dire à vivre dans l'illusion en ignorant à la fois l'essence des choses extérieures et la sienne. C'est ce que semble reprocher John Knox à Marie Stuart. Cette accusation soulève deux problèmes. Tout d'abord, cela indique que selon les réformateurs Marie Stuart n'est pas un bon monarque parce qu'elle écoute ses désirs personnels en demandant à sa cour de prendre part à de tels spectacles. Ceci prouve qu'elle écoute d'avantage sa personne que ses sujets, donc c'est une reine égoïste et immorale. Enfin, John Knox, en évoquant l'absence de qualité morale de la reine, souligne que celle-ci est bien trop encline à écouter ses passions et rejoint la théorie selon laquelle les femmes, puisqu'elles sont susceptibles de céder plus facilement à leurs passions, ne peuvent gouverner. Leur tendance à écouter en premier lieu leur passion plutôt que leur raison est une preuve que les femmes sont moins intelligentes que les hommes. Autoriser une femme à gouverner une assemblée d'hommes est donc contraire à l'ordre naturel.88(*)

Toutefois, il semble que les détracteurs de Marie Stuart aient simplifié un phénomène beaucoup plus complexe en jugeant les divertissements de la cour complètement inutiles. En effet, Elizabeth et Catherine de Médicis multipliaient elles aussi les représentations et la splendeur des fêtes qu'elles organisaient était toujours louée.89(*) Chaque cour européenne avait sa manière de faire valoir ses atouts culturels. Ainsi Buchanan, poète de la cour, se devait de participer au rayonnement culturel écossais. Une pièce ou quelques vers écrits par Buchanan à l'occasion d'un événement célébré à la cour assurait la renommée de la cour d'Ecosse. Ainsi l'on peut critiquer avec John Knox la frivolité de la reine d'Ecosse habituée au faste de la cour des Valois ou bien l'on peut se pencher sur la question suivante : dans quel but les vers de Buchanan censés divertir la cour pouvait-il servir l'image de la reine d'Ecosse ? Les représentations données en Ecosse ne sont pas isolées et traduisent non seulement les goûts personnels de la reine pour les mascarades mais sont aussi révélatrices de l'orientation de sa politique. Lors de ses évènements l'image publique et l'image privée du monarque s'entremêlaient. Ainsi l'on croyait pouvoir assister publiquement à la vie de la cour. Comment de tels évènements pouvaient-ils façonner l'image d'un monarque ? Il n'était pas rare que des ambassadeurs ou bien des diplomates étrangers assistent à ce genre de représentations, si le spectacle était réussit ils ne manquaient pas de relater la beauté de ce qu'ils avaient vu. Ainsi, la cour écossaise se devait de rivaliser de splendeur avec les cours de France et d'Angleterre, deux royaumes avec lesquels Marie Stuart était intimement liée. Marie Stuart élevée en France avait pu se familiariser avec les tours de France et autres entrées royales organisées par les Valois.

Les cours anglaises et écossaises durant les années 1560 affichent une certaine proximité en ce sens que les deux jeunes reines célibataires n'hésitent pas à ce servir des mascarades ou autres vers composés par leurs poètes de cour pour s'adresser directement à leur « bonne soeur ». Marie Stuart envoie une lettre accompagnée de quelques vers de Buchanan lorsqu'il s'agit de faire montre de ses bons sentiments envers Elizabeth, la chère soeur qu'elle aimerait enfin rencontrer. A partir de 1562, alors que l'attention est tournée vers Marie Stuart et son futur mariage, divers spectacles mettent en scène l'Amour Mutuel et la Chasteté. Ainsi en 1564, Thomas Randolph (ambassadeur d'Angleterre en Ecosse) fait le récit à Cecil d'un banquet auquel il a assisté mettant en scène l'Amour et la Chasteté. L'ambassadeur anglais raconte que les serveurs chantaient des vers célébrant l'amour, la chasteté et l'amour mutuel. Pour clôturer le banquet, la chanson finale était clairement explicite quant au sentiment de Marie Stuart envers la reine d'Angleterre :

Rerum supremus terminus

Ut astra terres misceat,

Regina Scota diliget

Anglam, Angla Scotam diliget.90(*)

Le thème du spectacle, les personnages mis en scène et le finale ont pleinement été choisis par Marie Stuart pour montrer à la reine d'Angleterre aussi bien qu'au public écossais qu'elle ne s'aviserait pas de s'engager dans une union qui puisse briser les liens d'amitiés qui l'unissent à sa bonne soeur.

Pour s'assurer que le message communiqué par se spectacle soit bien compris par Elizabeth, Randolph rapporte que Marie glissa dans sa main quelques vers qu'elle le sut gré de remettre à Elizabeth. Ses vers étaient de Buchanan et avaient pour thème la chasteté et l'amour mutuel. L'un des poèmes, Mutuus Amor, concluait que l'amitié qui unissait les deux reines était imperturbable.91(*) Le fait que Marie Stuart fasse enjoindre les vers de Buchanan au récit de la représentation montre qu'il est primordial pour la jeune reine écossaise que ce masque ait une double audience : la cour écossaise présente au banquet et le monarque anglais absent. Il s'agit d'un geste d'amitié qui tend à montrer que même si le divertissement est donné pour la cour écossaise, il s'adresse avant tout à Elizabeth. Ce qui souligne le caractère politique de la pièce. Nous avons vu que Buchanan participe à cette manoeuvre politique qui consiste à faire passer un message diplomatique à travers le divertissement. Les vers de Buchanan sont donc écrits afin d'asseoir la position de Marie Stuart, comme gage de ses sentiments sincères. Un an plus, tard le caractère dramatique que revêtait l'éventualité d'une union n'était plus d'actualité car Marie avait choisi son futur époux. L'union n'avait rien pour plaire à Elizabeth, Henri Darnley était catholique et pouvait prétendre lui aussi au trône d'Angleterre.

Avec Darnley la reine d'Ecosse espérait avoir trouver un compagnon assez fort pour établir son propre pouvoir et rétablir la religion catholique en Ecosse et plus tard peut-être en Angleterre. Marie avait pour ambition de s'émanciper du contrôle exercé par les hommes qui s'opposaient à elle sur les questions religieuses comme politiques et l'union avec Darnley concrétisait ce souhait. Le choix semblait rapide mais devant la pénurie de prétendants, Marie Stuart se devait de choisir l'option qu'elle considérait être la meilleure. Elizabeth non sans audace avait proposé son propre favori, Robert Dudley, mais avait plus tard fait mine de reprendre son bien. Marie Stuart envisageait même de se marier à Don Carlos si dérangé soit-il.92(*) Le choix de Darnley était donc perçu comme impulsif et irréfléchi, Marie Stuart se mettait à dos Elizabeth et tous les sympathisants anglais de son royaume. Pour affirmer son choix personnel la reine use donc de divertissements et de performances théâtrales. En avril, alors que Darnley est souffrant et que l'affection de la reine pour celui-ci ne fait que s'accroître elle donne une messe pascale en grande pompe. Pour le mariage célébré le 29 juillet 1565 peu de représentants étrangers étaient présents, manquaient aussi la noblesse écossaise qui désapprouvait pour la plupart cette union. Malgré l'absence de ces personnes, John Knox insiste sur le fait que le mariage ne fut que « bals, danses et banquets ».93(*) Buchanan encore une fois écrivit des textes pour le mariage, abordant des thèmes bien spécifiques afin d'affirmer une fois encore les choix de sa souveraine.

Le premier divertissement mettait en scène des dieux et déesses qui vantaient le pouvoir du mariage et de l'amour. Il célébrait aussi la reine comme membre de la bande des cinq « Maries ». La deuxième pièce avait pour personnage des visiteurs exotiques tels que des cavaliers venus d'Ethiopie, des nymphes venues de Neptune ou encore Cupidon qui venaient présenter leurs voeux au couple royal. Les quatre Maries se mirent en scène dans une pièce célébrant le retour de Salus, déesse de la vie et de la santé.94(*) Aucune de ces représentations ne semblent aborder ouvertement un problème politique. Pourtant dans l'éloge déclamé par les cinq Maries, Diane se lamente du fait qu'une des cinq Maries soit arrachée à leur bande à cause de ce mariage. A la suite de cela un débat s'engage autour des thèmes du mariage et de la chasteté. Une bande de dieux grecs vient ensuite vanter la supériorité d'un mariage fertile. Un mariage fertile apporte la stabilité, tel est le message que véhicule la pièce. Le message semble être un lieu commun mais sa résonnance est d'autant plus grande dans le contexte politique de 1565. Elizabeth est toujours sans enfant alors que le mariage de Marie avec Darnley annonce la naissance d'un héritier potentiel du royaume d'Ecosse mais aussi du royaume d'Angleterre. La structure du deuxième masque dans lequel des visiteurs étrangers viennent rendre hommage au monarque renvoie à la structure de nombreuses représentations françaises au cours desquels des visiteurs étrangers viennent congratuler le monarque. Une telle représentation assoit le pouvoir royal, représentant le régent comme le centre autour duquel le monde entier gravite. Cependant on note que le choix des personnages représentés (des cavaliers éthiopiens, Cupidon, des chevaliers de la Vertu, etc.) montrent bien que le message politique n'a pas vocation à être retranscrit à l'étranger. Le pays d'origine des personnages est trop exotique. Si les cavaliers avaient été européens, le message aurait probablement eu une autre résonnance. Ici il semble bien que Buchanan retranscrit un message avant tout écossais : la nation attend que naisse de ce mariage un héritier qui apporte une stabilité politique et une pérennité dynastique.

Durant la première partie du règne de Marie Stuart, les textes qui sont dédiés à la reine annonce la dure tâche qui l'attend : régner sur un royaume protestant alors qu'elle est une reine catholique. Malgré cet obstacle la littérature de cour ne manque pas de louer cette reine dont les poètes tels qu'Alexander Scott espèrent qu'elle apporte la stabilité au royaume. Piètre régente mais excellent dans l'art de la représentation, Marie Stuart a l'intelligence de faire de l'humaniste écossais le plus renommé, George Buchanan, son tuteur et poète attitré afin d'affirmer son image de reine cultivée et esthète. Bien qu'il s'agisse d'une représentation visuelle les mascarades et autres pièces composées par Buchanan servent ses choix politiques et confirment la volonté de la reine d'Ecosse d'entretenir l'amitié qui la lie à sa consoeur anglaise. Toutefois le mariage qui l'unit à Darnley semble réduire ses efforts à néant, et le contexte politique qui s'ensuit voit croître un mécontentement général qui s'exprime plus tard à travers les textes du poète latiniste qui la servit autrefois si loyalement.

Chapitre 2 : Marie Stuart femme, ou la naissance d'un personnage controversé, de 1565 à 1572.

L'exercice féminin du pouvoir était une chose controversée à l'époque, cependant la situation écossaise n'était pas isolée. Alors que de nombreux penseurs s'accordaient à dire que l'accession au trône d'une reine devait rester un événement extraordinaire au sens propre du terme, les royaumes européens du 16ème siècle souffrant d'une pénurie de primogéniture mâle tombaient entre les mains de reines que certains auraient préféré voir cantonner à leur rôle de maîtresse de maison.95(*) A la mort d'Edouard VI le 6 juillet 1553 Marie Tudor devient reine d'Angleterre, à la même époque Marie de Guise veuve du roi Jacques V d'Ecosse est régente du royaume écossais. Deux autres femmes héritent à leur mort du royaume d'Angleterre et du royaume d'Ecosse. En France, depuis la mort du souffreteux François II c'est Catherine de Médicis qui assure la régence du pays et ce jusqu'en 1564. Les femmes au pouvoir, les critiques pleuvent. Parmi les plus véhémentes se trouve celle de John Knox. Bien que The First Blast of the Trumpet ?Against the Monstrous Regimen of Women publié en 1558 soit dirigé contre Marie de Guise et non contre sa fille, le réformateur calviniste n'a de cesse de dire combien le règne de la jeune Marie Stuart n'est pas naturel. Pour Knox le sexe, la religion et l'âge de Marie Stuart constituent les trois péchés qui rendent son accession au trône contraire à la volonté divine.96(*) Durant la première partie de son règne seul les avertissements de John Knox sonnent l'alarme quant à l'immoralité de cette jeune femme qui aime le théâtre, danser et même se travestir.97(*) Un témoin rapporte que la reine aurait même souhaité être un homme : « to know what life it was to lie all night in the fields, or to walk upon the causeway with a jack and knapscall »98(*). De telles affirmations quant aux déguisements que la reine aimait à porter donnaient immédiatement à la cour des allures scandaleuses. Usurper l'identité d'un homme est un délit qui perturbe l'ordre établi. Ce n'est pas à cause de ce genre de frivolités que le peuple écossais se détourne de Marie Stuart, toutefois c'est un exemple révélateur de ce que la littérature d'opposition considère être sa plus grande faute. Son sexe qui ne semblait pas être un obstacle au bon fonctionnement du royaume lorsque Marie arrive en Ecosse se trouve être son plus grand défaut à l'aube des troubles politiques qui s'annoncent.

Avoir une femme pour monarque implique que celle-ci choisisse un mari et de là découlent plusieurs craintes. En effet, ce mari s'il est étranger peut tenter d'imposer une politique favorable envers son propre royaume (c'est une des craintes qu'avaient les Anglais envers Philippe II époux de Marie Tudor) ou bien encore tenter d'assujettir le royaume de sa femme à son propre royaume. Autrement dit l'on craignait que la reine qui selon le devoir conjugal devait obéissance à son mari ne laisse celui-ci prendre le contrôle du royaume. Le mariage était une question épineuse, les sentiments de la reine l'étaient plus encore. En effet, le monarque devait s'efforcer de dissocier sa personnalité publique de sa personnalité privée et c'est là l'un des points faibles de la reine d'Ecosse. Ses tourments amoureux qui la font passer à la postérité sont autant de matière à controverse dont la littérature se saisit pour déchoir Marie et la rabaisser à sa condition de « simple » femme.

I. Dernier éclat du règne : le baptême de Jacques VI.

Le mariage avec Darnley fit se concentrer toutes les attentions sur la prétention de la reine Marie Stuart à la couronne d'Angleterre. Ce sujet fut inévitablement repris dans les poèmes écrits pour célébrer le mariage en 1565 mais aussi dans ceux adressés à Jacques, le fils de Marie et de Darnley, l'année qui suivit. Sir Thomas Craig, un célèbre avocat écossais fut l'un des premiers à avancer les arguments selon lesquels la reine d'Ecosse était l'héritière légitime du trône d'Angleterre. Dans Epithalamium publié l'année du mariage Craig, malgré quelques doutes émis quant à la loyauté de Darnley, annonce que les royaumes d'Angleterre et d'Ecosse seront bientôt unis sous l'égide du futur héritier qui naîtrait de ce mariage, et d'ajouter qu'il n'y avait dès lors plus aucun doute quant à l'identité du successeur d'Elizabeth.99(*) La naissance de Charles Jacques (futur Jacques VI) fournit une raison supplémentaire de nourrir de tels espoirs. Les odes écrites à l'occasion du baptême suggèrent les attentes du peuple écossais envers ce futur roi. Jacques était le premier héritier de sexe masculin, fils d'un monarque écossais, à survivre depuis 1540. En soit sa naissance représentait déjà un exploit. Le climat politique en Ecosse autour de 1565 était plus favorable à la reine et l'on note même une certaine cordialité entre les gens de la maison royale et les grands nobles du Privy Council.100(*) Seulement, plus tard dans l'année 1565 les tensions à la cour d'Ecosse redeviennent palpables à cause du regain d'intérêt accordé aux Lennox Stewart (la famille de Darnley) et de la tentative avorté des Hamilton, du comte de Moray et du comte d'Argyll de rétablir une majorité qui leur soit plus favorable au sein du Privy Council.

Le comte de Moray, le demi-frère de Marie Stuart, n'appréciait guère cette union. De nombreuses familles nobles qui avaient reçu le soutien de Cecil lors du soulèvement contre les Français voyaient d'un très mauvais oeil cette union catholique qui révélait au grand jour les prétentions de la reine écossaise à la couronne d'Angleterre. Comment donc les festivités et la littérature qui accompagnent l'avènement du jeune prince vont-elle combler le vide entre la famille royale et les nobles du royaume ? Quel rôle peut avoir l'image d'une cour revitalisée dans un royaume où les divergences d'opinion croissent ?

Avec la naissance du dauphin, l'opportunité était grande d'exploiter le culte de la monarchie dans le but de rallier l'opinion publique aux choix de la maison royale. Comme nous l'avons souligné Charles Jacques était le premier fils descendant de la lignée des Stuart à survivre depuis 1540. Bien que son père et sa mère aient été catholiques, il semble que les protestants accueillaient la nouvelle avec la plus grande joie. En effet, l'absence d'héritiers avait causé au royaume d'Ecosse bien des tracas. En mars 1286 Alexandre III meurt accidentellement et sans héritier ce qui vaut à l'Ecosse de s'engouffrer dans une guerre contre le roi Edouard Ier d'Angleterre de 1296 à 1304 avant que Robert Ier (plus connu sous le nom de Robert le Bruce) n'accède au pouvoir.101(*) Avec Jacques VI la dynastie des Stuart perdurait. Dès l'annonce de la naissance, la foule se précipita dans l'église de Saint-Gilles pour remercier Dieu et des feux de joies furent allumés un peu partout.102(*) Aucune voix ne s'éleva contre l'allégresse générale, pas même celle de John Knox. En prévision des dépenses que suscitait le faste d'un baptême de cette importance une taxe nationale fut levée. Il s'agissait du premier impôt mis en place sous le règne de Marie Stuart. En septembre une taxe de 12 000 livres avait été accordée par les Etats.103(*) Le baptême devait avoir lieu le 17 décembre. Malgré la décisions prise par la reine de célébrer un baptême catholique, la Kirk ne vint pas protester contre ce rite idolâtre.

Les célébrations s'étalèrent sur trois jours, faisant de ce baptême un véritable festival de la Renaissance. Michael Lynch fait référence à cet événement comme au plus grand festival de la Renaissance que la Grande Bretagne n'ait jamais connu. En dépit des relations houleuses qui faisaient vaciller le couple royal, Marie réussit à faire de cet événement un exemple de splendeur capable de rallier la communauté entière derrière la joie que produisait la naissance d'un héritier. Dans les préparatifs des festivités il semble que l'expérience de Marie Stuart à la cour des Valois ait pesée lourd. En effet, durant son enfance Marie avait été exposé à toute une série de magnificences françaises célébrant le triomphe d'Henri II sur les Anglais en 1550. Toute une série de fêtes de type Renaissance avait été donnée lors desquelles les représentations visuelles de la monarchie avaient été accentuées par les entrées royales et autres références à la tradition chevaleresque. Ainsi le rôle du monarque garant de l'ordre et de la paix était accentué à travers moult divertissement. Sans en avoir l'air cet art du paraître ralliait les foules et assurait au roi une certaine côte de popularité. Le mariage de Marie Stuart avec le Dauphin fut organisé selon le même principe. L'avantage politique que représentait cette union était mis en avant par la littérature de cour, les poèmes et autres somptueuses extravagances.104(*) Forte de cette expérience en France, depuis 1562 Marie Stuart avait passé le plus clair de son temps à sillonner son royaume tentant, comme l'avait fait Catherine de Médicis pour Charles IX entre 1564 et 1565, de prospecter pour la réconciliation d'un royaume divisé.

Cependant, la perspective du baptême ouvrait la possibilité de manoeuvres diplomatiques encore plus grandes : les ambassadeurs de pays étrangers allaient se déplacer, il était donc primordial de faire impression afin que ceux-ci puissent décrire de manière élogieuse les moyens mis en oeuvre par ce pays dont on ne soulignait généralement que la pauvreté proverbiale. Un autre enjeu politique est à souligner. La marraine de l'enfant était Elizabeth et le comte de Bedford était chargé de la représenter à Stirling, où se tenait les festivités. Bien que celui-ci refusât de pénétrer dans la chapelle pour assister à la messe qu'il considérait comme un rite papiste, l'envoyé anglais fut satisfait de sa mission : « les autres ambassadeurs voyaient avec une sorte de jalousie et de dépit que les Anglais étaient traités avec plus de distinction et étaient plus caressés qu'eux » rapporte James Melville dans ses mémoires.105(*) La célébration du baptême avait deux significations pour Elizabeth. Premièrement, Marie Stuart avait réussi dans un domaine où Elizabeth avait pour le moment échoué, elle avait assuré sa descendance. Elizabeth n'était âgé que de 33 ans à l'époque, la probabilité qu'elle donne naissance à un héritier n'était pas nulle mais elle s'obstinait à vouloir rester célibataire, ce qui amenuisait fortement les chances de voir un jour la reine « vierge » présenter son propre enfant à sa succession. Sans compter que depuis 1562, la question de la succession faisait débat. En effet cette même année beaucoup avait craint pour la santé de la reine alors atteinte de la petite vérole. L'on craignait qu'elle ne meure sans avoir désigné son successeur. Le jeune prince écossais était donc un successeur tout désigné. Pourtant, le comte de Bedford avait été envoyé à Edimbourg pour s'assurer que la reine d'Ecosse ratifie le Traité d'Edimbourg et garantisse de ne pas interférer dans les affaires de succession si la reine Elizabeth venait à se trouver dans une situation délicate. Au lieu de s'en offusquer et de congédier Bedford, la reine d'Ecosse donna à Bedford des réponses encourageantes. Le 18 décembre, deuxième jour des festivités, Marie invite ses convives à s'asseoir autour d'une table ronde. Ce symbole ne pouvait que confirmer les bonnes impressions de Bedford. En effet, la table ronde rappelle le roi Arthur, roi légendaire des britanniques. Cette image fut liée plus tard dans le règne d'Elizabeth au retour de l'âge d'or, elle incarnait une promesse de paix et de prospérité.106(*) Le fait que la table ronde réapparaisse lors du baptême de 1566 souligne la stabilité nouvelle du royaume, stabilité qui ne pouvait admettre qu'on se querellât à propos de droits successoraux.

Pourtant, Elizabeth a bien compris que sa « bonne soeur » bénéficie maintenant d'un avantage. En témoigne sa réaction à l'annonce de la naissance du prince. Le 23 juillet 1566, quatre jours après l'accouchement, alors que la reine donnait un bal au palais de Greenwich, un messager (Melville affirme qu'il fut lui-même chargé de transmettre le message, certains historiens l'ont mis en doute, cependant le luxe de détail avec lequel il rapporte l'événement amène Michel Duchein à considérer que le témoignage de Melville n'est pas entièrement fictif) annonce la nouvelle à Cecil. Celui-ci s'en va murmurer à l'oreille d'Elizabeth que la reine d'Ecosse vient de donner naissance à un petit garçon, sur quoi la reine d'Angleterre aurait déclaré : « La reine d'Ecosse vient de mettre au monde un fils, pendant que je ne suis qu'une branche stérile »107(*). Marie Stuart possède donc un avantage sur sa cousine anglaise. Mais au lieu de raviver l'animosité de celle-ci en abordant d'emblée le problème de la succession, elle prit le parti d'insister sur les images de prospérité. Nonobstant les efforts déployés pour mettre à l'aise le comte de Bedford, la littérature de cour abordait des thèmes plus controversés parmi lesquels l'union des deux royaumes. Un poème écrit en latin par Patrick Adamson (un homme d'Eglise protestant) fut déclamé qui donnait le ton des autres odes écrites à cette occasion. Dans ce poème la Prophétie s'exprime ainsi :

The fates will grant you to extend the territory of your realm, until the Britons, having finished with war, will learn at last to unite in one kingdom.108(*)

Il s'agit bien d'un tract à peine déguisé en faveur de l'union des royaumes sous l'autorité de la dynastie Stuart. A travers cet espoir d'union le jeune prince est promis à un bel avenir, à tel point que le nouvel héritier éclipse les prétentions de Marie Stuart, sa mère et l'actuelle reine d'Ecosse. En effet, on note que les textes écrits pour le baptême mais également ceux écrits pour le mariage se concentrent sur l'héritier et les perspectives d'avenir qui accompagnent sa naissance. Marie Stuart tient une place minime dans ces poèmes. Le portrait de Marie qui découle de ces poèmes est vague car son personnage ne se situe pas au premier plan. Qui se soucierait d'une reine régente alors que l'Ecosse a maintenant un futur roi ?

Le portrait que les poètes de la cour dressent de la reine d'Ecosse diffère assez peu de celui que l'on trouve dans la littérature des années précédentes. Ainsi, le poème que Buchanan rédige pour la naissance de Jacques VI ne mentionne la reine qu'une seule fois, félicitant le jeune roi d'avoir été nourri de la vertu et de l'amour pour la justice qui caractérisent sa mère :

You also, father and mother, happy in the happiness of parenthood,

Accustom the tender child from his young yearsTo the idea of justice, and let him imbibe the sacred love of virtue

With his mother's milk ; let pietty be attendant on his craddle,

And let it be the formative influence in his spirit and grow equally with his body.109(*)

On peut rapprocher cette description de la reine avec la manière dont Buchanan qualifie la reine d'Ecosse dans son poème d'introduction aux Psaumes : « daughter of a hundred Kings » ou « fille de cent rois ». On retrouve déjà cette référence dans le poème écrit pour le mariage de François II et de Marie Stuart : « Hers can enumerate one hundred royal descendants from one stock » ou « on peut citer cent descendants royaux d'une seule branche de sa lignée». Marie Stuart bien qu'actuelle reine d'Ecosse n'est jamais décrite comme une femme de pouvoir mais toujours comme la fille ou la mère de rois. Dans les poèmes qui célèbrent ses mariage ou le baptême de son fils ce sont les fonctions que l'on attribue à la femme qui prennent le dessus. Une femme doit obéissance à son mari et une mère se doit d'élever son enfant. Buchanan rappelle ces devoirs à travers les poèmes qu'il consacre à la reine d'Ecosse. Certes, il décrit une femme dont la sagesse est supérieure à celle des autres femmes mais jamais il ne la décrit comme une reine qui doit gouverner. Dans le poème adressé au futur roi Buchanan va plus loin encore en ce sens qu'il s'adresse au nouveau né comme s'il été déjà roi et lui donne même des conseils sur l'art de gouverner :

He will learn the true art of ruling a kingdom in peace and war.

If he will sedulously measure all that he does by this standard,

He will successfully undertake the rule of his kingdom.110(*)

Bien sûr il ne semble pas inapproprié de s'adresser à un prince comme à un roi car il est promis à cette fonction. En revanche les thèmes abordés semblent plus étranges. Buchanan écrit que « la gloire et le respect sont le fruit d'une attitude irréprochable », que ses sujets « l'aimeront parce qu'il leur donnera la preuve qu'il les aime en retour » et critique les rois qui veulent s'arroger l'imperium. Buchanan explicite ici le concept de royauté légitime qu'il oppose au culte du monarque que la reine d'Ecosse tente de mettre en place pour son fils. De même qu'il a l'impérialisme en horreur, Buchanan récuse la vision du monarque absolu gouvernant sans se soucier du sort de ses sujets. Il semble que la date du baptême soit trop avancée pour que les propos de Buchanan puissent être assimilés à une critique du gouvernement de la reine Marie Stuart. Même si la reine se rapproche des Guises et de son ancien pays d'accueil à cette époque, elle fait un pas vers la concorde et se réconcilie avec Moray. Toutefois le poème dédié au futur monarque semble clair, le modèle du monarque absolu n'a pas cours en Ecosse et le futur roi écossais ne peut gouverner en négligeant ses sujets. Marie Stuart quant à elle est reléguée au second plan. Devenue mère, elle a rempli sa principale fonction : assurer une descendance. L'ode de Buchanan ramène donc la reine d'Ecosse à sa condition de femme transférant d'ores et déjà le pouvoir à son fils. A la lecture du poème il semble que Buchanan transmette l'idée selon laquelle la norme est rétablie : la reine a enfanté, le roi peut gouverner. Il est toutefois intéressant de noter que l'autre roi, Darnley, est quant à lui totalement évincé du poème, comme s'il avait été supplanté lui aussi par son fils.

II. Marie femme adultère et meurtrière, point d'ancrage d'une littérature calomnieuse.

En 1565, la trêve établie entre les lords protestants et Marie Stuart semblait rompue. En choisissant d'épouser le catholique Darnley, Marie exprimait clairement son opposition à la reine Elizabeth, au comte de Moray et aux protestants supporters du royaume d'Angleterre. Marie se rapprochait des nobles catholiques en Ecosse et se tournait cette fois-ci vers ses influents oncles français, les Guise. Une suite d'évènements complexes et controversés ajouta à l'impopularité de Marie Stuart. Les deux partis, protestants et catholiques, avançaient l'argument religieux afin de faire prévaloir l'argument politique. Le récit des évènements qui accompagne ce conflit est en général bien connu. De ce récit découle une partie de la légende qui entoure Marie Stuart, cette écossaise jeune, belle, tourmentée par les passions amoureuses qui l'animent et trahie par ses proches. Jenny Wormad nomme cette tendance à interpréter l'histoire de manière psychologique la psycho-history.111(*) Il est vrai que l'histoire de cette période, qui s'étend de 1565 à 1567 (lorsque Marie est forcée d'abdiquer) à tout d'une intrigue de tragédie. Il y avait eu des signes avant-coureurs du scandale que la personnalité de la reine allait engendrée peu après l'arrivée de la reine en Ecosse.

Durant l'hiver 1562-1563 un poète de la cour, Pierre de Châtelard, un Dauphinois huguenot qui avait accompagné Marie en Ecosse, avait été retrouvé par deux fois dans la chambre de la reine. La première fois il fut averti par les autorités royales. La deuxième fois, alors qu'il s'était caché sous le lit de la reine pour attenter à sa vertu, Marie furieuse décide que la mort immédiate doit punir ce crime. Moray eut du mal à calmer la reine et Châtelard fut arrêté et transféré à Saint Andrews pour y être jugé puis exécuté. Il fut exécuté à Saint Andrews en février 1563 et Brantôme rapporte que le jeune homme aurait proclamé ceci avant de mourir : « Adieu, la plus belle et la plus cruelle princesse du monde ! ».112(*) Déjà le caractère de la reine semblait ambigu. En effet, les gens de la cour avaient fréquemment vu la reine danser avec ce jeune homme et la reine n'ignorait pas qu'il éprouvait des sentiments à son égard. John Knox avec l'excessivité qu'on lui connaît affirme que ces danses étaient : « plus propres à un bordel qu'à un lieu honnête », ce qui finit de semer le doute quant à la bonne morale de la reine. L'été précédent, la reine avait déjà était offensée par une note qu'elle avait reçu alors qu'elle s'entretenait avec Sir Henry Sidney, un noble anglais. Le papier était signé « Capitaine Hepburn » et contenait des propos outranciers. C'est Randolph qui rapporte l'événement à Cecil, mais semble si choqué qu'il se voit dans l'incapacité de retranscrire de tels propos : « the tale is so irrverent that I know not in what honest terms I may write it to your honour ».113(*) Le témoignage de Randolph est le seul à faire mention de ce billet. Nul ne sait ce que le Capitaine Hepburn y avait écrit, on ne peut donc pas juger du caractère tout à fait irrévérencieux de cette note. On peut aussi supposer que Marie Stuart ait voulu cacher cet événement. Si l'on apprenait qu'un sujet se permettait d'agir avec une telle audace, allant jusqu'à insulter le monarque, toute la légitimité du pouvoir exercé par la reine eût été remis en doute.

Le récit de Randolph permet de soulever un problème : une reine doit prouver que son pouvoir est légitime, chose qu'un roi n'a pas coutume de faire. Les femmes monarques étaient largement victimes de telles insultes. Elizabeth et Robert Dudley par exemple étaient considérés suspicieusement après que la femme de Dudley, Amy Robsart, mourut dans des circonstances mystérieuses. A l'inverse Henri VIII, pouvait mettre tous les moyens en oeuvre pour faire assassiner ses amantes trop encombrantes.114(*) Une reine devait donc se disculper d'être femme. Pour ce faire Elizabeth appliquait la théorie des deux corps du monarque. Elizabeth avait un corps public, fort et solide, qui lui permettait d'être crédible dans son rôle de monarque intransigeant. Elle avait aussi un corps privé, un corps de femme avec ses désirs et ses sentiments, mais celui-ci pour ne pas nuire à la crédibilité de l'autre devait demeurer caché. Maris Stuart semble n'avoir pas réussi à instaurer ce diptyque si bien que les oppositions politiques la dépassent. Déjà, en 1563, John Knox prêche avec grandiloquence contre le supposé mariage qui se prépare avec Don Carlos. Il s'exprime devant le parlement et devant un parterre d'aristocrates et accuse ceux qui supportent ce mariage d'aller à l'encontre de la volonté du Christ. Marie n'intervient pas. En octobre de la même année, Knox s'insurge contre l'arrestation de deux protestants dont le crime était d'avoir perturbé la messe célébrée à la chapelle royale. Il écrit une lettre ouverte à tous les protestants d'Ecosse les enjoignant d'apporter leur soutien à leurs coreligionnaires. Il s'agissait d'un acte de trahison et de rébellion, pourtant John Knox fut tout juste sermonné et acquitté en décembre.

Ces événements sont la preuve que Marie Stuart ne parvenait pas à affirmer son autorité de monarque. Elle n'incarne pas le pouvoir. On a pourtant vu qu'elle savait être une maîtresse de cérémonie, une patronne pour les poètes de la cour mais son image publique n'était pas clairement définie, si bien que ses détracteurs s'enquièrent d'insister sur son point faible : son sexe. La reine aimait danser, se déguiser et faire la fête, elle se donnait en spectacle. A contrario elle n'avait jamais pris de décision politique notable, tricotait lorsque le parlement tenait séance et accordait des subsides à l'église réformée alors que les monarchies catholiques attendaient qu'elle s'allie à la noblesse du nord afin de rétablir la religion catholique. De plus de nombreux protestants, John Knox en tête, lui reprochaient sa frivolité. Cette image de femme fragile gouvernée par ses passions creuse son sillon jusqu'à devenir l'image dominante dans la littérature de la fin des années 1560.

Les attaques formulées par les protestants se dirigent donc contre la faiblesse et l'immoralité inhérentes à sa nature. L'on peut toutefois se demander pourquoi la littérature s'attache à dépeindre Marie Stuart comme une femme lascive et immorale alors que sa religion constitue une source de critiques toute trouvée. Si l'on analyse les évènements d'un point de vue purement historique, on peut supposer que les détracteurs de la reine d'Ecosse avaient tout intérêt à justifier la déposition de la reine en se basant sur des arguments personnels plutôt qu'en invoquant des arguments religieux. En effet, les deux grandes monarchies européennes qu'étaient la France de Charles IX et l'Espagne de Philippe II auraient vite fait de répliquer si une coalition protestante venait à détrôner une reine catholique, intimement liée au royaume de France qui plus est. Il fallait donc que l'attaque soit plus subtile. Les évènements qui s'enchaînent entre 1565 et 1567 aident les détracteurs de Marie Stuart à amorcer la chute de la reine sans que sa déposition ne soit perçue comme une attaque directe contre la religion catholique.

Tout d'abord il y avait le mariage avec Henri Darnley. Comme nous l'avons évoqué le mariage de la reine avec Darnley était censé servir Marie Stuart dans son action politique. Cependant, certains reprochaient à la reine d'avoir épousé cet homme pour les mauvaises raisons. Un certain Thomas Jeney (poète anglais) écrivit par exemple que Marie s'était laissée emporter par ses passions et par ses désirs sexuels. Le poète fait de Randolph le narrateur de son récit et insiste sur les tourments des citoyens écossais qui contrastent avec les débordements de Marie, laquelle dans un excès de colère avait renvoyé du conseil ses plus proches conseillers parce qu'ils s'opposaient à son mariage :

I saw them chased away, the Queen would not abide

Their grave advice that counselled her to watch a better tide. Her will had wound her so to wrestle in this wrong

That no restraint might rest her rage, her extremes to suborn.115(*)

Après ces confessions, Randolph passe en revue les tyrans de l'histoire tout en faisant des parallèles entre leurs passions destructrices et celles de la reine d'Ecosse. Puis l'ambassadeur s'assoupit et la reine lui apparaît en rêve, avouant que sa beauté et sa grâce sont la cause des ses malheurs. Son mariage n'est dû qu'au déchainement de ses passions et son désir incontrôlable a introduit à la cour l' « affront exubérant d'une force efféminée ».116(*) On note que les qualités que louaient auparavant les poètes de la cour, c'est-à-dire la beauté et la grâce de la reine sont dans ce poème présentées comme des caractéristiques du péché de luxure. Les anciennes qualités sont à présents synonymes de malheurs.

Avant que l'encre de Jeney ou d'un autre poète protestant ne se répande, alimentant plus encore la propagande contre Marie Stuart, un autre événement offrit aux défenseurs catholiques de la reine écossaise l'occasion de développer une contre-attaque. Cette occasion fut créée par le meurtre de David Rizzio, le secrétaire italien de la reine. Assassiné dans les appartements de la reine à Holyrood le 9 mars 1566 alors que la reine est enceinte, l'événement est en lui-même extrêmement dramatique. Les lords protestants emmenés par le comte de Morton et Patrick Ruthven (le comte de Moray est exilé en Angleterre) espéraient qu'en se débarrassant de Rizzio, symbole de l'influence catholique en Ecosse, ils pourraient à nouveau contrôler les décisions de Marie. En jouant sur la jalousie et la fierté de Darnley, ils convainquirent celui-ci de faire partie du complot et lui promirent en échange la couronne matrimoniale qu'il espérait tant. Darnley était de moins en moins apprécié de la reine qui le considérait comme un personnage rustre et trivial. Leur relation se détériorait au fil des jours et la rumeur qui courait dans Edimbourg selon laquelle l'enfant que portait la reine était en fait le fruit d'une union entre la jeune femme et son conseiller italien ne rendait la situation que plus compliquée. Le plan fonctionna. Seulement Darnley, sous la pression de Marie avoua le complot. A ce moment précis Marie entreprit une manoeuvre politique et fit revenir son demi-frère d'exil dans le but de scinder la faction protestante.

Les auteurs catholiques s'empressent d'exploiter cet événement en insistant sur l'innocence de la reine. Sur le continent, un auteur allemand fit publié en 1566 un travail intitulé A brief and plain account of the treason not long since perpetrated by some Scottish rebels against their most serene queen, faithfully reported from the letters of a distinguished nobleman.117(*) Cet auteur anonyme s'efforce dans son poème de tourner l'événement à l'avantage de la reine et du clan catholique. Selon l'auteur le complot se révèle être l'oeuvre de Moray qui depuis l'Angleterre et avec l'aide de la reine Elizabeth planifiait l'assassinat non seulement de Rizzio mais aussi celui de Marie et du bébé à naître. Fort heureusement le plan avait échoué en partie et Marie avait pu s'enfuir avec son mari avant de revenir pour punir les rebelles. Pour écarter toute possibilité de liaison entre la reine et le secrétaire italien, l'auteur n'hésite pas à falsifier les faits en affirmant que Rizzio avait cinquante ans au moment des faits : « a man about fifty years old ».118(*) Ainsi l'auteur rend la liaison peu probable. En effet, Marie alors âgée de 24 ans ne pouvait s'être amourachée d'un vieillard. En réalité le secrétaire italien n'était âgé que d'une trentaine d'années lorsqu'il fut assassiné. De même la réconciliation avec Moray est passée sous silence. Moray est décrit comme un traître et son personnage est tout simplement l'antithèse de celui de Marie Stuart, reine innocente, endurant les pires souffrances et revenant en héroïne pour sauver son pays de la cruauté du clan protestant.

Les lignes directrices de cette littérature étaient basées sur le commentaire distordu d'événements récents. En effet on note que les textes sont publiés la même année. La structure du débat qui anime les auteurs écossais George Buchanan et John Leslie est posée. Toutefois, avant d'aborder plus en détail l'accusation de George Buchanan contre la reine d'Ecosse et la défense de John Leslie, il nous paraît important d'évoquer l'événement qui donne toute son impulsion à ce que l'on pourrait nommer une bataille des livres. Dans des circonstances qui continuent de faire débat, Henri Darnley meurt à l'aube dans une explosion qui survient à Kirk o' Field (à quelques kilomètres d'Edimbourg) le 9 février 1567. Marie était-elle au courant du meurtre qui se tramait ? L'a-t-elle commandité ? Notre dessein n'est pas de statuer sur la culpabilité de la reine mais bien plutôt d'essayer de montrer comment cet événement a définitivement scellé l'image de la reine dans la littérature du 16ème siècle et même des siècles suivants.

Le 15 mai 1567, Marie Stuart épouse le comte de Bothwell. Ces noces précipitées aggravent la situation. En août, après la défaite essuyée à Carberry Hill, la reine d'Ecosse est emprisonnée à Lochleven après que les lords protestants la forcent à abdiquer en faveur de son fils. La régence est ainsi confiée à Moray. Cet enchaînement fournit à la littérature ses principaux sujets de débat : la reine a-t-elle tué son second mari ? Entretenait-t-elle une liaison avec Bothwell ? Comment justifier qu'un peuple se révolte pour déposer son monarque ? Les deux premières questions sont examinées par un tribunal anglais ayant pour jurés George Buchanan et le père du défunt Darnley entre autre. La pièce maîtresse de ce procès est un petit coffre qui contient douze poèmes et quelques lettres écrits par Marie Stuart. Ces poèmes et ces lettres sont censés prouver sa culpabilité. Là encore l'objet de cette étude n'est pas de statuer sur la véracité ou non de ces lettres mais bien de constater que l'utilisation de ces poèmes (dont on suppose que Marie Stuart est l'auteur) par les détracteurs de la reine prouve que ceux-ci lui reprochaient avant tout d'agir en tant que femme et non en tant que monarque.

L'accusation liée aux lettres de la Cassette ne fait que révéler l'antiféminisme ambiant déjà exprimé par Knox dans The First Blast... Selon Sarah M. Dunningan, la littérature entourant le personnage de Marie Stuart ainsi que les propres textes de la reine contribuèrent à la création du personnage littéraire de la souveraine.119(*) La reine aime danser et écrire des vers, ce n'est pas ce que l'on attend d'une reine. De plus elle écrit des vers à son amant alors que la morale chrétienne voulait que les sentiments féminins ne s'expriment pas publiquement. Ceci représente autant de fautes que Marie Stuart commet sans doute malgré elle et qui poussent ses adversaires à critiquer non pas la reine (Marie Stuart) mais la femme. En effet, leurs pamphlets n'ont de cesse de montrer du doigt Marie Stuart la frivole et l'adultère. Marie Stuart est décrite comme l'antithèse de la femme chaste et discrète. Comme en témoigne ses poèmes c'est une femme passionnée :

Pour Luy aussi ie iette mainte larme.

Premier quand il se fist de ce corps possesseur,

Duquel alors il n'auoit pas le coeur.

Puis me donna vn autre dur alarme,

Quand il versa de son sang mainte dragme,

Dont de grief il me vint lesser doleur,

Qui m'en pensa oster la vie, & frayer

De perdre las le seul rampar qui m'arme.

Pour luy depuis iay mesprisé l'honneur

Ce qui nous peut seul pouruoir de bonheur.

Pour luy i'ay hazardé grandeur & conscience.

Pour luy tous mes parentz i'ay quitté, & amis,

Et tous autres respectz sont apart mis,

Brief de vous seul ie cherche l'alliance.120(*)

Les poèmes de Marie Stuart font montre d'une contradiction qui est pour elle destructrice. D'un côté l'envie de dire son amour la brûle et de l'autre le fait de parler d'une telle manière de ses passions l'expose aux diatribes du camp protestant. Ceux-ci font d'ailleurs de cette maladresse une commodité, puisqu'ils rendent public ces écrits passionnés dont ils donnent une interprétation destructrice. Ce « mépris de l'honneur » auquel le poème fait référence constitue le leitmotiv de la littérature anti marianiste.

III. A Detection of the Doings of Mary Queen of Scots ou la dénonciation misogyne de Buchanan.

Marie emprisonnée à Lochleven, la faction protestante obtient ce qu'elle désirait : le pouvoir. Si les protestants emmenés par le demi-frère de la reine célèbrent cette victoire, les monarques européens s'interrogent quant à la réaction que doit susciter cette déposition. Il semblait évident que l'acte était impardonnable. Marie Stuart bien que piètre politicienne était une reine de droit divin et le peuple ne pouvait décider de lui ôter ce titre. Toutefois, la succession de drames qui conduisit à cette abdication compliquait les choses. Marie était accusée du meurtre de son second mari, lord Darnley et avait épousé trois mois après le crime son supposé meurtrier, qui du reste était déjà marié. Inutile de dire que le pape ne pouvait considérer cette union comme légitime aux yeux de l'Eglise catholique. Pour Elizabeth, la situation était d'autant plus compliquée. Le 16 mai 1568 Marie Stuart aborde les côtes anglaises après s'être échappée de sa prison de Lochleven. Que faire de cette reine fugitive ? William Cecil est d'avis qu'il faut prendre une décision rapidement quant à l'avenir de la reine d'Ecosse en Angleterre. En effet, la présence de la reine catholique pouvait causer des troubles dans le royaume sachant que le nord du pays abritait les derniers bastions catholiques. Mais Elizabeth s'obstinait à invoquer le droit divin du monarque. Elle avait beaucoup trop d'estime pour la fonction de Marie Stuart pour en faire d'emblée sa prisonnière. Moray savait que sa demi-soeur ne représentait plus aucun danger à présent car Cecil se méfiait depuis longtemps de la reine d'Ecosse. Cependant Moray avait le juste pressentiment qu'Elizabeth attendait des adversaires de sa « bonne soeur » qu'ils lui apportent des preuves concrètes de son crime. Les Anglais ne prirent donc pas immédiatement position contre la reine catholique.

Le régent Moray convint rapidement qu'il était nécessaire d'amener une preuve de la culpabilité de sa demi-soeur : «  to fortify his cause with evidente reasons as hir Maiestie may with conscience satifie hirself ».121(*) Le 21 mai 1568, John Wood fut dépêché à Londres pour éclaircir la conscience de la reine qui connaissait déjà les faits dans le détail mais continuer à avoir des doutes sur certains points. Le 8 juin Elizabeth écrit une lettre à Moray lui demandant de clarifier les raisons de sa démarche, il lui répond le 22 juin stipulant que John Wood possédait une copie des lettres de la Cassette destinées à éclairer Elizabeth quant à la culpabilité de sa cousine écossaise. Une audience devait se tenir à York à partir du mois d'octobre 1568, au cours de laquelle les accusateurs de Marie Stuart devaient présenter des preuves accablantes contre la reine d'Ecosse. Buchanan était présent à York dans le camp des accusateurs. Deux ans plus tôt il participait aux célébrations du baptême de Jacques VI et écrivait pour la reine des masques censés divertir la cour et glorifier la reine d'Ecosse. Comment ce poète latiniste, serviteur de Marie Stuart et loyal envers le roi de France avait-il pu verser dans le camp adverse ? Pourquoi était-il passé dans ses écrits de l'éloge à la diffamation ?

Plusieurs hypothèses peuvent être formulées. Les raisons religieuses d'abord. Buchanan était un défenseur de la doctrine calviniste et trouvait dans cette doctrine l'expression de valeurs stoïciennes qui lui étaient chères.122(*) Il dit d'ailleurs dans Vita, le seul document autobiographique dont nous disposons, que son approche de la foi était plus rationnelle qu'émotionnelle.123(*) Même si Marie le qualifie après la lecture du pamphlet écrit à son encontre d' « infâme athée », ses amis protestants n'exprimèrent jamais aucun doute quant à sa sincérité et sa dévotion envers la religion réformée. Bien sûr John Knox lui reprochait d'entretenir le spectacle de débauche qui se jouait à la cour, mais Buchanan faisait bien preuve de dévotion envers la Kirk écossaise. En 1563, il siège même à la commission chargée de réviser The Book of Discipline en tant que membre de l'Assemblée Générale de la Kirk. Cependant les exemples cités précédemment prouvent que la différence de confession n'a pas empêché Buchanan de servir loyalement la reine. Il lui dédie même un recueil de Psaumes. Autant de promesses qui laissent présager une relation très cordiale. La religion n'est donc pas ce qui a causé le changement d'opinion de Buchanan. A quel moment a-t-il décidé de tourner le dos à Marie Stuart? Roger Mason formule l'hypothèse selon laquelle l'humaniste aurait rencontré de nombreux huguenots après avoir séjourné un moment en France entre 1565 et 1566. A cette occasion il aurait pu s'apercevoir de l'atmosphère de terreur que les Guise faisaient régner sur la France. Déçu par l'attitude de ceux qu'il avait pourtant loués, et par la francophilie de plus en plus affirmée de la cour écossaise, Buchanan décida alors de se rapprocher de Moray.124(*)

Une autre raison à sa trahison est l'assassinat de Darnley. George Buchanan était né et avait grandi sur un territoire gouverné par la branche des Stewart Lennox dont Henri Darnley était un membre. Il se peut qu'il ait lui même perçu ce meurtre comme un affront. L'Ecosse était encore au 16ème siècle gouvernée par les clans. Les propriétaires terriens et les paysans qui travaillaient et vivaient sur leurs terres étaient liés par des bonds. Ces bonds assuraient loyauté et assistance entre deux familles.125(*) Ainsi les habitants devaient le respect au seigneur tandis que celui-ci leur assurait une protection. Dans ce contexte il est probable que George Buchanan se soit senti redevable envers Henri Darnley et sa famille les Stewart Lennox. Enfin, le remariage hâtif de la reine représentait un affront supplémentaire à la morale religieuse que George Buchanan respectait. En accord avec les principes stoïciens Buchanan pensait que l'homme devait être gouverné par sa raison. Seule la raison pouvait conduire au bonheur et à la sagesse. La passion était synonyme de souffrance et détournait l'homme de ce but. En épousant le présumé assassin de son deuxième époux, Marie Stuart cède à ses passions et va à l'encontre de la définition du roi stoïque que développe par la suite Buchanan dans De Iure regni apud scotos.

Pour l'heure Buchanan n'en est pas à détailler point par point ce qui oppose le monarque au tyran. En 1567, Buchanan rédige un pamphlet qui met en lumière les actes immoraux perpétrés par la reine d'Ecosse. Ane Detectiovn of the duinges of Marie Quene os Scottes est la version romancée de la tragique épopée de Marie Stuart relatée de manière à présenter la reine comme une meurtrière et une femme infidèle. Ce qui frappe d'emblée à la lecture du texte est la dureté du propos de Buchanan. George Buchanan va directement à l'essentiel, faisant intervenir des personnages dont les témoignages sont tout à fait grossiers, à l'image de l'histoire de Dame Rerese qui relève plus de la farce que de la démonstration argumentée. Dans cet épisode Buchanan avance que Marie Stuart a confessé au régent Moray qu'elle avait logé dans un appartement à Edimbourg où l'attendait Bothwell la nuit du crime : « (where) dwelt harby one Dauid Chambers, Bothwels servant, whoes backdore adioynit to the garden of the Quenis ladging. The rest, wha gesseth nat ? »126(*) Buchanan ne fournit pas de documents qui prouvent que la reine a bien confessé ceci à son demi-frère. Pour finir de convaincre son lectorat de l'immoralité de la reine il poursuit avec un récit des plus choquant selon lequel Dame Rerese conduisit Bothwell jusqu'à la chambre de la reine où celui-ci abusa d'elle :

My ladie Rerese a woman of maist vile vnchastitie, wha had sometime been one of Bothwels harlots, and than was one ot the chefe of the Quenis priuie chamber (...) where he forced hir agaynst hir will. 127(*)

Marie Stuart est le narrateur de cet évènement. Buchanan fait mine de reprendre le récit qu'elle a fait à Moray. Alors que le lectorat à ce moment précis peut ressentir un certaine compassion à l'égard de Marie victime de viol, l'auteur ajoute que Marie Stuart se rendit quelques jours plus tard dans la chambre de son agresseur pour lui faire subir le même sort :

Buth how much agaynst hir will Dame Rerese betrayed her, tyme the mother of truth hath disclosed. For within a few dayes efter, the Quene in tending as I suppose to reaquite force with force and to rauish hym agayne, sent Dame Rerese, to bryng hym captiue vnto her hyghnes.128(*)

Ce passage prouve la volonté de Buchanan de montrer à son lectorat que la reine est animée d'un appétit sexuel insatiable. En effet avec cette image de viol double, l'auteur exprime une fantaisie misogyne en dépeignant le portrait d'une victime qui trahit son désir sexuel en retournant vers son agresseur et en profitant de lui à son tour.129(*) George Buchanan détruit l'image de la reine gracieuse, belle et sage que l'on trouve dans l'éloge écrit à l'occasion de son premier mariage. Il fait de Marie une femme dévergondée, esclave de ses passions. Ce style si peu familier à Buchanan pousse Jenny Wormald à comparer l'humaniste à un journaliste du Times s'abaissant à écrire dans les colonnes du Sun. L'affirmation est d'autant plus vraie que le texte de Buchanan est publié en anglais en 1571 avec la collaboration de William Cecil.

En effet, en 1569 alors que les comtes de Northumberland et Westmorland incitent les Anglais du nord à se révolter (cet épisode est plus connu sous le nom de Northern Rising), William Cecil tente de convaincre Elizabeth que Marie Stuart met en péril la stabilité du royaume. Les comtes du Nord avaient pour dessein de libérer Marie Stuart afin que celle-ci épouse le Duc de Norfolk le propriétaire terrien le plus puissant du pays. Le couple était ensuite libre de restaurer la religion catholique dans le royaume d'Angleterre. Le gouvernement anglais prit toutes les mesures pour écraser au plus vite la révolte. Le pape Pie V qui n'avait visiblement pas eu vent de la contre-offensive profita du complot pour excommunier officiellement Elizabeth. La bulle Regnans in Excelsis débarrassait les sujets catholiques de leur devoir d'allégeance envers la reine hérétique et affirmait que rendre grâce à la reine devenait par là même un péché.130(*) Elizabeth ne pouvait plus ignorer que la présence de sa cousine écossaise sur ses terres engendrait complots et trahisons. Cecil se chargea donc de manipuler l'opinion publique et fit en sorte que la mainmise protestante soit renforcée. Officiellement pourtant, un décret daté du 1er mars 1569 interdisait toute publication calomnieuse à l'encontre de la reine Marie Stuart. Officieusement cette interdiction était contournée pour présenter Marie en de tels termes que les Anglais la jugent coupable de tous les maux dont ses détracteurs l'accusaient.

De ce besoin de faire renaître un sentiment patriotique anglais naît la collaboration entre William Cecil et George Buchanan. Dans sa défense des révolutionnaires écossais, l'auteur avait préparé une argumentation qui se déclinait en trois textes : Detectio, était le discours, De iure regni apud scotos, constituait la démonstration théorique et Rerum Scoticarum Historia contait l'histoire du peuple écossais, tout en démontrant l'application des théories explicitées dans De iure au fil de l'histoire écossaise. Si De iure peut être qualifié d'ouvrage théorique explicitant les théories politiques radicales de son auteur, on ne peut qualifier de la sorte l'ouvrage publié en Angleterre. Detectio (la forme latine de An Detectiovn...) a pour objet de rendre compte du même événement pourtant son contenu ne peut satisfaire aucun théoricien. Le pamphlet de Buchanan constitue la partie rhétorique de sa défense de la révolte écossaise. A la lecture du texte on sent qu'il a été écrit pour soulever les passions. Le lecteur lorsqu'il achève de lire ce texte se sent obligé de donner son avis. Le lecteur doit se sentir impliqué dans le jugement. Tout est fait pour orienter son jugement, comme le prouve la manière dont est relatée l'épisode du viol. Le texte ne s'adresse pas aux penseurs du siècle, il s'adresse aux peuples européens et plus particulièrement aux citoyens anglais. Le récit des faits est toujours vague et jamais Buchanan n'apporte de preuve à ce qu'il avance. Il ne cite aucune autorité. De ce point de vue, le texte donne l'impression d'avoir été écrit à la hâte dans le seul but d'aggraver le sort de la reine d'Ecosse. Cependant le texte présente un autre intérêt. Il semble que Buchanan expérimente une méthode pour s'adresser au public et le toucher directement. Le récit de Buchanan crée un personnage, il ne s'attache pas à décrire la vérité. Parce que le récit est orienté de manière à dévoiler les dessous de l'affaire, le public se sent impliqué dans le débat, comme si, à la fin du pamphlet Buchanan posait la question : Pensez-vous que la reine mérite d'être punie ? Et tout est orienté pour que le public réponde par l'affirmative.

La traduction du pamphlet en langue anglaise ne fait qu'augmenter la portée de cette accusation. En 1571 le pamphlet est imprimé en anglais et signé des initiales G.B, Thomas Wilson est quant à lui chargé d'en faire une traduction en « handsome Scotch ». Une traduction française voit le jour, probablement imprimée à Londres ou à La Rochelle. Mais en mars 1572 Catherine de Médicis en fait interdire la diffusion, estampillant l'ouvrage comme propagande huguenote.131(*) Ane Detectiovn est un exercice de pure rhétorique dont les attaques ad feminam confinent à la misogynie pure et simple. Le texte est censé prouver que Marie Stuart est un tyran, mais ce qu'il en ressort avant tout c'est l'image d'une mégère aux désirs insatiables. Marie vole même le mari d'une autre pour satisfaire ses désirs :

For Bothwell had a wife of his own, and it would take a long time to wait for a divorce ; meanwhile the Queen could not have him openly, or enjoy him secretly, and by no means could she do without him.132(*)

George Buchanan affirme également que Marie Stuart n'a pas été violée : « (...) It seemed a marvellous fine invention that Bothwell should seize the Queen by force, and so save her honour. »133(*) L'auteur dans sa manière de dépeindre le personnage aide ses lecteurs à interpréter les lettres de la Cassette, pièce maîtresse du procès contre Marie Stuart. Il faut rappeler que les lettres de la Cassette sont adjointes à l'édition anglaise du pamphlet.134(*) Le pamphlet donne une interprétation pour faire la lumière sur les éventuels passages que n'auraient pas compris les lecteurs. Même si le but premier de Buchanan est de montrer que Marie, puisqu'elle était dépourvue de morale devait être déposée, l'auteur insiste sur les passages scandaleux, suggérant un portrait des plus abominables afin que son lectorat interprète les passages ambigus des lettres de la Cassette comme étant autant de preuve de sa culpabilité. Sa cruauté est même clairement exprimée : « But that shows only her contempt for him : what follows clearly proves her inhuman cruelty and implacable hatred »135(*). L'auteur ne s'attache pas à montrer les fautes politiques, il insiste sur les défauts inhérents au sexe féminin dans le but de prouver que ces défauts conduisent à l'immoralité qui elle même conduit à des actes meurtriers. Au final, le crime majeur de la reine est d'être née femme. Son sexe facilite l'attaque et l'accusation.

L'accusation de Buchanan tourne à la dénonciation du genre féminin. Contrairement à John Knox dans The First Blast..., l'humaniste ne justifie pas l'incapacité à régner par la volonté divine mais par la nature même du genre féminin impropre à incarner l'autorité. A proprement dit George Buchanan n'affirme pas que les femmes sont coupables par essence. En dévoilant l'immoralité de la conduite de Marie Stuart George Buchanan prouve son incapacité à régner mais ne semble pas s'opposer à la gynécocratie en général. Cependant, sa démonstration s'attache à critiquer toutes les faiblesses morales qui étaient associées au genre féminin : la concupiscence, la trahison, la faiblesse physique et morale.136(*) De ce fait, la critique de Buchanan apparaît comme tournée d'avantage vers le genre que vers le défaut de conscience politique. Marie Stuart n'est plus une reine, elle redevient une simple femme que l'on accuse d'adultère.

IV. La pensée libérale de John Leslie.

Une reine incarnait une sorte de dualité. D'un côté elle était femme, elle appartenait à la sphère privée et la hiérarchie sociale voulait qu'elle soit la subalterne de son époux. Les affirmations bibliques selon lesquelles la femme avait été créée pour servir l'homme constituaient le fondement de la hiérarchie sociale du 16ème siècle.137(*) D'un autre côté dans la Genèse I, il est écrit que Dieu créa la femme et l'homme à son image, ce qui suppose que la femme est l'égal de l'homme au niveau spirituel, donc la femme peut intervenir dans la sphère publique. Cependant d'autres images tendent à souligner l'infériorité d'Eve par rapport à Adam. De nombreuses représentations montrent par exemple qu'Eve est née d'une des côtes d'Adam. Les opposants britanniques à la gynécocratie insistaient donc sur la condition de subalterne que Dieu préconisait pour les femmes. Pour eux, les femmes ne pouvaient diriger que leur foyer. Les auteurs qui s'attachaient à défendre le droit des reines britanniques à régner insistaient quant à eux sur le fait que cette subordination n'était pas innée et qu'elle n'était qu'une caractéristique de l'ordre politique et social établi par des hommes. Plus précisément, pour que la défense de ces auteurs soit efficace, ils devaient contredire l'argument selon lequel la subordination des femmes était autorisée par Dieu, donc naturelle. Implicitement cela remettait en cause l'ordre social établi.

La religion est un point essentiel dans les défenses et les accusations de Marie Stuart. Mais la religion représentait également un point de contentieux pour sa consoeur anglaise qui, selon la religion anglicane, devait être le chef suprême de l'Eglise. Cette fonction posait problème car selon saint Paul une femme ne peut présider une assemblée religieuse. Elizabeth doit donc abandonner le titre de « chef suprême de l'Eglise anglicane » pour celui de gouverneur suprême.138(*) La figure d'Elizabeth posait d'autres soucis à la religion anglicane. En effet, Elizabeth avait imposé son image de reine « vierge », ainsi son corps politique prenait le pas sur son corps sexué. Ce titre était aussi une manière de montrer qu'Elizabeth n'était soumise à aucune autorité masculine puisqu'elle n'avait pas de mari. Cependant, une reine vierge et protestante représente une anomalie. En effet, la religion réformée considérait que le mariage était spirituellement préférable au célibat. Luther avançait que le désir sexuel était une composante importante de la vie marital. Une femme devait donc procréer, ce qu'Elizabeth ne semblait pas vouloir planifier.139(*)

La religion fournissait aussi parfois un argument éloquent en faveur de la défense des femmes : si les femmes étaient spirituellement égales aux hommes, il était légitime qu'elles aient le droit d'agir consciencieusement dans le domaine public. John Leslie, représentant de la reine d'Ecosse en Angleterre, défend ce point de vue dans sa défense de la reine d'Ecosse publiée en 1569. Les penseurs opposés à un règne féminin puisaient leurs arguments principalement dans les écritures et les textes d'Aristote. Ce sont les autorités auxquelles se réfère John Knox. A l'inverse les auteurs tenant un propos plus libéral (comme c'est le cas de John Leslie) se basent sur l'expérience, c'est à dire sur des exemples historiques, afin de prouver qu'une femme peut agir avec autant d'autorité qu'un homme et donc qu'elle peut gouverner. En se basant sur des arguments historiques John Leslie met en doute la loi naturelle en montrant qu'un telle loi n'existe pas. Seules les lois promulguées par les nations ont cours. De ce fait le règne d'une femme n'est pas contradictoire par nature. Il est plutôt ironique que l'un des meilleurs écrits en faveur de la gynécocratie soit rédigés pour défendre Marie Stuart, une reine dont le pouvoir est précaire et finalement négligeable. En effet, en 1569 Marie Stuart n'est plus reine d'Ecosse et son frère est régent du pays.

John Leslie insiste pourtant sur le fait que les femmes sont également des créatures sociales et qu'elles ont le droit d'intervenir dans le domaine public :

if her reflection of the deity could be made to include all the mental qualities attributed to man, she could not be so readily excluded from political activity on doctrinal grounds140(*)

Le deuxième point que soulève Leslie est tout aussi intéressant. L'auteur s'attache à une erreur linguistique qui consiste à traduire « frères » par homme. John Leslie rappelle que dans la Bible on ne doit pas lire « frères » comme une référence à la communauté masculine, mais comme une référence à la communauté toute entière. En effet, John Leslie rappelle que les langues classiques englobent toujours le féminin dans le masculin. Ainsi lorsque les enfants d'Israël sont sommés de choisir un monarque parmi « leurs frères » leur choix n'est pas restreint à la population masculine :

Frater is the masculine gender (ye saye) and therefor women are to be removed. Then by this rule women also muste be excluded from theire salvation, because scriture sayeth : He that shall beleave and be baptized shalbe saved ... And by this rule women are excluded from the eight beatitudes... He that hatethe his brother ys in Darkenes... Shall we inferre ther uppon that we may hate our sister ? Wherefore neither this worde brother excludethe a sister, no this worde kinge in scripture excludethe a Quene.141(*)

L'incapacité à régner pour une femme n'a donc pas été instituée par les Écritures. Les hommes ont inventé une loi naturelle au fil de l'histoire qui justifie que les femmes doivent être leurs subordonnées. John Leslie clame que cette interdiction n'a pas été ordonnée par le Créateur :

I saye then that this ys a false and an unnaturall affection, to make this surmised lawe everlatinge as nature itself is. The lawe of nature or ius gentium ys and ever was after the time that there were any nations or people and ever shalbe.142(*)

John Leslie conclut par la suite que les nombreuses femmes ayant régné au cours de l'histoire sont autant d'exemples qui peuvent contredire cette prétendue loi naturelle dont s'inspirent les auteurs les plus conservateurs.

Face à l'affront que représentait le pamphlet de Buchanan, les partisans marianistes doivent façonner une image en tout point opposée qui leur permette de défendre l'honneur de la reine d'Ecosse. Mais comment faire fi des évènements dramatiques qui accablent la jeune Marie Stuart ? La prise de position de John Leslie en faveur du règne féminin est un élément de réponse. Seulement prouver qu'il est légitime pour une femme d'accéder au pouvoir n'efface pas l'immoralité de la reine. De même que les opposants à la reine d'Ecosse ont construit un personnage cristallisant toutes les peurs concernant l'appétit sexuel et le charme féminin, ses partisans construisent un modèle quasi héroïque de reine martyrisée ayant à subir les assauts des traîtres qui furent autrefois ses fidèles serviteurs.

Chapitre 3 : Marie Stuart, traîtresse ou martyre ? De 1572 à 1587.

Les attaques protestantes et contre-attaques catholiques avaient pour objet de diaboliser ou de sanctifier le caractère de la reine. Nonobstant l'encre que la personnalité de la reine fit couler, le sujet de dispute qui opposait partisans et opposants était tout autre. La religion constituait le coeur du débat, mais le contexte religieux ne permettait pas d'apposer des mots clairs sur ce conflit d'intérêt. Il était donc plus judicieux de glorifier le caractère de Marie Stuart pour affirmer la supériorité de la foi catholique. C'est ce que s'attache à faire John Leslie, évêque de Ross, qui s'était attiré les faveurs de la reine vers 1565. La défense de la reine s'organise autour du thème du complot. Les accusateurs présents à York n'avaient aucune preuve de la culpabilité de la reine et n'étaient que des traîtres cherchant par tous les moyens à accéder au pouvoir. Mais il demeurait que l'image de la reine était ternie par les accusations scabreuses de Buchanan qui faisaient de Marie Stuart une autre Clytemnestre. Rappelons que le modèle féminin prôné par l'Eglise catholique était celui de la vierge Marie. Les attaques de George Buchanan confinaient à associer Marie Stuart à une autre figure féminine beaucoup moins chaste.143(*) Cette appropriation du personnage par les deux souverainetés dont la reine écossaise était la plus proche amène à penser Marie Stuart comme un exemple (ou un contre-exemple) utilisé à dessein pour jeter le discrédit sur l'Eglise catholique ou bien pour incriminer les protestants hérétiques. La littérature autour de Marie Stuart se développe tout au long de cette période durant laquelle Marie est une reine captive. Durant ces dix-neuf années de captivité, les tentatives de complots que fomentait la reine d'Ecosse rythmèrent les écrits des auteurs décrivant la reine comme une traîtresse ou bien comme une héroïne esseulée.

I. Un « personnage » aux mains des Anglais et des Français.

La deuxième moitié du 16ème siècle est marquée par la diffusion de l'imprimerie et la multiplication matérielle du livre. A partir de 1560, à Francfort, se tient chaque année une foire du livre. En 1565, le catalogue imprimé annonce 550 titres et de 1565 à 1600, 22 000 titres figurent au catalogue.144(*) Cette modernisation est accompagnée par la multiplication des établissements d'enseignement permettant l'apprentissage de la lecture. Datant de l'époque médiévale, l'Université, établissement d'abord voué à l'enseignement de la théologie, se répand dans toute l'Europe au 16ème siècle. Aux 45 universités de 1400 s'ajoutent les 33 créées entre 1400 et 1500. Quinze autres universités voient le jour entre 1500 et 1550. C'est à cette époque que naît le lecteur. On estime que le nombre de « lecteurs-scripteurs » atteint 15% en Ecosse, 16% en France et 25 % en Angleterre à la fin du siècle.145(*) Ces chiffres montrent qu'une faible partie de la population représente un lectorat potentiel. Les ruraux sont soumis au processus d'acculturation liée à la diffusion du livre, cependant ce processus est nuancé par les relais culturels que sont le prêtre ou le notaire. Les publications de Buchanan et de John Leslie sont lues par les gens des villes ou des bourgs qui ont accès à la nouvelle culture du livre. Ils sont marchands, négociants, manufacturiers ou artisans. Ils trouvent dans ce nouvel outil culturel un enseignement ou une distraction en langue vernaculaire. L'autre partie du lectorat est composée de médecins, de prêtres, de juristes qui eux communiquent et peuvent lire le latin. La popularité des créateurs de fictions ou de textes plus intellectuels bénéficie de l'effet amplificateur ainsi que de l'alphabétisation de la population. Cet élargissement du lectorat explique l'importance que la monarchie anglaise accorde à la diffusion des textes de propagande contre Marie Stuart. L'édition en langue vernaculaire de textes comme celui de Buchanan constitue un réel outil de propagande pour le gouvernement anglais car il jette le discrédit sur cette reine étrangère qui clame son droit à la succession au trône d'Angleterre. Le nombre croissant de lecteurs a aussi pour conséquence de diffuser l'image de Marie Stuart beaucoup plus vite.

En 1571, avec l'approbation de William Cecil, le pamphlet de Buchanan est publié à Londres probablement par John Day, un éditeur protestant qui avait déjà fait imprimé un tract intitulé Salutem in Christo la même année.146(*) Salutem in Christo est un autre pamphlet qui justifie l'exécution du Duc de Norfolk déjà impliqué dans la révolte du Nord en 1569 et partie prenante dans le complot de Ridolfi (il devait épouser la reine si le complot était mené à bien). Dans ce pamphlet Marie Stuart est présentée comme sa complice et l'auteur de ce tract, un certain R. G (peut-être Richard Grafton un ardent protestant) s'attache à dévoiler le complot politique sans trop accorder d'importance à la personnalité de la reine, à l'inverse du récit de Buchanan. Pourquoi le gouvernement d'Elizabeth autorise-t-il la publication de tels pamphlets alors que l'acte du 1er mars 1569 interdit la diffusion de propos diffamatoires dirigés à l'encontre de Marie Stuart ? Comme nous l'avons indiqué précédemment, après la révolte du Nord Elizabeth était forcée de constater que la présence de sa cousine mettait en péril la stabilité de son royaume. Deux ans plus tard un autre plan était échafaudé dans le but de libérer la reine d'Ecosse et la faire couronner reine d'Angleterre. Le Duc de Norfolk est arrêté après que les autorités anglaises ont déjoué le complot. An Detectioun of the duinges of Marie Quene of Scottes, est publié peu avant le 1er novembre de la même année. Il ne s'agit en aucun cas d'une coïncidence. Alors que le pamphlet sort des presses anglaises, une version est rédigé en écossais et imprimé à Saint Andrews par Robert Lekprevik et deux éditions du récit de Buchanan circulent déjà en Allemagne.147(*)

La décision politique prise par Cecil de rendre publique les méfaits de Marie Stuart indique un but clair. En faisant endosser la responsabilité de cette dénonciation calomnieuse à l'humaniste écossais George Buchanan, le gouvernement anglais pouvait réduire à néant la réputation de la reine d'Ecosse sans aller à l'encontre de sa politique officielle. Aux yeux des autres nations européennes le coupable était Buchanan. Et les Anglais ne manquaient pas de souligner que les propres sujets de la reine d'Ecosse lui tournaient le dos. Marie lut le papier de Buchanan avec amertume et demanda à l'ambassadeur français à Londres, M. de Fénelon, de faire parvenir à Elizabeth son mécontentement quant à l'autorisation de la publication de ce pamphlet. L'ambassadeur répondit dans une lettre à Marie qu'il n'obtint rien d'Elizabeth,  car cette dernière prétendait que le livre avait été imprimé en Ecosse, et non en Angleterre.148(*) Charles IX protesta lui aussi contre la publication de ces écrits diffamatoires. Mais la plainte fut elle aussi futile car Elizabeth clamait son innocence en insistant sur le fait que le pamphlet n'avait pas été publié en Angleterre. Avec An Detection... le gouvernement d'Elizabeth avait obtenu ce qu'il désirait. La réputation de Marie Stuart était au plus mal et le besoin de contre-attaquer urgent. L'ambassadeur anglais en France demanda à ce que le texte de Buchanan soit présenté au roi de France : « some of Buchanan's little Latin books should be presented to the king of France and also the noblemen of his Council, as they will serve to good effect to disgrâce the Queen of Scots ».149(*) Sir Henry Killegrew, un ambassadeur itinérant, en France au moment de la publication, distribua des copies du pamphlet à la cour de Charles IX. Il donna un exemplaire à un ambassadeur vénitien qui se trouvait là et à un certain « Montagne of Montpellier » qui était alors occupé à rédiger une histoire universelle.150(*) L'effet que produisit la lecture de ces pamphlets fut celui que William Cecil avait espéré. La reine décrite dans ce texte était odieuse et donc indéfendable.

La France était alors dans une position délicate. Charles IX protesta contre la détention de la reine d'Ecosse en Angleterre mais hésitait aussi à s'attirer les foudres d'Elizabeth au nom de sa belle-soeur. Sir Thomas Smith rapporte d'ailleurs que le roi de France était excédé d'entendre que Marie Stuart persistait à comploter pour ravir le trône d'Angleterre à Elizabeth :

Ah, the poor fool will never cease until she lose her head ! In faith they will put her to death. I see it is her own fault and folly. I see no remedy for it. I meant to help, but if she will not be help, je ne puis mais. »151(*)

L'autre grande monarchie catholique n'était pas plus encline à apporter son soutien à la reine déchue. Philippe II dont on disait qu'il allait envoyer des troupes espagnoles en Angleterre pour mener à bien le complot de Ridolfi n'en fit rien, se justifiant par le fait que le Pape ne l'avait pas consulter dans l'élaboration de cette entreprise. Le pamphlet de Buchanan édité en collaboration avec William Cecil et Thomas Wilson avait porté ses fruits : même la patrie d'adoption de Marie, celle qui avait tant loué sa beauté et sa vivacité d'esprit, rechignait à lui apporter son soutien.

La France est depuis 1560 en proie à une guerre civile qui mène à des prises d'armes successives et cette situation ne permet pas au roi de France de prendre fermement position contre le monarque protestant qu'est Elizabeth. En 1571, Coligny, inspire une politique favorable aux protestants et gagne de l'influence à la cour. En octobre 1571, Charles IX refuse même de s'engager au côté de son homologue espagnol dans la bataille de Lépante. En avril 1572, Catherine de Médicis se rapproche de son homologue anglaise et met en place un traité d'alliance. Le pacte, purement défensif, avait pour objectif de garantir la liberté de commerce entre les deux pays. S'étant assurée de la neutralité de la France, Elizabeth Ière négocie aussi avec les Pays-Bas, assurant aux rebelles un soutien de la part de leurs compatriotes anglais. Le traité de Blois exprime la peur d'une attaque espagnole en Angleterre. Elizabeth doit à cette époque faire face à des rébellions au sein de son royaume (rébellions dont Marie Stuart et les catholiques anglais sont les instigateurs) et craint une agression espagnole, d'où le besoin de sceller une alliance avec la France.

Le pamphlet de Buchanan porte préjudice à la réputation de Marie Stuart et par là même aux monarchies catholiques. Toutefois, les représailles sont difficiles à mener. En effet, le préjudice moral qui affecte Marie Stuart est grand et la réputation créée par Buchanan est peu compatible avec l'image pieuse d'une reine catholique. En plus de cela la traduction française est reprise de telle manière que toute action française à l'encontre du royaume d'Angleterre semble préjudiciable à l'alliance franco-anglaise. La traduction de Camuz inscrit l'histoire de Marie Stuart dans le conflit entre catholiques et protestants et plus particulièrement dans le conflit qui oppose les Guise, fervents catholiques, aux voix modérées du royaume. Histoire de Marie Royne d'Escosse... histoire vrayement tragique fut publié en 1572. L'ouvrage porte l'empreinte d'une imprimerie écossaise mais fut semble-t-il imprimé à La Rochelle ou à Londres. Camuz, un avocat protestant, en est le traducteur.152(*) La traduction est publiée en mars et en avril, quelques mois avant le début des négociations qui doivent se tenir à Blois. Le choix de Cecil de publier ce texte à ce moment précis peut donc paraître irréfléchi. Cependant rien ne laissait présager que la France allait s'opposer au projet d'alliance après la lecture du pamphlet de Buchanan. En effet, depuis 1561 les publications catholiques ne s'étaient que très peu intéressées aux affaires de la reine d'Ecosse. De plus Cecil avait si savamment remanié les détails du pamphlet destiné à être traduit en français que certains biographes eurent du mal à identifier le texte comme la traduction du récit de Buchanan. Ceci indique qu'il réalisait clairement le risque que cette publication pouvait représenter pour la conclusion du Traité de Blois.

Ainsi l' « histoire vraiment tragique » de Marie Stuart est une occasion d'évoquer le contexte politique français plus qu'une attaque directe contre la personnalité de la reine. La dénomination « histoire tragique », relie l'histoire de Marie Stuart à un genre littéraire français populaire à l'époque. La nouvelle tragique est un petit conte qui met en oeuvre la justice universelle et les mécanismes du destin.153(*) Faisant écho au contexte des Guerres de Religion, ces contes transmettent l'idée de désastre, de violence et promettent un dénouement juste. L'Histoire Tragique décrit la chute de Marie comme une préfiguration de la chute des Guise. Toutefois la traduction française de Buchanan ne se termine pas sur une telle conclusion. Comme dans la version anglaise, le texte enjoint le lecteur à faire justice lui-même en décidant si oui ou non, la punition de Marie Stuart est juste. La priorité de l'édition française est de montrer que Marie est une Guise et qu'elle inspire la terreur, la cruauté et la guerre autant que ses oncles. Marie appartient à une famille catholique meurtrière et conspiratrice. Le pamphlet insiste ainsi sur le fait que Marie ne doit pas être rétablie sur le trône d'Ecosse. Loin d'avoir terni les espoirs de négociation franco-britannique, le pamphlet se révèle être un argument de campagne diplomatique puisqu'en avril est signé le Traité de Blois, lequel survit même au massacre de la Saint Barthélémy. La France n'a donc aucun intérêt à engager une bataille littéraire pour sauver l'image de la reine d'Ecosse.

Le massacre de la Saint Barthélémy ne fait qu'ajouter à la grogne des huguenots qui voient en Marie Stuart un moyen d'intéresser les monarchies européennes à leur cause. Cependant après le massacre perpétrer le 24 août 1572 la ferveur protestante s'estompe. De nombreux protestants s'exilent pour leur sécurité et d'autres abjurent leur foi. Le mouvement huguenot est réduit au silence et la publication de pamphlets cesse pour un temps.154(*) En 1573, les auteurs protestants recouvrent de leur vigueur. Depuis les presses genevoises la réponse au massacre s'organise. En 1574, les protestants français influencés par la hiérarchie de Genève tendent à étendre le conflit à l'Europe entière en dressant le portrait d'une Europe entièrement catholique s'attaquant à une minorité de protestants. A partir de 1574, Marie Stuart devient un symbole important de la littérature huguenote, et ce pour trois raisons. D'une part elle était liée à ceux que l'on considérait comme les champions européens du catholicisme, les Guise. D'autre part elle représentait un personnage d'importance européenne qui incarnait l'immoralité catholique, ce qui aidait à internationaliser la Guerre de Religion. Enfin Marie Stuart comme Catherine de Médicis - détestée pour sa prise de position contre les huguenots lors du massacre du 24 août 1572 - était un exemple des dangers qu'engendrait la gynécocratie.

Le Réveille-Matin publié en 1574 ou 1575 et écrit par un réfugié du nom de Nicolas Barnaud critique férocement Catherine de Médicis. Il la tient pour responsable de la plupart des problèmes que subit la France. Il l'accuse également d'avoir usurpé l'autorité de son fils et d'avoir introduit la perversion italienne à la cour de France. Le livre est divisé en deux parties qui sont en fait deux dialogues relatant l'histoire de la religion en France depuis le règne de François Ier jusqu'au massacre de la Saint Barthélémy. Le propos est rapporté par un personnage nommé Alithie ou la Vérité qui réside en Hongrie. Quelques amis d'Alithie fuyant la France arrivent en Hongrie. L'un d'eux se nomme Historiographe, l'historien, et le second Politique, le politicien. Le premier dialogue entre Alithie et Historiographe ne mentionne que rarement le nom de Marie Stuart. Au cours de ce dialogue, Historiographe raconte une histoire amusante pour tourner les Guise en ridicule. Pour féliciter le Cardinal de Lorraine, en 1560 le Pape décide de lui faire cadeau d'une peinture de Michel-Ange représentant la vierge tenant son enfant dans les bras. Le coursier chargé d'acheminer le tableau tombe malade au cours du voyage et un jeune catholique originaire de Lucca se propose de s'acquitter de cette tâche. Toutefois celui-ci abhorre les Guise et décide de remplacer le tableau par un autre dans le but d'embarrasser le cardinal de Lorraine. Le tableau représente le Cardinal, sa nièce, Catherine de Médicis et la duchesse de Guise complètement nus, les bras et les jambes entrelacés.155(*) L'image renvoie aux intérêts de la reine d'Ecosse liés à ceux de ses oncles de Lorraine.156(*)

Le second dialogue est une discussion du cas de Marie Stuart. Cependant il attaque aussi le royaume d'Angleterre, insistant sur le manque de puritanisme dans la religion anglicane. Barnaud critique la plus grande puissance protestante alors que le but des huguenots est d'inciter les puissances européennes protestantes à rejoindre leur cause. Il souligne ensuite que le royaume court le risque de voir une catholique accéder au pouvoir en hébergeant Marie Stuart. Les complots perpétrés par la reine d'Ecosse prouvent qu'elle ambitionne de débouter Elizabeth. Pour Historiographe, la possibilité que Marie puisse un jour accéder au pouvoir en Angleterre représente le plus grand des dangers qu'aient à craindre le peuple anglais.157(*) Il accuse ensuite Charles IX de commanditer son évasion et affirme que la mort est une juste punition pour celle qui n'est plus reine d'Ecosse. En effet, Historiographe précise qu'un roi ne peut être souverain de son royaume que lorsqu'il réside à l'intérieur de celui-ci.

A contratio, à partir de 1576, la Ligue catholique tend à idéaliser le personnage de Marie Stuart, la dépeignant comme une reine catholique pieuse aux mains des protestants. Cependant il est à noter que les exemples de défense telle que celle écrite par John Leslie ne sont en aucun point comparables aux écrits qui sont publiés après l'exécution de Marie Stuart et qui enjoignent les catholiques de tout pays à condamner le royaume de Satan.158(*)

II. L'organisation de la défense de Marie Stuart par John Leslie.

Le sort de la reine d'Ecosse pouvait provoquer une certaine émotion chez les Français. Marie Stuart avait vécu plus de dix ans en France et avait été reine de France, elle était donc liée à ce royaume. L'élégie écrite par Ronsard après le départ de la Marie Stuart tend à prouver que les français aimaient cette jeune reine :

Bien que le trait de vostre belle face

Peinte en mon coeur le temps ne s'efface,

Et que tousjours je le porte imprimé

Comme un tableau vivement animé,

J'ay toutesfois pour la chose plus rare

(Dont mon estude & mes livres je pare)

Vostre portrait qui fait honneur au lieu,

Comme un image au temple d'un grand Dieu.159(*)

L'élégie vaut à Ronsard d'être récompensé par la reine qui lui envoie une pension en 1566. Toutefois le poème n'a pas le pouvoir d'émouvoir le roi de France qui n'organise aucune propagande en faveur de l'ancienne reine de France. La défense de Marie Stuart ne naît pas de l'indignation de son pays d'accueil mais bien plutôt du soutien d'un seul homme. John Leslie fait publier A Defence of the Honor of Marie, Queene of Scotland pour la première fois en 1569. L'ouvrage est remanié et réédité plusieurs fois jusqu'à ce que la reine soit déclarée coupable des crimes dont on l'accuse. A l'époque à laquelle il publie l'ouvrage en 1569, l'évêque de Ross avait certainement pressenti le besoin d'une continuelle révision et adaptation au contexte.

John Leslie était un homme d'Eglise et un juriste écossais mais en aucun cas un auteur. On ne lui connaît d'ailleurs pas d'autres écrits que ceux qui visent à organiser la défense de la reine écossaise. Pourquoi John Leslie prend-il la plume pour défendre la reine ? Quel intérêt avait-il à défendre une reine que la propagande initiée par George Buchanan avait accablée ? John Leslie avait été envoyé à la cour des Valois avant que Marie Stuart ne quitte la France pour conseiller à la reine de se méfier de Lord James, son demi-frère. Il l'accusait d'être un rebelle, un homme qui voulait détruire ce qu'il restait de la religion catholique en Ecosse afin de prendre le pouvoir.160(*) L'avenir ne manqua pas de montrer à quel point ce jeune avocat catholique était clairvoyant. En 1565, John Leslie s'arroge les faveurs de la reine. Dès Juin 1566, Henry Killigrew161(*) rapporte que Leslie « mène toutes les affaires de l'Etat ».162(*) John Leslie est aussi lié au complot de Ridolfi. C'est grâce à l'intermédiaire de John Leslie qui réside alors à Londres que Ridolfi contacte Marie Stuart.163(*)

A l'été 1568 John Leslie est envoyé à la conférence d' York pour intercéder en la faveur de la reine d'Ecosse. Il désapprouve cette conférence dès l'instant qu'il apprend sa mission car il sait que cette conférence ne fait que conforter la colère du régent Moray contre sa demi-soeur.164(*) Les chances sont minces de voir Marie Stuart reprendre les commandes du pays et d'emblée la tâche de John Leslie s'avère difficile. Il était en Angleterre le représentant d'une souveraine qui avait perdu presque tout pouvoir mais qui était assez puissante pour attiser la méfiance de ses hôtes. Le double jeu du gouvernement anglais oscillant entre sécurité de la reine d'Ecosse et dénonciation de son immoralité rendait le travail de John Leslie d'autant plus dur. Il ne pouvait définitivement pas compter sur l'aide d'Elizabeth pour rétablir Marie Stuart sur le trône d'Ecosse. Le projet de mariage avec le Duc de Norfolk promettait de faire tomber Cecil, le plus fervent opposant à Marie et impliquait la reconnaissance de sa légitimité dans la succession au trône d'Angleterre. Il s'agissait aussi de la seule manière pour Marie Stuart d'exister politiquement. Leslie se devait de tout faire pour la défendre.

Tel est le contexte de la rédaction de Defence of the honour of... Marie Quene of Scotlande pendant l'hiver 1568-9. L'auteur poursuivait deux buts : défendre Marie contre les charges qui pesaient sur elle concernant le meurtre de son mari et affirmer ses droits en tant qu'héritière présumée de la couronne d'Angleterre. Au second dessein, Elizabeth ne pouvait apparemment rien objecter et Leslie reçut l'aide de divers avocats apportant des arguments en faveur de la succession écossaise.165(*) Toutefois le fait que Leslie aille jusqu'à clamer que les commissaires anglais présents à York étaient convaincus de l'innocence de Marie posait problème. Leslie abusait de la gentillesse d'Elizabeth. Rappelons qu'au moment où John Leslie rédige son texte de défense, William Cecil n'a pas fait publier le texte de Buchanan. Elizabeth n'avait donc pas encore agi de telle sorte à ce que les Anglais croient la reine d'Ecosse coupable du meurtre de son deuxième mari. La défense de Leslie pouvait encore faire tourner la situation à l'avantage de Marie Stuart. Après le soulèvement du nord de l'Angleterre, John Leslie est emprisonné pour quatre mois à la prison de Londres. Son assistant subit le même sort pour avoir tenté de faire imprimer le texte de Leslie en avril 1570.

Le texte de Leslie est divisé en trois parties et une préface adressée au lecteur ouvre l'oeuvre, elle s'intitule « To the gentle reader ». Cette défense semble motivée par le devoir de loyauté et les sentiments amicaux qu'éprouve Leslie envers la reine plus que par le besoin de défendre la cause catholique. Les années qu'il a passé à servir la reine en tant qu'avocat et homme d'Eglise prouvent que l'entreprise est sincère. Le but de Leslie est de répondre aux attaques édifiées contre Marie Stuart, contre son caractère et sa fonction. Il a bien sûr en tête les charges portées contre Buchanan dans Detectio mais aussi celle de John Knox. En effet, même si le texte de Buchanan n'est pas encore publié il est certain que John Leslie, principal représentant de Marie Stuart à la conférence d' York, a été confronté au texte de Buchanan. Leslie attesta plus tard après avoir été interrogé par les agents de Lord Burghley que d'autres supporters de Marie Stuart avaient collaboré à l'écriture de son texte. Peut-être Marie Stuart elle-même avait-elle lu le manuscrit et suggéré quelques additions.166(*)

Dans la partie intitulée « To the gentle Reader », John Leslie affirme que les lettres de la Cassette sont calomnieuses et qu'elles n'ont pas été écrites par la reine :

Secondelie theie pretende certaine lettres that theye furmife, & wolde have, tho haue bene wrytté by her grace, whereby they feake to inferre againfte her manie a prefumption, as theyre wylye braines imagine167(*)

Et d'ajouter que les détracteurs de Marie Stuart n'ont jamais eu entre les mains de telles preuves :

neuer have they bene able by anie directe and lawfull meanes, to proue ani thinge at all, wherebi thei maie ftaine her grâces honour, in anie one of the forefaide points.168(*)

John Leslie insiste sur la supercherie des lettres, car il en existe plusieurs versions ce qui met en doute leur véracité. La première version avait été présentée à York en privé. A ce moment là, les lettres qui avaient été écrites par Lennox (le père d'Henri Darnley) ne corroboraient pas tout à fait le texte de Buchanan et elles devaient être réécrites officiellement pour être présentées à Westminster deux mois plus tard. L'évêque de Ross présent à York en tant que représentant de Marie et très informé du processus qui se tramait a très probablement entendu ce que contenait les lettres de la Cassette même si, selon l'historien R.H Mahon, il est peu probable qu'il les ait eues entre les mains. Au moment du procès, un point fait débat dans la traduction des lettres de la Cassette. La troisième lettre s'ouvre ainsi : « Que je trouve la plus belle commodité pour excuser vostre affaire » (lettre conservée à Hatfield). Une copie de la lettre en latin et envoyée à Cambridge et traduit « vostre affaire » par « our affair ». D'autres copies traduisent « my affair » ce qui continue d'entretenir le doute quant au réel contenu de ces lettres.169(*)

Après avoir mis en doute la véracité des lettres de la Cassette, John Leslie rappelle l'entraide qui existait autrefois entre les souverains anglais et écossais :

Some Princes of this our realme haue in theyre greate calamitie, & amoge other, kinge Henrie the fixte fownde much comforte, frédshippe, fuccour and relief, at the kinges handes of Scotlande.170(*)

En 1569, John Leslie continue de croire en la bonté d'Elizabeth. En effet, jusqu'à ce qu'éclate le complot de Ridolfi et la révolte du Nord rien n'indique qu'Elizabeth est persuadé de la culpabilité de sa cousine.

La première partie du livre s'attache à contredire le récit de Buchanan pour faire passer Marie Stuart du statut de meurtrière à celui de victime. Principalement Leslie tient à prouver que Marie Stuart était une reine légitime. Il passe en revue le meurtre de Darnley et le mariage avec Bothwell et tente de jeter le discrédit sur les opposants de la reine, et plus particulièrement sur Moray. Il écrit qu'il est inconcevable que l'on puisse accuser Marie Stuart de tels crimes :

Thys sexe naturallye abhorrethe suche butcherlye practizes : suerly rare yt ys to heare suche fowle practizes in women.171(*)

L'évêque de Ross écrit ceci en faisant mine d'oublier les exemple de Jézabel, Clytemnestre et Dalila qui inspirent tant la littérature misogyne de l'époque. Il s'agit ensuite de disculper Marie Stuart dans l'affaire Darnley. Marie et Darnley s'étaient selon lui réconciliés avant la mort de celui-ci. Ce sont les traitres, parmi eux Moray et Morton, qui ont manipulé la reine. Ils ont convaincu la reine d'organiser le retour d'exil de Morton, en échange de quoi ils voulaient arranger le divorce.172(*) Leslie continue en justifiant la très courte période de deuil par le fait que la reine avait une santé fragile. Son médecin affirmait qu'un deuil prolongé pouvait lui être fatal.173(*)

Quant aux lettres de la Cassette elles n'ont pu être qu'inventées par les accusateurs de la reine, car une femme si sage et vertueuse ne pouvait s'abaisser à écrire de telles obscénités :

Nevertheleffe, when you haue taken your befte aduantage you can of them, fuche lettres miffive and epiftles, efpeciallie not conteininge any expreffe commandemente of anye vnlavvfull acte or deede to be comitted and perpetrated, not ratifienge or fpecifienge the accomplifhemete of anie fuche acte alredye pafte, but by vnfure and vncertaine gheffes aymes, and coniecturall fupposings, are not able in aniewife to make a lavvfull prefumptio : much Leffe anie good & fubftanftiall prouf not onlie agaynft your Sovereigne and Prince, but not fo muche as againft the poreft vvoman or fymplieft vvretched creature in Scotlando.174(*)

Les preuves étaient nécessaires dans les procès d'affaires criminelles, ainsi les adversaires de la reine étaient contraints d'en fournir, il fallait donc qu'ils rédigent eux-mêmes ces lettres. Les explications que fournit Leslie sont parfois naïves mais elles ont le mérite de faire passer la reine pour une innocente ignorante dont la grandeur d'âme l'empêche de voir les sordides complots qui se trament. Pour clore cette première partie Leslie tente de montrer que le peuple n'a pas le pouvoir de déposer son souverain en invoquant l'exemple de David :

I find there that kinge David was both an adoulterer, and also a murtherer, I finde thath God was highelie displeased with hym therefore. Yet find I not that he was therefore by his subjects deposed.175(*)

L'exemple de David n'est pas très heureux. John Leslie rappelle dans cet exemple que Marie est accusé des mêmes crimes que David (le meurtre et l'adultère). Qui plus est sa conclusion tend à penser qu'il n'infirme pas ces deux chefs d'accusation. L'exemple met toutefois en lumière le crime commis par le peuple écossais, lequel est contraire à la loi divine. La déposition de la souveraine d'Ecosse est une attaque contre la royauté et doit être punie.

Après avoir organisé une défense morale de la reine d'Ecosse, l'avocat catholique se tourne vers une défense plus technique et soutient le droit légitime pour la reine d'Ecosse de succéder à Elizabeth. Cette partie constitue en fait une réponse au traité de John Hale Allegations against the Surmisid Title of the Quine of Scots lequel rappelle que Marie Stuart est exclue de la succession car elle est étrangère. De plus Henri VIII avait stipulé que si aucun descendant direct ne pouvait succéder à la couronne d'Angleterre, il était exclu que les descendants de sa soeur ainée Margaret, grand-mère de Marie, accèdent au trône. En invoquant des argument historiques et juridiques Leslie affirme que Marie Stuart n'est pas une étrangère :

Your pretend Maxime ys, who foeuer ys borne ovvte of the realme of Enlande, and of father àd mother not beinge vnder the obédience of the kinge of Englande, can not be capable to inheriteany thinge in Englàde, vvhich rule ys nothinge trevve buth altogether falfe. For euerie ftranger and alien ys able to puchaffe the inheritance of landes vvithin this realme, as yt maye appeare in 7 & 9 of kinge Edwarde the fovvrthe. Yet vntill fuche time as the Kinge be intitled thervnto by matter of recorde, the inheritance remaynethe in the alien capable of inheritance within his realme.176(*)

Cette partie s'avère être la plus difficile à lire pour qui est étranger au système juridique anglais du 16ème siècle. Elle est sans doute la moins efficace. En effet, lorsque le texte de Leslie est réédité, en 1571 et en 1574, l'image et le statut de Marie Stuart ne lui permettent pas de prétendre à la succession anglaise. En effet, elle n'est théoriquement plus reine d'Ecosse et son image de femme volage et adultère l'a même dépourvue de toute souveraineté.

La troisième partie est selon nous la plus intéressante. « The thyrde booke where in ys declared that the regimente of women ys comformable to the lawe of God and nature » indique une réelle volonté de la part de Leslie de répondre à l'attaque de Buchanan mais plus particulièrement au brûlot de John Knox, The First Blast. L'audace de ce troisième livre est souvent négligée. Bien que cette troisième partie n'apporte aucune preuve quant à l'innocence de Maire dans l'affaire Darnley, elle représente une démonstration théorique du caractère légitime de la gynécocratie:

In the ftories and monumentes towchinge Aphrike, we reade of Quene Dido of Cartharge, Cleopatra in AEgypte, & of diuers other Quenes there. 

Thus I haue, as I fuppofe, fufficientlie proued, that this kinde of regiméte ys not againft nature, by the anciente and continuall practife of Afis, Aphrica, & Europa, and of the whole three partes.177(*)

Leslie donne des exemples de reines célèbres, des exemples qu'il trouve dans l'histoire ce qui ajoute à la force de son propos. Comme nous l'avons montré précédemment, le règne d'une femme n'est selon lui pas contraire à la nature puisqu'au cours de l'histoire des femmes ont régné sans que la loi divine ne soit bafouée.

Il conclut donc à l'inverse de Knox que le pouvoir peut être détenu par une femme sans que cela soit contre nature :

The lawe and yfage can not be covvnted agaifte the lawe of nature, of ius gentium, which the mofte parte of all contreies, and one greate or notable parte of the vvhole vvorlde dothe and hathe ever vfed, But this lawe or ufage ys fuche, Ergo yt ys not agaifte le lavve of nature.178(*)

En un sens le débat qu'aborde John Leslie n'est pas nouveau, il ne fait que continuer le débat polémique initié par Christine de Pisan dans La Cité des dames. Toutefois, comme nous l'avons fait remarquer en amont, cette prise de position est pour l'époque assez libérale et contraste largement avec la vision de Knox selon laquelle une femme doit obéissance à son mari et ne peut donc pas gouverner une assemblée masculine.

Au fil des rééditions, le contenu de A Defence évolue. A Treatise concerning the Defence of the Honor of... Marie la version de 1571 est moins favorable à Elizabeth. Dans cette version par exemple l'auteur fait référence à la reine d'Angleterre en écrivant « the Queen » ou bien « the Queen that now is » au lieu du plus amical « my gracious sovereign » de 1569. Il réécrit aussi la préface de manière à ce que le lecteur comprenne que Marie est la seule héritière légitime d'Elizabeth. Lorsqu'il est emprisonné à la Tour de Londres Leslie révise encore sa défense mais sa peine n'est pas récompensée. Les complots successifs ourdis par la reine d'Ecosse et la méfiance d'Elizabeth ont raison de ses efforts. En 1580 il réécrit en latin les deux dernières parties pour les faire publier au Centre Catholique de Rheims. Il tourne la défense de Marie vers la défense de la foi catholique et la légitimité de la reine dans la succession anglaise. Leslie nourrit également l'espoir que le fils de Marie agisse en faveur de sa mère, allant même jusqu'à lui proposer de régner conjointement avec une femme dont il ignore tout si ce n'est qu'elle était incapable de régner.179(*) Les écrits de l'évêque de Ross apparaissent bien plus comme les écrits d'un ami loyal de la reine et ne sont pas considérés comme les écrits d'un homme d'Eglise catholique cherchant à défendre sa religion à tout prix. Sa dévotion pour la reine d'Ecosse est toutefois à souligner et ses efforts en littérature ne cessent que lorsque la cause de Marie semble perdue.

III. La fin de règne de Marie Stuart ou le modèle tyrannique combattu par George Buchanan dans De Iure regni apud Scotos.

En 1580, alors que le destin de la reine captive semble scellé, les deux images proposées par Buchanan et Leslie tentent d'influencer l'opinion publique. D'un côté Leslie et sa défense plusieurs fois remaniée tendent à dresser le portrait d'une reine jeune mais sage qui endure les souffrances que lui font subir ses perfides accusateurs. De l'autre George Buchanan, ancien poète latiniste à la cour écossaise, qui lui a préparé une défense de ses compatriotes révolutionnaires qui montre point par point que la reine d'Ecosse, à cause son caractère immoral, était incapable de régner. Le personnage de Marie Stuart qui émerge de la littérature semi autorisée en Angleterre rend le personnage odieux. Le pamphlet de l'humaniste écossais discrédite la reine d'Ecosse encore plus que les évidences factuelles que ses accusateurs fournissent à York et à Westminster. La postérité perçoit George Buchanan comme un traître et surtout comme l'instigateur de cette image débauchée de la reine que relaie la littérature. Pour la défense du penseur on doit rappeler que la décision de publier le pamphlet a été prise par William Cecil à un moment où la politique du gouvernement anglais change d'orientation. De même la deuxième partie du pamphlet qui est ajoutée à l'édition anglaise et présentée comme la continuité du texte de Buchanan est en réalité l'oeuvre de Thomas Wilson. De plus, le récit de Buchanan est en premier lieu écrit en latin, ce qui ne le destinait pas à être lu par la majorité de la population. Le choix de la publication en langue vernaculaire s'adresse à un lectorat plus populaire.180(*) L'on peut donc supputer que George Buchanan n'avait pas écrit ce pamphlet dans le but de le faire publier et de le diffuser si largement. Cependant il accepte la proposition de William Cecil en ayant conscience que son texte allait être lu par un public européen.

Mais conclure que Marie Stuart n'est en fait qu'une innocente victime comme le laisse à penser l'ouvrage de Leslie n'est pas une conclusion plus juste. Quelle qu'ait été le degré d'implication de la reine dans le meurtre de Darnley, la présence de Marie Stuart en Angleterre, ses activités et les correspondances qu'elle entretenait avec les nobles catholiques anglais faisaient d'elle une véritable menace pour la paix et la sécurité du royaume. Comme le dit l'archevêque Parker, Elizabeth tenait le loup par les oreilles. Elle avait entre ses mains une jeune femme catholique qui voulait prendre la tête de l'Angleterre protestante, et qui en appelait à l'Europe catholique pour supporter militairement sa cause. Elizabeth d'un point de vue politique se devait de faire taire cet élément perturbateur pour préserver son royaume et ses alliances à l'étranger. La littérature diffamatoire aide Elizabeth à discréditer Marie Stuart et sa possible succession à la couronne d'Angleterre. Marie quant à elle ne faisait rien pour susciter la clémence de sa « bonne soeur ». En 1583, l'oncle de Marie, le pape et Philippe II planifièrent une invasion en Angleterre dans le but de restaurer le catholicisme. Ce plan tourne bientôt au complot et la faction catholique projette d'assassiner Elizabeth et de libérer Marie Stuart.181(*) En novembre Francis Throckmorton, supposé jouer un rôle important dans l'entreprise, est arrêté. L'année suivante le docteur William Parry, un avocat et membre du Parlement est jugé pour s'être associé illégalement à la faction catholique. Il est lui aussi arrêté. En 1586, les agents de la reine d'Angleterre déjouent un autre complot, celui de Babington. Sans entrer dans les détails de ces complots, on peut tirer deux conclusions quant à leurs auteurs : premièrement, les forces catholiques du continent étaient impliquées et prêtes à apporter leur aide pour libérer la reine d'Ecosse et deuxièmement, Marie Stuart avait conscience de ces deux projets et selon les propos recueillis lors des interrogatoires menés par Walsingham, elle les approuvait.

Il n'est pas surprenant dès lors qu'Elizabeth durcisse sa politique. Mais au lieu de faire appel à Buchanan et à sa plume elle décide d'une action officielle. Le Bond of Association proposé par le Conseil en octobre 1584 et adopté sous le nom d'Acte d'Association en novembre et décrète que toute personne qui intente à la vie de la reine ou qui clame le droit de lui succéder, doit être jugée et condamnée à mort. Bien que le nom de Marie Stuart ne soit pas mentionné, c'est sans nul doute à elle que cette loi s'adresse. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas cette fois encore fait appel à George Buchanan, lequel avait préparé une attaque en trois temps contre la reine d'Ecosse ? Force est de constater que les complots dans lesquels était impliquée la reine d'Ecosse obligeaient des sanctions qui aillent au delà de la simple diatribe. Pourtant De Iure regni apud Scotos est un texte qui justifiait de manière argumentée le fait que la reine d'Ecosse ne pouvait régner. Le texte assimile en effet le règne de la jeune femme à un règne tyrannique. Ecrit entre 1567 et 1568, De Iure regni apud Scoto Dialogus est publié en 1579. Il s'agit d'un dialogue humaniste rédigé en latin et destiné à être lu par l'élite européenne. Il prend la forme d'un dialogue socratique et s'apparente aux dialogues de Platon. Les deux personnages sont George Buchanan lui-même et Thomas Maitland of Lethington, le frère cadet de l'ancien secrétaire de la reine William Maitland of Lethington lequel est attaqué par Buchanan dans le texte Chamaeleon. Buchanan considère le père de Thomas Maitland comme le Machiavel écossais.182(*) Le texte comporte trois parties dans lesquelles Buchanan expose deux problèmes majeurs : pourquoi avons-nous besoin d'un roi et pourquoi le roi doit-il être soumis à la loi ? De quelles solutions le peuple dispose-t-il lorsque le roi refuse de se soumettre à la loi ?

De Iure Regni Apud Scotos est dédié à Jacques VI, fils de Marie Stuart : « GEORGIUS BUCHANANUS IACOBO SEXTO SCOTORUM REGI S. P. D ». 183(*) Le fait que le texte soit dédié au fils de Marie Stuart indique que l'humaniste, qui devient plus tard le tuteur de l'enfant, désire donner un autre exemple de gouvernement pour le futur roi, comme pour effacer le mauvais souvenir de sa mère. Marie Stuart devient un contre-exemple. L'essai de Buchanan est beaucoup moins diffamatoire que le pamphlet Detectio. Dans ce second texte il s'agit d'amener des preuves qui affirment que le peuple est en droit de se soulever contre un régime qu'il juge tyrannique. Buchanan donne des exemples tirés de l'histoire pour illustrer son propos. Ainsi, dans la première partie il fait remarquer à Maitland que les citoyens les plus fidèles ne peuvent qu'accepter la punition de ceux qu'ils croyaient être leurs souverains légitimes. Buchanan cite ensuite l'exemple de Néron et de Caligula :

When you therefore deal with this kind of people, so clamorous and very importunat, ask some of them what they think concerning the punishment of Caligula, Nero or Domitian, I think there will be none of them so addicted to the name of King that will not confess they were justly punished.184(*)

Contrairement à John Knox qui justifie le tyrannicide par les Saintes Ecritures, Buchanan n'ancre pas sa démonstration dans le sacré et n'use pas d'arguments religieux. On trouve dans De Iure des arguments fondés sur la raison et le droit naturel que l'auteur tire de la lecture de Platon, Aristote et Cicéron.185(*) Ainsi il interpelle Maitland :

Do you think that there was once a time when men lived in shelters and even in caves, lacking laws and settled abodes, and strayed about as wanderers, meeting as the mood took them, or as some {temporary} advantage or common utility brought them together ? 186(*)

Lorsque Maitland avance que c'est pour assurer la défense contre les ennemies que les hommes mirent fin à leur solitude et formèrent la première société, Buchanan le contredit en avançant que la poursuite de l'intérêt personnel dissout plus qu'elle n'unit la société. Le moteur qui pousse à vivre ensemble est quaedam naturae vis, une certaine force de la nature. Cela opère comme une lumière diffusée dans notre esprit et grâce à elle l'homme peut distinguer ce qui est moral de ce qui ne l'est pas. Une fois qu'il démontre cela, on peut affirmer que Buchanan est en faveur de la lex naturae, il supporte cette opinion en s'appuyant sur deux autorités. La première est l'évangile selon St. Luc (10, 27), dans laquelle Luc nous invite à aimer Dieu ex animo et nos voisins comme nous-mêmes. La deuxième est une citation présumée de Cicéron affirmant que rien n'est plus plaisant à Dieu que « les congrégation unies par la loi et que l'on appelle communautés civiles ». Maitland est finalement convaincu que la première société est le résultat d'une illumination divine. La société ne s'est pas formée grâce à la volonté des hommes d'agir pour le bien de tous. Selon George Buchanan, les hommes s'unissent car la société est un état préférable à la solitude selon Dieu. Les hommes sont donc indéfectiblement unis, tels les membres du corps humain.187(*) Buchanan était également très intéressé par les idées de Cicéron. Dans De Officiis, Cicéron souligne que l'homme est capable de raisonner et d'utiliser sa raison lorsqu'il agit dans l'intérêt du bien commun. L'homme possède la faculté de raisonner ce qui le pousse à reconnaître qu'il a aussi des obligations envers autrui. Dans ce sens, on peut mesurer la vertu par le degré d'implication dans la vie en communauté. Avec une dette avouée aux Stoïciens, Cicéron concilie la morale et la vie en société.188(*)

Buchanan revient ensuite avec un autre argument : la société humaine dès son commencement est pervertie par l'intérêt personnel et les viles passions. Il fallait un docteur qui maintienne la société en bonne santé. Ce docteur est le gouvernement. Lorsque les problèmes rongent la société c'est au roi que le peuple doit faire appel. Le roi a le devoir de « soigner » les maux de la société

Do you remember what hath been lately spoken, that an incorporation seemeth to be very like our body, civil commotions like to deseases, and a king to a physician ? If therefore we shall understand what the duty of a physician is, I am of the opinion we shall not much mistake the duty of a king. (...) there is a twofold duty incumbent on both. The one is to preserve health, the other is to restore it, if it become weak by sickness.189(*)

Buchanan indique que la forme de gouvernement n'a pas d'importance du moment que l'organe qui sert à gouverner est créé par le peuple dans le but de rendre justice. Mais le médecin peut lui-même être infecté et faire passer son intérêt personnel avant celui de la communauté : « Because the authority constituted for the public utility turns to proud domination »190(*). Les citoyens doivent trouver des lois pour restreindre le devoir du gouverneur.191(*) Buchanan cite De Officiis, et montre que les lois doivent être créées par le peuple pour la même raison que le roi doit être choisi par le peuple, et la seule loi qui vaille est une loi impartiale. Cicéron est l'autorité principale dans ce texte de Buchanan et sa maxime utilitariste : Populi salus suprema lex esto (Le bien du peuple est dans la loi) que l'on retrouve à la page 18 du texte de Buchanan, guide l'humaniste. C'est ce que Buchanan transmet aux huguenots.192(*) La masse populaire n'est pas vouée à décider. Buchanan mentionne plutôt les magistrats et les états. Il fait ensuite référence à la tribune romaine et se demande pourquoi le peuple ne s'est pas élevé contre les magistrats s'il pensait que ces derniers ne respectaient pas la loi. Le peuple est le seul législateur. En Ecosse les lois antiques étaient ratifiées en même temps que les rois étaient couronnés, la cérémonie symbolisait le consentement du peuple. Lorsque Maitland affirme qu'il est absurde d'attendre que tout le monde soit d'accord car une telle chose est impossible, Buchanan montre l'étendu de son populisme. Selon lui ceux qui obéissent au tyran ne doivent pas être reconnus comme citoyens pour Buchanan ceux qui sont citoyens sont ceux « qui obéissent aux lois, qui s'inquiètent du bien de la société, qui préfèrent le travail et la mise en péril de leur propre sécurité plutôt que de vieillir dans l'immoralité et la paresse, (ce sont) les hommes dont les efforts, bien que non reconnus dans le présent, seront rappelés à l'éternité »193(*)

Buchanan définit d'une manière générale le tyran comme un gouvernement établi sans consentement, le règne d'un maître sur des esclaves, la soumission d'hommes libres par un autre homme libre. Il rompt le pactio mutua, devient un ennemi public. Il est alors juste que ses sujets entrent en guerre contre lui. De ce fait le roi ne peut agir de manière égoïste, selon son bon plaisir. Marie Stuart en cédant à ses désirs, en agissant selon ses envies s'est détournée des vraies préoccupations. Les rois agissent pour le peuple selon Buchanan. Marie Stuart n'a pas respecté ce schéma. A juste titre elle a donc été punie. Pour Buchanan c'est à la force civile de mettre le souverain hors de nuire et il incombe à l'Eglise de s'assurer de la damnation de son âme. Il cite l'épître au Corinthiens (I, 5) et semble dire que les fidèles ne doivent rien avoir à faire avec un régent criminel, donc l'Eglise doit les guider dans leurs prises de position contre le roi. Toutefois, le Conseil de l'Eglise n'a pas à intervenir dans la déposition du tyran selon Buchanan.

A l'argument qui insistait sur le fait que Marie était une reine de droit divin et que la déposer consistait à aller à l'encontre de la loi divine, Buchanan confronte une vision de la souveraineté tout à fait différente. Le roi prend ses fonctions pour servir le peuple, tout comme le peuple doit servir le roi. Les lois sont créées par le peuple, représentées par le Parlement et le roi est obligé de s'y soumettre. En effet, les lois doivent contrôler le caractère dominateur du roi, afin qu'il n'agisse pas de manière cruelle ou égoïste. Bien que Buchanan ne site jamais le nom de Marie Stuart dans ce pamphlet, le fait qu'il soit écrit en réaction à la déposition de la reine prouve que Buchanan pense le règne de Marie Stuart comme un exemple de tyrannie. La dernière image que Buchanan donne de la reine est donc l'image d'un tyran. Cependant le texte de Buchanan n'est pas uniquement nuisible à la réputation de la reine d'Ecosse, il représente aussi une potentielle menace pour les monarchies absolues. Elizabeth et ses conseillers qui trouvèrent les premiers écrits de Buchanan si utiles n'étaient pas prêts à assumer les implications de telles idées. Au dos d'une lettre d'Elizabeth adressée au régent d'Ecosse, l'ambassadeur Henry Killigrew écrit une note qui suggère l'angoisse de la reine quant à la publication du livre de Buchanan : « bucanan to be warned of setting forth of the booke without adduise frome hence touching matters therin consequent touching some of our nation »194(*). Après la publication du texte en Ecosse en 1579, la théorie politique selon laquelle les sujets ont l'obligation de déposer les tyrans fait surface. Elizabeth se devait de faire supprimer ce texte qui relayait les implications radicales de la déposition de Marie Stuart. Les textes de Buchanan furent interdits à la publication en Angleterre et une réédition du premier pamphlet de l'humaniste ne fut autorisée qu'en 1587, date à laquelle les Anglais avaient besoin de textes diffamatoires pour justifier l'exécution de la reine. Jacques VI, qui fut pourtant l'élève de Buchanan décida de sanctionner financièrement tous les détenteurs de l'ouvrage De Iure regni apud Scotos en 1584. Les manipulations de l'image publique de la reine d'Ecosse n'étaient acceptables que dans une certaine mesure. Dès lors qu'il s'agissait de soulever un problème politique d'une plus grande envergure, l'on préférait taire les faits. Finalement l'on retient l'image de la reine adultère aux moeurs légères mais l'image du tyran est à oublier, car trop polémique.

Conclusion :

Durant la période qui s'étend de 1561 à 1587 les représentations littéraires de Marie Stuart évoluent de manière plutôt radicale. Peu après son retour en Ecosse la reine est acclamée par une population qui voit dans son retour une promesse de stabilité. Marie est une Stuart et le peuple attend d'elle qu'elle honore la devise des rois de sa lignée : Nemo me impude lacssit. Personne ne me provoque impunément. Force est de constater que l'attitude de la reine fait mentir cette affirmation. Tout d'abord les poètes de la cour dérogent à la règle traditionnelle des poèmes de bienvenue pour verser dans le genre du speculum principis. Alexander Scott parsème son texte de conseils visant à orienter les prises de décisions royales vers un modèle de concorde. En dépit de ces incartades George Buchanan, promu au rang de principal poète de la cour, fait preuve d'une loyauté sans faille envers la reine durant les six années de son règne. On constate d'ailleurs avec une certaine ironie que son plus fervent adversaire fut d'abord l'un de ses plus fideles auteurs. Pendant les premières années du règne la littérature écossaise reconnaît donc Marie Stuart comme une souveraine légitime et reprend les thèmes abordés par les poètes de la cour des Valois, qui sont sa beauté, sa vivacité d'esprit et sa grande sagesse. Nul ne mentionne sa force et son autorité, qualités que l'on associe d'ordinaire au souverain, mais la présence de Marie Stuart en Ecosse inspire l'espoir plus que les critiques chez les bards écossais.

Cet espoir est balayé par les évènements de 1566 et 1567. L'orientation catholique de la politique de Marie Stuart attise les tensions. Le 2 février 1566 Henri Darnley devenu chevalier de l'ordre de Saint Michel pavoise sur High Street s'égosillant que l'ancienne religion a repris le contrôle du royaume d'Ecosse.195(*) Alors que le Conseil est constitué d'une moitié de protestants et d'une autre moitié catholique, la tension est palpable. La naissance du futur héritier apaise les tensions et rassemble la noblesse autour de la reine mais les évènements futurs réduisent à néant les efforts de réconciliation déployés par Marie Stuart. C'est à ce moment que la littérature écossaise verse dans la calomnie et les thèmes politiques. Si la littérature de début de règne décrit la reine comme une jeune beauté génitrice d'une paix nouvelle, la littérature qui paraît après 1567 se tourne vers des thèmes comme celui de l'Etat et de la nation. L'argumentation tripartite de Buchanan est en effet résolument tournée vers la défense du peuple écossais, ce qui implique de discréditer la reine. A Detectioun of the doings of Mary Queen of Scots s'apparente toutefois plus à une attaque ad feminam qu'à une défense des actes révolutionnaires écossais. Ce pamphlet peut être perçu comme l'oeuvre calomnieuse d'un opportuniste cependant il est aussi un exemple de la manière dont Buchanan a manipulé son lectorat grâce à la rhétorique pour faire de Marie Stuart un personnage dénué de morale, donc coupable. Même si le texte de l'humaniste n'est pas un exemple d'argumentation théorique il est le premier à relater l'histoire de Marie Stuart comme une histoire tragique. De plus, le texte joue sur tous les préjugés qui entourent la sexualité féminine à l'époque moderne : l'appétit sexuel démesuré, la beauté ensorceleuse, etc. En faisant de Marie Stuart une femme adultère et meurtrière, George Buchanan cristallise autour du personnage toutes les pensées misogynes qui contrindiquent le règne féminin.

A partir des années 1570 la diffusion du pamphlet de Buchanan et les complots ourdis par la reine d'Ecosse poussent le royaume d'Angleterre et le royaume de France à prendre partie. Le royaume d'Angleterre manipule ce perfide personnage féminin créé par l'humaniste écossais pour discréditer les prétentions successorales de la reine d'Ecosse mais il est plus étonnant de constater que la patrie d'accueil de Marie Start ne s'engage pas ouvertement contre ces écrits diffamatoires. Le jeu des alliances diplomatiques et la volonté de tenir l'Espagne en échec ne méritaient pas que le roi de France se mette à dos son allié d'outre-Manche. De 1567 à 1587 le sort de la reine d'Ecosse intéresse peu la cour de France et les catholiques français. La défense de la reine déchue est donc dans un premier temps organisée par un seul homme, John Leslie. Toutefois les huguenots s'intéressent au personnage de Marie Stuart après le massacre de la Saint Barthélémy et font de la reine un personnage soumis aux champions du catholicisme que sont les Guise. Finalement, la reine Marie Stuart intéresse d'avantage les auteurs catholiques après que sa mort la promeut au rang de martyr.196(*)

Nous avons tenté de montrer comment le contexte politique et diplomatique du milieu du 16ème siècle a influencé les représentations littéraires de la reine Marie Stuart. George Buchanan et John Leslie ont donné naissance au personnage Marie Stuart. Le premier pamphlet de George Buchanan utilisé sciemment par les Anglais pour discréditer la reine d'Ecosse scelle l'image d'une femme amoureuse, psychologiquement instable et moralement faible. Tandis que De Iure regni apud Scoto écrit en réaction à la déposition de la reine tend à faire de Marie Stuart un tyran dont l'égocentrisme nuit à l'exercice du pouvoir. De ces deux textes naît l'image d'une reine frivole et incapable d'incarner l'autorité. Buchanan fait de Marie Stuart un contre-exemple et fait basculer sa représentation de la reine dans un espace sexualisé voire morbide. A l'inverse John Leslie la décrit comme innocente car ignorante des complots qui se tramaient à Edimbourg. Leslie tente d'en faire une reine digne mais échoue à créer une héroïne. En effet, John Leslie ne souligne aucun faits que Marie Stuart a accompli de son vivant qui témoigne de sa bravoure ou de sa valeur. Il mentionne seulement qu'elle est une mère pour son peuple et qu'elle a toujours agi dans l'intérêt de celui-ci. Si l'on s'en réfère à la définition de l'héroïne que donne Furetière en 1690 : « fille ou femme qui a des vertus de héros, qui a fait quelque action héroïque », on peut affirmer que Marie Stuart n'était pas représentée comme une héroïne de son vivant. Elle ne possédait pas les vertus conformes à son sexe.197(*) La représentation de la reine d'Ecosse forgée par Leslie a donc un impact moindre car elle ne se base pas sur des faits concrets. A contrario George Buchanan se base sur des faits concrets qui sont le meurtre de Darnley et le remariage précipité avec Bothwell. L'humaniste écossais forge quant à lui un exemple à ne pas suivre, une héroïne que l'amour aveugle et qui laisse son pays au bord de la guerre civile.

Nos deux auteurs écossais laissent à la postérité une figure littéraire malléable. Les représentations littéraires de Marie Stuart dans les écrits de Buchanan et de John Leslie représentent l'ébauche du mythe que forgera la postérité. D'un côté le personnage décrit par Buchanan est un premier pas vers la légitimation du tyrannicide, de l'autre la défense de John Leslie offre aux catholiques une figure de martyre en devenir. Marie Stuart, que John Leslie décrit comme une victime du protestantisme, comme une prisonnière pieuse devient une icône que la mort romantique consacre en martyr.

« En ma fin est mon commencement » avait brodé Marie Stuart dans sa prison de Sheffield. Cette formule prophétique rend compte de l'engouement des auteurs catholiques et protestants après la mort de Marie Stuart. Si les représentations littéraires du 16ème siècle donnent naissance à un personnage dont la dualité suscite les passions, l'exécution de Marie Stuart finit de hisser le personnage au rang d'héroïne. Toutefois, puisque Marie Stuart ne semble avoir accompli aucun acte héroïque de son vivant, c'est à la postérité de prouver sa vertu. De là nait l'image de prisonnière exemplaire et très catholique.198(*)

Sources et bibliographie

Sources :

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ANNEXES :

A. 1. BUCHANAN G., Ane Detectiovn of the duinges of Marie Quene of Scottes, touchand the murder of hir husband, and hir conspiracie, adulterie, and pretensed mariage with the Erle Bothwell. And ane defence of the trew Lordis, mainteineris of the Kingis graces actioun and authoritie. Translatiti out of the Latine quhilke was written by G.B, Londres, 1571, folio 1. Bibliothèque nationale d'Edimbourg.

A. 2 LESLIE J., A defence of the honour of the right highe, mightye and noble Princesse Marie Quene of Scotlande and dowager of France, with a declaration aswell of her right, title & intereste to the succession of the crowne of Englande, as that the regimente of women ys conformable to the lawe of God and nature, Londres (Rheims), imprimé par J. Foigny, 1569, folio 1. Bibliothèque nationale d'Edimbourg.

A. 3. BUCHANAN G., De Jure Regni apud Scotos, Dialogus, imprimé par John Ross, Edimbourg, 1579, folios 1 et 2. Bibliothèque nationale d'Edimbourg.

A. 4. Photographie de la Cave aux Sculptures à Dénézé-sous-Doué dans le Maine-et-Loire. WILKINSON A. S., Mary Queen of Scots and French Public Opinion 1542-1600, New-York, 2004, p. 96. Photographie réalisée par René Delon (tous droits réservés).

A. 5 Portrait de Marie Stuart en Martyr Catholique. Frontispice de Il Compassionevole et memorabil caso, della morte della regina di Scotia, moglie di Francesco II re di Francia, Vicenza, 1587, British Library Board, tous droits réservés. Référence b38f9, in STAINES J.D., The Tragic Histories of Mary Queen of Scots, 1560-1690, New-York, 2009, p. 168 (fig. 5. 2).

Tables des matières :

Introduction .............................................................................. P. 1

Chapitre 1 : Marie Stuart reine : une littérature de cour florissante, de 1561 à 1565........................................................................................ P. 21

I. Une entrée royale mâtinée de conseils .................................... P. 22

II. Un humaniste à la cour : la relation entre Marie et Buchanan ......... P. 32

III. Marie et la littérature de cour .............................................. P. 41

Chapitre 2 : Marie Stuart femme, ou la naissance d'un personnage controversé, de 1565 à 1572 .............................................................................. P. 50

I. Dernier éclat du règne : le baptême de Jacques VI ...................... P. 51

II. Marie femme adultère, point d'ancrage d'une littérature calomnieuse. P. 58 III. A Detection of the Doings of Mary Queen of Scots ou la dénonciation misogyne de Buchanan .................................................................. P. 66

IV. La pensée libérale de John Leslie ......................................... P. 74

Chapitre 3 : Marie Stuart, traîtresse ou martyre ? De 1572 à 1587 ................ P. 79 I. Un « personnage » aux mains des Anglais et des Français ............... P. 80 II. L'organisation de la défense de Marie Stuart par John Leslie .......... P. 88 III. La fin de règne de Marie Stuart ou le modèle tyrannique combattu par George Buchanan dans De Iure regni apud Scotos .................................. P. 98

Conclusion ............................................................................... P. 107

Sources et bibliographie ............................................................... P. 111

Annexes ................................................................................... P.115

Table des matières ...................................................................... P. 119

* 1 DUCHEIN M., Histoire de l'Ecosse, Fayard, 1998, p. 230.

* 2 Friederich von Schiller écrit une pièce intitulée Marie Stuart en 1800 qui inspira l'opéra homonyme de Gaetano Donizetti, Stefan Zweig écrit une biographie de la reine écossaise en 1935 et présentée comme une tragédie. Et encore l'année dernière, au festival d'Avignon, Fabien Chappuis mettait en scène la pièce de Schiller.

* 3 Recherche effectuée depuis les sites internet www.bl.uk et www.nls.uk.

* 4 PROST A., Douze leçons sur l'histoire, Point Histoire, 1996.

* 5 LEWIS J.E., Mary Queen of Scots : Romance and Nation, Londres, 1998, p.85.

* 6 WORMALD J., Marie Stewart, a study in failure, Londres, 1988, p.18.

* 7 DUCHEIN M., Marie Stuart, Fayard, 1987, p. 532-556

* 8 DUCHEIN M., op.cit. p.13.

* 9 WORMALD J., op. cit. p.11.

* 10 RYRIE A., The Age of Reformation, The Tudor and Stewart Realms 1485-1603, Londres, 2009, p.207 et suivantes.

* 11 Le nom donné à cette période fut attribué par Walter Scott.

* 12 A. de Ruble, La première jeunesse de Marie Stuart, p. 31 (Paris, 1891) in DUCHEIN M., op. cit., p. 36.

* 13 Sur l'éducation que Marie Stuart reçut en France voir GUY J., My Heart is my Own, The Life Of Mary Queen of Scots, New-York, 2004, pp. 70-84 et plus particulièrement p. 72 sur l'influence de Diane de Poitiers en ce qui concerne l'éducation de la jeune reine d'Ecosse.

* 14 STAINES J.D., The Tragic Histories of Mary Queen of Scots 1560-1690, New-York, 2009, p. 21.

* 15 « Pour la Royne Marie », OEuvres Complètes (Paris, 1873), I, 220 : « Si donc heureux un chaucun se peut rendre, / En voyant sans faveur plus expresse, / Qui sauroit l'heur mesurer et comprendre / Du semidieu qui l'a pour maistress ».

« Avant-Mariage de Madame Marie, Royne d'Escosse » , Les poésies de Iacques Tahureau, Du Mans. Mises toutes ensemble & dédiées au Reverendissime Cardinal de Guyse. A Paris..., fol. 11. Paris, 1554. Poèmes cités dans PHILLIPS J.E., Images of a Queen, Mary Stewart in Sixteenth-Century Literature, Londres, 1964, p. 11.

* 16 DUCHEIN M., op. cit., p. 89.

* 17 LYNCH M., Scotland : A New History, Londres, 1991, pp. 209-210.

* 18 STAINES J.D., op. cit., p. 22.

* 19 Institutio religionis christianae, paraît à Bâle en 1536 en latin, composée de 6 chapitres. En 1539, à Strasbourg, une édition latine révisée est composée de 17 chapitres. En 1541, Calvin traduit lui-même le texte en français. Une troisième édition paraît en 1543 augmentée de 4 chapitres. Les quatrièmes et cinquièmes éditions paraissent en 1550 et en 1554. En 1559 enfin, la dernière édition est divisée en 4 livres et comprend 81 chapitres.

* 20 PERRONET M. (dir.), Le XVIe siècle, 1492-1620, Hachette Supérieur, 2005, pp. 148-149.

* 21 PERRONET M., op. cit, p. 188.

* 22 PERRONET M., op. cit, p. 244.

* 23 WORMALD J.,op. cit, p. 92-101. La lettre d'Henri II adressée à Paul IV est citée page 92.

* 24 Propriétaire terrien écossais.

* 25 Cet exposé de la situation écossaise s'appuie sur les lectures des ouvrages d'Alec Ryrie, de Jenny Wormald et de Michel Duchein.

* 26 BUCHANAN G., Rerum Scoticarum historia, Edimbourg, 1582.

* 27 LESLIE J., De origine moribus, et rebus gestis Scotorum libri decem ..., Rome, 1578. LESLIE J., The Historie of Scotland, edité par E.G Cody pour la Scottish Text Society, Edimbourg, 1888.

* 28 FRASER A., Mary Queen of Scots, Londres, 1969.

* 29 WORMALD J., Mary Queen of Scots, A Study in Failure, Londres, 1988, pp. 11-20 et STAINES J., The Tragic Histories of Mary Queen of Scots, 1560-1690, New-York, 2009, pp. 3-13.

* 30 BARBOUR J., The Bruce, édité et annoté par A.A.M. Duncan, Edimbourg, 1997.

* 31 www.marie-stuart.co.uk

* 32 WORMALD J., Mary Queen of Scots, A Study in Failure, Londres, 1988.

* 33 WORMALD J., op. cit, p. 7.

* 34 Un mémorandum fut publié peu avant le mariage de Marie Stuart et de François II en novembre 1558, intitulé « L'Etat et puissance du royaume D'Ecosse » qui décrit l'Ecosse de manière peu flatteuse, insistant sur le fait que le climat y est misérable et les gens fainéants et rustres.

WORMALD J., op . cit, p. 24.

* 35 LYNCH M. (dir.), Mary Stewart Queen in Three Kingdoms, Londres, 1988.

* 36 GUY J., My Heart is My Own, The True Life of Mary Queen of Scots, New-York, 2004.

* 37 DUCHEIN M., Marie Stuart, Fayard, 1987.

* 38 RYRIE A., The Age of Reformation, The Tudor and Stewart Realms 1485-1603, Londes, 2009.

* 39 MACDONALD A.A., « Scottish Poetry of the Reign of Mary Stewart », in CAIE G.D. (dir.), The European Sun, Edimbourg, 2001, p.48.

* 40 LYNCH M., « Queen Mary's triumph ; the baptismal célébrations at Stirlng in December 1566 » in Scottish Historical Review, lxix, 1990, pp. 1-21.

* 41 STRONG R., Art and Power : Renaissance Festivals 1450-1650, Woodbridge, 1984, pp. 7-10 et 98-125.

* 42 Voir MCFARLANE I.D., The Entry of Henri II into Paris 16 June 1549, Binghampton, 1982.

* 43 Le récit des ces entrées royales se trouve dans le texte de Robert Lindsay of Piscottie, The History of Scotland from 1436 to 1565, Glasgow, 1749.

* 44 MCFARLANE I.D., Buchanan, Londres, 1981, p. 111.

* 45 MACDONALD A.A., « Mary Stewart's Entry to Edinburgh : an Ambiguous Triumph » in The Innes Review, volume 43, 1992, p. 103.

* 46 Le speculum principis était inspiré de plus grands traités décrivant les vertus du monarque chrétien idéal. Le monarque devait se rapprocher de cet idéal décrit par Saint Augustin et le De Regimine Principum. Ces traités étaient inspirés des auteurs de l'Antiquité, d'où l'importance particulière accordéee à cet idéal monarchique durant la période de la Renaissance.

* 47 GUIGUE G. (ed.), L'entrée royale de François I, roy de France en la cité de Lyon le 12 juillet 1515, Lyon, 1889 in STRONG R., op. cit, p. 10.

* 48 « Le deuxième jour du mois de septembre 1561, sa majesté la reine fit son entrée dans la ville d'Edimbourg de la manière suivante. »

THOMSON T., A Diurnal of Remarkable Occurents, Bannatyne Club, 1883, p. 67.

* 49 «  La meilleure manière d'être rapidement conduit au paradis. »

* 50 MACDONALD A.A., « Scottish Poetry of the Reign of Mary Stewart » in CAIE G.D., The European Sun, Proceeding of the Seventh International Conference on Medieval and Renaissance Scottish Language and Literature, Edimbourg, 2001, p.44.

* 51 MACDONALD A.A., « William Stewart and the Court Poetry of the Reign of James V » in WILLIAMS J.H. (dir.), Stewart Style 1513-1542 : Essays on the Court of James V, East Linton, 1996, pp. 179-200.

* 52 RITCHIE W.T. (dir.), The Bannatyne Manuscript, STS, 4 vols, Edimbourg, 1928, II, 254-255 in MACDONALD A.A., op.cit p.44.

* 53 « Bienvenue, glorieuse dame et notre reine / Bienvenue, notre lionne à la fleur de lys / Bienvenue, notre chardon coloré du vert Lorrain / Bienvenue, notre rose rouge au dessus de toutes ruses / Bienvenue, notre joyaux et joyeuse génitrice, / Bienvenue, notre jolie princesse très courtisée / Que Dieu vous donne la grâce de parer à cette bonne et nouvelle année ! »

MACQUEEN J. ET W., A Choice of Scottish Verses 1470-1570, Edimbourg, 1972, pp. 179-187.

* 54 GOODARE J. (dir.), Sixteenth-Century Scotland, essays in honour of Michael Lynch, pp.107-109.

* 55 « Cette année, que la loi et la raison guide votre chemin »

* 56 « Puisez dans les quatre principales vertus, la sagesse, la justice, la force et la tempérance »

* 57 « De réformer maintenant leurs vies outrageusement fastueuses »

* 58 « (...) avoir les oreilles et les yeux rivés sur le bien commun / pesez de tout votre poids afin de devenir la protectrice des purs »

* 59 GOODARE J. (dir.), op. cit, p. 114.

* 60 MACDONALD A.A., op. cit, p. 47

* 61 « Les peuples écossais et français sont maintenant unis / Comme s'ils étaient natifs d'un seul et même pays, / Sans aucune manière ni appréhension, / Semblables l'un l'autre, ils conservent la vraie fraternité. / Ils se défendent mutuellement, sur terre ou en mer, / Et, donnent à quiconque a de mauvaises intentions, / Ecossais ou français, quelque homme qu'il soit, / Avec la plus grande rigueur, une sévère punition. »

GRAIGIE W.A. (ed.), The Matiland Quarto Manuscript, STS, Edinburgh, 1920, pp. 19-23.

* 62 WORMALD J., op. cit, p. 102-128.

* 63 MASON R.A., « George Buchanan and Mary Queen of Scots » in Scottish Church History Society, n° 30, 2000.

* 64 Le Book of Discipline est basé sur le travail de John Knox et vise à expliciter le fonctionnement de l'ordre ecclésiastique de l'Eglise d'Ecosse. Il s'appuie sur le modèle de Genève. Cependant le travail qui est présenté en janvier 1561 devant le parlement n'est pas assez clair et comprend des clauses difficilement applicables. Le travail initié par John Knox était impressionnant et très ambitieux. Il présentait une société éduquée grâce à une réforme des paroisses et centrée sur une nouvelle vision de la piété. Mais la commission devant laquelle fut présentée ce programme rejeta la proposition qui consistait à transférer les revenus de l'ancienne religion (revenus des terres de l'Eglise) dans les caisses des la religion Réformée. Voir LYNCH M., Scotland, A New History, Londres, 2009, pp. 198-202. Un deuxième livre, The Second Book of Discipline, est présenté en 1578.

* 65 GATHENER W., The Tyrannous reign of Reign of Mary Stewart by George Buchanan, Edimbourg, 1958, p.16. Le document en question est une lettre qui servit plus tard de préface à l'un des textes de Buchanan, Franciscanus.

* 66 MCFARLANE I.D., Buchanan , Londres, 1981, p. 208.

* 67 BUCHANAN G., The Political Poetry, édité par Paul J. McGinnis et Arthur H. Williamson, Edimbourg, 1995, p. 76-83.

* 68 « Dans la journée l'horreur de la guerre résonne dans ses oreilles / Et la nuit le souvenir coupable de ses crimes dévastateurs viennent la troubler. / Des ombres noires perturbent son sommeil mouvementé par de terribles cauchemars. »

BUCHANAN G., « Ad invictissum Franciae Regem Henricum II post victos Caletes », op. cit, v. 103-104, p. 82.

* 69 « Le courage de François, habitué à trouver des chemins escarpés au travers d'insolubles difficultés, / Invaincu et indomptable, / Surpassa sa réputation en gagnant une renommée nouvelle. »

BUCHANAN G., « Ad invictissum Franciae Regem Henricum II post victos Caletes », op. cit, v. 83-85, p. 82.

* 70 PHILLIPS J.E., op. cit, p.10

* 71 « Un peuple si souvent attaqué par les ennemies alentours (et pourtant) / demeuré indépendant du joug étranger » ; « Ici se tient un peuple en pleine possession de son antique liberté ».

* 72 PHILLIPS J.E., op. cit, p.12

* 73 « Vous-même avez découvert et approuvé sa beauté, / Et vous avez constaté la bonté de son caractère. » ; « D'une vertu surpassant sa condition »

* 74 « Toutefois reconnaissez votre condition de femme, et habituez-vous à l'autorité de votre mari » ; « Apprenez à être soumise à la volonté de votre mari ».

* 75 « Sa lignée, celle des Stuart, est une lignée royale qui règne depuis plus de deux siècles comme le prouvent les documents et les registres »

* 76 « La France des temps de paix a spirituellement outrepassé les barrières de la modération » ; « Dès lors de nouvelles larmes ressurgissent : on rapporte une mort après l'autre, une succession de désastres ».

BUCHANAN G., « Deploratio status rei Gallicae, sub mortem Francisci Secundi Regis », op. cit, pp. 144-146.

* 77 « Ô chère dame, vous détenez maintenant le sceptre écossais, / Qui vous a été transmis par d'innombrables ancêtres royaux. / Vous surpassez votre condition par vos mérites, votre âge par vos vertus, / Votre sexe par les capacités de votre esprit, et votre noblesse par votre caractère. »

BUCHANAN G., « Mary, the most illustrious Queen of Scotland », op. cit, p. 274.

* 78 « De crainte que je ne semble déplu par ce qui vous plait. / Car ce que ces vers ne peuvent espérer de l'esprit de leur auteur, / Peut-être l'obtiendront-ils de votre esprit bienveillant. »

* 79 BRAIN J. (ed.), Callendar of State Papers relating to Scotland and Mary Queen of Scots (CSP Scot), Edimbourg, 1898-1969, I, 598.

* 80 MASON R.A., op.cit, p. 13. Pour comparaison, William Dunbar poète à la cour de Jacques III touche une pension de 10£ pour l'an en 1500. Voir MACQUEEN J., « The literature of fifteenth-century Scotland » in Jenny Wormald, Scotland : a history, Oxford University Press. 2005.

* 81 MCFARLANE I.D., Buchanan, p. 213-215

* 82 MCFARLANE I.D, op. cit, p. 249.

* 83 « Elle-même surpasse à un tel point la Nature et l'Art / Que l'une nous semble grossière et l'autre malhabile ».

* 84 « Si mon oncle ne m'avait pas été si nuisible, ni si déshonorant, moi, Marie, j'aurais pu être la reine la plus importante de cette époque »

BUCHANAN G., op. cit, p. 122.

* 85 Calendar of State Paper Relating to Scotland I, 1547-1563, 603 : « This Queen puposes to send the Queen's Majesty, either by him or by whomsoever bringe the picture, a fayre ringe with a diemonde made lyke a hart ».

* 86 « Ils introduisirent les mascarades, qui d'année en année se perpétuèrent. »

LAING D., The Works of John Knox (Woodrow Society, 1848), ii, 314 in CARPENTER S., « Performing Diplomacies : The 1560s Court Entertainments of Mary Queen of Scots », inThe Scottish Historical Review, volume 82, numéro 214, octobre 2003, pp. 194-225.

* 87 KNOX J., Works, ii, 333, 362 in LAING D., The Works of John Knox (Woodrow Societyn 1848).

* 88 Voir KNOX J., The First Blast of the Trumpet ?Against the Monstrous Regimen of Women? (1558), Edimbourg, 1995. Il est vrai que l'argument principal de ce pamphlet repose sur le fait que le règne des femmes est contraire à l'ordre naturel et par ordre naturel Knox entend la volonté de Dieu. Knox fait référence aux autorités classiques dans son texte mais il s'agit plus d'un moyen de contrer ses détracteurs en prouvant que dès l'époque classique l'on s'opposait à la gynécocratie. Toutefois, il apparaît évident à l'alinéa 15 que Knox se rapproche d'Aristote et de Platon lorsqu'il affirme que les femmes sont faibles et qu'elles manquent d'esprit. Il site par ailleurs La Politique d'Aristote à l'alinéa 16. De plus John Knox reprend l'argument d'Aristote selon lequel les femmes sont inférieures aux hommes par nature, par conséquent le gouvernement d'une femme sur une assemblée masculine est contraire à la nature. En effet cette situation perturbe l'ordre naturel.

* 89 BROWN R. et BENTICK C. (ed.), Calendar of State Papers : Venice, Londres, 1890, in CARPENTER S., « Performing Diplomacies : The 1560s Court Entertainments of Mary Queen of Scots », in The Scottish Historical Review, volume 82, numéro 214, octobre 2003, pp. 194-225.

* 90 « Quoique la fin de l'univers confonde le ciel et la terre, la reine d'Ecosse portera toujours dans son coeur la reine d'Angleterre, la reine d'Angleterre portera toujours dans son coeur la reine d'Ecosse. » KEITH, History, ii, 220 in CARPENTER S., op. cit, p. 213.

* 91 Malheureusement il ne nous a pas été possible de lire ce poème. Nous nous en remettons donc au récit de Thomas Randolph répertoriés dans le Calendar of State Papers of Scotland, ii, 637.

* 92 WORMALD J., op. cit, p. 147.

* 93 KNOX J., Works, ii, 495 in CARPENTER S., op. cit, p. 215

* 94 BUCHANAN G., « Pompa Deorum in Nuptiis Mariae', `Pompae Equestres', in Opera, ii, 400-403, in MCFARLANE I.D., op. cit, p. 233-4.

* 95 RICHARDS J., « To Promote a Woman to Beare Rule : Talking of Queens in Mid-Tudor England » in The Sixteenth Century Journal, vol. 28, n° 1, printemps 1997, p. 121.

* 96 DUNNINGAM S.M., « The Creation and Self-Creation of Mary Queen of Scots : Literature, Politics and Female Controversies in Sixteenth-Century Scottish Poetry », Scotlands 5, 1998, p. 66

* 97 Calendar of State Papers of Scotland, i, p. 651 in CARPENTER S., op. cit, p. 218.

* 98 « Pour savoir ce que cela pouvait être de coucher à la belle étoile, ou de marcher sur la chaussée vêtu d'un pourpoint en cotte de maille et d'un casque».

* 99 CRAIG T., Henrici Illustrissimi Ducis Albaniae, Comitis Rossiae, etc. e Marriae Serenissimae Scotorum Reginae Epithalamium, Edinburgh, 1565, traduit dans Wrangham, Epithalamia Tria Marianan, p. 47 in PHILLIPS J.E., op. cit, p. 29.

* 100 DONALDSON G., All the Queen's Men : Power and Politics in Mary Stewart's Scotland, Londres, 1983, pp.76-77.

* 101 LYNCH M., Scotland, A New History, Londres, 1991, réédité en 2009, pp. 114-120.

* 102 DUCHEIN M., op. cit, p. 215.

* 103 LYNCH M., « Queen Mary's Triumph : the Baptismal Celebrations at Stirling in December 1566 », in The Scottish Historical Review, volume 69, numéro 187, avril 1990, p. 2.

* 104 STRONG R., Splendour at Court, Londres, 1973, pp. 33-37 et 67-68.

* 105 MELVILLE J., Mémoires de Melville, Edimbourg, 1745, in DUCHEIN M., op. cit. , p. 247.

* 106 IRISH C. A., « A Glorious Title » : Elizabeth I's manipulation of her pubic image, 1588-1603, Université du Minnesota, thèse, 1978, in LYNCH M., op. cit, p. 12.

* 107 MELVILLE J., op. cit, I, p. 213.

* 108 « La destinée garantira l'expansion des terres de votre royaume, jusqu'aux terres des Bretons, qui lassés par la guerre, apprendront enfin à s'unir en un seul royaume. »

ADAMSON P., Serenissimi ac Nobilissimi Scotiae Angliae Hybernie Henrici Stuardi et Mariae Reginae, Paris, 1566, in LYNCH M., op. cit, p. 13. Traduction de Michael Lynch.

* 109 « Vous aussi, père et mère, comblé de bonheur par la paternité, / Habituez le tendre enfant dès son plus jeune âge / A l'idée de justice, et laissez-le s'imprégner de l'amour sacré pour la vertu / Nourrit du lait maternel ; laissez-la piété devenir la gardienne de son berceau, / Et l'influence formatrice de cette piété grandir dans son esprit au même rythme que son corps. »

BUCHANAN G., « Genethliacon Jacobi Sexti Regis Scotorum » in Political Poetry, p. 154.

* 110 « Il apprendra l'art vrai de gouverner un royaume en paix et en guerre. / S'il évalue consciencieusement tous ces événement selon ces critères, / Il règnera avec succès sur son royaume. »

BUCHANAN G., « Genethliacon Jacobi Sexti Regis Scotorum » in Political Poetry, p. 162.

* 111 WORMALD J., op.cit, p.16.

* 112 BRANTÔME, OEuvres Complètes (Paris, 1873) tome VII, p. 449-453 in DUCHEIN M., op. cit, p. 140. Voir aussi WORMALD J., op. cit, p. 145.

* 113 « Le récit est si irrévérencieux que je ne vois pas de quelle manière je pourrai le retranscrire en termes appropriés à son altesse ».

* 114 WARNICKE R.M., « Sexual Heresy at the Court of Henry VIII » in The Historical Journal, volume 30, n° 2, 1987, p. 247-268. Retha M. Warnicke détaille la manière dont le roi et Cromwell avaient construit à Anne Boleyn une réputation de sorcière, expliquant que la nature de son crime tenait en ce qu'elle avait un appétit sexuel immodéré. Elle ensorcelait les hommes et avait même eut des relations sexuelles avec son frère. Ainsi le 29 janvier 1536, lorsqu'Anne fait une fausse couche, Cromwell affirme qu'il s'agit là d'une punition divine. Il poursuit en expliquant que l'enfant portait les séquelles laissées par les péchés de chair commis par sa mère.

* 115 « Je les ai vus chassés, la reine ne suivrait pas / leur sage conseil qui l'enjoignait d'attendre une conjoncture meilleure. / Sa volonté l'a contrainte de pencher dans le mauvais sens / Aucun frein n'apaiserait sa colère, ses extrêmes sont corrompus »

CRANSTOUN J. (ed.), Satirical Poems of the Time of the Reformation, Edimbourg et Londres, Scottish Text Society, 1891-1893, I, 10 (anglais modernisé).

* 116 « wanton slight of effeminate force », CRANSTOUN J. (ed.), op.cit., p. 25.

* 117 Calendar of State Papers Foreign, 1566-1568, p. 205, no. 1091, avril, 1567, in PHILLIPS J.E., op. cit, p. 38.

* 118 « un homme d'une cinquantaine d'années ».

* 119 DUNNINGAM S., « The Creation and Self-Creation of Mary Queen of Scots : Literature, Politics and Female Controversies in Sixteenth-Century Scottish Poetry », Scotlands, 5, 1998, p. 68.

* 120 Mary Queen of Scots, Ex Libris Bibliothecae Facultatis Juridica Edinburgi, 1812.

* 121 « D'armer sa défense avec des preuves évidentes pour que sa Majesté puisse consciemment satisfaire son besoin de justice ».

MAHON R.H., The Indictement of Mary Queen of scots, Presse Universitaire de Cambridge, 1923, p. 8

* 122 MASON R.A., « George Buchanan and Mary Queen of Scots », in Scottish Church History Society, n° 30, 2000, p. 14.

* 123Georgii Buchanani Vita, p. xxvii, in AITKEN J.M., The trial of George Buchanan Before the Lisbon Inquisition, including the text of Buchanan's Defences along with a translation and commentary, Londres, 1939.

* 124 MASON R.H., op. cit, p. 16

* 125 Ce système conduit au développement d'une justice parallèle dans les contrées les plus retirées du royaume d'Ecosse où l'autorité du pouvoir centralisé est quasi nulle. Voir WORMALD J., «  Bloodfeud, Kindred and Government in Early Modern Scotland », in Past & Present, no. 87, mai 1980, pp. 54-97.

* 126 « {Où} logeait un certain David Chambers, valet de Bothwell, dont la porte dérobée donnait sur le jardin de la reine. Le reste qui ne saurait le deviner ? »

BUCHANAN G., Ane Detectiovn of the duinges of Marie Quene of Scottes, touchand the murder of hir husband, and hir conspiracie, adulterie, and pretensed mariage with the Erle Bothwell. And ane defence of the trew Lordis, mainteineris of the Kingis graces actioun and authoritie. Translatiti out of the Latine quhilke was written by G.B, Londres, 1571.

* 127 « ma dame Rerese, une femme de la plus grande lascivité, qui fut autrefois l'une des catins de Bothwell, et qui devint plus tard l'une des dames de chambre de la reine (...) {la conduisit dans la chambre de la reine} où il la força à se donner à lui. »

* 128 « Mais dame Rerese avait-elle réellement agi contre la volonté de la reine ? Il est tems de dévoiler la vérité. Car quelques jours après, la reine, tentant comme je le suppose de combattre le mal par le mal et de ravir à son tour son agresseur, envoya dame Rerese chercher Bothwell pour le faire prisonnier de sa majesté. »

* 129 STAINES J.D., The Tragic Histories of Mary Queen of Scots, 1560-1590, New-York, 2009, p. 41.

* 130 MACCAFFEY, The Shaping of the Elizabethan Regime, Princeton University Press, 1968, pp. 293-488.

* 131 MCFARLANE I.D., op. cit, p. 359-350.

* 132 « Car Bothwell avait une femme, et il aurait fallu attendre un long moment avant que le divorce ne soit prononcé, pendant ce temps la reine n'aurait pas pu l'avoir pour elle toute seule, ni même profiter de lui en secret, et en aucun cas elle n'aurait pu vivre sans lui. », BUCHANAN  G., A Detection of Mary Queen of Scots in The Tyranous Reign of Mary Stewart.

* 133 « Il semble que le fait que Bothwell ait contraint la reine par la force et par là même sauvé sa réputation soit une extraordinaire invention. »

* 134 STAINES J.D., op. cit, p. 38.

* 135 « Mais cela prouve bien le mépris qu'elle éprouvait à son égard : ce qui suit montre clairement son caractère inhumain, cruel et sa haine implacable. »

* 136 Les sources écrites de l'Antiquité et plus particulièrement les textes de Platon et Aristote transmettent l'idée selon laquelle le désir sexuel et la passion détourne l'homme de la raison et de la recherche du savoir. C'est pourquoi ils privilégient un amour platonique.

* 137 On retrouve ces idées dans la Genèse I et II.

* 138 JORDAN C., « Women's rule in sixteenth-century British political thought » in Renaissance Quarterly, vol. 40, n° 3, automne 1987, pp. 421-451.

* 139 WIESNER M., Christianity and sexuality in the early modern world : regulating desire, reforming practice, London, 2000, pp. 78.

* 140 « si le fait qu'elle reflète un caractère divin peut constituer la preuve qu'elle {la femme} possède toutes les qualités spirituelles que l'on attribue au genre masculin, on ne peut exclure la femme de la vie politique en se basant sur la doctrine {sous prétexte qu'il est écrit dans la Bible que la femme est la subordonnée de l'homme} »

LESLIE J., A Defence of the honour of Marie Quene of Scotlande, 1569, édité par D.M Rogers, Scholar Press, 1970, folios 129 à 149.

* 141 « Frater est un nom masculin (c'est ce que vous affirmez) donc les femmes doivent être exclues de la vie politique. Donc, si l'on suit ce raisonnement, les femmes n'ont pas le droit au salut, car il est dit dans les Saintes Ecritures que : Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé (...) Et selon ce raisonnement les femmes sont exclues des huit béatitudes (...) Celui qui déteste son frère est dans les Ténèbres (...) Devons-nous en déduire qu'il est possible d'haïr nos soeurs ? De ce fait le mot frère n'exclut pas les soeurs, et le mot roi dans les Ecritures n'exclut pas le mot reine. »

* 142 « J'affirme donc que c'est une tendance fausse et contraire à la nature que de faire de cette supposition une loi éternelle. La loi naturelle ou ius gentium est et a toujours été postérieure à la création des peuples et des nations ».

* 143 On pense au personnage de Marie Madeleine. Cette image de prostituée qui se repentit après avoir rencontré le Christ ne pouvait être associée à une reine. En effet, une reine catholique se devait d'être un modèle de chasteté, en accord avec le modèle que l'Eglise tentait d'inculquer aux femmes à l'époque moderne. Il est intéressant de noter que le prénom de la reine d'Ecosse renvoie directement à celui de la vierge, mais peut-être interprété, selon les attaques protestantes, comme une référence à Marie Madeleine. En un sens son nom renferme aussi bien le modèle de la femme chaste que celui de la femme passionnée. M. Wiesner offre une étude très détaillée des conventions admises par l'Eglise au 16ème siècle en ce qui concerne le domaine de la sexualité dans WIESNER M., Christianity and sexuality in the early modern world : regulating desire, reforming practice, Londres, 2000, pp. 58-100.

* 144 PERRONET M., Le XVIème siècle (1492-1620), Hachette Supérieur, Paris, 2005, p. 114.

* 145 Estimation basée sur les recherches de Michel Perronnet.

* 146 Salutem in Christo, Londres, 1571, in POLLARD et REDGRAVE, A Short Title Catalogue of Books Printed in England and of English Books Printed Abroad, 1475-1640, Londres, 1926, p. 11504 in PHILLIPS J.E., op. cit, p. 61.

* 147 DE GUTTERY G., L'Histoire et Vie de Marie Stuart, Paris, 1589, sig avii : « Buccanan (...) par deux fois a este Imprimé en Allemagne ». James Emerson Phillips rapporte également qu'à la Bibliothèque Morgan on trouve un manuscrit contemporain de la version latine du texte de Buchanan à l'intérieur d'un document original allemand (De Ricci, Census, II, 1504 no. MA 42) qui date le manuscrit de 1567.

* 148 LABANOFF, Lettres, instructions... de Marie Stuart, IV, 9, lettre du 10 décembre 1571, in PHILLIPS J.E., op. cit, p. 63.

* 149 « Quelques exemplaires des textes latins écrits par Buchanan devraient être présentés au roi de France ainsi qu'aux nobles de son Conseil, car ils participeront à la disgrâce de la reine d'Ecosse. »

Calendar of State Papers Foreign, 1569-1571, p. 570, no. 2159.

* 150 Calendar of State Papers Foreign, 1572-1574, p. 14, no. 27

* 151 « Ah, la pauvre idiote ne cessera donc ces activités que lorsqu'elle aura la tête coupée ! En vrai, je vous le dis, ils la feront exécutée. Je constate qu'elle est responsable de sa propre action et de sa propre folie. Je n'y vois aucun remède. Je voulais aider, mais si elle ne le désire pas, je ne puis mais. »

Sir Thomas Smith à Cecil, le 22 mars 1572 in PHILLIPS J.E., op. cit, p. 86.

* 152 STAINES J.D., op. cit, p. 75.

* 153 LANGER U., « The Renaissance Novella as Justice », Renaissance Quarterly numéro 42, 1999, pp. 311-341.

* 154 WILKINSON A.S., Mary Queen of Scots and French Public Opinion, 1542-1600, Londres, 2004, p. 94.

* 155 BARNAUD, Le Réveile-Matin, A5r-A6v, in WILKINSON A.S., op. cit, p. 95.

* 156 L'historien Andrew Pettegree dans ses recherches suppose que l'histoire contée par Barnaud a pu être à l'origine du thème de l'une des sculptures que l'on retrouve à Dénézé-sous-Doué. La sculpture représente le Cardinal de Lorraine, Catherine de Médicis, Mary Stuart et François II. Marie est représentée enfant, ce qui tend à accentuer la dépendance envers ses oncles. François II semble déjà couvert du linceul. La sculpture accentue l'influence des Guises et de Catherine de Médicis. Leurs personnages toisent le couple royal, alors que le pouvoir est censé être aux mais de ce jeune couple. Voir A.4 en annexe.

* 157 BARNAUD, op. cit, A8r, in WILKINSON A.S, op. cit, p. 97.

* 158 Certaines publications catholiques ont presque un dessein eschatologique. Les Quinze signes advenuz és parties d'occident, vers les royaumes d'Escosse & d'Angleterre publié en 1587 fait références aux quinze effusions de sang du Christ.

* 159 RONSARD, Elégies, livre III, OEuvres Complètes, Paris, 1949, v. 152-9. L'emploi du mot « image » élève Marie Stuart au rang d'icône. Sans la vouloir Ronsard présage du destin tragique de la reine, qui n'est plus qu'une « image » après 1587. En utilisant le mot « image » qui nous renvoie au mot icône Ronsard met en relief la religion catholique et oppose la reine aux Calvinistes iconoclastes, qui reprochent aux papistes leur idolâtrie.

* 160 GUY J., The True Life of Mary Queen of Scots, New-York, 2004, p. 121.

* 161 Ambassadeur anglais envoyé auprès de la reine d'Ecosse pour régler les problèmes divers qui représentaient une entrave à l'amitié des deux « soeurs ».

* 162 Calendar of State Papers, Foreign, 1566-1568, no. 508 in DUCHEIN M., op. cit, p. 217.

* 163 GUY J., op. cit, p. 447.

* 164 LOCKIE D., « The Political Career of the Bishop of Ross, 1568-80 », in University of Birmingham Historical Journal, vol. 4, 1953-4, p.102.

* 165 SOUTHERN S.C, Elizabethan Recusant Prose 1559-82, 1950, p. 310-2 in LOCKIE D., op. cit, p. 104

* 166 Selon la déclaration de Leslie : « The Book of the Defence of the Queene's Honour, Thomas Busshop (Bishop) made, by the information of the Lord Harris (Sir John Maxwell, Baron Herries, on of Mary's commissioners in England), before this Examinate's comyng into England ; and that Booke was reformid and encreased by Thomas Busshop, this Examinate, the Lord Harris, and others at the Conference at Westmynster » in « Interrogatories of the Bishop of Ross, October 26 nd 27, 1571 », MURDIN W., Collection of State Papers... left by William Cecil, Londres, 1740-1759, in PHILLIPS J.E., op. cit, p. 263.

* 167 « Deuxièmement, ils prétendent avoir en leur possession certaines lettres qui ont été écrite par sa majesté, grâce auxquelles ils espèrent interférer dans les présomptions d'innocence, comme se l'imaginent leurs esprits malingres »

* 168 « Jamais ils n'ont été capables de prouver quoi que ce soit de manière directe et légale, ainsi ils peuvent ternir la réputation de la reine, en insistant sur n'importe lequel des points cités précédemment ».

ROGERS D.M. (ed.), A Defence of the honour of Marie Quene of Scotland, 1569, Scholar Press, 1970, f.4.

* 169 MAHON R.H., The Indictment of Mary Queen of Scots, p. 10

* 170 « Quelques princes de notre royaume, parmi lesquels Henri VI, ont dans leurs grands malheurs trouvé réconfort, amitié, secours et soutien auprès des rois d'Ecosse. »

* 171 « Les gens de ce sexe abhorre naturellement ces pratiques grossières : assurément il est rare d'entendre que de telles pratiques sont l'apanage des femmes. »

* 172 LESLIE J., A Defence of the honour of Marie Quene of Scotlande, 1569, f. 7 et 8.

* 173 LESLIE J., op. cit, f. 14.

* 174 « Néanmoins une fois que vous avez tiré le meilleur avantage de ces lettres, de telles missives, qui ne contiennent aucune preuve d'actes illégaux ou d'actions ayant été perpétrées auparavant, ne faisant mention d'aucun des évènements passé, mais que l'on présume avoir été écrites à dessein et dans des circonstances particulières, l'on s'aperçoit que ces lettres ne peuvent représenter aucune preuve légale pour qui est assez sage. Elles représentent moins des preuves substantielles contre votre Souveraine et Prince que des preuves incriminant une pauvre femme ou simplement une pauvre créature venue d'Ecosse. »

Leslie, op. cit, f. 11

* 175 « J'ai lu dans les textes que le roi David était à la fois un homme infidèle et un meurtrier. J'ai aussi constaté que Dieu avait été contrarié par cette attitude. Mais je n'ai rien trouvé mentionnant qu'il avait été déposé par ses sujets. »

* 176 « Votre prétendue maxime énonce que, quiconque est né en dehors des frontières du royaume d'Angleterre ne peut hériter du trône anglais, laquelle maxime n'est que mensonge. Car n'importe quel étranger est en droit de réclamer l'héritage de terres situées dans votre royaume, comme il est écrit dans 7 et 9 du Roi Edouard IV. Depuis ce moment-là, comme le roi précité l'a décidé, l'héritage reste à la portée de l'étranger qui est capable de prouver sa légitimité dans l'ordre de la succession anglaise. »

* 177 « Dans les histoires et monuments africains, nous avons lu l'exemple de la reine Didon, de Cléopâtre d'Egypte et de diverses autres reines africaines. » ; « Donc j'ai prouvé de manière assez persuasive, comme je le suppose, que ce type de pouvoir n'est pas contre-nature en apportant des exemples antiques, et en montrant la continuelle validité de ce type de pouvoir en Asie, en Afrique et en Europe, dans ces trois continents. »

* 178 « La loi et l'usage ne peuvent opposer à la loi naturelle, ou ius gentium, ce que la plupart des pays, et ce que la plus grande partie du globe considère comme légitime. Comme cette loi et cet usage ont cours, Ergo, ils ne sont pas contraires à la loi naturelle. »

* 179 LOCKIE D., op. cit, p. 124.

* 180 Le texte est d'abord présenté à la conférence de Westminster en Novembre 1568 sous le titre De Maria Scotorum Regina, totaque eius contra Regem coniuratione, foedo cum Bothuelio adulterio, nefaria in maritum crudelitate & rabie, horrendo insuper & deterrimo eiusdem parricidio : plena & tragica planè Historia. On note que Buchanan est le premier à qualifier l'histoire de la reine comme histoire tragique. Le terme fait référence à la chute des grands personnages par laquelle « l'attitude malveillante et scandaleuse des Princes est réprimandée ». PUTTENHAM G., The Arte of English Poesie, édité par Edward Arber, Londres, 1906, I.XV.48 in STAINES J.D., op. cit, p. 36.

* 181 L'initiative est aussi connue sous le nom de complot de Throckmorton. Dans A discouerie of the treasons... by Francis Throckmorton (1584), auquel James Emerson Phillips fait référence, il est fait mention des papiers que Throckmorton avait sur lui lors de l'arrestation : « twelue petidegrees of the discent of the Crowne of England, printed and published by the Bishop of Rosse, in defence of the pretended title of the Scottishe Queene his Mistresse, with certaine infamous libelles against her Maiestie printed and published beyond the seas... ». Les travaux de John Leslie que transportait Throckmorton étaient sûrement des copies de la dernière édition de Defence of the honour etc.

* 182 MASON R.A, « George Buchanan and Mary Queen of Scots », in Scottish Church History Society, n. 30, 2000, p. 18.

* 183 « De George Buchanan au roi d'Ecosse Jacques, sixième du nom, souhaite santé et bonheur. »

BUCHANAN G., De Jure Regni apud Scotos, Dialogus, (First Edition (?), 1571). Le texte est en latin, notre étude se base donc sur une traduction en anglais du professeur Dana F. Sutton, De Iure Regni apud Scotos, Université de Californie, 2007.

* 184 « Ainsi, lorsque vous vous adressez à ce genre de personnes, très tonitruantes et excessivement gênantes, demandez-leur ce qu'elles pensent du châtiment réservé à Caligula, Néron ou Donatien, je pense que pas une seule, si attachée soit-elle à la fonction royale, n'osera vous dire qu'il ne s'agissait pas d'une juste punition. »

* 185 MASON R.A., op. cit, p. 20.

* 186 « Pensez-vous qu'il ait existé une époque durant laquelle les hommes vivaient sous de simples abris ou même dans des grottes, ayant élus domicile ici pour un temps et vivant sans loi, errant en bande comme des vagabonds, se réunissant lorsqu'ils en avaient envie ou bien pensez-vous que quelque avantage ou quelque intérêt commun les ont poussé à se réunir ? »

* 187 BUCHANAN G., De Iure..., pp. 6-7

* 188 SALMON J.H. M, Renaissance and Revolt, Essays in the intellectual and social history of early modern France, « An alternative theory of popular resistance : Buchanan, Rosseau, and Locke. », Londres, 1987, p. 141.

* 189 « Vous rappelez-vous de ce que nous avons dit en amont, qu'une congrégation ressemble à un corps humain, que les troubles sociaux sont comme des maladies et qu'un roi est semblable à un médecin ? Si nous comprenons bien quelle est la tâche du médecin, je pense qu'il faut être clair en ce qui concerne les devoirs du roi, (...) il incombe aux deux une double responsabilité. La première est de maintenir le corps en bonne santé, l'autre est de le guérir lorsqu'il est affaibli par la maladie. »

* 190 « « Car l'autorité constituée pour assurer le service public tourne à la domination égoïste. »

* 191 BUCHANAN G., De Iure, p. 10-11.

* 192 SALMON J. H M., op. cit, p. 142.

* 193 BUCHANAN G., De Iure, p. 49.

* 194 « Avertir Buchanan du danger encouru par la publication sans notre consentement de son livre, lequel aborde des problèmes qui touchent au fonctionnement de notre nation. »

STAINES J.D, op. cit, p. 49.

* 195 L'ordre de Saint Michel est l'ordre le plus important dans la chevalerie française.

* 196 Après l'exécution de Marie Stuart la représentation littéraire peut aussi s'accompagner d'une représentation picturale de la reine en martyre. Voir A.5 en annexe.

* 197 Voir DERMENJIAN G., GUILHAUMOU J. et LAPIED M. (dir.), Le Panthéon des femmes, figures et représentations des héroïnes, édition Publisud, 2004, pp. 29-30.

* 198 DERMENJIAN G., GUILHAUMOU J. et LAPIED M. (dir.), op. cit, pp. 36 et 39. Voir aussi l'article de Nicole Cadène, « L'histoire au féminin : la vie de Marie Stuart par Agnès Strickland », Romantisme, n° 115, 2002, p. 41-52. Nicole Cadène décrit comment les historiens français pardonnaient ses fautes à Marie Stuart, comme s'ils avaient eux-mêmes étaient charmés par ses atours. Cependant Agnès Strickland, historienne britannique et tory offre une toute autre vision de Marie Stuart. Son étude exhaustive des sources et sa détermination à prouver que Marie Stuart n'était pas qu'une femme amoureuse la conduisent à montrer que l'exercice du pouvoir féminin est possible et que Marie Stuart était une reine qui savait régner. En témoigne son choix de ne pas accorder la couronne matrimoniale à Darnley pour, selon Strickland, rester maîtresse de son royaume. Cette vision nuance l'image de femme martyre ainsi que celle de femme immorale et adultère.






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams