Universite du Maine Faculte de Lettres,
Langues et Sciences humaines Master 2 recherche en sciences humaines et
sociales Mention geographie & amenagement Specialiti Politiques
territoriales de developpement durable
Regards sur la traduction juridique
du developpement durable
L'exemple du marche public de
restauration scolaire de Strasbourg
Itlemoire dirige par
Mme le professeur Jeannine Corbonnois
Cyrille Emery
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont
propres à leur auteur et n'engagent pas l'Université du
Maine.
Université du Maine
Faculté de lettres, langues et sciences
humaines
Master 2 recherche en sciences humaines et sociales
Mention géographie &
aménagement
Spécialité politiques territoriales de
développement durable
Regards sur la traduction juridique
du développement durable
L'exemple du marché public de
restauration scolaire de Strasbourg
Cyrille Emery 2010
Mémoire dirigé par
Mme le professeur Jeannine
Corbonnois
ABREVIATIONS
AJDA Actualité juridique du droit
administratif
Bull. Bulletin (civil ou criminel de la Cour de
cassation)
CA Cour d'appel
CAA Cour administrative d'appel
Cass. Cour de cassation
Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Cons. cone. Conseil de la concurrence
(Autorité de la concurrence)
CE Conseil d'État
CE Ass. Assemblée du contentieux du Conseil
d'État
CE Sect. Section du Conseil d'État
CEE Communauté économique
européenne
Chr. Chronique
CJCE / CJUE Cour de justice des Communautés
européennes / Cour de justice de l'Union européenne
Concl. Conclusions
D. Recueil Dalloz
D. Aff. Recueil Dalloz Affaires
Dr. adm. Revue Droit administratif
GAJA Grands arrêts de la jurisprudence
administrative
Gaz. Pal. Gazette du Palais
JO Journal officiel de la République francaise
JOCE / JOUE Journal officiel des Communautés
européennes / Journal officiel de l'Union européenne
JOAN Journal officiel de l'Assemblée nationale
Obs. Observations
Rec. Recueil
RDP Revue de droit public
RFDA Revue francaise de droit administratif
Sect. Section
TA Tribunal administratif
TC Tribunal des conflits
TCE Traité instituant la Communauté
européenne (Traité de Rome)
SOMMAIRE
Sommaire détaillé en fin de document.
I. La difficile traduction juridique du developpement
durable............................................ 6
A. Developpement durable : des definitions
multiples....................................................................10
Une definition
po/ysemique............................................................................................................................11
Les trois pi/iers du deve/oppement
durab/e............................................................................................12
La soutenabi/ite forte et /a soutenabi/ite
faib/e......................................................................................13
Une notion diffici/e a traduire
juridiquement.........................................................................................15
B. Enjeux et debats
.......................................................................................................................................16
Un constat qui ne fait pas /'unanimite
........................................................................................................16
Une experience ma/heureuse : /e droit du
deve/oppement...............................................................19
Faut-i/ poser /a question autrement
7.........................................................................................................20
C. La bonne echelle spatiale : l'echelle territoriale
...........................................................................31
L'Etat n'est sans doute pas /a bonne
eche//e............................................................................................31
Un substitut : /a gouvernance
territoria/e.................................................................................................38
II. La traduction juridique du developpement durable a l'echelle
territoriale ............40
A. L'exemple du locavorisme
....................................................................................................................41
La preference /oca/e : une mode promise a un be/ avenir
.................................................................43
La preference /oca/e : une mode interdite par /e
droit........................................................................47
Deve/oppement durab/e et
/ocavorisme....................................................................................................51
L'interdiction imp/icite du x de/oca/isme »
..............................................................................................52
B. Le marche public de restauration scolaire de
Strasbourg.........................................................54
Adoption d'un P/an c/imat
territoria/..........................................................................................................54
Les caracteristiques du
marche.....................................................................................................................56
Les enseignements du marche
strasbourgeois.......................................................................................65
Conclusion............................................................................................................................................67
I. La difficile traduction juridique du
développement durable
Ç Depuis le début de l'humanité, on sait
qu'il faut adapter des règles générales aux cas
particuliers : c'est ce que font quotidiennement les gouvernements des
États. Il y a une interdépendance entre tous les niveaux de
l'espace È1 (i-P. Paulet).
A l'issue du sommet de Copenhague, les États ont
démontré leur relative incapacité à s'accorder sur
des objectifs contraignants. S'ils acceptent volontiers de reconna»tre
l'urgence qui s'attache à de nouvelles formes de développement
économes en carbone et en ressources naturelles, ils peinent à
traduire ce constat en objectifs. Et à transformer ces objectifs en une
production normative, c'est-à-dire en droit.
Pour ce qui concerne la France, les 257 articles de la loi
2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement2 (Grenelle II) constituent néanmoins un
engagement substantiel et cohérent en faveur de la traduction juridique
des objectifs de développement durable.
L'article 254 de la loi souligne ainsi, qu'Ç en
référence à ses engagements internationaux et nationaux en
matière de territoires et de villes durables, l'État encourage
les projets territoriaux de développement durable et les agendas 21
locaux portés par les collectivités territoriales ou leurs
groupements È. Ë cette fin, l'État pourra conclure en vertu
de la loi, des conventions territoriales particulières pour fixer des
modalités d'accompagnement d'ordre technique et financier de ces
projets.
Le projet de recherche ici présenté porte sur la
traduction des objectifs du développement durable dans les textes
normatifs, de l'échelon international à l'échelon
territorial. Il part d'un constat que personne (ou presque) ne conteste. Depuis
cinquante ans, l'humanité est entrée dans une phase sans
précédent de son histoire :
Ç En 2007, pour la première fois,
l'espèce humaine est devenue majoritairement urbaine. La population
mondiale s'accro»t de 70 millions d'individus par an. La survie de plus de
la moitié de la population mondiale est menacée par la hausse du
niveau marin. 1,2 milliard d'individus sont touchés par les risques de
désertification. 1 milliard
1 Paulet (J.-P.), Géographie urbaine, Paris,
éditions Armand-Colin, 2009, p. 112.
2 JO 13 juillet 2010 ; Le Moniteur des travaux publics et du
b%otiment, 23 juillet 2010, cahier détaché n2.
d'individus n'ont pas accès à une eau saine. 930
millions de personnes vivent dans des bidonvilles. Depuis 1960, l'empreinte
écologique de l'homme a triplé ; l'utilisation des pesticides a
été multipliée par 4 ; la banquise a fondu à 40 %.
50 % des espèces vivant sur Terre pourraient avoir disparu d'ici 2100
>>3.
A ce rythme, la plupart des experts affirment que le
développement économique actuel n'est plus soutenable ; et qu'il
nous conduit tout droit à l'ab»me. Depuis plus de quarante ans, des
universitaires, des politiques, des chercheurs de tous horizons, se mobilisent
pour alerter l'opinion mondiale.
En 1968, les fondateurs du Club de Rome ont demandé
à des chercheurs du Massassuchetts Institute of Technology (MIT), et
notamment au professeur Dennis Meadows et à son épouse Donnella,
de rédiger un rapport sur les limites de la croissance. En 1972, ce
rapport intitulé Ç Limits to Growth >> dresse un constat
sombre pour l'avenir de l'humanité. De cette analyse, conduite à
partir d'un modèle mathématique, il résulte que si les
hommes ne modifient pas sensiblement leurs modes de vie, si la croissance
démographique se poursuit et si les ressources non renouvelables sont
pillées à un rythme aussi effréné,
l'humanité court inévitablement à sa perte.
La réputation des rédacteurs du rapport, celle
des membres éminents du Club de Rome et la date de la publication du
rapport - un an avant le premier choc pétrolier - firent de ce document
un best-seller mondial vendu à quinze millions d'exemplaires.
Les chocs pétroliers et la crise des ressources
naturelles et des matières premières semblent pour le moment
avoir donné raison aux auteurs du rapport. Le professeur Dennis Meadows
a actualisé en 2004 les conclusions initiales auxquelles il était
parvenu. Celles-ci demeurent identiques, voire plus alarmistes qu'elles ne
l'étaient à l'origine.
Parallèlement, la stabilité du monde,
consécutive aux accords de Yalta et à la guerre froide, a
volé en éclat avec l'effondrement du mur de Berlin. La
disparition de l'empire soviétique a laissé face à face
des pays occidentaux, riches mais éprouvés par plusieurs chocs
pétroliers, et une recherche incessante des matières
premières, les pays de l'ExUrss, ruinés par cinquante ans de
Ç communisme >>, et des pays en développement ou
émergents dont le destin est, à ce jour encore, incertain.
3 Citoyens de la Terre, Palais de l'Élysée, 2
février 2007.
C'est à cette période qu'appara»t la notion
de développement durable (qui était déjà
utilisée dans le rapport << Meadows È) : à la fois
comme une réponse à la question environnementale (y compris celle
de la ma»trise des ressources), et comme une réponse à la
question du déséquilibre entre nations riches et pays pauvres.
Créée en 1983 au sein des Nations Unies, la
Commission mondiale pour l'environnement et le développement (CMED) a
rendu un rapport présenté par Mme Gro Harlem Bruntland en 1987.
Ce rapport, dénommé << Notre avenir à tous È,
eut un retentissement planétaire, et on lui doit d'avoir
popularisé la notion de développement durable.
Aujourd'hui, tous les pays, toutes les entités
publiques régionales ou locales, réfléchissent et
préparent l'avenir de l'homme sur la Terre. Mais si la prise de
conscience est réelle, elle est encore récente. Et les solutions
contestées.
Ë ce stade, on se demande si le développement
durable va rester à l'état de projet utopique, ou bien s'il va
finir par prendre corps dans nos sociétés. De ce point de vue, le
niveau d'intégration (ou la mesure de l'intégration) du
développement durable dans notre droit international, national puis
local (par voie contractuelle ou unilatérale), peut être
révélatrice de la volonté des pouvoirs publics d'en faire
le paradigme de leurs politiques publiques.
Jusqu'à ce jour, le développement durable
n'était pas vraiment apparu comme un élément obligatoire
pour la mise en Ïuvre des politiques publiques, notamment au niveau
territorial. Jusque là en effet, seul le code des marchés
publics, depuis l'entrée en vigueur du décret du 1er aoüt
2006, imposait explicitement aux collectivités publiques de prendre en
compte les objectifs du développement durable dans leurs
décisions d'achat (article 5). Mais ce code ne donnait aucune
définition du développement durable.
Des ministères ont été
créés, des constats établis, des << Grenelle
È organisés, des engagements pris. Mais si ces engagements ne se
transforment pas en une production normative, c'est-à-dire en un corpus
d'obligations (ou de responsabilités) assorties de sanctions, alors les
déclarations, les discours ou les accords ne serviront à rien.
C'est à ce constat désabusé que la loi du
12 juillet 2010 (Grenelle II) apporte partiellement une réponse.
Complétant le code de l'environnement, elle vient ajouter à
l'article L. 110-1 dudit code un III et IV libellés de la manière
suivante :
Ç III. L'objectif de développement durable, tel
qu'indiqué au II, répond, de facon concomitante et
cohérente, à cinq finalités :
1° La lutte contre le changement climatique ;
2° La préservation de la biodiversité, des
milieux et des ressources ;
3° La cohésion sociale et la solidarité
entre les territoires et les générations ; 4°
L'épanouissement de tous les êtres humains ;
5° Une dynamique de développement suivant des
modes de production et de consommation responsables.
IV. L'Agenda 21 est un projet territorial de
développement durable. È
Les dispositions contenues à l'article 253 de la loi du
12 juillet 2010 contiennent ainsi des affirmations qu'on ne saurait contredire
et qui ne peuvent que rallier la majorité des suffrages. Si leur valeur
est incontestable, leur portée est néanmoins
particulièrement faible. On ne voit pas comment il sera possible de
sanctionner le non respect d'objectifs de développement durable,
traduits par cinq finalités dont le contenu est aussi
généreux qu'impossible à appréhender en
droit4.
Comme l'explique le professeur Jacques Chevalier, Ç la
norme juridique est à la fois le produit de rapports de force politiques
et un instrument privilégié d'objectivation de l'ordre politique
et de régulation des comportements politiques È (J. Chevalier,
Paris, CURAPP, 1993, p. 5). Ë ce stade, on voit bien que la loi
révèle le consensus produit par les deux Ç Grenelle
È successifs et qu'elle opère en effet une objectivation de
l'ordre politique autour de priorités nationales. On ne voit pas comment
appliquer ces dispositions juridiquement.
4 On pourrait naturellement soulever dans un litige l'absence
d'Agenda 21 au niveau territorial. Mais l'Agenda 21 n'est pas rendu obligatoire
par ces dispositions. Et aucune sanction n'est prévue en cas d'absence
de ce document.
Pierre Lascoumes ajoute qu'une analyse de l'action publique
dans laquelle le droit prend toute sa place s'impose dans le domaine du droit
de l'environnement, oü il est démontré que la loi ne saurait
être réduite à un impératif et à son
application, qu'une << politique ne peut ainsi être
résumée à un ensemble de commandements et que les
activités d'interprétation et de mobilisation par les
différentes catégories d'acteurs sociaux sont
déterminantes dans la réalisation des objectifs
>>5. Mais justement, oü est cet << ensemble de
commandements >> qui caractérise le droit ?
Le professeur Jacques Commaille explique, pour sa part, que
<< le jeu des règles de droit ou avec elles lors des mises en
Ïuvre des politiques peut faire également l'objet d'approches
croisées, de même que l'évaluation des politiques publiques
est susceptible d'appara»tre indissociable d'une évaluation
législative, la recherche de l'efficacité du droit étant
liée à celle de l'efficacité des politiques
concernées >>6. L'idée que le droit est la
traduction d'objectifs politiques et que leur évaluation permet à
son tour de modifier le droit est incontestable. Encore faut-il que l'on ait
une définition de ce que pourrait être le développement
durable. Car, ce qui est remarquable, c'est que la loi en France utilise les
termes de développement durable, mais elle se garde de les
définir.
A. Développement durable : des définitions
multiples
Il est admis en général que la première
occurrence des termes << développement durable >> date de
1980 Dans un document intitulé << stratégie mondiale de la
conservation >>, des organismes internationaux, dont le programme des
Nations Unies pour l'environnement (PNUE), énoncent que, << pour
que le développement soit durable, il doit prendre en
considération des facteurs sociaux et écologiques ainsi que des
facteurs économiques, la base des ressources vivantes et non vivantes et
les avantages et les inconvénients à long et à court
termes des mesures de rechange possible. >> Mais d'autres
définitions de cette notion existent, à commencer par celle issue
du Rapport Bruntland en 1987, qui est communément admise.
Le concept de développement durable repose à la
fois sur des facteurs environnementaux et sur des facteurs économiques
et sociaux qui en sont inséparables. On distingue en
général la << soutenabilité forte >> et la
<< soutenabilité faible >>.
5 P. Lascoumes, L'Eco-pouvoir, environnements &
politique, Paris, La Découverte 1994, p. 3.
6 J. Commaille, << Droit et politique >> in
Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy et PUF, 2003, p.
480.
L'exemple du marché public de restauration scolaire
de Strasbourg A.1. Une définition polysémique
Il n'existe pas à proprement parler de
définition unique du développement durable au niveau
international. En 1989, un membre de la Banque mondiale, John Pezzey, recensait
37 acceptions possibles des termes «sustainable
development»7. Toutefois, on s'accorde en général
sur la définition issue du Rapport Bruntland en 1987 : << Le
développement durable est un développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs >>.
Mais la notion même de << développement
durable >> est parfois critiquée. Elle ne rendrait pas compte en
effet, de toutes les nuances contenues dans la notion anglosaxonne de <<
sustainable development >>, ou << développement soutenable
>>. La notion de développement durable peut effectivement
être prise, en anglais, dans le sens d'une croissance économique
qu'il s'agir de faire durer, alors qu'il s'agit au contraire d'adopter un mode
de croissance plus respectueux de l'homme et de son environnement, et non pas
de faire << durer >> la croissance pour elle-même. En
dépit de ces critiques, les termes de développement durable sont
aujourd'hui couramment utilisés.
La notion de développement durable contient deux
perspectives : l'une inter générationnelle et l'autre intra
générationnelle. On appelle encore ces deux axes, la
solidarité horizontale (entre même générations), et
la solidarité verticale (entre générations successives).
Ainsi entendue, la notion de développement durable contient à la
fois l'idée selon laquelle nous devons laisser aux
générations futures de quoi subvenir à leurs propres
besoins, et celle qui vise à permettre à toutes les populations
d'une même génération de parvenir à disposer d'un
minimum de ressources et de droits (ce qui concerne plus
particulièrement les pays en développement ou les pays
émergents.)
Enfin, la notion de développement durable s'appuie
traditionnellement sur trois piliers : économique, social,
environnemental, ce dernier étant souvent mis en exergue. Dans la mise
en Ïuvre des politiques de développement durable, on distingue
généralement la << soutenabilité >> forte et
la << soutenabilité >> faible.
7 Pezzey (J.), Economic analysis of sustainable growth and
sustainable development, World Bank, Environment Department, Working Paper
n 15.
Regards sur la traduction juridique du développement
durable A.2. Les trois piliers du développement durable
Définissant une solidarité inter et intra
générationnelle, le développement durable repose sur trois
piliers (ou volets).
Le premier volet s'intéresse à l'environnement.
Il est lui-même abordé sous trois angles complémentaires :
le climat (atmosphère et interactions, avec les océans
notamment), la biodiversité (diversité des espèces
animales et végétales) et les ressources naturelles (eau,
ressources dites fossiles et naturelles). Le volet environnemental est celui
qui identifie le mieux le concept de développement durable, mais l'on
aurait tort de le limiter à cet aspect.
Deux autres volets sont en effet indissociables :
l'économique et le social. Sur ces deux plans, le développement
durable (ou soutenable) reste, il faut le rappeler, l'une des formes possibles
du développement, mais il y en a d'autres. Dans le modèle issu du
Rapport Bruntland, il ne s'agit pas de refuser la croissance économique
comme moteur du développement. La croissance est en effet indispensable
pour permettre, d'une part, l'émergence des pays pauvres et, d'autre
part, pour soutenir l'innovation technologique et scientifique. Celle-ci doit
en effet permettre à l'humanité de dépasser les limites
physiques inhérentes aux ressources que dispense la planète.
Ainsi comprise, la croissance économique est envisagée sous la
forme de deux défis indissociables et elle est assortie d'une limite.
Premier défi de la croissance : aider l'émergence des pays en
développement. Deuxième défi : stimuler l'innovation. La
limite : ne pas affecter de manière irréversible le capital de
ressources naturelles disponible sur terre.
Le volet social, enfin, vise à répartir
équitablement les fruits de cette croissance Ç soutenable
È, en permettant aux populations d'une même
génération de disposer au moins du minimum de droits (les droits
de l'Homme) et du minimum de ressources nécessaires pour sortir de la
pauvreté (eau, énergie, alimentation). Il s'agit également
de faire en sorte que, d'une génération à l'autre, la
répartition de ces droits et de ces ressources s'améliore.
Ainsi entendu, le développement durable est un
véritable défi lancé à l'humanité tout
entière.
Le'gende : Les trois piliers du de'veloppement
durable
Pour Ludovic Schneider, il conviendrait d'ajouter à ce
schéma un quatrième cercle relatif à la
gouvernance8.
A.3. La soutenabilité forte et la
soutenabilité faible
Parmi ceux qui soutiennent le concept de développement
durable, il existe encore des nuances. On distingue en effet les partisans de
la Ç soutenabilité forte >> et les partisans de la Ç
soutenabilité faible >>.
Pour les tenants d'une soutenabilité faible, il est
possible de poursuivre dans la voie de la croissance tant que les ressources
détruites par l'économie sont substituables entre elles. Ainsi,
pour l'économiste Robert Solow9, si la croissance
épuise les ressources en pétrole, une nouvelle ressource
énergétique, dégagée par l'augmentation des marges
sur l'approvisionnement en énergie, prendra le relais. Et ainsi de
suite. Il n'y a donc pas de limite à la croissance, du moins tant qu'il
se trouve des ressources substituables. L'innovation technologique peut en
outre prendre le relais des ressources non renouvelables : ainsi en va-t-il du
nucléaire, une nouvelle forme d'énergie due au
8 Schneider, L., Le développement durable territorial,
Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 6.
9 Solow, R., Growth Theory : An Exposition, Oxford
University Press, 2000.
progrès scientifique. Les partisans de cette
thèse vont jusqu'à affirmer que la croissance économique
est bénéfique pour l'environnement. Gene Grossman et Alan
Krueger, professeurs à Princeton, tentent de démontrer que la
< courbe de Kuznets >> est applicable au phénomène de la
pollution10. Ainsi, pour ces auteurs, après une
période d'augmentation, la pollution finit par atteindre un point
culminant, puis par décroitre. Cela s'explique selon eux parce que,
à partir d'un certain niveau de pollution, la substitution de ressources
ou de process moins polluants devient rentable, et qu'elle est donc
préférée par les agents économiques.
Les tenants de la < soutenabilité forte >>
estiment, pour leur part, qu'un grand nombre de ressources ne sont pas
substituables entre elles, à commencer par l'eau. Ils considèrent
que la croissance économique ne doit pas affecter le capital de
ressources naturelles disponible sur terre. Ils constatent que l'empreinte
écologique de l'homme ne cesse de s'étendre, et que la <
courbe de Kuznets >> n'existe pas pour la plupart des déchets et
des pollutions ayant un caractère global11. L'économie
doit donc s'adapter, en se soumettant à une régulation ou
à une réglementation appropriée. On en revient à la
question du droit.
Mais il ne faut pas oublier les adversaires du
développement durable. Certains, partisans d'une sorte de théorie
du complot, estiment que la planète n'est nullement en danger et que le
concept est exploité à des fins politiques ou commerciales. Pour
d'autres, au contraire, le développement durable est un alibi
démagogique pour ne rien faire. Ce sont les partisans de la
décroissance ; ils estiment que la planète ne peut plus supporter
le pillage dont ses ressources font l'objet. Pour eux, il n'est plus question
de développement durable, c'est-à-dire au fond de < croissance
durable >>, mais bien d'une décroissance durable. Telle est la
thèse de l'économiste Nicolas Georgescu-Roegen12.
Ë défaut d'une définition juridiquement
admise, on peut sans doute s'en tenir pour le moment à la
définition politiquement admise : < Le développement durable
est un
10 Grossman et Krueger, Environmental Impacts of a North
American Free Trade Agreement, Cambridge MA, 1991.
11 Voir par exemple, Robert Underwood Ayres, professeur
à l'Insead (Fontainebleau). Selon lui : < It is possible to have
economic growth - in the sense of providing better and more valuable services
to ultimate consumers - without necessarily consuming more physical resources.
This follows from the fact that consumers are ultimately not interested in
goods per se but in the services those goods can provide. The possibility of
de-linking economic activity from energy and materials ("dematerialization")
has been one of the major thèmes >>.
12 Voir La décroissance. Entropie, écologie,
économie, Paris, éditions Sang de la terre, trad. par J.
Grinevald et I. Rens, 1979.
développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs >> (Gro
Harlem Bruntland, Notre futur à tous, ONU CMED 1987). Au regard
de ce qui précède, on voit bien qu'une telle définition
est très incomplète.
A.4. Une notion difficile a traduire juridiquement
Pour Carmine Camerini, < la notion de développement
durable ne peut pas être conçue simplement comme point
d'équilibre entre le système écologique et le
système économique car il est tout à fait inutile de
satisfaire les besoins de la nature et d'oublier les besoins des êtres
humains. La notion de développement durable reste de ce point de vue une
notion anthropocentrique qui renouvelle la relation de l'Homme avec le Temps,
en déployant ses effets sur le futur et en restreignant l'importance du
présent >>13. Ë ce stade, le concept est trop
large, trop théorique, pour faire l'objet d'une traduction juridique.
Cela tient sans doute au fait que le développement
durable est le fruit d'une pensée complexe. D'après Guy Loinger,
< le développement durable est une pensée de l'interface entre
les systèmes, et d'une interface forte. A la fois entre les champs des
trois sphères de base de la notion de développement durable (NDLA
: environnemental, économique et social) mais également et
surtout en termes d'articulation entre ces notions du point de vue des logiques
sociales, des systèmes institutionnels et politiques, et des
systèmes organisationnels, et cela à travers les logiques du
temps d'une part, et les logiques de l'espace d'autre part. D'oü cette
idée, à savoir que cette notion est la forme pratique, au sens de
praxis, de la pensée complexe. Le développement durable, c'est la
mise en pratique de la pensée complexe >>14.
Pour d'autres encore, il s'agit d'un < processus
spécifique de développement qui permet de < répondre
aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les
générations à venir de satisfaire les leurs >> (NDLA
: Rapport Bruntlnad, 1987) (É) Née du constat que le mode de
fonctionnement de la sphère économique risque de compromettre
à plus ou moins brève échéance
l'habitabilité de la Terre, la notion de
13 Camerini (C.), Les fondements
épistémologiques du développement durable entre physique,
philosophie et éthique, éd. L'Harmattan 2003.
14 Loinger (G.), < Leçons des expériences
récentes d'indicateurs territorialisés du développement
durable dans le champ de la gouvernance locale >> in La dynamique de
l'évaluation face au développement durable, Limoges 2003,
éd. L'Harmattan 2004
développement durable vise à fonder une pratique
écologiquement et socialement responsable de la vie économique
>>15.
Est-ce à dire que le développement durable
serait un concept flou, inapte à recevoir une traduction juridique
impliquant des comportements déterminés de la part des acteurs
concernés ? C'est ce que pense Mme Bürgenmeier : Ç De
nombreuses interprétations nourrissent des controverses sur le
développement durable. Un chercheur à la Banque mondiale a
dénombré plus d'une vingtaine de définitions du
développement durable qui sont utilisées actuellement (Pezzey,
1980). Le concept défini au sein de l'ONU reste donc flou et ne se
clarifie que par l'action politique qui cherche à le rendre
opérationnel>>16.
Ë défaut de définir le développement
durable, il faudrait à l'inverse recenser les politiques publiques qui
contribuent au développement durable et en dresser l'inventaire. Encore
faut-il être d'accord sur les objectifs en question, et c'est peu dire
que le consensus ne règne pas au sein de la communauté
internationale.
B. Enjeux et débats
B.1. Un constat qui ne fait pas l'unanimité
L'urgence du développement durable repose sur
l'affirmation préalable d'un constat, dont l'établissement
suppose lui-même la réponse à trois questions.
Première question : y a-t-il oui ou non une dégradation de la
nature dans la période contemporaine ? Deuxième question : si
dégradation il y a, celle-ci trouve-t-elle oui ou non son origine dans
l'activité humaine (facteur anthropique) ? Enfin, troisième
question : s'agit-il oui ou non d'un phénomène
irréversible ?
Pour la grande majorité des scientifiques, le
dérèglement climatique et l'épuisement des ressources
naturelles trouvent leur origine dans l'activité humaine, et les deux
phénomènes présentent des risques
d'irréversibilité. La loi du 12 juillet 2010, dite Ç
Grenelle II >>, ne dit pas autre chose : Ç L'objectif de
développement durable répond (É) à cinq
finalités : 1 La lutte contre le changement climatique >>. Les
experts ne contestent pas, de manière générale,
l'existence de cycles naturels (variabilité naturelle),
15 Maréchal (J.-P.), Ç Développement durable
>> in Dictionnaire des risques, Paris, sous la direction d'Yves
Dupont, éditions Armand Colin 2004.
16 Bürgenmeier (B.), Économie du
développement durable, Bruxelles, éditions de Boeck,
2ème édition 2005.
et notamment une activité solaire plus intense ces
dernières années ; mais de tels phénomènes ne
suffisent pas, selon eux, à expliquer l'évolution récente
du climat et de l'état des ressources naturelles. En d'autres termes,
l'homme aggrave fortement l'évolution actuelle du climat et de
l'état des ressources disponibles.
Pour une minorité d'experts cependant, les
données obtenues depuis quelques dizaines d'années seulement ne
peuvent être interprétées sur une longue période et
ne révèlent pas d'irréversibilité. La concentration
en CO2 n'évolue pas, selon eux, en fonction des activités
humaines, mais principalement en raison de l'interaction entre les
océans et l'air (par absorption ou rejet de CO2 en fonction de la
température). Le facteur anthropique serait négligeable, c'est
notamment la thèse du professeur Claude Allègre.
Par ailleurs, comme on l'a vu, les plus optimistes
considèrent que la pollution, qui est réelle, suit une Ç
courbe de Kuznets È, c'est-à-dire qu'après une
période d'augmentation, elle devrait baisser en raison d'un
phénomène d'allocation des ressources aboutissant à
combattre les effets de cette pollution.
Peut-on contribuer à définir des objectifs, des
politiques et une gamme d'instruments juridiques à partir d'un constat
aussi peu consensuel ? Pour tenter de mettre tout le monde d'accord sur le
constat, un rapport dénommé Millenium Ecosystem
Assesment a été publié en 2005, à la demande
du Secrétaire général des Nations Unies. Ce travail, l'un
des plus importants entrepris par l'humanité depuis ses origines, a
permis d'obtenir des résultats concrets, à la fois en ce qui
concerne l'état des ressources naturelles et de l'évolution du
climat.
Que dit le rapport ? S'agissant de l'eau, le rapport affirme
que la quantité d'eau extraite des rivières et des lacs pour
l'irrigation, les besoins domestiques et l'usage industriel a doublé au
cours des 40 dernières années. Il précise que, depuis le
début des années 1980, environ 35 % des mangroves ont disparu, 20
% des coraux dans le monde ont été détruits et 20 % de
plus ont été sérieusement dégradés. Ces
constituants essentiels des écosystèmes avaient mis plusieurs
centaines, voire plusieurs milliers d'années à se constituer.
Les auteurs du rapport constatent également que les
activités humaines produisent aujourd'hui plus d'azote utilisable
biologiquement que tous les processus naturels combinés, et que plus de
la moitié des engrais azotés manufacturés jamais
utilisés ont
été appliqués depuis 1985. Le rapport
constate que l'afflux d'azote dans les océans a doublé depuis
1860 ; que l'utilisation d'engrais phosphorés et le taux d'accumulation
du phosphore dans les sols agricoles ont triplé entre 1960 et 1990.
En ce qui concerne les aspects économiques et sociaux
du développement durable, le rapport note qu'en 2001, 1 milliard de
personnes survivaient avec un revenu inférieur à un dollar par
jour. Il ajoute que l'inégalité dans les revenus a
augmenté au cours de la dernière décennie. Un enfant qui
na»t en Afrique sub-saharienne a 20 fois plus de risques de
décéder avant l'âge de cinq ans qu'un enfant qui na»t
dans un pays industriel ; mais surtout, selon le rapport, cette
disparité est plus grande qu'il y a une décennie. En dépit
de la croissance de la production alimentaire par personne durant les quatre
dernières décennies, le rapport estime que 856 millions de
personnes étaient en état de malnutrition en 2000-2002, soit 32
millions de plus qu'en 1995-1997.
Enfin, toujours selon le rapport, environ 1,1 milliard
d'êtres humains n'ont toujours pas accès à l'eau pour leurs
besoins quotidiens. La pénurie d'eau touche entre 1 et 2 milliards de
personnes dans le monde. Depuis 1960, le ratio entre l'utilisation de l'eau et
les réserves d'eau accessibles s'est accru de 20 % par
décennie.
La réponse juridique pourrait se trouver au niveau des
arbitrages, c'est-à-dire au niveau de la prise de décision. C'est
que laissent entendre deux chercheurs canadiens : Ç Il est de plus en
plus difficile, socialement et politiquement, de faire des choix sans tenir
compte des effets et des conséquences de nos priorités de
développement ou de nos choix en matière d'investissement dans
les infrastructures publiques ou industrielles. Le principe d'un
développement viable semble, en théorie du moins, faire largement
consensus. Dans les faits toutefois, cette idée se transforme souvent en
alibi démagogique pour apaiser les bonnes consciences. Il y a une marge
entre un souci véritable de favoriser un développement compatible
avec une vision écologique de l'environnement et un discours
idéologique qui se greffe après coup sur des choix ou des
stratégies économiques qui, de prime abord, semblent
définies exclusivement en fonction d'une lecture strictement
économique ou sectorielle du développement, lecture qui ne tient
pas compte des effets néfastes à moyen ou long terme des
décisions prises
aujourd'hui. Comment les priorités économiques
et environnementales peuvent-elles être conciliées avec le
programme d'un développement viable ou Ç durable >> ?
>>17.
Cette difficulté à traduire ou à
concilier entre eux des objectifs mal définis transpara»t encore
dans l'analyse d'Emmanuel Torres : Ç En s'intéressant à
l'environnement urbain et à la problématique de la ville durable,
l'économie rencontre un certain nombre de difficultés notamment
dues à la nature actuelle de ses méthodes (très
centrées sur la valorisation monétaire), au croisement de
questionnements sur deus réalités difficiles à
conceptualiser : la ville et l'environnement, et à la difficulté
de transformer les grands principes généraux du
développement durable en concepts opératoires débouchant
sur l'action locale >>18. Il n'en va pas autrement pour le
droit, comme le montre l'échec du droit du développement dans les
années soixante.
B.2. Une expérience malheureuse : le droit du
développement
Au milieu des années soixante, des juristes ont
tenté de créer un nouveau droit, le droit du
développement. Ce droit du développement était entendu
comme Ç l'ensemble des règles juridiques ayant directement pour
objet de promouvoir le développement économique, social, culturel
des pays sous-développés >>19. Le droit du
développement est né à la suite de la
décolonisation. Il s'agissait alors de doter les pays ayant acquis leur
indépendance de systèmes juridiques leur assurant une
stabilité suffisante, et un cadre de nature à faire
émerger le développement économique tant attendu. Pour
l'auteur de cet article, quel que soit le modèle de développement
choisi, on retrouve des problèmes semblables : Ç En premier lieu,
toute politique de développement exige à la fois l'intervention
de l'État et une adhésion de la population. Le droit du
développement doit intervenir dans ces deux domaines. Le
développement nécessite un financement, lequel doit s'appuyer sur
un certain nombre d'institutions juridiques. Enfin, on a pris de plus en plus
conscience que, si le développement doit être d'abord l'Ïuvre
de chaque pays, il requiert des collaborations internationales de diverses
natures >>20.
17 Hamel (P.), et Bélanger (Y.), Québec 2000 :
quel développement ?, Montréal, Presses universitaires du
Québec 1992.
18 Torres (E.), Ç L'Économie de l'environnement
appliquée à la ville. De l'orientation des systèmes locaux
vers plus de durabilité et de qualité >> in
Développement durable et territoires, Frédéric
Héran, Paris, éditions L'Harmattan, 2001.
19 Granger (R.), ÇDéveloppement économique
et social - droit>>, Encyclopaedia Universalis, Paris, 1969,
vol. 5, p. 510.
20 Ibid, p. 511.
Curieusement, l'auteur ne fait ici que décrire un
processus de développement commun à tout pays à un moment
donné de son histoire. Il n'y a rien de spécifique à
évoquer la nécessité de doter un État
d'institutions juridiques lui permettant de fonctionner et de se
développer. Il est intéressant en revanche, de constater avec
l'auteur, que l'Çun des impératifs du développement sur
lequel l'unanimité se fait, c'est que sa réalisation
réclame l'adhésion de la population tout entière et sa
mobilisation pour le développement >>21.
Le droit du développement, contemporain de la
période de décolonisation, n'a pas connu le succès que ses
auteurs pouvaient en attendre22. Il est tombé aux oubliettes,
mais les efforts de conceptualisation que cette construction sans lendemain ont
nécessité peuvent être utiles à la construction d'un
droit du développement durable en évitant les écueils du
Ç droit du développement >>. Il faut peut-être poser
la question autrement.
B.3. Faut-il poser la question autrement ?
Il faut peut-être poser la question autrement. Si le
droit a du mal à émerger, n'est-ce pas en raison de l'absence de
concept ? En d'autres termes, il faut peut-être reconsidérer la
manière dont l'environnement est abordé au sein du
développement durable.
B.3.1. (Re)définir la notion d'environnement
Les textes normatifs pris par la France en matière
environnementale remontent au moyen-âge. En 1291, une ordonnance est
édictée par Philippe IV le Bel pour encadrer le statut et
l'activité des Ç Ma»tres des Eaux & Forêts
>>. En 1346, Philippe VI de Valois adopte l'ordonnance de Brunoy sur
l'administration des Eaux & Forêts. Quant au premier Code forestier,
il date de 1827 (1860 en Haute-Savoie).
21 Ibid, p. 511.
22 Granger (R.), Ç Pour un droit du développement
dans les pays sous-développés >>, in Mélanges
Hamel, Paris, 1961.
Le'gende : Grande ordonnance des eaux et forêts de St
Germain-en-Laye (1669).
En 1669, à la demande de Louis XIV, Colbert adopte
également un texte connu sous le nom de Ç Grande ordonnance des
Eaux et Forêts de Saint-Germain-en-Laye È. Mais il ne s'agit pas
encore d'un droit de l'environnement au sens oü on l'entend aujourd'hui,
même si l'on peut y discerner une certaine préoccupation à
l'égard du développement durable. L'ordonnance de Colbert
s'intéresse principalement à répartir le privilège
de la chasse au profit de la noblesse. Cela étant, afin de
protéger les cultures, elle dispose que Ç les ayants droit de
chasse ne peuvent chasser sur terres ensemencées, champs de blé
et dans les vignes depuis le 1er mai, jusque la moisson È.
Dans la période contemporaine, après la
Convention internationale de Paris de 1902 sur la protection des oiseaux utiles
à l'agriculture, une loi sur la protection des sites et milieux naturels
est adoptée en 1906.
Une étape très importante est franchie en 1995.
La loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement (dite Ç loi Barnier È), s'appuyant sur le
traité de Maastricht, consacre pour la première fois en France,
le principe précaution. Dans sa rédaction initiale, la loi
insère dans le Code rural un article L. 200-1 qui pose les quatre
principes fondamentaux sur lesquels doit reposer le droit de l'environnement
:
· Le principe de précaution, selon lequel
l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et
techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et
proportionnées visant à prévenir un risque de dommages
graves et irréversibles à l'environnement à un coüt
économiquement acceptable;
· Le principe d'action préventive et de
correction, par priorité à la source, des atteintes à
l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un
coüt économiquement acceptable;
· Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais
résultant des mesures de prévention, de réduction de la
pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par
le pollueur;
· Le principe de participation, selon lequel chaque
citoyen doit avoir accès aux informations relatives à
l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités
dangereuses23.
Mais il faut attendre l'an 2000 pour que soit adopté un
Code de l'environnement dont la rédaction avait été
décidée en 1992.
Depuis 2005, la protection de l'environnement est
désormais inscrite dans le bloc de constitutionnalité avec la
Charte de l'environnement de 2004, adoptée en Congrès par la loi
constitutionnelle du 1er mars 2005. Ce texte a été
rédigé sur la base des propositions formulées en avril
2003 par une commission animée par Yves Coppens.
Parallèlement, la protection de l'environnement s'est
étendue aux entreprises. Avec la loi relative aux nouvelles
régulations économiques du 15 mai 2001 (loi NRE), les
sociétés cotées doivent désormais ajouter à
leur rapport annuel la manière dont elles prennent en compte les
conséquences sociales et environnementales de leur activité.
C'est ce qu'on appelle la Ç responsabilité sociétale des
entreprises >> (RSE).
Pour Pierre Lascoumes, la question de l'environnement Ç
n'a acquis de visibilité sociale, n'a émergé en tant que
problème, n'a été construite comme objet de
représentation qu'à partir du moment oü des pouvoirs publics
ou des groupements privés en ont fait un objectif pour leurs actions ou
leurs revendications (...). C'est pourquoi, d'ailleurs, les
représentations de la notion même d'environnement et le contenu
que l'on place sous les termes d'environnement et le contenu que l'on place
sous les termes de «protection» et de «défense»
varient considérablement selon les acteurs sociaux concernés
>>24. Dans sa première édition, en 1969,
l'Encyclopaedia
23 Loi nO 95-101 du 2 février 1995 relative au
renforcement de la protection de l'environnement (Ç Loi Barnier
>>), art. 1er.
24 Lascoumes (P.), L'Eco-pouvoir, environnements &
politique, Paris, La Découverte 1994.
Universalis considérait d'ailleurs
l'environnement, soit comme une notion liée aux beaux-arts, soit comme
l'élément que doit prendre en considération l'architecte
lorsqu'il conçoit un ouvrage25. On était loin de
l'acception actuelle de la notion d'environnement. Cette même
encyclopédie était en revanche plus diserte en ce qui concerne
l'écologie. Au terme des développements consacrés à
cette entrée, les auteurs considèrent que deux tendances
s'amorcent à cette époque : Ç La première est
l'extension des recherches consacrées aux écosystèmes
artificiels, créés et entretenus par l'homme, autrement dit la
prise en considération de l'homme comme partie intégrante des
écosystèmes. Une telle démarche revient à fonder
sur des bases biologiques solides une nouvelle géographie humaine
analysant la place de l'homme dans les milieux oü il vit. La seconde
tendance vise à une interprétation plus synthétique encore
du monde vivant et s'attache aux problèmes généraux,
à l'échelle de vastes régions ou à celle de la
biosphère tout entière, car c'est dans ce cadre que
l'exploitation des ressources, la lutte contre les pollutions, la
défense des équilibres biologiques et l'aménagement des
territoires pourront être menés avec le maximum
d'efficacité È26.
Même si les dispositions qui encadrent le droit de
l'environnement reprennent un certain de nombre de principes
énoncés dans le cadre du développement durable, celuici
appara»t comme un concept que le droit a du mal à
appréhender. En cela, le droit n'est d'ailleurs que le reflet de
sociétés aux prises avec des enjeux qui, souvent, les
dépassent. Les difficultés à traduire le
développement durable en un corpus juris découlent tout
d'abord de ce que les règles qui tendent à encadrer le
phénomène sont prises le plus souvent au niveau des États
alors que les défis à relever sont planétaires, et alors
que les mesures concrètes à prendre devraient l'être pour
la plupart au niveau local, c'est-à-dire au niveau des territoires au
sens oü on l'entend habituellement.
En d'autres termes, l'État n'est sans doute pas la
bonne échelle pour la production de normes en la matière, alors
qu'il est le seul niveau oü peuvent être édictées des
normes réellement contraignantes. Ensuite, l'échec de la
théorisation du droit du développement dans les années
soixante n'incite guère à l'optimisme, mais cette
expérience peut cependant fournir matière à
réflexion dans la société post-moderne.
25 F. L., Ç Environnement È, Encyclopaedia
Universalis, Paris, 1ère édition 1969, vol. 6, p.
310.
26 M. L. et C. F. S., Ç Écologie È,
l'Encyclopaedia Universalis, Paris, 1ère
édition 1969, vol. 5, p. 923.
Regards sur la traduction juridique du développement
durable B.3.2. Envisager la création d'une agence internationale
La première approche consiste naturellement à
envisager la création d'une organisation internationale
dédiée à ces questions. Comme a pu l'expliquer Jacques
Attali, << chacun sent bien qu'il faudrait avoir en ce monde des
institutions financières internationales solides, capables de maitriser
les risques financiers engendrés par les fonds spéculatifs, de
financer les grandes infrastructures sociales et physiques des
mégalopoles à venir, de maitriser les grandes pandémies,
de réduire la pauvreté et d'organiser la réduction des
émissions des gaz à effet de serre È27.
C'est aussi ce qu'a proposé depuis longtemps Jacques
Chirac : << Si l'entente internationale fait défaut, si les
égo ·smes et l'irresponsabilité prennent le dessus, le
monde ne parviendra pas à enrayer la machine infernale du
réchauffement climatique È28.
Malheureusement, si les États semblent s'accorder sans
difficulté sur le constat et sur la nécessité d'agir, ils
ne parviennent pas à ce mettre d'accord sur les moyens à mettre
en Ïuvre. L'échec de Copenhague sur des objectifs contraignants
fait écho à la résistance qu'ont opposé
jusqu'à ce jour les États à la création d'une
organisation internationale qui viendrait concurrencer l'Organisation des
Nations Unies.
B.3.3. Monétiser l'environnement
Ë défaut de pouvoir mettre sur pied un
véritable droit international de l'environnement, doté d'une
organisation internationale propre, disposant de moyens financiers et
coercitifs appropriés, il pourrait être opportun de
réfléchir, au moins, à la mise en valeur de ce qui
constitue notre environnement à tous. L'idée n'est pas nouvelle,
et elle peut assez aisément produire du droit.
Pour Nadia Bela ·di, on pourrait envisager de
valoriser socialement la protection de l'environnement avec l'émergence
d'un ordre public écologique. Selon elle, la prise de conscience
écologique de la communauté internationale (États et
société civile) est susceptible de provoquer un réel
changement de logique et, ainsi, de renforcer les règles
27 Attali (Jacques), << A quoi sert le FMI ? È,
Blog L'
Express.fr, 11 juill. 2007.
28 Chirac (Jacques), Troisième forum mondial du
développement durable, Sénat français, 1er
décembre 2005.
relatives à la matière
environnementale29. C'est cette direction qu'esquissaient le
professeur Yves Coppens et les coauteurs du rapport pour la préparation
de la Charte constitutionnelle de l'environnement : Ç L'idée que
l'on ne peut pas substituer indéfiniment du capital humain ou
technologique aux ressources naturelles définit un développement
durable. Il est en effet loin d'être acquis que les services
écologiques actuellement rendus par les écosystèmes
puissent être systématiquement reproduits de façon
artificielle, ou qu'il faille les reproduire. On compte parmi ces services
gratuitement rendus par la nature : la purification de l'air et de l'eau, la
décomposition des déchets, la régulation du climat, la
régénération de la fertilité des sols, la
production et la préservation de la biodiversité, laquelle
procure les ressources nécessaires à l'agriculture et à
certains secteurs industriels, notamment pharmaceutique. La substitution est le
plus souvent impossible. C'est par exemple le cas du climat. Mais quand bien
même elle serait possible, la question de son opportunité se pose
sur un triple registre. Économiquement en premier lieu : le coüt de
la substitution peut être élevé voire exorbitant.
Esthétiquement : une nature aux paysages souillés, privée
d'un grand nombre de ses espèces sauvages, oü tous lesdits services
seraient anéantis ou défaillants, est-elle désirable ?
Enfin, d'un point de vue éthique, un monde oü il faudrait acheter
l'air respirable, serait-il encore humain ? >>30.
Concrètement, le principe évoqué par le
rapport consisterait à Ç monétiser >> les services
que nous rend notre environnement afin de l'intégrer dans les circuits
de l'économie. C'est, à une échelle plus large, le
même principe de fonctionnement que celui à l'origine de la taxe
carbone.
B.3.4. Les travaux de Ronald Coase et l'apparition du principe
pollueur-payeur
A l'origine de la monétisation de l'environnement se
trouvent les travaux d'un économiste d'origine écossaise, qui fit
carrière à l'Université de Chicago, et y créa le
Journal of Law & Economics, Ronald Coase. Il a reçu le prix
Nobel d'économie en 1996 pour ses travaux sur l'économie du
droit.
Le plus important, et le premier des articles du professeur
Coase, a été publié dans le journal précité
en 1960 : Ç Le problème du coüt social >>. L'auteur
expose sa théorie de
29 Voir Bela ·di (N.), La lutte contre les atteintes
globales à l'environnement : vers un ordre public écologique
?, Bruxelles, éditions Bruylant, 2008.
30 Coppens (Yves) et al., Rapport pour la préparation
de la Charte constitutionnelle de l'environnement, avril 2003.
la manière suivante : << On peut en donner pour
exemple type l'usine dont la fumée a des effets nuisibles pour les
voisins. L'analyse économique d'une situation de ce genre se fait
habituellement en mettant l'accent sur la divergence entre le produit
privé et le produit social de l'usine (É). Selon la conclusion
que semblent en tirer la plupart des économistes, cette analyse
démontre qu'il est souhaitable soit de tenir le propriétaire pour
responsable du dommage causé à ceux qui souffrent de la
fumée, soit d'imposer au propriétaire une taxe dont le montant
variera en fonction de la quantité de fumée produite et qui sera
l'équivalent en argent du dommage causé, soit enfin d'interdire
la présence d'une telle usine >>31. Pour le professeur
Coase, << les mesures ainsi proposées sont inappropriées
car elles ont des résultats qui ne sont pas nécessairement ni
même habituellement souhaitables >>.
Pour lui, cette panoplie de solutions n'est envisageable que
si l'on considère qu'il n'y a pas de coüts de transaction. Or,
comme le démontre Ronald Coase, l'économie réelle est
affectée par des coüts de transaction qui ont un effet sur
l'allocation des ressources. Cette argumentation a donné lieu à
l'énoncé d'un << théorème >> qui n'a
pas été formulé par Coase mais le professeur George J.
Stigler sous le nom de << théorème de Coase >>. Pour
lui, << dans des conditions de concurrence parfaite, les coüts de
transaction privé et social sont égaux >>32. Le
professeur Guido Calabresi a énoncé cette idée d'une autre
manière : << Si l'on suppose un comportement rationnel de la part
des acteurs et qu'il y absence de coüts de transaction ainsi qu'absence
d'entrave juridique à la négociation, toutes les affectations
inefficientes de ressources seront corrigées par des ententes conclues
sur le marché >>33. Le juge Richard Posner a à
son tour développé cette idée en l'affinant de la
manière suivante : << (Si) les coüts de transaction sont
nuls, l'attribution initiale d'un droit de propriété Ð par
exemple au pollueur ou à la victime de la pollution Ð sera sans
effet sur l'allocation efficiente des ressources >>34.
Comme on le constate, ce << théorème
>> fut exposé << en creux >>. Il ne se vérifie
que dans l'hypothèse oü les coüts de transaction sont nuls, et
cette hypothèse co ·ncide avec un marché sur lequel
règnerait une concurrence pure et parfaite. Or de telles
hypothèses
31 Coase (R.), << Le problème du coüt social
>>, Le coi2t du droit, Paris, éditions des PUF, mai 2000,
p. 23 (trad. du professeur Yves-Marie Morissette).
32 Stigler (George J.), The Theory of Price, New York,
Macmillan, 1966, p. 113.
33 Calabresi (Guido), << Transaction Costs, Resource
Allocation & Liability Rules : A Comment >>, Journal of Law &
Economics, 1968, 11, p. 67.
34 Posner (Richard), Overcoming Law, Cambridge, Harvard
University Press, 1995, p. 406.
sont naturellement théoriques et il n'existe pas
concrètement de marché sur lequel les coüts de transaction
seraient égaux à zéro.
Du fait de sa formulation, on a mal compris le sens à
donner au << théorème de Coase È. On a cru pendant
longtemps que << l'école de Chicago È fondée par le
professeur Coase se donnait pour objectif d'éliminer tous les coüts
de transaction, et donc le droit, afin de créer les conditions d'un
marché totalement libre sur lequel règnerait une concurrence pure
et parfaite.
Cette interprétation (me) para»t inexacte et
ferait de cet économiste le père de l'économie
ultralibérale, ce qu'il n'a jamais prétendu. D'abord Coase n'a
jamais formulé lui-même le << théorème
È dont la paternité lui a été attribuée. Au
contraire, la théorie dont il est l'auteur vise, concrètement,
à constater que les coüts ne sont jamais nuls dans
l'économie réelle. Et puisqu'ils ne sont jamais nuls, ils
affectent l'allocation des ressources. C'est pourquoi le secours du droit est
nécessaire pour corriger les déséquilibres qui en
résultent.
Et c'est précisément pour corriger les effets
liés au coüt social tiré du droit de polluer que Ronald
Coase a suggéré la mise en Ïuvre de mécanismes de
type pollueurpayeur, qui consistent pour les agents économiques,
à acquérir sur un marché créé à cet
effet, des droits à polluer à un tarif suffisamment
élevé pour que l'acheteur ait intérêt à
éviter de polluer. Ce sont ces travaux, ainsi que les critiques et les
enrichissements dont ils ont été l'objet dans les années
soixante qui sont à l'origine de l'apparition du principe
pollueur-payeur au début des années soixante-dix.
La première expression de ce principe est à
chercher dans une recommandation de l'OCDÉ adoptée en 1972. Pour
cette institution, << en matière d'environnement, les ressources
sont généralement limitées et leur utilisation dans le
cadre des activités de production et de consommation peut entra»ner
leur détérioration. Lorsque le coüt de cette
détérioration n'est pas pris en compte de manière
adéquate dans le système des prix, le marché ne
reflète pas la rareté de ces ressources au niveau national et
international. Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics prennent
des mesures pour réduire la pollution et réaliser une meilleure
allocation des ressources en faisant en sorte que les prix des biens
dépendant de la qualité et/ou de la quantité des
ressources d'environnement reflètent plus étroitement leur
rareté relative et que les agents économiques en cause agissent
en conséquence. Dans bien des cas, pour assurer que
l'environnement soit dans un état acceptable, il ne
sera ni raisonnable ni nécessaire de dépasser un certain niveau
dans l'élimination de la pollution, en raison des coüts que cette
élimination entra»nerait. Le principe à appliquer pour
l'imputation des coüts des mesures de prévention et de lutte contre
la pollution, principe qui favorise l'emploi rationnel des ressources
limitées de l'environnement tout en évitant des distorsions dans
le commerce et les investissements internationaux, est le principe dit
"pollueurpayeur". Ce principe signifie que le pollueur devrait se voir imputer
les dépenses relatives aux susdites mesures arrêtées par
les pouvoirs publics pour que l'environnement soit dans un état
acceptable. En d'autres termes, le coüt de ces mesures devrait être
répercuté dans le coüt des biens et services qui sont
à l'origine de la pollution du fait de leur production et/ou de leur
consommation >>35.
Naturellement, un tel principe ne pourrait avoir un effet
réel que s'il était adopté à l'échelle
internationale.
B.3.5. Dommage collectif et responsabilité individuelle
Compte tenu de la difficulté évidente à
rendre concrets les principes adoptés au niveau international, le
recours à la responsabilité est susceptible de rendre service
à ceux des États qui veulent adopter une attitude concrète
dans leur lutte pour le développement durable. Ë défaut
d'une règle ex ante (le principe polleur-payeur), une
règle ex post peut être envisagée au niveau de
chaque État : l'engagement de la responsabilité du ou des auteurs
de dommages à l'environnement.
Mais pour engager la responsabilité, individuelle ou
collectivité du ou des auteurs de tels dommages, encore faut-il disposer
d'un instrument de mesure. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi
posent la délicate question de cette mesure. Pour eux, il existe deux
méthodes : ÇLa première repose sur des estimations des
dommages et la seconde sur des estimations des coüts
>>36. Selon eux, la première branche de l'alternative
consiste à estimer les dommages causés à l'environnement
par l'activité humaine. Cette mesure est indispensable, mais elle
répond surtout à des considérations d'intérêt
général permettant d'orienter les politiques publiques. Elle ne
permet pas directement d'obtenir l'évaluation de tel ou tel dommage
causé par tel ou tel auteur.
35 OCDE, recommandation du 26 mai 1972 - C(72)128, dans sa
rédaction du 7 juillet 1989 - C(89)88/Final.
36 Stiglitz (J.), Sen (A.) et Fitoussi (J.-P.), Vers de
nouveaux systèmes de mesure, Paris, éditions OdileJacob,
novembre 2009, p. 323.
La seconde branche de l'alternative se subdivise, selon les
auteurs, en deux méthodes. La première consisterait à
mesurer les coüts d'entretien, Ç c'est-à-dire
l'évaluation de ce qu'il en coüterait pour remédier à
la dégradation de l'environnement>>37. Cette
méthode présenterait l'intérêt d'obtenir une mesure
adaptée à chaque type de dommage causé à
l'environnement, et aux coüts nécessaires pour réparer les
dégâts causés. Pour les auteurs, cette méthode
permettrait en outre d'évaluer ce qu'aurait été le prix
réel du marché si ces coüts avaient été
intégrés aux échanges économiques sur le
marché. On retrouve ici l'idée du coüt social exposée
par Ronald Coase dans les années soixante.
La seconde méthode propose un modèle
économique fondé sur une hypothèse exprimée de la
manière suivante : Ç Quel niveau de PIB serait atteint si les
producteurs et les consommateurs faisaient face à une série
différente de prix relatifs dans l'économie en raison de
l'existence de prix réels pour les fonctions environnementales ?
>>38. On appelle cette méthode la modélisation
économique verte.
Ces méthodes de mesure présente des
inconvénients pour les juristes, et ce, à deux niveaux. Le
premier niveau concerne l'élaboration de la norme, le second la mesure
de la responsabilité de l'agent économique lorsqu'il est mis en
cause par une ou des victimes.
Au premier niveau, ces instruments de mesure, dont
l'utilité intrinsèque n'est pas contestable, ne permettent pas
d'élaborer une réglementation opérationnelle. Au second
niveau, elle ne permet pas d'évaluer les dommages causés et de
les faire réparer par leurs auteurs à des conditions
reproductibles d'un litige à l'autre avec la possibilité de
prévoir soi-même le coüt du dommage qui risque d'être
causé à autrui et ce qu'il en coüterait pour le
réparer. Or les mécanismes d'anticipation sont tout aussi
nécessaires au droit qu'ils le sont à l'économie.
Ces énonciations appellent quelques remarques.
L'affirmation selon laquelle ces instruments de mesure (à les supposer
établis, ce qui n'est pas le cas rappelons-le), ne permettraient pas
d'élaborer une réglementation opérationnelle repose sur le
fait que les agrégats macro-économiques utilisés, et la
mesure qui en résulte, sont calculés ex post. Ils n'ont donc
aucune valeur de prédiction, ou en tout cas une valeur plutôt
faible. En ce
37 Ibid.
38 Ibid.
sens, ils ne permettent de construire une
réglementation appropriée, puisque la réglementation a
toujours pour finalité d'encadrer un comportement futur,
c'est-à-dire un comportement qu'on peut dans une certaine mesure
prévoir. Sauf exception, la loi, et a fortiori la réglementation,
ne saurait régir des situations passées : c'est le principe de
non-rétroactivité qui est à la base même de toute
construction juridique.
Quant à la répartition d'un coüt global
à l'environnement sur les agents économiques, elle n'est pas
vraiment opérationnelle du point de vue de la mise en Ïuvre
effective de la responsabilité de ces agents. Il y a d'ailleurs une
contradiction entre responsabilité et répartition du coüt
des dommages causés à l'environnement sur les agents
économiques. En effet, dès lors qu'on répartit un
coüt global sur l'ensemble des acteurs, on organise un système de
réparation forfaitaire qui ne permet plus d'en demander
réparation aux auteurs individuellement par la suite. Non bis in
idem, dit le droit ; en d'autres termes, on ne juge pas deux fois les
mêmes faits. On ne peut donc pas à la fois organiser un
système de répartition collective du coüt des dommages
causés à l'environnement, demander à chacun des auteurs de
ces dommages une réparation individuelle.
Aux critiques adressées par les juristes s'ajoutent
celles que formulent les géographes. Pour certains d'entre eux, ces
instruments de mesure ne sont pas pertinents. Pour Paul Arnould et Laurent
Simon, Ç les indicateurs sous-estiment les questions d'échelle
spatiale, de territoires, mis à part quelques réflexions
pertinentes se limitant à envisager l'articulation du local et du
mondial È39.
La difficulté à établir de bons
indicateurs n'est que le reflet de la difficulté à penser le
développement durable.
En définitive, il faut sans doute se rallier à
l'idée qu'il n'existera pas de système de droit appuyé sur
une définition juridique du développement durable avant
longtemps. On peut dès lors rejoindre Philippe Bontems et Gilles
Rotillon qui évoquent la nécessité d'un dialogue :
Ç Nous sommes convaincus que les réponses à apporter aux
défis environnementaux actuels ne peuvent être trouvées que
si les conditions d'un dialogue entre les acteurs sont réunies, de
façon à assurer la cohérence sinon de leurs normes de
39 Arnould (P.), Simon (L.), Géographie de
l'environnement, Paris, éditions Belin, Belin atouts, novembre
2007, p. 163.
références, du moins de leurs perceptions des
risques et leurs anticipations, cruciales notamment en présence
d'irréversibilités >>40.
Cela nous amène naturellement à envisager le niveau
auquel ce dialogue doit être noué.
C. La bonne échelle spatiale : l'échelle
territoriale
Un constat s'impose. Selon l'Institut français de
l'environnement, en 2005, le total des dépenses de protection de
l'environnement s'est élevé à 35,2 milliards d'euros, soit
2,1 % du produit intérieur brut (+ 5,5 % par rapport à 2004). Les
collectivités locales françaises ont supporté un quart du
total de ces dépenses. Celles-ci concernent majoritairement la gestion
des eaux usées et des déchets, mais aussi la protection de la
biodiversité et des paysages, que les collectivités locales ont
financé à 45 % en 2005. Les entreprises restent les
premières à financer la protection de l'environnement, avec 12,5
milliards d'euros en 2005, suivies par les ménages, avec 11,1 milliards
d'euros. Cependant, leurs dépenses progressent moins vite que celles des
ménages et de l'ensemble des administrations depuis
200041.
C.1. L'État n'est sans doute pas la bonne
échelle
Certes, le professeur Jaqueline Morand-Deviller l'exprime avec
force : Ç Le droit de l'environnement a une vocation universelle, qui
bouscule à la fois les frontières du temps - il s'adresse aux
générations futures - et celles de l'espace - il se
décline au niveau international avant de se préciser au niveau
national >>42. Mais d'autres auteurs évoquent un droit
transnational plutôt qu'un droit international. Ils considèrent
qu'on est en présence d'une agrégation d'intérêts
nationaux, certes relativement consensuelle, plutôt que dans la
construction d'un droit à l'échelle planétaire. C'est ce
qu'évoque le philosophe Jean-Philippe Pierron : Ç Face à
des enjeux planétaires, il faut une réponse institutionnelle
planétaire. Le droit transnational est sur ce point une de ces
institutions relayant le projet politique d'un développement durable, en
inventant une médiation originale entre sa visée universelle d'un
juste et durable développement, et la localisation des enjeux
>>.
40 Bontems (P.) et Rotillon (G.), L'Économie de
l'environnement, éd. La Découverte 2007.
41 Ifen, 23 aoüt 2007 :
www.ifen.fr/uploads/media/de118.pdf.
42 Morand-Deviller (J.), Le droit de l'environnement,
Paris, éditions des PUF, Que sais-je ?, mars 2009, p. 4.
Les rares décisions juridictionnelles rendues à
l'échelle internationale en matière d'environnement laissent
quand même entrevoir l'émergence d'un droit international en
matière de développement durable. Dans une décision du 24
mai 2005, la Cour permanente d'arbitrage de La Haye a ainsi été
amenée un litige opposant le Royaume de Belgique à celui des
Pays-Bas. Dans cette affaire, les Pays-Bas avaient créé une
réserve naturelle le long de la ligne ferroviaire historique du Ç
Rhin de fer >>, et cherchaient à empêcher sa remise en
service. La Belgique alléguait de son côté que la
revitalisation de cette ligne ferroviaire aiderait à amorcer une
évolution du transport routier vers le transport ferroviaire participant
ainsi à la réduction de gaz à effet de serre dans une
optique de développement durable. Pour la Cour, Ç le droit
environnemental et le droit du développement ne sont pas des solutions
alternatives mais se renforcent mutuellement, tel des concepts intégraux
qui requièrent, lorsque le développement peut causer un dommage
important à l'environnement, l'application d'un devoir de
prévenir, ou du moins, de limiter un tel dommage. (É) Ce devoir,
selon le Tribunal, fait désormais partie du droit général
international. Ce principe s'applique non seulement de façon autonome
mais aussi lors de la mise en Ïuvre de traités spécifiques
entre les États >>43.
En 1997 déjà, la Cour internationale de Justice
avait eu l'occasion de se prononcer sur le concept de développement
durable : Ç Au cours des %oges, l'homme n'a cessé d'intervenir
dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le
passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets sur
l'environnement. Gr%oce aux nouvelles perspectives qu'offre la science et
à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces
interventions à un rythme inconsidéré et soutenu
représenterait pour l'humanité -- qu'il s'agisse des
générations actuelles ou futures --, de nouvelles normes et
exigences ont été mises au point, qui ont été
énoncées dans un grand nombre d'instruments au cours des deux
dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être
prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement
appréciées, non seulement lorsque des États envisagent de
nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des
activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le concept de
développement durable traduit bien cette nécessité de
concilier développement économique et protection de
l'environnement >>44. Malheureusement, ces
énoncés ont
43 Cour permanente d'arbitrage, 24 mai 2005, Ç Ijzeren
Rijn, Royaume de Belgique c. Royaume des Pays-Bas >>, 59, 114.
44 Cour internationale de justice, Ç Gabcikovo-Nagymaros
Dam >>, 25 September 1997, Hungary v. Slovakia, I.C.J. Rep., 37 I.L.M.
(1998) 162.
une portée relativement faible sur l'application, par
les États, des principes qu'ils posent.
Cette relative impuissance de la communauté
internationale amène à se retourner vers l'État. Mais
celui-ci n'est pas non plus le meilleur niveau d'intervention pour agir
concrètement sur le développement durable. Il ne l'est pas,
d'abord, parce que les questions environnementales n'ont pas de
frontières, alors que l'État est enserré dans les limites
de sa souveraineté territoriale. L'eau, l'air et les pollutions qui
l'affecte passent les frontières sans demander d'autorisation à
quiconque, du moins tant que ces frontières ne sont pas des
frontières naturelles (reliefs, océans et mers, fleuves et
rivières). Il n'est pas non plus la bonne échelle spatiale,
ensuite, à l'égard des collectivités locales, parce que
c'est au niveau des territoires qu'il est possible d'agir concrètement,
comme on l'a vu (cf. supra). Pourtant, l'État garde d'une certaine
manière un monopole sur la production des normes, légales ou
réglementaires, qui s'appliquent sur le territoire national, et donc,
sur la multitude des territoires locaux. Pour le dire autrement, la
territorialité du droit est essentiellement nationale. Elle ne peut
être que subsidiairement internationale ou infranationale. Ainsi, la loi
du 7 janvier 1983 énonce que Ç le territoire national est le
patrimoine commun de la nation >> ; le territoire est national, pas
local. La loi du 2 février 1995 sur l'environnement en fait autant en ce
qui concerne Ç les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et
paysages, les espèces animales et végétales, la
diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent
>>45.
Pour Gilles Massardier, Ç défaillances de
l'État et difficultés pour les autorités publiques en
général de se faire entendre, comme le montre le cas AZF, dans le
tohubohu des Ç finalités vécues >> et des logiques
des différentes actions, encastrement de ces logiques et des niveaux
d'action (européen, national, local), constituent autant de raisons qui
ont poussé certains analystes à insister sur
l'ingouvernabilité comme résultat de la perte des repères
et des mécanismes pour Ç faire tenir ensemble
>>>>46. Et l'auteur ajoute : Ç Est-ce une
intervention des autorités publiques bâtie intentionnellement
selon la mise en branle de leur finalité choisie a priori qui
détermine un objectif à atteindre avec des moyens publics et un
dispositif tangible de politique publique (personnel, budget, règles
formelles...) ? Ou bien, au contraire, est-ce une accumulation d'actions
45 On notera que ce sont les espèces animales et
végétales qui sont le patrimoine commun de la nation, et non les
animaux et les végétaux eux-mêmes.
46 Massardier (G.), Politiques et actions publiques,
Paris, éditions Armand-Colin, sept. 2003, p. 6.
disparates de la part d'acteurs multiples, dont les
autorités publiques (...) qui finissent tout de même par produire,
a posteriori, un système collectif d'action et le dispositif
tangible de politique publique qui lui sied ?È (Massardier, G.,
ibid).
Le premier défi consisterait déjà
à démêler les objectifs assignés aux
différents niveaux auxquels l'action publique est engagée.
Mais le juriste est aussi confronté à
l'enchevêtrement des échelles spatiales, à
l'intérieur desquelles la norme est édictée. Tout d'abord,
les maires ont des pouvoirs pour faire respecter la tranquillité, la
sécurité et la salubrité publiques47. C'est
aussi, bien sür, la municipalité qui élabore les documents
d'urbanisme et délivre les autorisations de construire,
d'aménager ou de démolir. Et, depuis l'entrée en vigueur
de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et
au renouvellement urbain (SRU), les communes doivent prévoir, dans leur
PLU48 et leur SCOT49, des dispositions relatives à
l'environnement et un projet d'aménagement et de développement
durable (PADD). L'article L. 121-1 du Code de l'urbanisme énumère
les différents objectifs à atteindre. Dans sa rédaction
issue de la loi du 12 juillet 2010 (Ç Grenelle II È), il dispose
que : Ç Les schémas de cohérence territoriale, les plans
locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions
permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement
durable :
1° L'équilibre entre :
a) Le renouvellement urbain, le développement urbain
ma»trisé, la restructuration des espaces urbanisés, la
revitalisation des centres urbains et ruraux, la mise en valeur des
entrées de ville et le développement rural ;
b) L'utilisation économe des espaces naturels, la
préservation des espaces affectés aux activités agricoles
et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages
naturels ;
c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine
bâti remarquables ;
2° La diversité des fonctions
urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en
prévoyant des capacités de construction et de
réhabilitation suffisantes pour la
47 Voir notamment art. L. 2113-2 et s. du Code
général des collectivités territoriales.
48 Plan local d'urbanisme.
49 Schéma de cohérence territoriale.
satisfaction, sans discrimination, des besoins présents
et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques,
touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt
général ainsi que d'équipements publics et
d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs
de répartition géographiquement équilibrée entre
emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances
énergétiques, de développement des communications
électroniques, de diminution des obligations de déplacements et
de développement des transports collectifs ;
3 La réduction des émissions de
gaz à effet de serre, la ma»trise de l'énergie et la
production énergétique à partir de sources renouvelables,
la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du
sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des
écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la
remise en bon état des continuités écologiques, et la
prévention des risques naturels prévisibles, des risques
technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature
È50.
Ë côté des communes, ou plutôt
au-dessus, les préfets ont également un certain nombre de
prérogatives. Ils doivent ainsi, désormais, autoriser les
décharges contenant les déchets inertes de chantiers. Les
départements gèrent les services d'incendie et de secours (Sdis)
qui ont aussi en charge la protection de l'environnement. Quant aux communes ou
d'agglomération, elles peuvent exercer facultativement cette
compétence depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet
1999, dite Ç Chevènement È.
Les régions ont quant à elles compétences
sur les parcs naturels régionaux et elles peuvent demander à
l'État le transfert à leur profit des plans d'élimination
des déchets industriels et des plans pour la qualité de l'air.
Avec la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, out
ceci n'empêche pas les communes de Ç prendre des décisions
pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en
Ïuvre à leur échelon (principe de subsidiarité)
È51.
Ce mille-feuille juridique, dont on n'a donné ici que
quelques exemples, est assez difficile à décrypter. Comme le
montrent Paul Arnould et Laurent Simon, l'enchevêtrement des structures
territoriales est Ç un véritable mal français,
difficilement guérissable (...). Les régions n'ont pas
disqualifié les départements. Les
50 Article L. 121-1 du Code de l'urbanisme modifié par la
loi n 2010-788 du 12 juillet 2010, art. 14.
51 Morand-Deviller, Le droit de l'environnement, Paris,
éditions des PUF, Que sais-je ?, p. 24.
communautés de communes font doublon avec les cantons.
Les pays singent les arrondissements. Comment gérer l'environnement dans
ces cadres administratifs proliférants ? >>52.
Pour être complet, il faut ajouter qu'à cet
enchevêtrement spatial s'ajoute un enchevêtrement du temps, ou des
chronologies. La législation, notamment en ce qui concerne le droit de
l'urbanisme et de l'aménagement, ne cesse de changer. Ainsi, dans un
rapport rendu public en 1998, Jean Auroux avait constaté qu'en l'espace
de trois siècles, la région Rhône-Alpes avait fait l'objet
de 36 découpages, soit environ un découpage tous les 8 ans, et
que ces découpages correspondraient à 4058 maillages de toutes
tailles53. Difficile dans ces conditions d'envisager des politiques
à long terme sur un territoire...
Selon Ludovic Schneider, si Ç le développement
durable peut (et doit) être appliqué à tous les niveaux
d'action : de l'État à l'individu en passant par les entreprises
et les collectivités (É), il y a cependant une échelle
pour laquelle la notion de développement durable prend plus de sens
encore : le territoire >>54. Il ne fait aucun doute que le
territoire, au sens oü l'entend cet auteur, est une échelle
spatiale appropriée pour mettre en Ïuvre une politique de
développement durable.
Or pour les professeurs de droit Jean-Bernard Auby et Hugues
Périnet-Marquet, à la différence des normes à
vocation nationale (lois et décrets en général), l'une des
rares branches du droit qui édicte des règles au niveau
territorial est essentiellement le droit de l'urbanisme. Il s'agit pour eux
d'un Ç droit substantiel, c'est-à-dire de normes qui gouvernent
l'occupation de l'espace urbain elles-mêmes, celles qui disent quelles
activités immobilières sur un terrain donné sont
interdites, limitées ou encadrées >>. Le droit de
l'urbanisme est donc, ou pourrait être, le support
privilégié pour la traduction juridique du développement
durable au niveau des territoires. Ë condition d'en élargir la
définition.
Erwan Le Cornec considère dans sa thèse que la
définition du droit de l'urbanisme est d'ailleurs trop limitée,
notamment en ce qu'elle restreindrait la définition de l'urbanisme
à son étymologie, c'est-à-dire à l'espace urbain
par opposition à l'espace qui
52 Arnould (P.), Simon (L.), Géographie de
l'environnement, Paris, éditions Belin atouts, novembre 2007, p.
35.
53 Auroux (J.), La réforme des zonages et
l'aménagement des territoires, 1998.
54 Schneider (L.), Le développement durable
territorial, Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 9.
ne serait pas urbain (rural notamment). Il propose pour sa
part d'entendre Ç par règles d'urbanisme ou servitude
d'urbanisme, (...) les normes de droit substantiel prises en application du
Code de l'urbanisme, émanant du législateur ou du pouvoir
réglementaire, ayant pour objectif de fonctionnaliser l'espace de
façon générale en lui attribuant des affectations
particulières, et opposables à toutes personnes publiques ou
privées ainsi qu'aux modes individuels ou collectifs d'occupation et
d'utilisation du sol >>55. Mais là encore, on se trouve
face à une définition assez en deçà de l'ambition
qu'appelle le développement durable.
De plus, l'échelle territoriale présente un
certain nombre d'inconvénients, et ce, pour deux raisons. La
première est liée au risque de confusion entre
intérêts privés et publics, qui peut donner lieu à
des dérives, telles que celles que l'on a pu observer récemment
à la suite des inondations qu'a subies la commune de l'Aiguillon-sur-Mer
le 28 février 201056. La seconde raison tient au
défaut que présente une réglementation de l'urbanisme trop
locale pour satisfaire aux exigences de l'aménagement du territoire.
Ainsi, Jean-Louis Harouel observe que, Ç les pouvoirs
publics ont perçu les dangers du mitage, mais ils demeurent en pratique
assez impuissants face au processus d'urbanification assez diffuse qui
défigure les paysages. La décentralisation ne permet
guère de résistance à la pression des
intérêts privés (...) >>57. Bien qu'il
soit le niveau oüse manifeste concrètement la
règle de droit en matière d'urbanisme, le territoire est une
échelle qui présente des inconvénients
pour l'édification de la norme. Au-delà de ces deux
inconvénients, l'échelle locale ne permet pas
d'appréhender les phénomènes environnementaux dans leur
globalité, c'est-à-dire au niveau planétaire. Cette
constatation renvoie naturellement à l'échelle internationale,
mais comme on va le voir, si ce niveau permet de penser les problèmes,
il n'est pas à ce jour celui auquel les dits problèmes peuvent
être résolus concrètement.
Pour faire face à ces obstacles, les autorités
locales et régionales ont trouvé un palliatif, que l'État
s'est d'ailleurs empressé d'encourager : la gouvernance territoriale.
55 Le Cornec (E.), La prise en compte de l'environnement par
les règles locales d'urbanisme, Paris, thèse
dactylograhoiée, 1997, dir. Yves Jégouzo.
56 Une adjointe au maire a été
soupçonnée d'avoir fait en sorte de déclarer
constructibles des terrains inondables, puis de les avoir fait céder
à son fils promoteur immobilier. Sur la tempête elle-même,
voir Miossec (Alain), Ç Mers et littoraux entre recherche scientifique
et émotions médiatiques : faut-il craindre la montée des
eaux ? >>, in Faut-il s'inquiéter pour la Terre ?, Paris,
La Géographie, n°1535, mai 2010, p. 7.
57 Harouel, J.-L., Ç Urbanisme >>, Dictionnaire
de la culture juridique, Paris, éditions Lamy et PUF, 2003, p.
1496.
Regards sur la traduction juridique du développement
durable C.2. Un substitut : la gouvernance territoriale
Pour Erik Orsenna, < les résultats
révèlent qu'en moyenne, le coüt de réalisation d'un
objectif environnemental donné est beaucoup plus élevé si
l'on applique des réglementations contraignantes que si l'on utilise des
instruments d'incitation tels que les taxes sur les émissions ou les
permis négociables >>58.
Cela explique la faveur dont jouit la gouvernance territoriale
en matière de développement durable. En effet, selon Michel
Casteigts, < l'émergence de la gouvernance locale s'inscrit
(É) au confluent de la territorialisation des politiques et de la
diversification des échelles de l'action publique
>>59.
Mais pour que les politiques publiques territoriales ne se
< contredisent >> pas, une coordination est nécessaire. Pour
que les objectifs des entreprises implantées sur le territoire et celle
de la collectivité qui en assure le développement ne se heurtent
pas de front, une coordination est nécessaire. Ce constat a amené
les parties prenantes à privilégier la concertation et la
corégulation pour la mise en Ïuvre de leurs politiques
territoriales de développement durable.
La corégulation est promue par la Communauté
européenne comme un instrument de < bonne gouvernance >>. A cet
effet, à l'initiative de la France, une communication a
été publiée le 8 octobre 200860, à
laquelle était annexée un projet de charte européenne de
la coopération en matière d'appui à la gouvernance locale.
Ce texte est né des constats suivants :
· L'importance de la dimension locale du
développement ;
· La diversification des acteurs de la coopération
impliqués à l'échelon local (Etats, collectivités
territoriales, société civile, secteur privé) ;
· Des interventions souvent parallèles voire
concurrentes ;
58 Orsenna (E.), ibid, p. 192.
59 Casteigts (M.), < Optimisation du développement
durable et management territorial stratégique : de la gouvernance locale
à la transaction sociale >>, VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, hors série 6 |
2009, [En ligne], mis en ligne le 09 novembre 2009. URL :
http://vertigo.revues.org/8987.
Consulté le 31 juillet 2010.
60 Les autorités locales : des acteurs en faveur du
développement {SEC(2008)2570}, 8 octobre 2008, COM(2008) 626
final.
· La nécessité d'une meilleure
harmonisation des actions de coopération dans l'appui à la
gouvernance locale, afin d'en renforcer d'efficacité.
Mais comme le montre Apolline Roger, la distance entre le
discours sur la corégulation et la réalité de sa
pertinence pour mettre en Ïuvre une politique environnementale ambitieuse
est importante. Les limites de la corégulation à cet égard
sont clairement dévoilées lorsqu'elle est utilisée
uniquement comme un substitut à une réglementation que
l'autorité publique concernée ne peut pas ou ne veut pas adopter.
En revanche, lorsqu'elle est utilisée dans un cadre réglementaire
approprié, la corégulation appara»t comme une méthode
intéressante pour accro»tre la participation des destinataires et
la flexibilité de la norme61.
Pour cette auteure, une solution envisageable consisterait
à permettre < aux entreprises engagées dans une
corégulation d'être exemptées du respect du droit
applicable : une taxe, ou un permis d'activité par exemple. Dans ce cas,
la situation est sécurisée vu qu'il existe une norme plancher, et
les entreprises sont fortement incitées à s'engager
volontairement pour éviter la contrainte règlementaire. Les
Pays-Bas et le Danemark ont obtenu de bons résultats en procédant
de la sorte (Glasbergen, 1998 ; Croci, 2005) >>62. On manque
de recul sur de telles pratiques s'agissant de la France, pays oü
l'intervention étatique a été élevée au rang
de religion. De surcroit, ces assouplissements incitatifs ne sont pas
envisagées à ce stade au niveau infra étatique.
Enfin, on peut émettre un doute sur un dispositif de
corégulation qui présente la réglementation comme une
menace, à laquelle il pourrait recouru en cas d'échec. Comme
l'indique Apolline Roger, < le levier d'action principal reste donc la
menace de l'adoption d'une réglementation >>63. Cette
conception anglo-saxonne du droit est difficile à comprendre pour les
juristes continentaux, habitués à traiter les problèmes de
droit par le recours à la loi et au règlement.
61 Roger (Apolline), < Quelle implication des
destinataires de la norme ? La voie de la corégulation >>,
VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement,
Hors série 6 | 2009, [En ligne], mis en ligne le 9 novembre 2009. URL :
http://vertigo.revues.org/8956.
Consulté le 20 juillet 2010.
62 Roger (A.), ibid., point 27.
63 Roger (A.), ibid., point 11.
II. La traduction juridique du développement
durable à l'échelle territoriale
Ç En théorie, la fin de la géographie
signifie que la localisation n'a désormais plus d'importance
»64 (R. O'Brien).
Le philosophe Jean-Philippe Pierron pose une question qui est
au cÏur de la problématique : << Comment articuler
l'universelle conscience des enjeux engagés Ð préserver la
terre et l'humanité Ð, et l'historicité particulière
des situations Ð l'hic et le nunc, l'ici et maintenant des acteurs
et de leurs cultures ? Cette dialectique de l'universel et de l'historique
s'explicite dans le << penser global, agir local >>. Elle porte une
tension interne, délicate pour qui veut exercer une
responsabilité. Quel est le bon niveau de décision à
engager pour promouvoir un développement durable : instance mondiale,
nationale, régionale, territoriale, individuelle ?
>>65.
De son côté, à l'issue d'une
démarche pragmatique, et pour résoudre l'équation <<
global v. local >>, Ludovic Schneider66 propose le recours
à 7 instruments, parmi ceux, très nombreux, qui existent en la
matière :
· L'Agenda 21 local << qui est un cadre de travail
global pour la mise en Ïuvre d'une politique de développement
durable à l'échelle d'un territoire >> ;
· Le Plan climat territorial << qui est un plan
stratégique centré sur une réflexion énergie/climat
>> ;
· La méthode Bilan carbone® de l'Ademe <<
qui est un outil de diagnostic des émissions de gaz à effet de
serre d'une collectivité et/ou d'un territoire >> ;
64 O'Brien (R.), O'Brien, Richard, Global Financial
Integration - The End of Geography, London, Pinter, 1992.
65 Pierron (J.-Ph.), Penser le développement durable,
Paris, éditions Ellipses, novembre 2009, p. 185.
66 Schneider (L.), Le développement durable
territorial, Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 71
· Le guide SD 21000 de l'Afnor Ç qui vise
à présenter des recommandations d'ordre stratégique et
opérationnel pour la prise en compte des enjeux de développement
durable >> ;
· La grille RST 02 Ç qui est un outil permettant de
questionner un projet vis-à-vis des enjeux de développement
durable >> ;
· Le modèle Afaq 1000NR Territoires de l'Afnor,
Ç qui est une évaluation tierce partie de la maturité des
pratiques de développement durable d'une collectivité >>
;
· Collectivités 21 Ç qui est un outil
d'évaluation basé sur une grille de questionnement >>.
Ces deux approches sont révélatrices du
fossé qui sépare, d'un côté l'affirmation de grands
principes à caractère universel - auxquels on ne peut que se
rallier -, et, de l'autre, la mise en Ïuvre pratique de ces grands
principes, spécialement à l'échelle territoriale.
Par ailleurs, ces grands principes sont eux-mêmes sujets
à discussion et leur traduction n'est pas toujours aussi évidente
qu'on pourrait le croire. Prenons l'exemple du commerce équitable. Cette
modalité d'échange économique aboutit à faire
acheter, par les pays développés de l'hémisphère
Nord, des produits de l'agriculture cultivés dans
l'hémisphère Sud. Le commerce équitable s'avère
ainsi contraire à l'objectif de développement durable qui vise
à diminuer l'émission des gaz à effet de serre dans
l'atmosphère. Un kilo de pommes de terre qui a parcouru 10 000 km a
émis plus de CO2 que des pommes de terre achetées à
proximité de leur lieu de consommation. C'est de ce constat qu'est
né, il y a quelques années déjà, le locavorisme. Un
comportement qui s'oppose, conceptuellement, au commerce équitable, tout
en visant pourtant à atteindre également des objectifs de
développement durable.
A. L'exemple du locavorisme
Ç Locavore >>67, le néologisme
est plutôt étrange. On le doit, semble-t-il, à une
étudiante californienne et il a été consacré comme
Ç mot de l'année >> dans la dernière édition
de l'Oxford American Dictionary en 200868, et il est
entré dans le Larousse en 2010. Le locavore est un être
humain omnivore qui consomme de la nourriture
67 Voir le site
www.locavores.com.
68
http://blog.oup.com/2007/11/locavore/,
12 novembre 2007, page consultée en octobre 2009 [en ligne].
produite, récoltée et distribuée
localement ; d'oü son nom. Pour les Ç locavores È,
l'alimentation doit provenir d'un rayon inférieur à 100 miles
(160 km). Exit, les bananes, ananas et autres fruits exotiques. Exit aussi les
fruits et légumes hors saison. De rares exceptions sont admises : pour
les épices notamment, ainsi que pour le poisson et les
crustacées.
Le rayon de 100 miles a été choisi à partir
de San Francisco (CA), oü le mouvement est né en 2005. La carte
ci-dessous montre l'impact de ce rayon à partir de la ville.
Le'gende : 100 miles autour de San Francisco (Carte Google
Map - 2010).
Ë l'occasion de la journée mondiale de
l'environnement ouverte à San Francisco en juin 2005 réunissant
plus de 100 maires, trois femmes et un homme ont lancé le
locavorisme : Lia McKinney, Jessica Prentice, Dede Sampson et
Sage Van Wing. Iis'agissait au début de relever un
défi : consommer exclusivement une nourriture produite localement
pendant un mois entier, le mois d'aoüt.
Pour les locavores, l'achat de produits locaux répond
à la fois à une logique de vie personnelle et à un
raisonnement économique69. Ainsi, l'un des adeptes notait,
dans le New York Times, en avril 2007 : << We have a situation in
California where we export as many strawberries as we import. It's gotten
ridiculous [Nous sommes dans une situation en Californie, qui fait que nous
exportons autant de fraises que nous en importons. C'est devenu ridicule]
>>70. Pour les locavores, la consommation d'une nourriture
produite localement est un objectif de développement durable : <<
For the Locavores and others who believe in eating locally, doing so affects
the planet's top three problems: the fact that we're on the downhill side of
the supply of oil and other fossil fuels, environmental deterioration and
economic issues, all of which will be addressed by World Environmental Day
meetings this week >> [Pour les locavores et les autres qui croient aux
vertus d'une alimentation produite et consommée localement, ce
comportement aura un effet sur trois des problèmes majeurs de la
planète : le fait que nous sommes sur la pente descente en ce qui
concerne la production de pétrole et des autres énergies
fossiles, la détérioration de l'environnement et les
problèmes économiques ; trois problèmes qui seront
traités à l'occasion de la journée mondiale de
l'environnement cette semaine]71.
La simplicité du << locavorisme >> est
à première vue séduisante. Mais cette nouvelle mode,
<< très tendance >>, s'oppose à la fois aux principes
qui fondent le droit communautaire, le droit de la commande publique et,
à certains égards, il s'oppose également aux principes qui
fondent le développement durable.
A.1. La preference locale : une mode promise à un
bel avenir
S'inscrivant dans une stratégie de développement
durable, le commerce équitable organise des échanges
économiques entre les pays développés et des producteurs
désavantagés situés dans des pays en développement.
Il vise à assurer une juste rémunération du travail de ces
producteurs et à établir avec eux des échanges plus
69 Le mouvement touche même les entreprises. Ainsi, le
restaurant du siège de Google aux États-Unis a été
baptisé café 150 car tout ce qui y est servi est produit
dans un rayon de 150 miles. C'est plus que ce que s'imposent les locavores,
mais la logique est la même.
70 << Preserving Fossil Fuels and Nearby Farmland by
Eating Locally >>, 25 avril 2007,
http://www.nytimes.com/2007/04/25/dining/25loca.html?pagewanted=2&_r=2,
page consultée le 25 juillet 2010 [en ligne].
71 << Diet for a sustainable planet. The challenge : Eat
locally for a month (You can start practicing now) >>, San Francisco
Chronicle, 1er juin 2005,
http://www.sfgate.com/cgi-
bin/article.cgi?f=/c/a/2005/06/01/FDGF7CV4KP1.DTL&hw=locavores&sn=001&sc=1000,
page consultée le 26 juillet 2010 [en ligne].
équilibrés. L'émergence des locavores
n'est pas sans conséquence pour le commerce équitable. Les
Ç antilocavores È considèrent en effet que si l'on cesse
d'acheter des haricots verts du Kenya, on va appauvrir les paysans africains.
En fait, le commerce équitable et le locavorisme traduisent deux
tendances opposées du développement durable : celle qui veut
à tout prix faire des économies d'énergie (et donc de
transport), et celle qui veut distribuer plus équitablement les
ressources de la planète, quitte à transporter les produits de
l'agriculture sur de longues distances.
A.1.1. Le commerce équitable, commerce énergivore
?
Les locavores partent d'un constat : aux États-Unis,
avant de parvenir jusqu'à l'assiette de l'Américain
affamé, les aliments parcourent en moyenne 1 500 miles, soit environ 2
400 kilomètres. Pour les fondateurs du mouvement, Ç cette
mondialisation de l'approvisionnement alimentaire a des conséquences
sérieuses pour l'environnement, notre santé, nos
collectivités et nos papilles. Une grande partie des produits
alimentaires stockés dans des greniers alentours doit être
expédiée à l'autre bout du pays pour être
redistribuée et prendre le chemin du retour en direction de nos
supermarchés. Ces transports à longue distance ont un coüt
non évalué (pollution de l'air et réchauffement de la
planète, coüts écologiques de la monoculture à grande
échelle) qui n'est pas directement payé à la caisse
È. A ce stade, une précision s'impose : les Ç locavores
È ne constituent pas une secte. Ils n'ont même pas une vie
à part comme les 200 000 Amish américains, par exemple. Ce sont
des gens ordinaires qui ont fait un constat et ont décidé d'en
tirer les conséquences.
A.1.2. Le locavorisme : un retour à la tradition ?
Acheter les légumes du jardin, en respectant les
saisons, les cycles lunaires et en restant près de chez soi ;
voilà une règle de vie qui se défend facilement, surtout
en période de crise. Pour L'Express72, le fait de
décider de réduire la distance d'approvisionnement de 2 400
à 160 km Ç a des conséquences en cha»ne. Ecologiques,
en premier lieu : on diminue drastiquement son empreinte carbone en n'achetant
plus ni crevettes tha ·es, ni mangues péruviennes
importées par avion, ni tomates ayant traversé un continent d'un
bout à l'autre en camion. A la place, on soutient des producteurs
locaux, et on mange de saison, salades du matin et fruits cueillis à
point È.
72 Briet (Marie-Odile), Ç Connaissez-vous les locavores
? È, L'Express, Paris, édition du 11 septembre 2008,
http://www.lexpress.fr/styles/psycho/connaissez-vous-les-locavores_563018.html,
page consultée le 2 juillet 2010 [en ligne].
En France, note l'hebdomadaire, le mouvement a pris racine il
y a une dizaine d'années. Depuis, l'Association pour le maintien d'une
agriculture paysanne (Amap) a pris de l'ampleur. Au départ, quelques
consommateurs passaient contrat avec un mara»cher, s'engageant à
lui acheter sa récolte moyennant un abonnement hebdomadaire. Ç
Aujourd'hui, dans certaines régions, le succès est tel que se met
en place, progressivement, un vrai système d'alimentation local ! Dans
l'agglomération de Pau, par exemple, 12 Amap nourrissent
désormais 800 familles, et le contenu des paniers est à 90 %
local. È L'idée ne séduit pas seulement les familles. Elle
se pratique déjà dans les partenariats public-privé (PPP).
Ainsi, dans un entretien au Moniteur des travaux publics et du
b%otiment du 8 février 2008, le président de l'Agence des
PPP du Québec, Pierre Lefebvre, expliquait : Ç On voit que la
majeure partie des matériaux provient d'un rayon de 150 km. La raison
pour laquelle on fait cela, c'est pour éviter l'émission de gaz
à effet de serre des camions qui viennent de pays très lointains.
a fait en sorte que l'industrie locale travaille. C'est important. È
(Le Moniteur, n° 5 437, p. 72). C'est du locavorisme
appliqué au BTP.
A.1.3. La position du rapport Pitte-Coffe du 4 mars 2010
Le professeur de géographie Jean-Robert Pitte et le
journaliste Jean-Pierre Coffe ont remis, le 4 mars 2010, à la ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, un rapport visant
à améliorer la restauration universitaire73.
Pour les deux auteurs, Ç en tant
qu'établissements publics, les Crous doivent passer des marchés
globaux pour l'ensemble de leur rayon d'action. Dans certaines grandes
académies, le nombre de sites d'enseignement supérieur est
très élevé et la dispersion oblige à des transports
de denrées sur de grandes distances. Les règles de passation des
marchés publics peuvent être aménagées en
répartissant les marchés par secteurs géographiques
(allotissements). Ces pratiques qui ne semblent pas générales
doivent être précisées et diffusées par le Cnous.
Certaines denrées telles que l'huile, les conserves ou les boissons
pourraient faire l'objet d'un marché national géré par le
Cnous, ce qui permettrait sans doute d'obtenir des tarifs plus bas et,
peut-être, de minimiser les variations brutales de tarifs (à
Bordeaux en 2008 : + 72 % sur l'huile, + 44 % sur les pommes rouges, + 16 % sur
le porc, + 20 % sur les steacks hachés). En
73 Pitte (Jean-Robert), Coffe (Jean-Pierre), Rapport
visant à améliorer la restauration universitaire,
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 4 mars
2010 :
http://www.enseignementsuprecherche.gouv.fr/cid50758/ameliorer-la-restauration-universitaire.html,
page consultée le 20 juillet 2010 [en ligne].
revanche, les produits frais pourraient avantageusement faire
l'objet de marchés segmentés, beaucoup plus liés aux
fournisseurs locaux. C'est tout à fait possible et cela existe
déjà pour le pain, par exemple, dans certains Crous.
Naturellement, cela existe déjà pour le pain, par exemple, dans
certains Crous. Naturellement, cela impliquerait que les agriculteurs,
mareyeurs, bouchers et PME agro-alimentaires diverses se structurent de
manière à garantir une sécurité des
approvisionnements. Les Chambres d'agriculture et de commerce pourraient
réfléchir avec les responsables des Crous aux aménagements
possibles de l'offre de denrées alimentaires. Les Amap (Associations
pour le maintien de l'agriculture paysanne) pourraient prendre en charge
l'approvisionnement des boutiques ou marchés étudiants dont il
sera question plus loin, voire des fruits et légumes. Si
l'approvisionnement local se développe, la restauration universitaire
reflétera beaucoup mieux les spécificités
régionales et les saisons. Le lien Crous-acteurs régionaux s'en
trouvera renforcé. Le bilan carbone s'en trouvera sensiblement
amélioré. Enfin, le coüt des matières
premières devrait pouvoir être abaissé. Il n'est pas
raisonnable que des pommes bio servies à Paris proviennent du Sud Tyrol,
au Nord de l'Italie. On imagine le coüt de transport de ces pommes qui
doivent transiter en camion par le col du Brenner ou par les voies
ferrées transalpines. En arrière-plan, se pose bien entendu la
question de l'insuffisance quantitative et du coüt de la production bio en
France. >>
Les deux auteurs prennent l'exemple d'Orléans :
Ç Les pommes locales un peu tachées sont en vente chez les
producteurs à 0,10 euro le kilo ; elles permettent de confectionner
d'excellentes compotes, tartes, pommes cuites au four. Parfaites, à
manger au couteau, elles valent 0,30 euro le kilo. Or, les pommes servies dans
les restaurants universitaires d'Orléans sont achetées par le
Crous, dans le cadre d'un marché général de fruits et
légumes, entre 0,80 euro et 1 euro. De plus, elles proviennent souvent
de l'hémisphère sud et ont souvent passé des mois en
chambre froide, perdant une grande partie de leur valeur vitaminique et
gustative. >>
Ce constat récent met en évidence le conflit
latent qui oppose le commerce équitable au locavorisme. Dans l'exemple
précité, on ignore si les dites pommes ont été
achetées dans le cadre du commerce équitable ; mais le
problème serait le même de toute manière. Achetées
dans l'hémisphère Sud, elles auront parcouru une grande partie de
la surface du globe avant d'atterrir dans l'assiette du consommateur. Une
situation
d'autant plus choquante, pour le professeur Pitte et M. Coffe,
qu'il existe à proximité des lieux de consommation, une
production de pommes tout à fait satisfaisante.
Il se trouve toutefois qu'en l'état actuel du droit, il
est impossible de donner directement une préférence aux
productions locales dans l'attribution des marchés publics.
A.2. La preference locale : une mode interdite par le
droit
Actuellement, le droit ne permet en aucun cas à
l'acheteur public de devenir locavore, même s'il en a la ferme
volonté. La préférence locale, qu'elles qu'en soient les
modalités, demeure strictement interdite. Cette interdiction
résulte aussi bien des principes du droit communautaire que de ceux
issus du droit interne. Et il n'y a pas d'exception.
A.2.1. L'interdiction en droit communautaire 1° La libre
circulation des marchandises
L'interdiction de la préférence locale est l'un
des principes fondateurs de la construction européenne. En effet, la
construction de la Communauté économique européenne a
été fondée sur l'affirmation de quatre libertés :
la liberté de circulation des personnes, des marchandises, des capitaux
et des services.
L'Union européenne, structure politique
instituée à l'échelle d'un continent entier74,
vise à créer un grand marché intérieur sans
barrières douanières. Doivent être également
interdites, à ce titre, toutes les mesures ayant un effet
équivalent aux dites barrières douanières. On les appelle
les << mesures d'effet équivalent à des restrictions
quantitatives (Meerq) >>75. Plus précisément,
les Meerq ont << pour objet ou pour effet de restreindre
spécifiquement les courants d'exportation de manière à
assurer un avantage particulier à une production nationale ou au
marché intérieur de l'Etat intéressé au
détriment de la production ou du commerce des autres Etats membres
>>76. Dans ces conditions, un acheteur public <<
locavore >> serait accusé de favoriser systématiquement les
entreprises locales au détriment des autres entreprises
européennes.
74 Dont les frontières restent toutefois l'objet de
débats qui n'ont pas leur place ici.
75 CJCE 11 juill. 1974, << Proc. du Roi c. Beno»t et
Gustave Dassonville >>, aff. 8-74, Rec. p. 837.
76 CJCE 8 nov. 1979, << Groenveld >>, aff. 15/79,
Rec. p. I-3409 - 1er avril 1982, << Holdijk >>, aff. 141 à
143/81, Rec. p. 1299.
L'affaire du << cassis de Dijon È est
emblématique et est bien connue de tous les juristes
spécialisés en droit communautaire. Dans cette affaire, la Cour
de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que
la réglementation allemande, qui n'autorisait pas la commercialisation
d'alcools de fruits ayant une teneur inférieure à 32°
d'alcool, était contraire aux principes du traité, car, de fait,
elle écartait le cassis de Dijon, qui titre moins de
32°77. Plus tard, elle a jugé que la distinction faite
aux Pays-Bas entre les bières brassées traditionnellement et les
autres bières était une Meerq, car la protection du consommateur
n'interdisait pas à ce dernier de consommer des bières
brassées différemment78. Les restrictions à la
libre circulation des marchandises sont donc interdites en Europe et ne peuvent
être admises qu'à titre exceptionnel, notamment pour des raisons
de santé publique (on pense naturellement à la << vache
folle È). Mais de toute manière, dans une telle hypothèse,
la restriction à l'importation ou à l'exportation doit être
limitée dans le temps.
2° L'interdiction du protectionnisme local
Dans le cadre d'une politique harmonisée au niveau
européen, comme l'est le droit des marchés publics, le juge
condamne, de manière plus directe, tout protectionnisme local au nom du
principe de non-discrimination issu du traité79. Il
sanctionne même les mesures incitatives. La Cour a ainsi dit pour droit
qu'une campagne publicitaire de promotion des produits irlandais,
financée par le gouvernement, n'était pas conforme aux
règles du traité, car une telle campagne incite les consommateurs
à acheter des produits irlandais80. De même, elle a
jugé que des mesures d'incitation à l'achat de produits nationaux
par le biais d'aides financières81 étaient contraires
au traité, ou que l'obligation faite aux entreprises grecques d'acheter
exclusivement des caisses enregistreuses comprenant dans leur fabrication une
valeur ajoutée en Grèce au moins égale à 35
%82 devait être regardée comme illégale au
regard du droit communautaire. Il va de soi que le raisonnement communautaire
est entièrement applicable aux achats
77 CJCE 20 févr. 1979, << Rewe-Zentral AG,
Bundesmonopolverwaltung fur Branntwein È, aff. 120/78, Rec. p. 649.
78 CJCE 17 mars 1983, << Kikvorsch È, Rec. p.
947. Ë noter que lorsqu'une politique a été
harmonisée au niveau communautaire, ce qui est le cas des marchés
publics, la notion de Meerq ne trouve plus à s'appliquer ; il suffit de
s'appuyer directement sur un manquement au droit communautaire. Pour les
marchés publics, on peut se demander si des Meerq ne pourraient pas
subsister en decà des seuils européens qui commandent
l'application des directives sur les marchés publics.
79 CJCE 20 mars 1990, << Du Pont de Nemours Italiana SpA c.
Unità sanitaria locale di Carrara È, aff. 21/88, Rec. I, p. 899
-- 11 juillet 1991, << Laboratori Bruneau È, aff. C-351/88, Rec.
I-3641.
80 CJCE 24 nov. 1982, << Commission c. Irlande È,
aff. C- 249/81, Rec. p. 4005.
81 CJCE 5 juin 1986, << Commission c. Italie È, aff.
C-103/84, Rec. p. 1 759.
82 CJCE 24 juin 1992, << Commission c. Grèce
È, aff. C- 137/91, Rec. p. 4023.
publics. Mais le droit interne, lui aussi, prohibe les
discriminations à caractère géographique. Il le fait au
nom du principe constitutionnel d'égalité.
A.2.2. L'interdiction en droit interne 1° L'interdiction
nette du localisme
En France, le juge considère invariablement la
préférence locale comme une illégalité, quel qu'en
soit le motif et quelles qu'en soient les modalités. Pour ce faire, le
juge ne s'appuie pas seulement sur le droit communautaire, dont il est le juge
de droit commun sur le territoire national, mais sur le droit interne
lui-même. L'arrêt de principe en la matière date du 29
juillet 1994. Dans cette décision, le Conseil d'Etat constate que
Ç la commission d'appel d'offres [...] a décidé [...]
d'attribuer le marché de préférence à une
entreprise locale lorsque celle-ci présenterait des propositions
n'excédant pas 4 % du devis d'éventuels soumissionnaires, cela
dans le souci de favoriser le maintien des emplois locaux et l'acquittement, au
bénéfice de la commune, des taxes professionnelles ; il ne
ressort pas des pièces du dossier que l'implantation locale de
l'entreprise chargée d'exécuter les travaux ait été
une des conditions de bonne exécution du marché >>. Le juge
rappelle que Ç les motifs tirés de la nécessité de
favoriser l'emploi local et d'équilibrer les finances locales par
l'acquittement de la taxe professionnelle sont sans rapport avec la
réglementation des marchés >>83.
Le tribunal administratif de Rennes lui a embo»té
le pas. A la suite d'un appel d'offres ouvert, un marché avait
été attribué à un groupement formé à
l'initiative des entreprises déjà titulaires du marché
antérieur, et ce, en raison de Ç leur compétence, de leur
bonne connaissance des lieux, de la qualité de la prestation
assurée et des difficultés qui résulteraient du changement
d'entreprises >>. Le marché a été annulé :
Ç Il est constant, dit le juge, d'une part, que la compétence de
la société (...) n'est pas discutée, d'autre part, que les
critères locaux ainsi avancés n'avaient pas été
expressément spécifiés dans l'appel d'offres ; qu'ils
reviennent, en outre, à favoriser les entreprises déjà
titulaires du marché et géographiquement proches de son lieu
d'exécution ; qu'une telle pratique, qui contrevient gravement au
principe de la libre concurrence sur lequel
83 CE 29 juill. 1994, Ç Commune de
Ventenac-en-Minervois >>, n° 131 562, Lebon tables, p. 1035.
Début novembre, on pouvait lire dans un journal local héraultais
la publicité suivante : Ç En ce début de récession,
mairies, agglos, conseils général et régional... Dans vos
investissements, donnez la priorité aux commerçants et artisans
locaux qui, par leurs impôts et taxes alimentent vos budgets. Et
choisissez le «journal Y», premier média local, pour les
informer de vos avis d'appel public à la concurrence. >> (Source :
blog Ç Lex Libris >> du Monde.fr, 6 nov. 2008).
repose la réglementation des marchés publics,
entache d'irrégularité la procédure poursuivie
È84. Pour des raisons identiques, l'acheteur public ne peut
pas non plus inciter uniquement les entreprises locales à soumissionner
à ses propres marchés. Dans l'affaire oü était en
cause la passation d'un marché de programmation pour la
réalisation d'une antenne du musée du Louvre à Lens, le
juge a censuré une procédure adaptée pour un marché
de 35 000 euros, estimant la publicité insuffisante. Quand on regarde le
fond du dossier, on découvre que l'avis avait été
publié par un journal local, ainsi que sur le site Internet de la
région, alors que la plupart des programmistes susceptibles d'être
intéressés étaient situés justement en dehors de
ladite région. C'est d'ailleurs la publication à titre informel
par Le Moniteur des travaux publics et du b%otiment qui a permis
à ces cabinets d'être finalement avertis85. Et, de
même qu'une campagne incitant les consommateurs à acheter des
produits nationaux est irrégulière au regard du droit
communautaire (CJCE 24 nov. 1982 et 5 juin 1986, préc.), une campagne de
promotion locale du site Internet régional de l'acheteur public aura
pour effet de favoriser plus particulièrement les entreprises
locales.
De manière plus générale, l'acheteur
public ne peut utiliser des moyens locaux pour assurer la publicité de
ses intentions d'achat, même en dessous des seuils, sauf si la
concurrence locale est suffisante. Mais cela reste difficile à
vérifier avant le lancement de la procédure, puisqu'on ne peut
savoir s'il y aura suffisamment de candidats qu'au terme de celle-ci. Et il
suffirait qu'une entreprise située en dehors de la zone ciblée
par le support local démontre qu'elle aurait pu être
intéressée pour que la procédure se retrouve
irrégulière (CE 7 oct. 2005, préc.). La seule parade est
de retenir au moins un support dont l'efficacité ne peut être
contestée en raison de son audience auprès des entreprises du
secteur économique concerné. En pratique, la tendance à
protéger le tissu économique local demeure très forte et,
d'une certaine manière, elle se comprend. Mais ce raisonnement n'est
jamais admis par le juge. Tout au plus peut-il se voir atténué
lorsque la proximité de l'entreprise est une condition nécessaire
à la bonne exécution du marché.
2° L'atténuation du principe
84 TA Rennes 5 avril 1995, Ç Préfet du Morbihan c.
Syn. intercommunal de Rochefort-en-Terre È, nO 942 005.
85 CE 7 oct. 2005, Ç Région Nord - Pas-de-Calais
È, nO 278 732, concl. D. Casas, Le Moniteur, 28 oct. 2005, p.
98, Y.-R. Guillou ; Contrats publics nO 49, nov. 2005, p. 77, A.
Hourcabie et A. Tabouis.
Le principe peut être atténué lorsque
l'exécution du marché (mais pas sa passation) comporte une
exigence de proximité de l'entreprise, notamment lorsque son
intervention doit pouvoir être très rapide en cas de panne. Encore
faut-il que cette condition soit correctement appliquée, car cela
n'implique nullement que l'entreprise ait son siège localement. Il peut
suffire qu'elle justifie de moyens de déplacement suffisamment rapides
(Revues Marches publics, n° 237, oct.-nov. 1988, p. 4, pour un
marché de maintenance de travaux), ou d'une installation assez proche
qu'elle pourra établir après l'attribution du
marché86. Mais l'acheteur ne peut exiger que cette
installation soit antérieure à l'attribution du marché.
Sinon, le choix pourrait être sanctionné, là encore, pour
protectionnisme local.
A.3. Développement durable et locavorisme
Dès lors, si les acheteurs publics souhaitent
procéder à des achats éco responsables en vertu de
l'article 5 du Code des marchés publics, il leur para»tra
préférable de recourir à des spécifications
techniques, plutôt qu'à des critères de sélection
des offres. Les cahiers des clauses techniques particulières peuvent
ainsi comporter des stipulations renvoyant à des normes, telles que des
agréments techniques ou des référentiels
élaborés par des organismes de normalisation (art. 6 du Code).
Les documents de consultation peuvent définir les performances ou
exigences fonctionnelles des prestations en y intégrant des
caractéristiques environnementales. L'administration peut ainsi se
référer à un écolabel (art. 6 VII). A priori,
rien n'interdirait d'obliger les produits à afficher un bilan
carbone incluant le transport sur le lieu de consommation. Mais ces
spécifications ne peuvent pas faire mention d'un mode ou d'un
procédé de fabrication particulier, ou encore d'une provenance,
ni faire référence à une marque ou à un brevet,
dès lors qu'une telle mention ou une telle référence
aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs
économiques, ou certains produits. Ainsi, dans l'affaire du pont
Storebaelt au Danemark, la CJCE a sanctionné le manquement de
l'administration au droit communautaire, pour avoir lancé une
procédure prévoyant Ç l'utilisation la plus large possible
de matériaux, de biens de consommation, de main d'Ïuvre et de
matériel danois È87. De plus, l'acheteur ne peut en
principe se référer aux spécifications d'un produit
précis, même sans le nommer88. Il est donc impossible
de faire appel à une entreprise, en lui imposant à son tour de
faire appel une entreprise
86 CE 14 janv. 1998, Ç Soc. Martin-Fourquin È,
n° 168 688.
87 CJCE 22 juin 1993, Ç Commission c. Royaume du Danemark
È, aff. 243/89, Rec. I-3353.
88 CE 11 sept. 2006, Ç Commune de Saran È, n°
257 545, AJDA 2006, p. 2140.
locale choisie à l'avance89. L'acheteur
public doit préserver la liberté d'accès,
l'égalité de traitement et la transparence des procédures
de passation, ces trois principes formant le Ç droit commun de la
commande publique >> qui répond au droit communautaire ainsi
qu'à des exigences de valeur constitutionnelle90. Cela
n'interdit pas à la collectivité de définir son besoin en
privilégiant le Ç bio >> par exemple, ce caractère
étant une qualité intrinsèque du produit acheté.
Mais elle ne peut pas imposer une provenance, à moins que celle-ci ne
soit la condition déterminante de l'achat du produit (appellations
d'origine contrôlée notamment). Enfin, l'acheteur peut fixer des
spécifications techniques allant au-delà des normes en vigueur,
même si cela aboutit à restreindre la concurrence, mais uniquement
lorsque les nécessités du service public l'exigent, condition
appréciée strictement par le juge91. A la
lumière de ces développements, une constatation s'impose :
l'apparition d'acheteurs publics locavores en France n'est pas pour
demainÉ
A.4. L'interdiction implicite du Ç
délocalisme È
Inversement, et bien que le cas n'ait pas été
traité explicitement par la jurisprudence, l'acheteur public qui
imposerait l'achat de produits issus du commerce équitable, en exigeant
qu'ils aient été produits dans l'hémisphère Sud
imposerait tout autant une condition de localisme, mais à l'envers. Mais
il s'agirait plutôt ici de Ç délocalisme
>>92, c'est-à-dire d'une condition de situation
géographique non liée à l'objet du marché
lui-même. En d'autres termes, il ne saurait être question de
défavoriser la production locale au seul motif qu'elle est locale. Le
principe d'égalité impose qu'hormis les hypothèses dans
lesquelles une condition géographique est obligatoire93, la
localisation du fournisseur ne puisse constituer un motif de discrimination
pour l'accès aux marchés.
89 CE 29 juillet 1998, Ç Commune de Léognan
>>, Lebon tables, p. 1017.
90 Cons. const. 26 juin 2003, déc. n° 2003-473 DC.
91 CE Sect. 3 nov. 1995, Ç District de
l'agglomération nancéienne >>, n° 152 484.
92 Les locavores les appellent les distavores.
93 Un cas bien connu est celui de l'entretien des espaces
verts. Il peut être légalement imposé au prestataire de
disposer d'une implantation locale pour exécuter les prestations qui
sont attendues de lui (taille des haies, tonte des pelouses, arrosage,
élagage, etc.). Mais cette exigence doit être une condition
d'exécution du marché public, et non pas une condition (ou un
critère) de son attribution. En d'autres termes, l'implantation locale
du candidat ne peut pas être exigée préalablement à
sa candidature, à condition toutefois que celui-ci s'engage à
exécuter le marché selon les stipulations du contrat, et qu'il
soit en mesure de démontrer comment il répondra aux exigences du
marché si son offre est retenue : en pratique, le marché
indiquera un délai d'intervention, sans imposer une implantation locale.
Et il appartiendra à l'entreprise candidate de démontrer de
quelle manière elle entend y répondre (Voir sur ce point CE 14
janv. 1998, Ç Soc. Martin-Fourquin >>, n° 168 688,
préc).
Quand on essaye d'appréhender les politiques
territoriales en matière de développement durable, on imagine
souvent les collectivités territoriales en leur qualité d'acteurs
sur le territoire, au sens oü elles peuvent réglementer localement
l'activité des entreprises et des particuliers, oü elles peuvent
agir localement par le biais de conventions ou d'aides publiques, et inciter
les entreprises et les particuliers à modifier leurs comportements. Tout
cela est vrai, et reste essentiel à la réussite de l'action
publique territoriale en matière de développement durable. Mais
les collectivités territoriales sont aussi, elles-mêmes, des
consommatrices de ressources, et elles émettent des gaz à effet
de serre. Par ailleurs, les contrats et marchés qu'elles sont
amenées à passer pour les besoins des services publics
produisent, directement ou indirectement, des effets sur les politiques de
développement durable dont elles sont parties prenantes par ailleurs.
C'est cet aspect là que la ville de Strasbourg a plus
particulièrement pris en compte, en déclinant sa politique de
développement durable dans le cadre des objectifs adoptés par la
Communauté urbaine de Strasbourg.
B. Le marché public de restauration scolaire de
Strasbourg
L'exemple de Strasbourg est intéressant à bien
des égards. Depuis 2008, la Communauté urbaine de Strasbourg
(CUS) et les communes qui la composent ont fait du développement durable
un axe politique fort. La Communauté a défini en particulier un
Plan climat territorial visant notamment à la réduction de ses
propres émissions de gaz à effet de serre.
B.1. Adoption d'un Plan climat territorial
Par délibération en date du 10 juillet 2009, la
Communauté urbaine a adopté son plan climat. La
délibération précise que Ç le Plan climat
territorial [doit être] un plan d'actions locales, mais qui
s'intègre dans une approche globale des enjeux liés au
réchauffement climatique. Ainsi, plusieurs engagements internationaux,
européens et nationaux ont déjà été pris,
à travers le protocole de Kyoto (1997), le sommet de Johannesburg (2002)
ou le Plan climat territorial national (2004) qui a mis en avant le rTMle
prépondérant des collectivités territoriales et locales
dans la lutte contre les changements climatiques en définissant le
Ç Plan climat territorial È. Aujourd'hui, ajoute la
délibération communautaire, il est reconnu scientifiquement, que
pour limiter le réchauffement climatique à 2° en moyenne, il
sera nécessaire, au niveau mondial, de stabiliser les émissions
de gaz à effet de serre (GES) à partir de 2020 et de les
réduire par 2 à l'horizon de 2050 par rapport au niveau
d'émissions de 1990. Cet effort planétaire demande un effort
encore accru des pays industrialisés, qui sont les principaux
responsables des émissions passées et actuelles. Pour ces pays,
l'objectif de réduction des émissions à l'horizon 2050 est
celui d'un facteur 4 au minimum È.
Dans ce cadre, la Communauté urbaine de Strasbourg a
mis à l'étude la création d'une agence locale du climat et
de l'énergie dans le cadre du Plan Climat Territorial, agence qui
pourrait agir à l'échelle de l'Eurodistrict. La Communauté
urbaine indique qu'elle adhère d'ores et déjà à des
réseaux internationaux Ïuvrant pour limiter le réchauffement
climatique (Énergies cités, ICLEI, etc.). La dimension de
mobilisation internationale autour des questions climatiques présente un
enjeu fort. D'une part, les réflexions et actions de la CUS peuvent
utilement se nourrir des expériences d'autres collectivités, et
d'autre part, la CUS peut par ce biais contribuer à la mobilisation
internationale. A cet égard, la délibération propose que
la CUS s'associe à la convention des maires portant un engagement
d'aller au-delà des objectifs des 3x20 fixés par
l'Union européenne. Cette initiative portée par
Energies cités, a déjà rassemblé près de 500
maires.
B.1.1 Les grandes lignes du Plan climat de la Communauté
urbaine de Strasbourg
Le Plan climat territorial de la Communauté
urbaine de Strasbourg
|
Premier axe. Agir sur le fonctionnement de la CUS
pour être exemplaire
|
Amélioration énergétique de nos
bâtiments
|
Réduction de l'impact des déplacements
générés par le fonctionnement de la
collectivité
|
Eco-conditionnalité de nos politiques d'achats
|
Renforcement de nos politiques de coopération
décentralisée
|
Second axe. Favoriser l'élaboration les actions
pour le climat des 28 communes de la CUS, et des partenaires de la
CUS
|
Accompagner les actions des communes de la GUS
|
Inciter les partenaires proches de la GUS à engager
une action de type plan climat
|
Soutenir les actions du monde associatif pour le climat et
l'énergie
|
Troisième axe. Elaborer un projet de territoire
prenant en compte les objectifs climatiques et fédérateurs pour
les acteurs locaux
|
Les principaux secteurs et pistes d'actions
|
L'habitat et l'urbanisme
|
Les transports
|
Les déchets
|
Le développement économique et
l'industrie
|
Une démarche participative globale
|
Le forum du Plan climat : comité scientifique,
réseau des élus du développement durable de la GUS, groupe
des acteurs internes
|
Les modalités et le calendrier de mise en
Ïuvre
|
Elaboration d'un Bilan carbone
|
Réalisation d'un inventaire territorial des
émissions
|
Finalisation du Plan climat territorial de la GUS
|
Source : délibération du 10 juillet
2009.
Regards sur la traduction juridique du développement
durable B.1.2. Le levier des politiques d'achat public territoriales
Parmi les nombreux chantiers ouverts par la Communauté
urbaine en application du Plan climat territorial figure celui des politiques
d'achat. Ce secteur est intéressant à étudier, dans la
mesure oü il implique à la fois le secteur public en sa
qualité d'acheteur, et le secteur privé, qui doit faire en sorte
de répondre aux exigences exprimées par la collectivité
publique. L'achat public est donc un levier efficace pour imposer aux
entreprises la prise en compte des objectifs du développement durable
dans leur processus de fabrication, puisque ces entreprises doivent les prendre
en compte, au moins pour pouvoir exécuter correctement les
marchés publics qui leur sont attribués.
La délibération de la Communauté urbaine
de Strasbourg résume parfaitement ce qui est attendu dans ce domaine :
Ç Le secteur des achats est très vaste et couvre l'ensemble de
l'activité de l'administration (matériels et consommables
informatiques, véhicules et engins, fournitures administratives, papier,
produits d'entretien, matériaux de construction et de voirie,
éclairage public, restauration, ...) avec la production de gaz à
effet de serre (GES) lors de la fabrication de ces derniers et lors de leur
usage. L'empreinte carbone globale est importante et doit être
réduite. L'adhésion à la démarche d'achat
éco responsable est un premier pas pour l'intégration de
critères environnementaux dans les marchés de fournitures et de
prestations È.
B.2. Les caractéristiques du marché
Sur ce point, le marché public de restauration scolaire
passé en 2009 par la ville de Strasbourg est un bon exemple de la mise
en Ïuvre du développement durable à l'échelle
territoriale. L'adjointe au maire chargée des marchés publics et
de la politique d'achats, Chantal Augé, a répondu aux questions
du Moniteur des travaux publics & du b%otiment et du site
d'information achatpublic.info. Pour elle, la commande publique est
effectivement un levier qui peut entrainer les fournisseurs dans une
démarche plus systématique. En 2009, la ville a commencé
à insérer de manière substantielle des exigences
environnementales et sociales dans son marché de restauration
scolaire.
L'avis d'appel public à candidature pour ce
marché94 a été publié le 23 juillet 2009
au Journal officiel de l'Union européenne95. La description
de l'objet du marché était la
94 On notera qu'il s'agit d'un accord-cadre mais, par souci de
simplification, on utilisera ici le terme de marché public.
95 Avis n° 202988-2009, 23 juillet 2009.
suivante : Ç fourniture de repas pour les restaurants
scolaires des écoles maternelles et élémentaires et les
établissements d'accueil de la Petite Enfance de la Ville de Strasbourg
- marché à vocation de développement durable È. Les
critères d'attribution du marché à l'offre
économiquement la plus avantageuse étaient libellés de la
manière suivante :
1. Valeur technique. Pondération : 45.
2. Prix des prestations. Pondération : 35.
3. Développement durable. Pondération : 20.
La prise en compte des différentes facettes du
développement durable au cours de l'opération a séduit le
jury de la deuxième édition des Trophées de la commande
publique, placée sous le parrainage du ministère du Budget, qui
lui a attribué la première place dans la catégorie
Ç achat durable È à l'occasion du Salon des maires et des
collectivités locales (Smcl). Ç La loi sur le Grenelle de
l'environnement impose un minimum de 20 % d'aliments issus de l'agriculture
biologique dans toute la restauration collective à partir de 2012. Nous
n'avons pas attendu cette date pour introduire du bio dans la restauration
scolaire qui représente 33 % de la restauration collective È,
poursuit l'adjointe aux marchés publics. Ç Chaque jour environ 5
800 repas sont livrés dans les restaurants scolaires de la ville qui ne
disposent pas de cuisine centrale mais uniquement de fours pour
réchauffer les plats livrés. Avec cette démarche
ambitieuse, nos objectifs étaient de réduire de 3 % par an au
minimum les émissions de CO! générés par les repas
livrés, de promouvoir une alimentation fondée sur la consommation
d'aliments respectueux du développement durable, de développer la
filière d'agriculture biologique, de promouvoir l'emploi des personnes
en difficulté d'insertion, complète Michèle Jean-Olive,
coordinatrice des achats à la ville. Nous avons essayé
d'exploiter au mieux les possibilités offertes par le code des
marchés publics, mais aussi d'avoir un rTMle éducatif et citoyen.
Nous souhaitons sensibiliser les élèves, mais aussi leurs parents
et entourage à développer des comportements respectueux du
développement durable et à réduire leurs émissions
de CO! È, ajoute Madame Augé.
B.2.1. 22 % à 44 % d'alimentation biologique dans les
assiettes
La ville a commencé à travailler sur le
marché fin 2008. Si elle n'a pas fait appel à une assistance
extérieure pour la rédaction du cahier des charges, son service
des achats
et de la commande publique a veillé à fournir
à la direction de l'éducation une réponse adaptée
à ses besoins. Ç Pour la préparation des menus, nous
devions rester dans un certain équilibre nutritionnel, leur connaissance
spécifique du domaine nous a beaucoup aidé. Nous avons
également sollicité l'avis de l'agence de l'environnement et de
la ma»trise de l'énergie (Ademe) et demandé des conseils aux
organismes qui ont des connaissances en matière d'insertion sociale,
tels que les relais emplois-chantiers. Nous avons également
regardé ce qui avait été fait par d'autres
collectivités È, précise la coordonnatrice. Des
fréquences minimales par catégorie d'aliments biologiques
(légumes fruits, produits laitiers frais, viande ou Ïufs, pain,
céréales ou légumes secs), ont été
définies dans le Cctp (1). La fréquence sera différente si
l'école fait partie des sites expérimentaux. Ç Toutes les
écoles de la ville vont avoir du bio dans leurs assiettes. Mais l'offre
en aliments issus de l'agriculture biologique est à l'heure actuelle
insuffisante. Le marché stipule que les repas doivent être
composés au minimum de 22 % de bio. Ce pourcentage est
élevé à 44 % pour 15 % des restaurants scolaires
désignés en tant que sites expérimentaux. Ainsi par
exemple pour les légumes la fréquence minimale est de deux fois
par semaine, quatre fois par semaine pour les sites expérimentaux, pour
la viande ou les Ïufs deux fois par mois ou une fois par semaine,
détaille Michèle Jean-Olive. Si l'offre en produits bio est
suffisante, l'expérimentation pourra être étendue à
d'autres sites par avenant È, poursuit-elle.
B.2.2. Bio implique-t-il local ? L'exemple de Lons-le-Saunier
Sur ce point, on peut citer également l'exemple de la
ville de Lons-le-Saunier, dont le député-maire, Jacques
Pélissard, président de l'Association des maires de France, est
un spécialiste du droit de l'environnement souvent cité parmi les
Ç ministrables È ces dernières années. Le rapport
Pitte-Coffe fait état de la politique alimentaire de la ville de
Lons-le-Saunier : Ç L'utilisation de produits bio locaux est à
encourager vivement. Elle semble inaccessible et trop onéreuse pour tous
les responsables qui ont été interrogés à ce sujet.
Pourtant, il existe un excellent exemple hors Cnous, celui de la ville de
Lons-leSaunier (Jura). Une cuisine centrale, placée sous la direction de
M. Thévenet, y prépare tous les repas de restauration collective
(écoles, collèges, lycées, hôpitaux, maisons de
retraite, prison, restaurants municipaux) exclusivement à partir de
produits bios. Les marchés sont passés avec des fournisseurs
locaux et les coüts entrent dans des contraintes budgétaires
semblables à celles des Crous. È
En dépit de l'intérêt de cet exemple, on
ignore malheureusement à quelles conditions la ville jurassienne a pu
retenir exclusivement des Ç fournisseurs locaux >> comme l'indique
le rapport. La préférence locale étant interdite, comme
cela a été rappelé, le caractère local des aliments
ne peut être utilisé comme un critère de sélection
pour l'attribution du marché aux fournisseurs. La ville de Strasbourg a
eu du mal à éviter cet écueil. Bien qu'elle fait tous les
efforts possibles pour ne pas mentionner dans le cahier des charges du
marché sa préférence pour le recours à des
fournisseurs, elle a néanmoins précisé, s'agissant du
pain, que celui-ci devrait être acheté auprès des
boulangeries locales. Une telle mention est illégale. Comme on l'a
déjà vu, la ville pouvait décrire les
caractéristique attendues du pain, notamment sa fraicheur, sans pour
autant imposer d'implantation locale.
Mise à part cette irrégularité, commune
à un grand nombre d'acheteurs publics, la ville de Strasbourg a
procédé différemment pour décrire ses attentes
à l'égard du marché de restauration scolaire. Elle a
élaboré une grille afin de calculer le coüt carbone. Cette
grille est inspirée du tableur Carbone Cantine élaboré par
David Jadaud.
B.2.3. Une grille pour calculer le coOt carbone
20 % de la note globale, c'est la pondération
accordée par Strasbourg au critère Ç développement
durable >>, découpé en deux volets : le volet
environnemental pondéré à 13 % et le volet insertion
sociale pondéré à 7 %. Ç Pour ce premier volet nous
avons utilisé deux sous-critères, le coüt carbone de 5
menus-types et les conditions d'approvisionnement des aliments. S'agissant du
sous-critère coüt carbone, la ville a fonctionné par
simulation. Nous avons remis aux candidats un cadre de réponse
permettant de calculer le coüt en kilogrammes équivalents carbone
pour la réalisation de ces menus-types pour 6 000 repas. Chacun des
candidats devait indiquer le lieu de provenance, le nombre de kilomètres
entre le lieu de provenance et Strasbourg et le mode de transport, routier,
fluvial, ferré, aérien >>, détaille la coordinatrice
des achats. Au-delà de la simulation, le titulaire, dont le
marché a été conclu à compter du 1er septembre
2009, devra rendre des comptes à la ville lors de l'exécution du
marché. Ainsi il est tenu de diminuer les émissions de CO!
liées aux prestations du marché au minimum de 3 % chaque
année. Ç Ce minimum de 3 % par an est l'application du Ç
facteur 4 >> du protocole de Kyoto. En introduisant le protocole en droit
interne, la France s'est engagée à diviser par 4 ses
émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. La traduction de ce
principe revient à une diminution de 3 % par an >>, précise
Chantal
Augé. En cas de non respect de cette exigence, la ville
pourra ne pas reconduire le marché. Ç Pour contrôler le
respect de cette obligation, le titulaire devra fournir trimestriellement une
liste indiquant les tonnages utilisés pour chaque aliment qui entre dans
la confection des repas livrés durant la période
concernée. Il devra de plus, indiquer systématiquement les lieux
de provenances et les modes de transports des aliments. Pour nous aider dans le
contrôle, nous nous sommes dotés d'un calculateur carbone pour
établir les tonnes équivalent CO! du marché È,
précise Michèle Jean-Olive.
B.2.4. Le tableur Carbone Cantine
Élaboré par David Jadaud et mis à jour en
aoüt 2009, le tableur Carbone Cantine permet de faire une estimation des
émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux choix
des aliments. Il permet aussi de simuler l'impact des modifications tout en
s'assurant du respect des principales contraintes nutritionnelles et du volume
de produits issus de l'agriculture biologique.
Principe de définition du facteur d'émission
de chaque produit (D. Jadaud, Tableur Carbone Cantine, 28 aoOt
2009).
Le principe de Carbone Cantine (D. Jadaud, Tableur
Carbone Cantine, 28 aoOt 2009).
Selon l'auteur, Ç chaque aliment est associé
à une série de données : - facteur d'émission de la
production en agriculture conventionnelle - coefficient en cas de production
biologique - coefficient de saisonnalité, en cas de production hors
saison - majorations liées au mode de conservation (surgélation,
réfrigération, conserve, séchage) - majoration liée
aux processus de transformation - majorations liées au transport
(importation hors Europe, importation Europe-Méditerranée,
production nationale ou locale) - composition nutritionnelle (protides, lipides
et glucides). È
En ce qui concerne l'origine géographique des aliments,
Carbone Cantine distingue quatre situations : - les importations hors
Europe-Méditerranée ; - les importations depuis l'Europe ou la
Méditerranée ; - les productions nationales ; - les productions
locales. En combinant les données extraites d'une étude Ademe -
Bio IS pour les fruits et légumes exotiques ou hors saison pour
l'année 2006, Carbone Cantine pose l'hypothèse suivante pour les
importations hors Europe-Méditerranée :
· Le volume global dépasse les 4 000 000 tonnes.
Le transport aérien ne concerne que 1 % de ce volume qui est
considéré ici comme négligeable.
· Le volume total des émissions de GES est
estimé à 1 000 000 tonnes éq. CO2. Le transport
aérien pèse pour 24 % sur ce total. On ne s'intéresse ici
qu'aux denrées qui transitent par bateau et par camion, ce qui
représente 760 000 tonnes éq. CO2 de GES.
· Les produits hors saison représentent 63 % des
volumes importés (37 % pour les produits exotiques). On fait
l'hypothèse que le transport aérien se répartit
uniformément entre ces deux catégories.
· Le hors saison représente 53 % des
émissions et l'exotique 47 %, ce qui représente respectivement
402 800 et 357 200 tonnes éq. CO2.
Carbone Cantine conclut à une majoration à
appliquer de 66 kg éq. C / t de fruits exotiques. Pour les productions
venant d'Europe ou de Méditerranée, le tableur part du
scénario suivant :
· Distance 1 800 km (Alméria - Bourges) ;
· Transport par tracteur routier non
réfrigéré : 29,4 g éq C / t.km.
On obtient alors une majoration de 53 kg éq. C / t. Le
tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon) retient une
majoration de 42 kg éq. C / t.
Pour les productions nationales et locales, l'auteur de Carbone
Cantine construit les scénarios suivants :
· Production nationale : distance 585 km
(Bourges-Strasbourg) parcouru avec un porteur de PTAC compris entre 11 et 19
tonnes (74,9 g éq. C / t.km) ;
· Production locale : distance 37 km (Issoudun-Bourges),
réalisée en 3,5 tonnes (331,7 g éq. C / t. km).
Carbone Cantine conclut à une majoration de 44 et 12 kg
éq. C / tonnes pour les productions nationales et locales.
B.2.5. Les limites du tableur Carbone Cantine
Nous avons mis en évidence les données du tableur
Carbone Cantine liées à l'origine géographique des
aliments. Carbone Cantine fait entrer, néanmoins, dans son calcul, un
certain nombre de données telles que le caractère
séché, appertisé de l'aliment ou emballage, ainsi que
l'éventuelle production sous serre chauffée.
Dans tous les cas, le transport conduit à une majoration
de 12 à 66 kg éq. C / t.
C'est ce tableur qui semble avoir inspiré la grille
d'appréciation des offres des prestataires candidats au marché de
Strasbourg.
B.2.6. L'insertion sociale
En ce qui concerne le second sous-critère de
développement durable lié aux conditions d'approvisionnement des
aliments, la coordinatrice des achats de Strasbourg, Mme Jean-Olive, explique
que les candidats devaient désigner les mesures qu'ils prendraient lors
de l'exécution du marché en faveur du respect de l'environnement,
telles que l'utilisation de logiciel d'optimisation des livraisons, des
véhicules de livraison Ç propres È, recours à
l'éco conduiteÉ En matière d'insertion sociale, un minimum
de 27 heures de travail effectuées par du personnel en insertion, par
tranche de 10 000 euros hors TVA de prestations facturées était
exigé des candidats. Les candidats devaient mentionner dans leur offre
le volume horaire dédié à l'insertion professionnelle en
plus de ce minimum, la qualité du tutorat et le niveau de qualification
pouvant être acquis par le personnel en insertion lors de
l'exécution du marché, développe la responsable. Le
titulaire, qui embauche déjà du personnel en insertion, s'est
engagé à faire réaliser 32 heures de travail en insertion
par tranche de 10 000 euros hors TVA, et à recruter du personnel
supplémentaire parmi les publics en difficulté. Ç
L'exigence d'insertion professionnelle comme condition d'exécution du
marché et critère de jugement des offres a permis d'obtenir des
offres intéressantes sur ce point È, se félicite
Michèle Jean-Olive. Le relais emploi chantiers de Strasbourg a
été fortement associé à la démarche. Il a
apporté sa collaboration lors de l'analyse des offres. Il sera
également chargé de contrôler le respect de la clause lors
de la mise en Ïuvre du marché.
Pour répondre aux conditions du marché,
l'Alsacienne de restauration s'est engagée à travailler avec
l'Organisation professionnelle de l'agriculture biologique en Alsace (Opaba) et
avec une coopérative, la Solibio, qui vise à faciliter
l'approvisionnement de produits biologiques pour la restauration collective.
Regards sur la traduction juridique du développement
durable B.2.7. Conditions d'exécution du marché
strasbourgeois
Des conditions d'exécution à caractère
environnemental ont été fixées dans le marché.
Ainsi pommes, carottes, céleri, chou blanc et rouge et tomates en saison
estivale devront obligatoirement provenir de l'agriculture biologique (label AB
ou équivalent). << Nous avons imposé au titulaire de
respecter l'équilibre nutritionnel et le rythme des saisons dans le
choix des aliments composant les menus. Pour sensibiliser les jeunes
générations, une animation trimestrielle sera organisée
pendant le repas sur le rTMle de l'alimentation sur la santé et la
préservation de l'environnement. Nous allons prochainement valider le
thème de la première animation È, explique la
coordinatrice.
En définitive, l'Alsacienne de restauration a
adhéré totalement aux objectifs poursuivis par la
collectivité strasbourgeoise. Après avoir formulé l'offre
économiquement la plus avantageuse et avoir obtenu le marché,
l'entreprise a devancé les objectifs qui lui étaient
assignés. Ainsi, selon les Dernières nouvelles d'Alsace, <<
dans son cahier des charges concernant le marché pour les écoles,
la Ville de Strasbourg nous demandait de réduire de 3 % les
émissions de CO2 (dioxyde de carbone) générées par
nos repas È, rappelle Jean-Yves Fontaine, directeur
général de l'Alsacienne. << On a signé pour juin
2010, mais finalement on s'est piqués au jeu et on tiendra l'objectif
dès janvier È, poursuit le chef d'entreprise96. Un
objectif qui a été atteint avant l'heure, en
definitive97.
Comme on le constate, la ville de Strasbourg est allée
très loin dans l'intégration du développement durable
à son marché public de restauration. Ainsi, même les
serviettes en papier doivent être composées de papier
recyclé non blanchi, toute indication de marque ou de
société étant proscrite pour ne pas engendrer de pollution
liée à l'utilisation d'encres d'impression. En cas de
circonstances exceptionnelles, telles qu'une panne de lave-vaisselle, le
titulaire doit être en mesure de fournir de la vaisselle à usage
unique, vaisselle qui doit être bien sür recyclable.
96 «Une cuisine allégéeÉ en
carbone», Les Dernières nouvelles d'Alsace, 23 octobre
2009 :
http://sitemap.dna.fr/articles/200910/23/cuisine-allegee-en-carbone,strasbourg,000012347.php,
page consultée le 2 juillet 2010 [en ligne].
97 L'Alsacienne de restauration a réalisé un
petit film qui présente le marché de restauration de la ville de
Strasbourg :
http://www.alsaciennederestauration.fr/IMG/swf/ELIORDD.swf,
page consultée le 10 juillet 2010 [en ligne].
L'exemple du marché public de restauration scolaire de
Strasbourg B.2.8. Le prix par repas n'est pas affecté pas les
exigences de développement durable
Le marché de la restauration scolaire de Strasbourg
représente 33 millions d'euros au maximum sur quatre ans. En
dépit des exigences environnementales et sociales, les prix
proposés par les entreprises de restauration ont été
inférieurs aux prévisions de la ville. Ainsi les prix
donnés par la société retenue, l'Alsacienne de
restauration, sont de 3,41 euros hors TVA par repas et de 3,72 euros hors TVA
pour les sites expérimentaux. Selon les fonctionnaires territoriaux,
Ç les prix ne représentent pas de surcoüt par rapport aux
prix des marchés antérieurs È, souligne Michèle
Jean-Olive.
B.3. Les enseignements du marché
strasbourgeois
B.3.1. Pour l'acheteur public : le critère Ç
développement durable È a permis l'émergence de la
meilleure offre
Au final, c'est le critère du Ç
développement durable È prévu à l'article 5 de
l'actuel Code des marchés publics qui a été
décisif, et ce sans tenir compte de la proximité du prestataire
ou des fournisseurs. Ç Ce critère a permis de départager
les offres de façon significative. Ces derniers se sont vu attribuer des
notes très différentes sur ce critère, contrairement
à la valeur technique et au prix, pour lesquels les offres
étaient très proches È, conclut Madame Jean-Olive. En ce
sens, la prise en compte du développement durable pour la
sélection de l'offre économiquement la plus avantageuse dans les
marchés publics s'est avérée discriminante,
c'est-à-dire opérationnelle, et elle a donc permis de classer
aisément les offres et de faire émerger l'offre
économiquement la plus avantageuse pour la collectivité.
B.3.2. Pour les entreprises : un marché qui a
imposé une évolution des pratiques
Par ailleurs, la passation de ce marché a
été riche d'enseignements pour les entreprises candidates. Elle
leur a permis de s'engager réellement dans une démarche de
développement durable en remettant en cause leurs propres pratiques. La
directrice Qualité de l'Alsacienne de restauration, Caroline Dietrich,
est ainsi à l'origine d'une étude complète de l'impact des
activités de l'entreprise sur le développement durable, qui s'est
conclue lors de la passation du marché strasbourgeois. Pour elle,
Ç l'étude a mis en évidence, pour la période
étudiée, des émissions de l'ordre de 4 400 tonnes
d'équivalent CO2 soit 2,5 kg par repas ou encore les émissions
annuelles moyennes de 500 français. L'enjeu se situe clairement au
niveau des matières premières mises en Ïuvre pour
confectionner les repas qui sont à l'origine de plus de 73 % des gaz
à effet de
serre. A ce poste stratégique se rajoutent 3 postes
prioritaires que sont les procédés internes (9 % de l'impact),
les emballages (5 %) et le fret (3 %). C'est sur ces 4 postes principaux que
nous concentrerons toute notre énergie en vue d'une réduction
globale annuelle de 3 % demandée par la ville de Strasbourg. Au
lancement de notre Bilan carbone, nous avions tous des certitudes quant aux
postes les plus émetteurs au sein de notre cuisine centrale. Les
résultats nous ont vraiment surpris ! Nous n'envisagions pas un tel
impact pour les matières premières agricoles et avions largement
surestimé celui du fret vers nos clients. Sans ce bilan carbone, nous
aurions consacré beaucoup d'énergie à des postes pour
lesquels le retour sur investissement aurait été minime et nous
serions, peut être, passés à côté de
l'essentiel. Aujourd'hui nous savons quels leviers actionner pour
réduire nos émissions et les plans de progrès sont
déjà en cours È.
Légende : les 4 axes d'action principaux de
l'Alsacienne de restauration (matériaux entrants hors emballages,
procédés internes, fabrication et fin de vie des emballages et
fret).
On peut tirer deux enseignements de cet exemple
strasbourgeois. Le premier, c'est que les entreprises n'ont pas toutes (encore
?) intégré dans leur stratégie la nécessité
du développement durable. L'observation de la représentante de la
ville selon laquelle les entreprises Ç se sont vu attribuer des notes
très différentes sur ce critères È, alors que les
différences de prix étaient en définitive très
faibles, est révélatrice d'un niveau d'apprentissage disparate.
Elle montre que la prise de conscience du développement durable ne se
traduit pas encore dans la politique commerciale des entreprises.
Il est vrai également que l'Alsacienne de restauration
était titulaire de ce marché depuis de nombreuses années,
et que celui représentait environ 10 % de son chiffre d'affaires. Cela
constitue une motivation supplémentaire par rapport aux concurrents.
Le deuxième enseignement à tirer de l'exemple
strasbourgeois, c'est naturellement l'impact que peuvent avoir les
collectivités territoriales sur la mise en Ïuvre de politiques de
développement durable au niveau local. Parce qu'elle a adopté
pour ellemême un Plan climat territorial, parce qu'elle a
décidé pour elle-même la réalisation d'un Bilan
Carbone, la Communauté de Strasbourg, et en son sein la ville de
Strasbourg, ont été amenées à imposer à
leurs cocontractants le respect d'objectifs qu'elles s'étaient
fixé pour elles-mêmes. Or, la commande publique représente
environ 10 % du produit intérieur brut français et en moyenne 15
% du produit intérieur brut des États de l'Union
européenne. C'est dire que les collectivités territoriales
peuvent, en leur qualité d'acheteurs publics, influer fortement sur la
mise en Ïuvre de politiques de développement durable par les
acteurs privés (ou publics d'ailleurs) qui sont leurs partenaires
économiques privilégiés.
Conclusion
Ë la lumière des développements qui
précèdent, on constate que deux voies d'accès au
développement durable coexistent. La première voie est celle qui,
au niveau mondial, de conférences en symposiums, de traités en
conventions, fait émerger peu à peu une conscience
planétaire ; une conscience à même de mesurer les enjeux,
de constater l'urgence et d'alerter les populations.
L'autre voie est celle qui, modestement, contribue à
l'élaboration de normes ou de certifications ; c'est celle qui participe
à des processus de corégulation ; celle qui met en Ïuvre,
à l'échelle des territoires, des objectifs de
développement durable, tant au niveau environnemental qu'aux niveaux
économique ou social.
On se demande si ces deux démarches s'appuient l'une
sur l'autre, ou bien si elles se développent parallèlement. D'un
côté, des discours nous appellent à ne pas détourner
notre regard pendant que la maison brüle. De l'autre, une ville comme
Strasbourg introduit des objectifs de développement durable dans les
repas qu'elle sert aux écoliers en ne s'appuyant, en fait, que sur
l'article 5 du Code des marchés publics qui ne pourrait, de toute
manière, faire l'objet d'aucune sanction par le juge s'il n'était
pas respecté. Le
professeur Beno»t Delaunay, lui-même, constate que
le développement durable ne s'impose pas juridiquement à la
commande publique, si ce n'est en encourageant des comportements vertueux :
Ç La commande publique (É) si elle n'est pas au premier abord
gouvernée par le développement durable, tisse des liens de plus
en plus étroits avec elle. C'est ainsi que d'un principe de
neutralité du droit de la commande publique à l'égard du
développement durable, le droit semble en être successivement venu
à une neutralité bienveillante, puis même encourageante,
positive dirait-on aujourd'hui. La promotion du développement durable
conduira sans nul doute à aller plus loin encore demain (É)
>>98. C'est dire en peu de mots qu'aujourd'hui le
développement durable ne s'impose pas vraiment à la commande
publiqueÉ
C'est sans doute là que se situe la principale
difficulté à assurer la traduction juridique du
développement durable. Il faut à la fois transposer les grandes
déclarations de principe en règles de droit opératoires,
et transposer un enjeu planétaire en actions territoriales
concrètes. Pour Jean-Paul Paulet, Ç il n'y a pas de
contradictions entre le local et les objectifs globaux. En
effet, le respect d'une éthique mondiale permet d'appliquer, sur le plan
local, des mesures nécessaires, même si elles déplaisent
>>99.
De ce point de vue, les deux Ç Grenelle >>
successifs font appara»tre qu'il reste du chemin à parcourir. Mais
la loi du 12 juillet 2010 montre déjà la voie. Elle constitue en
tout cas un bel effort collectif qui devra être poursuivi et
approfondi.
C.E.
98 Delaunay (B.), Ç Le développement durable,
avenir de la commande publique ? >>, Dossier commande publique et
développement durable, Contrats publics - L'Actualité de la
commande et des contrats publics, février 2010, n 96, p. 3.
99 Paulet (Jean-Paul), Géographie urbaine, Paris,
éditions Armand-Colin, 2009, p. 112.
SOMMAIRE DÉTAILLÉ
I. La difficile traduction juridique du developpement
durable............................................ 6
A. Developpement durable : des definitions
multiples....................................................................10
A.1. Une definition
po/ysemique............................................................................................................................11
A.2. Les trois pi/iers du deve/oppement
durab/e............................................................................................12
A.3. La soutenabi/ite forte et /a soutenabi/ite
faib/e......................................................................................13
A.4. Une notion diffici/e a traduire
juridiquement.........................................................................................15
B. Enjeux et debats
.......................................................................................................................................16
B.1. Un constat qui ne fait pas /'unanimite
........................................................................................................16
B.2. Une experience ma/heureuse : /e droit du
deve/oppement...............................................................19
B.3. Faut-i/ poser /a question autrement
?.........................................................................................................20
B.3.1. (Re)definir /a notion
d'environnement................................................................................................................20
B.3.2. Envisager /a creation d'une agence
internationa/e.........................................................................................24
B.3.3. Monetiser
/'environnement.......................................................................................................................................24
B.3.4. Les travaux de Rona/d Coase et /'apparition du principe
po//ueur-payeur..........................................25 B.3.5. Dommage
co//ectif et responsabi/ite individue//e
...........................................................................................28
C. La bonne echelle spatiale : l'echelle territoriale
...........................................................................31
C.1. L'Etat n'est sans doute pas /a bonne
eche//e............................................................................................31
C.2. Un substitut : /a gouvernance
territoria/e.................................................................................................38
II. La traduction juridique du developpement durable a
l'echelle territoriale ............40
A. L'exemple du locavorisme
....................................................................................................................41
A.1. La preference /oca/e : une mode promise a un be/ avenir
.................................................................43 A.1.1. Le
commerce equitab/e, commerce energivore ?
............................................................................................44
A.1.2. Le /ocavorisme : un retour a /a tradition
?..........................................................................................................44
A.1.3. La position du rapport Pitte-Coffe du 4 mars
2010........................................................................................45
A.2. La preference /oca/e : une mode interdite par /e
droit........................................................................47
A.2.1. L'interdiction en droit communautaire
...............................................................................................................47
1° La /ibre circu/ation des
marchandises.........................................................................................................................47
2° L'interdiction du protectionnisme /oca/
.....................................................................................................................48
A.2.2. L'interdiction en droit interne
.................................................................................................................................49
1° L'interdiction nette du
/oca/isme...................................................................................................................................49
2° L'attenuation du
principe..................................................................................................................................................50
A.3. Deve/oppement durab/e et
/ocavorisme....................................................................................................51
A.4. L'interdiction imp/icite du x de/oca/isme »
..............................................................................................52
B. Le marche public de restauration scolaire de
Strasbourg.........................................................54
B.1. Adoption d'un P/an c/imat
territoria/..........................................................................................................54
B.1.1 Les grandes /ignes du P/an c/imat de /a Communaute urbaine de
Strasbourg....................................55 B.1.2. Le /evier des
po/itiques d'achat pub/ic
territoria/es.......................................................................................56
B.2. Les caracteristiques du
marche.....................................................................................................................56
B.2.1. 22 % a 44 % d'a/imentation bio/ogique dans /es
assiettes..........................................................................57
B.2.2. Bio imp/ique-t-i/ /oca/ ? L'exemp/e de
Lons-/e-Saunier.................................................................................58
B.2.3. Une gri//e pour ca/cu/er /e co^t
carbone..............................................................................................................59
B.2.4. Le tab/eur Carbone
Cantine.......................................................................................................................................60
B.2.5. Les /imites du tab/eur Carbone
Cantine...............................................................................................................62
B.2.6. L'insertion socia/e
.........................................................................................................................................................63
B.2.7. Conditions d'execution du marche
strasbourgeois.........................................................................................64
B.2.8. Le prix par repas n'est pas affecte pas /es exigences de deve/oppement
durab/e.............................65
B.3. Les enseignements du marche
strasbourgeois.......................................................................................65
B.3.1. Pour /'acheteur pub/ic : /e critere o deve/oppement durab/e » a
permis /'emergence de /a mei//eure
offre.............................................................................................................................................................................65
B.3.2. Pour /es entreprises : un marche qui a impose une evo/ution des
pratiques......................................65
Conclusion............................................................................................................................................67
BIBLIOGRAPHIE
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Vers de nouveaux systèmes de mesure, Paris, éditions
Odile-Jacob, novembre 2009.
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octobre 2008.
Périodiques
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durable È, Contrats Publics - L'Actualité de la commande et
des contrats publics, Paris, éditions Le Moniteur, n° 96,
février 2010.
· << Bilan Planète - Les temps forts et les
acteurs de l'année 2009 È, Paris, Le Monde,
horssérie, novembre 2009.
· << Construire durable È, Paris, Le
Moniteur des travaux publics et du bâtiment, hors-série, mai
2010.
· << Grenelle II - Loi portant engagement national
pour l'environnement È, Le Moniteur des travaux publics et du
bâtiment, cahier détaché n° 2, n° 5565, 30
juillet 2010.
· Revue Internet Développement durable et
territoires, http://developpementdurable.revues.org/
· Revue Internet VertigO, hors série
<< La gouvernance à l'épreuve des enjeux environnementaux
et des exigences démocratiques È, 2009-6.
· Revue Internet Cybergeo,
http://cybergeo.revues.org/
· Revue Internet Créville,
http://www.crevilles.org/
Annexes
1. Le tableur Carbone Cantine, Dominique Jadaud - aoüt
2009.
2. Délibération du adoptant le Plan climat
territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg - 10 juillet 2009.
3. Communiqué de presse du relatif à
l'introduction de repas à faible coüt carbone par la ville de
Strasbourg - 28 janvier 2010.
Carbone Cantine
Carbone Cantine est destiné aux chefs de cuisine et aux
intendants pour leur faciliter la prise en compte de l'impact sur le
réchauffement climatique des menus servis en restauration collective.
Il s'agit d'un tableur qui permet de faire une estimation des
émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) liées aux choix
des aliments. Il permet aussi de simuler l'impact des modifications tout en
s'assurant du respect des principales contraintes nutritionnelles et du volume
de produits issus de l'agriculture biologique.
Les différents facteurs d'émission et
coefficients utilisés dans le tableur sont explicités cidessous.
Les valeurs peuvent être facilement modifiées, à la fois
pour intégrer l'évolution des connaissances et des règles
de la comptabilité carbone, mais aussi pour adapter le tableur aux
particularités éventuelles d'une cuisine centrale.
L'objectif n'est pas de fournir une valeur exacte des
émissions de GES, mais d'en donner une estimation et surtout
d'évaluer les économies de GES réalisables en modifiant
telle ou telle pratique tout en s'assurant du respect des contraintes
nutritionnelles1.
1. Principe de calcul
|
2
|
2. Documentation des facteurs d'émissions
|
4
|
2.1. Facteur d'émission de base
|
4
|
2.2. Coefficient en cas de production biologique
|
7
|
2.3. Majoration de saisonnalité
|
7
|
2.4. Majoration liée au mode de conservation
|
7
|
2.5. Majoration liée à la transformation
|
8
|
2.6. Majoration liée à l'origine
géographique
|
9
|
3. Contact
|
10
|
1Recommandation relative à la nutrition Ð 4
mai 2007 - Groupe d'Etude des Marchés de restauration Collective et de
Nutrition (GEMRCN)
1. Principe de calcul :
Les critères nutritionnels s'intéressant à
la composition de séquences de 20 menus consécutifs, les
émissions de GES sont estimées sur cette même base.
Chaque aliment est associé à une
série de données :
- facteur d'émission de la production en agriculture
conventionnelle
- coefficient en cas de production biologique
- coefficient de saisonnalité, en cas de production hors
saison
- majorations liées au mode de conservation
(surgélation, réfrigération, conserve, séchage) -
majoration liée aux processus de transformation
- majorations liées au transport (importation hors Europe,
importation Europe-Méditerranée, production nationale ou
locale)
- composition nutritionnelle (protides, lipides et glucides)
Fig. 1 Principe de définition du facteur
d'émission de chaque produit
Les produits qui rentrent dans la fabrication
des plats sont définis à partir des aliments, en précisant
le mode de production, le mode de conservation, l'origine et s'il faut tenir
compte du processus de transformation. La saisonnalité est prise en
compte automatiquement, à partir du mois défini pour la
séquence de menus, dans le cas de produits frais, produits en Europe.
Pour chaque produit, il est demandé de renseigner deux
autres champs le cas échéant :
- préciser si le produit est frit ou pré-frit
(information qui est prise en compte dans les
critères nutritionnels)
- l'impact sur les ressources halieutiques dans le cas de
produits de la mer.
Pour chaque composante on définit les produits qui
rentrent dans sa fabrication et les grammages qui sont associés.
Fig. 2 Principe de Carbone Cantine
Certains champs spécifiques sont renseignés pour
chaque composante, afin de permettre la vérification des critères
nutritionnels sur la séquence de menus.
Entrées :
- cruditéPlats protidiques :
- plat frit ou préfrit - plat à base d'oeuf
- plat à base de poisson
- viande non hachée de boeuf, de veau ou d'agneau, et
abats de boucherie
- préparation ou plat prêt à consommer
à base de viande, de poisson, d'oeuf et/ou de fromage, contenant moins
de 70 % de viande, de poisson ou d'oeuf
Garnitures :
- plat frit ou préfrit
- légume cuit, autre que sec
- légume sec, céréale ou féculent
Desserts :
- fruit cru
La séquence de menus est composée de 20 menus.
Il faut préciser le mois, et définir chaque menu à partir
des composantes disponibles. Pour chaque menu, il est possible d'ajouter du
pain et de la salade.
Une fois la séquence complètement définie,
le tableur donne les émissions de GES par repas, pointe les menus les
plus émissifs et les critères nutritionnels non respectés
le cas échéant.
2. Documentation des facteurs
d'émission
2.1.Facteur d'émission de base
Les facteurs d'émissions de base proviennent
essentiellement de la méthode Bilan Carbone®,
développée par l'Ademe. Les autres proviennent
- soit du tableur Opération Carbone,
développée pour les lycées par la région
RhôneAlpes, à partir d'une étude réalisée par
Guillaume Chouvellon,
- soit d'estimations établies par David Jadaud, de facon
plus ou moins documentée.
La méthode Bilan Carbone® donne une incertitude par
défaut de 30% sur le facteur d'émission d'un produit
alimentaire.
Aliment
|
Facteur d'émission (g éq C / kg)
|
Source
|
Boeuf
|
4740
|
Bilan Carbone®2
|
Veau
|
12800
|
Bilan Carbone®
|
Porc
|
1220
|
Bilan Carbone®
|
Poulet de batterie
|
400
|
Bilan Carbone®
|
Poulet fermier
|
640
|
Bilan Carbone®
|
Pintade
|
580
|
Bilan Carbone®
|
Pintade fermière
|
730
|
Bilan Carbone®
|
Dinde
|
450
|
Bilan Carbone®
|
Dinde fermière
|
810
|
Ademe3
|
Canard
|
580
|
Bilan Carbone®
|
Oie
|
580
|
Identique au canard4
|
Mouton
|
3840
|
Bilan Carbone®
|
Lapin
|
500
|
Approximation à revoir4
|
Poisson
|
500
|
Ademe5
|
Crème fraiche
|
1580
|
Etablie sur la base du beurre4
|
Lait (demi écrémé)
|
316
|
Bilan Carbone®
|
Fromage pate cuite
|
3160
|
Bilan Carbone®
|
Fromage pate crue
|
1500
|
Bilan Carbone®
|
Yaourt
|
470
|
Bilan Carbone®
|
Beurre
|
3160
|
Bilan Carbone®
|
Îuf
|
300
|
Bilan Carbone®
|
Blé
|
92
|
Bilan Carbone®
|
Ma ·s
|
83
|
Etablie sur la base d'un rendement de 9 t /
ha6
|
2 Source Bilan Carbone® - Guide des facteurs
d'émissions - Version 5.0 Calcul des facteurs d'émissions et
sources bibliographiques utilisées Ð Janvier 2007 Ð
www.ademe.fr
3 Source Ademe, citée dans le tableur
Opération Carbone Ð Facteurs d'émissions Ð
Opération Carbone lycée
4 Estimation D. Jadaud
5 Source Ademe, citée dans le tableur
Opération Carbone Ð Facteurs d'émissions Ð
Opération Carbone lycée. Il s'agit de la valeur donnée
pour la seule pêche européenne, mais considérée ici
comme valable pour n'importe quelle pêche. Cette valeur est
établie sur la base d'une production de 2 kg de poisson / l de gazole
(Rapport sur l'apport de la recherche à l'évaluation des
ressources halieutiques et à la gestion des pêches, M.
Marcel-Pierre Cléach, Sénateur), majorée de 10% pour la
conservation et le transport. Cette valeur est relativement faible par rapport
à la viande, et il faut veiller à ne pas effectuer de report
massif et sans discernement vers des ressources halieutiques
surexploitées (Bilan Carbone® donne 440 g eq C / kg pour la
pêche européenne).
Farine de blé
|
133
|
Bilan Carbone·
|
Riz
|
750
|
Sur la base des seules émissions de
méthane7
|
Pates
|
150
|
Opération Carbone
|
Pain
|
150
|
Opération Carbone
|
Abricot
|
23
|
Opération Carbone8
|
Ananas
|
23
|
Opération Carbone8
|
Avocat
|
23
|
Opération Carbone8
|
Banane
|
23
|
Opération Carbone8
|
Cassis
|
23
|
Opération Carbone8
|
Cerise
|
23
|
Opération Carbone8
|
Coing
|
23
|
Opération Carbone8
|
Fraise
|
23
|
Opération Carbone8
|
Framboise
|
23
|
Opération Carbone8
|
Groseille
|
23
|
Opération Carbone8
|
Kiwi
|
23
|
Opération Carbone8
|
Mandarine
|
23
|
Opération Carbone8
|
Melon
|
23
|
Opération Carbone8
|
Mirabelle
|
23
|
Opération Carbone8
|
Mure
|
23
|
Opération Carbone8
|
Myrtille
|
23
|
Opération Carbone8
|
Nectarine
|
23
|
Opération Carbone8
|
Orange
|
23
|
Opération Carbone8
|
Pamplemousse
|
23
|
Opération Carbone8
|
Pastèque
|
23
|
Opération Carbone8
|
Pêche
|
23
|
Opération Carbone8
|
Poire
|
23
|
Opération Carbone8
|
Pomme
|
23
|
Opération Carbone8
|
Prune
|
23
|
Opération Carbone8
|
6 Estimation D. Jadaud. Le Bilan Carbone® donne
les valeurs suivantes pour le ma ·s grain conventionnel (kg
éq
C / ha) :
Emissions liées à l'utilisation des engrais
|
438
|
Emissions à la fabrication des engrais
|
220
|
Emissions liées à la consommation de carburant
|
81
|
Emissions liées à la fabrication des machines
|
7
|
Total
|
746
|
Avec un rendement de 9 t / ha (source Agreste, la FAO donne 8,6 t
/ ha), on obtient un facteur d'émission de 83 kg éq C / t de
ma ·s
7 Estimation D. Jadaud, sur la base des seules
émissions de méthane estimées à 120 g / kg (Source
FAO, citée sur
www.novethic.fr,
http://www.novethic.fr/novethic/planete/environnement/climat/comment_diminuer_concentration_methane_dan
s_atmosphere/95687.jsp). Opération Carbone retient la valeur de 150 kg
éq C / t de riz, valeur proposée par Guillaume Chouvellon.
8 Valeur proposée par Guillaume Chouvellon et
retenue dans le tableur Opération Carbone - Facteurs d'émissions
- Opération Carbone lycée.
L'IGBE donne une valeur de 0,2 kg éq CO2 / kg (54 g
éq C / kg) pour la tomate belge produite en plein champ. Le Bilan
Carbone® donne les valeurs suivantes pour la production de pommes de terre
(kg éq C / ha) :
Emissions liées à l'utilisation des engrais
|
400
|
Emissions à la fabrication des engrais
|
201
|
Emissions liées à la consommation de carburant
|
131
|
Emissions liées à la fabrication des machines
|
6
|
Total
|
738
|
Avec un rendement de 42,6 t / ha (source Agreste), on obtient un
facteur d'émission de 17 kg éq C / t. Carbone Cantine retient la
valeur de 23 kg éq C / t par défaut pour toute production de
fruits ou de légumes.
Raisin
|
23
|
Opération Carbone8
|
Rhubarbe
|
23
|
Opération Carbone8
|
Tomate
|
23
|
Opération Carbone8
|
Fruits secs
|
46
|
Opération Carbone8
|
Artichaut
|
23
|
Opération Carbone8
|
Asperge
|
23
|
Opération Carbone8
|
Aubergine
|
23
|
Opération Carbone8
|
Betterave
|
23
|
Opération Carbone8
|
Brocoli
|
23
|
Opération Carbone8
|
Carotte
|
23
|
Opération Carbone8
|
Céleri rave
|
23
|
Opération Carbone8
|
Céleri branche
|
23
|
Opération Carbone8
|
Champignon
|
23
|
Opération Carbone8
|
Chou
|
23
|
Opération Carbone8
|
Chou fleur
|
23
|
Opération Carbone8
|
Chou de Bruxelles
|
23
|
Opération Carbone8
|
Concombre
|
23
|
Opération Carbone8
|
Cote de Blettes
|
23
|
Opération Carbone8
|
Courge
|
23
|
Opération Carbone8
|
Courgette
|
23
|
Opération Carbone8
|
Endive
|
23
|
Opération Carbone8
|
Épinard
|
23
|
Opération Carbone8
|
Fenouil
|
23
|
Opération Carbone8
|
Haricots secs
|
46
|
Identique aux fruits secs9
|
Haricots verts
|
23
|
Opération Carbone8
|
Lentilles
|
23
|
Opération Carbone8
|
Navet
|
23
|
Opération Carbone8
|
Oignon
|
23
|
Opération Carbone8
|
Poireau
|
23
|
Opération Carbone8
|
Petit pois
|
23
|
Opération Carbone8
|
Poivron
|
23
|
Opération Carbone8
|
Pomme de terre
|
23
|
Opération Carbone8
|
Radis
|
23
|
Opération Carbone8
|
Salade
|
23
|
Opération Carbone8
|
Huile
|
250
|
Ademe2
|
Sucre
|
200
|
Bilan Carbone·
|
Biscuit
|
150
|
Opération Carbone8
|
Pâtisserie
|
300
|
Etablie à partir de fiches de fabrication10
|
Plat compose
|
800
|
Opération Carbone11
|
Préparation pâtissière salée
|
500
|
Etablie à partir de fiches techniques12
|
9 Estimation David Jadaud
10 Estimation David Jadaud, établie à
partir des fiches techniques de fabrication de différentes
pâtisseries au lycée Pérochon (79) et des facteurs
d'émission Bilan Carbone®® v5. Le calcul donne 302 g éq
C/ kg pour la crème pâtissière. Le tableur Opération
Carbone propose 150 kg éq C / t de pâtisserie fra»che, et 300
kg éq. C / t dans le cas de pâtisserie surgelée.
11 Valeur issue de la version provisoire du Bilan
Carbone® Campus, et retenue par le tableur Opération Carbone pour
les préparations alimentaires élaborées composites
réfrigérées
12 Estimation David Jadaud à partir de fiches
techniques (quiche lorraine, friand). La préparation
pâtissière salée comporte très souvent de la viande
et du lait en poudre, ce qui explique l'écart par rapport à la
pâtisserie sucrée.
2.2.Coefficient en cas de production
biologique
Le choix a été fait ici de considérer la
production biologique comme moins émissive de GES que la production
conventionnelle, en conformité avec ce qui est présenté
par Jean-Marc Jancovici sur le site Manicore et le tableur Opération
Carbone. Cette approche est sans doute optimiste, elle est actuellement remise
en cause par études récentes (PLANETE, Bio IS), du fait de la
moindre productivité des filières biologiques. Toutefois les
différents calculs ne prennent en compte l'impact global des pratiques
agricoles, comme par exemple le stockage du carbone dans les haies. Celles-ci
sont bien davantage présentes autour des parcelles en agriculture
biologique.
Par défaut, on considère une réduction de 30
% des émissions de GES du produit issu d'une filière biologique
par rapport à une production conventionnelle.
Pour les produits d'épicerie (huile, sucre, biscuit, etc),
la réduction est prise ici de 20%.
2.3.Majoration de saisonnalitéLe tableur
Opération Carbone considère la valeur de 730 kg éq C / t
de légumes pour la
production sous serre chauffée. Cette valeur a
été établie par Guillaume Chouvellon à partir de
chiffres de la production française de tomates, pour une dépense
énergétique supplémentaire estimée à 10 kWh
/ kg. Une étude de l'Ademe de Bio IS évoque une dépense
énergétique supplémentaire identique, d'environ 850 kep /
t toujours pour la tomate sous serre chauffée.
L'IGBE donne un surcoüt de 572 kg éq C / t pour la
production belge de tomates sous serre.
La stratégie retenue ici est la suivante :
- la majoration saisonnière ne concerne que les produits
européens (les produits importés de loin ne sont pas
concernés)
- la majoration porte uniquement sur les produits frais (les
produits secs, appertisés ou surgelés ne sont pas
concernés)
- les saisons des différents fruits et légumes sont
issues du site de l'association Consodurable13, elles sont donc
établies au mois prés
- pour une production de saisonnière, la majoration est
nulle
- pour une production dans le mois précédent ou
dans le mois suivant la saison, la majoration est de 200 kg éq C / t
- pour une production en dehors de ces période, la
majoration est de 730 éq C / t de fruits ou de légumes.
2.4.Majoration liée au mode de
conservation
2.4.1 Aliment surgeléLa valeur retenue
par défaut est de 227 g éq C / kg de produit. Elle est obtenue
par différence
des valeurs proposées dans le tableur Opération
Carbone :
- fruits et légumes surgelés : 250 g éq C /
kg (source Version provisoire du Bilan Carbone® Campus) ;
- fruits et légumes frais : 23 g éq C / kg (source
Guillaume Chouvellon).
Pour le pain, les pâtisseries ou les plats composites, la
majoration retenue est de 150 g éq C / kg, toujours sur la bases des
valeurs proposées par la tableur Opération Carbone (source
Version provisoire du Bilan Carbone® Campus)
13 Association Consodurable
www.consodurable.org
Siège : Ministère des PME, du Commerce, de
l'Artisanat et des Professions libérales 68 Rue de Bellechasse, 75007
Paris - Tel : 33 (0)1 43 19 76 53 - Fax : 33 (0)1 43 19 76 58 - Mel :
contact@consodurable.org
2.4.2 Aliment appertiséOn retient ici la
valeur de 128 g éq C / kg. Cette valeur est estimée de la
façon suivante :
- impact de l'Industrie Agro-alimentaire (IAA) estimé
à 80 g éq C / kg pour les fruits et légumes14
;
- impact de l'emballage (acier à 70% recyclé, masse
d'emballage prise égale à 10 % de l'aliment) à 48 g
éq C / kg.
2.4.3 Aliment séchéLe tableur
Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon) propose une majoration
de 23 g éq C / kg de fruits secs. On conserve cette valeur.
2.4.4 Aliment réfrigéréLe
tableur Opération Carbone (Source Bilan Carbone® Campus) propose
100 g éq C / kg de fruits réfrigérés, ce qui
représente une majoration de 77 g éq C / kg.
Remarque récapitulative :
On obtient finalement les valeurs suivantes pour la conservation
des fruits et légumes (en kg éq C / t) :
|
Facteur retenu dans le tableur Opération carbone
|
Majoration retenue dans le tableur Carbone Cantine
|
Surgelé
|
250
|
227
|
Conserve
|
---
|
128
|
Réfrigéré
|
100
|
77
|
Sec
|
46
|
23
|
Une étude TNO15 réalisée sur le
cycle de vie de 600 g de carottes en Hollande donne les rapports suivants pour
les émissions de GES en fonction du mode de conservation :
|
Etude TNO
|
Surgelé
|
2,5
|
Conserve
|
1,5
|
Réfrigéré
|
1
|
Sec
|
---
|
2.5.Majoration liée à la
transformation
Il s'agit ici d'évaluer l'impact de la transformation
d'un aliment, afin de faire la différence entre des produits peu
élaborés et les produits travaillés, comme les
légumes de classe 4, par exemple.
Le tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon)
propose une majoration de 52 g éq C / kg pour la purée de fruit.
On conserve cette valeur.
Cette valeur est assez proche de cette retenue pour l'impact de
IAA estimé à 53 g éq C / kg (scénario optimiste)
pour la viande14.
14 L'impact des choix alimentaires sur le climat - La
filière alimentaire et ses conséquences en termes de bilans
énergétiques et d'émissions de gaz à effet de serre
- Année universitaire 2006-2007
15 Eco-efficiency and nutritional aspects of different
product-packaging systems : an integrated approach towards sustainability -
April 2006 -
www.tno.nl
2.6.Majoration liée à l'origine
géographique
Carbone Cantine distingue 4 situations :
- les importations hors Europe-Méditerranée ;
- les importations depuis l'Europe ou la
Méditerranée ; - les productions nationales ;
- les productions locales.
2.6.1 Importations hors
Europe-Méditerranée
On se place dans un contexte de restauration collective et donc
on fait ici deux hypothèses :
- les aliments importés sont transportés
exclusivement par mer et par terre (pas de transport aérien) ;
- les importations lointaines concernent majoritairement les
fruits et légumes exotiques.
Les données ci-après sont extraites d'une
étude Ademe - Bio IS16 pour les fruits et légumes
exotiques ou hors saison pour l'année 2006.
- Le volume global dépasse les 4 000 000 t. Le transport
aérien ne concerne que 1% de ce volume qui est considéré
ici comme négligeable.
- Le volume total des émissions de GES est
estimé à 1000000 t éq CO2. Le transport aérien
pèse pour 24 % sur ce total. On ne s'intéresse ici qu'aux
denrées qui transitent par bateau et par camion, ce qui
représente 760 000 t éq CO2 de GES.
- Les produits hors saison représentent 63 % des
volumes importés (37 % pour les produits exotiques). On fait
l'hypothèse que le transport aérien se répartit
uniformément entre ces deux catégories.
- Le hors saison représente 53 % des émissions et
l'exotique 47 %, ce qui représente respectivement 402 800 et 357 200 t
éq CO2.
Finalement, on obtient une majoration de 66 kg éq C / t
de fruits exotiques. Guillaume Chouvellon propose une majoration de 50 kg
éq C / t de produit importé hors Europe -
Méditerranée.
2.6.2 Importations depuis l'Europe ou la
Méditerranée
La majoration est calculée à partir du
scénario suivant :
- distance 1800 km (Alméria - Bourges) ;
- transport par tracteur routier non
réfrigéré : 29,4 g éq C / t.km17.
On obtient alors une majoration de 53 kg éq C / t.
Le tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon)
retient une majoration de 42 kg éq C / t.
2.6.3 Productions nationales et locales
Les scénarios sont les suivants :
- production nationale : distance 585 km (Bourges-Strasbourg)
parcouru avec un porteur de PTAC compris entre 11 et 19t (74,9 g éq C /
t.km17)
- production locale : distance 37 km (Issoudun-Bourges),
réalisée en 3,5t (331,7 g éq C / t.km17)
16 Impact environnemental du transport de fruits et
légumes frais importés et consommés en France
métropolitaine - BIO Intelligence Service - ADEME - Octobre 2007
17 Source Bilan Carbone® - Guide des facteurs
d'émissions - Version 5.0 Calcul des facteurs d'émissions et
sources bibliographiques utilisées - Janvier 2007 -
www.ademe.fr
Les majorations ainsi obtenues sont respectivement de 44 et 12 kg
eq C / t pour les productions nationales et locales.
3. Contact
David
Jadaud djadaud@free.fr
13 rue des tulipes - 79 200 Viennay
65
Délibération du Conseil de
Communauté du vendredi 10 juillet 2009
Plan Climat Territorial : lancement opérationnel
du PCT de la CUS. Préambule
La communication relative au lancement du plan Climat
exposé au Conseil de Communauté du 24 octobre 2008, a
engagé une action politique globale qui doit aboutir à la
traduction des objectifs de réduction des émissions de Gaz
à Effet de Serre (GES) dans tous les domaines de l'action publique dans
notre agglomération. Le présent rapport a pour objet de
définir les orientations stratégiques que souhaite porter la
collectivité en matière de réduction des émissions
de GES.
Le Plan Climat Territorial sera un plan d'actions locales,
mais qui s'intègre dans une approche globale des enjeux liés au
réchauffement climatique. Ainsi, plusieurs engagements internationaux,
européens et nationaux ont déjà été pris,
à travers le protocole de Kyoto (1997), le sommet de Johannesburg (2002)
ou le Plan Climat Territorial National (2004) qui a mis en avant le rTMle
prépondérant des collectivités territoriales et locales
dans la lutte contre les changements climatiques en définissant le
<<Plan Climat territorial È.
Aujourd'hui, il est reconnu scientifiquement, que pour limiter
le réchauffement climatique à 2° en moyenne, il sera
nécessaire, au niveau mondial, de stabiliser les émissions de GES
à partir de 2020 et de les réduire par 2 à l'horizon de
2050 par rapport au niveau d'émissions de 1990. Cet effort
planétaire demande un effort encore accru des pays
industrialisés, qui sont les principaux responsables des
émissions passées et actuelles. Pour ces pays, l'objectif de
réduction des émissions à l'horizon 2050 est celui d'un
facteur 4 au minimum.
L'Union européenne est très fortement
engagée dans la mobilisation mondiale autour de la problématique
du réchauffement climatique. Au niveau européen, des objectifs
ambitieux, dits des << 3x20 È ont déjà
été fixés. Ils consistent, à l'horizon 2020,
à :
- réduire de 20 % les émissions de GES par rapport
à 1990,
- économiser 20 % de la consommation totale
d'énergie,
- porter à 20 % la part des énergies renouvelables
dans la consommation d'énergie.
La prochaine étape fondamentale sera la
conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui se
tiendra en décembre 2009 à COPENHAGUE, pour laquelle l'Union
Européenne affiche d'emblée une volonté très forte
de renforcer les objectifs de réduction des GES pour les pays
industrialisés en les portant à -30% en 2020.
L'Union européenne souhaite également mettre en
place les outils économiques (outils de financement pollueur-payeur,
marché mondial du carbone, etcÉ) de manière à
accompagner une évolution qui demanderait des efforts
supplémentaires d'investissement de l'ordre de 175 milliards € par
an d'ici 2020 (source : UE) à l'échelle mondiale. Ces
problématiques doivent être anticipées parce qu'elles
représenteront autant d'opportunités pour les
collectivités et les acteurs locaux.
La lutte contre le réchauffement climatique, qui
passera par la recherche d'une meilleure efficacité
énergétique, mais qui permet aussi d'agir en faveur de la
biodiversité et de la qualité de l'air, est l'un des enjeux
majeurs auxquels nos sociétés seront confrontées au
XXI° siècle. Par ailleurs, le niveau de préparation et
d'anticipation des territoires sera également un facteur clé
d'attractivité dans les années à venir.
Pour atteindre ces objectifs de réduction des GES, il
s'agit de revoir nos modes de vie, de consommation, et de nous doter des moyens
adéquats permettant d'opérer les changements nécessaires.
Les principaux leviers d'action pour réduire les émissions de GES
se situent principalement au niveau de la consommation
énergétique des bâtiments, dans le transport des personnes
et des marchandises, et dans le comportement d'achat et de consommation.
Au-delà de notre territoire, il s'agit également
d'assumer notre responsabilité au niveau mondial vis-à-vis des
territoires touchés, ou en passe de l'être, par les
désordres climatiques. De véritables migrations climatiques
risquent d'avoir lieu parmi les populations des pays touchés,
majoritairement parmi les plus pauvres de la planète. Il est donc
essentiel d'accompagner une politique de prévention et d'adaptation aux
changements climatiques des territoires fragilisés, de facon à
réduire ou retarder les migrations forcées et les crises
géopolitiques qu'elles peuvent générer.
Orientations stratégiques du Plan Climat
Territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS)
Les orientations stratégiques suivantes sont
proposées en vue de l'élaboration du Plan Climat Territorial.
Orientations générales
Un objectifglobal de réduction de 30% des GES à
l'horizon 2020
Il est proposé de s'inscrire d'emblée dans les
nouveaux objectifs que l'UE va défendre à la conférence de
COPENHAGUE. En effet, l'urgence vis-à-vis du changement climatique est
de plus en plus avérée, et le temps de l'action rapide est
venu.
La réduction des émissions de GES ne doit plus
être percue comme une contrainte, qui handicaperait le
développement économique, mais au contraire comme un facteur de
la compétitivité et de l'attractivité de demain.
Les dispositifs de régulation, de taxation sur le
carbone sont en préparation, les territoires et les structures,
publiques comme privées, qui auront anticipé seront celles qui
sauront le mieux se positionner face à la révolution
économique de l'économie verte.
Il est proposé de décliner l'objectif global de
réduction de 30% des émissions de GES, en un objectifs de 3x30
pour les actions propres de la collectivité et au niveau de son
territoire. A savoir, d'ici 2020 :
- réduire de 30 % les émissions de GES par rapport
à 1990,
- économiser 30 % de la consommation totale
d'énergie,
- porter à 20 à 30 % la part des énergies
renouvelables dans la consommation d'énergie.
La création d'un fonds Plan Climat représentant
1% du budget de la collectivité
Sir Nicholas STERN a démontré dans son rapport
de 2006 que des mesures d'anticipation à hauteur d'1% du PIB mondial
permettraient d'éviter des coüts dus au réchauffement
climatique 10 fois supérieur.
Cette approche pourrait être transposée à
l'échelle de la collectivité. Certains projets, notamment
d'économie d'énergie, ont leur propre rentabilité
financière, directe ou gr%oce à des dispositifs d'aides comme les
certificats d'économies d'énergie. On peut en quelques
années, rembourser l'investissement par des économies de
fonctionnement. D'autres projets, n'ont pas cette rentabilité
financière, mais présentent un intérêt fort par
l'impact qu'ils peuvent avoir en termes de réduction des
émissions de GES.
Cette part d'investissement complémentaire,
nécessaire pour une action renforcée sur le climat, pourrait
être imputée sur un fonds Plan Climat, calibré sur 1% du
budget de fonctionnement de la collectivité, soit environ 7 M€ par
an.
La mise en place d'une agence locale du climat et de
l'énergie
L'atteinte des objectifs globaux de réduction des GES
repose sur une mobilisation de tous les acteurs locaux. L'élaboration du
Plan Climat Territorial, à travers notamment les structures de
gouvernance, qui sont proposées ci-dessous, contribuera à cette
mobilisation des acteurs.
Néanmoins, il est nécessaire de se donner les
moyens d'une mobilisation et d'une animation des acteurs dans la durée.
Certaines villes, telle GRENOBLE, ont décidé de s'appuyer sur une
structure d'agence locale de l'énergie.
Il est donc proposé de mettre à l'étude
la création d'une agence locale du climat et de l'énergie dans le
cadre du Plan Climat Territorial, agence qui pourrait agir à
l'échelle de l'Eurodistrict.
Le positionnement de la GUS dans les réseaux d'acteurs
internationaux
La CUS adhère d'ores et déjà à des
réseaux internationaux Ïuvrant pour limiter le réchauffement
climatique (Energies-cités, ICLEI, etcÉ). La dimension de
mobilisation internationale autour des questions climatiques présente un
enjeu fort. D'une part, les réflexions et actions de la CUS peuvent
utilement se nourrir des expériences d'autres collectivités, et
d'autre part, la CUS peut par ce biais contribuer à la mobilisation
internationale.
A cet égard, il est proposé de signer la
convention des Maires (cf. annexe), portant un engagement d'aller
au-delà des objectifs des 3x20 fixés par l'Union
Européenne. Cette initiative portée par Energies-cités, a
déjà rassemblé près de 500 Maires.
Orientations pour le premier axe : Agir sur le
fonctionnement de la CUS pour être exemplaire
Il s'agit d'optimiser le fonctionnement interne des services et
des politiques de l'Administration comme effet levier pour essaimer plus
particulièrement en :
- réduisant les émissions de GES,
- améliorant l'efficacité et réduire
l'impact environnemental du fonctionnement de la collectivité,
- développant des méthodes et culture de management
environnemental,
- promouvant un mode de développement économique et
social Ç éco-compatible È.
Pour atteindre l'objectif des 3x30 plusieurs axes de travail
seront déclinés :
Amélioration énergétique de nos
bâtiments
Le patrimoine bâti de la CUS est composé de 450
bâtiments pour 410 900 m2. Cela représente une
consommation d'énergie totale en 2008 d'environ 68 GWh
représentant
82 % des 83 GWh de consommations toutes énergies et usages
confondus.
Les actions envisagées porteront sur :
- les rénovations thermiques des bâtiments (objectif
équivalence THPE (très haute performance
énergétique)) lors des réhabilitations,
- les constructions innovantes (norme BBC (bâtiment basse
consommation)) pour les nouveaux projets,
- l'intégration des énergies renouvelables,
- les diagnostics énergétiques,
- l'amélioration de la gestion des bâtiments,
- les actions de sensibilisation en vue d'une modification des
comportements.
Elles sont complétées par des interventions
relatives à la qualité de l'air et à la santé, au
confort d'été avec protection solaire, à
l'intégration du végétal (toitures, espaces
extérieurs) et à la gestion des eaux pluviales.
Réduction de l'impact des déplacements
générés par le fonctionnement de la
collectivité
Les transports représentent la deuxième source
d'émission de GES dans notre administration. Près de 1 300
véhicules de toutes tailles, ainsi que 2 200 engins et petits
matériels sont utilisés par les services.
Des projets sont en cours pour une rationalisation de l'usage
du pool automobile de la CUS pour les déplacements professionnels des
agents, une formation à l'éco-conduite ainsi que pour un
renforcement de l'offre de véhicule d'auto-partage. A ce titre, des
mesures de renouvellement du parc automobile de la CUS vers des
véhicules plus propres sont confirmés (véhicules au gaz,
électriques). Enfin, le recours à des systèmes de
télé/vidéo conférence pourrait limiter ces
déplacements.
Par ailleurs, les trajets domicile - travail des agents
totalisent 86 millions de km. La CUS a initié un Plan de
Déplacements Entreprises ambitieux, baptisé GEODES, qui incite au
développement des modes actifs, des transports collectifs et du
covoiturage pour les déplacements domicile-travail. Pour y arriver,
GEODES intègre un ensemble de mesures :
- création de stationnement vélo et mise à
disposition annuelle de vélos avec un tarif privilégié
;
- limitation du nombre de places de stationnement VP et mise en
place d'un système de covoiturage avec réservation de places pour
les covoitureurs ;
- augmentation des montants des dépenses d'abonnement de
transports publics remboursés par l'employeur ;
Enfin, l'application de nouveaux critères en
matière de transports et d'approvisionnement sont à
prévoir dans les cahiers de charge de nos prestataires.
Eco-conditionnalité de nos politiques d'achats
Le secteur des achats est très vaste et couvre
l'ensemble de l'activité de l'administration (matériels et
consommables informatiques, véhicules et engins, fournitures
administratives, papier, produits d'entretien, matériaux de construction
et de voirie, éclairage public, restauration, ...) avec la production de
GES lors de la fabrication de ces derniers et lors de leur usage. L'empreinte
carbone globale est importante et doit être réduite.
L'adhésion à la démarche d'achat
éco-responsable est un premier pas pour l'intégration de
critères environnementaux dans les marchés de fournitures et de
prestations.
Renforcement de nos politiques de coopération
décentralisée
L'exemplarité de la collectivité passe
également par ses actions en matière de coopération
décentralisée Il s'agira de privilégier la contribution
à des actions d'adaptation aux changements climatiques des territoires
fragilisés, à travers le soutien à des projets permettant
d'y limiter les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine
des transports, des déchets, de l'énergie, du reboisement.
Orientations pour le second axe : Favoriser
l'élaboration les actions pour le climat des 28 communes de la CUS, et
des partenaires de la CUS
Il s'agit plus précisément de favoriser
l'émergence de plans climat dans les communes de la CUS en passant
par:
- l'élaboration et la mise en Ïuvre d'une
stratégie Ç Climat È partagée, interne au
territoire de la CUS,
- la mobilisation de tous les acteurs sur le territoire autour du
plan climat (agents, élus des communes, partenaires, associations,
professionnelsÉ).
Accompagner les actions des communes de la GUS
Un premier recensement des actions déjà
entreprises ou programmées par les communes montre qu'elles sont
sensibles aux enjeux du Plan climat. En effet, 17 d'entre elles ont
déjà engagé des actions de diagnostics de performance
énergétique, d'économies d'énergie sur les
bâtiments publics, d'énergies renouvelables ou d'acquisition de
véhicules propres.
Deux communes ont d'ores et déjà engagé
une démarche globale : Illkirch-Graffenstaden qui a adopté un
Plan climat territorial et Oberschaeffolsheim qui s'est dotée d'une
Charte de l'environnement.
La Ville de Strasbourg engage également
l'élaboration de son Plan Climat Territorial en parallèle de
celui de la CUS.
Au-delà de ces actions, une approche transversale,
à travers un échange des expériences et de bonnes
pratiques de montage de projets, et une mutualisation des moyens humains et
financiers, devrait permettre d'enclencher une véritable dynamique
globale et concertée sur le territoire de l'ensemble de
l'agglomération.
Une mise en cohérence des différentes actions
nécessite non seulement d'associer les communes à la
démarche mais d'en faire de véritables coproductrices du Plan
climat territorial de l'agglomération strasbourgeoise.
Inciter les partenaires proches de la GUS à engager
une action de type plan climat
Des acteurs tels que CUS-HABITAT, Habitation Moderne, CTS, Gaz
de Strasbourg, le Port autonome de Strasbourg ou la SERS présentent des
enjeux très importants en matière d'émissions de GES et
sont également des prescripteurs importants, qui peuvent efficacement
relayer l'action de la collectivité.
La CUS engagera un travail de partenariat avec ces entreprises
pour favoriser l'émergence de plans climat.
Soutenir les actions du monde associatifpour le climat et
l'énergie
Les associations sont des acteurs de terrain essentiels pour
la réussite d'une démarche de plan climat. L'enjeu majeur du
réchauffement climatique repose sur la prise de conscience de la
nécessité de changer les comportements au quotidien.
De nombreuses associations ont développé un
champ d'actions dans ces domaines depuis des années. Il s'agit de
soutenir leurs initiatives et de permettre leur développement.
Les actions en lien avec le Plan Climat de la CUS et son plan
Santé, seront les axes prioritaires pour le soutien des actions
associatives d'éducation à l'environnement et la santé, en
particulier à destination du public scolaire, mais aussi vers l'ensemble
de la société civile.
Orientations pour le troisième axe : Elaborer un
projet de territoire prenant en compte les objectifs climatiques et
fédérateurs pour les acteurs locaux
L'action exemplaire des collectivités territoriales sur
leur patrimoine ne permettra pas, seule, de lutter contre le changement
climatique et de préparer notre territoire. Il importe de
fédérer les acteurs privés et publics autour d'objectifs
communs afin de démultiplier les actions.
Ce troisième volet du Plan climat porte sur le
territoire de Communauté Urbaine de Strasbourg, et s'attache aux
consommations d'énergie et aux émissions de gaz à effet
de
serre générées par les différentes
fonctions et activités qui s'y déploient : habitat,
activité économique, déplacementsÉ Il
nécessite, pour ce faire, une pleine adhésion des acteurs
privés de l'agglomération, partenaires de la collectivité
dans la construction du territoire, parmi lesquels les entreprises, les
associations et les particuliers. Les programmes d'actions mis en Ïuvre
par les différentes communes de la CUS y contribueront également.
L'objectif est de développer l'attractivité du territoire et son
efficacité carbone, et de prendre les mesures nécessaires
à l'adaptation au réchauffement climatique.
La responsabilité de la Communauté urbaine de
Strasbourg porte ici sur
- la planification d'un développement durable et
fédérateur de son territoire,
- la mise en place de politiques publiques incitatives
vis-à-vis des différents acteurs afin de soutenir leurs
actions,
- la mise en cohérence des différentes actions
menées sur le territoire en faveur du développement durable, afin
de concilier réduction des gaz à effet de serre et
problématiques de santé, de pollutions,
d'économieÉ,
- l'appui, technique et/ou financier, au montage de projets
privés innovants contribuant à l'atteinte des objectifs du plan
climat.
L'objectif des 3x30 en 2020 permet de s'inscrire
véritablement dans la perspective du facteur 4, sachant que les
émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 5,5% 2000
et 2006, en passant de près de 3,5 à environ 3,3 millions de
tonnes équivalent CO2.
En 2004, les premiers bilans réalisés par
l'Association pour la Surveillance et l'étude de la Pollution
atmosphérique en Alsace (ASPA) montrent la répartition de ces
émissions par principaux secteurs d'activités :
- la part prépondérante du bâtiment puisque
le résidentiel/tertiaire représente 29% des émissions
totales (au-delà du niveau national à 18,6%),
- l'impact quasi égal des transports routiers avec 26% des
émissions, en légère hausse depuis 2000,
- la production d'énergie avec 21%,
- le traitement des déchets à 11%,
- l'industrie totalisant également 11% des
émissions des gaz à effet de serre contre 20% en France,
- l'impact de l'agriculture est, lui, très faible
étant donné le caractère fortement urbanisé de
l'agglomération.
Les principaux secteurs et pistes d'actions
Des actions volontaristes et coordonnées sont à
prévoir, avec une priorité qu'il est proposé de porter sur
le résidentiel, les transports et les déchets, trois importants
émetteurs de gaz à effet de serre sur lesquels la
Communauté Urbaine de Strasbourg disposent de leviers via des actions et
politiques incitatives. Les objectifs ciblés et les
programmes d'actions restent à définir.
L'habitat et l'urbanisme
Le projet d'écocité Strasbourg-Kehl fixe les
grands principes d'un développement urbain durable du territoire. Il
s'appuie en particulier sur des projets expérimentaux
d'éco-quartiers dont les études sont engagées, et qui
intègrent une approche environnementale fortement axée sur la
réduction de leur empreinte écologique (vers des quartiers
<< zéro émissions È). En s'appuyant sur les trames
vertes et bleues de l'agglomération, il vise également à
renforcer la place de la nature dans la ville, au cÏur de chaque quartier,
pour son rTMle essentiel dans l'atténuation des effets du changement
climatique en milieu urbain et dans le stockage du carbone.
La performance énergétique des bâtiments
neufs est également un levier important pour la collectivité.
Promue par le 4ème PLH, elle se traduit d'ores et
déjà par une politique d'éco-conditionnalité des
aides au logement social en fonction de la performance
énergétique du projet. Le soutien à la
réhabilitation du parc existant et à la requalification des
quartiers sera également favorisé. Ces mesures sont très
importantes pour lutter également contre la précarité
énergétique. Les bailleurs sociaux, les promoteurs, les groupes
d'autopromotion et les aménageurs sont à mobiliser.
Les transports
La limitation des mobilités grâce à une
plus grande mixité des activités au sein des quartiers et
à une plus grande compacité des zones d'urbanisation est à
favoriser. Le Plan de Déplacement Urbain et le schéma de
transports 2025 encourageront la poursuite de la politique de
développement de transports en commun performants et des modes actifs
(encouragement de la marche, itinéraires cyclablesÉ) ; la CTS, la
SNCF et la Région Alsace seront, à ce titre, des partenaires
privilégiés. Des actions visant à favoriser le changement
de comportement des ménages en matière de déplacements
devront aussi être définies (sensibilisation des ménages
sur leur choix modal, conduite plus responsable, renouvellement du parc
automobile privé).
En ce qui concerne le transport de marchandises, il s'agit
d'améliorer l'organisation et la rationalisation des flux afin de
limiter le nombre de véhicules circulant sur le territoire de la CUS et
de limiter les kilométrages réalisés << à
vide È. Pour le transport de longue distance, le ferroutage et le
transport fluvial devront être favorisés.
Les déchets
Les axes stratégiques de la politique de gestion des
déchets s'inscrivent dans les objectifs du Plan climat :
réduction des déchets ménagers et assimilés
au-delà des objectifs de 7% affichés pour 2014 par le Grenelle,
amélioration des services de collecte et de traitement pour rechercher
une meilleure efficacité (qualité, coüt, recyclage,
meilleure valorisation énergétique des
filières de traitement existantes, transports alternatifs à la
route) et tarification du service plus incitative à la protection de
l'environnement. Des études viennent d'être engagées.
Le développement économique et
l'industrie
Les actions envisagées dans ce secteur, qui seront
précisées en articulation avec la stratégie
économique en cours d'élaboration, portent sur :
l'amélioration énergétique des process des industriels, le
développement d'une Ç économie verte È (soutien aux
éco-entreprises et au développement
d'éco-activités), la mise en place de filières courtes
(matériaux, débouchés pour une agriculture de
proximité respectueuse de l'environnement et solidaireÉ),
partenariats avec des fédérations du bâtimentÉ
La collectivité accompagnera les entreprises dans leurs
démarches de réduction de leur impact climatique et
environnemental.
Une démarche participative globale
Le Plan Climat Territorial de la CUS sera conduit en mode
projet, sous la direction d'un comité de pilotage politique, en
associant l'ensemble des services de la CUS, et avec l'appui d'intervenants
extérieurs (Agence de l'environnement et de la ma»trise de
l'énergie ADEME, Association pour la Surveillance et l'étude de
la Pollution atmosphérique en Alsace ASPA, É).
Il est proposé d'accompagner le projet par une
démarche de gouvernance reposant sur une large concertation des
partenaires autour des quatre instances : le forum du Plan Climat, le
comité scientifique, le réseau des élus du
développement durable, le groupe des acteurs internes.
Le forum du Plan Climat :
Le forum du Plan Climat est une instance de concertation qui
aura pour mission d'associer tous les acteurs du plan climat externe à
la collectivité. Il permettra de recueillir des sur les actions
proposées et mises en Ïuvre par la CUS dans le cadre du plan climat
territorial. Il se réunira 2 à 3 fois par an, et sera ouvert aux
élus des communes de la CUS, aux représentants associatifs, aux
acteurs économiques, aux membres du comité scientifique, et plus
largement au grand public.
Le comité scientifique :
Le comité scientifique réunira les experts
susceptibles d'apporter leurs contributions techniques sur les
différents volets du plant climat. Sa composition devra associer des
scientifiques de différents horizons garants de la qualité des
études et des actions.
Le réseau des élus du développement
durable de la GUS :
Composé des élus des communes en charge de
l'environnement et du développement durable, ce réseau
permettrait d'assurer la mutualisation des expériences, la mutualisation
des moyens humains et financiers ainsi que la concertation entre les communes
de l'agglomération.
Le groupe des acteurs internes :
Au niveau des services de la CUS et des communes,
composé des correspondants ou volontaires du plan climat territorial, le
groupe des acteurs devra assurer la mobilisation de tous les agents de la CUS
et des communes autour des actions engagées.
Les modalités et le calendrier de mise en
Ïuvre
L'objectif est d'aboutir à l'élaboration du Plan
Climat Territorial et de son programme d'actions concerté d'ici la fin
de l'année 2009. Pour ce faire, différentes démarches
seront engagées dans les prochains mois.
Elaboration d'un Bilan Garbone TM
L'ensemble des orientations d'actions en interne se
fédère autour de l'établissement d'un Bilan
CarboneTM de l'activité de la collectivité à
mener avec l'appui d'une expertise dans le cadre d'un marché de
services. Il intègre non seulement les GES générés
directement par l'activité, mais aussi ceux produits indirectement
(fabrication, livraison, É). Cette évaluation permettra de
hiérarchiser les enjeux pour engager des réalisations effectives
répondant aux objectifs de réduction évoqués
ci-dessus.
Réalisation d'un inventaire territorial des
émissions
Cet inventaire, réalisé par l'ASPA, permettra
d'affiner sources d'émissions de gaz à effet de serre sur le
territoire par différents secteurs d'activité. Il sera la base de
l'étude de scénarios tendanciels, qui sera confiée
à un prestataire spécialisé. Ces scénarios
permettront de prioriser les objectifs de la collectivité et les mesures
d'atténuation à engager selon leur efficacité carbone et
leur calendrier de mise en uvre.
Finalisation du Plan Glimat Territorial de la GUS
L'ensemble du plan d'actions constituant le Plan Climat
Territorial sera finalisé pour la fin de l'année 2009, en vue
d'une mise en uvre des actions dès 2010.
Je vous demande de bien vouloir adopter le projet de
délibération suivant :
Le Conseil vu l'avis de la Commission
thématique vur proposition de la commission
plénière après en avoir
délibéré approuve
- les orientations générales exposées
dans le présent rapport en vue de l'élaboration du Plan Climat
Territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg,
- les modalités de la démarche
d'élaboration du Plan Climat Territorial exposées dans le
présent rapport,
autorise
le Président à signer la convention des
Maires, présentée en annexe, et portant engagement à
dépasser l'objectif de l'Union Européenne de réduction de
20 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon
2020.
Adopté le 10 juillet 2009 par le Conseil de
Strasbourg
Rendu exécutoire après transmission au
Contrôle de Légalité préfectoral et affichage au
Centre Administratif Le 15 juillet 2009
CONVENTION DES MAIRES
CONSIDÉRANT que le Groupe d'experts
intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé
la réalité du changement climatique et le fait que la
consommation d'énergie liée à l'activité humaine en
est, dans une large mesure, responsable,
CONSIDÉRANT l'adoption par l'Union
européenne le 9 mars 2007 du Paquet "L'énergie dans un monde en
mutation", dans le cadre duquel elle s'engage unilatéralement à
réduire ses émissions de CO2 de 20% d'ici 2020, gr%oce à
une augmentation de 20% de son efficacité énergétique et
à une part de 20% d'énergie produite à partir de sources
renouvelables dans son bouquet énergétique,
CONSIDÉRANT que le Plan d'action
de l'UE pour l'efficacité énergétique:
réaliser le potentiel considère la création d'une
"Convention des maires" comme une priorité,
CONSIDERANT que le Comité des
Régions de l'UE met l'accent sur le besoin de joindre les forces locales
et régionales, étant donné que la gouvernance à
multiples niveaux est un outil efficace pour améliorer la portée
des actions contre le changement climatique, et qu'il soutient donc la
participation des Régions à la Convention des Maires,
CONSIDÉRANT notre volonté de
suivre, dans le cadre de l'amélioration nécessaire de notre
efficacité énergétique, les recommandations de la Charte
de Leipzig sur la ville européenne durable,
CONSIDERANT que nous sommes conscients de
l'existence des Engagements d'Aalborg qui sont à la base de nombreux
efforts actuels de durabilité urbaine et des processus d'Agendas 21
locaux,
CONSIDERANT que nous reconnaissons la
responsabilité que partagent les autorités locales et
régionales avec les gouvernements nationaux dans la lutte contre le
réchauffement climatique et la nécessité que leur
engagement dans ce domaine soit indépendant des autres parties
prenantes,
CONSIDÉRANT que les communes et les
villes sont responsables directement et indirectement (par le biais des
produits et des services utilisés par les citoyens) de plus de la
moitié des émissions de gaz à effet de serre
découlant de la consommation d'énergie liée à
l'activité humaine,
CONSIDÉRANT que l'engagement de l'UE
de réduire ses émissions ne pourra être atteint que si les
parties prenantes au niveau local, les citoyens et leurs groupements le
partagent,
CONSIDÉRANT qu'il revient aux
autorités locales et régionales, qui constituent le niveau
d'administration le plus proche du citoyen, d'être des pionnières
et de montrer l'exemple,
CONSIDÉRANT que nombre des actions de
lutte contre les dérèglements climatiques qui s'imposent en
matière d'efficacité énergétique et de sources
d'énergie renouvelables relèvent de la compétence des
gouvernements locaux ou ne seraient pas réalisables sans leur soutien
politique,
CONSIDÉRANT que les États
membres de l'UE peuvent tirer profit d'une action décentralisée
efficace au niveau local dans leurs efforts visant à remplir leurs
engagements de réduction des émissions de gaz à effet de
serre,
CONSIDÉRANT les efforts que
déploient les gouvernements locaux et régionaux à travers
l'Europe, afin de réduire la pollution responsable du
réchauffement climatique gr%oce à des programmes
d'efficacité énergétique, notamment dans le domaine des
transports urbains durables, et à la promotion des sources
d'énergie renouvelables,
NOUS, LES MAIRES, NOUS ENGAGEONS Ë:
Dépasser les objectifs fixés
par l'UE pour 2020 en réduisant d'au moins 20% les émissions de
CO2 sur nos territoires respectifs, gr%oce à la mise en Ïuvre d'un
Plan d'action en faveur de l'énergie durable dans les domaines
d'activité relevant de notre compétence. Cet engagement et le
Plan d'action seront ratifiés dans le cadre de nos procédures
respectives,
Préparer un bilan des émissions
comme base pour le Plan d'action en faveur de l'énergie
durable,
Soumettre le Plan d'action en faveur de l'énergie
durable au cours de l'année suivant notre adhésion
formelle à la Convention des Maires,
Adapter les structures urbaines, y compris en
prévoyant des ressources humaines suffisantes, afin d'entreprendre les
actions nécessaires,
Mobiliser la société civile dans notre
territoire afin qu'elle prenne part au développement du Plan d'action
ainsi qu'à l'identification des politiques et des mesures
nécessaires pour mettre en Ïuvre et réaliser les objectifs
du Plan. Le Plan d'action sera produit dans chaque territoire et sera soumis au
Secrétariat de la Convention des maires dans l'année suivant la
ratification de la Convention,
Produire un rapport de mise en oeuvre au moins
tous les deux ans après proposition du Plan d'action à des fins
d'évaluation, de suivi et de vérification,
Partager notre expérience et notre
savoir-faire avec d'autres territoires,
Organiser des Journées de l'énergie ou
des Journées de la Convention des maires en collaboration avec
la Commission européenne et d'autres parties prenantes, afin de
permettre aux citoyens de bénéficier directement des
opportunités et avantages découlant d'une utilisation plus
intelligente de l'énergie, et d'informer régulièrement les
médias locaux sur les développements du Plan d'action,
Participer et contribuer à la conférence
européenne de la Convention des maires pour une Europe de
l'énergie durable organisée chaque année,
Diffuser le message de la Convention dans les
forums appropriés et, plus spécifiquement, inviter d'autres
maires à rejoindre la Convention
Accepter d'être privé de notre statut de
membre de la Convention, à condition d'en avoir
été informé au préalable par une lettre
envoyée par le Secrétariat, dans les cas suivants :
i) incapacité de soumettre le Plan d'action en faveur de
l'énergie durable dans l'année suivant la signature formelle
de la Convention,
ii) non-respect de l'objectif global de réduction du CO2
prévu dans le Plan d'action dO à l'absence ou l'insuffisance
de la mise en Ïuvre du Plan d'action,
iii) incapacité de soumettre un rapport à deux
échéances de suite. NOUS, LES MAIRES,
APPROUVONS
La décision de la Commission européenne
de créer et de financer une structure de soutien technique et
promotionnel, y compris la mise en Ïuvre d'instruments d'évaluation
et de suivi, de mécanismes visant à faciliter le partage de
savoir-faire entre territoires et d'outils facilitant la reproduction et la
multiplication des mesures efficaces, dans les limites du budget
prévu,
Le rTMle de coordinateur de la Commission
européenne de la conférence annuelle de la Convention
des maires pour une Europe de l'énergie durable,
L'intention déclarée de la Commission
européenne de faciliter l'échange d'expérience
entre les territoires participants, et la proposition de
recommandations et d'exemples de référence pour leur
éventuelle mise en Ïuvre, et de faire le lien avec des
activités existantes et des réseaux promouvant le rTMle des
gouvernements locaux dans le domaine de la protection du climat. Ces exemples
de
référence devraient faire partie intégrante
de cette Convention, sous la forme d'annexes,
L'appui apporté par la Commission
européenne à la reconnaissance et à la visibilité
publique des villes et communes participant à la Convention, en
utilisant un logo Énergie durable pour l'Europe et en mettant ses outils
de communication au service de la promotion de l'initiative,
Le soutien appuyé du Comité des
Régions en faveur de la Convention et de ses objectifs, en tant
que représentant des autorités locales et régionales au
sein de l'Union européenne,
L'assistance que les Etats membres, Régions,
Départements, villes tutrices et autres structures
institutionnelles soutenant la Convention apportent aux
municipalités plus petites afin de permettre à ces
dernières de remplir les conditions posées par la Convention,
NOUS, LES MAIRES, DEMANDONS QUE
La Commission européenne et les administrations
nationales mettent en place des programmes de coopération et
des structures de soutien cohérentes qui aident les signataires à
mettre en Ïuvre leurs Plans d'action en faveur de l'énergie
durable,
La Commission européenne et les administrations
nationales considèrent les activités au sein de la
Convention comme des priorités dans leurs programmes d'aide respectifs,
informent les villes quant à la préparation des politiques et des
programmes de financement pour le niveau local, et impliquent celles-ci dans ce
même processus,
La Commission européenne négocie avec
les acteurs financiers la création de dispositifs financiers
visant à faciliter la réalisation des tâches prévues
par les Plans d'action,
Les administrations nationales impliquent les
autorités locales et régionales dans la préparation et la
mise en Ïuvre des Plans d'action nationaux en matière
d'efficacité énergétique et des Plans d'action nationaux
pour la promotion des sources d'énergie renouvelables,
La Commission européenne et les administrations
nationales soutiennent la mise en Ïuvre de nos Plans d'action en
faveur de l'énergie durable qui soit en accord avec les principes,
règles et modalités déjà convenus et ceux qui
pourront l'être dans le futur à un niveau mondial par les parties
prenantes, en particulier au sein de la Convention-Cadre des Nations Unies sur
le Changement Climatique (CCNUCC). Notre engagement actif dans la
réduction des émissions de CO2 pourrait aussi se traduire par un
objectif global plus ambitieux.
NOUS, LES MAIRES, ENCOURAGEONS D'AUTRES COLLECTIVITES
TERRITORIALES Ë SE JOINDRE Ë L'INITIATIVE DE LA CONVENTION DES
MAIRES, AINSI QUE D'AUTRES ACTEURS MAJEURS CONCERNÉS Ë OFFICIALISER
LEUR CONTRIBUTION A LA CONVENTION
ANNEXES
1. RTMle des autorités locales dans la mise en
Ïuvre des actions
Des actions en faveur de l'efficacité
énergétique, des projets favorisant le développement des
énergies renouvelables et d'autres mesures relatives à
l'énergie peuvent être développés dans les divers
domaines d'activité relevant de la compétence des
autorités locales et régionales.
· Consommateurs et prestataires de services
Les autorités locales et régionales occupent de
nombreux bâtiments qui consomment des quantités substantielles
d'énergie, que cela soit pour le chauffage ou l'éclairage. En
introduisant des programmes d'économie d'énergie et des actions
spécifiques dans les bâtiments publics, des économies
considérables d'énergie peuvent être
réalisées.
Les autorités locales et régionales assurent
également la fourniture de services très consommateurs
d'énergie comme le transport public ou encore l'éclairage public,
pour lesquels des améliorations peuvent être apportées.
Même lorsque ces services sont délégués à des
prestataires privés, des mesures visant à diminuer la
consommation d'énergie peuvent être introduites dans les
conventions de délégation de gestion.
· Planificateurs, développeurs et
régulateurs
L'aménagement du territoire ainsi que l'organisation
des systèmes de transport relèvent de la responsabilité de
la plupart des autorités locales et régionales. Des
décisions stratégiques en matière de développement
urbain telles que la lutte contre l'étalement urbain peuvent
réduire la demande d'énergie liée au transport.
Les autorités locales et régionales peuvent
souvent jouer un rTMle de régulateur, par exemple en fixant des
critères en matière de performance énergétique ou
en imposant l'intégration des énergies renouvelables dans la
construction de nouveaux bâtiments.
· Conseil, incitation, exemplarité
Les autorités locales et régionales peuvent
informer et inciter l'ensemble des acteurs du territoire, particuliers,
entreprises, etc., à une utilisation plus efficace de l'énergie.
Les campagnes de sensibilisation sont importantes afin d'obtenir le soutien de
l'ensemble des acteurs aux politiques énergétiques durables. Les
enfants, dans la mesure oü ils sont vecteurs d'information au-delà
de l'école, jouent un rTMle particulièrement important dans les
projets en matière d'économie d'énergie et
d'énergies renouvelables. Il est également important que les
autorités locales et régionales soient à l'avant-garde et
montrent l'exemple en matière d'actions énergétiques
durables.
· Producteurs et fournisseurs
Les autorités locales et régionales peuvent
encourager la production locale d'énergie et le recours aux
énergies renouvelables. Les systèmes de
cogénération et de chauffage urbain utilisant la biomasse en sont
de bons exemples. Les autorités locales et régionales peuvent
également encourager le grand public à développer des
projets en la matière en soutenant financièrement les initiatives
locales.
2. Réseaux d'excellence
Il s'agit d'initiatives et de programmes proposant un
modèle mondial de mise en Ïuvre réussie, dans des contextes
urbains, de concepts de développement en matière d'énergie
durable. Les représentants des réseaux d'excellence affirment
à travers la Convention leur volonté de partager leur
expérience et d'aider les villes et régions à mettre en
Ïuvre des approches similaires, quand cela est réalisable et
approprié. Ils s'engagent également à faciliter le
transfert de savoir-faire en diffusant l'information, y compris des
recommandations, en participant aux manifestations de la Convention des
maires et, d'une façon générale, en
coopérant quotidiennement avec celle-ci.
De nouveaux réseaux d'excellence peuvent rejoindre la
Convention à n'importe quel moment, pour autant :
· que leur potentiel soit évalué et
jugé excellent par des experts agissant pour le compte de la Commission
européenne,
· qu'ils soient soutenus par au moins un maire signataire
de la Convention,
· qu'ils s'engagent à rédiger un programme
de diffusion à destination des autorités locales membres de la
Convention et à évaluer l'impact de leurs actions dans le cadre
de la Convention.
3. Structures de soutien
La Convention des maires est ouverte aux villes
européennes de toute taille. Les villes qui, du fait de leur taille,
n'ont pas les ressources nécessaires pour préparer un bilan ou
travailler à l'élaboration d'un Plan d'action devraient
être soutenues par les structures disposant de telles capacités.
Ces structures peuvent être des Régions, des Départements,
des agglomérations, oü des villes assurant un rTMle de "tuteur".
Chacune de ces structures sera reconnue comme un acteur clé du de la
Convention. Leur degré d'engagement dans les activités de la
Convention ainsi que les conditions spécifiques de cet engagement, et
notamment les pouvoirs de décisions, seront détaillés dans
un accord écrit.
Strasbourg, le 28 janvier 2010 Communiqué de
presse
Introduction inédite de repas à faible
coüt carbone dans les restaurants scolaires de Strasbourg
L'introduction occasionnelle de repas sans viande avec
substitution de protéines végétales,
réalisée pour la première fois ce jeudi par la Ville de
Strasbourg, en lien avec l'Alsacienne de restauration, est un levier non
négligeable pour faire baisser de manière sensible l'impact
environnemental des repas scolaires.
Depuis 2008, Strasbourg a fait du développement durable
un axe fort de sa politique. Sensible aux enjeux climatiques, la Ville est en
train de définir un Plan Climat qui lui permettra de réduire ses
propres émissions de gaz à effet de serre. Ce Plan, en cours de
finalisation, viendra conforter celui de la Communauté urbaine de
Strasbourg, qui doit être approuvé lors du prochain conseil
communautaire, prévu le 5 février. La Ville n'a, bien sür,
pas attendu l'élaboration d'un tel Plan pour agir là elle oü
elle pouvait. Un comportement qui a aussi valeur d'exemple, la commande
publique servant aussi de levier pour entra»ner les fournisseurs dans une
démarche similaire.
En 2009, Strasbourg a franchi une étape
supplémentaire en insérant de manière substantielle des
exigences environnementales et sociales dans son marché de restauration
scolaire. La Ville n'a pas attendu l'année-butoir de 2012, fixée
par le Ç Grenelle de l'environnement È, pour introduire un
minimum de 20% d'aliments issus de l'agriculture biologique dans les assiettes
des élèves.
Chaque jour, à Strasbourg, quelque 7000 repas sont
livrés dans les restaurants des écoles et les structures de la
petite enfance ne disposant pas de cuisine centrale. La Ville a donné
pour consigne à l'Alsacienne de restauration, prestataire ayant
remporté le marché de la restauration scolaire, de :
· réduire de 3% par an au moins les émissions
de CO! générés par les repas livrés,
· privilégier autant que possible les aliments
respectueux du développement durable et promouvoir par ce biais la
filière d'agriculture biologique,
· valoriser l'emploi des personnes en difficulté
d'insertion.
Strasbourg entend développer un rTMle à la fois
éducatif et citoyen, en incitant les élèves de
même que leurs parents et entourage à développer des
comportements
Direction de la Communication Ð fax 03 88 43 66
42 Centre administratif Ð 1 parc de l'Etoile Ð 67076 Strasbourg
cedex
www.strasbourg.eu
respectueux de l'environnement. Car agir sur ses choix
alimentaires, en privilégiant des repas faibles en carbone, peut
permettre de diminuer jusqu'à un tiers de nos émissions de gaz
à effet de serre, selon les experts.
Afin de sensibiliser plus avant les jeunes
générations, une animation trimestrielle est de même
organisée pendant le repas sur les liens entre alimentation et
santé et sur la préservation de l'environnement.
Diminuer le coüt carbone des repas en milieu
scolaire, une priorité strasbourgeoise
En vue de répondre aux attentes de la Ville qui lui
demande de diminuer de 3% les gaz carboniques générés par
ses prestations, l'Alsacienne de restauration a d'abord procédé
à un bilan carbone de l'activité de la cuisine centrale de
Schiltigheim oü sont préparés tous les repas des
écoliers strasbourgeois. L'étude a conclu que les
émissions les plus importantes de CO! provenaient des matières
premières, à savoir les aliments eux-mêmes et en premier
lieu les viandes bovines.
Le recours à des aliments issus de l'agriculture
biologique et provenant en priorité des champs voisins a ainsi
été introduit à cette occasion. Désormais, les
pommes, carottes, céleris, choux, blancs et rouges, et tomates en saison
estivale, utilisés pour la confection des repas, sont
systématiquement bio (label AB ou équivalent). La Ville en a fait
une obligation auprès du prestataire. Elle a également
exigé de lui la garantie que le respect de l'équilibre
nutritionnel et du rythme des saisons seraient respectés dans le choix
des aliments qui composent les menus.
A présent, il est proposé de remplacer de
manière occasionnelle une viande bovine par des protéines
végétales.
A terme, c'est toute la gestion des déchets et des
emballages tout comme le transport des repas qui seront revus.
Déjà, certaines dispositions ont été prises dans
cette optique : les serviettes en papier sont en papier recyclé non
blanchi, toute indication de marque ou de société est proscrite
pour éviter toute pollution liée à l'utilisation d'encres
d'impression.
L'insertion sociale, au coeur de cette
démarche
Parce que le développement durable prend aussi en
compte la dimension sociale, il a été ajouté à ce
marché particulier de la restauration scolaire une clause d'insertion
sociale qui a d'ores et déjà permis de créer plusieurs
emplois.
Contact presse : Véronique
PETITPREZ 03 88 60 96 81 / 06 45 64 22 74
veronique.PETITPREZ@cus-strasbourg.net
Direction de la Communication Ð fax 03 88 43 66
42 Centre administratif Ð 1 parc de l'Etoile Ð 67076 Strasbourg
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