1.2 Suivi de trajectoire pour un sous-marin dont le
mouvement est régi par les lois de Kirchhoff [MS.7]
Dans cette section nous étudions la commande d'un
véhicule ellipsoïdal immergé dans un volume infini de fluide
idéal. Le modèle choisi est adapté à la description
du mouvement des véhicules sous-marins sans pilote.
Nous supposons dans la suite que le véhicule a la
même densité moyenne que le fluide (de telle sorte que sa
dynamique n'est pas affectée par la gravité) et que son centre de
masse coïncide avec le centre de l'ellipsoïde. Nous supposons aussi
que le fluide est non visqueux, incompressible, irrotationnel et qu'il remplit
R3. Sous ces hypothèses, le mouvement du véhicule est
décrit par les lois de Kirchhoff (cf. [70]). En raison de la nature
potentielle du fluide l'état du système est
déterminé par un nombre fini de paramètres.
Notons par r ? R3 la position du
centre de masse du véhicule et par A ? SO(3) son
orientation, calculées par rapport à un système de
coordonnées galiléen. Notons aussi par v et
ù ses vitesses linéaire et angulaire,
calculées par rapport à un système de coordonnées
attaché au véhicule. Nous avons
Aÿ =
AS(ù), rÿ =
Av, (1.1)
oh S : R3 ? so(3)
est la bijection linéaire qui associe à un vecteur x ?
R3 la matrice 3 × 3
antisymétrique S(x) telle que
x ? y = S(x)y
pour tout y dans R3.
Associons à (ù, v) les
impulsions correspondants (II, P) définis
par
! !
II ù
= M , (1.2)
P v
oh la matrice
)
Je + Jf
03×3
M = 03×3
Me + Mf
est composée des blocs 3 × 3
suivants : Je est la matrice d'inertie de
l'ellipsoïde; Me est la matrice
identité 3 × 3, dénotée par Id3 dans
la suite, multipliée par la masse du véhicule; Jf
et Mf prennent en compte l'action du fluide sur le
solide. La forme ellipsoïdale du véhicule implique que Jf
et Mf sont diagonales par rapport au repère
donné par les axes de l'ellipsoïde. Les coefficients de Jf
et Mf sont obtenus à partir des solutions de
certaines problèmes aux limites associés à
l'équation de Laplace et ne dépendent pas de la distribution de
masse à l'intérieur du solide.
La dynamique suivie par (Ð, P) est
donnée par les équations de Kirchhoff :
{ Ðÿ = Ð ? ù
+ P ? v + T,
(1.3)
Pÿ = P ? ù
+ F,
oil T et F sont respectivement
le couple et la force extérieurs appliqués au solide.
Une dernière hypothèse simplificatrice est que
les axes d'inertie du véhicule coïncident avec les axes de
l'ellipsoïde. Cela est vrai, par exemple, si la distribution de masse du
sous-marin est symétrique par rapport à au moins deux des plans
engendrés par les axes de l'ellipsoïde.
Sous les conditions présentées ci-dessus, la
matrice M peut être supposée diagonale. Notons
par M1, M2, M3 et
J1, J2, J3 les entrées
diagonales de Me + Mf et
Je + Jf respectivement.
Supposons que le sous-marin soit commandé par une
accélération le long de l'un des axes de l'ellipsoïde et par
deux accélérations angulaires autour des deux autres
axes. T et F s'écrivent alors
?
?
T=?
|
u1 0
u2 ) , F =
(0 ) , u1, u2,
u3 ? R.
0 u3
|
Le système ainsi obtenu a déjà
été considéré du point de vue du contrôle par
nombreux auteurs : signalons [13, 30, 31, 72, 88] pour la commande des
équations de Kirchhoff et [40, 47, 46] pour le modèle complet
(états-impulsions).
Nous pouvons démontrer le résultat suivant.
Théorème 1.7
Soit J1 =6 J2 ou
M1 =6 M2. Alors, le système de
contrôle (1.1)-(1.3) est complètement commandable en temps
arbitrairement petit. De plus, pour toute trajectoire lisse
(A, r) : [0,
T] ? SO(3)×R3,
pour toutes conditions initiales Ð0, P0
? R3 et pour toute tolérance o
> 0, il existe une loi de commande mesurable et
bornée u =
(u1,u2,u3) : [0,
T] ? R3 telle que la
trajectoire t 7?
(A(t),r(t),Ð(t),P(t))
de (1.1)-(1.3) correspondant à u et avec
condition initiale
(A(0),r(0),Ð(0),P(0))
= ( A(0),
r(0),Ð0, P0)
vérifie ||
A(t) -
A(t)|| +
||r(t) -
r(t)|| < o pour
tout t ? [0, T].
La démonstration du théorème est
basée sur une approche de type backstepping : on utilise les
coordonnés Ð1, Ð2 et P3, qui sont
contrôlées directement par u1,
u2 et u3, comme nouvelles commandes dans les
équations de Ð3, P1 et P2. Nous
commandons ces dernières suffisamment bien (c'est-à-dire au sens
intégral, comme énoncé dans le lemme 1.8) pour pouvoir les
utiliser à leur tour comme commandes dans les équations
de r et A. Le point clé de la
démonstration est donc le suivant.
Lemme 1.8 Soit J1
=6 J2 ou M1 =6
M2. Fixons T > 0 et une courbe
lisse (Ð, P ) :
[0, T] ? R6.
Il existe alors une suite un
dans L°°([0,
T], R3) telle que la suite
(Ðn, Pn) de
solutions de (1.3) correspondant à
un et ayant
(Ðn(0), Pn(0)) =
(Ð(0), P (0)) comme
condition initiale satisfait
(Ðn1(T),
Ðn2 (T),
P1n
(T),
P2n
(T),
P3n
(T)) ?
(Ð1(T),
Ð2(T), P1(T),
P2(T),
P3(T)),
Ðn3(t)
? Ð3(t),
fot t
(Ð7ii
(ô)
,Ð72'
(ô) , Pli
(ô) , II
(ô) , PT'
(ô))d --> r f
(Ð1(ô)
,Ð2(ô) ,
P1(ô) , P2
(ô), P3
(ô))dô
0
pour n ? 8, oil les deux
dernières convergences sont uniformes par rapport à
t ? [0, T].
La méthode de démonstration fournit un algorithme
pour sélectionner une famille de lois de commande oscillantes qui
donnent lieu au suivi de trajectoire souhaité pour une
fréquence
-8
-10
-12
-14
-16
-0
-2
-4
-6
-8
-10
-12
-14
-16 2
-6
X
-16
-4
-0 -2 -4
-10
Y
1.00 0.95 0.90 0.85 0.80 0.75 0.70 0.65 0.60
0 2 4 6 8 10 12 14 16
FIGURE 1.1 - Evolution de la position r du
centre de masse du sous-marin et de l'entrée
A3,3 de la matrice d'orientation. La cible est la
courbe (A(t),
r(t)) = (Id3,
--(t, t, t)) et la condition initiale pour les impulsions
est Ð0 = P0 = 0.
suffisamment grande des oscillations. Si l'approche
utilisée pour démontrer le théorème est
essentiellement du type boucle ouverte, les simulations montrent bien comment
le taux de convergence vers la trajectoire cible peut être
amélioré grâce à l'utilisation de termes correctifs
en boucle fermée.
Un exemple de suivi obtenu en appliquant cet algorithme (en
langage Scilab) est présenté dans la figure 1.1.
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