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La coopération décentralisée entre la France et le Cameroun : un véritable partenariat ?

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par Cyprien BASSAMAGNE MOUGNOK
Université de Yaounde II - Soa - Master II 2007
  

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PARAGRAPHE 2 : LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE-CAMEROUN A L'EPREUVE DE LA ROBUSTESSE DE LA RECIPROCITE

La notion de coopération s'oppose à celle de conflit. Théoriquement, elle peut être définie comme un mode de relations internationales qui implique la mise en oeuvre d'une politique poursuivie pendant une certaine durée de temps et destinée à rendre plus intimes, grâce à des mécanismes permanents, les relations internationales dans un ou plusieurs domaines déterminés sans mettre en cause l'indépendance des unités concernées (Gonidec, 1974 : 390-396). A cette première définition de la coopération, que nous propose Jean François Gonidec, nous pouvons en ajouter une autre.

En effet, le terme coopération a succédé à beaucoup d'autres tel que celui d'aide aux pays sous développés ou en voie de développement (Essama, 1984 : 47), il y a dans ces variations quelque chose de réel. Dans une politique de coopération avec les pays en voie de développement, ceux qui donnent et ceux qui reçoivent doivent faire des échanges dans lesquels chacun apporte quelque chose à l'autre11(*) car la « coopération fondée sur la réciprocité peut être un facteur créateur d'ordre en soi » (Axelrod, 1992 : 171). Cette démarche nous semble opératoire dans le cadre des jumelages franco-Camerounais dans la mesure où la logique du « Donnant - Donnant » y serait sinon totalement parfaite du moins présente. Pour s'en convaincre, peut-être serait-il intéressant d'identifier la question de la réciprocité (A) à partir des transactions collusives inhérentes à cette nouvelle forme de coopération internationale entre la France et le Cameroun (B).

A- LA QUESTION DE LA RECIPROCITE

1) Le principe de réciprocité

L'échange social est un pari sur la réciprocité. Cette notion exprime le fait que la coopération repose sur la logique du « donnant - donnant » qui consiste à donner mais aussi à recevoir. On ne peut la concevoir comme une aide à sens unique du Nord vers le Sud ; c'est pourquoi la question de la réciprocité ne relève pas nécessairement du financement puisque la coopération décentralisée est avant tout financée par la France (Albine, 1999). Les effets retours (Allou ; Di Loreto, 2000) du Sud vers le Nord sont d'une toute autre nature (Albine, 1999 : 48). L'apport des collectivités locales camerounaises à leurs homologues de l'hexagone est plus indirect comme le lien social (Lévi Strauss, 1949) que peut créer la mobilisation citoyenne autour d'un projet.

La réciprocité est alors sans doute présente si on fait abstraction de la différence de nature entre les échanges. En effet, on apprend toujours de l'autre, de sa culture ce qui peut constituer en soi un échange. Néanmoins, il faut constater que le plus souvent, cette réciprocité se fait au travers d'actions symboliques. Des biens symboliques comme le prestige ou le pouvoir peuvent, nous le savons bien, s'échanger contre des biens matériels. Les biens matériels eux-mêmes sont à des degrés variables des supports de symboles alors que les produits symboliques ne peuvent se passer totalement de supports matériels. L'échange social au sens plein du terme n'implique pas nécessairement la circulation des biens de nature économique. Il se réfère à des valeurs rares, qu'il s'agisse du prestige, de l'honneur ou du pouvoir. Ces biens symboliques et non économiques au sens substantif du terme relèvent en partie d'une logique de la rareté quand bien même ils ne sont pas traduisibles en prix (Médard, 1995 : 29).

En sortant de l'apport concret pour entrer dans le retour immatériel, doit-on nécessairement réduire la notion de "réciprocité" à une idéologie comme le fait Bourdieu (1980) lorsqu'il affirme qu'il n'y a jamais vraiment réciprocité car l'échange est toujours inégal ? N'est-elle qu'« un voeu pieux ou même une expression politiquement correcte consistant à nier le caractère profondément inégal de l'échange » (Allou ; Di Loreto, 2000 : 104 - 107) ?

La complexité de cette question tient au caractère polymorphe du terme réciprocité que chacun comprend finalement à sa façon. Il est évident que la réciprocité ne peut se réduire à des opérations comptables encore moins au financement. Il s'agit à contrario de « s'enrichir et de progresser ensemble, c'est trouver ensemble des réponses à des enjeux de développement commun » (Allou ; Di Loreto, 2000). Il serait particulièrement intéressant de noter que cette notion de réciprocité est un vocabulaire propre à la coopération Nord-Sud, alors qu'il ne se pose pas dans la coopération Nord-Nord comme si cette notion avait pour objet de masquer, de pallier, de rééquilibrer un échange jugé quoi qu'il en soit inégal. Dans tous les cas, l'essentiel ici c'est de reconnaître que dans le cadre de la coopération décentralisée Nord-Sud, les objets échangés ne peuvent pas être de même nature. C'est d'ailleurs pourquoi parfois l'apport du Nord peut être matériel et donc quantifiable alors que celui du Sud est immatériel. Raymond Aron avait été frappé par cet aspect des choses ; il s'attacha tout d'abord à démontrer que la politique ne pouvait jamais prétendre être rationnelle. D'après lui, l'erreur commise par ses prédécesseurs résidait dans le choix d'une définition trop étroite de l'intérêt. Originellement envisagé en termes purement matériels, l'intérêt pouvait dans ces conditions être quantifié et rationalisé. Une décision politique était donc jugée rationnelle quand son coût était inférieur au profit attendu, or « le coût et le profit d'une guerre ne sont pas susceptibles d'une évaluation rigoureuse » (Roche, 2000 : 106-107). L'Etat peut certes poursuivre des objectifs matériels tels l'accroissement de sa richesse, la soumission d'une population voisine, ou la conquête de nouveaux territoires. Encore faut-il ajouter à ces intérêts matériels la notion d'intérêts immatériels, les ambitions historiques d'une nation intègre également des buts non susceptibles d'être quantifiés tels la recherche de la puissance, la poursuite de la gloire ou encore le triomphe d'une idée. Que les hommes puissent mourir pour des principes abstraits conduisit Raymond Aron à considérer que la politique n'était jamais totalement raisonnable.

Dans le cadre de la coopération décentralisée, très souvent on attribue aux collectivités locales Camerounaises un savoir-faire en terme d'ingénierie sociale, notamment la participation citoyenne, l'animation des quartiers, etc. C'est ici que la réciprocité est appréciée par certains Maires à son juste titre. C'est dans cette mouvance que le Maire de Tigeaux rencontrera un accueil particulièrement enthousiaste des populations de la localité d'Akoeman qui auraient minutieusement constitué des groupes de danses folkloriques à l'occasion de cette visite et fait exécuter la « Marseillaise » par le chef de village « Akoezolé » et ses administrés.

Les « effets retours » dans le partenariat France-Cameroun ne peuvent être de même nature car les attentes et les moyens de chacun ne sont pas les mêmes : la notion de partenariat qui implique un échange de prestations au service des intérêts mutuels des parties est donc bel et bien effective. D'ailleurs, elle transparaît également dans la dimension internationale de l'interdépendance.

* 11 Discours sur la coopération prononcé par M. Pompidou alors premier ministre français à l'assemblée nationale le 10 Juin 1964.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard